Annie Ernaux Extérieurs. pptx. Exposition basée sur un livre .
Mémoire jplb igs promo 28
1. Management et Développement des Ressources Humaines
3ème cycle - IGS 2004
Projet de Gestion Sociale
Restructurations d’entreprise
Quelles anticipations aux effets négatifs des suppressions
d’emplois et des externalisations ?
Solutions curatives, préventives et alternatives
Illustrations dans le domaine industriel
des Télécommunications
Jean-Pierre Le Bihan
Promotion 28
2. REMERCIEMENTS
Michel LAURENT,
Directeur Industriel EADS Defence and Security Systems SA (*)
Robert BREVET,
Directeur de l’établissement EADS Defence and Security Systems SA
Douarnenez (29)
Jean Pierre DUCOS,
Directeur des Relations Sociales EADS Defence and Security Systems SA
François DALEMONT,
Consultant IGS, Tuteur de ce projet de gestion sociale
(*) EADS : European Aeronautic Defence and Space Company
www.eads.net
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3. PREAMBULE
Les contraintes économiques et leurs décisions stratégiques amènent bon nombre de sociétés
et d’entreprises à s’engager vers des mécanismes de restructurations. Derrière ce vocable,
somme-toute assez neutre en dehors d’un contexte professionnel, (le dictionnaire
LAROUSSE nous précise qu’il s’agit de « donner une nouvelle organisation sur le plan
économique ou technique ») se dissimule une approche tout autre, avec des conséquences
parfois dramatiques en termes d’emplois et d’impacts socio-économiques.
L’adaptation des structures, processus quasi permanent de réorganisation, passe par la mise en
œuvre de plans d’externalisations et de suppressions d’emplois. Le vocabulaire anglo-saxon
parle de « downsizing ».
Face à ces orientations présentées comme inéluctables, il nous est apparu pertinent d’apporter
aux décideurs une réflexion globale sur les restructurations d’entreprise, en apportant une
vision d’ensemble de la problématique et des solutions possibles, en raison notamment de
l’actualité présente, très riche en ce domaine.
L’objectif de ce mémoire est donc d’analyser le phénomène des restructurations plus
spécifiquement dans le domaine industriel, puis de parcourir l’ensemble des mesures curatives
et préventives avant de proposer des solutions alternatives susceptibles de réduire ou
d’anticiper autant que faire se peut, leurs effets négatifs sur l’emploi. A travers ce travail,
nous souhaitons apporter une réflexion globale et des orientations réalistes, applicables et
acceptables par l’ensemble des partenaires sociaux.
Après un descriptif global de la problématique des restructurations qui touchent tous les
secteurs d’activité, nous avons choisi d’illustrer notre propos par une analyse de l’activité
Télécommunications en général puis d’étayer notre réflexion par une présentation spécifique
de EADS Telecom. Ces éléments font l’objet de la première partie regroupés sous le
chapitre I.
La deuxième partie regroupe les chapitres II et III et se propose d’aborder dans un premier
temps les différents dispositifs et modes de management curatifs classiques pour ensuite
analyser les dispositifs alternatifs préventifs des adaptations des entreprises aux évolutions de
leur environnement, de leurs marchés et de leurs conditions d’exploitation.
La quatrième et dernière partie, chapitre IV, vise à apporter une réflexion sur les approches et
dispositifs susceptibles de compléter les pratiques existantes, orientations préventives puis
curatives permettant de concilier l’impératif économique d’adaptation réactive et rapide des
entreprises aux enjeux sociaux et sociétaux liés aux effets de ces adaptations ; certaines de ces
orientations s’inscrivant dans le cadre du projet de loi en cours sur le traitement des
restructurations.
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4. PLAN
A partir de la problématique constatée :
Suppressions d’emplois et externalisations dans les entreprises de
Télécommunications en général et plus spécifiquement dans les secteurs industriels.
Fragilisation voire dégradation de l’environnement socio-économique local.
Et plus spécifiquement
Plan de restructuration en 1996, puis plan d’externalisation en 2000 et Plan de
Sauvegarde de l’Emploi en 2003 chez EADS Telecom de Douarnenez.
Inquiétude forte des salariés et de l’ensemble des acteurs sociaux sur la pérennité de
leur emploi du fait de nouvelles réorganisations en cours et d’un plan 2004 annoncé ...
Et en s’appuyant sur les constatations suivantes :
L’adaptation des entreprises aux évolutions de leurs activités et de leurs marchés se
traduit prioritairement par des externalisations et restructurations synonymes de déperditions
d’emplois.
A eux seuls, les 8 principaux industriels du secteur des équipementiers Telecom ont
supprimé 40% de leurs effectifs en 3 ans, soit 300 000 emplois.
« Nous souhaitons être très bientôt une entreprise sans usine » déclaration de Serge
TCHURUK, PDG du géant français des Télécommunications ALCATEL, le 26 juin 2001 au
Wall Street Journal.
Les instances décisionnelles nationales - Gouvernement, Patronat et Syndicats -,
conscientes des carences de fonctionnement et engagées dans des négociations laborieuses se
livrent à des « rafistolages » successifs des dispositifs légaux en vigueur avec plus ou moins
de réussite.
Nous présenterons :
Chapitre I : Une approche générale et historique des changements radicaux
d’environnement qu’ont vécus les entreprises dans leurs conditions d’exploitation : sous de
nouvelles contraintes, les entreprises de tous les secteurs d’activité ont adopté différentes
stratégies et fait progressivement évoluer leurs modes de gouvernance, leurs modes de
fonctionnement et de management.
Nous analyserons le phénomène des restructurations comme forme privilégiée des exigences
de changement des entreprises et comme réponse aux adaptations de leurs activités, de leurs
structures, de leurs organisations, de leurs modes de fonctionnement et aussi de leurs besoins
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5. de compétences, en présentant les faits générateurs et explicatifs dans leurs différentes
formes, leurs ampleurs et leurs effets.
Nous illustrerons notre propos en nous focalisant sur le domaine des Télécommunications et
plus spécifiquement sur les activités industrielles pour finir par la problématique spécifique à
EADS Telecom.
Afin de permettre au lecteur de situer les activités qui serviront d’illustrations à nos propos,
seront développés les thèmes liés à la caractérisation du marché, aux technologies, aux
structures d’effectifs et de qualifications et aux choix qui découlent des orientations
stratégiques.
Puis analyserons préalablement :
Chapitre II : Les modes de management classiques curatifs des restructurations
d’entreprise. Au travers des deux grandes typologies de traitement de restructurations :
licenciements économiques ou non (ou autres opérations générant des départs) puis transferts
d’activités (externalisations), nous parcourrons les difficultés et les limites juridiques,
managériales, humaines, sociales et sociétales de ces approches.
Le propos sera illustré par les pratiques vécues dans les entreprises des Télécommunications
et plus spécifiquement chez EADS Telecom.
Chapitre III : Les modes de management alternatifs préventifs visant à anticiper
les conséquences de suppressions brutales d’emplois : anticipation aux marchés, aux
technologies, évolutions des modes d’organisation et des formes d’aménagement du temps de
travail permettant d’éviter ou/et de limiter les incidences négatives, et de « subir » les
événements.
Seront abordés les aménagements possibles des organisations en termes de flexibilité, de
temps de travail, de mobilité, de recours aux CDD et intérimaires ou à l’externalisation et à la
sous-traitance.
Pour ensuite analyser les démarches de gestion par les compétences et leurs développements,
les outils de validation des acquis et de l’expérience, les certifications de qualifications, les
mesures de développement d’employabilité.
Avant de proposer :
Chapitre IV : Une réflexion sur d’autres orientations complémentaires possibles –
réglementaires et managériales - qui devraient soit se substituer, soit s’ajouter aux dispositifs
et pratiques existants, permettant d’apporter des réponses pertinentes et efficaces aux enjeux
économiques, sociaux, et sociétaux liés aux effets des restructurations.
A ce titre, nous analyserons tout d’abord un ensemble d’orientations préventives avant de
nous pencher sur l’évolution des dispositifs curatifs et des négociations en cours entre
partenaires sociaux visant à aboutir à un projet de loi plus efficace dans le traitement des
adaptations des entreprises à leur environnement économique et social.
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6. SOMMAIRE
CHAPITRE I ................................................................................................................................... 7
I.1 30 ans de mutations économiques et industrielles ..................................................... 7
I.1.1 De l’évolution des contraintes d’environnement, .................................................. 7
I.1.2 Aux nécessaires adaptations de stratégies, ............................................................. 7
I.1.3 Aux nouveaux modes de gouvernance ................................................................. 10
I.2 Les mutations industrielles dans les Télécommunications ...................................... 15
I.2.1 Réorganisations structurelles................................................................................ 15
I.2.2 Contexte conjoncturel .......................................................................................... 18
I.2.3 Contexte économique ........................................................................................... 22
I.3 EADS Telecom ........................................................................................................ 25
I.3.1 Historique ............................................................................................................. 25
I.3.2 Effectifs / métiers / compétences ......................................................................... 29
I.4 Synthèse partielle ..................................................................................................... 33
CHAPITRE II ................................................................................................................................ 35
II.1 Licenciements et autres formes de départs ............................................................... 36
II.1.1 Les licenciements pour raisons économiques .................................................. 36
II.1.2 Autres solutions de départs de salariés dans le cadre de restructurations ........ 47
II.2 Transfert d’activité : externalisations et L.122-12 ................................................... 57
II.2.1 Incidences du transfert d’activité sur le contrat individuel de travail .............. 58
II.2.2 Incidences du transfert d’activité sur le statut collectif .................................... 59
CHAPITRE III .............................................................................................................................. 62
III.1 L’anticipation du marché ......................................................................................... 63
III.2 L’anticipation des évolutions technologiques .......................................................... 65
III.3 L’évolution des modes d’organisation et des formes d’aménagement du temps de
travail .................................................................................................................................. 67
III.4 La Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC) ..................... 71
III.5 Le développement de l’employabilité ...................................................................... 74
III.6 La Validation des Acquis et de l’Expérience, Certification de Qualification
Professionnelle de branches ................................................................................................. 76
III.6.1 La Validation des Acquis et de l’Expérience (VAE) ....................................... 76
III.6.2 Le Certificat de Qualification Professionnelle (CQP)...................................... 78
CHAPITRE IV .............................................................................................................................. 80
IV.1 Orientations complémentaires préventives au traitement des restructurations ........ 81
IV.1.1 L’amélioration et la facilité d’accès aux dispositifs légaux ............................. 81
IV.1.2 La promotion du dialogue social ...................................................................... 83
IV.1.3 L’amélioration du fonctionnement des Institutions Représentatives du
Personnel .......................................................................................................................... 84
IV.1.4 Le développement de nouvelles formes d’emplois .......................................... 86
IV.1.5 La promotion de la formation professionnelle tout au long de la vie .............. 88
IV.1.6 La transmission des savoirs et des apprentissages ........................................... 90
IV.1.7 L’optimisation de l’apprentissage professionnel informel ............................... 91
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7. IV.1.8 L’amélioration des dispositifs prospectifs de l’emploi .................................... 91
IV.1.9 Le développement de la Responsabilité Sociale d’Entreprise (RSE) .............. 92
IV.1.10 Le développement des groupements d’employeurs ..................................... 93
IV.2 Orientations complémentaires curatives au traitement des restructurations ............ 94
IV.2.1 Le contexte politico-juridique .......................................................................... 94
IV.2.2 Les Accords de Méthode .................................................................................. 98
IV.2.3 Le renforcement du devoir de reclassement interne et externe ...................... 100
IV.2.4 La revitalisation et la dynamisation des zones en difficultés ......................... 102
IV.3 Synthèse ................................................................................................................. 104
CONCLUSION 106
BIBLIOGRAPHIE 108
GLOSSAIRE DES ACRONYMES 109
ANNEXES 110
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8. CHAPITRE I
I.1 30 ans de mutations économiques et industrielles
Les années 1970 sont le point de départ des changements radicaux d’environnement qu’ont
connus les entreprises. Le premier et le second choc pétrolier ont généré une période de crise
économique conjoncturelle qui a entraîné une vaste période de mutations économiques et
industrielles touchant la société dans son ensemble.
Les fortes périodes de croissance économique précédentes masquaient cependant une réalité
plus profonde de difficultés structurelles qui, accentuées par la « crise », ont radicalement
impacté les stratégies et les modes de gouvernance des sociétés industrielles durant ces trente
dernières années.
I.1.1 De l’évolution des contraintes d’environnement,
Les entreprises confrontées à ce nouvel environnement ont été contraintes d’adapter leurs
conditions d’exploitation, du fait d’un certain nombre de facteurs cumulés :
Nouvelles conditions du marché : mondialisation des flux, des échanges,
Rapports de force plus concurrentiels,
Volonté de rentabilité immédiate de la part d’investisseurs « mondiaux »,
Rémunération prioritaire aux actionnaires et opportunités de placements,
Avancées technologiques nouvelles : informatique, réseaux, communications,
multimédia,
Evolution du jeu des acteurs (Etat, collectivités territoriales, partenaires sociaux …)
dans le déroulement des mutations et des crises,
Croissance et persistance du chômage (1,5 millions de chômeurs en 1980, plus de 3
millions en 1996, toujours 2,7 millions en 2004)
Augmentation de la précarité,
Modes de pensée dominants en matière de gestion, d’équilibres financiers, ou
encore de rentabilité.
Les premiers secteurs affectés furent ceux de l’industrie lourde, des activités de base en prise
directe sur les marchés internationaux des matières premières : sidérurgie, textile, grosse
mécanique, chantiers navals … Progressivement, les mutations industrielles ont touché
d’autres activités comme la construction automobile ou électronique avant de s’étendre aux
secteurs des services : transport, finance, grande distribution ...
Aujourd’hui, il n’est guère de secteur économique qui ait échappé à de telles mutations.
I.1.2 Aux nécessaires adaptations de stratégies,
Ces contraintes d’environnement économique ont conduit les entreprises à devoir adapter
leurs stratégies, afin de maintenir leur présence sur le marché et pour certaines de ne pas voir
s’écrouler l’ensemble de leurs activités.
Dans ce contexte, différentes étapes ont été vécues par les entreprises en accéléré au regard de
la période précédente des « trente glorieuses ».
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9. Diversification et Excellence
La période des années 70 à 80 est une phase de « construction » des entreprises. La solution
de l’époque est plutôt à la diversification, les entreprises effectuent des regroupements, des
rachats, des rapprochements stratégiques sur la base d’extensions de périmètres
technologiques et/ou de domaines d’activités. Dans cette période, « restructuration » ne rime
pas encore avec « réduction d’effectifs » ; du point de vue statistique, les effectifs augmentent
ou tout au moins restent globalement stables. Ces concentrations touchent quasiment tous les
secteurs d’activité.
La stratégie est alors à la recherche de « l’excellence » : pour survivre, il faut être parmi les
trois ou cinq meilleurs ! Leader ou numéro deux sur son marché ! …
Regroupements et concentrations sont alors la règle afin d’atteindre la « taille jugée critique »
et être présent sur les principaux continents (l’Afrique étant quasiment oubliée).
On recherche des « synergies » conduisant à des mécanismes de rapprochement ou de
fusions-acquisitions.
Ces stratégies de croissance, largement répandues au niveau international et qui touchent
également les entreprises de taille moyenne, sont considérées comme moins coûteuses en
investissement (il est à l’époque fait abstraction des coûts engendrés par les rationalisations
ou les doublons).
Les entreprises investissent peu à l’interne et la croissance est externe.
Externalisations et Restructurations
Les premières grandes restructurations industrielles sont dans un premier temps, dictées par
« l’instinct de survie ». Les entreprises ont besoin de combler, à marche forcée, le retard de
compétitivité des entreprises françaises par rapport à celle des autres pays industrialisés
concurrents.
Ce retard de compétitivité étant selon M.CAFFET de la DRIRE (*), lié à des investissements
insuffisants, au manque d’anticipation et aux carences de management des années 1960
accompagnées d’une complicité collective des acteurs de l’époque (pouvoirs publics,
entreprises, organisations syndicales …)
C’est à partir des années 80 que l’on assiste aux premières générations d’externalisations dites
conventionnelles. L’entreprise commence à confier à des spécialistes certaines fonctions
support ne participant pas à l’avantage concurrentiel, afin de réduire ses coûts : services
généraux, nettoyage, restauration, accueil, gardiennage ….
Dans le même temps, en raison à la fois du développement des transports et des systèmes de
traitement d’information de plus en plus performants, de grands groupes internationaux
commencent à délocaliser leurs activités industrielles (la chaussure, le jouet…) vers des
pays à coûts salariaux moindres.
De grands secteurs, tels la sidérurgie, le textile, subissent de plein fouet la concurrence
internationale, et l’impact sur les emplois « manufacturiers » se fait rapidement sentir.
(*) Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement
« Mieux vivre les restructurations » D THIERRY, JN TUILLIER , Editions d’Organisation
2003
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 8
10. Les années 90 laissent apparaître une deuxième génération d’externalisation : l’externalisation
collaborative. Les entreprises prennent le parti d’externaliser un certain nombre de fonctions
qu’elles jugent non stratégiques et cherchent à se recentrer sur « leur cœur de métier ».
Elles confient à des prestataires des processus entiers : informatique, comptabilité,
administration paie, recrutement …
Cette vague d’externalisations n’est pas sans conséquence sur les emplois ; les transferts
d’entreprises bien qu’encadrés par l’article L.122-12 (voir II.2) du Code du travail, apportent
notamment, dans le temps, quelques modifications substantielles des statuts en termes de
convention collective, de couverture sociale, d’avantages CE (Comité d’Entreprise) … Issus
de grands groupes aux avantages sociaux indéniables et supportés par de solides conventions
collectives, bon nombre de salariés se retrouvent dans des structures plus petites n’offrant pas,
la plupart du temps, de politique sociale similaire sur du long terme.
Passé le temps des accords de durée de collaboration en usage dans ce type d’externalisation,
certains emplois deviennent plus fragiles en termes de perspectives mais aussi de pérennité.
Ce mode d’organisation alimente par ailleurs, un courant croissant de sous-traitance, de
services ou d’achats de fournitures créant quelques opportunités de créations d’entreprises
mais aussi des risques de départ de certaines activités qui quittent le bassin d’emploi voire le
pays.
Externalisations et internationalisation
Cette période voit également s’élargir le périmètre des entreprises avec l’ouverture des
marchés sur l’Europe, puis sur le reste du monde, mais aussi l’ouverture des marchés et du
capital aux entreprises étrangères. C’est l’ouverture à l’internationalisation pour nombre
d’entreprises « hexagonales », la recherche de partenariat devient « stratégique » afin de
s’ouvrir l’accès à une technologie, à un produit, à un marché.
Cette tendance se traduit par l’apparition de nouveaux acteurs internationaux dans le capital
des sociétés qui deviennent multinationales.
Cette internationalisation n’est pas que capitalistique. A la fin des années 1990, on observe
une accentuation de la politique de mondialisation par le biais de fusions-acquisitions,
d’alliances et d’externalisations dans des domaines tels que la recherche : Thomson
Multimédia ouvre un centre de recherche aux Etats-Unis de même que France Telecom au
Japon.
L’externalisation dite stratégique arrive dans les années 2000. Les entreprises se focalisent
encore davantage sur leur cœur d’activités en externalisant les autres fonctions de la chaîne de
valeur qui génèrent « moins » de valeur ajoutée. Donneurs d’ordre et fournisseurs vont
copiloter la fonction externalisée, transformant ainsi la relation client / fournisseur en relation
maître d’ouvrage / maître d’œuvre. Cela touche alors toutes les fonctions : production,
conception, R&D (Recherche & Développement), marketing …(*)
(*) Il est à noter cependant que l’externalisation de la production n’est pas un phénomène
nouveau et propre à la fin des années 90. Dans certains secteurs d’activité, l’externalisation de
la production, au moins partiellement, avait débuté bien plus tôt : IBM avait commencé dès
les années 80 à externaliser la fabrication des composants électroniques, notamment les
circuits intégrés vers INTEL, puis la construction même des ordinateurs vers SCI.
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 9
11. Cette période voit également et finalement ( ?) émerger d’autres formes de restructurations,
liées cette fois à une recherche exclusive de compétitivité économique et financière des
entreprises. Sous les feux de l’actualité, car très mal perçues par l’opinion publique, de
grandes entreprises (Danone, Michelin…) entreprennent des restructurations essentiellement
motivées par des causes financières et boursières en dehors de difficultés économiques.
Ces types de restructurations liées au développement de la profitabilité introduisent des
possibilités fortement contestées par les partenaires sociaux et juridiquement attaquables, de
recourir à des restructurations alors que les sociétés sont en situation de croissance.
I.1.3 Aux nouveaux modes de gouvernance
Ces évolutions majoritairement nécessaires, successives et brutales de stratégies se sont
traduites par des changements notables dans les modes de management et de fonctionnement
des entreprises :
Au niveau des activités
Certains secteurs ont quasiment disparu tels le textile dans la région Nord, bassin d’emploi
toujours en difficulté malgré la politique de ré-industrialisation entreprise par la suite ; la
construction navale qui a vu disparaître ses grands chantiers (à l’exception de St Nazaire).
Ou encore la sidérurgie dont les effectifs se sont réduits de moitié en 15 ans.
Dans le même temps, les métiers de services sont devenus majoritaires, représentant à peine
50% à l’aube des années 1970, le secteur tertiaire est devenu prédominant avec quasiment
70% des emplois.
A contrario, les emplois industriels, locomotive de la croissance pendant plusieurs décennies,
ont vu leurs effectifs se réduire inexorablement. En 1978, l’emploi industriel pesait 24% de
l’emploi total en France ; 25 ans plus tard, le secteur n’en revendique plus que 15%, soit une
perte effective de 1,5 million d’emplois selon le rapport de la DATAR fév. 2004 (Délégation
à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale ) (*).
Hormis l’agroalimentaire et la pharmacie relativement épargnés, bon nombre de secteurs ont
connu une érosion très significative de leurs effectifs.
Cette réelle transformation a amené un découpage nouveau de certains métiers désormais
séparés entre le tertiaire marchand et tertiaire non marchand, s’opposant au découpage
classique, primaire, secondaire et tertiaire, quelque peu obsolète ou pour le moins déphasé par
rapport à la réalité.
(*) Dans le même temps, les emplois de services aux entreprises ont doublé passant de 7 à
14% , ce qui fait dire à la DATAR que « … l’on doit plutôt parler de mutations industrielles
que de désindustrialisation… » ; rapport de synthèse en annexe.
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 10
12. Au niveau de leurs structures
Dans un premier temps, les opérations de concentrations, de fusions-acquisitions ont généré
des grands groupes internationaux tentaculaires présents dans tous les secteurs d’activités
(Distribution : DANONE, PROMODES, Services : UAP-AXA, Industrie : PSA, EADS et
plus récemment SANOFI-AVENTIS …). Une croissance calée, non pas sur les
investissements internes, mais sur le rachat d’entreprises pour acquérir des parts de marchés.
Par la suite, les externalisations conventionnelles puis collaboratives ont progressivement
sectorisé les activités des sociétés qui se sont focalisées sur leur cœur de métier. Les
entreprises sont devenues spécialistes dans leur domaine d’activité afin de se concentrer sur
leur valeur ajoutée spécifique. Ces orientations ont mené les salariés vers des activités les
cantonnant davantage à un domaine de spécialisation rendant plus difficile l’accès à des
passerelles interprofessionnelles.
Le fort développement des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la
Communication) a permis de jouer à plein dans l’organisation spatiale des activités,
notamment dans le secteur des services. En s’affranchissant des distances, les entreprises ont
pu découpler la localisation de leurs centres d’activités : management, recherche &
développement , production … Les progrès des transports et des organisations logistiques
permettant dans le même temps, d’éloigner les entreprises des centres de production
traditionnels de matières premières ou d’énergie.
Ces avancées technologiques vont aussi permettre les délocalisations vers des pays à plus bas
salaires pour les activités à fort contenu de travail manuel, tout comme le découplage entre les
intérêts des entreprises et ceux des territoires où elles sont implantées.
Cette approche stratégique des entreprises a également amené, en conséquence de la loi des
marchés, une réelle dynamique dans les échanges commerciaux et techniques ainsi qu’une
émulation créative positive, mais également une concurrence accrue « à l’interne » : les
multinationales mettant en concurrence « différentes zones », contraintes à redoubler d’efforts
pour maintenir ou conserver une activité sur leur périmètre respectif.
En conformité avec les standards internationaux de rentabilité, cette démarche permanente et
continue de gains de compétitivité et productivité, cependant vitale pour la sauvegarde des
entreprises, a néanmoins progressivement orienté celles-ci vers une stratégie la plus profitable
possible au détriment du simple souci de rester en bonne santé.
Aujourd’hui, les démarches de restructuration perdurent ; sous la pression des marchés
financiers, les groupes cherchent à se désendetter : restructurations financières et
managériales, consolidation industrielle, recentrages sur les métiers préservant l’avenir (?) ...
Mise en œuvre de plan de réduction des coûts, d’optimisation des processus achats, et
ralentissement des investissements restent malheureusement d’actualité ...
Au niveau des organisations
Face à ces restructurations successives, la nécessité de trouver des solutions nouvelles a
poussé les entreprises à structurer leur organisation selon des schémas évolutifs et fluctuants :
sectorisation par zones géographiques (Business Area), par activités (Business Unit) avec des
approches managériales adaptées : transversales, verticales, de projets …
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 11
13. Pour faire face à la concurrence exacerbée, les entreprises ont imaginé des dispositifs plus
souples en matière d’aménagement de temps de travail ouvrant une large porte à la
flexibilité : organisation de travail en équipes, augmentation des temps d’ouverture, travail de
nuit, périodes hautes versus périodes basses, horaires atypiques ... Mais aussi, recours au
temps partiel, à la sous-traitance, au personnel temporaire, aux contrats à durée déterminée
(en 2001, on compte environ 2 millions de salariés en emploi temporaire (Intérim, CDD) soit
12,4% de l’emploi salarié du privé, contre 7,8% dix ans auparavant) …
A partir d’une organisation de travail « taylorisée », les entreprises ont instauré des pratiques
plus mobiles, adaptables et transférables donnant aux salariés davantage d’autonomie, et
augmentant la flexibilité des compétences (polyvalences, polycompétences) accentuée par
ailleurs par les « logiques de compétences » qui se sont développées.
Dans le même temps, la flexibilité a touché également les rémunérations par l’instauration de
pratiques de parts variables pour certaines catégories de personnel.
D’une façon générale, les pratiques de gestion des organisations et de l’emploi des entreprises
se sont inscrites dans une recherche générale de flexibilité, menant à un contexte global très
hétérogène de la relation salariale.
Au niveau des ressources humaines
Au cours de ces trente dernières années, le travail a définitivement changé de nature.
Il est devenu plus immatériel, avec un contenu plus abstrait (époque de l’information, du
chiffre), plus relationnel (époque de la communication) et plus intellectuel. Ces dernières
décennies ont vu une croissance des professions intellectuelles supérieures au détriment des
emplois ouvriers et techniciens.
Les fortes évolutions technologiques, les modifications de l’environnement matériel de
l’exercice professionnel et les organisations favorisant la polyvalence ont considérablement
étoffé les qualifications des salariés dans leur ensemble.
Les emplois industriels ont vu la réduction significative de la catégorie « Ouvrier » avec une
proportion de l’ordre de 25% à ce jour, par opposition au 80% des structures industrielles
traditionnelles d’après guerre (et 20% d’encadrants) ; de plus, les métiers « Ouvriers » actuels
s’opèrent dans un contexte professionnel qui tend également, de plus en plus, vers les
caractéristiques du tertiaire.
Dans le même temps, les restructurations, permanentes et protéiformes, ont eu un impact
direct sur les situations d’emplois devenant également mouvantes et incertaines. Les salariés
ont perdu leurs certitudes d’emploi à vie, ils ont intégré la nécessité, tout au long de leur
carrière professionnelle, de devoir changer d’employeur, de métier et éventuellement de lien
salarial au travers d’externalisations, de cessions ou de fusions.
Ils ont progressivement intégré que, même si les licenciements et la précarisation touchent
d’abord les salariés les plus fragiles (personnels peu qualifiés, salariés âgés …) qui sont aussi
ceux jugés comme étant les moins performants, les restructurations peuvent concerner chaque
individu qualifié ou non, et affecter toutes les catégories professionnelles. Plus personne ne se
sent à l’abri de ce qui est vécu comme un processus de précarisation généralisée.
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 12
14. Par ailleurs, cette période de restructurations a généré (et génère encore) de nombreux conflits
sociaux amenant progressivement un contexte général de désenchantement pour l’entreprise
et plus particulièrement des relations du salarié avec l’entreprise et ses dirigeants.
Une nouvelle vision de travail s’est installée avec une remise en cause de la « valeur travail »
et une prise de distance par rapport au travail comme source d’épanouissement.
Dans le même temps, on constate une augmentation générale du sentiment d’injustice et
d’incohérence : une partie de la population (active) tend à diminuer tout en travaillant de plus
en plus, tandis que dans le même temps, une autre partie (inactive ou faiblement active) croît
et bascule vers la pauvreté.
De nouvelles aspirations par rapport à l’entreprise sont nées, notamment celles des cadres, qui
souhaitent, à une majorité de l’ordre de 80%, une diminution de leur temps de travail. Dans le
même ordre d’idée, les diverses enquêtes au sein des entreprises mènent au constat que le
milieu professionnel n’est plus considéré que par 10% des salariés comme « moyen de réussir
sa vie ».
Enfin, les réorganisations structurelles ont introduit chez les salariés un sentiment
d’insécurité, de perte de confiance dans l’entreprise et de pessimisme. Le système génère
surtout un état de stress croissant par rapport à un avenir entaché d’incertitudes, en entretenant
« la crainte de la précarisation, c’est-à-dire du chômage, et la peur de ne pas être à la
hauteur (*) ».
Au niveau de l’environnement économique et social
Au début des restructurations, chacun s’accordait à penser qu’il s’agissait seulement d’une
période difficile à passer et à durée limitée. Dans les représentations collectives, personne
n’envisageait être en face de mutations permanentes. Cette vision du contexte laissait à penser
qu’en acceptant d’en payer le prix économique et social une fois pour toutes, on parviendrait
« au bout du tunnel » avec une compétitivité assurée, permettant de retrouver le plein emploi.
En fait, les événements ont montré le contraire, les restructurations se sont poursuivies à un
rythme plus ou moins soutenu et elles perdurent encore aujourd’hui. Les pertes d’emploi liées
aux mutations industrielles se sont confirmées sur ces dernières années.
Le chômage a toujours progressé pour atteindre un sommet, en 1996, avec plus de 3 millions
de chômeurs, même si à ce jour (2004) il est redescendu à environ 2,7 millions de personnes
soit, tout de même, presque 10% de la population active totale.
Dans le même temps, la précarité a progressé : la part des emplois précaires (CDD, Intérim…)
s’est accrue et reste élevée, de l’ordre de 10% d’après l’INSEE, de même que les emplois à
temps partiel subi (40% des personnes concernées souhaitent travailler davantage). Près de 8
embauches sur 10 sont effectuées sur la base d’emplois précaires.
Le nombre de « salariés dits pauvres » continue de croître et serait de l’ordre de 15% selon la
DARES.
(*) « Souffrances en France » Christophe DEJOURS, édition du Seuil
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 13
15. Eléments chiffrés qui reflètent certainement une réalité … mais insuffisants pour traduire les
difficultés réelles à vivre sans emploi ou de petits emplois précaires et morcelés.
Selon Alain TOURAINE, sociologue : « il y aurait aujourd’hui, un bon tiers de la population
active que l’on peut considérer comme larguée ».
Les restructurations et les externalisations qui en découlent sont des opérations extrêmement
complexes car elles touchent à la fois aux compétences de l’entreprise (hommes et
technologies), à son organisation (méthodes, logistique, gestion …), à ses relations avec les
acteurs extérieurs (pouvoirs publics, collectivités locales et territoriales …) et aux hommes
qui la composent.
Pour autant, dans bon nombre de cas, les restructurations et les externalisations nécessaires
aux adaptations à l’environnement économique ont également apporté bon nombre d’aspects
positifs. Elles ont contraint les entreprises à être imaginatives et créatives, à optimiser les
processus, à instaurer des modes de gestion plus efficaces, des systèmes d’informations plus
performants, à être plus flexibles en termes de production, plus réactives face au client, et
donc in fine à créer de la valeur.
Ces entreprises sont devenues mieux armées, plus compétitives pour affronter un
environnement mondial, concurrentiel, mouvant où l’immobilisme et l’attentisme auraient,
peut-être, mené à des conséquences économiques et sociales pires encore (abstractions faites
des fermetures définitives et de certains contextes sociaux dramatiques) que celles que l’on
connaît aujourd’hui.
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 14
16. I.2 Les mutations industrielles dans les Télécommunications
Après avoir parcouru succinctement 30 ans de mutations économiques et industrielles
impactant l’ensemble des secteurs économiques, nous allons maintenant nous pencher plus
spécifiquement sur le domaine des Télécommunications fortement touché par des
déperditions brutales d’effectifs dans le cadre de restructurations radicales. Hémorragie
progressive des effectifs, principalement industriels, apparue après une période faste de
croissance et de développement.
I.2.1 Réorganisations structurelles
En France, la fin des années 1970 et le début des années 1980 sont marqués dans le domaine
des Télécommunications par le vaste programme de rattrapage lancé en 1975 pour combler le
retard d’équipement national. Le téléphone est alors hissé au rang de priorité du VIIème Plan
qui vise à doubler le nombre de lignes téléphoniques installées en cinq ans. A cette époque, le
monde des Télécommunications vit largement en vase clos, autour des PTT (Postes,
Télégraphe Téléphone), des grands fournisseurs (CGE-Alcatel, Thomson CSF/LMT, CGCT-
LCT, AOIP, Ericsson) et de quelques groupes familiaux qui y ont leurs habitudes : la DGT
(Direction Générale des Télécommunications ) est le client quasi unique.
L’ensemble des activités est concentré pour l’essentiel en Bretagne et dans le Grand Ouest qui
fait l’objet d’une politique de développement très active, orientée vers les
Télécommunications et l’électronique depuis les années 1960 : CNET (Centre National
d’Etudes des Télécommunications) à Lannion, Thomson à Brest et Cholet, CGCT à Rennes ,
CTD (Construction Téléphoniques Depaëpe) à Pont de Buis (29) et Picart-lebas à
Châteaudun, AOIP à Guingamp et Morlaix, Ericsson à Brest, Alcatel à Lannion …
A la fin des années 70, l’industrie des Télécommunications est devenue une industrie lourde,
fortement intégrée, caractérisée par une main d’œuvre nombreuse, encore peu qualifiée, et par
une forte valeur ajoutée.
La fin des années 70 et le début des années 80 sont marqués, dans le domaine qui nous
concerne, par le passage des techniques électromécaniques aux techniques électroniques et
numériques qui bouleversent les structures industrielles qui viennent d’être mises en place.
Ces nouvelles technologies impliquent un encadrement très qualifié, une main d’œuvre moins
nombreuse, une valeur ajoutée plus faible. Sous l’impulsion de la DGT et à l’instar de ce que
font d’autres grands acteurs industriels (ATT, IBM, Thomson, Siemens), la conversion de
cette industrie devient un problème d’Etat. On assiste à une profonde restructuration de
l’industrie électronique des Télécommunications, initialisée par le gouvernement dans le
prolongement des nationalisations de 1982.
C’est dans ce contexte que se situe le rapide développement des activités de
Télécommunications dont la démarche stratégique consiste à intégrer de la valeur ajoutée en
amont pour compenser la perte en aval liée au passage à l’électronique.
Les premières générations d’externalisations impactent peu l’industrie des
Télécommunications qui, dans son ensemble, reste encore quelque peu épargnée par les
réductions drastiques d’effectifs que connaissent les secteurs de la sidérurgie, du textile et des
chantiers navals.
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 15
17. Tout comme l’ensemble des secteurs d’activité, les réorganisations structurelles
qu’entreprennent les sociétés à partir des années 90, touchent progressivement le domaine des
Télécommunications ; phénomène qui s’amplifie considérablement à l’approche de la fin de
siècle.
Il en résulte un nouvel environnement dans les activités Télécommunications, les
« stratégies » de focalisation sur le « core business » (selon le vocable anglais en usage dans
ce domaine d’activité) et les externalisations qui en résultent favorisent l’émergence de
sociétés internationales spécialisées, notamment dans l’industrie « High Tech » (électronique,
informatique, télécoms) qui reste à ce jour la plus en avance dans le processus de
désinvestissement de l’outil industriel.
A l’issue de ces vastes opérations de restructurations, le panorama des entreprises du domaine
des Télécommunications se répartit entre différentes activités spécialisées, découpage
fonctionnel qui reste toujours d’actualité à ce jour, à savoir :
Equipementiers : Alcatel, Nortel Networks, Motorola, Lucent, Ericsson, Siemens,
EADS Telecom …
Opérateurs : France Telecom, Deutch Telecom, Telefonica, British Telecom,
KPN…
Industriels spécialisés ou ‘contract manufacturers’ internationaux : Flextronics,
Solectron, Sanmina, Celestica, Jabil … ou régionaux : Novatech Technologies (Pont
de Buis, Lannion), Serixel (Redon) …
En outre, le développement rapide des réseaux d’informations type Internet, contribue
fortement à l’émergence de ces nouveaux sous-traitants de taille mondiale en permettant la
communication en temps réel entre donneurs d’ordre et fournisseurs (Solectron, le plus
important, réalise 16 milliards de chiffre d’affaires et possède 29 usines rien qu’en Europe).
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 16
18. Le tableau ci-après reprend l’historique synthétique des réorganisations (restructurations et
externalisations) en France dans le domaine des Télécommunications :
Année Réorganisations
1992 Solectron reprend le site IBM de Célestas près de Bordeaux.
1992 à 1998 Flextronics reprend le site de Lunéville (assemblage de composants électroniques).
Flextronics reprend le site Montilliers (armoires cablées pour GSM).
Sanmina reprend le site HP de Grenoble (cartes électroniques).
1999 Sanmina reprend le site de Nortel de Châteaudun (infrastructures pour réseaux
mobiles).
Sagem devient valeur TMT (Technologies, Média, Télécoms).
2000 Solectron reprend le site de Ericsson de Longuenesse (centraux téléphoniques), le site
Matra Nortel Communications de Pont de Buis (cartes électroniques) et le site de Matra
Nortel Communications de Douarnenez (moulage de terminaux et assemblage)
Matra Nortel Com. cède ses activités de réparation à Corline (Rennes)
Sanmina reprend le site Nortel de Guyancourt (équipements pour réseaux mobiles)
Viasystems reprend le site Lucent à Déville-lès-Rouen.
2001 France Telecom : Privatisation
- Microélectronique vers STMicroelectronics et CEA
- Optoélectronique vers Alcatel Optronics et CNRS
- Création Highwave Optical Technology à Lannion et Rennes
Matra Nortel Communications ferme le site de Quimper.
Flextronics reprend le site de Alcatel de Laval (terminaux GSM).
Celestica reprend le site Avaya de Saumur.
Nortel cède ses activités à EADS Telecom et à SPIE (distribution).
Nortel Networks ferme les sites de Marne la Vallée, Courbevoie et Guyancourt.
Philips stoppe sa production de mobiles du Mans et la transfère en CHINE.
Flextronics ferme le site de Lunéville.
Sagem cède sa branche automobile .
Highwave Opticals (Lannion) passe de 1000p à 150p.
2002 Alcatel restructure les sites de Lannion et Illkirch et ferme celui de Lannion.
Alcatel cède son site industriel de Brest (Pabx) à Jabil.
EADS Telecom (ex Matra Nortel Communications) ferme le site de Rennes.
Sanmina-SCI reprend les sites Alcatel CIT de Tolède (syst. Accès filaire),
Gunzenhausen (syst. transm. données /voix), Cherbourg (faisceaux hertziens).
Sanmina-SCI fusionne les sites de Grenoble et Cherbourg à Cherbourg.
Solectron ferme le site de Longuenesse et vend celui de Pont de Buis à Novatech-
technologies et celui de Douarnenez à Asteel.
Bastide Electronique ferme le site de Morlaix (ex Thomson CSF Tel et AOIP).
KPNQwest est mis en liquidation.
Mitsubishi ferme le site d’Etrelles.
Sanmina-SCI reprend le site HP de l’Isle d’Abeau (assemblage PC).
Eloan reprend le site Tenovis de Montceau les Mines.
Eloan reprend le site Thalès de Marcq en Baroeul..
2003 Flextronics reprend le site Schlumberger de St Etienne.
Sanmina ferme le site de Châteaudun.
Liquidation judiciaire ACT Manufacturing Angers ex Bull (cartes électroniques).
2004 Viasysytems ferme le site de Déville-lès-Rouen.
ST Microelectronics ferme le site de Rennes (400 emplois).
Alcatel SN supprime 80 postes sur son site d’Ormes, dans le Loiret.
Vishay, fabricants de composants électroniques annonce la fermeture de l’usine de
Colmar (292 emplois).
EADS DS S.A. annonce un plan de suppression de 200 postes en France.
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 17
19. I.2.2 Contexte conjoncturel
I.2.2. a) Boom des Télécoms
Au milieu des années 90, c’est le boom des Télécommunications. L’arrivée des téléphones
mobiles avec des perspectives de croissance exponentielle laisse entrevoir des gains
faramineux. Tous les grands industriels du secteur mais aussi de nombreux petits acteurs
s’engagent fortement. Dans le même temps, les potentialités offertes par l’Internet deviennent
de plus en plus évidentes. Chacun veut offrir des nouveaux services : Yahoo (portail de
services), Amazon (e-commerce), Napster (échange de contenus musicaux) … D’un coup,
chacun cherche à profiter de la nouvelle économie sans aucune analyse sérieuse. Une bulle
spéculative se forme.
Il en résulte trois conséquences majeures pour l’économie des Télécommunications :
1 – L’argent devient facile et le crédit se débride. Les industriels des communications
n’ont aucune difficulté à lever des fonds pour investir dans des capacités de production. Des
industriels spécialisés comme Solectron rachètent, en très peu temps, un grand nombre
d’usines à des montants très élevés.
2 – Cet argent est investi d’abord dans des équipements de communication comme les
serveurs , les réseaux … ce qui renforce le secteur manufacturier. C’est « l’âge d’or » pour les
industriels des Télécommunications. Selon l’observatoire mondial des systèmes de
communication, leur chiffre d’affaires cumulé a doublé entre 1996 et 2000. Les industriels
spécialisés comme Solectron sont même contraints de refuser des commandes.
3- Une spirale spéculative se met en place : la bourse s’envole, l’économie réelle suit
et se met en régime de surchauffe. Tous les indicateurs sont au vert dans une certaine euphorie
aveugle. Ceci favorise en particulier les externalisations. Le baromètre Outsourcing publié par
Ernst & Young montre qu’en période de confiance, les perspectives d’externalisation
augmentent.
I.2.2. b) Crise des Télécoms
Les Etats veulent également profiter de cette manne et octroient les licences pour les réseaux
mobiles de troisième génération à des prix astronomiques : en France, le prix d’une licence
UMTS pour 15 ans a été fixé par le gouvernement à près de 5 milliards d’Euros alors que la
technologie n’était encore que virtuelle !!
A cela s’ajoutent des défaillances de paiement et le retard des acteurs à dégager des bénéfices.
Tout repose en effet sur le postulat d’une croissance exponentielle des trafics générés par
Internet et sur une capacité quasi infinie de capacité de transmission d’informations.
Certains investisseurs prennent peur et les capitaux se détournent du secteur des Télécoms.
Au printemps 2000, c’est l’éclatement de la bulle spéculative qui entourait les valeurs
technologiques provocant un véritable séisme. Les faillites se multiplient chez les nouveaux
opérateurs, tandis que les opérateurs historiques ont du mal à réduire le fardeau de leur dette.
Les équipementiers, confrontés à la réduction des investissements de leurs clients, affichent
des pertes historiques après une année 2000 record .
Après une période de forte croissance, le secteur est contraint à multiplier les plans sociaux (6
plans sociaux successifs pour Nortel, 4 pour Lucent en 2 ans, 3 plans pour Solectron France).
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 18
20. Pour rassurer les investisseurs et prouver leur capacité à renouer avec des marges
bénéficiaires, les grands groupes des Télécommunications réduisent leurs effectifs au prorata
de leur baisse d’activité.
Cette situation est malheureusement aggravée par la fraude de gros acteurs ayant cherché à
masquer leurs difficultés (Lucent, Worldcom, Enron …), ainsi que par les événements du 11
septembre 2001 et les incertitudes géopolitiques mondiales qui en ont résulté.
En deux ans seulement (2001 puis 2002) les revenus du secteur sont retombés un peu
en-dessous de leur niveau de 1998. Aucune autre activité économique n’a connu une pareille
purge (voir tableau ci-après de quelques évolutions de capitalisation boursière).
A eux seuls, les grands groupes mondiaux de Télécommunications se sont séparés
de près de 300 000 salariés en un an. Le canadien Nortel a perdu plus de la moitié de
ses effectifs en un an. Et il faut ajouter à ce chiffre bien d’autres suppressions
d’emplois, aussi bien chez les sous-traitants que chez les fabricants de composants
(voir tableau ci-après des suppressions d’effectifs dans les grands groupe de
Télécommunications) ;
Equipements de réseaux (serveurs, switch …) la demande s’est effondrée
- 7% en 2001
-32% en 2002
-6% en 2003
(source Crédit Suisse First Boston CSFB)
En 2002 , la chute des revenus a été de l’ordre de 37% pour Nortel, 26% pour
Lucent et presque 20% pour Alcatel. (Les Echos 10 janvier 2002) ;
Evolution du chiffre d'affaires des six grands
équipementiers (en %)
-10
-37 Nortel
-13
-26 Lucent
5 Motorola
-19
9 Ericson
-9
-2 Alcatel
-6
2002-2001
2001-2000 10 Nokia
3
Source Schroder SalomonSlithBarney Parution La Tribune 4 janv 2002
Alcatel (tout comme Siemens) a externalisé la moitié de ses sites industriels soit une
cinquantaine au total ;
Téléphonie mobile : seul domaine relativement épargné, soutenu par la demande du
grand public mais les productions sont réalisées en Asie pour l’essentiel (Mitsubishi,
Alcatel).
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 19
21. EVOLUTION DE LA CAPITALISATION BOURSIERE
(valeur au 31 décembre 2001 en milliards d’euros)
OPERATEURS EQUIPEMENTIERS
216,6 250,3
134,5
142
104,6
96,2 112
105,9
81 80,976,3 89,4
70,6
71,1
50,8 47,4 51,3
42,5 43,9 45,8
18 13,2 21,9 23 23,5
13,5 12,6
FRANCE DEUTSCHE BRITISH KPN TELEFONICA ALCATEL NORTEL LUCENT ERICSSON
TELECOM TELEKOM TELECOM NETWORKS
1999 2000 2001 1999 2000 2001
Source ‘Bloomberg’ Publication Le Monde du 1er janv 2002
SUPPRESSIONS DES EFFECTIFS DANS LES GRANDS GROUPES DE
TELECOMMUNICATIONS entre 2000 et 2002 (Situation arrêtée début juin 2002)
Source Lehman Brothers research publiée par La Tribune du 6 juin 2002
* Source Le Monde du 1er janv 2002
** Source France Telecom Bilan social 2002
Chez les EQUIPEMENTIERS
Lucent (Etats unis) 75 000
Nortel (Canada) 50 000
Motorola (Etats unis) 43 000
Ericsson (Suède) 42 000
Alcatel (France) 23 500
Siemens (Allemagne) 15 000
Marconi (Grande Bretagne) 8 000
Nokia (Finlande) 7 500
Chez les OPERATEURS
France Telecom (France) 21 000 **
Deutsche Telecom (Allemagne) 22 000
British Telecom (Royaume-Uni) 6 000
KPN (Pays-Bas) 4 800
Chez les ‘CONTRACT MANUFACTURERS’
Solectron (Etats unis) 40 000 *
Flextronics (Etats Unis et Singapour) 10 000 *
Chez les FABRICANTS DE COMPOSANTS
Toshiba (Japon) 18 800 *
Fujitsu (Japon) 16 400 *
JDS Uniphase (Canada) 16 000 *
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 20
22. I.2.2. c) Conséquences et stratégies
Les grands groupes du secteur, face à l’effondrement de la demande, multiplient les
restructurations mais, dans le même temps, les reprises annoncées n’étant pas au rendez-vous,
certains envisagent de devoir modifier leur position stratégique.
Ainsi Serge Tchuruck, président d’Alcatel, déclare-t-il dans « le Monde » du 21 septembre
2002 que « Ma stratégie est bien de rester un généraliste des Télécommunications et de ne
pas amputer significativement le portefeuille de produits, parce que je veux qu’Alcatel soit le
premier à rebondir et le plus haut … ». Dans le même temps, il reconnaît que l’expression
« entreprise sans usine » qu’il avait employée en 2001 était « un peu inappropriée » .
On le voit, l’effervescence née avec l’Internet puis le brutal retournement du marché des
Télécommunications début 2001 a pris de court l’ensemble des professionnels et les meilleurs
analystes. De restructurations en externalisations, les entreprises se sont énormément
concentrées et spécialisées au détriment, peut-être, du maintien et de la maîtrise de savoir-
faire déterminant quant à leur avenir, compte tenu de la crise qui persiste.
Que se passera-t-il si la crise dure encore ? Les équipementiers seront-ils encore en ordre de
marche quand l’activité repartira ? L’industrie télécom française ne s’est-elle pas désengagée
de façon irréversible ? (à l’instar du secteur textile-habillement). Va-t-on vers une mutation
encore plus radicale ?
Certaines voix se sont déjà élevées pour réclamer auprès de l’Etat « un plan de
redynamisation de l’industrie » comparable à celui mis en place pour la sidérurgie ou la
construction navale.
Sur ces 2 dernières années (2002, 2003) la DARES indique que l’industrie a perdu 200 000
emplois et en 2002, après les métiers de l’habillement (-7,2%) et du textile (-6,3%), ce sont
les emplois d’équipements électriques et électroniques (-4,7%) et de composants électriques
et électroniques (-5,8%) qui ont subi les pertes les plus significatives.
Y-a-t-il une alternative à ces déperditions d’emplois ?
Pour sortir de cette spirale négative, plusieurs experts préconisent un recentrage des
équipementiers sur le service aux opérateurs et aux entreprises, en quelque sorte, une
évolution semblable à celle qu’ont connue les grands de l’industrie informatique dans les
années 80.
Une autre voix précise que, quitte à poursuivre les restructurations, une spécialisation plus
poussée sur des productions de niches à plus forte valeur ajoutée pourrait permettre aux
équipementiers généralistes de relancer leur activité.
Définir ces orientations stratégiques n’est pas l’objet de ce propos. Cependant quelle que soit
la voie choisie, l’accompagnement des réorientations ne peut se faire sans structure ni sans
mesure préventive et c’est un des objectifs de cette réflexion.
Mais au préalable, il nous faut aborder le contexte économique qui est également à l’origine
de réductions d’emplois car il serait faux de croire que seul le contexte conjoncturel est en
cause dans les suppressions importantes d’emplois que connait toujours le secteur des
Télécommunications.
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 21
23. I.2.3 Contexte économique
Le contexte conjoncturel particulier au domaine des Télécommunications a également été
amplifié par un phénomène structurel commun à l’ensemble des secteurs d’activités : une
exigence croissante de performance et de rentabilité.
Miniaturisation et Augmentation de la productivité
Du fait des restructurations et des externalisations, la décroissance des effectifs a été très
sensible et notamment depuis le début des années 98/99, mais deux autres phénomènes ont
largement accentué cette évolution négative : la miniaturisation des composants et la
croissance de la productivité.
La miniaturisation des composants
Depuis le passage de l’électromécanique à l’électronique, la course à la miniaturisation
n’a plus cessé. L’évolution des PC en est un exemple, mais également dans le domaine
des Télécommunications, l’intégration de la technologie permet aujourd’hui de réaliser
des terminaux téléphoniques miniatures contenant plusieurs centaines de composants
et disposant de facultés technologiques sans cesse plus poussées. Dans le même ordre
d’idée, la capacité de connexion d’une carte électronique de central téléphonique est
passée de 4 à 96 abonnés.
Cette miniaturisation a amplifié l’automatisation des opérations de production afin de
réduire les prix de revient, et du même coup, la part main d’œuvre et les interventions
manuelles. Cette tendance a considérablement réduit le besoin de population
« tournevis » au niveau de l’assemblage industriel.
La croissance de la productivité
En outre, d’énormes progrès ont été réalisés en termes de productivité. Par exemple,
dans les années 70, il fallait 15 usines pour produire deux millions de lignes de
centraux téléphoniques par an, aujourd’hui 20 personnes suffisent. Autre exemple dans
le domaine « High Tech », le temps de réalisation d’un téléphone mobile type GSM
(Global System for Mobile) est passé de 40 à 4 ch (centième d’heure) depuis les
premiers modèles alors que dans le même temps, le PRU (Prix de Revient Unitaire)
était divisé par quatre.
Un rapport de l’OFCE de 2003 (Observatoire Français des Conjonctures
Economiques) indique par ailleurs que les gains de productivité de l’industrie
française ont été 4 fois plus élevés en 2002 qu’en 2003.
Du coup, les sociétés se sont progressivement trouvées avec des capacités
surdimensionnées, la croissance des marchés ne compensant pas l’amélioration de la
productivité. L’externalisation a été une solution satisfaisant d’une part le donneur
d’ordre incapable « de charger » avec ses seuls produits son outil industriel et, d’autre
part, le fournisseur pouvant accueillir les fabrications de plusieurs donneurs d’ordre et
atteindre ainsi la taille critique permettant d’absorber les lourds amortissements
nécessaires aux technologies à l’état de l’art.
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 22
24. Augmentation de la complexité et diminution du cycle de vie
La technologie dans le secteur de l’électronique et donc des Télécommunications devient de
plus en plus complexe, les coûts de développement augmentent et la durée du cycle de vie des
produits se réduit :
Augmentation de la complexité des produits
L’évolution des techniques a abouti à une complexification sans précédent de la
conception des produits. La technicité liée aux multi-fonctionnalités attendues du
client nécessite des compétences multiples. Désormais, les biens de consommation et
d’équipements sont le plus souvent issus de plusieurs technologies.
Résultat de cette fertilisation croissante des technologies : un produit électronique peut
par exemple inclure de la mécanique, de la pneumatique, de l’hydraulique et surtout de
l’informatique (du logiciel)… Pour le fabriquer, on peut faire appel à l’acier, à
l’aluminium, aux matières plastiques, aux matériaux composites… Or aujourd’hui,
l’entreprise ne peut maîtriser l’ensemble de ces technologies, d’où la nécessité de faire
appel à des partenaires possédant ce savoir-faire.
Augmentation des coûts de développement
S’ajoute à cette complexification des produits, l’augmentation des coûts de
développement. Les équipements et les méthodes des laboratoires de recherche ont un
contenu de plus en plus technologique. Les budgets deviennent lourds au point que
certains projets sont inaccessibles à une entreprise seule.
Diminution du cycle de vie
La course à l’innovation technologique devient un facteur essentiel de l’avantage
concurrentiel. La part de revenus provenant des produits lancés depuis moins de deux
ans ne cesse de croître, atteignant en moyenne 45% dans le secteur de l’électronique.
Une entreprise High Tech se doit donc d’investir de manière continue dans la maîtrise
de nouvelles technologies et dans le développement des produits.
Concurrence renforcée
Quel que soit le domaine, les entreprises sont soumises à une concurrence accrue. Dès lors,
ces entreprises doivent renforcer leur compétitivité pour survivre.
La montée en puissance de la production - et de l’innovation - des pays émergents représente
un défi pour les entreprises dont les produits n’incorporent pas assez de valeur ajoutée. Les
délocalisations, phénomène marginal mais médiatique, traduisent la difficulté des acteurs à
assumer le coût de travail supérieur dans les pays occidentaux. L’externalisation permet de
diminuer les coûts et de conférer, au moins dans un premier temps, un avantage compétitif à
l’entreprise.
Vision court terme des actionnaires
Les horizons de placement des investisseurs institutionnels tendent à diminuer : si le temps de
détention moyen était de sept ans dans les années 60, il n’est plus que de deux ans
actuellement. Les responsables d’activités sont contraints à rechercher un retour sur
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 23
25. investissement rapide qu’ils espèrent acquérir en externalisant et délocalisant la Production et
depuis peu la Recherche & Développement.
Car, et c’est un phénomène encore récent, les désinvestissements touchent dorénavant
également la recherche et le développement, l’outil industriel devenant exsangue.
Alors que le cycle de vie se raccourcit et que les budgets de développement sont de plus en
plus lourds, l’amortissement correspondant ne peut s’envisager que sur la base de parts
significatives de marché à l’échelle planétaire. On constate d’ailleurs qu’est en train de naître
l’ingénieur de développement à bas coût… en Inde, au Vietnam, en Chine ou même en
Roumanie…
Sans aller plus avant dans le descriptif conjoncturel et économique du milieu des
Télécommunications (une présentation plus exhaustive serait certainement nécessaire), les
pages suivantes visent à apporter un éclairage focalisé sur le contexte spécifique à l’entreprise
EADS Telecom afin de décrire sa propre problématique dans ce secteur d’activité
relativement vaste.
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 24
26. I.3 EADS Telecom
Les pages précédentes ont décrit l’environnement économique et conjoncturel dans lequel
s’est développé le secteur des Télécommunications en France depuis ses balbutiements
jusqu’à ce jour.
EADS Telecom est issu de ce contexte et son histoire s’est construite à partir des années 70.
I.3.1 Historique
Le descriptif historique ci-après s’appuie sur l’ouvrage :
MATRA « La Volonté d’entreprendre » de MATRA à EADS
de Claude CARLIER en 2003 aux éditions DU CHÊNE.
Les passages cités apparaissent en italique.
I.3.1. a) Naissance d’une entreprise
« C’est en 1978 que MATRA décide d’investir dans les Télécommunications avec l’objectif de
créer un nouveau pôle industriel orienté vers les terminaux, la petite commutation privée
(flottes d’ambulances, médecins, taxis, bâtiments publics). Cette décision se traduit par la
reprise d’un certain nombre de petites et moyennes entreprises qui ont besoin d’un « grand
frère » pour accomplir leur mutation technologique. Ce sont successivement, en 1979 :
Le groupe DEPAEPE, composé des Constructions Téléphoniques Depaëpe (CTD), de
la société industrielle Depaëpe (Sidep) à Pont de Buis et Douarnenez depuis 1972 (qui
devient le berceau et l’origine de l’histoire de la société), et des Téléphones Picart-Lebas
(TPL) à Châteaudun et Baule.
Péritel (Paris), société réalisant des équipements de périphériques de téléphones, des
petits centraux téléphoniques et des systèmes de radiotéléphonie (R200)
Les premières tâches qui s’imposent à la branche Télécommunications sont l’intégration de
ces morceaux disparates, tant par leurs métiers que par leurs personnels, et la définition
d’une stratégie industrielle. Entre 1981 et 1982, l’outil industriel est modernisé pour prendre
en compte la fabrication et l’intégration de sous-ensembles électroniques de façon flexible.
La raison sociale devient TEMAT (Télématique Matra).
L’intégration, qui pose des problèmes sociaux importants compte tenu de la disparité des
profils des personnels et de leurs statuts, s’achève en 1984 avec la création de MATRA
COMMUNICATION.
A cette époque la société livre 2 millions de postes téléphoniques par an et environ 100 000
minitels pour la DGT.
I.3.1. b) Restructuration de l’industrie des Télécommunications en France
A la suite des nationalisations de 1982, une profonde restructuration de l’industrie
électronique et des Télécommunications est entreprise par le gouvernement. :
Matra Communication se porte acquéreur des activités de
Télécommunications privées de la Compagnie Générale de Constructions
Téléphoniques (CGCT) et du Laboratoire Central de Télécommunications
(LCT) qui lui est associé (1986 et1987)
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 25
27. Matra Communication adossée à Ericsson, reprend la deuxième partie de
ex-CGCT, activités de commutation publique, pour créer MET (Matra
Ericsson Télécommunications) (1987)
Les activités de Télécommunications publiques de Thomson-CSF sont
cédées à Alcatel,
A l’issue de ces opérations, Matra Communication devient, à la fin des années 1980, le
deuxième acteur industriel français des Télécommunications, derrière Alcatel.
Matra Communication est alors présent sur le marché de la Commutation d’entreprise (offre
Matracom 6500) et du Téléphone grand public (filaire et sans-fil). Pendant de longues
années, premier constructeur français de postes téléphoniques, Matra Communication propose
à la vente en magasins spécialisés et en grande distribution les premiers postes téléphoniques
« à acheter », rompant ainsi avec des décennies de monopole des PTT dans la location de
postes téléphoniques. La société atteint une part de marché autour de 20% en grande
distribution. Sur l’ensemble du marché, depuis la production du premier téléphone
électronique TM1 en 1983, Matra Communication devance l’ensemble de ses concurrents tels
que Alcatel, Philips, HPF, avec environ 35% de part de marché.
Dans le même temps, persuadée que les radiocommunications ont un développement
considérable et peuvent constituer l’un des piliers de la société, Matra Communication
entreprend avec succès de convaincre la DGT (Direction Générale des Télécommunications)
de concevoir un système de radiotéléphone automatique destiné à la fois au marché de
radiotéléphonie de voiture et de communication et au réseau téléphonique commuté. Matra
Communication entre ainsi de plain-pied dans l’aventure de la radiotéléphonie (analogique).
Radiocom 2000, mis en service en 1985, remporte d’emblée un succès industriel et
commercial malgré ses limites … et jusqu’à l’arrivée du GSM (numérique).
I.3.1. c) L’internationalisation
En 1988, Matra Communication, entreprise française, est à la recherche d’un développement
international de ses activités. Stratégiquement, elle vise l’Europe, complétée par une
ouverture vers les Etats- Unis conçue comme une fenêtre sur le premier marché mondial. Elle
rachète DFG en Allemagne, EGT en Belgique, ST en Italie (en 1988) et surtout INTECOM
aux USA (en 1990) puis ensuite AEG Mobile Communication en Allemagne (AMC) et en
Espagne(ARC) ( en 1992).
Fort de sa position d’acteur dominant dans les radio-communications en France avec le
Radiocom 2000, Matra Communication obtient en 1987, au détriment de Thomson CSF,
principal acteur français de Télécommunications militaires, la mise au point du premier réseau
mondial de PMR (Private Mobile Radio) numérique Rubis, basée sur une technologie
baptisée TETRAPOL .
En 1992, Matra Communication dispose de la technologie, des produits et des équipes de
développement nécessaires à la nouvelle norme européenne GSM dont on pressent qu’elle va
envahir le monde mais ne possède pas l’assise internationale, les technologies de
commutation et de transmission et surtout les relations avec les opérateurs mondiaux qui vont
l’opérer.
Le développement d’une envergure internationale forte permettant d’adresser le marché des
opérateurs mondiaux des Télécommunications se concrétise par la mise en place d’un
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 26
28. partenariat stratégique en 1992 avec le leader Canadien Northern Telecom (qui va devenir
NORTEL NETWORKS, quatrième entreprise mondiale dans le domaine de la commutation
publique et privée) qui apporte l’accès au domaine de la commutation publique (accès déjà
détenu par MET, ce qui va d’ailleurs provoquer le « divorce » avec Ericsson ) indispensable
pour commercialiser une offre GSM, et un accès aux marchés d’Amérique du Nord et
Centrale, Europe du Nord et Asie.
Il faut sans doute également considérer que les événements socio-politiques de 1989 avec la
chute du mur de BERLIN et de 1990 avec la guerre du Golfe ont considérablement impacté
l’économie internationale et que le ralentissement de l’activité mondiale a été également un
moteur puissant pour la recherche d’une alliance. En effet, la chute du chiffre d’affaires, -25%
en 1990, est suffisamment significative pour nécessiter l’adossement à un partenaire afin de
supporter les coûts croissants de R&D. A cette époque, la part R&D est de l’ordre de 16 à
17% du chiffre d’affaires .
Pour faire face à ses difficultés de baisse de chiffre d’affaires notamment dans le domaine des
terminaux téléphoniques, Matra Communication est contraint de mettre en œuvre courant
1992, son premier plan social qui impacte principalement ses sites de Bois d’Arcy, Rennes,
Châteaudun et Quimper à hauteur d’environ 8 à 10% des effectifs.
Néanmoins, fin 1992, le partenariat se concrétise par la participation de 20% dans un premier
temps dans le capital de Matra Communication et la création d’une filiale commune, Nortel
Matra Cellular, contrôlée par Nortel à 66% et spécialisée dans la conception et la
commercialisation mondiale d’infrastructures GSM.
Le partenariat stratégique se développe progressivement entre les 2 actionnaires, Nortel
Networks et Lagardère, pour atteindre une répartition de 50/50 du capital et aboutir en 1998 à
la création de MATRA NORTEL COMMUNICATION. Ce partenariat vise à élargir
l’horizon de l’activité de commutation d’entreprise en mettant en place une stratégie mondiale
de commercialisation.
Fin 1999, Matra Nortel Communication représente 5200 salariés dont 4500 personnes en
France (répartis sur 7 sites en plus du réseau de distribution) et 700 personnes à l’étranger
(principalement Allemagne, Espagne, Mexique).
La production représente 26% des effectifs.
Dès l’apparition de la norme GSM (Global System for Mobile) en 1993, à laquelle Matra
Communication a activement participé, l’entreprise produit ses premiers terminaux portatifs
très innovants car disposant de l’écoute amplifiée et de la reconnaissance vocale. Cette
période est un forte période de recrutement, notamment de jeunes ingénieurs
Télécommunications dans le domaine de l’ingénierie radio. Le volume d’activité est tel que le
recours à de la main d’œuvre temporaire double les effectifs du site industriel de Douarnenez.
Cependant, le manque de contrats importants avec les opérateurs au niveau mondial, la rapide
baisse du prix de vente des mobiles GSM liée notamment aux politiques de ventes avec
abonnement, l’accélération du cycle des produits et des technologies, la concurrence
mondiale, ne permettent pas à Matra Communications d’atteindre la taille critique
indispensable pour développer durablement ce type d’activité.
Et pour le produit Matra, une erreur de cible marketing qu’il faut bien admettre : le produit
proposé par la marque est plutôt positionné haut de gamme alors que le marché attend un
produit de base.
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 27
29. En 1998, l’activité terminaux GSM est abandonnée, stoppant progressivement l’ensemble des
contrats temporaires.
I.3.1. d) Restructurations et externalisations
La fin des activités grand public de Matra Nortel Communication est définitive au 1er janvier
2000, date de la cession au groupe européen d’origine suédoise DORO des activités
Téléphones grands publics.
En mars 2000, les actionnaires EADS (nouveau consortium Européen de l’aéronautique de la
défense et de l’espace industrie issu pour la France de AEROSPATIALE MATRA et du
groupe Lagardère) et Nortel Networks décident de poursuivre le redéploiement de leurs
activités dans les Télécommunications afin de servir leur stratégie dans leur cœur de métier et
sur leurs marchés clés, EADS renforçant sa position d’intégrateur de solutions de
Télécommunications sécurisées sur la base de technologies civiles adressant les marchés de la
sécurité publique, de la défense, des collectivités locales et des entreprises.
C’est ainsi qu’une nouvelle entité, EDSN (EADS Defence and Security Networks), détenue à
55% par EADS et 45% par Nortel Networks, est créée le 1er juin 2000, intégrant dans un
premier temps les activités radio professionnelles sécurisées (PMR) et les activités
gouvernementales et de défense, représentant au total environ 1500 salariés.
En mars 2001, le pôle devient EADS TELECOM en intégrant trois entités
complémentaires du groupe EADS (Dasa, Aerospatiale Matra) et du groupe Nortel qui ont des
activités dans les Télécommunications civiles et militaires en France et dans le monde:
en France : la technologie M6500/Succession 6500 de Matra Nortel
Communications
en Allemagne : VEKN , division réseaux de communication d’EADS spécialisée
dans les réseaux tactiques de défense
au Royaume-Uni : COGENT, société de systèmes de télécommunication de défense
et de sécurité sur la base de technologies civiles
Dans le cadre de cette stratégie, entre fin 2000 et avril 2002, EADS cède, près de 900
personnes au total à des sociétés telles que SOLECTRON (électronique), CORLINE (sav
électronique), BRIME (recherche et développement), GORIOUX FARO (comptabilité),
EURIWARE (informatique), GEODIS (logistique), SPIE (distribution).
Par ailleurs, EADS ré-intègre à son compte les activités de Commutation d’entreprise
réalisées pendant un temps pour le compte de NORTEL (600 personnes) puis rapatrie les
activités de Vilsain (40 personnes) sur le site de Douarnenez en faisant partiellement
reprendre les salariés non volontaires par Nortel Matra Cellular, ce qui entraîne la fermeture
du site EADS d’Eure et Loir.
L’entité EADS Telecom devient fournisseur de réseaux de Télécommunications clés en main
à base de technologies civiles pour 3 types de marchés :
la défense,
la sécurité publique (force de police, pompiers, services d’urgence),
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 28
30. les grands marchés civils et Entreprise (aéroports, transports publics urbains,
collectivités locales).
et 2 gammes de produits constituent son offre :
La Communication d’entreprise avec sa gamme de centraux téléphoniques 6500,
fortement intégrée et désormais orientée vers l’offre téléphonie sur IP (Internet
Protocol).
La Communication professionnelle sécurisée : infrastructures et terminaux radio
professionnels basés sur la norme TETRAPOL.
A fin 2001, les effectifs de EADS Telecom se composent de 3500 salariés dans 12 pays. La
France représente 1500 salariés répartis entre l’Ile de France (1130 personnes) et la Bretagne
sur le seul site de Douarnenez (370 personnes).
En juin 2003, EADS Telecom lance un plan de sauvegarde de l’emploi pour faire face à des
difficultés économiques liées aux difficultés du marché. 118 postes sont concernés dont 40
pour le seul secteur industriel.
Début 2004, le périmètre de l’entreprise subit une nouvelle restructuration et devient EADS
DCS pour « Defence and Communications Systems ». Cette évolution traduit la volonté du
groupe EADS de rapprocher l’ensemble de ses activités européennes d’électronique de
défense et de communication. Cette nouvelle organisation laisse présager la mise en place de
synergies probables susceptibles de mouvements de personnels, notamment sur les services
supports.
I.3.2 Effectifs / métiers / compétences
En parcourant l’histoire de l’entreprise, nous aperçevons bien qu’avec les modifications
fréquentes et importantes du périmètre de l’entreprise, il est particulièrement difficile de
cerner les évolutions de volumes et de qualifications des effectifs sur l’ensemble de la société.
Il est évident cependant que l’ensemble des départements Marketing, R&D, Commercial, …
a été fortement impacté en termes de ressources et de compétences à chaque orientation
stratégique.
En se focalisant plus spécifiquement sur les emplois industriels, on parvient à percevoir les
changements considérables de structures de compétences que l’entreprise a connus tout au
long de son existence. Ainsi, nous observons, mais cela n’est bien sûr pas spécifique au
domaine Télécommunications, que l’activité est passée en 20 ans de tâches manuelles
répétitives d’assemblage d’appareils téléphoniques à des fonctions plus riches en termes de
valeur ajoutée et de technicités requises.
Ce que traduit l’évolution de la population au niveau du site industriel de Douarnenez, où la
proportion des emplois à faible qualification, Niveau I de la convention collective de la
métallurgie, est passée de 60% à 0% entre 1983 et ce jour .
A fortiori, la proportion des postes plus « qualifiés » a augmenté en conséquence. Dans la
structure industrielle EADS Telecom de Douarnenez, les emplois cumulés d’ingénieurs et de
techniciens sont passés de 5% à 43% sur les 20 dernières années.
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 29
31. La création de EADS Telecom en 2000, avec l’externalisation industrielle d’un pan entier de
l’activité (cartes électroniques) n’a pas réduit cette tendance en proportion alors que dans le
même temps, elle a accentué la diminution de la Valeur Ajoutée main d’œuvre dans la part
totale des coûts (même si une part de cette VA est effectivement partie en « externalisation »).
Au fur et à mesure que la technicité et la productivité ont augmenté, les emplois de faible
qualification se sont réduits et la valeur ajoutée main d’œuvre a chuté, tendances que
montrent les graphiques ci-après.
Cette évolution s’est également traduite dans certains cas par une augmentation de
compétences dans le domaine technique considéré mais également par un transfert d’emplois
industriels purs vers des emplois de « support », notamment en planification, réquisition,
voire en pilotage de sociétés sous-traitantes « partenaires », emplois administratifs requérant
d’autres savoir-faire.
Il faut bien reconnaître que dans le cadre des évolutions technologiques, somme toute
progressives, l’entreprise a su faire face aux évolutions nécessaires de son personnel.
L’acquisition et l’adaptation à de nouvelles techniques, de nouveaux processus, semblent de
fait « gérables » quand elles concernent quelques individus. De plus, le facteur temps est
également déterminant, même s’il nécessite de pouvoir anticiper suffisamment alors que cela
semble aujourd’hui de plus en plus relever de la « boule de cristal ».
Enfin, le domaine et surtout le périmètre de l’entreprise plus ou moins large, c’est-à-dire
disposant de plusieurs produits ou activités, peuvent permettre une ré-affectation de personnel
dont l’évolution reste très problématique. Dans une certaine mesure, l’entreprise industrielle
joue d’ailleurs son rôle social en préservant quelques emplois à tâches simples ; n’en a-t-elle
pas toujours la possibilité (voire le devoir) ?
IGS/MDRH - JP Le Bihan / Promotion 28 30
32. Evolution et structure des effectifs du site EADS Telecom de Douarnenez
de 1983 à 2004
Evolution quantitative des effectifs du site de Douarnenez de 1983 à 2004
700 Création EADS
Telecom en 2000
600 593 584 591 571
562 560 566 540 548 565 540 552 et externalisation
533
500 495 505 500 528 vers Solectron
400 382 385
341
300 301 300
200
100
0
83
84
85
86
87
88
89
90
91
92
93
94
95
96
97
98
99
00
01
02
03
04
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
20
20
20
20
20
Evolution des effectifs du site de Douarnenez de 1983 à 2004
selon Niveaux de la Convention Collective de la Métallurgie
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
83
84
85
86
87
88
89
90
91
92
93
94
95
96
97
98
99
00
01
02
03
04
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
20
20
20
20
20
Niveau 1 Niveau 2 Niveau 3 Niveau 4 Niveau 5 et I/C
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33. Evolution du « Coût » de la production vendue
sur les produits EADS Telecom
(COGS : Cost Of Goods Sold)
1984 2000 2004
45% 15%
30%
55% 70% 85%
Coût MO + Acquisitions Coût MO + Acquisitions Coût MO + Acquisitions
Coût Matières Coût Matières Coût Matières
De 1984 à 2000 : Evolution liée aux Technologies De 2000 à 2004 : Evolution liée aux Externalisations
Coût MO + Acquisitions =
Valeur ajoutée Main d’œuvre directe (environ 3%)
+ Valeur ajoutée Services support (définition des moyens, méthodes,
administratifs, pré-déploiement …)
+ Coût des Acquisitions (acheteurs, technologues, gestion supply chain)
Coût Matières =
Valeur de l’ensemble des achats matières
Commentaires :
De 1984 à 2000, les évolutions des technologies (électrotechnique vers électronique …) ont
apporté davantage de technicité augmentant progressivement la valeur des composants
(matière) par rapport au coût de la main d’œuvre.
Par la suite, les externalisations ont eu pour conséquences d’augmenter la part globale « achat
de prestation » regroupant bien évidemment de la « main d’œuvre », mais aussi de la
« matière ». Cette part achat augmentant, la part de valeur ajoutée restant au sein de
l’entreprise s’est réduite d’autant.
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