Titre du mémoire :
« LA COMMUNICATION DES INDUSTRIELS DU SECTEUR AUTOMOBILE FACE AUX ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX : DÉMARCHE ÉCO-RESPONSABLE OU VERDISSEMENT D’IMAGE ? » LES EXEMPLES DE HONDA ET TOYOTA
Réalisé dans le cadre du Master "Communication des entreprises et des institutions" du CELSA
Promotion : 2007-2008
Soutenu le mercredi 3 septembre 2008
Nombre de pages : 155
(Le document présenté reprend l'introduction et la conclusion du document initial)
2. Introduction
« 2007 est l’année qui a entériné la prise de conscience écologique et qui
a posé comme un fait central l’impératif écologique qui devrait, je
l’espère, dorénavant déterminer les choix individuels et collectifs1 ».
Cette citation de Nicolas Hulot montre que le concept de développement
durable est arrivé à maturité après quelques années faites de discours et
de promesses mais de trop peu d’actions.
Si la prise de conscience écologique semble avoir franchi un nouveau cap
en 2007, il faut noter que l’intérêt pour cette cause est plus ancien.
Le 1er Ministère de l’écologie a été créé en 1971 alors que le Sommet des
Nations unies sur l’homme et l’environnement a vu le jour l’année
suivante.
L’organisation par le Gouvernement français, à la fin du mois d’octobre
2007, du Grenelle de l’environnement, après que le développement
durable ait été l’un des principaux thèmes de campagne du candidat
Nicolas Sarkozy lors de la course à la Présidentielle, a contribué à imposer
cette prise de conscience de l’urgence écologique comme une priorité.
En 2007, le concept de développement durable s’est ancré dans la société
civile. 76 % des Français avaient entendu parler du développement
durable, contre 33 % en octobre 20022. En 2007 toujours, 100 % des
entreprises du CAC 40 et 76 % des entreprises du SBF avaient une
direction RSE ou développement durable.
Aussi, la raréfaction des hydrocarbures est une difficulté à laquelle
devront tôt ou tard faire face les pays occidentaux. Le prix du baril de
pétrole n’en finit plus de grimper et les ressources ne sont pas
inépuisables. Mais la pénurie de pétrole n’est que la 4ème source
1
Citation
de
Nicolas
Hulot,
extraite
de
la
vidéo
présente
sur
la
page
d’accueil
du
site
www.pacte-‐ecologique.org
2
Sondage
Ifop
pour
le
Groupe
La
Poste
réalisé
à
l’occasion
de
la
Conférence
Les
Échos
–
Federe
2007.
Échantillon
de
1005
personnes,
représentatif
de
la
population
française
âgée
de
15
ans
et
plus.
La
représentativité
de
l’échantillon
a
été
assurée
par
la
méthode
des
quotas
(sexe,
âge,
profession
du
chef
de
famille)
après
stratification
par
région
et
catégorie
d’agglomération.
Les
interviews
ont
eu
lieu
par
téléphone
au
domicile
des
personnes
interrogées
du
1er
au
2
mars
2007.
3. d’inquiétude des Français pour demain3.
Selon une enquête conduite par l’agence Ethicity en 2008, c’est le
réchauffement climatique qui constitue la principale source d’inquiétude
des Français (57 %) pour l’avenir. On sait désormais de source
scientifique que le phénomène de changement climatique est en partie lié
aux émissions de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère, dont le
gaz carbonique qui provient, entre autres, de la combustion du pétrole, du
gaz et du charbon4.
Selon l’article 2 de la Loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l’air et
l’utilisation rationnelle de l’énergie (LAURE ou Loi sur l’Air), « constitue
une pollution atmosphérique l’introduction par l’homme, directement ou
indirectement, dans l’atmosphère et les espaces clos, de substances ayant
des conséquences préjudiciables de nature à mettre en danger la santé
humaine, à nuire aux ressources biologiques et aux écosystèmes, à influer
sur les changements climatiques, à détériorer les biens matériels, à
provoquer des nuisances olfactives excessives5. »
Il faut donc distinguer la pollution atmosphérique à l’échelle locale, la
pollution à l’échelle régionale et la pollution à l’échelle globale.
Les particules (PM) font partie des polluants de la 1ère forme de pollution
au même titre que les oxydes d’azote (NOx) alors que le dioxyde de
carbone (CO2) est considéré comme un polluant impliqué dans les
phénomènes de changement climatique.
Certains secteurs d’activité comme la production d’électricité et
l’agriculture sont jugés plus polluants que l’industrie automobile.
En France, les véhicules particuliers seraient responsables de 14 % des
1
Enquête
commanditée
par
Ethicity
et
Aegis
Media
Expert,
réalisée
par
TNS
Media
Intelligence,
en
partenariat
avec
l’Ademe,
du
14
janvier
au
11
février
2008,
auprès
d’un
échantillon
représentatif
de
la
population
française
de
4580
individus,
âgés
de
15
à
70
ans.
Méthodologie
identique
à
celle
des
enquêtes
2004,
2005
et
2006
2
Rapport
de
synthèse
du
quatrième
rapport
d’évaluation
du
climat
du
GIEC
–
Novembre
2007
3
Source
:
site
internet
de
l’Agence
Française
de
Sécurité
Sanitaire
de
l’Environnement
et
du
Travail
4. émissions de gaz à effet de serre6. « En matière d’effet de serre, il faut
souligner que la part de l’automobile, dans le monde, n’est responsable
que de 10 % de la totalité des émissions dues aux activités humaines
(source : World resources Institute)7. »
En étant responsable d’une quantité non négligeable des émissions de
GES, l’industrie automobile ne peut donc être exemptée de toute
responsabilité environnementale. Ainsi, les constructeurs sont concernés
en premier lieu par les enjeux environnementaux. De la qualité de la
réponse que l’industrie automobile apportera en matière de processus de
production, de produits responsables, de recyclage et de traitement des
déchets dépendra en partie la capacité des générations futures à répondre
à leurs propres besoins.
Au Japon, Toyota, Nissan, Nissan Diesel, Mazda, Isuzu, Hino et Mitsubishi
ont accepté de verser 7,4 millions d’euros à 520 habitants de Tokyo qui
attribuent leur asthme aux gaz d’échappement des véhicules diesel8.
Néanmoins, ces chiffres ne doivent pas masquer la réalité de la demande
en matière de produits automobiles, qui n’a cessé de croître au cours de
ces cinquante dernières années.
L’année 2007 a connu une augmentation du nombre de produits, de labels
et de publicités automobiles utilisant l’argument écologique et la
thématique du développement durable. Mais ces concepts sont-ils le
résultat d’une véritable démarche éco-responsable de la part des
constructeurs ou n’ont ils d’écologique que le nom ?
Le souhait de l’opinion publique de disposer de produits durables est tel
que le discours écologique est désormais adopté par la Fédération
internationale de l’automobile (FIA), les promoteurs de certains
championnats ou encore les divisions compétition de constructeurs de
1
Christophe
Brunella
–
«
Emissions
de
CO2
:
le
secteur
automobile
en
progrès
»
–
Novethic.fr
–
12
juin
2007
–
(Annexe
9)
2
Pierre
Beuzit
–
Hydrogène
:
l’avenir
de
la
voiture
?
–
Éditions
de
l’Archipel
–
Paris
–
2007
(p.12)
3
Philippe
Mesmer
–
«
L’auto
japonaise
dédommage
des
victimes
de
la
pollution
»
–
Le
Monde
–
17
août
2007
–
(Annexe
10)
5. premier plan.
Au cours de ces quinze dernières années, en France et en Europe,
l’industrie des sports mécaniques a été confrontée à l’émergence de
l’éthique dans le discours des entreprises, du fait notamment d’un
durcissement de la législation en matière de publicité sur l’alcool et le
tabac. Et si pendant des décennies, les constructeurs ont profité de leur
engagement en compétition pour communiquer sur les valeurs de
sportivité et de performance, leurs discours tendent désormais à évoluer.
En 2007, le constructeur japonais Honda a bouleversé le microcosme de la
Formule 1 en adoptant une stratégie de communication très
différenciatrice. Suite au désengagement de son principal partenaire
financier, British American Tobacco, le constructeur nippon a choisi de
profiter de son engagement en Formule 1 et de la large audience de la
discipline pour sensibiliser l’opinion publique au problème du changement
climatique, via le programme « myearthdream ».
À l’inverse, son concurrent Toyota ne tire pas parti de la discipline reine
du sport automobile pour mettre en avant ses efforts visant à préserver
l’environnement. Et pourtant, le géant nippon est souvent perçu comme
l’un des pionniers de la « voiture verte », en grande partie grâce au
succès et à la bonne réputation de la Prius, vendue à un million
d’exemplaires en dix ans, de 1997 à 2007.
Notre objectif est d’analyser comment, à travers leur
communication, les marques Toyota et Honda sensibilisent
l’opinion publique et témoignent de leurs efforts pour contribuer à
la préservation de l’environnement ?
Nous aborderons ce sujet avec prudence, en examinant plus
particulièrement les arguments utilisés pour ce type de communication et
l’adaptation du discours des deux marques aux attentes du public.
La première hypothèse vise à analyser le positionnement des marques
6. Toyota et Honda en matière de responsabilité environnementale, soit :
« Toyota et Honda se positionnent comme des pionniers et des
experts en matière de responsabilité environnementale. »
La seconde hypothèse porte sur l’articulation étroite entre la construction
d’un discours de la technique et le thème de la responsabilité
environnementale des constructeurs automobiles.
Sa formulation est la suivante :
« Toyota et Honda relient leur discours, centré sur l’innovation et
la technique, aux attentes de l’opinion publique en matière de
respect de l’environnement. »
Enfin, la troisième hypothèse se focalise sur la dimension paradoxale de la
stratégie de communication des deux constructeurs :
« Toyota et Honda apportent une réponse à une demande
contradictoire de conciliation entre plaisir automobile et respect
de l’environnement. »
Pour tester ces hypothèses, nous avons essentiellement porté nos efforts
sur une analyse sémio-discursive des sites internet (corporate, marque,
produits et compétition) des deux entreprises.
Notre mémoire s’appuie sur des ouvrages méthodologiques, liés à
l’analyse de l’image, du discours, de l’argumentation en communication ou
encore consacrés aux thématiques de l’automobile, du risque d’opinion et
à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.
Ce travail est organisé en trois parties : « Toyota et Honda : des acteurs
majeurs d’une automobilité durable », « Un discours de l’innovation
technologique relié aux attentes de l’opinion publique en matière de
respect de l’environnement » et « Une réponse paradoxale à une
demande contradictoire ». Ces parties correspondant aux trois hypothèses
énoncées précédemment.
7. Conclusion générale
Forts du succès de la Prius, vendue à plus d’un million d’exemplaires en
10 ans, Toyota est souvent présenté comme le constructeur leader sur les
questions de développement durable. Six ans après Toyota, Honda
commercialisait son propre modèle hybride en France, renforçant ainsi son
image de constructeur respectueux de l’environnement.
Influencées par l’État japonais, ces deux marques ont su anticiper la
montée en puissance de la valeur environnement ainsi que la crise
écologique et énergétique, en proposant, via le véhicule hybride, une
première réponse aux enjeux de l’automobilité de demain.
Toyota et Honda qui se positionnent comme des pionniers et des experts
en matière de responsabilité environnementale font très largement
référence aux expériences et aux succès passés leur ayant permis de
réduire leur empreinte écologique.
Si les deux constructeurs font en quelque sorte figure d’exemple, ils sont
néanmoins confrontés, comme l’ensemble des constructeurs généralistes,
à la nécessité de respecter une cohérence entre leurs communications
corporate, marque et produit.
Et les efforts des différents constructeurs pour développer des processus
de production, des produits et des solutions de recyclage plus
responsables sont bien souvent annihilés par la médiatisation des
véhicules les plus polluants.
Historiquement, la plupart des marques japonaises conçoivent des
crossover, qui bénéficient d’une mauvaise image auprès de l’opinion
publique, et pour cause, leur consommation excessive augmente les
émissions. Par le passé, Toyota et Honda ont donc dû essuyer les
accusations de greenwashing des associations écologiques et des ONG.
Pour ces constructeurs, la question est désormais de savoir comment
viabiliser leur démarche de développement durable alors que leurs
8. gammes de produits comportent à la fois des véhicules dits acceptables et
des automobiles beaucoup plus gourmandes en carburant et donc plus
polluantes ?
Toujours est-il que dans un contexte où les consommateurs sont en
attente de produits durables, la communication doit avant tout respecter
le principe de véracité.
En matière de communication automobile responsable, une autre erreur
serait de penser que la communication sur le produit innovant et
exemplaire constitue la panacée.
Et si Toyota et Honda relient leur discours, centré sur l’innovation et la
technique, aux attentes de l’opinion publique en matière de respect de
l’environnement, la forte demande d’information des consommateurs
oblige désormais les constructeurs investis dans une démarche de
développement durable à faire savoir leurs efforts pour diminuer leur
impact environnemental à tous les stades de la vie du produit.
Certains constructeurs généralistes ont d’ailleurs opté pour la création de
« labels écologiques et économiques » afin de donner de la visibilité à leur
offre et témoigner de la prise en compte de l’impact écologique à tous les
moments du cycle de vie du produit.
Néanmoins, à termes, il parait souhaitable qu’un seul et unique label
écologique soit délivré par un organisme indépendant, reconnu par les
gouvernements et les instances européennes, comme c’est le cas pour
EURONCAP en matière de sécurité.
Le développement d’une automobilité durable ainsi que la résolution des
crises écologiques et énergétiques pourraient en effet être un moyen pour
l’Europe de regagner la confiance de l’opinion publique.
Les instances européennes devraient jouer un rôle majeur dans les années
à venir en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et
autres substances polluantes. La norme Euro 5 applicable dès 2009
9. imposera aux constructeurs d’équiper les moteurs diesel de filtres à
particules alors qu’une directive prévoit de ramener le niveau des
émissions de CO2 à 120 grammes pour les véhicules neufs dès 2012.
Toutefois, le réchauffement climatique étant un problème mondial, la
démarche européenne gagnerait en efficacité en nouant un dialogue avec
les autres régions du monde, pour donner du sens à son action.
Dans la perspective d’une rupture énergétique, la plupart des
constructeurs accordent des budgets conséquents à la recherche et
développement, et ce, depuis plusieurs décennies.
Un des aspects de la communication automobile responsable est d’ailleurs
la valorisation de la compétence des personnels et de l’expérience de
« l’ingénieur responsable » pour tendre vers le véhicule propre ultime.
Dans une démarche de développement durable, il est en effet primordial
de mettre en avant le processus de progression permanente dans lequel
l’entreprise est engagée.
La crédibilité des constructeurs automobiles japonais en matière de
développement durable est alimentée par le fait que cette démarche fait
partie intégrante de la culture japonaise et chez Toyota, un mot, le
Kaizen, désigne même ce processus.
Preuve que la sensibilisation au respect de l’environnement est au centre
des stratégies des constructeurs et des attentes des consommateurs,
l’argument environnemental s’est peu à peu déplacé dans le domaine de
la compétition automobile.
Honda a été l’un des tous premiers constructeurs à exploiter le terrain de
la compétition pour sensibiliser les parties prenantes de l’entreprise au
problème du réchauffement climatique.
L’utilisation de l’argument environnemental dans le cadre d’un
engagement en compétition automobile peut en effet apparaître comme
un facteur de différenciation en plus d’être un moyen de faire progresser
10. les mentalités… ainsi que la recherche et donc les performances
environnementales des véhicules grand public.
Le sport automobile devient alors un vecteur d’expression de l’innovation,
au service de l’environnement… et de la performance pour répondre à une
demande de conciliation entre plaisir de conduire et sauvegarde de la
planète.
En l’absence de solutions totalement propres, Toyota et Honda apportent
une réponse à une demande contradictoire de conciliation entre plaisir
automobile et respect de l’environnement. Cette réponse repose en partie
sur une sensibilisation de « l’automobiliste tout-puissant », pour favoriser
une éco-citoyenneté et définir une responsabilité environnementale
partagée.
Mais en définitive, l’émergence d’une production et d’une consommation
plus responsables permettant aux générations futures d’accéder à une
automobilité durable devrait être conditionnée par l’apparition
d’innovations technologiques majeures.