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recherche de la diversité et de la variété des goûts, d’où l’importance
d’encourager cette consommation auprès des enfants qui sont
en plein développement de leurs préférences alimentaires.»
Comment
faire aimer
les légumes
aux enfants ?
Dans un contexte inédit d’abondance de l’offre alimentaire,
la question de l’émergence du goût chez l’enfant et de la formation du répertoire
alimentaire est plus que jamais d’actualité. S’il est généralement admis que
la consommation d’aliments variés est un facteur de promotion de la santé, il reste
à ce jour à déterminer les conditions optimales favorables à sa mise en œuvre.
Or, plus que l’adulte, le jeune enfant se montre particulièrement sélectif et réticent
à consommer un certain nombre d’aliments, notamment les légumes. Mais cette
tendance naturelle n’a rien de dramatique. Du développement du goût à l’analyse
du comportement alimentaire avec de nombreuses astuces, la Fondation
Louis Bonduelle vous livre dans ces quelques pages les différentes clés
susceptibles de faire ouvrir la bouche des enfants face à une assiette de légumes !
A
vant toute chose, posons nous la question : pourquoi les
enfants n’aiment pas les légumes ? L’affectif et l’émotionnel sont particulièrement importants dans la perception du goût
et son apprentissage. Ainsi, une simple expérience négative
(texture désagréable, amertume inhabituelle…) peut suffire à
provoquer un rejet. L’attitude négative qui en résulte peut être
compensée par d’autres aspects plus attractifs (contexte de
la dégustation, présentation, saveur, texture, etc. ). Or, d’une
manière générale, les légumes sont plutôt désavantagés par
rapport à d’autres catégories d’aliments. Première raison, ils
ont une charge calorique relativement faible et ont donc moins
d’effets physiologiques perceptibles, comme la satiété ; alors
que l’enfant a un besoin calorique important pour son développement. Ensuite, la plupart des légumes sont peu sucrés
et de nombreux végétaux comportent des composés qui ont
une certaine amertume ou encore des notes soufrées. C’est
le cas, par exemple, des épinards, du fenouil, du chou-fleur
ou des choux de Bruxelles. Certaines personnes seront plus
sensibles que d’autres à ces composés et percevront donc
ces légumes comme dégageant une amertume plus ou moins
forte.
Une plus grande consommation de légumes passe donc plutôt par une recherche de la diversité et de la variété des goûts,
d’où l’importance d’encourager cette consommation auprès
des enfants qui sont en plein développement de leurs préférences alimentaires. Et, plutôt que de sombrer dans le fatalisme, voyons l’aspect positif des choses : il est possible que
la subtilité et la complexité du goût des légumes constituent,
non pas des inconvénients incontournables, mais des atouts,
par exemple pour contrer les phénomènes de lassitude. z
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2. Faire évoluer durablement
les comportements alimentaires.
En théorie
In
utero et in lacto, former l’enfant au goût
des légumes
Les préférences sont le résultat du vécu alimentaire,
qui commence in utero, et sont en constante évolution
tout au long de la vie. Les expériences chimiosensorielles
précoces de la fin de la vie foetale et lors de l’allaitement
maternel (expositions aux arômes des légumes) favorisent la consommation de légumes au moment de la diversification alimentaire. A ce stade déjà, le goût s’acquiert…
en goûtant ! Des études ont montré que des bébés de six
mois qui avaient été allaités au sein appréciaient davantage les légumes que ceux qui avaient été nourris avec
des laits infantiles [1-2]. En cause : les arômes des aliments consommés par la mère qui se retrouvent dans le
liquide amniotique [3], puis dans le lait maternel [4]. Le
goût et l’acceptation des légumes se construit donc dès
les premières années de la vie pour se transformer ensuite en habitude alimentaire. z
De fortes sensibilités gustative et olfactive
peuvent expliquer certaines réticences
Dès les premières heures de la vie,
voire en intra-utérin (autour du 8e mois
de grossesse), le sucré est accepté,
contrairement à l’acide et l’amer, universellement rejetés. Le goût amer de
certains fruits et légumes peut donc
expliquer leur rejet par la plupart des
enfants. Des composés soufrés désagréables en bouche, tels que le
PROP (6-n-propylthiouracyl) ou la PTC
(phénylthiocarbamide), participent à
l’amertume. Certaines personnes y
sont extrêmement sensibles (sujets dits
«goûteurs»), tandis que d’autres ne les
perçoivent qu’à très forte concentration (sujets dits «non-goûteurs», environ 30 % de la population européenne
et américaine). Ainsi, il a été montré
que cette sensibilité au PROP va de
paire avec une moins bonne acceptation des produits amers [5].
Néanmoins, de nombreuses personnes,
quoique sensibles génétiquement
à l’amer, passent outre cette éventuelle “aversion génétique” en raison
de leur goût pour l’aventure gustative.
Les chercheurs de l’étude Opaline
(Observatoire des Préférences Alimentaires de l’Enfant et du Nourrisson)
ont, par ailleurs, cherché à savoir si
les enfants présentant une typologie
spécifique au plan alimentaire (enfant
difficile, avec de nombreux rejets, néo-
phobe, sélectif...) se révélaient particulièrement réactifs au plan olfactif. En
d’autres termes, un enfant qui n’aime
pas, par exemple, le chou, n’est-il pas
simplement plus sensible à l’un des
composés olfactifs participant à son
goût ? En effet, les odeurs ne font pas
l’objet de réponses hédoniques universelles. Chaque enfant possède un
profil de sensibilité génétiquement déterminé qui lui est propre. Les analyses
sont en cours, mais les résultats préliminaires laissent à penser que l’hypothèse se vérifie : les enfants les plus
difficiles au plan alimentaire seraient
effectivement les plus réactifs au plan
olfactif.
Pendant la diversification et après, répéter les expositions
Pour comprendre la tendance naturelle de l’enfant
à préférer les frites aux épinards, il faut admettre qu’il
existe un profil sensoriel particulier des goûts de l’enfant.
Dans son livre «La naissance du goût» [6], Natalie Rigal,
psychologue-chercheur spécialiste du goût à l’université
Paris X Nanterre, a constaté, à la vue des données obtenues d’après enquêtes, l’existence de ce goût enfantin, au-delà des distinctions de sexe, d’origine sociale ou
géographique.
Du côté des préférences se regroupent des aliments sucrés, des aliments salés et simples, certaines viandes et
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des laitages, tandis que du côté des rejets, se trouvent
les abats, certains produits au goût très prononcé et la
plupart des légumes. En grandissant, les enfants apprennent à dépasser leurs dégoûts sensoriels : les légumes
et les aliments forts en goût sont de mieux en mieux acceptés. Pourquoi ? Au fil du temps, l’enfant a appris à
connaître et à apprécier ces aliments, grâce au processus de familiarisation. Ainsi, la proposition quotidienne,
sans toutefois forcer l’enfant, d’un légume peu apprécié
a des effets favorables en termes de goût et de consom
mation, et transformera le rejet en acceptation.
p. 2 - Comment faire aimer les légumes aux enfants ?
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Agir avant 3 ans
Jusqu’à 18 mois environ, les enfants acceptent de goûter
l’ensemble des aliments qui leur sont proposés. Cette facilité à accepter un aliment nouveau peut être renforcée
par l’exposition à une plus grande variété d’aliments. Vers
deux ans, en revanche, la moitié des enfants deviennent
difficiles et les comportements de néophobie (réticence
à goûter les produits inconnus) et de sélectivité (acceptation d’un nombre restreint d’aliments parmi les aliments
connus) apparaissent. Cette phase de néophobie/sélectivité a des conséquences sur la consommation alimentaire : les enfants dits difficiles ont un régime moins varié.
Entre deux et neuf ans, les enfants néophobes mangent
moins de fruits et surtout moins de légumes, à la fois en
termes de variété et de quantité. En général, le répertoire alimentaire s’élargit après la période de néophobie
alimentaire. Cependant, les enfants qui mangeaient le
moins varié dans la petite enfance sont aussi ceux qui
mangent le moins varié ultérieurement, jusqu’au début
de l’âge adulte. Ainsi, un aliment nouveau a davantage
de chances d’être apprécié s’il est présenté avant la
période de néophobie/sélectivité que pendant cette période. L’accès à une variété d’aliments devrait donc être
encouragé dès le plus jeune âge, en dehors du soupçon
d’allergies alimentaires.
Quand l’enfant atteint l’âge de six mois, son alimentation
passe d’un allaitement exclusif à l’introduction progressive d’aliments solides. Sophie Nicklaus, chargée de recherche à l’INRA, au sein de l’unité mixte de recherche
FLAVIC (FLAveur Vision Comportement du consommateur) explique qu’à cet âge la présentation d’aliments
nouveaux est la plupart du temps bien accueillie : «Il a été
montré que plus un enfant a goûté des aliments différents
à cet âge, plus il appréciera la nouveauté par la suite. La
répétition et la variété des aliments jouent un rôle important dès le début de la diversification dans la formation du
goût et favorisent la consommation d’aliments nouveaux
et notamment de légumes.»
La petite enfance constitue également une période privilégiée
de formation des préférences alimentaires. Sophie Nicklaus
a étudié les choix alimentaires d’enfants en crèche (à
2-3 ans), puis les a suivi pendant plusieurs années (jusqu’à
22 ans pour les plus âgés). «Nous avons montré, d’une
Comment faire aimer les légumes aux enfants ? - p. 3
part, qu’à 2-3 ans les légumes étaient le groupe d’aliments
le moins fréquemment choisi par les enfants et pour lequel les choix étaient le moins variés et, d’autre part, que
les enfants qui choisissaient le plus de légumes à 2-3 ans
étaient aussi ceux qui en consommaient la plus grande
variété quand ils avaient grandi», explique la chercheuse.
Ainsi, dans la petite enfance, même si les légumes sont
moins consommés que les autres aliments, leur niveau
d’appréciation est prédictif de leur appréciation ultérieure.
Autrement dit, l’appréciation des légumes et la variété de
légumes consommés sont en partie acquises dès trois ans.
Pour ce qui est du nombre de répétitions, huit à dix expositions seraient nécessaires pour faire accepter un aliment
à un enfant de 2-3 ans [7]. Un chiffre qui semble se vérifier
chez les enfants plus jeunes [8].
Par ailleurs, certaines conditions renforcent les effets
positifs de l’exposition répétée. Par exemple, un produit
peu rassasiant, comme la plupart des légumes, sera plus
apprécié en association avec un féculent. Cependant,
au-delà de cette période de la petite enfance, favorable
à la découverte des légumes, et au cours de laquelle les
parents sont particulièrement attentifs à l’alimentation de
leur enfant, on observe une diminution de la part des légumes si l’on ne reste pas vigilant. z
Halte au conditionnement sauvage
Influencer le choix alimentaire en utilisant les stratégies de conditionnement traditionnelles nécessite
d'être prudent… car peut vite s’avérer contre-productif. En effet, une phrase du style «Si tu manges tous tes
épinards, tu auras une glace en dessert» constitue un
conditionnement sauvage qui abaisse davantage encore la palatabilité des épinards et renforce celle de la
glace. Tout le contraire de ce qui était attendu. «Si tu
ne manges pas tes épinards, tu n’iras pas au manège
cet après-midi»… un chantage qui abaisse également
la palatabilité des épinards.
Il faut au contraire simplement exposer, sans forcer,
d’aucune manière. En la matière, la patience reste la
meilleure des vertus !
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3. Faire évoluer durablement
les comportements alimentaires.
Parents, professeurs, adopter les bons comportements
Outre l’alimentation au sens strict, l’influence du contexte
familial global apparaît crucial chez l’enfant. Donner l’habitude
de partir à l’école avec un fruit dans le cartable, voir ses parents
consommer régulièrement des fruits et légumes, connaître les
recommandations en matière de santé : autant de paramètres
étroitement corrélés à la consommation observée chez des enfants de onze ans [9-10].
Ni trop permissif, ni trop autoritaire
Les enfants, mieux que les adultes, sont capables d’ajuster leur
consommation d’un repas sur l’autre (par exemple s’ils ont pris
un gros déjeuner, ils ne prendront qu’un petit goûter). Sauf en
cas de chantage à l’alimentation, il est donc capital, pour respecter cette adaptation naturelle à leurs besoins, de ne pas les
inciter systématiquement à finir leur assiette. L’enfant qui a déjà
mangé la moitié de ses légumes doit avoir la liberté de dire «j’arrête, je n’ai plus faim». Il s’agit de préserver ses sensations de
faim et de réplétion. De même, l’attitude de l’enfant qui refuse
de finir ses brocolis mais réclame un dessert, ne doit pas être
considéré sous l’angle de la supercherie, mais plus sous celui
du plaisir. Tout en restant vigilant à ce que le dessert ne vienne
pas systématiquement remplacer ce que l’enfant apprécie un
peu moins.
Des consommations de fruits et
légumes à augmenter chez les parents
Malgré l’importance que revêt le modèle parental sur le comportement des enfants, force est de constater qu’en matière
d’alimentation les parents sont en majorité loin de montrer
l’exemple au quotidien. En Europe, un fort pourcentage de
mères consomme moins d’un fruit ou d’un légume par jour et
seulement 27 % suivent les recommandations de l’OMS de
consommer plus de 400 g de fruits et légumes par jour [11].
Les chercheurs impliqués dans le dispositif Opaline se sont interrogés sur l’existence d’un lien entre le degré de sélectivité alimentaire de l’enfant et les pratiques éducatives familiales. Peu
d’études avaient jusque-là tenté de savoir si une éducation alimentaire permissive (respect de l’appétit et des préférences de
l’enfant au point de lui préparer son menu propre), intermédiaire
(encouragement à manger des quantités adaptées à l’appétit
de l’enfant) ou autoritaire (parents qui forcent l’enfant à finir son
assiette sans tenir compte de la faim ou de l’état de fatigue de
l’enfant par exemple) avait une telle influence.
Les résultats de l’étude indiquent que 25 % du degré de sélectivité de l’enfant est expliqué par les pratiques familiales. Ainsi,
parmi les cinq facteurs prédictifs d’une plus forte sélectivité de
l’enfant, trois relèvent de la volonté de la mère de répondre aux
désirs de ce dernier : un style éducatif permissif, un comportement alimentaire guidé par les préférences et une stratégie alimentaire basée sur les préférences de l’enfant. Les deux autres
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Limiter le temps passé devant la télévision
Les données concernant les conditionnements extérieurs de
l’alimentation de l’enfant sont accablantes pour le petit écran :
• les enfants en surpoids (et encore plus les enfants
obèses) identifient mieux que les enfants minces la publicité pour des aliments [12] ;
• tous les enfants augmentent leurs prises alimentaires
devant la télévision, et les obèses davantage que les
autres [13-14] ;
• réduire le temps passé devant la télévision suffit à baisser la corpulence [15] ;
• la télévision augmente la consommation de sodas ou
d’aliments salés [16] ;
• et réduit celle de fruits et légumes [17].
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Parents, professeurs, aborder la question
de l’alimentation dans sa globalité
En matière d’éducation alimentaire, les experts s’accorfacteurs prédictifs de la sélectivité de l’enfant, à savoir l'utilisation de la coercition et de l'alternative, sont les témoins d'un
comportement parental autoritaire visant à forcer l'enfant à goûter l'aliment rejeté. «Nos résultats vont dans la droite ligne des
précédentes études soulignant que les stratégies autoritaires et
permissives sont, l'une comme l'autre, associées à une néophobie de l'enfant», résume le Dr Sandrine Monnery-Patris, chargée de recherche à l'INRA, au sein de l'unité mixte de recherche
FLAVIC (FLAveur Vision Comportement du consommateur).
Montrer l’exemple
Les parents forts consommateurs de fruits et légumes, encourageront leurs enfants tant par leurs recommandations que par
leur propre comportement. De même, les enfants peuvent modeler leur comportement sur celui d’un tiers extérieur. Les garçons
seront facilement influencés par une réaction enthousiaste d’un
professeur du même sexe face à un nouvel aliment, tandis que
celle d’un autre élève n’aura que peu d’impact. En revanche, les
filles se fieront avant tout à l’avis de leur bonne copine, et non à
celui de leur professeur. z
Mettre des fruits et légumes à disposition
Les enfants choisissent souvent la facilité et il faut en profiter. Pourquoi chercher partout un paquet de gâteaux pour
le goûter s’il y a des fruits sur la table de la cuisine ? Et les
études le prouvent : outre les préférences sensorielles, la
disponibilité et l’accessibilité aux fruits et légumes représentent les plus forts déterminants de leur consommation
par les enfants de six à douze ans [18]. Une étude menée
auprès d’adolescents a même montré que lorsque le goût
pour les fruits et légumes était faible, les apports pouvaient
augmentés si les produits s’avéraient disponibles [19].
p. 4 - Comment faire aimer les légumes aux enfants ?
dent à dire qu’il est préférable de favoriser une éducation sensorielle, liée à l’histoire du produit, la façon de le réaliser et le plaisir
de le partager, dont l’objectif est d’amener l’enfant à apprécier
le goût des légumes, à une éducation nutritionnelle, consistant
à délivrer des conseils liés à la santé, souvent difficiles à intégrer
par l’enfant et donc peu efficaces. Cette conclusion part d’un
constat : l’amélioration des connaissances diététiques ne suffit
pas à changer les préférences, les choix et la consommation de
fruits et légumes des enfants.
La Fondation Louis Bonduelle soutient une étude de l’Institut
Pasteur de Lille sur le sujet. L’étude Sensored cherche à évaluer
si une action d’éducation sensorielle, réalisée en classe auprès
de 500 élèves de 11 ans, entraîne une évolution bénéfique des
préférences en fruits et légumes chez ces derniers, ainsi qu’une
amélioration des choix et une augmentation de la consommation de ces aliments. Entamée en septembre 2008, cette étude
livrera ses résultats en mars 2011. En attendant, il est intéressant de noter que, selon l’enquête Crédoc CCAF (2007), les enfants déclarent s’intéresser à l’alimentation tout d’abord pour
son intérêt nutritionnel, puis pour sa dimension plaisir [20]. D’où
l’intérêt de parler de l’alimentation de manière globale.
Faut-il parler de nutrition aux enfants ?
Pour Marlène Dreyfus, psychologue clinicienne à l’hôpital Armand Trousseau à Paris, les adultes doivent respecter les goûts
des enfants et leur parler de nutrition en tâchant de faire un
enfant avec une «tête bien faite» plutôt qu’avec une «tête bien
pleine». La raison : sans une adhésion de l’enfant, c’est-à-dire
sans tenir compte de ses aptitudes, de son affect et de son plaisir, l’approche éducative en matière nutritionnelle risque, dans
le meilleur des cas, de ne pas atteindre ses objectifs et, dans le
pire, d’engendrer des troubles du comportement alimentaire.
Parents, enseignants, éducateurs… sont donc appelés à ne
pas confondre enseignement et éducation. Les messages à
visée éducative ne doivent pas être enseignés comme des leçons à apprendre par cœur et à réciter, mais en utilisant des
outils et une méthodologie spécifiques.
Comment faire aimer les légumes aux enfants ? - p. 5
A l’école, encourager une éducation alimentaire
pratique et ludique
Les pays montrent de fortes disparités, mais globalement les
chiffres soulignent que les jeunes européens ne consomment
pas assez de légumes. En moyenne, la proportion des enfants
de 11 à 15 ans en consommant moins d’une fois par jour se
situe autour de 65-70 %. Malte, l’Espagne et l’Italie se situent
en bas de tableau avec moins de 25 % de mangeurs quotidiens
de légumes. La France ne se classe pas trop mal avec de 33
à 50 % de mangeurs quotidiens de légumes, respectivement
chez les filles de 11 ans et les garçons de 15 ans [21].
En vu d’améliorer ces consommations, la Fondation Louis
Bonduelle agit au niveau Européen en soutenant des actions d’éducation alimentaire en milieu scolaire.
Au Benelux, par exemple, c’est le professeur Louis Veggie
qui a pour mission d’informer les enfants de 3 à 12 ans de
l’intérêt nutritionnel des légumes dans le but de leur en faire
consommer davantage. Depuis près d’un an, un site Internet
accueille le laboratoire des légumes et des fruits. Ce site
peut être utilisé de deux manières différentes : soit l’enfant
s’y promène librement et clique pour avoir des explications
ou voir des vidéos, soit les enseignants utilisent les kits pédagogiques de différents niveaux mis à leur disposition. Ce
projet fait actuellement l’objet d’un partenariat avec des
écoles aux Pays-Bas.
En Italie, la Fondation Louis Bonduelle a conclu un partenariat
afin de développer trois programmes d’éducation alimentaire
et de diffuser une culture gastronomique à haut profil qualitatif.
Le programme Orto in condotta est une opération à destination
exclusive des enfants de 6 à 14 ans. Objectif : les former à manger sain tout en respectant l’environnement. Ce projet, en cours
d’attribution du logo Guadagnare Salute par le ministère de la
Santé italien (l’équivalent du logo PNNS en France), comprend
des activités en classe, en cuisine et dans le potager. L’enfant
découvre ainsi les différentes étapes du champ à l’assiette et le
potager permet d’apprendre et d’expérimenter en s’amusant.
Le programme inclut également des formations pour les instituteurs et des réunions d’information avec les parents. z
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4. Faire évoluer durablement
les comportements alimentaires.
En pratique
Au
jardin, sur le marché, en cuisine…
leur faire mettre la main à la pâte
C’est en se familiarisant peu à peu avec les légumes
que les enfants finissent par les apprécier. La familiarisation de l’enfant avec les différents aliments peut se faire
soit à long terme, comme présenté précédemment, via
une exposition répétée, soit à court terme autour de l’apprentissage de ce que sont les aliments, leur forme, leur
provenance, etc. , ainsi que de la préparation du repas.
Il s’agit de développer tout contact entre l’enfant et l’aliment avant que celui-ci ne soit présenté dans l’assiette.
Dans le cas des crudités, par exemple, il existe quelques
astuces efficaces que la Fondation Louis-Bonduelle a
testées auprès d’enfants et d’adolescents.
Le familiariser avec la matière brute
Sur les étals des primeurs, au marché, amenez l’enfant à
apprécier les couleurs, les parfums et les formes des légumes. Apprenez-lui à identifier les fruits et les légumes.
Puis, demandez-lui son avis : «Qu’est-ce qui te tente ?»,
«De quoi tu aurais envie ?», «Regarde les brocolis...», etc.
Une autre possibilité est d’aller cueillir avec lui des légumes dans un potager. Le fait d’être impliqué est déjà
un pas, car il sent qu’on ne lui impose pas le légume, au
contraire, c’est lui qui sait et qui décide.
Cuisiner avec lui
Les plus grands pourront éplucher les carottes à l’aide
d’un économe et les plus petits pourront laver, égoutter et jeter les légumes dans la casserole à l’aide d’un
adulte. Ils peuvent également aider à préparer des assiettes composées appétissantes, ce qui leur permet, qui
plus est, de ressentir la fierté du résultat qui se voit.
Adapter le plat à leurs goûts
Pour les crudités, il est important de les présenter à l’enfant
en quantité réduite et en petits morceaux, en les incorporant
à ce qu’il aime : salade de pâtes, pommes de terre, fruits,
etc. Il est également conseillé de les assaisonner avec des
sauces qui les adoucissent. Par exemple, battre un yaourt
avec deux cuillerées a soupe d’huile, du jus de citron, un
peu d’échalote hachée, des herbes fraîches (persil, cerfeuil,
ciboulette, basilic), sans oublier une pincée de sel. Et tenter
les associations crudités/fruits et dur/tendre. z
A table, rendre les légumes attractifs
La manière dont les légumes sont préparés a son importance. Dans le cadre de sa thèse en neurosciences
et cognition, David Morizet, de l’Institut Paul Bocuse à
Lyon, a évalué la représentation des légumes par les
enfants de 8 à 11 ans. «Les mélanges de légumes sont
globalement peu appréciés et, pour un légume unique, la
forme culinaire compte beaucoup, explique le chercheur.
Par exemple, les carottes râpées sont plébiscitées alors
que la purée de carottes l'est moins.» Autre constat : les
enfant semblent préférer les plats dans lesquels ils sont
capables de reconnaître les produits qui les composent.
Des légumes sous toutes les formes
Forts de ces connaissances sur les perceptions des enfants face aux légumes, une solution s’impose pour faire
changer d’idée les réfractaires au gratin de chou-fleur, à
la soupe de poireaux et autres haricots vapeur : changer
les formes. Et ce ne sont pas les options qui manquent.
Les légumes peuvent se préparer :
• en galettes : ces palets de légumes râpés (courgettes, pommes de terre, carottes, etc. ) marchent à
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peu près à tous les coups.
• en purée : les couleurs qui d’ordinaire les rebutent
(le vert bien souvent) ont tendance, au contraire à les
amuser lorsqu’il s’agit de purée. Astuce : pour adoucir
le goût, ajouter un peu de fromage fondu (type Vache
qui rit).
• en flan ou mousse : la texture crémeuse leur plaît
et, pour limiter les matières grasses, on peut utiliser du
fromage blanc en remplacement de la crème fraîche.
• en tarte ou quiche : les légumes y passent facilement avec l’avantage de constituer un plat complet.
• en omelette : encore un plat complet dans lequel
n’importe quel légume, ou presque, trouvera sa place.
• en farcis : ce plat peut être préparé avec l’aide des
enfants, la farce faisant office de «pâte à modeler». Astuce : la farce à la viande peut être remplacée par du
thon, mais aussi par des céréales (riz, blé, semoule...).
• en bricks, samousas ou nems : des formes dont
l’avantage majeur est qu’elles se mangent avec les
doigts. On peut limiter les matières grasses en les badigeonnant légèrement d’huile avant de les cuire au
p. 6 - Comment faire aimer les légumes aux enfants ?
four, au lieu de les faire frire.
• en lasagnes : divers mélanges sont envisageables
pour ces pâtes aux légumes (chèvre/épinards, saumon/poireaux, jambon/brocoli, thon/carottes...).
En touche sucré dans les desserts
Certains légumes peuvent également trouver leur place
dans les desserts. Beaucoup sont sucrés ou contiennent
des fibres qui donnent une texture onctueuse, sans pour
autant avoir un goût trop prononcé.
C’est le cas par exemple de :
• la courge et la courgette : dans un gâteau, elles
apportent une texture moelleuse et permettent de réduire la matière grasse. Très bon en association avec
du miel et des noix.
• la carotte et la betterave : naturellement sucrées,
leur douceur rend les gâteaux fondants. Le gâteau
de carotte peut se décliner à la noix de coco, aux
amandes, à la semoule, etc. Les betteraves sont
conseillées dans les fondants type brownies.
• le fenouil : son petit goût anisé s’accorde parfaitement avec du miel.
• le potiron et la patate douce : pour ces deux légumes, pas de limite, toutes les formes peuvent être envisagées (tarte, gâteau, flan, gaufres, crumble...).
Quelques astuces de plus
Pour patienter en attendant l’heure du repas, au lieu de
donner un biscuit ou un morceau de pain, faîtes-leur
goûter un haricot vert, des petits pois, une rondelle de
carotte cuite… Et si justement les légumes ne sont pas
encore cuits : ouvrez une boîte d’asperges ou de jeunes
carottes, servis froids, à manger du bout des doigts.
Une fois à table, une astuce pour les plus petits : mettre
en scène leur menu.
• Racontez une histoire autour de son plat de légumes.
• Faites vivre son assiette, par exemple, avec des
personnages à dévorer : pour les crudités, dessiner
les cheveux avec des copeaux de carotte, les yeux
avec des rondelles de concombre, le nez avec une tomate cerise et la bouche avec une lamelle de poivron ;
pour la purée, quelques petits pois pour faire les yeux,
Comment faire aimer les légumes aux enfants ? - p. 7
des haricots verts pour les sourcils et la bouche, des
champignons de Paris pour les oreilles. Attention toutefois : certains enfants s’identifient et ne veulent pas
manger le personnage…
• Laissez-les se servir eux-mêmes. Ils apprendront
progressivement à doser selon leurs envies et leur appétit, et c’est une marque de confiance à laquelle ils
seront sensibles.
• Accommodez les pâtes avec de très petits dés de
tomate, de haricots verts, de courgettes… pour changer du ketchup.
• Face à une soupe ou à une purée, jouez à retrouver
les goûts. Les enfants adorent les devinettes.
Et pour compléter : il est important de valoriser le rôle de
l’enfant face à son alimentation. De le complimenter de
son choix, de le remercier pour son aide s’il a participé à
la préparation du repas ou de la table. De façon générale,
les parents doivent se montrer convaincus et convaincants. Et ils peuvent également accepter la critique, en
demandant à l’enfant récalcitrant des suggestions pour
la prochaine fois. z
«Le jour du légume»
En 2005, la Fondation Louis-Bonduelle lançait l’opération «Le jour du légume» ™. Depuis, tous les mardis,
en restauration commerciale et collective, les légumes
prennent la première place dans l’assiette et sortent
de leur rôle habituel de simple accompagnement. Le
but : (re)donner goût aux légumes, en faire découvrir
la multiplicité des saveurs et des usages. «Le jour du
légume» est particulièrement présent en restauration
scolaire, qui représente 68 % des 700 restaurants partenaires de l’opération. Les chefs qui adhèrent à l’opération reçoivent des recettes et des kits permettant de
décorer leur cantine. 73 % d’entre eux constatent une
augmentation de la consommation de légumes, soit
20 points de plus que les chefs interrogés ne participant pas à l’opération.
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Références
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