2. 1. Les impacts comptables liés aux opération d’ICO’s 3
Nature comptable des tokens vendus 3
Notion de prestations de services 3
Parallèle avec le crowdfunding 3
L’option à privilégier : la comptabilisation en chiffre d’affaires 4
Fait générateur de la prestation de services 4
Comptabilisation du chiffre d’affaires: quelle méthode utiliser ? 5
Définition de la méthode à l’avancement 5
Conditions d’utilisation de la méthode 5
Conditions à remplir dans la pratique 5
Impacts comptables 5
Nature comptable des tokens attribués en échange de services (Advisors) 6
Principe généraux 6
La classification en salaires impossible 6
La conception restrictive des « avantages en nature » 7
La seule option envisageable en l’état 7
Problématique des « taux de conversion » 7
2. Les impacts fiscaux liées aux opérations d’ICO’s 8
Impôts sur les sociétés 8
Règles générales d’imposition 8
Impact fiscal des différentes méthodes de comptabilisation du CA 8
TVA 9
Règles générales en matière de TVA 9
Principes applicables aux tokens 9
Date d’exigibilité 9
Territorialité 10
Impact sur le suivi des ventes de tokens 10
3. Autres impacts : la nomination d’un Commissaire aux Comptes 10
Définition et rôle du CAC 10
Rappel des seuils légaux 10
Autre rôle possible du CAC : sécuriser les investisseurs 11
3. 3
Dans cette zone d’ombre, il est tentant d’appliquer
l’adage « if there’s no rule, then make the rule ».
L’idée de ce document n’est cependant pas de créer
la règle, mais d’appliquer à de nouvelles
problématiques des règles déjà existantes. En effet,
l’arrivée d’internet en son temps avait également
suscité de nouvelles craintes et interrogations sur les
traitements comptables et fiscaux de certaines
opérations, le code de commerce n’en a cependant
pas été bouleversé pour autant.
Dans les paragraphes suivants, nous ne traiterons
que du cas des « utility tokens » car représentant la
classe de jetons prépondérante dans les ICO’s
actuelles et la plus « simple » à appréhender du point
de vue comptable et fiscal en l’absence de toute
règlementation.
Impacts comptables liés aux ICO’s
Nature comptable des tokens vendus
Notion de prestation de services
A titre introductif, rappelons une fois encore que la
possession d’un utility token permet à son détenteur
d’utiliser le futur service que l’entreprise émettrice
entend développer grâce aux fonds récoltés via
l’ICO. Une fois les tokens acquis, les investisseurs ont
la possibilité de les conserver en vue d’utiliser le
service à venir ou de les céder sur une plateforme
d’échange pour générer une plus-value.
Pour prendre une image simple, on peut comparer
les utility tokens à des préventes d’un service encore
inexistant. L’acheteur a en effet la possibilité
d’attendre la sortie du produit pour utiliser sa
prévente ou la revendre sur une marketplace.
Parallèle avec le crowdfunding
L’absence de cadre règlementaire associé aux ICO’s
nous oblige à raisonner par analogie avec des
situations ou opérations similaires en termes de
fonctionnement. A ce titre, on peut citer le
crowdfunding (ou financement participatif) comme
exemple déjà existant dont le fonctionnement se
rapproche du cas traité ici, à savoir : le financement
d’un bien ou service inexistant et financé par des
personnes physiques ou morales extérieures au
projet, qui ne sont ni créanciers, ni actionnaires (on
exclut ici les opérations d’equity crowdfunding) et
qui reçoivent en échange un droit d’utilisation du
futur service à des conditions préférentielles.
Si l’émergence du crowdfunding n’a pas provoqué
en son temps de bouleversement comptable, il n’y a
pas de raison que celle des ICO’s n’ai plus d’impact.
Il faudra tout au plus préciser l’application des règles
comptables déjà existantes dans le cadre des
opérations d’ICO’s.
Quelles « best practices » en
matière de comptabilité et
fiscalité pour les opérations
d’ICO’s ?
Devenues une véritable alternative au financement de projets « classique », les Initial
Coin Offering (ci-après ICO’s) se développent rapidement en l’absence de cadre
juridique et comptable encore bien défini. Cette absence, quoique que bientôt
comblée au cours des prochains mois (l’AMF et les différentes instances de la
profession comptable planchant actuellement sur ce sujet) laisse place en l’état à
l’interprétation sur les impacts comptables et fiscaux de ces opérations pour les
sociétés émettrices.
4. 4
L’option à privilégier : la comptabilisation en chiffre
d’affaires
Si on suit la logique de la prévente, le produit issu de
la cession de ces tokens est assimilable à un chiffre
d’affaires généré par la société. En effet, si l’on se
réfère à la définition du PCG (article 512-2), le chiffre
d’affaires est « constitué par les ventes […] de
prestations de services […] réalisée avec des tiers
dans l’exercice de l’activité professionnelle normale
et courante de l’entreprise ». C’est l’option qui a
apparemment été retenue par la direction de la
société DomRaider dans le cadre de l’ICO réalisée en
Septembre 2017.
Fait générateur de la prestation de services
Une fois la classification en chiffre d’affaires traitée,
reste à déterminer la date de ce que l’on appelle le
« fait générateur » de la prestation, c’est-à-dire le
moment ou le transfert de propriété du service vendu
à eu lieu.
En effet, selon les règles comptables, le chiffre
d’affaires lié à une vente de prestation de services ne
doit être enregistré qu’au moment de la réalisation
du service vendu.
Dans le cas des ICO’s une zone d’ombre existe quant
à la nature même du service en question : en effet, le
service vendu à l’investisseur est-il simplement le
droit de posséder le token (option n°1) ou bien au
contraire le droit d’utiliser le futur service que
l’entreprise entend développer grâce à l’ICO (option
n°2) ?
Option 1 : l’opération de vente porte sur la
transmission des tokens de l’émetteur aux
souscripteurs
Dans ce cas, la vente est considérée comme
définitive au moment du transfert de propriété des
tokens, c’est-à-dire au moment ils sont transférés
sur le wallet de l’investisseur (en prenant pour
hypothèse que la Soft Cap a déjà été atteinte et
qu’aucun remboursement n’est possible).
Opter pour cette option implique donc pour la société
de comptabiliser la totalité du chiffre d’affaires lié à la
vente de tokens dès la fin de l’ICO (avec les impacts
fiscaux que cela implique et qui sont présentés un
peu plus loin dans ce document).
Option 2 : l’opération de vente porte sur la réalisation
du service futur financé par l’ICO
Cette fois-ci, la règle applicable est de ne
comptabiliser le chiffre d’affaires issu de la vente des
tokens qu’au moment de l’exécution du service
vendu (Avis du CNC, Bulletin N°25 janvier 1976)
c’est-à-dire à la date de réalisation du service final.
Date à partir de laquelle les investisseurs vont
pouvoir utiliser leurs tokens sur l’application créée.
Le temps de développement des principales
solutions financées par ICO étant généralement long
et portant sur plusieurs périodes comptables
(souvent deux), les impacts de cette option sont
nombreux :
- Au niveau comptable, la constatation du chiffre
d’affaires est décalée dans le temps et n’est réalisé
dans les états financiers de l’émetteur qu’une fois le
projet finalisé (généralement l’année suivant celle de
l’ICO) ;
- La fiscalité liée à l’opération est fortement allégée par
rapport à l’option n°1 (voir le traitement des impacts
fiscaux un peu plus loin dans ce document) ;
- Meilleure gestion de la trésorerie qui découle de
l’optimisation de la fiscalité et du décalage du
paiement de l’impôt (voir le traitement des impacts
fiscaux un peu plus loin dans ce document).
A première vue donc, la seconde option semble être
bien plus avantageuse que la première pour toutes
les raisons indiquées ci-dessus.
Cependant, tout n’est pas si facile et ce choix
comporte un certain nombre de risques et de
conditions pour pouvoir être mis en œuvre. En effet,
pour pouvoir prétendre à l’option n°2, le prestataire,
c’est-à-dire l’émetteur, doit être tenu à une
obligation de résultat c’est-à-dire qu’il s’engage à
procurer le « résultat déterminé » à ses investisseurs,
à savoir le développement et la mise à disposition du
projet financé par l’ICO.
S’il échoue dans sa mission, l’émetteur est
théoriquement tenu de rembourser les fonds
avancés par les investisseurs, ce qui dans la pratique,
demeure assez risqué en cas de développement
technique très complexe.
Cet engagement peut prendre la forme d’une
mention explicite dans son White Paper.
Le choix entre l’option 1 et l’option 2 dépend de
l’interprétation de chaque émetteur sur la finalité de
son ICO. Il nous est impossible à ce stade de nous
prononcer sur quelle approche sera retenue par les
différentes autorités (AMF, Administration fiscale,
Autorité des Normes Comptables, …) pour
l’établissement du futur cadre réglementaire et
comptable/fiscal à venir. Il appartient donc à chaque
5. 5
société émettrice de tokens de choisir l’option
qu’elle considère comme la plus appropriée au vu
de son projet et des conditions et risques associés à
chacune des deux options.
Comptabilisation du chiffre d’affaires :
quelle méthode utiliser ?
Dans l’option n°1 vue précédemment, l’entreprise n’a
pas d’autre choix que de comptabiliser l’intégralité
des ventes de tokens au moment de leur émission,
c’est-à-dire au moment son ICO.
A l’inverse, si l’on se place dans l’option n°2, elle
dispose d’une relative souplesse dans le choix de la
comptabilisation de son chiffre d’affaires. Elle peut en
effet soit opter pour la méthode de l’achèvement
(c’est-à-dire comptabiliser 100% des ventes de
tokens une fois le projet complètement achevé), soit
choisir la méthode dite « de l’avancement ».
Dans certains secteurs d’activité ou l’on assiste à la
réalisation de projets sur longue durée (bâtiment,
construction navale ou aéronautique, informatique),
il n’est pas rare de comptabiliser les ventes et les
coûts associés aux projets selon une méthode
alternative : la méthode de l’avancement.
On entend par « contrat de longue durée », un contrat
dont l’exécution s’étend sur au moins deux périodes
comptables, et dont les dates de démarrage et de fin
se situent dans deux périodes comptables
différentes (art. 662-1 du PCG).
Cette option, qui ne peut être choisie qu’en
respectant plusieurs conditions, peut s’avérer très
avantageuse d’un point de vue fiscal ainsi qu’en
terme de gestion de trésorerie.
Définition de la méthode à l’avancement
La méthode de l’avancement consiste à
comptabiliser les ventes et les coûts associés à un
projet au fur et à mesure de son niveau
d’avancement. Concrètement, même si l’intégralité
du projet a déjà été facturé aux clients en amont, le
chiffre d’affaires correspondant n’est reconnu que
partiellement en fonction des différents jalons atteint
par l’entreprise. Cette méthode est considérée
comme « préférentielle » par le PCG (art. 622-7) dans
le cadre de contrats de longue durée, une fois
retenue par l’entreprise cette option est irréversible.
Conditions d’utilisation de la méthode à
l’avancement
La possibilité d’opter pour la méthode de
l’avancement est conditionnée au respect des
dispositions de l’article 123-21 du Code de
Commerce, et notamment :
- la mise en place d’un inventaire des biens et travaux
en cours à la clôture de l’exercice. En effet, il est
difficilement concevable de se prévaloir d’un niveau
d’avancement à la date de clôture comptable si
l’entreprise n’est pas capable de déterminer ce
dernier ;
- l’existence de documents comptables prévisionnels
pour chaque projet permettant notamment de
modéliser les coûts de développement à venir de
manière fiable jusqu’à la fin du projet ;
Conditions à remplir dans la pratique
Dans la pratique, les deux conditions énoncées ci-
avant nécessite l’existence et/ou la mise en place :
- d’une comptabilité analytique, c’est-à-dire
permettant la distinction des produits et coûts projet
par projet ;
- la mise en place en amont du projet d’une Roadmap
claire et précise indiquant les différents jalons
d’étape et les pourcentages d’avancement associés
à ces jalons ;
- Un fichier de suivi hyper précis des dépenses ainsi
que des facturations correspondantes ;
Concrètement, à la clôture de son exercice
comptable, la société détermine un pourcentage
d’avancement du projet en fonction des coûts
imputés à date et l’applique sur le chiffre total
encaissé au moment de la vente des tokens.
Impacts comptables
Option 1 :
Dans ce cas de figure, le chiffre d’affaires est
comptabilisé au moment de l’ICO, tandis que les
coûts de développement sont enregistrés au fur et à
mesure des différentes prestations réalisées.
Option 2 :
Dans l’hypothèse où l’émetteur considère que c’est
le droit d’utiliser son futur service qui fait l’objet de la
transaction à travers la vente de son token, l’impact
comptable de ce choix va dépendre de la méthode
utilisée :
6. 6
- l’utilisation de la méthode de l’avancement permet
d’avoir une information comptable plus juste car plus
proche de la réalité économique du projet et
empêche les fortes distorsions comptables entre les
exercices concernés, le résultat comptable suit alors
l’avancement du projet.
- la méthode de l’achèvement conduit quant à elle à
reconnaitre le produit des ventes au moment de la
finalisation du projet, tandis que les coûts liés aux
projets ont été enregistrés au fur et à mesure de leur
survenance.
Exemple illustré
Hypothèses :
- ICO réalisée en Année 1
- Durée de réalisation du projet dans son intégralité :
3 ans
- Total vente de tokens (ICO): 10 000 000 €
- Total des coûts de développement post-ICO :
5 000 000 €
- Répartition des coûts du projet sur les 3 années :
o Année 1 : 20%
o Année 2 : 30%
o Année 3 : 50%
Les tableaux ci-dessous présentent les différents
résultats comptables obtenus par l’émetteur en
fonction de l’option et de la méthode de
comptabilisation retenue :
Conclusion :
On comprend aisément à la lecture des tableaux ci-
dessus que le choix de l’option et de la méthode de
reconnaissance du chiffre d’affaires peut avoir un
impact très significatif sur la présentation des
comptes à la clôture de chaque exercice (sans parler
de l’impact fiscal qui sera développé plus loin dans
ce document). En effet, si l’on retient l’option 1, la
constatation immédiate du chiffre d’affaires lié à la
vente de tokens étant réalisée dans sa totalité en
année 1, il en découle la constatation d’un résultat
comptable fortement bénéficiaire sur l’exercice,
résultat qui se dégrade fortement sur les années
suivantes étant donné l’absence de produits.
L’analyse de l’impact comptable de l’option 2
dépend quant à elle de la méthode de
reconnaissance du chiffre d’affaires retenue :
- Avancement : on constate que le résultat de la
société est bénéficiaire sur chacun des trois
exercices avec des variations moyennement
marquées ;
- Achèvement : le chiffre d’affaires lié à la vente de
tokens étant constaté uniquement au moment de la
finalisation du projet, il en découle une forte variation
en année 3, seule année à présenter un résultat
positif.
Nature comptable des tokens attribués en
échange de services (advisors)
Principes généraux
Dans la pratique, il est en effet courant (voire
systématique) de rétribuer les acteurs ayant
contribués au succès de l’ICO mais qui ne font
légalement pas partie de l’équipe du projet
(advisors). Cette rétribution se fait généralement via
l’attribution gratuite de tokens en contrepartie des
différentes services rendus (prestations de conseil,
publicité, apport d’affaires, …). Dans ce cas-là,
l’opération est plutôt assimilable à une rémunération
qu’à une vente à proprement parler, les tokens reçus
par les advisors ayant généralement vocation à être
revendus par la suite sur une marketplace. Cette
opération, bien que ne générant aucun flux
monétaire, que ce soit en fiat ou en cryptomonnaies,
doit tout de même être prise en compte au niveau
comptable. Reste à savoir quelle classification
adopter.
La classification en « salaires » impossible
Juridiquement, cette « rémunération » ne peut pas
être en l’état qualifiée de « salaire » dans la mesure
où ce dernier doit être constitué par une somme
d’argent, qualification qui ne peut pas retenue pour
(En euros) Année 1 Année 2 Année 3 Total
Chiffre d'affaires 10 000 000 - - 10 000 000
Coûts du projet (1 000 000) (1 500 000) (2 500 000) (5 000 000)
Résultat comptable 9 000 000 (1 500 000) (2 500 000) 5 000 000
Option 1: comptabilisation "one shot"
(En euros) Année 1 Année 2 Année 3 Total
Chiffre d'affaires 2 000 000 3 000 000 5 000 000 10 000 000
Coûts du projet (1 000 000) (1 500 000) (2 500 000) (5 000 000)
Résultat comptable 1 000 000 1 500 000 2 500 000 5 000 000
Option 2: Méthode de l'avancement
(En euros) Année 1 Année 2 Année 3 Total
Chiffre d'affaires - - 10 000 000 10 000 000
Coûts du projet (1 000 000) (1 500 000) (2 500 000) (5 000 000)
Résultat comptable (1 000 000) (1 500 000) 7 500 000 5 000 000
Option 2: Méthode de l'achèvement
7. 7
un token car n’ayant pas « cours légal » comme le
sont les autres devises telles que l’euro ou le dollar.
La conception restrictive des « avantages en
nature »
Bien que plus proche de la réalité, la qualification en
« avantages en nature » n’est pas non plus possible
en l’état actuel des règles comptables, ces dernières
précisent en effet que de tels avantages sont
réservés à des « prestations – biens ou services […]
fournies gratuitement par l’employeur ou moyennant
une participation du salarié inférieure à la valeur
réelle (Mémento Social – Editions Francis Lefebvre).
Cette définition n’intègre que les salariés de
l’entreprise et exclue donc de son périmètre les
autres parties prenantes telles que les advisors.
Cependant, cette classification pourrait selon nous
être utilisée pour des tokens qui seraient attribués à
l’équipe portant le projet et qui fait partie des effectifs
de la société émettrice. Il convient d’avoir à l’esprit
que les avantages en nature constituent des charges
de personnel et qu’ils supportent à ce titre des
charges sociales.
La seule solution envisageable en l’état
En l’état actuel de la règlementation comptable, il
nous semble plus opportun de comptabiliser les
tokens versés aux advisors dans le compte de
résultat de l’émetteur en charges externes
(« Honoraires et commissions ») en prenant comme
montant la contrepartie en euros des tokens
attribués. S’agissant de charges d’exploitation, elles
sont théoriquement déductibles fiscalement à
condition que les prestations fournies par les
advisors fassent l’objet de factures décrivant
précisément la mission réalisée ainsi que le montant
facturé.
Problématiques de « taux de conversion » :
Les tokens étant principalement échangés contre
des cryptomonnaies (les ventes de tokens en fiat
peuvent également être réalisées, mais ces dernières
ne posent pas de problèmes comptables autres que
ceux déjà présentés), plusieurs problématiques
comptables peuvent surgir à différents moments :
- lors de la vente de tokens : l’entreprise reçoit des
cryptomonnaies dont la contrevaleur en fiat dépend
d’un taux de conversion à un instant donné. Lorsque
la société va convertir les cryptomonnaies en fiat
pour payer ses prestataires et son équipe, il y a de
fortes chances (ou plutôt 100% de chance) que le
taux de conversion soit différent de celui qui faisait
foi au moment de la transaction. Comptablement, le
chiffre d’affaires enregistré dans les états financiers
est basé sur le taux de conversion qui faisait foi au
moment de la transaction. Cependant le montant
que la société va recevoir sur son compte bancaire
au moment de la conversion en fiat peut être
sensiblement différent que celui qui a été enregistré
en chiffre d’affaires, à la hausse comme à la baisse. Il
en résulte ainsi ce que l’on appelle des « gains et
pertes de change » lorsqu’il s’agit de devises
classiques, ces éléments doivent calculés
individuellement (c’est-à-dire facture par facture) et
sont comptabilisés dans les comptes en « résultat
financier ». Ce résultat est par ailleurs taxable.
Cependant, ne s’agissant pas de devises classiques,
aucune classification comptable n’a encore été
prévue à ce jour.
- à la clôture de l’exercice : il est probable qu’une partie
des cryptomonnaies reçues en contrepartie des
tokens ne soit pas convertie en fiat à la clôture de
l’exercice. Le taux de conversion des
cryptomonnaies étant fortement fluctuant, il peut
exister un important écart entre la valeur des
cryptomonnaies au moment de leur réception (lors
de la vente des tokens) et cette même valeur à la
clôture de l’exercice comptable (au 31 décembre
pour la plupart des sociétés). Les règles énoncées
par le PCG imposent d’évaluer certains actifs de la
société à leur valeur réelle au moment de la clôture,
c’est notamment le cas des stocks, des créances
clients et des produits financiers tels que les actions
et les devises. Dans le cas ou l’on considère les
cryptomonnaies comme des devises (ce qui reste
contestable mais fortement utilisé dans la pratique),
il convient de les évaluer à leur valeur réelle à la
clôture et de constater les potentielles moins-values
(ce que l’on appelle communément les « moins-
values latentes ») liées au portefeuille de
cryptomonnaies non encore converties en fiat à la
clôture. Cet exercice peut s’avérer extrêmement
complexe dans la pratique, dans la mesure ou les
cryptomonnaies reçues sont interchangeables entre
elles et qu’il est impossible d’identifier les moins-
values théoriques à la clôture liées à chacune des
ventes.
Contrairement aux normes anglo-saxonnes et
normes internationales (IAS-IFRS), les normes
comptables françaises ne prévoient pas la
comptabilisation des plus-values potentielles sur les
8. 8
actifs en portefeuilles à la clôture, seules les moins-
values potentielles doivent être enregistrées, c’est ce
que l’on appelle le « Principe de prudence »
Impacts fiscaux liés aux opérations
d’ICO’s.
Impôt sur les sociétés
Règles générales d’imposition
Par définition, un produit constitue une ressource
définitivement acquise par l’entreprise bénéficiaire.
Cette ressource pouvant être la conséquence de
l’exercice d’une ou plusieurs activités :
- L’activité dite « principale », c’est-à-dire le cœur de
métier de l’entreprise, généralement prévue dans
l’objet social de l’entreprise à travers ses statuts ;
- Les activités dites « accessoires », également
prévues dans les statuts mais dont l’importance
reste marginale par rapport à l’activité dans son
ensemble ;
- Les activités « occasionnelles », qui ne sont pas
prévues par les statuts mais que l’entreprise peut
tout de même être amenée à réaliser (par exemple :
la cession d’un véhicule appartenant à la société).
Le Code de commerce (art. R 123-193) et le Plan
Comptable Général (art. 222-2) retiennent une
conception restrictive de la notion de chiffre
d'affaires à faire figurer au compte de résultat : le
chiffre d'affaires est constitué par les ventes de
marchandises et la production vendue de biens et
services et s'entend du montant des affaires
réalisées avec les tiers dans l'exercice de l'activité
professionnelle normale et courante de l'entreprise.
Nous avons vu précédemment que la vente de
tokens pouvait être assimilée à une vente de biens
immatériels, voire de la prestation de service futur.
De ce fait, cette activité, bien qu’accessoire d’un
point de vue opérationnel (l’activité principale de la
société émettrice demeure la fourniture du service et
non pas la vente de tokens) entrent dans la
composition du bénéfice imposable de l’entreprise.
Le résultat généré par la vente de tokens dans le
cadre des opérations d’ICO’s est donc selon nous
passible de l’impôt sur les sociétés.
Impact fiscal des différentes méthodes de
comptabilisation du chiffre d’affaires
Dans l’exemple illustré en paragraphe 1, nous avons
vu que le choix de l’option comptable (option n°1 ou
n°2) ainsi que la méthode de reconnaissance du
chiffre d’affaires pouvaient avoir un impact très
significatif sur la présentation des états financiers de
l’entreprise émettrice, et donc sur la clarté de
l’information comptable.
Fiscalement aussi ces choix peuvent avoir un impact
non négligeable. Ci-dessous, nous reprenons
l’exemple illustré précédemment pour le résultat
comptable en y incluant l’impact en matière d’impôt
sur les sociétés en fonction des différentes options et
méthodes comptables :
(*) Par simplification, nous retenons un taux d’IS de 33,33% sans
tenir compte des taux intermédiaires.
Conclusion :
De même que pour l’aspect comptable, on constate
que le choix de l’option et de la méthode de
reconnaissance du chiffre d’affaires impacte
fortement le montant et/ou l’étalement dans le temps
de l’impôt sur les sociétés à verser.
En effet, si l’on retient l’option n°1, la constatation
immédiate du chiffre d’affaires lié à la vente de
(En euros) Année 1 Année 2 Année 3 Total
Chiffre d'affaires 10 000 000 - - 10 000 000
Coûts du projet (1 000 000) (1 500 000) (2 500 000) (5 000 000)
Résultat comptable 9 000 000 (1 500 000) (2 500 000) 5 000 000
Impôts sur les Sociétés (*) (3 000 000) - (3 000 000)
Résultat Net 6 000 000 (1 500 000) (2 500 000) 2 000 000
Option 1: comptabilisation "one shot"
(En euros) Année 1 Année 2 Année 3 Total
Chiffre d'affaires 2 000 000 3 000 000 5 000 000 10 000 000
Coûts du projet (1 000 000) (1 500 000) (2 500 000) (5 000 000)
Résultat comptable 1 000 000 1 500 000 2 500 000 5 000 000
Impôts sur les Sociétés (*) (333 333) (500 000) (833 333) (1 666 667)
Résultat Net 666 667 1 000 000 1 666 667 3 333 333
Option 2: Méthode de l'avancement
(En euros) Année 1 Année 2 Année 3 Total
Chiffre d'affaires - - 10 000 000 10 000 000
Coûts du projet (1 000 000) (1 500 000) (2 500 000) (5 000 000)
Résultat comptable (1 000 000) (1 500 000) 7 500 000 5 000 000
Impôts sur les Sociétés (*) - - (1 666 667) (1 666 667)
Résultat Net (1 000 000) (1 500 000) 5 833 333 3 333 333
Option 2: Méthode de l'achèvement
9. 9
tokens implique la constitution d’un important
résultat taxable en année 1, et donc un montant
d’impôt sur les sociétés tout aussi conséquent.
Dans cette configuration, l’impôt à payer en année 1
est supérieur au cumul de l’impôt payé sur les 3
années d’exploitation dans le cas de l’option 2
(3 000 000 € contre 1 666 667 € pour l’option 2,
soit un « surcoût » de 1 333 333 €).
Par ailleurs, l’option 1 a d’importants effets sur la
trésorerie de l’entreprise émettrice. En effet, outre la
constatation de l’impôt dégradant son résultat, la
société est naturellement tenue de verser l’intégralité
l’impôt dès l’année 2 (décalage habituel entre la
déclaration de l’impôt et son paiement effectif) alors
qu’elle va également faire face à d’importants coûts
de développement sur les années 2 et 3.
Option 2 :
Bien qu’en cumul sur les trois années d’exploitation,
le montant de l’impôt à verser soit le même
(1 666 667 € dans les deux cas), le choix entre les
deux méthodes de reconnaissance du chiffre
d’affaires n’est pas sans impact sur la présentation
des comptes et la trésorerie de l’entreprise :
- Avancement : la société constate chaque année une
charge d’impôt dans son résultat qui est
proportionnelle au chiffre d’affaires généré chaque
année ;
- Achèvement : le chiffre d’affaires lié à la vente de
tokens étant constaté uniquement au moment de la
finalisation du projet, il en découle la constatation
d’un résultat taxable et d’une imposition importante
en année 3.
A l’inverse, cette option nécessite une gestion
prudente de la trésorerie, car le fruit de la vente des
tokens étant récolté dès l’année 1, l’émetteur devra
prendre soin de gérer ses dépenses chaque année
afin d’être en mesure de faire face au paiement de
l’impôt.
Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA)
Règles générales en matière de TVA
La TVA est un « impôt indirect général inclus dans le
prix de vente de biens ou de prestations de services
et payé par le consommateur ». Sa définition, qui est
sans ambiguïté, permet d’en déduire que les
émissions d’utility tokens devraient être selon nous
être soumises à TVA.
En effet, que le token soit considéré comme un bien
immatériel ou comme une future prestation de
service, la règle précitée rend le fruit de la vente
passible de la TVA. Seule exception possible, mais
peu probable : considérer les tokens comme des
produits financiers, ce qui de fait les ferait échapper
à l’assujetissement à la TVA. En effet, il est assez peu
probable que le futur cadre fiscal élaboré par Bercy
prévoit une telle exonération, notamment au vu des
importants montants en jeu.
Principe applicable aux tokens
Les entreprises commerciales ou assimilées,
soumises à l’impôt sur le revenu (IR) ou à l’impôt sur
les sociétés (IS), qui collectent des fonds via des
ICO’s et émettent des tokens d’usages, fournissent
des contreparties qui peuvent être soit des biens
matériels, soit des prestations de service. Aux yeux
de l’administration fiscale, il s’agit donc d’actes de
commerce, lesquels doivent donner lieu à
application de la TVA dès lors que la personne y est
assujettie.
Il n’existe pas à ce jour de règles particulières
applicables aux opérations d’ICO’s en matière de
TVA. Ce sont donc les règles classiques qui
s’appliquent, la société émettrice devra donc
appliquer la TVA au taux normal en vigueur, soit
20%.
Date d’exigibilité
La TVA collectée par les prestataires de services,
dans notre cas les émetteurs de tokens, est en
principe exigible à l’encaissement. Les prestataires
de services peuvent toutefois opter pour l’exigibilité
de la TVA collectée d’après les débits. Dans ce cas,
la date d’exigibilité démarre à compter de la date
d’émission des factures aux clients. Cependant,
l’automatisation des flux rend cette distinction quasi-
inapplicable dans la pratique, dans la mesure où la
facturation coïncide généralement avec le paiement
(à quelques secondes ou minutes près).
Reste à savoir si la date de l’encaissement
correspond au moment ou la société à reçu les
cryptomonnaies ou le moment ou ces dernières ont
été converties en fiat. En effet, l’administration fiscale
n’acceptant pas (encore) les paiements en
cryptomonnaies, il serait logique que le point de
départ de l’exigibilité de la TVA soit le montant de la
conversion des cryptomonnaies en fiat. Cependant,
si l’on suit cette règle, il existe un risque de manque
à gagner pour les services des impôts en cas de non
10. 10
conversion des cryptomonnaies. En effet, tant que
les cryptomonnaies ne sont pas converties, elles ne
seraient théoriquement pas taxables (du point de
vue de la TVA) et la tentation peut être grande pour
les sociétés désireuses d’optimiser leur impôt de ne
pas convertir leurs cryptomonnaies.
Territorialité
Une des questions soulevées concerne cette fois-ci
la territorialité de l’impôt. En effet, les transactions de
tokens impliquant généralement des acteurs de
diverses nationalités, il convient de savoir si la TVA
doit être appliquée à l’ensemble des transactions ou
si des exceptions doivent être prises en compte.
Ci-dessous, un tableau récapitulatif des différentes
situations possibles et de leur impact sur l’application
de la TVA :
Client particulier Client professionnel
Investisseur établit
en France
Application de la
TVA au taux
normal en vigueur
Application de la
TVA au taux normal
en vigueur
Investisseur établit
dans un pays
membre de l’Union
Européenne
Application de la
TVA au taux
normal en vigueur
Facturation sans
TVA
Investisseur établit
hors de l’Union
Européenne
Application de la
TVA au taux
normal en vigueur
Facturation sans
TVA
Impact sur le suivi des ventes de tokens
Les différentes situations synthétisées dans le
tableau ci-dessus nécessitent d’être prises en
compte dans le process d’identification des clients et
de facturation de l’entreprise. En effet, afin d’être en
conformité avec les règles fiscales relatives à la TVA,
la société émettrice doit être capable de savoir pour
chacun des investisseurs qu’elle doit facturer dans
quelle configuration ce dernier se trouve afin
d’appliquer le bon régime et de faire figurer les
mentions légales adéquates sur les factures.
Autres impacts : nomination d’un
Commissaire aux comptes.
Définition et rôle du CAC
La mission du Commissaire aux Comptes (“CAC”)
est avant tout légale, et répond à une mission
d’intérêt public. Son rôle est de certifier l’exactitude
des états financiers de son client (entreprise,
association, fondation, …) et de s’assurer qu’ils
présentent une image fidèle de l’activité.
Le commissariat aux comptes, ou contrôle légal des
comptes selon la terminologie européenne, est une
profession réglementée et indépendante qui
contribue à la qualité et à la transparence de
l’information financière et comptable émise par les
entités contrôlées.
La désignation d’un CAC est obligatoire :
- soit dès la constitution de la société en raison de sa
forme juridique (Société Anonyme par exemple) ou
du fait de l’existence d’un groupe de société (Société
par actions simplifiée détenue par une autre entité ou
qui en détient une autre) ;
- soit après le dépassement de certains seuils légaux.
Rappel des seuils légaux
La nomination d’un CAC devient obligatoire en cas
de dépassement de deux des 3 seuils suivants :
Société par actions
simplifiée
(SAS)
- 1 M€ de total de
bilan
- 2 M€ de chiffre
d’affaires hors taxes
- 20 salariés
-
Société à Responsabilité
Limitée
(SARL)
- 1,55 M€ de total de
bilan
- 3.1 M€ de chiffre
d’affaires hors taxes
- 50 salariés
Société en Nom Collectif
ou en Commandite
Simple
(SNC / SCS)
- 1,55 M€ de total de
bilan
- 3.1 M€ de chiffre
d’affaires hors taxes
- 50 salariés
Au vu des montants significatifs levés au cours des
dernières opérations d’ICO’s, l’atteinte de ces seuils
semble quasi-systématique (en tout cas pour les
deux premiers). En effet, la vente de tokens étant
comptabilisée en chiffre d’affaires, et la contrepartie
en cryptomonnaie ou fiat à l’actif, la nomination d’un
CAC semble de ce fait obligatoire.
NB : Un projet de loi actuellement en cours préconise
le rehaussement de ces seuils en France afin de se
caler sur la règlementation européenne. Ce projet de
loi faisant encore l’objet de nombreuses
contestations est n’étant actuellement qu’à l’état de
11. 11
« projet », nous n’en avons pas tenu compte dans la
présentation ci-dessus.
Autres rôles possibles du CAC : sécuriser les
investisseurs (le cas de Grant Thornton)
Du fait de son indépendance et l’exercice d’une
mission « légale », le commissaire aux comptes est
un véritable « créateur de confiance » auprès des
tiers de l’entreprises (investisseurs, banques, clients,
fournisseurs…).
Dans la pratique, il arrive très fréquemment que des
investisseurs mandatent un cabinet de commissariat
aux comptes afin de réaliser un audit en amont de
réaliser une prise de participation, afin de s’assurer
de la sincérité des comptes et de la cohérence des
hypothèses et prévisions financières contenues dans
le business plan de la cible.
Il arrive également qu’un cabinet soit mandaté post-
investissement afin d’effectuer des vérifications
spécifiques sur la nature des dépenses réalisées par
la cible avec les fonds versés. La mise en place de ce
type de vérification est tout à fait adaptée aux
opérations d’ICO dans la mesure où la présence d’un
cabinet externe est un facteur sécurisant pour les
investisseurs.
A titre d’exemple, on peut citer le cabinet d’audit
Grant Thornton qui a été mandaté par la société DDF
Assets Ltd dans le cadre de son ICO réalisée en
Juillet 2017. Son intervention, synthétisée dans un
rapport rendu public
(https://www.digitaldevelopersfund.com/auditors-
report-ico/), avait pour objet de certifier les
principaux éléments liés au résultat de l’ICO, et
notamment :
- le montant final récolté via l’ICO ;
- l’identification du wallet principal sur lequel les fonds
levés ont été transférés ;
- la contrepartie en fiat des cryptomonnaies reçues en
contrepartie de l’émission des tokens ;
- le nombre de tokens vendus ;
MR CAPITAL est un cabinet d’audit et de conseil
financier à destination des sociétés à forte
croissance et possédant une forte dimension
technologique. Nos associés apportent à leurs
clients des services personnalisés, pour les
accompagner dans toutes leurs problématiques
financières à travers quatre grands métiers.
Audit et commissariat aux comptes
Elaboration de business plans
Assistance à la levée de fonds
Direction financière externalisée
Les associés du cabinet ont développé une
expertise reconnue dans le domaine de la
comptabilité et la fiscalité liée à l’univers
Blockchain et plus précisément aux opérations
d’Initial Coin Offering. Cette expertise prend la
forme de missions de conseil (Advisors) et de
consultations auprès de porteurs de projets à
dimension internationale et des autorités de
régulation.
Yohan Raccah
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