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LES PRECIS DU COFEB
N°20 ‱ Novembre 2021
Par GbĂȘmĂšho Mathieu TRINNOU
LES CRYPTO-MONNAIES
QUELS ENJEUX POUR LES BANQUES CENTRALES
Les avis exprimés engagent la responsabilité des seuls auteurs.
COFEB
Direction de la Recherche et des Partenariats
PRECIS DU COFEB N° NET/14/04
IMPACTS ECONOMIQUES DU DEVELOPPEMENT
DU SECTEUR MINIER DANS L'UEMOA
Par Komi AMEGANVI*
NOTE D'ETUDE THEMATIQUE
Janvier 2015
LES CRYPTO-MONNAIES :
QUELS ENJEUX POUR LES BANQUES CENTRALES
Par GbĂȘmĂšho Mathieu TRINNOU *
Novembre 2021
* Je remercie l’ensemble des collùgues de la DRP et des autres Directions des Services Centraux pour leurs
prĂ©cieuses contributions qui ont permis d’amĂ©liorer la qualitĂ© de ce travail. Les insuffisances et les limites inhĂ©rentes
Ă  cette Ă©tude n’engagent nullement la responsabilitĂ© de la Banque Centrale et relĂšvent de celle, exclusive, de
l’auteur.
3
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
5
PREMBULE
Dans le cadre de sa mission d’éducation financiĂšre du public et de mise Ă  jour
permanente des connaissances, le Centre Ouest Africain de Formation et d’Etudes
Bancaires (COFEB) a initié un certain nombre de publications traitant des questions
Ă©conomiques et financiĂšres.
L’objectif principal visĂ© consiste Ă  vulgariser la connaissance Ă©conomique Ă  destination,
non seulement de l’ensemble des agents de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de
l’Ouest (BCEAO), mais aussi d’un public Ă©largi intĂ©ressĂ© par les thĂ©matiques abordĂ©es.
Il s’agit de documents synthĂ©tiques Ă©laborĂ©s dans une dĂ©marche pĂ©dagogique et un
langage accessible, permettant aux lecteurs non avertis de se faire une idée sur un thÚme
prĂ©cis et aux spĂ©cialistes de se rappeler des notions de base qu’ils ont dĂ©jĂ  acquises
dans le cadre de leur formation initiale.
Les thÚmes traités sont divers et couvrent aussi bien les fondamentaux économiques et
financiers, que les questions dont l’intĂ©rĂȘt est avĂ©rĂ©, et dont les tenants et les aboutissants
mĂ©ritent de faire l’objet d’une synthĂšse dans un document de vulgarisation.
La série «Les Précis du COFEB», objet du présent document, fait partie de ces documents
visant à disséminer la culture économique et financiÚre.
Cet opuscule, qui constitue le 20e
numéro de la série depuis sa création, porte sur le
thĂšme « Les crypto-monnaies : quels enjeux pour les banques centrales ». Il s’agit lĂ 
d’un sujet d’actualitĂ© qui prend de l’importance d’annĂ©e en annĂ©e, en liaison avec le
développement des innovations financiÚres et des services financiers numériques.
Au-delà de son utilité heuristique, ce document peut également apporter une aide
appréciable à toute personne désirant élargir ses connaissances sur les crypto-monnaies.
Ousmane SAMBA MAMADOU,
Directeur Général du COFEB
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
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MOT DU DIRECTEUR DE LA RECHERCHE ET DES PARTENARIATS
Depuis l’annĂ©e 2009, date de crĂ©ation du bitcoin mis en place par Satoshi Nakamaoto,
les crypto-monnaies ont pris une place de plus en plus importante dans les
transactions financiĂšres mondiales.
C’est pourquoi nous avons jugĂ© utile de consacrer un numĂ©ro de la publication «Les
PrĂ©cis du COFEB» sur ce thĂšme d’actualitĂ©. Ce 20e
numĂ©ro, rĂ©digĂ© par GbĂȘmĂšho Mathieu
TRINNOU, apporte ainsi sa contribution à cette thématique.
Avec plus de 9.600 spécimens recensés à ce jour, les crypto-monnaies reflÚtent, en partie,
la concrĂ©tisation de l’idĂ©ologie nĂ©olibĂ©rale autrichienne, puis de celle de la communautĂ©
des « cypherpunks » qui prĂŽnent la libĂ©ralisation totale du pouvoir d’émission monĂ©taire
dévolu aux banques centrales. Suscitant un engouement certain auprÚs des populations,
cette catégorie de monnaies se caractérisent cependant par une forte volatilité et une offre
limitée à la base par ses fondateurs. En outre, de nombreux experts la qualifient plutÎt de
« crypto-actifs » du fait qu’elle ne remplit pas les trois (3) fonctions traditionnelles d’une
monnaie conventionnelle.
De plus, les risques qui entourent le fonctionnement des crypto-monnaies demeurent
encore nombreux et Ă©levĂ©s, notamment s’agissant de leur vulnĂ©rabilitĂ© aux cyber-
attaques, leur possible ou facile utilisation Ă  des fins de blanchiment de capitaux et
de financement d’activitĂ©s illicites et la complexitĂ© de la validation des transactions y
relatives.
Au regard de ces caractéristiques, et bien que le concept des crypto-monnaies soit basé
sur la notion de liberté, leur émission nécessite un encadrement adéquat et adapté en
vue de limiter les risques potentiels qui leur sont associĂ©s. C’est ce qui a amenĂ© plusieurs
banques centrales à prendre les devants en lançant des réflexions sur la possibilité de
créer une monnaie digitale de banque centrale (MDBC ou CBDC en anglais). Leur objectif
est d’exploiter les opportunitĂ©s qu’une telle monnaie numĂ©rique peut offrir en termes de
rapiditĂ© des transactions et de contribution potentielle Ă  l’inclusion financiĂšre, tout en
préservant la stabilité financiÚre.
La Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) suit Ă©galement cette
question de prÚs et mÚne des réflexions.
Bonne lecture !
NdĂšye Amy NGOM SECK
Directeur de la Recherche et des Partenariats, COFEB
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
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TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION 11
I- FACTEURS A LA BASE DE L’EMERGENCE DES CRYPTO-MONNAIES 12
II- CARACTERISTIQUES DES CRYPTO-MONNAIES 13
2.1. Fonctionnement des chaĂźnes de blocs (blockchains) 13
2.2. La formation des prix des crypto-monnaies 18
2.3. La crypto-monnaie : plus un actif financier qu’une monnaie 21
III- RISQUES ET REGLEMENTATION DES CRYPTO-MONNAIES 24
3.1. Les risques inhérents aux crypto-monnaies 24
3.2. La réglementation des crypto-monnaies 26
IV- ENJEUX DES CRYPTO-MONNAIES POUR LES BANQUES CENTRALES 27
4.1. La reconnaissance des crypto-monnaies par les banques centrales 27
4.2. Les Monnaies Digitales des Banques Centrales (MDBC) 28
4.2.1. Aperçu des réflexions des banques centrales sur les MDBC 31
4.2.2. Implications des MDBC pour la conduite de la politique monétaire 33
4.2.3. Implications des MDBC pour la stabilité financiÚre 37
V- CONCLUSION ET ENSEIGNEMENTS POUR LA BCEAO 39
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 41
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
11
INTRODUCTION
L’avùnement des crypto-monnaies constitue l’une des plus grandes innovations
technologiques ayant suscitĂ© beaucoup d’attention ces derniĂšres annĂ©es. Une crypto-
monnaie peut ĂȘtre dĂ©finie comme une monnaie numĂ©rique dont le support repose sur
un rĂ©seau dĂ©centralisĂ© d’utilisateurs faisant usage des techniques cryptographiques pour
régler les transactions entre pairs sans recourir à une institution financiÚre.
Le bitcoin demeure la crypto-monnaie la plus médiatisée. Créé en 2009, le bitcoin est
l’Ɠuvre d’un informaticien ou d’un groupe anonyme d’informaticiens, connu sous le
pseudonyme de Satoshi Nakamoto. Par la suite, l’engouement pour le bitcoin a favorisĂ©
l’apparition de nombreuses autres crypto-monnaies, appelĂ©es les altcoins, qui sont
considérées comme des crypto-monnaies alternatives dérivées à partir des propriétés du
bitcoin (Milutinovićć, 2018).
Aujourd’hui, plus de 9.600 diffĂ©rentes crypto-monnaies ont Ă©tĂ© recensĂ©es sur le site
spécialisé CoinMarketCap. A la date du 3 mai 2021, les deux crypto-monnaies largement
dominantes sur le marchĂ© sont le bitcoin et l’ethereum. Elles reprĂ©sentaient 63,25% de
la capitalisation totale des crypto-monnaies, soit 47,81% pour le bitcoin et 15,44%
pour l’ethereum.
L’innovation des crypto-monnaies par rapport aux monnaies conventionnelles est qu’elles
reposent sur une infrastructure technologique permettant le rĂšglement des transactions
numĂ©riques entre pairs (peer-to-peer), sans aucune intervention d’un intermĂ©diaire
financier ou d’une autoritĂ© centrale.
Toutefois, en dĂ©pit du fait qu’elles constituent une innovation visant Ă  faciliter les paiements
entre pairs, les crypto-monnaies comportent de potentiels risques qui soulĂšvent plusieurs
questionnements quant à leur reconnaissance par les décideurs publics.
Nonobstant la question de leurs usages et des risques encourus par le public, l’opportunitĂ©
qu’offrent les crypto-monnaies dans les transactions, incite certaines banques centrales
à envisager la création de leurs propres crypto-monnaies1
.
Cette note se propose d’analyser les enjeux des crypto-monnaies pour les banques
centrales. Elle comporte cinq parties. La premiÚre présente les facteurs à la base de
l’émergence des crypto-monnaies, la deuxiĂšme fait ressortir les caractĂ©ristiques des
crypto-monnaies. La troisiÚme expose les risques et les mesures de réglementation des
crypto-monnaies, tandis que la quatriĂšme met en exergue les enjeux des crypto-monnaies
pour les banques centrales. Une derniÚre partie est consacrée aux enseignements pour
la BCEAO.
1- 
Pour faciliter la lecture dans la suite du document, le terme « crypto-monnaies » est employé pour faire
référence aux crypto-monnaies privées et celui de « monnaie(s) digitale(s) de(s) banque(s) centrale(s) »
est utilisé pour désigner les crypto-monnaies des banques centrales.
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
12
I- FACTEURS A LA BASE DE L’EMERGENCE DES CRYPTO-MONNAIES
Plusieurs facteurs seraient Ă  la base de l’émergence des crypto-monnaies. Ceux-ci
concernent notamment le recours croissant aux Nouvelles Technologies de l’Information
et de la Communication (NTIC) et l’expression d’une vision de dĂ©centralisation de la
monnaie.
Le dĂ©veloppement rĂ©cent des Nouvelles Technologies de l’Information et de la
Communication (NTIC) a favorisĂ© l’essor de nouveaux modes de paiement
dématérialisés. La création des crypto-monnaies constitue une des innovations opérées
Ă  l’aide notamment des Ă©quipements informatiques et de l’internet, s’inscrivant dans la
dynamique de dématérialisation des modes de paiement en ligne.
En outre, l’émergence des crypto-monnaies rĂ©sulte de l’expression d’une vision de la
société reposant sur la décentralisation de la monnaie. Cette vision est défendue par
l’idĂ©ologie nĂ©olibĂ©rale de l’école autrichienne (Hayek, 1976), allant dans le sens de « la
dĂ©nationalisation de la monnaie ». Ce concept se rĂ©fĂšre Ă  « l’abolition du monopole de
l’Etat sur la monnaie » pour laisser la place Ă  « une concurrence entre des Ă©metteurs
privés de la monnaie ». En effet, pour Hayek (1976), le remplacement du monopole
de l’Etat sur la monnaie rĂ©sulte du fait que la concurrence entre les Ă©metteurs privĂ©s les
conduirait Ă  mieux calibrer leurs Ă©missions, afin de maintenir la valeur de la monnaie et
préserver la confiance du public. En outre, cette abolition freinerait les dépenses publiques
non maßtrisées des Etats.
Cette vision de la sociĂ©tĂ© est soutenue par la communautĂ© des « cypherpunks ». Il s’agit
d’un mouvement libertarien nĂ© Ă  la fin des annĂ©es 1980 aux Etats-Unis, qui promeut
les valeurs de libertĂ© d’expression, de libertĂ© d’échanges et d’anonymat et qui utilise
la cryptographie comme moyen d’abolir le modĂšle de sociĂ©tĂ© fondĂ©e sur un systĂšme
de pouvoir centralisé (Quignon, 2020). Mais contrairement à ce mouvement, Hayek
(1976) reconnaĂźt la lĂ©gitimitĂ© de l’Etat dans de nombreux domaines, exceptĂ© celui de la
monnaie, notamment la protection sociale et l’éducation. S’inscrivant ainsi dans ces deux
approches idĂ©ologiques, les dĂ©fenseurs des crypto-monnaies soutiennent l’approche
d’une dĂ©centralisation de la monnaie, par le biais des innovations technologiques ne
nĂ©cessitant aucunement la prĂ©sence d’un pouvoir central pour gĂ©rer l’émission de la
monnaie, sa circulation et la préservation de sa valeur (Biais, 2018). Cette logique était
exprimĂ©e par l’initiateur du bitcoin (Nakamoto (2008)), qui indiquait alors que son
objectif Ă©tait de parvenir Ă  la crĂ©ation d’une monnaie Ă©lectronique gĂ©rĂ©e par un rĂ©seau de
pairs privĂ©s (“peer to peer network”) et permettant d’effectuer directement des paiements
en ligne sans recourir Ă  une institution financiĂšre.
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
13
II- CARACTERISTIQUES DES CRYPTO-MONNAIES
Les crypto-monnaies peuvent ĂȘtre distinguĂ©es en s’appuyant sur certaines propriĂ©tĂ©s
de base d’une monnaie au sens classique telles que rappelĂ©es par Bech et Garratt
(2017), Ă  savoir l’émetteur (banque centrale ou acteurs privĂ©s), la forme (physique ou
électronique) et le mécanisme de rÚglement des transactions (centralisé ou décentralisé).
Sous ce schéma, il apparaßt que les crypto-monnaies sont émises par des émetteurs
privés sous une forme électronique (numérique) et les transactions sont réglées via un
mécanisme décentralisé.
Cependant, les critĂšres se rapportant Ă  l’émetteur et Ă  la forme ne permettent pas
véritablement de distinguer les crypto-monnaies des monnaies conventionnelles, dans
la mesure oĂč les monnaies conventionnelles sont Ă©galement Ă©mises sous la forme
numérique par les banques centrales (par exemple, les réserves des banques dans le
compte de la banque centrale) et les banques privées (par exemple, les dépÎts de la
clientĂšle inscrits dans les livres des banques commerciales).
Ce qui distingue les crypto-monnaies des monnaies conventionnelles, c’est le rùglement
des transactions numériques entre pairs (peer-to-peer) sans aucune intervention
d’un intermĂ©diaire financier ou d’une autoritĂ© centrale. En effet, ces transactions sont
décentralisées et fonctionnent par le biais des chaßnes de blocs (blockchains).
2.1. Fonctionnement des chaĂźnes de blocs (blockchains)
Une chaßne de blocs (blockchain) est une technologie de registres partagés (encore
appelés registres distribués ou registres décentralisés), accessibles et consultables par
tous ceux qui se connectent à son réseau. Un registre est un grand livre de compte
Ă©lectronique stockant l’ensemble des donnĂ©es relatives aux transactions effectuĂ©es par
les utilisateurs du réseau. Ces transactions sont regroupées par blocs, ensuite les blocs
font l’objet de validation spĂ©cifique avant d’ĂȘtre rattachĂ©s (chaĂźnĂ©s) les uns aux autres.
En fait, chaque bloc validé est rattaché au précédent.
Le schéma 1 donne une illustration de blocs de transactions chaßnés les uns aux autres.
Schéma 1 : Illustration de blocs de transactions chaßnés les uns aux autres
Source : Ruimy (2020)
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
14
Les activités de regroupement des transactions, de validation et de rattachement des
blocs sont réalisées par des personnes affiliées au réseau, appelées les mineurs ou
encore les nƓuds du rĂ©seau. Les mineurs font usage des techniques cryptographiques
pour valider des blocs de transactions authentiques en toute sécurité et intégrité, sans
l’intermĂ©diaire d’une autoritĂ© centrale ou d’un organe de contrĂŽle. Il s’agit de la rĂ©solution
d’algorithmes mathĂ©matiques (appelĂ©s aussi fonctions de hash) transformant les sĂ©ries
de données de longueurs variables contenues dans un bloc de transactions en une série
de longueur fixe (un hash). Une fois qu’un bloc de transactions est validĂ© et rattachĂ©, les
transactions sont alors visibles par l’ensemble des utilisateurs du rĂ©seau (Voir schĂ©ma 2).
Schéma 2 : 
Illustration du fonctionnement de la blockchain à partir d’une transaction
Source : Blockchain France 2016
Pour constituer un bloc, chaque mineur est libre de choisir les transactions en fonction de
ses capacités en ressources informatiques, internet et énergétiques, tout en suivant une
capacité de stockage limitée de transactions. Par exemple, un bloc de bitcoin contient
jusqu’à un (1) mĂ©gaoctet de donnĂ©es, gĂ©nĂ©ralement suffisant pour environ 4.000
transactions. Si un bloc est saturé, une transaction non incorporée devrait attendre le
bloc suivant. Cette limitation de la capacitĂ© d’un bloc rĂ©sulte d’un choix de conception
délibéré, qui opÚre entre sécurité et efficacité de paiement (Zimmerman, 2020). Pour
chaque bloc validé, le mineur perçoit une récompense générée par les algorithmes et
libellée dans la crypto-monnaie. Cette récompense constitue la création (la génération)
d’une quantitĂ© donnĂ©e de cette crypto-monnaie Ă  chaque validation effectuĂ©e (Biais,
2018 ; Easley et al., 2019 ; Zimmerman, 2020).
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
15
L’encadrĂ© 1 illustre le processus de crĂ©ation des quantitĂ©s de bitcoins.
Le processus de création des quantités de bitcoins a été structuré par Nakamoto
(2008) et repose sur la programmation d’algorithmes de gĂ©nĂ©ration des quantitĂ©s de
bitcoins dans la blockchain.
Dans ce processus, la crĂ©ation de bitcoins se fait Ă  chaque validation d’un bloc de
transactions. En effet, chaque mineur perçoit, pour chaque bloc validé, une récompense
en bitcoins gĂ©nĂ©rĂ©e par les algorithmes. C’est cette rĂ©compense qui constitue Ă  chaque
fois la crĂ©ation d’une quantitĂ© donnĂ©e de bitcoins.
Nakamoto (2008) a programmĂ© les algorithmes dĂ©terminant cette rĂ©compense, c’est-
à-dire, la quantité de bitcoins à gagner par un mineur à chaque validation de bloc
au fil des années. Cette programmation prévoit que la quantité de bitcoins à gagner
par un mineur baissera progressivement sur la base d’un calcul incorporĂ© dans les
algorithmes. Ce calcul divise la récompense par 2 tous les 4 ans environ. Ainsi,
initialement fixée dans la programmation en 2008 à 50 bitcoins pour chaque bloc
validĂ©, cette rĂ©compense s’est situĂ©e Ă  25 bitcoins en 2012, puis Ă  12,5 bitcoins
en 2016. Elle se situerait Ă  6,25 bitcoins depuis 2020 (Biais, 2018 ; Easley et al.,
2019 ; Zimmerman, 2020).
Cependant, il convient de signaler que Nakamoto (2008) a lui-mĂȘme crĂ©Ă© les 70
premiers blocs en vue de permettre des essais de validation par les mineurs. Ainsi, la
toute premiÚre création de quantités de bitcoins a eu lieu à partir de la validation du
tout premier bloc faisant partie des 70 crĂ©Ă©s. Ce bloc a Ă©tĂ© validĂ© par l’informaticien
Hal Finney, l’un des premiers membres du mouvement des « cypherpunks », fascinĂ©
par l’avùnement du bitcoin. Cette validation du bloc par Hal Finney lui a valu une
rĂ©compense d’un montant de 10 bitcoins2
.
ParallĂšlement, Nakamoto (2008) a fait l’option de limiter le nombre total de crĂ©ation
de bitcoins dans la programmation. Ce nombre qui constitue l’offre totale de bitcoins
a Ă©tĂ© limitĂ© Ă  21 millions de coins (piĂšces) et devrait ĂȘtre atteint d’ici 2140 environ.
Il explique que cette offre prĂ©visible et limitĂ©e rĂ©sulterait d’une approche de calibration
de l’émission du bitcoin afin d’éviter un excĂšs et permettre Ă  la monnaie de traverser
des pĂ©riodes sans favoriser l’inflation, mĂȘme lorsqu’une autoritĂ© monĂ©taire aurait son
contrĂŽle (Zimmerman, 2020).
Source : L’auteur
2 - 
Cette information est extraite du site «journalducoin.com», consulté le 04/10/2021, à partir du lien https://
journalducoin.com/bitcoin/actualitesbitcoin/qui-etait-hal-finney-premier-recevoir-bitcoins-satoshi-
nakamoto/
ENCADRÉ 1 : 
PROCESSUS DE CRÉATION DES QUANTITÉS DE CRYPTO-
MONNAIES : LE CAS DU BITCOIN
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
16
Les mineurs reprĂ©sentent des acteurs majeurs dans l’exĂ©cution des transactions et dans
la génération des quantités de crypto-monnaies, au regard de leurs rÎles susmentionnés.
La comprĂ©hension de l’activitĂ© du mineur (Voir encadrĂ© 2, ci-dessous) permet de tirer les
implications sur les exigences (les conditions), notamment en termes d’infrastructures
numériques et énergétiques pour garantir une diffusion et une durée des crypto-monnaies
dans la population et dans le temps, surtout dans les pays en développement qui
l’envisageraient.
Toute personne affiliĂ©e au rĂ©seau de la blockchain peut ĂȘtre approuvĂ©e comme mineur
par l’ensemble des utilisateurs du rĂ©seau, Ă  condition qu’elle justifie d’une preuve de
travail (proof of work). La preuve de travail est le constat par l’ensemble des utilisateurs
de la validation d’un bloc de transactions par cette personne. La validation d’un bloc
se fait à partir de la résolution de calculs cryptographiques complexes. Elle traduit
que la personne (le mineur) dispose d’infrastructures numĂ©riques performantes, en
l’occurrence des ordinateurs sophistiquĂ©s de puissance de calcul confortable, la
connexion internet haut dĂ©bit en permanence et l’électricitĂ© disponible pratiquement
sans arrĂȘt pour la rĂ©solution de calculs cryptographiques complexes.
Le mineur a l’obligation d’assurer l’authenticitĂ©, la sĂ©curitĂ© et l’intĂ©gritĂ© des transactions.
Pour cela, il procÚde aux étapes suivantes dans le processus de dénouement des
transactions :
‱ il reçoit sur le rĂ©seau les messages signalant les transactions initiĂ©es par les
utilisateurs du réseau ;
‱ il regroupe un ensemble de messages (transactions initiĂ©es) dans un bloc ;
‱ il vĂ©rifie que les messages dans le bloc peuvent ĂȘtre pris en compte, en s’assurant
que l’utilisateur qui initie le transfert d’un montant donnĂ© de bitcoin le possĂšde
effectivement ;
‱ il fait usage des calculs cryptographiques (les algorithmes) pour valider les
transactions du bloc ;
‱ il rattache le bloc validĂ© Ă  la chaĂźne de blocs.
En contrepartie de la validation du bloc, le mineur reçoit une rémunération (R)
répartie en deux : une récompense (S) liée à la validation du bloc qui est générée par
les algorithmes (il s’agit d’une crĂ©ation de bitcoins), Ă  laquelle s’ajoutent des frais
(commissions) sur chaque transaction enregistrée dans le bloc qui sont négociés
ENCADRÉ 2 : L’ACTIVITÉ DU MINEUR
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
17
et payĂ©s par les initiateurs de chaque transaction (il ne s’agit pas d’une crĂ©ation de
bitcoins mais de paiements intégrés aux transactions effectués par leurs initiateurs qui
disposent dĂ©jĂ  de bitcoins). Soient B le bloc de transactions et ƒT les frais associĂ©s
à la transaction T incluse dans le bloc B. La rémunération en bitcoins du mineur est
donc :
Sous l’angle de l’analyse microĂ©conomique, l’activitĂ© (le comportement) d’un mineur
revient Ă  dĂ©nouer le maximum de transactions sous contraintes des inputs qu’il
emploie. En outre, sa rationalité devrait le conduire, en formant un bloc, à choisir
les transactions en fonction de leurs frais, en priorisant d’abord celles avec les frais
les plus Ă©levĂ©s. Par ailleurs, la rĂ©munĂ©ration associĂ©e Ă  la validation d’un bloc incite
chaque mineur à se précipiter pour rassembler les transactions puis à se lancer
dans les calculs cryptographiques, afin d’ĂȘtre le premier Ă  trouver la solution de
dénouement. En cas de succÚs, il ajoute le bloc à la blockchain et, en recevant
l’information, les autres mineurs initialement engagĂ©s dans la course au mĂȘme titre
que lui sont contraints d’abandonner leurs blocs. Dans ce cas, ils s’orientent tous
(y compris le mineur ayant réussi le dénouement) vers la composition de nouveaux
blocs Ă  valider dans la perspective d’obtenir une nouvelle rĂ©munĂ©ration.
Ainsi, chaque mineur rĂ©sout un programme d’optimisation qui pourrait se traduire
comme suit (Banque Mondiale, 2018) :
oĂč NT est le nombre total de transactions, A est le niveau de technologie, K est le
stock de capital (notamment les installations informatiques et de connexion internet),
E est la consommation d’électricitĂ© et D capte les difficultĂ©s intrinsĂšques au rĂ©seau. r
est le rendement du capital, Ύ est le taux de dépréciation du capital, PK est le prix du
capital et PE est le prix de l’électricitĂ©.
Source : L’auteur
Tout utilisateur du rĂ©seau dispose d’une adresse Ă©lectronique qui lui est crĂ©Ă©e par les
fournisseurs3
d’infrastructures de crypto-monnaies, en contrepartie de la monnaie
conventionnelle. Cette adresse est stockée dans un compte virtuel (appelé « portefeuille »
ou « Wallet »), sur des plateformes d’échange ou sur un support Ă©lectronique (clĂ© USB,
3 - 
Il s’agit d’entreprises spĂ©cialisĂ©es donnant accĂšs aux rĂ©seaux des crypto-monnaies via les infrastructures
technologiques (Voir Auer et Claessens, 2018).
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
18
ordinateur, smartphone, etc...). Deux clés lui sont générées pour accéder au réseau
via cette adresse. La premiÚre clé appelée clé de chiffrement privée, connue seulement
de l’utilisateur, authentifie son identitĂ© et lui permet d’initier une transaction sur la base
d’un certain anonymat. La seconde clĂ© publique, connue de l’ensemble du rĂ©seau, est
utilisée par les mineurs pour déchiffrer et valider la transaction. En effet, contrairement
au systĂšme de transaction numĂ©rique avec la monnaie conventionnelle oĂč les agents
économiques sont formellement identifiés par les institutions financiÚres, la technologie
des registres partagĂ©s repose sur une certaine forme d’anonymat des utilisateurs du
réseau. Par exemple, les clés bitcoin ne révÚlent pas nécessairement les identités réelles
des utilisateurs. Toutes les transactions en bitcoin sont enregistrées dans le réseau à
l’aide des clĂ©s publiques de l’émetteur et du destinataire du paiement (Bech et Garratt,
2017).
2.2. La formation des prix des crypto-monnaies
Plusieurs Ă©tudes scientifiques ont tentĂ© d’analyser les dĂ©terminants (la formation) des
prix des crypto-monnaies, en l’occurrence le bitcoin. Suivant les analyses de Ciaian
et al. (2016, 2018), les dĂ©terminants de l’évolution du prix du bitcoin pourraient ĂȘtre
regroupĂ©s en trois catĂ©gories, Ă  savoir, (i) les forces du marchĂ© de l’offre et de la demande
de bitcoin ; (ii) l’attractivitĂ© du bitcoin pour les investisseurs ; et (iii) les Ă©volutions
macroéconomiques et financiÚres mondiales.
- L’interaction entre l’offre et la demande de bitcoin sur le marchĂ©. La demande
de bitcoin est principalement motivée par sa valeur dans les échanges présents
et futurs. L’offre de bitcoin est dĂ©terminĂ©e par son stock qui est considĂ©rĂ© comme
Ă©tant fixe (Buchholz et al., 2012 ; Bouoiyour et Selmi, 2015). Comme le soulignent
Norland et Putman (2019), ce qui apparaĂźt le plus frappant dans l’économie
du bitcoin, c’est la juxtaposition de la certitude de l’offre et de l’incertitude de la
demande. Le volume de bitcoins à générer par les algorithmes a été trÚs prévisible
et, contrairement Ă  presque tous les autres actifs, devises ou produits de base, son
offre demeure une quantitĂ© connue, fixĂ©e Ă  l’avance et estimĂ©e Ă  un plafond de 21
millions (voir Encadré 1, ci-dessus).
- L’intĂ©rĂȘt des investisseurs pour les bitcoins. Il dĂ©pend de leur crĂ©dibilitĂ© et influence
le prix de la crypto-monnaie (Kristoufek, 2013 ; Bouoiyour et Selmi, 2015). Cette
crédibilité concerne largement la sécurité que le systÚme du bitcoin offre à ses
utilisateurs. A cet égard, des informations négatives sur la sécurité du systÚme
bitcoin, telles que les cyber-attaques, rĂ©duisent l’attractivitĂ© du bitcoin pour les
investisseurs. En revanche, des informations positives sur la sécurité du systÚme
bitcoin, telles qu’une mise à niveau de logiciel permettant de renforcer davantage la
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
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sĂ©curitĂ© du rĂ©seau bitcoin, augmentent l’attractivitĂ© du bitcoin pour les investisseurs.
Dans l’ensemble, une demande accrue de bitcoin, en raison d’une plus grande
appétence des investisseurs exercerait une pression à la hausse du prix du bitcoin,
alors qu’une faible attractivitĂ© se traduirait par une diminution de la demande de
bitcoin et de son prix (Ciaian et al, 2016).
- Les dĂ©veloppements macroĂ©conomiques et financiers. Lorsqu’elle est favorable,
la situation macroéconomique peut stimuler la demande des bitcoins pour le
commerce et avoir un impact positif sur son prix. Van Wijk (2013) souligne que des
variables approximant le développement macroéconomique et financier telles que
les indices boursiers, les taux de change et le prix du pétrole constituent des facteurs
déterminants pour le prix du bitcoin. En effet, dans son analyse, il met en évidence
que l’indice Dow Jones, le taux de change euro-dollar et le prix du pĂ©trole ont un
impact significatif sur la valeur du bitcoin Ă  long terme.
Dans la pratique, il conviendrait de souligner, qu’en rĂšgle gĂ©nĂ©rale, la plupart des
observations effectuĂ©es sur l’évolution des prix des crypto-monnaies, admettent que
ceux-ci demeurent fortement volatiles. Il a été observé que, le marché du bitcoin reste
actuellement trÚs volatile et plus sensible aux bulles spéculatives que celui des devises
conventionnelles. La nature inĂ©lastique de l’offre des crypto-monnaies, soulignĂ©e
notamment par He et al. (2016) et Norland et Putman (2019) face Ă  une demande
incertaine qui fluctue, est à la base de cette volatilité des prix.
En outre, une observation supplĂ©mentaire concernant l’évolution des prix des crypto-
monnaies est qu’il existe une corrĂ©lation positive entre le prix du bitcoin et les prix des
altcoins. Cette observation est confirmĂ©e dans l’étude empirique de Ciaian et al. (2018)
analysant la relation entre le prix du bitcoin et les prix de 16 altcoins sur des données
journaliĂšres couvrant la pĂ©riode 2013-2016. En effet, cette Ă©tude montre qu’il existe
une relation positive Ă  court terme entre l’évolution des cours du bitcoin et celle des
16 altcoins, dont l’ethereum. Plus prĂ©cisĂ©ment, les prix des altcoins sont positivement
influencés par le prix du bitcoin.
Par ailleurs, la volatilité des prix des crypto-monnaies demeure significative
comparativement Ă  celle d’autres actifs sur les marchĂ©s financiers mondiaux, en
l’occurrence l’or et le pĂ©trole. A titre illustratif, l’étude de Gustafsson et Bengtsson (2019)
s’appuyant sur des donnĂ©es journaliĂšres allant du 2 octobre 2013 au 1er avril 2018
prĂ©sente des statistiques descriptives situant l’écart-type des prix du bitcoin, de l’or et du
pétrole à 3.424,6 ; 68,08 et 22,63 respectivement.
Les graphiques N°1 et 2, ci-aprĂšs, retracent l’évolution des prix des deux crypto-monnaies
dominantes, à savoir le bitcoin et l’ethereum.
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Graphique N°1 : Evolution du prix du bitcoin en dollars US
Source : L’auteur Ă  partir des donnĂ©es de CoinMetrics
Graphique N°2 : Evolution du prix de l’ethereum en dollars US
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Prix de l'Ethereum en dollars US
Source : L’auteur Ă  partir des donnĂ©es de CoinMetrics
Il apparaĂźt que les prix du bitcoin et de l’ethereum sont demeurĂ©s volatiles et ont
enregistré une forte augmentation au fil du temps. Se situant autour de 436,7 et 0,9
dollars US respectivement au dĂ©but de l’annĂ©e 2016, les prix du bitcoin et de l’ethereum
ont connu une hausse considĂ©rable pour s’établir Ă  environ 19.640,5 et 1.361,9 dollars
US respectivement, Ă  la fin de l’annĂ©e 2017. AprĂšs une forte baisse continue jusqu’au
dĂ©but de l’annĂ©e 2019 (autour 6.625,5 et 121,8 dollars US respectivement), ces prix
ont progressĂ© Ă  nouveau de maniĂšre spectaculaire pour s’afficher Ă  63.445,6 et 2.770,3
dollars US respectivement en avril 2021. A la date du 5 mai 2021, ces prix Ă©taient
d’environ 57.342,0 dollars US pour le bitcoin et 3.525,9 dollars US pour l’ethereum. En
outre, l’évolution d’ensemble des graphiques N°1 et 2 semble mettre en Ă©vidence une
corrĂ©lation positive entre les prix du bitcoin et de l’ethereum.
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Prix du Bitcoin en dollars US
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En dépit de la volatilité de leurs prix, il existe une catégorie de crypto-monnaies
appelées les « stablecoins » qui sont des crypto-monnaies dont la valeur est arrimée
Ă  une monnaie, un panier de devises ou Ă  des actifs financiers dans le but de limiter
leur volatilité. Les « stablecoins » représentent environ 5,24%4
de l’ensemble du
marchĂ© des crypto-monnaies. A ces crypto-monnaies s’ajoutent les « tokens ». Il
s’agit d’actifs numĂ©riques reprĂ©sentant un droit sur une prestation future (token natif)
ou sur une chose existante (token non natif).
2.3. La crypto-monnaie : plus un actif financier qu’une monnaie
Plusieurs analyses considĂšrent que la crypto-monnaie constitue davantage un actif
financier qu’une monnaie. L’expĂ©rience rĂ©vĂšle Ă  travers le monde que les banques
centrales sont demeurées les institutions qui émettent la monnaie et veillent à la stabilité de
sa valeur dans le temps et Ă  son adoption par un rĂ©seau suffisamment large d’utilisateurs
dans le cadre d’un arrangement institutionnel. En se rĂ©fĂ©rant Ă  l’histoire monĂ©taire,
cet arrangement institutionnel confĂšre Ă  la banque centrale la mission d’émettre de la
monnaie remplissant les trois fonctions classiques d’une monnaie (unitĂ© de compte,
moyen de paiement et réserve de valeur) et ayant cours légal. Le cours légal se réfÚre à
l’acceptation obligatoire de la monnaie pour sa pleine valeur faciale pour effectuer des
paiements et pour s’acquitter d’une dette par les agents Ă©conomiques. Ainsi, dans les
juridictions oĂč les banques centrales indĂ©pendantes ont un mandat de stabilitĂ© des prix
et le remplissent, la monnaie demeure une réserve de valeur fiable, le principal moyen
de paiement et unité de compte.
Les crypto-monnaies disponibles aujourd’hui remplissent imparfaitement les trois
fonctions de la monnaie, pour plusieurs raisons.
La premiÚre est liée à la volatilité des prix des crypto-monnaies (Carstens, 2018, Claeys
et al., 2018), qui les empĂȘche de fonctionner comme une rĂ©serve de valeur. Comme
susmentionnĂ©, la plupart des observations effectuĂ©es sur l’évolution des prix des crypto-
monnaies indiquent que ceux-ci demeurent fortement volatiles. Ce constat limite leur
adoption par les agents économiques, réduisant ainsi leur rÎle de moyen de paiement
et d’unitĂ© de compte.
La deuxiĂšme raison est que les crypto-monnaies ne constituent pas intrinsĂšquement
un moyen de paiement fiable, du fait du coût de transactions (en énergie notamment)
et du temps qu’elles mettent Ă  ĂȘtre enregistrĂ©es dans le grand livre dĂ©centralisĂ©. A titre
illustratif, Carstens (2018) mentionne que « lors d’une grande confĂ©rence sur les crypto-
monnaies, les frais d’inscription ne pouvaient pas ĂȘtre payĂ©s avec des bitcoins, car ils
étaient trop coûteux et trop lents : seule la monnaie conventionnelle était acceptée ».
4 - 
Cette statistique provient du site «coincodex.com», consulté le 04/10/2021, à partir du lien https://
coincodex.com/cryptocurrencies/sector/stablecoins/.
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La troisiĂšme raison est que les crypto-monnaies n’ont pas cours lĂ©gal. Elles peuvent
ĂȘtre refusĂ©es comme moyen de paiement, en raison du fait qu’aucune disposition lĂ©gale
n’impose qu’elles soient acceptĂ©es dans les transactions.
Sur la base de ces analyses, les crypto-monnaies sont beaucoup plus considérées
comme Ă©tant des actifs spĂ©culatifs plutĂŽt qu’une monnaie. Comme l’indique Dyhrberg
(2016), la place des crypto-monnaies, en l’occurrence le bitcoin, se situe sur les
marchĂ©s financiers et dans la gestion de portefeuille, du fait qu’elles sont actuellement
trĂšs volatiles et sensibles aux bulles spĂ©culatives. C’est pourquoi certains utilisent le
terme « crypto-actifs » pour dĂ©signer les crypto-monnaies, en raison du fait qu’elles
constituent des actifs financiers.
Les graphiques N°3 et 4 renseignent sur l’évolution de la capitalisation des crypto-
monnaies.
Graphique N°3 : E
volution de la capitalisation totale des crypto-monnaies
Source : CoinMarketCap
NB : $1T signifie 1.000 milliards dollars US
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Graphique N°4 : 
Part du bitcoin et de l’ethereum dans la capitalisation totale des
crypto-monnaies
Source : CoinMarketCap
La capitalisation totale a enregistrĂ© une dynamique d’ensemble similaire Ă  l’évolution
des prix des crypto-monnaies, prĂ©sentĂ©e dans les graphiques N°1 et 2. D’environ 621,2
millions de dollars US au dĂ©but de l’annĂ©e 2016, la capitalisation totale des crypto-
monnaies a connu une nette hausse en s’établissant autour de 511,2 milliards de
dollars US au dĂ©but de l’annĂ©e 2018. Cette hausse a Ă©tĂ© suivie d’une forte baisse situant
la capitalisation Ă  environ 49 milliards de dollars US au dĂ©but de l’annĂ©e 2019. Par la
suite, la capitalisation totale s’est accrue jusqu’à atteindre environ 1.205 milliards de
dollars US au 3 mai 2021.
Comme susmentionnĂ©, le bitcoin et l’ethereum demeurent les deux crypto-monnaies
dominantes, en dĂ©pit du fait que leurs parts se sont rĂ©duites, en raison de l’essor des
autres crypto-monnaies concurrentes. A la date du 3 mai 2021, elles représentaient
63,25% de la capitalisation totale des crypto-monnaies (soit 47,81% pour le bitcoin et
15,44% pour l’ethereum), contre 92,48% au dĂ©but de l’annĂ©e 2016. Les parts les plus
Ă©levĂ©es Ă©taient de 91,53% pour le bitcoin (au dĂ©but de l’annĂ©e 2016) et 31,17% pour
l’ethereum (en juin 2017).
Il conviendrait de souligner qu’en dĂ©pit de l’augmentation remarquable de leur
capitalisation, l’utilisation des crypto-monnaies demeure encore trĂšs limitĂ©e par rapport
aux monnaies conventionnelles. À titre illustratif, au 31 janvier 2020, les agrĂ©gats
monĂ©taires au sens Ă©troit, c’est-Ă -dire M1 constituĂ©s essentiellement des dĂ©pĂŽts Ă  vue
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et de la monnaie fiduciaire, s’élevaient Ă  8.975,5 milliards d’euros (environ 9.958
milliards de dollars US) dans la zone euro et 3.968,6 milliards de dollars US aux
Etats-Unis, soit environ 13.926,6 milliards de dollars US au total pour les deux zones
(Quignon, 2020). Toutes choses Ă©tant Ă©gales par ailleurs, les 1.205 milliards de dollars
US de capitalisation des crypto-monnaies représentent 8,65% du total de ces agrégats
monétaires.
III- RISQUES ET REGLEMENTATION DES CRYPTO-MONNAIES
Les crypto-monnaies comportent de potentiels risques qui impliquent qu’elles soient
soumises à la réglementation par les autorités monétaires.
3.1. Les risques inhérents aux crypto-monnaies
Les crypto-monnaies sont vulnérables aux cyber-attaques. Les cyber-attaques peuvent
dĂ©stabiliser l’ensemble de la plate-forme technologique de transaction et conduire Ă  son
effondrement. A titre illustratif, Moore et Christin (2013) examinant 40 transactions Ă 
partir du bitcoin ont constatĂ© que 18 d’entre elles, soit 45% de l’échantillon, ont subi
des cyber-attaques. En outre, « MtGox » qui représentait la plus grande plate-forme de
transaction des bitcoins au monde, s’est effondrĂ©e en fĂ©vrier 2014, suite Ă  une cyber-
attaque qui aurait entraĂźnĂ© une perte de 850.000 bitcoins pour l’ensemble des utilisateurs
de la plate-forme (Ciaian et al., 2016). Par ailleurs, les médias ont récemment fait cas
du plus grand vol de crypto-monnaies par des pirates informatiques, estimé à prÚs de
600 millions de dollars américains5
.
Les crypto-monnaies accroissent les risques d’évasion fiscale, de blanchiment de
capitaux et de financement du terrorisme, en l’absence d’intermĂ©diaire pour vĂ©rifier
la nature des transactions ou l’identitĂ© de leurs auteurs. Les transactions sur les
crypto-monnaies Ă©chappent au contrĂŽle des autoritĂ©s fiscales, dont elles empĂȘchent
les opérations de prélÚvements fiscaux sur les différents transferts effectués par les
utilisateurs du rĂ©seau. En outre, l’impossibilitĂ© d’intervention des autoritĂ©s publiques
pour vérifier le caractÚre licite des transactions effectuées dans un cadre strictement privé
pourrait favoriser le transfert facile des gains monĂ©taires issus d’activitĂ©s illĂ©gales ou le
financement des activités liées au terrorisme via les plates-formes des crypto-monnaies
(Fernholz, 2015 ; Carstens, 2018). Par ailleurs, le bitcoin est qualifié de « systÚme
de Ponzi ». Un systĂšme de Ponzi est une fraude Ă  l’investissement qui implique le
paiement de prétendus rendements à des investisseurs déjà adhérents au systÚme à
partir des fonds apportés par de nouveaux investisseurs, sans véritablement engager
5 - 
Cette information est notamment relayée sur le site « www.lapresse.ca », à partir du lien https://
www.lapresse.ca/affaires/2021-08-10/600-millions/vol-record-de-cryptomonnaies-par-des-pirates-
informatiques.php
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ces fonds dans une activitĂ© d’investissement rentable. Dans ces conditions, le systĂšme
s’effondre dĂšs lors que la majoritĂ© ou l’ensemble des investisseurs tentent de rĂ©cupĂ©rer
leurs avoirs puisqu’il devient impossible d’utiliser les fonds des uns pour payer les autres
et vice-versa. Concernant le bitcoin, les utilisateurs entrent dans le systĂšme en achetant
des bitcoins contre de la monnaie conventionnelle, mais ne peuvent quitter et récupérer
leurs fonds en monnaie conventionnelle que si d’autres utilisateurs souhaitent acheter
leurs bitcoins, c’est-à-dire si de nouveaux participants souhaitent rejoindre le systùme.
Dans un tel cas, le systùme du bitcoin demeure à haut risque pour ses utilisateurs d’un
point de vue financier et pourrait s’effondrer si ceux-ci essaient de sortir du systùme
mais n’y parviennent pas, en raison de difficultĂ©s Ă  rĂ©cupĂ©rer leurs fonds en monnaie
conventionnelle (BCE, 2012).
- La volatilité des prix des crypto-monnaies apparaßt comme une préoccupation
cruciale. D’une part, cette forte volatilitĂ© des prix expose les utilisateurs des crypto-
monnaies Ă  des risques de pertes financiĂšres en cas de chute brutale des cours,
et d’autre part, la volatilitĂ© des prix des crypto-monnaies pourrait compliquer la
conduite de la politique monétaire des banques centrales en affectant la gestion de
la masse monétaire (Bouveret et Haksar, 2018). A ce sujet, une étude empirique de
Narayan et al. (2019) s’est intĂ©ressĂ©e aux effets de l’évolution du prix du bitcoin sur
les agrégats monétaires en Indonésie sur la période allant de septembre 2011 à avril
2018. Ces auteurs sont partis du constat que les crypto-monnaies sont trĂšs actives
en Indonésie et constituent une source de préoccupation pour la Banque Centrale
d’IndonĂ©sie. En effet, elles peuvent potentiellement influencer le systĂšme monĂ©taire,
compte tenu de l’effet des prix des crypto-monnaies sur l’inflation via l’effet de
richesse. En outre, l’accroissement des investissements dans les crypto-monnaies
induirait une augmentation de la demande d’inputs dans le domaine et exercerait une
pression Ă  la hausse des prix des inputs, notamment les Ă©quipements informatiques
et de connexion internet des mineurs. Par ailleurs, l’adoption des crypto-monnaies
comme une alternative aux monnaies conventionnelles pourrait induire une baisse
de la demande de monnaies conventionnelles. Les rĂ©sultats de l’étude de Narayan
et al. (2019) mettent en Ă©vidence que la croissance des prix du bitcoin induit une
hausse de l’inflation, une apprĂ©ciation rĂ©elle de la monnaie (apprĂ©ciation du taux de
change réel) et une réduction de la vitesse de circulation (vélocité) de la monnaie
dans ce pays. Ainsi, la volatilité des prix des crypto-monnaies pourrait engendrer
une instabilité du systÚme monétaire et par ricochet une instabilité macroéconomique
globale en ayant un effet défavorable sur les agrégats monétaires.
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- La complexité des calculs nécessaires pour valider les transactions des crypto-
monnaies, afin d’éviter toute falsification du grand livre, est consommatrice
d’énergie et reprĂ©sente un gaspillage de ressources important ainsi qu’un risque
environnemental (BRI, 2018 ; Claeys et al.,2018 ; Carstens, 2018). Selon la BRI
(2018), l’exĂ©cution d’une transaction par un mineur, pourrait nĂ©cessiter l’exploitation
des équipements informatiques sophistiqués avec une puissance équivalente à des
millions d’ordinateurs personnels, ce qui reprĂ©sente un risque environnemental. En
outre, l’électricitĂ© utilisĂ©e dans le processus de dĂ©nouement des transactions des
bitcoins est excessivement considérable. Les estimations6
globales indiquent que
l’électricitĂ© utilisĂ©e pour les transactions de bitcoins dĂ©passe la consommation des
pays tels que la Hollande et la RĂ©publique-TchĂšque.
3.2. La réglementation des crypto-monnaies
Au stade actuel, l’adoption des crypto-monnaies telles que le bitcoin sans une
réglementation visant à les encadrer constitue un problÚme pour les banques centrales,
car elles ne peuvent pas les contrĂŽler ou les influencer de quelque maniĂšre que ce soit
afin de limiter les risques associĂ©s. En outre, il leur serait trĂšs difficile de suivre l’évolution
de l’économie et affiner leurs dĂ©cisions de politique monĂ©taire, du fait que l’absence de
visibilité sur les opérations effectuées avec les crypto-monnaies induit des informations
manquantes dans la collecte des statistiques sur les transactions monétaires globales.
A cet égard, une réglementation des crypto-monnaies est cruciale pour leur développement
et leur adoption massive dans le futur. Cette réglementation devrait établir les degrés de
liberté et les avantages que les crypto-monnaies pourraient conserver, tout en bénéficiant
de l’encadrement des banques centrales (Jaag et Bach, 2015).
La réglementation pourrait couvrir trois axes tels que définis par Auer et Claessens
(2018) dans leur Ă©tude sur l’impact de la rĂ©glementation des crypto-monnaies sur la
réaction de leur marché :
1. la rĂ©glementation des fournisseurs d’infrastructures de crypto-monnaies pour lutter
contre l’utilisation des fonds dans le cadre d’activitĂ©s illicites. En effet, pour effectuer
les transactions, la plupart des consommateurs et des investisseurs ont recours Ă  des
portefeuilles de crypto-monnaies (« crypto-wallets ») et Ă  d’autres intermĂ©diaires qui
les détiennent en leur nom. Dans ce cadre, les réglementations sur le blanchiment de
capitaux et le financement du terrorisme déjà en vigueur ainsi que celles en matiÚre
de protection des consommateurs et des investisseurs pourraient ĂȘtre Ă©largies aux
entreprises des crypto-monnaies ;
6 - 
Ces estimations sont issues du site « digiconomist.net », consulté le 04/10/2021, à partir du lien
https://digiconomist.net/bitcoin-energy-consumption/.
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2. La rĂ©glementation relative Ă  l’interopĂ©rabilitĂ© des crypto-monnaies avec les activitĂ©s
des institutions financiÚres qui sont réglementées (les banques commerciales et
la bourse par exemple). Elle concerne notamment le systĂšme de conversion des
monnaies nationales en crypto-monnaies, et inversement, l’admissibilitĂ© des crypto-
monnaies et de leurs produits dérivés sur les marchés réglementés et la négociation
par les institutions financiÚres des actifs liés aux crypto-monnaies pour le compte de
leurs clients ou pour leur propre compte ;
3. La clarification du statut juridique des crypto-monnaies, en précisant si elles
devraient ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme des monnaies ou des valeurs mobiliĂšres (actifs
financiers) et les conditions de leur utilisation par les diffĂ©rentes catĂ©gories d’agents
Ă©conomiques. A titre d’exemple, les particuliers sont-ils habilitĂ©s Ă  en faire le nĂ©goce
et dans quelles conditions ?
Au titre des vérifications empiriques, Auer et Claessens (2018) ont compilé des données
relatives Ă  151 annonces7
de réglementation des marchés de crypto-monnaies faites
ces derniÚres années par les instances de régulation, les banques centrales ainsi que
les organisations internationales et les organes de normalisation dans plusieurs pays.
Ils procÚdent à un regroupement de ces mesures suivant les axes de la réglementation
définis puis analysent leurs impacts respectifs sur le marché des crypto-monnaies.
Les résultats mettent en évidence que les mesures touchant chacun des trois axes de
la réglementation ont un impact important sur les marchés de crypto-monnaies, en
influençant notamment les valeurs et les volumes des transactions. Au total, les résultats
semblent indiquer que les marchĂ©s de crypto-monnaies fonctionnent en s’appuyant sur
des établissements financiers réglementés, mettant les crypto-monnaies à la portée des
réglementations nationales.
IV- 
ENJEUX DES CRYPTO-MONNAIES POUR LES BANQUES
CENTRALES
4.1. 
La reconnaissance des crypto-monnaies par les banques
centrales
En dépit des risques associés aux crypto-monnaies, deux tendances se dégagent en ce
qui concerne leur reconnaissance par les banques centrales.
La premiĂšre tendance opte pour une acceptation des crypto-monnaies, en raison des
7 - 
Suivant Auer et Claessens (2018), il s’agit de mesures et de dĂ©clarations Ă©manant d’autoritĂ©s et de
reprĂ©sentants officiels de l’Australie,de la Chine,de CorĂ©e,des États-Unis,de Gibraltar,de Hong-Kong RAS,
de l’Inde, de l’IndonĂ©sie, d’IsraĂ«l, du Japon, des Philippines, de Singapour, de la Suisse et du TaĂŻpei chinois,
ainsi que de l’Union EuropĂ©enne et de ses États membres, de mĂȘme que d’une sĂ©rie d’organisations
internationales,groupes et organes de réglementation (institutions de la zone euro,BRI,OICV,CSF et G20).
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opportunitĂ©s qu’elles offrent via la technologie sous-jacente Ă  leur utilisation. Sous
l’hypothĂšsequ’ellefonctionneadĂ©quatement,latechnologiedesregistrespartagĂ©s,support
des crypto-monnaies, permet la réalisation des transactions entre opérateurs trÚs distants,
sans l’intervention d’une institution financiĂšre et l’unitĂ© de transaction est potentiellement
plus divisible. En outre, contrairement aux transferts bancaires, la compensation et le
rÚglement des transactions sont rapides et sans intermédiaire, ce qui est particuliÚrement
intéressant pour les paiements internationaux, qui sont relativement coûteux, compliqués
et opaques. En contournant les réseaux de correspondants bancaires, les nouveaux
services utilisant la technologie des registres distribués ont fortement raccourci les
délais : les paiements transfrontaliers arrivent à destination en quelques secondes au
lieu de quelques jours (He, 2018). A cet Ă©gard, les crypto-monnaies s’avĂšrent utiles pour
les paiements transfrontaliers en facilitant les transferts de fonds internationaux. Dans
ce sens, elles peuvent constituer un vecteur additionnel d’amĂ©lioration de l’inclusion
financiĂšre, Ă  l’instar des systĂšmes de paiement par tĂ©lĂ©phonie mobile qui ont fait leur
preuve. Comme l’indiquent Bouveret et Haksar (2018), la technologie des registres
partagés pourrait diminuer le coût des transferts internationaux, notamment les envois
de fonds, et favoriser l’inclusion financiùre.
La seconde tendance s’oppose à l’adoption des crypto-monnaies, en se fondant sur le
fait que l’absence d’un cadre rĂ©glementaire encadrant les transactions expose les crypto-
monnaies aux différents risques susmentionnés.
En outre, cette tendance soutient l’assertion que les crypto-monnaies ne constituent
pas des monnaies conventionnelles puisqu’elles ne remplissent pas les trois fonctions
de la monnaie (unité de compte, moyen de paiement et réserve de valeur), en raison
notamment de la forte volatilité de leurs prix.
Cependant, les banques centrales pourraient rechercher l’équilibre consistant Ă  tirer
avantages de l’innovation technologique, tout en veillant Ă  ce que les risques inhĂ©rents
soient bien maĂźtrisĂ©s (Lagarde, 2018). C’est dans cet esprit que certaines d’entre elles
mettent l’accent sur les initiatives en faveur de la crĂ©ation des monnaies digitales des
banques centrales, dans l’optique de tirer profit des opportunitĂ©s offertes par la technologie
sous-jacente aux crypto-monnaies.
4.2. Les Monnaies Digitales des Banques Centrales (MDBC)
Une Monnaie Digitale de Banque Centrale (MDBC) est une forme Ă©lectronique de
monnaie Ă©mise par une banque centrale, qui peut ĂȘtre Ă©changĂ©e de façon dĂ©centralisĂ©e
entre le donneur d’ordre et le bĂ©nĂ©ficiaire (entre pairs), sans nĂ©cessiter l’intervention
d’un intermĂ©diaire (Bech et Garratt, 2017). Elle diffĂšre d’une crypto-monnaie privĂ©e, en
raison du fait qu’elle est Ă©mise par la banque centrale. En outre, en dĂ©pit de la traçabilitĂ©
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
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des transactions en MDBC par la banque centrale, une MDBC se distingue des autres
monnaies des banques centrales existantes (par exemple, les réserves des banques
dans le compte de la banque centrale), car les transactions sur ces derniĂšres se font
de maniÚre centralisée (par opposition aux transactions décentralisées en MDBC). Ces
transactions se font via le registre de la banque centrale retraçant les comptes détenus
par les institutions financiĂšres auprĂšs d’elle (Voir SchĂ©ma 3, ci-dessous).
Schéma 3 : RÚglement centralisé en monnaie numérique conventionnelle
Source : L’auteur (Ă  partir d’une adaptation du schĂ©ma de He et al. (2016))
Surleplanréglementaire,lestransactionsnumériquesaveclesmonnaiesconventionnelles
s’opĂšrent par l’intermĂ©diaire, d’une part, des institutions financiĂšres (en l’occurrence les
banques privées) qui détiennent chacune un registre établissant les soldes des comptes
ouverts auprùs d’elles par leurs clientùles respectives et, d’autre part, la banque centrale
qui détient son registre central par lequel elle valide les transactions entre les institutions
financiÚres. Par exemple, un agent (client) A1 détenant son compte auprÚs de la banque
A achÚte des biens chez un agent (client) B1, dont le compte est domicilié à la banque
B. Pour régler la transaction numérique, la banque A débite le compte de son client A1.
La banque centrale transfĂšre les fonds de la banque A Ă  la B et enregistre la transaction
dans son fichier central. La banque B crédite le compte de son client B1 du montant
équivalent aux fonds transférés.
Par contre, s’agissant d’un systĂšme de rĂšglement dĂ©centralisĂ© basĂ© sur la MDBC (voir
schéma 4, ci-dessous), le registre central de la banque centrale est remplacé par un grand
registre partagé et les comptes de rÚglement des banques par des portefeuilles (wallet)
en MDBC. Tout comme les banques privĂ©es, la banque centrale constitue un nƓud du
réseau et toutes les banques sont en mesure de valider les transactions, facilitant ainsi
le rÚglement direct et instantané des transactions entre les différents acteurs (Gouveia et
al. 2017).
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SchĂ©ma 4 : Illustration d’un rĂšglement dĂ©centralisĂ© en MDBC
Source : L’auteur (Ă  partir d’une adaptation du schĂ©ma de Gouveia et al. (2017))
Cependant, il existe deux formes de MDBC, à savoir une MDBC de « détail » et une MDBC
de « gros ». Une MDBC de « détail » est destinée au large public (aux particuliers) pour
effectuer des paiements de dĂ©tail (transaction de faible montant). Il s’agit pour la banque
centrale de procĂ©der Ă  l’ouverture de comptes aux particuliers, accessibles en ligne,
sur lequel sont stockées les unités de monnaie digitale qui leur permettraient de régler
directement les transactions de compte Ă  compte entre eux au moyen de la technologie
des registres partagés.
Une MDBC de « gros » est destinée aux paiements des transactions de grande valeur
entre les institutions financiùres, notamment les transactions interbancaires. Il s’agit pour
la banque centrale de mettre à la disposition des établissements de crédits des comptes
reposant sur l’architecture de la technologie des registres partagĂ©s, leur permettant
d’effectuer directement les transactions interbancaires en monnaie de banque centrale,
sans recourir Ă  l’intermĂ©diation de la banque centrale. Les rĂšglements interbancaires
à partir de la MDBC de « gros » constituent une innovation par rapport aux systÚmes
de rÚglement brut en temps réel (RTGS), en raison du fait que la technologie employée
pourrait rendre les transactions plus rapides et à moindres coûts sans nécessiter
l’intervention de la banque centrale. Contrairement Ă  la MDBC de dĂ©tail qui est accessible
à tous, la MDBC de gros est à la base limitée aux institutions financiÚres.
Spécifiquement, la MDBC de détail conserverait les caractéristiques des monnaies cash
(billets et piĂšces), telles que l’anonymat et l’universalitĂ© des transactions, en raison du fait
qu’elle repose Ă©galement sur des transactions entre pairs. Mais ce qui pourrait distinguer
la MDBC de détail par rapport aux monnaies cash est la possibilité de la rémunérer,
c’est-Ă -dire, la possibilitĂ© de payer des intĂ©rĂȘts sur les comptes (les dĂ©pĂŽts) d’une telle
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
31
monnaie, en plus de la dĂ©matĂ©rialisation des transactions. Cette possibilitĂ© s’applique
Ă©galement aux MDBC de gros, Ă  l’instar des rĂ©serves des banques dans le compte de
la banque centrale qui peuvent ĂȘtre rĂ©munĂ©rĂ©es. Comme le soulignent plusieurs auteurs
(notamment Bech et Garratt, 2017, Gouveia et al., 2017), il est techniquement possible
de payer des intĂ©rĂȘts sur une MDBC en s’appuyant sur la technologie de registres
distribués.
Au total, les banques centrales accordent de plus en plus d’intĂ©rĂȘt Ă  la crĂ©ation des
MDBC. Leurs principales motivations restent l’amĂ©lioration de l’efficacitĂ© des paiements
et de l’inclusion financiùre8
(surtout dans les pays en développement), en recourant
aux nouvelles innovations technologiques dans le domaine de la finance. A ces
principales motivations s’ajoutent celles liĂ©es Ă  l’efficacitĂ© de la politique monĂ©taire et
au renforcement de la stabilité financiÚre. La création des MDBC est également perçue
comme une possible rĂ©action des banques centrales visant Ă  contrer l’émergence des
monnaies numériques privées, telles que le bitcoin (Fegatelli, 2019).
A cet égard, des réflexions ont été engagées et se poursuivent dans bon nombre de
banques centrales. En outre, la littĂ©rature s’intĂ©resse aux implications de l’introduction
des MDBC sur la politique monétaire et la stabilité financiÚre.
4.2.1.Aperçu des réflexions des banques centrales sur les MDBC
L’évolution des rĂ©flexions des banques centrales est retracĂ©e dans le travail de Boar et
Wehrli (2021) qui fait le point des rĂ©sultats de la troisiĂšme enquĂȘte de la BRI sur la
monnaie numérique des banques centrales. Elle est également visible dans celui de
Auer et al. (2020) énumérant les efforts spécifiques de quelques banques centrales en
la matiĂšre.
Cette enquĂȘte a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e au quatriĂšme trimestre de l’annĂ©e 2020 sur un Ă©chantillon
de 65 banques centrales de pays représentant prÚs de 72% de la population et 91% du
Produit Intérieur Brut (PIB) du monde. Vingt-et-une (21) banques centrales sont situées
dans des économies avancées et quarante-quatre (44) dans des économies émergentes
et en dĂ©veloppement. Le questionnaire soumis aux banques centrales enquĂȘtĂ©es leur
demande si elles travaillent sur les MDBC et, le cas échéant, sur quel type de MDBC
travaillent-elles et quel est l’état d’avancement des travaux. Les Ă©tapes graduelles des
travaux retenues sont la recherche conceptuelle, ensuite la mise en place d’un projet
(phase) pilote puis l’expĂ©rimentation pratique.
Dans l’ensemble, les rĂ©sultats indiquent que la part des banques centrales qui s’engagent
activement dans une forme ou une autre de travail de MDBC a augmentĂ© d’environ un
tiers (1/3) au cours des quatre derniĂšres annĂ©es. Elle s’établit Ă  86% de l’échantillon.
8 - V
oir la section 4.1. ci-dessus retraçant l’opportunitĂ© qu’offre la technologie des registres partagĂ©s en
termes d’amĂ©lioration de l’efficacitĂ© des paiements et de l’inclusion financiĂšre.
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
32
Celles qui ne participent actuellement Ă  aucun travail des MDBC dans l’échantillon
considĂ©rĂ© sont principalement situĂ©es dans des juridictions plus petites oĂč la capacitĂ©
d’innovation via l’utilisation de la tĂ©lĂ©phonie mobile et l’internet est moins remarquable.
En outre, les travaux liés aux MDBC de détail sont plus priorisés que ceux relatifs aux
MDBC de gros. Cela est dĂ» au fait que l’inclusion financiĂšre qui constitue une importante
motivation pour les pays émergents et en développement, est facilement réalisable avec
les MDBC de détail qui sont focalisées sur les transactions entre le large public et ne se
limitent pas aux institutions financiĂšres comme les MDBC de gros.
Ces rĂ©sultats rĂ©vĂšlent Ă©galement qu’environ 60% des banques centrales enquĂȘtĂ©es
(contre 42% en 2019) sont passĂ©es Ă  la phase expĂ©rimentale d’une version numĂ©rique
de leur monnaie, tandis que 14% avancent vers la mise en place de projets (phases)
pilotes.
Au titre des efforts spécifiques, Auer et al. (2020) retracent les informations9
sur les
réalisations soulignées par quelques banques centrales. Un certain nombre de banques
centrales ont lancé des projets internes pour mieux comprendre la technologie des
registres partagés et son application potentielle aux monnaies.
C’est ainsi que, concernant les MDBC de gros, la Banque du Canada a lancĂ© le projet
« Jasper » au dĂ©but de 2016 et a publiĂ© un premier rapport en 2017. L’AutoritĂ© MonĂ©taire
de Singapour a lancĂ© son propre projet « Ubin » en novembre 2016. L’AutoritĂ© MonĂ©taire
de Hong Kong a lancé le projet « LionRock » en janvier 2017. En outre, les banques
centrales tentent de mettre en place des cadres de collaboration internationale basés sur
des projets de MDBC de gros visant Ă  amĂ©liorer les paiements transfrontaliers. Il s’agit,
entre autres, du projet «Stella» de la Banque Centrale Européenne et de la Banque du
Japon, du projet «Jasper-Ubin» de la Banque du Canada et de l’AutoritĂ© MonĂ©taire de
Singapour, du projet «Inthanon-LionRock» de l’AutoritĂ© MonĂ©taire de Hong Kong et de la
Banque de ThaĂŻlande ainsi que du Projet «Aber» de l’AutoritĂ© MonĂ©taire Saoudienne et de
la Banque Centrale des Emirats Arabes Unis.
S’agissant des MDBC de dĂ©tail, la Riksbank suĂ©doise a initiĂ© le premier travail sur son
projet «E-krona» en 2017, aprĂšs une consultation de la population sur l’accĂšs Ă  un
instrument de paiement de la banque centrale pour le grand public. L’initiation de ce
projet par la Riksbank fait suite à son constat de la baisse de l’utilisation des espùces
ces derniĂšres annĂ©es en SuĂšde. Le travail a progressĂ© Ă  un stade oĂč en fĂ©vrier 2020, la
Riksbank a annoncĂ© qu’elle conduirait un projet pilote en partenariat avec « Accenture »,
visant à développer une proposition de solution technique pour la « E-krona », basée
9 - 
La plupart des informations sont extraites des documents élaborés par les banques centrales sur leurs
projets respectifs.
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
33
sur la technologie des registres distribués. En outre, les projets pilotes appelés « DXCD »
et « Sand Dollar » ont été respectivement lancés par la Banque Centrale des Caraïbes
Orientales et la Banque Centrale des Bahamas. Le projet de la Banque Populaire de
Chine, connu sous le nom de « paiement électronique en monnaie numérique (DCEP) »
semble ĂȘtre le plus avancĂ©. Il est testĂ© dans quatre villes, Ă  savoir Shenzhen, Suzhou,
Chengdu et Xiong’an.
Par ailleurs dans le contexte africain, l’actualitĂ©10
récente souligne que la Banque du
Ghana travaille sur une version numérique de sa monnaie, le Cedi. Le pays serait passé
de la phase de conception Ă  la phase pilote. En outre, la Banque Centrale du Nigeria
prévoirait de lancer un projet pilote pour sa propre monnaie numérique avant la fin de
l’annĂ©e 2021. Aussi, des rĂ©flexions sont-elles menĂ©es sur la problĂ©matique de l’émission
de Monnaies Digitales de Banque Centrale (MDBC) au sein de l’UEMOA, sous l’égide du
ComitĂ© Fintech de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
4.2.2. 
Implications des MDBC pour la conduite de la politique
monétaire
L’introduction des MDBC pourrait avoir une implication sur la conduite de la politique
monĂ©taire, en raison du fait que le taux d’intĂ©rĂȘt des MDBC, en particulier celui des MDBC
de détail11
pourrait constituer un instrument. En effet, ce taux d’intĂ©rĂȘt demeurant le taux
de rĂ©munĂ©ration des dĂ©pĂŽts en MDBC, pourrait ĂȘtre manipulĂ© par les autoritĂ©s monĂ©taires
pour influencer l’arbitrage des agents Ă©conomiques entre le prĂ©sent et le futur, toutes
choses Ă©tant Ă©gales par ailleurs.
Les mĂ©nages arbitrent entre la consommation et l’épargne, tandis que les entreprises
opĂšrent entre la rĂ©alisation des investissements et les placements. A titre d’exemple (Voir
schĂ©ma 5, ci-dessous), une baisse du taux d’intĂ©rĂȘt des MDBC de dĂ©tail, toutes choses
Ă©tant Ă©gales par ailleurs, se traduirait par une baisse du rendement de l’épargne en
MDBC. Dans un tel cas, les agents économiques pourraient privilégier la consommation
prĂ©sente (l’investissement prĂ©sent) au dĂ©triment de l’épargne, ce qui stimulerait la
demande et favoriserait l’activitĂ© Ă©conomique. En outre, une baisse du taux d’intĂ©rĂȘt des
MDBC de dĂ©tail relativement au taux d’intĂ©rĂȘt rĂ©munĂ©rateur des dĂ©pĂŽts bancaires pourrait
10 - 
Cette actualité est extraite des publications du site www.agenceecofin.com, via les liens https://
www.agenceecofin.com/finance/0706-88911-le-ghana-devient-le-premier-pays-africain-a-travailler-
officiellement-sur un-projet-de-monnaie-numerique et https://www.agenceecofin.com/gestion-
publique/1106-89087-le-nigeria-lancera-d-ici-fin 2021-un-projet-pilote-pour-un-naira-numerique.
11 - 
Le taux d’intĂ©rĂȘt des MDBC de gros n’apporterait pas vĂ©ritablement un avantage nouveau en tant
qu’instrument de transmission de la politique monĂ©taire, en raison du fait que les Ă©tablissements de
crédit disposent déjà de la monnaie de la banque centrale émise sous la forme numérique faisant
l’objet de rĂ©munĂ©ration. Il s’agit des rĂ©serves des banques dans le compte de la banque centrale.
Le principal avantage social d’une MDBC de gros rĂ©siderait dans les fonctionnalitĂ©s supplĂ©mentaires
qu’offre la technologie des registres partagĂ©s qui permettraient d’exĂ©cuter les transactions directement
entre les institutions financiÚres avec plus de rapidité et à coût réduit (Quignon, 2020).
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
34
accroĂźtre l’attrait des agents pour les dĂ©pĂŽts bancaires et augmenterait les ressources des
banques. Cette augmentation des ressources faciliterait le financement de l’économie
par les banques, en particulier le financement des projets d’investissements. A cet Ă©gard,
les effets des variations du taux d’intĂ©rĂȘt des MDBC seraient transmis directement aux
mĂ©nages et aux entreprises dĂ©tenteurs de MDBC, ainsi qu’indirectement Ă  l’ensemble de
l’économie via notamment le systĂšme bancaire (Wadsworth, 2018).
SchĂ©ma 5 : MĂ©canismes de transmission du taux d’intĂ©rĂȘt des MDBC de dĂ©tail
Ă  l’économie rĂ©elle
Source : L’auteur
Au regard de ces mĂ©canismes, l’émission de MDBC couplĂ©e avec un cadre de politique
monĂ©taire appropriĂ© pourrait permettre d’assurer la stabilitĂ© des prix (Agarwal et Kimball,
2015 ; Fernåndez-Villaverde et Sanches, 2016 ; Bordo et Levin, 2017). En réponse à un
choc sévÚre, la banque centrale pourrait mener une politique monétaire accommodante
en baissant les taux d’intĂ©rĂȘt des MDBC sans recourir Ă  des mesures non conventionnelles
(notamment l’assouplissement quantitatif) qui induiraient une modification de la taille ou
la composition de son bilan, ni compromettre son engagement en faveur de la stabilité
des prix.
ParallĂšlement, dans un contexte oĂč les taux d’intĂ©rĂȘt de la politique monĂ©taire
conventionnelle deviennent pratiquement inopérants (par exemple, lorsque que les taux
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
35
d’intĂ©rĂȘts sont proches ou en dessous de leur limite plancher de zĂ©ro), une fonction de
rĂ©action de la banque centrale basĂ©e sur le taux d’intĂ©rĂȘt des MDBC pourrait constituer
une alternative permettant d’assurer la relance Ă©conomique et la stabilitĂ© des prix.
Suivant cette logique, Bordo et Levin (2017) tentent de proposer une rĂšgle de Taylor
dĂ©crivant une fonction de rĂ©action de la banque centrale basĂ©e sur les taux d’intĂ©rĂȘts des
MDBC. Elle est spécifiée comme suit :
oĂč i dĂ©signe le taux d’intĂ©rĂȘt de la MDBC, p dĂ©signe le niveau de prix, p*∗dĂ©signe le
niveau de prix cible, dĂ©signe une mesure du niveau de prix relatif au taux d’inflation
sous-jacent, dĂ©signe le taux d’inflation sous-jacent,r* dĂ©signe le taux d’intĂ©rĂȘt rĂ©el
d’équilibre et (y - y*) dĂ©signe l’écart de production (c’est-Ă -dire l’écart du PIB rĂ©el par
rapport Ă  son niveau potentiel) et t est le temps. Comme dans la rĂšgle de Taylor, cette
spĂ©cification peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une rĂ©fĂ©rence pour ajuster le taux d’intĂ©rĂȘt rĂ©el
(𝑖i- ̃) en rĂ©ponse aux fluctuations de l’activitĂ© Ă©conomique et des prix, en modifiant i,
le taux d’intĂ©rĂȘt de la MDBC. Les valeurs des coefficients de cette rĂšgle de rĂ©fĂ©rence (Î±đ›Œ,ÎČđ›œ 
et ÎŽ) pourraient ĂȘtre dĂ©terminĂ©es Ă  partir de la modĂ©lisation macroĂ©conomĂ©trique afin de
générer des résultats de stabilisation macroéconomique robustes.
Cependant, dans l’optique de renforcer l’efficacitĂ© de la politique monĂ©taire, Barrdear
et Kumhof (2016) suggÚrent un mécanisme par lequel la banque centrale pourrait
accroĂźtre ses marges de manƓuvre, en utilisant le taux d’intĂ©rĂȘt des MDBC comme un
outil additionnel à celui de la politique monétaire conventionnelle plutÎt que de constituer
un instrument alternatif. A cet Ă©gard, ils font abstraction dans leur analyse de l’hypothĂšse
de taux d’intĂ©rĂȘts de la politique monĂ©taire conventionnelle proches ou en dessous de
leur limite plancher de zéro. Ils considÚrent que toute émission de MDBC ne doit pas
nécessairement constituer une alternative au retrait des billets de banque de la circulation
mais plutĂŽt des complĂ©ments au mĂȘme titre que les dĂ©pĂŽts des banques commerciales.
Les auteurs proposent deux rùgles d’utilisation des MDBC dans la conduite de la politique
monétaire. Une rÚgle de quantité qui consiste à fixer la quantité de crypto-monnaies par
rapport au PIB et une rĂšgle de prix qui implique de modifier le taux d’intĂ©rĂȘt payĂ© sur les
MDBC (modification de l’écart entre le taux directeur de la monnaie conventionnelle et
celui de la MDBC) de maniùre contracyclique. A titre d’exemple, lors d’une expansion
économique, la Banque Centrale pourrait soit réduire le ratio MDBC/PIB, soit élargir
l’écart entre les deux taux pour rĂ©pondre Ă  un Ă©cart d’inflation par rapport Ă  sa cible.
Toutefois, l’efficacitĂ© de ce mĂ©canisme dĂ©pend de plusieurs facteurs, notamment de la
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
36
faible substituabilité entre la MDBC et les autres formes de monnaie ou actifs financiers
(Barrdear et Kumhof, 2016).
En appliquant leur raisonnement Ă  l’aide d’un modĂšle DSGE, ils constatent que l’émission
de MDBC de 30% du PIB pourrait augmenter le PIB de 3%, en raison de la réduction
des taux d’intĂ©rĂȘt rĂ©els, des distorsions fiscales et des coĂ»ts de transaction monĂ©taires.
En tant que deuxiÚme instrument de politique monétaire, les rÚgles contracycliques de
prix ou de quantité des MDBC pourraient considérablement améliorer la capacité de la
banque centrale Ă  stabiliser le cycle Ă©conomique.
Au regard des analyses, la rÚgle de quantité des MDBC pourrait traduire, en ce qui
concerne les MDBC de dĂ©tail, une illustration indirecte du concept de « l’hĂ©licoptĂšre
monĂ©taire » dĂ©veloppĂ© par Milton Friedman en 1969. « L’hĂ©licoptĂšre monĂ©taire » consiste
pour une Banque Centrale en cas de crise financiĂšre, Ă  crĂ©er de la monnaie qu’elle
distribue Ă  part Ă©gale, Ă  titre de subvention non remboursable, Ă  chaque citoyen. Cette
approche permettrait d’accroĂźtre la capacitĂ© des agents Ă©conomiques Ă  rĂ©aliser leurs
dépenses de consommation, à réduire leurs dettes (à rembourser leurs dettes) et/ou à
investir (Dyson et Hodgson, 2016).
En outre, la rÚgle de quantité pourrait concerner les injections des MDBC de gros par la
banque centrale. A ce sujet, Meaning et al. (2018) suggĂšrent que les MDBC de gros
soient élargies à des institutions financiÚres non bancaires, notamment celles opérant
dans le domaine des Fintechs12
afin de favoriser une meilleure transmission des mesures
d’injection de liquiditĂ© de la banque centrale. Il s’agit d’ouvrir le marchĂ© interbancaire
aux institutions financiÚres non bancaires qui participeraient à la fois aux opérations
d’injections des MDBC de gros et aux transactions sur le marchĂ© interbancaire au
mĂȘme titre que les banques dĂ©jĂ  prĂ©sentes. En effet, maintenir la structure du marchĂ©
interbancaire identique et effectuer des injections en MDBC de gros reviendrait à répéter
les opĂ©rations d’injections classiques avec une autre monnaie de la banque centrale,
sans enjeu vĂ©ritable nouveau. En revanche, l’élargissement des MDBC de gros Ă  des
institutions financiĂšres non bancaires induirait un changement dans la structure du
marché interbancaire et donnerait une meilleure portée aux injections des MDBC de gros,
comparativement aux injections classiques actuelles en monnaie conventionnelle oĂč les
banques demeurent les seuls participants. En fait, cette stratégie permet de contourner
certains dysfonctionnements du marché interbancaire, notamment la segmentation du
marché ou la concentration de la liquidité dans des groupes relativement dominants.
Avec une MDBC de gros accessible Ă  d’autres intervenants sur le marchĂ©, les banques
disposeraient de deux possibilitĂ©s d’échange de la monnaie de banque centrale : une
12 - 
Suivant Quignon (2020), de nouveaux intervenants, relevant par exemple du secteur des Fintechs,
dĂ©sireux d’investir le marchĂ© des paiements ou de profiter des opportunitĂ©s offertes par la blockchain,
pourraient voir leurs activités facilitées par un accÚs aux MDBC, notamment les MDBC de gros.
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
37
avec la monnaie conventionnelle et l’autre avec les MDBC de gros. Une banque ayant
besoin de monnaie de banque centrale pour répondre à ses besoins de liquidités pourrait
potentiellement emprunter ces fonds auprĂšs d’une institution non bancaire au mĂȘme titre
qu’auprĂšs d’une banque. Cet accĂšs accru au marchĂ© serait susceptible d’augmenter Ă  la
fois la liquiditĂ© et la concurrence sur le marchĂ©. De mĂȘme, les banques ayant un excĂ©dent
de MDBC pourraient ĂȘtre en mesure de le prĂȘter Ă  un plus large Ă©ventail d’intervenants
qu’elles ne le peuvent actuellement sans la prĂ©sence des MDBC. Ces propositions
impliquent d’inclure ces entitĂ©s non bancaires dans le champ de la supervision bancaire.
4.2.3. Implications des MDBC pour la stabilité financiÚre
Un risque subsiste en ce qui concerne spĂ©cifiquement l’introduction des MDBC de dĂ©tail.
En effet, les particuliers pourraient privilégier les MDBC en effectuant directement les dépÎts
en MDBC et/ou en convertissant leurs dépÎts auprÚs des banques commerciales en
dépÎts en MDBC, ce qui limiterait les ressources disponibles des banques commerciales
et pourrait constituer une menace pour le financement de l’économie et la stabilitĂ©
financiÚre. La contraction des dépÎts bancaires pourrait induire un renchérissement des
prĂȘts et une rĂ©ticence des emprunteurs disposant de bons projets. Dans ce contexte, la
recherche de rendements pourrait amener les banques à s’orienter vers des actifs plus
risqués.
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
38
L’introduction des MDBC de dĂ©tail entraĂźne une baisse du volume des dĂ©pĂŽts bancaires
induite par une substitution des dépÎts bancaires en dépÎts en MDBC. Cette baisse
se traduit par un dĂ©placement de la courbe d’offre de dĂ©pĂŽts vers la gauche (voir
graphique N°5). Face Ă  une demande supĂ©rieure Ă  l’offre, les banques tentent d’attirer
les déposants en augmentant le taux de rémunération des dépÎts. En conséquence,
elles rĂ©percutent cette hausse du taux de rĂ©munĂ©ration des dĂ©pĂŽts sur le taux d’intĂ©rĂȘt
des prĂȘts, induisant un renchĂ©rissement des prĂȘts bancaires.
Graphique N°5 : 
Description de la rĂ©action des banques Ă  l’introduction des MDBC
de détail (cas 1)
En outre, l’accessibilitĂ© des MDBC de dĂ©tail Ă  tous pourrait conduire les banques ne
rĂ©sistant pas vĂ©ritablement Ă  la concurrence, c’est-Ă -dire, celles ne dĂ©tenant pas de
pouvoir de marché, à se reconvertir en constituant des dépÎts en MDBC. Dans ce
cas, la baisse de la demande de dĂ©pĂŽts bancaires se conjugue Ă  la baisse de l’offre
de dépÎts bancaires (voir graphique N°6) et limiterait davantage le financement de
l’économie.
Graphique N°6 : 
Description de la rĂ©action des banques Ă  l’introduction des MDBC
de détail (cas 2)
Source : L’auteur
ENCADRÉ 3 : 
RÉACTIONS DES BANQUES À L’INTRODUCTION DES MDBC DE
DÉTAIL
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
39
La conversion des dĂ©pĂŽts bancaires en dĂ©pĂŽts en MDBC pourrait davantage s’exacerber
en situation de crise (panique) bancaire et amplifierait la fragilité des banques ainsi que
la crise.
Toutefois, en cas de crise financiĂšre, la banque centrale aurait la capacitĂ© d’augmenter
les quantitĂ©s de MDBC de gros et/ou de dĂ©tail afin de fournir des liquiditĂ©s d’urgence aux
institutions financiÚres supervisées et aux particuliers. Alternativement, la banque centrale
pourrait fournir ces fonds à un autre organisme public, tel que le fonds d’assurance-
dépÎts. Dans les deux cas, des garanties juridiques appropriées seraient essentielles
pour s’assurer que le rĂŽle de la banque centrale en tant que prĂȘteur en dernier ressort ne
compromette pas sa capacité à honorer son engagement en faveur de la stabilité des
prix (Bordo et Levin, 2017).
V- CONCLUSION ET ENSEIGNEMENTS POUR LA BCEAO
Les crypto-monnaies constituent une innovation technologique introduite dans le
domaine monétaire qui comporte de potentiels risques. A cet égard, elles mériteraient
d’ĂȘtre rĂ©glementĂ©es en cas de leur reconnaissance par les autoritĂ©s monĂ©taires. En outre,
l’avantage que procure la technologie des registres partagĂ©s sur laquelle repose les
crypto-monnaies a offert une opportunité à plusieurs banques centrales de conduire des
travaux relatifs à la création de leurs propres crypto-monnaies, à savoir, les Monnaies
Digitales des Banques Centrales (MDBC). A l’instar des banques centrales à travers le
monde, la BCEAO accorde une attention particuliĂšre aux innovations technologiques et
financiĂšres, dans la perspective du renforcement de la stabilitĂ© et de l’inclusion financiĂšres
des populations de l’Union. A ce titre, les diffĂ©rents aspects dĂ©veloppĂ©s ci-dessus sur
les crypto-monnaies et les MDBC permettent de tirer quelques enseignements dans le
contexte spĂ©cifique des pays de l’UEMOA.
S’agissant des crypto-monnaies, les exigences permanentes en infrastructures impliquent
d’ĂȘtre prudent face aux initiatives13
annoncées de création des crypto-monnaies dans
l’Union. En effet, comparativement aux activitĂ©s des opĂ©rateurs de la monnaie mobile
qui font leur preuve, celles des mineurs sont trĂšs exigeantes en ressources telles que
l’électricitĂ©, l’internet et les installations informatiques sophistiquĂ©es. Etant donnĂ© que
le succĂšs d’une monnaie repose, entre autres, sur le fait qu’elle soit liquide et utilisĂ©e
dans les paiements par une population large, les contraintes liées à la disponibilité et
l’accessibilitĂ© de l’énergie et de la connexion internet Ă  coĂ»ts rĂ©duits pourraient constituer
des barriĂšres freinant le bon fonctionnement d’une crypto-monnaie crĂ©Ă©e dans l’Union.
En outre, la cybercriminalité demeure un risque majeur auquel les crypto-monnaies
s’exposent en permanence. Ce risque non encore jugulĂ© n’est pas de nature Ă  pousser,
dans l’immĂ©diat, Ă  la crĂ©ation des crypto-monnaies dans l’UEMOA.
13 - Certaines initiatives sont annoncĂ©es. Il s’agit notamment des projets de crĂ©ation de l’ubuntuCoin en
CĂŽte d’Ivoire, de l’Akoin du chanteur sĂ©nĂ©galais Akon et du Kama-Kolo ou KK au Burkina.
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
40
Une communication renforcée et une sensibilisation des populations sur les risques liés à
l’utilisation des crypto-monnaies, dans le cadre du dĂ©ploiement du programme rĂ©gional
d’éducation financiĂšre dans l’UEMOA seraient souhaitables. L’expĂ©rience avec les
structures illĂ©gales de placement d’argent a mis en Ă©vidence une forte mĂ©connaissance
des populations des expositions à ce type d’initiatives.
La BCEAO devrait renforcer la veille en adaptant le cadre réglementaire existant, afin
de prendre en compte les risques liés à un éventuel avÚnement des crypto-monnaies
dans l’Union. Comme susmentionnĂ©, il s’agit de la rĂ©glementation des fournisseurs
d’infrastructures de crypto-monnaies et de l’interopĂ©rabilitĂ© des crypto-monnaies, avec
les activités des institutions financiÚres réglementées ainsi que de la réglementation
clarifiant le statut juridique des crypto-monnaies. Cette veille devrait Ă©galement permettre
de prĂ©venir des situations oĂč des structures reconnues lĂ©galement s’adonneraient Ă  des
activités illégales ou sans une autorisation préalable des autorités nationales ou supra-
nationales de contrÎle. Pour ce faire, les structures de la Banque Centrale chargées des
questions de réglementation devraient davantage prendre connaissances des expériences
pratiques en matiÚre de réglementations mises en place par certains pays ou institutions.
S’agissant des monnaies digitales des banques centrales, elles constituent une
alternative faisant l’objet de travaux dans plusieurs banques centrales dans le monde.
Ces travaux concernent la recherche conceptuelle, la mise en place d’un projet pilote
puis l’expĂ©rimentation pratique. A ce titre, la Banque Centrale devrait poursuivre les
réflexions préliminaires entamées sur les évolutions numériques à envisager dans le
cadre de l’émission monĂ©taire, tout en veillant Ă  la stabilitĂ© du systĂšme financier de
l’Union. D’un point de vue opĂ©rationnel, les structures mĂ©tiers de la Banque Centrale
devraient davantage s’enquĂ©rir des expĂ©riences pratiques conduites dans d’autres pays,
notamment les différentes étapes allant de la conception à la mise en circulation ainsi
que l’intervention des acteurs à chaque niveau, afin de mieux les contextualiser en cas de
besoin. En outre, ces rĂ©flexions devraient ĂȘtre conduites tout en prĂ©servant la confiance
du public dans les monnaies conventionnelles existantes, car en dépit des risques
associés aux crypto-monnaies, un des facteurs à la base de leur adoption « de facto »
par les populations de certains pays, tels que le Zimbabwe et le Venezuela, est la perte
de toute crédibilité de leurs monnaies nationales. Par ailleurs, il conviendrait de rappeler
que les prĂ©occupations relatives Ă  la disponibilitĂ© et l’accessibilitĂ© de l’énergie ainsi que
de la connexion internet évoquées ci-dessus constituent des préalables à prendre en
compte avant la mise en Ɠuvre de tout projet portant sur la crĂ©ation des MDBC dans
l’UEMOA. A ces prĂ©occupations, s’ajoute le risque liĂ© Ă  la cybercriminalitĂ©. En effet, le
risque de rĂ©putation qu’une cyber-attaque engendrerait pour la Banque Centrale, ainsi
que l’instabilitĂ© financiĂšre qui en rĂ©sulterait, impliquent une meilleure prise de prĂ©caution
avant la mise en Ɠuvre de tout projet portant sur la crĂ©ation des MDBC dans l’UEMOA.
LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021
41
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44
Centre Ouest Africain de Formation
et d’Etudes Bancaires (COFEB)
Avenue Abdoulaye Fadiga
BP : 3108 Dakar - Sénégal
Téléphone : 00 221 33 839 05 00
Fax : 00 221 33 823 83 35
Contact : courrier.zdrpbceao.int

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  • 1. LES PRECIS DU COFEB N°20 ‱ Novembre 2021 Par GbĂȘmĂšho Mathieu TRINNOU LES CRYPTO-MONNAIES QUELS ENJEUX POUR LES BANQUES CENTRALES
  • 2. Les avis exprimĂ©s engagent la responsabilitĂ© des seuls auteurs.
  • 3. COFEB Direction de la Recherche et des Partenariats PRECIS DU COFEB N° NET/14/04 IMPACTS ECONOMIQUES DU DEVELOPPEMENT DU SECTEUR MINIER DANS L'UEMOA Par Komi AMEGANVI* NOTE D'ETUDE THEMATIQUE Janvier 2015 LES CRYPTO-MONNAIES : QUELS ENJEUX POUR LES BANQUES CENTRALES Par GbĂȘmĂšho Mathieu TRINNOU * Novembre 2021 * Je remercie l’ensemble des collĂšgues de la DRP et des autres Directions des Services Centraux pour leurs prĂ©cieuses contributions qui ont permis d’amĂ©liorer la qualitĂ© de ce travail. Les insuffisances et les limites inhĂ©rentes Ă  cette Ă©tude n’engagent nullement la responsabilitĂ© de la Banque Centrale et relĂšvent de celle, exclusive, de l’auteur. 3
  • 4.
  • 5. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 5 PREMBULE Dans le cadre de sa mission d’éducation financiĂšre du public et de mise Ă  jour permanente des connaissances, le Centre Ouest Africain de Formation et d’Etudes Bancaires (COFEB) a initiĂ© un certain nombre de publications traitant des questions Ă©conomiques et financiĂšres. L’objectif principal visĂ© consiste Ă  vulgariser la connaissance Ă©conomique Ă  destination, non seulement de l’ensemble des agents de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), mais aussi d’un public Ă©largi intĂ©ressĂ© par les thĂ©matiques abordĂ©es. Il s’agit de documents synthĂ©tiques Ă©laborĂ©s dans une dĂ©marche pĂ©dagogique et un langage accessible, permettant aux lecteurs non avertis de se faire une idĂ©e sur un thĂšme prĂ©cis et aux spĂ©cialistes de se rappeler des notions de base qu’ils ont dĂ©jĂ  acquises dans le cadre de leur formation initiale. Les thĂšmes traitĂ©s sont divers et couvrent aussi bien les fondamentaux Ă©conomiques et financiers, que les questions dont l’intĂ©rĂȘt est avĂ©rĂ©, et dont les tenants et les aboutissants mĂ©ritent de faire l’objet d’une synthĂšse dans un document de vulgarisation. La sĂ©rie «Les PrĂ©cis du COFEB», objet du prĂ©sent document, fait partie de ces documents visant Ă  dissĂ©miner la culture Ă©conomique et financiĂšre. Cet opuscule, qui constitue le 20e numĂ©ro de la sĂ©rie depuis sa crĂ©ation, porte sur le thĂšme « Les crypto-monnaies : quels enjeux pour les banques centrales ». Il s’agit lĂ  d’un sujet d’actualitĂ© qui prend de l’importance d’annĂ©e en annĂ©e, en liaison avec le dĂ©veloppement des innovations financiĂšres et des services financiers numĂ©riques. Au-delĂ  de son utilitĂ© heuristique, ce document peut Ă©galement apporter une aide apprĂ©ciable Ă  toute personne dĂ©sirant Ă©largir ses connaissances sur les crypto-monnaies. Ousmane SAMBA MAMADOU, Directeur GĂ©nĂ©ral du COFEB
  • 6.
  • 7. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 7 MOT DU DIRECTEUR DE LA RECHERCHE ET DES PARTENARIATS Depuis l’annĂ©e 2009, date de crĂ©ation du bitcoin mis en place par Satoshi Nakamaoto, les crypto-monnaies ont pris une place de plus en plus importante dans les transactions financiĂšres mondiales. C’est pourquoi nous avons jugĂ© utile de consacrer un numĂ©ro de la publication «Les PrĂ©cis du COFEB» sur ce thĂšme d’actualitĂ©. Ce 20e numĂ©ro, rĂ©digĂ© par GbĂȘmĂšho Mathieu TRINNOU, apporte ainsi sa contribution Ă  cette thĂ©matique. Avec plus de 9.600 spĂ©cimens recensĂ©s Ă  ce jour, les crypto-monnaies reflĂštent, en partie, la concrĂ©tisation de l’idĂ©ologie nĂ©olibĂ©rale autrichienne, puis de celle de la communautĂ© des « cypherpunks » qui prĂŽnent la libĂ©ralisation totale du pouvoir d’émission monĂ©taire dĂ©volu aux banques centrales. Suscitant un engouement certain auprĂšs des populations, cette catĂ©gorie de monnaies se caractĂ©risent cependant par une forte volatilitĂ© et une offre limitĂ©e Ă  la base par ses fondateurs. En outre, de nombreux experts la qualifient plutĂŽt de « crypto-actifs » du fait qu’elle ne remplit pas les trois (3) fonctions traditionnelles d’une monnaie conventionnelle. De plus, les risques qui entourent le fonctionnement des crypto-monnaies demeurent encore nombreux et Ă©levĂ©s, notamment s’agissant de leur vulnĂ©rabilitĂ© aux cyber- attaques, leur possible ou facile utilisation Ă  des fins de blanchiment de capitaux et de financement d’activitĂ©s illicites et la complexitĂ© de la validation des transactions y relatives. Au regard de ces caractĂ©ristiques, et bien que le concept des crypto-monnaies soit basĂ© sur la notion de libertĂ©, leur Ă©mission nĂ©cessite un encadrement adĂ©quat et adaptĂ© en vue de limiter les risques potentiels qui leur sont associĂ©s. C’est ce qui a amenĂ© plusieurs banques centrales Ă  prendre les devants en lançant des rĂ©flexions sur la possibilitĂ© de crĂ©er une monnaie digitale de banque centrale (MDBC ou CBDC en anglais). Leur objectif est d’exploiter les opportunitĂ©s qu’une telle monnaie numĂ©rique peut offrir en termes de rapiditĂ© des transactions et de contribution potentielle Ă  l’inclusion financiĂšre, tout en prĂ©servant la stabilitĂ© financiĂšre. La Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) suit Ă©galement cette question de prĂšs et mĂšne des rĂ©flexions. Bonne lecture ! NdĂšye Amy NGOM SECK Directeur de la Recherche et des Partenariats, COFEB
  • 8.
  • 9. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 9 TABLE DES MATIERES INTRODUCTION 11 I- FACTEURS A LA BASE DE L’EMERGENCE DES CRYPTO-MONNAIES 12 II- CARACTERISTIQUES DES CRYPTO-MONNAIES 13 2.1. Fonctionnement des chaĂźnes de blocs (blockchains) 13 2.2. La formation des prix des crypto-monnaies 18 2.3. La crypto-monnaie : plus un actif financier qu’une monnaie 21 III- RISQUES ET REGLEMENTATION DES CRYPTO-MONNAIES 24 3.1. Les risques inhĂ©rents aux crypto-monnaies 24 3.2. La rĂ©glementation des crypto-monnaies 26 IV- ENJEUX DES CRYPTO-MONNAIES POUR LES BANQUES CENTRALES 27 4.1. La reconnaissance des crypto-monnaies par les banques centrales 27 4.2. Les Monnaies Digitales des Banques Centrales (MDBC) 28 4.2.1. Aperçu des rĂ©flexions des banques centrales sur les MDBC 31 4.2.2. Implications des MDBC pour la conduite de la politique monĂ©taire 33 4.2.3. Implications des MDBC pour la stabilitĂ© financiĂšre 37 V- CONCLUSION ET ENSEIGNEMENTS POUR LA BCEAO 39 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 41
  • 10.
  • 11. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 11 INTRODUCTION L’avĂšnement des crypto-monnaies constitue l’une des plus grandes innovations technologiques ayant suscitĂ© beaucoup d’attention ces derniĂšres annĂ©es. Une crypto- monnaie peut ĂȘtre dĂ©finie comme une monnaie numĂ©rique dont le support repose sur un rĂ©seau dĂ©centralisĂ© d’utilisateurs faisant usage des techniques cryptographiques pour rĂ©gler les transactions entre pairs sans recourir Ă  une institution financiĂšre. Le bitcoin demeure la crypto-monnaie la plus mĂ©diatisĂ©e. CrĂ©Ă© en 2009, le bitcoin est l’Ɠuvre d’un informaticien ou d’un groupe anonyme d’informaticiens, connu sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto. Par la suite, l’engouement pour le bitcoin a favorisĂ© l’apparition de nombreuses autres crypto-monnaies, appelĂ©es les altcoins, qui sont considĂ©rĂ©es comme des crypto-monnaies alternatives dĂ©rivĂ©es Ă  partir des propriĂ©tĂ©s du bitcoin (Milutinovićć, 2018). Aujourd’hui, plus de 9.600 diffĂ©rentes crypto-monnaies ont Ă©tĂ© recensĂ©es sur le site spĂ©cialisĂ© CoinMarketCap. A la date du 3 mai 2021, les deux crypto-monnaies largement dominantes sur le marchĂ© sont le bitcoin et l’ethereum. Elles reprĂ©sentaient 63,25% de la capitalisation totale des crypto-monnaies, soit 47,81% pour le bitcoin et 15,44% pour l’ethereum. L’innovation des crypto-monnaies par rapport aux monnaies conventionnelles est qu’elles reposent sur une infrastructure technologique permettant le rĂšglement des transactions numĂ©riques entre pairs (peer-to-peer), sans aucune intervention d’un intermĂ©diaire financier ou d’une autoritĂ© centrale. Toutefois, en dĂ©pit du fait qu’elles constituent une innovation visant Ă  faciliter les paiements entre pairs, les crypto-monnaies comportent de potentiels risques qui soulĂšvent plusieurs questionnements quant Ă  leur reconnaissance par les dĂ©cideurs publics. Nonobstant la question de leurs usages et des risques encourus par le public, l’opportunitĂ© qu’offrent les crypto-monnaies dans les transactions, incite certaines banques centrales Ă  envisager la crĂ©ation de leurs propres crypto-monnaies1 . Cette note se propose d’analyser les enjeux des crypto-monnaies pour les banques centrales. Elle comporte cinq parties. La premiĂšre prĂ©sente les facteurs Ă  la base de l’émergence des crypto-monnaies, la deuxiĂšme fait ressortir les caractĂ©ristiques des crypto-monnaies. La troisiĂšme expose les risques et les mesures de rĂ©glementation des crypto-monnaies, tandis que la quatriĂšme met en exergue les enjeux des crypto-monnaies pour les banques centrales. Une derniĂšre partie est consacrĂ©e aux enseignements pour la BCEAO. 1- Pour faciliter la lecture dans la suite du document, le terme « crypto-monnaies » est employĂ© pour faire rĂ©fĂ©rence aux crypto-monnaies privĂ©es et celui de « monnaie(s) digitale(s) de(s) banque(s) centrale(s) » est utilisĂ© pour dĂ©signer les crypto-monnaies des banques centrales.
  • 12. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 12 I- FACTEURS A LA BASE DE L’EMERGENCE DES CRYPTO-MONNAIES Plusieurs facteurs seraient Ă  la base de l’émergence des crypto-monnaies. Ceux-ci concernent notamment le recours croissant aux Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) et l’expression d’une vision de dĂ©centralisation de la monnaie. Le dĂ©veloppement rĂ©cent des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) a favorisĂ© l’essor de nouveaux modes de paiement dĂ©matĂ©rialisĂ©s. La crĂ©ation des crypto-monnaies constitue une des innovations opĂ©rĂ©es Ă  l’aide notamment des Ă©quipements informatiques et de l’internet, s’inscrivant dans la dynamique de dĂ©matĂ©rialisation des modes de paiement en ligne. En outre, l’émergence des crypto-monnaies rĂ©sulte de l’expression d’une vision de la sociĂ©tĂ© reposant sur la dĂ©centralisation de la monnaie. Cette vision est dĂ©fendue par l’idĂ©ologie nĂ©olibĂ©rale de l’école autrichienne (Hayek, 1976), allant dans le sens de « la dĂ©nationalisation de la monnaie ». Ce concept se rĂ©fĂšre Ă  « l’abolition du monopole de l’Etat sur la monnaie » pour laisser la place Ă  « une concurrence entre des Ă©metteurs privĂ©s de la monnaie ». En effet, pour Hayek (1976), le remplacement du monopole de l’Etat sur la monnaie rĂ©sulte du fait que la concurrence entre les Ă©metteurs privĂ©s les conduirait Ă  mieux calibrer leurs Ă©missions, afin de maintenir la valeur de la monnaie et prĂ©server la confiance du public. En outre, cette abolition freinerait les dĂ©penses publiques non maĂźtrisĂ©es des Etats. Cette vision de la sociĂ©tĂ© est soutenue par la communautĂ© des « cypherpunks ». Il s’agit d’un mouvement libertarien nĂ© Ă  la fin des annĂ©es 1980 aux Etats-Unis, qui promeut les valeurs de libertĂ© d’expression, de libertĂ© d’échanges et d’anonymat et qui utilise la cryptographie comme moyen d’abolir le modĂšle de sociĂ©tĂ© fondĂ©e sur un systĂšme de pouvoir centralisĂ© (Quignon, 2020). Mais contrairement Ă  ce mouvement, Hayek (1976) reconnaĂźt la lĂ©gitimitĂ© de l’Etat dans de nombreux domaines, exceptĂ© celui de la monnaie, notamment la protection sociale et l’éducation. S’inscrivant ainsi dans ces deux approches idĂ©ologiques, les dĂ©fenseurs des crypto-monnaies soutiennent l’approche d’une dĂ©centralisation de la monnaie, par le biais des innovations technologiques ne nĂ©cessitant aucunement la prĂ©sence d’un pouvoir central pour gĂ©rer l’émission de la monnaie, sa circulation et la prĂ©servation de sa valeur (Biais, 2018). Cette logique Ă©tait exprimĂ©e par l’initiateur du bitcoin (Nakamoto (2008)), qui indiquait alors que son objectif Ă©tait de parvenir Ă  la crĂ©ation d’une monnaie Ă©lectronique gĂ©rĂ©e par un rĂ©seau de pairs privĂ©s (“peer to peer network”) et permettant d’effectuer directement des paiements en ligne sans recourir Ă  une institution financiĂšre.
  • 13. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 13 II- CARACTERISTIQUES DES CRYPTO-MONNAIES Les crypto-monnaies peuvent ĂȘtre distinguĂ©es en s’appuyant sur certaines propriĂ©tĂ©s de base d’une monnaie au sens classique telles que rappelĂ©es par Bech et Garratt (2017), Ă  savoir l’émetteur (banque centrale ou acteurs privĂ©s), la forme (physique ou Ă©lectronique) et le mĂ©canisme de rĂšglement des transactions (centralisĂ© ou dĂ©centralisĂ©). Sous ce schĂ©ma, il apparaĂźt que les crypto-monnaies sont Ă©mises par des Ă©metteurs privĂ©s sous une forme Ă©lectronique (numĂ©rique) et les transactions sont rĂ©glĂ©es via un mĂ©canisme dĂ©centralisĂ©. Cependant, les critĂšres se rapportant Ă  l’émetteur et Ă  la forme ne permettent pas vĂ©ritablement de distinguer les crypto-monnaies des monnaies conventionnelles, dans la mesure oĂč les monnaies conventionnelles sont Ă©galement Ă©mises sous la forme numĂ©rique par les banques centrales (par exemple, les rĂ©serves des banques dans le compte de la banque centrale) et les banques privĂ©es (par exemple, les dĂ©pĂŽts de la clientĂšle inscrits dans les livres des banques commerciales). Ce qui distingue les crypto-monnaies des monnaies conventionnelles, c’est le rĂšglement des transactions numĂ©riques entre pairs (peer-to-peer) sans aucune intervention d’un intermĂ©diaire financier ou d’une autoritĂ© centrale. En effet, ces transactions sont dĂ©centralisĂ©es et fonctionnent par le biais des chaĂźnes de blocs (blockchains). 2.1. Fonctionnement des chaĂźnes de blocs (blockchains) Une chaĂźne de blocs (blockchain) est une technologie de registres partagĂ©s (encore appelĂ©s registres distribuĂ©s ou registres dĂ©centralisĂ©s), accessibles et consultables par tous ceux qui se connectent Ă  son rĂ©seau. Un registre est un grand livre de compte Ă©lectronique stockant l’ensemble des donnĂ©es relatives aux transactions effectuĂ©es par les utilisateurs du rĂ©seau. Ces transactions sont regroupĂ©es par blocs, ensuite les blocs font l’objet de validation spĂ©cifique avant d’ĂȘtre rattachĂ©s (chaĂźnĂ©s) les uns aux autres. En fait, chaque bloc validĂ© est rattachĂ© au prĂ©cĂ©dent. Le schĂ©ma 1 donne une illustration de blocs de transactions chaĂźnĂ©s les uns aux autres. SchĂ©ma 1 : Illustration de blocs de transactions chaĂźnĂ©s les uns aux autres Source : Ruimy (2020)
  • 14. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 14 Les activitĂ©s de regroupement des transactions, de validation et de rattachement des blocs sont rĂ©alisĂ©es par des personnes affiliĂ©es au rĂ©seau, appelĂ©es les mineurs ou encore les nƓuds du rĂ©seau. Les mineurs font usage des techniques cryptographiques pour valider des blocs de transactions authentiques en toute sĂ©curitĂ© et intĂ©gritĂ©, sans l’intermĂ©diaire d’une autoritĂ© centrale ou d’un organe de contrĂŽle. Il s’agit de la rĂ©solution d’algorithmes mathĂ©matiques (appelĂ©s aussi fonctions de hash) transformant les sĂ©ries de donnĂ©es de longueurs variables contenues dans un bloc de transactions en une sĂ©rie de longueur fixe (un hash). Une fois qu’un bloc de transactions est validĂ© et rattachĂ©, les transactions sont alors visibles par l’ensemble des utilisateurs du rĂ©seau (Voir schĂ©ma 2). SchĂ©ma 2 : Illustration du fonctionnement de la blockchain Ă  partir d’une transaction Source : Blockchain France 2016 Pour constituer un bloc, chaque mineur est libre de choisir les transactions en fonction de ses capacitĂ©s en ressources informatiques, internet et Ă©nergĂ©tiques, tout en suivant une capacitĂ© de stockage limitĂ©e de transactions. Par exemple, un bloc de bitcoin contient jusqu’à un (1) mĂ©gaoctet de donnĂ©es, gĂ©nĂ©ralement suffisant pour environ 4.000 transactions. Si un bloc est saturĂ©, une transaction non incorporĂ©e devrait attendre le bloc suivant. Cette limitation de la capacitĂ© d’un bloc rĂ©sulte d’un choix de conception dĂ©libĂ©rĂ©, qui opĂšre entre sĂ©curitĂ© et efficacitĂ© de paiement (Zimmerman, 2020). Pour chaque bloc validĂ©, le mineur perçoit une rĂ©compense gĂ©nĂ©rĂ©e par les algorithmes et libellĂ©e dans la crypto-monnaie. Cette rĂ©compense constitue la crĂ©ation (la gĂ©nĂ©ration) d’une quantitĂ© donnĂ©e de cette crypto-monnaie Ă  chaque validation effectuĂ©e (Biais, 2018 ; Easley et al., 2019 ; Zimmerman, 2020).
  • 15. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 15 L’encadrĂ© 1 illustre le processus de crĂ©ation des quantitĂ©s de bitcoins. Le processus de crĂ©ation des quantitĂ©s de bitcoins a Ă©tĂ© structurĂ© par Nakamoto (2008) et repose sur la programmation d’algorithmes de gĂ©nĂ©ration des quantitĂ©s de bitcoins dans la blockchain. Dans ce processus, la crĂ©ation de bitcoins se fait Ă  chaque validation d’un bloc de transactions. En effet, chaque mineur perçoit, pour chaque bloc validĂ©, une rĂ©compense en bitcoins gĂ©nĂ©rĂ©e par les algorithmes. C’est cette rĂ©compense qui constitue Ă  chaque fois la crĂ©ation d’une quantitĂ© donnĂ©e de bitcoins. Nakamoto (2008) a programmĂ© les algorithmes dĂ©terminant cette rĂ©compense, c’est- Ă -dire, la quantitĂ© de bitcoins Ă  gagner par un mineur Ă  chaque validation de bloc au fil des annĂ©es. Cette programmation prĂ©voit que la quantitĂ© de bitcoins Ă  gagner par un mineur baissera progressivement sur la base d’un calcul incorporĂ© dans les algorithmes. Ce calcul divise la rĂ©compense par 2 tous les 4 ans environ. Ainsi, initialement fixĂ©e dans la programmation en 2008 Ă  50 bitcoins pour chaque bloc validĂ©, cette rĂ©compense s’est situĂ©e Ă  25 bitcoins en 2012, puis Ă  12,5 bitcoins en 2016. Elle se situerait Ă  6,25 bitcoins depuis 2020 (Biais, 2018 ; Easley et al., 2019 ; Zimmerman, 2020). Cependant, il convient de signaler que Nakamoto (2008) a lui-mĂȘme crĂ©Ă© les 70 premiers blocs en vue de permettre des essais de validation par les mineurs. Ainsi, la toute premiĂšre crĂ©ation de quantitĂ©s de bitcoins a eu lieu Ă  partir de la validation du tout premier bloc faisant partie des 70 crĂ©Ă©s. Ce bloc a Ă©tĂ© validĂ© par l’informaticien Hal Finney, l’un des premiers membres du mouvement des « cypherpunks », fascinĂ© par l’avĂšnement du bitcoin. Cette validation du bloc par Hal Finney lui a valu une rĂ©compense d’un montant de 10 bitcoins2 . ParallĂšlement, Nakamoto (2008) a fait l’option de limiter le nombre total de crĂ©ation de bitcoins dans la programmation. Ce nombre qui constitue l’offre totale de bitcoins a Ă©tĂ© limitĂ© Ă  21 millions de coins (piĂšces) et devrait ĂȘtre atteint d’ici 2140 environ. Il explique que cette offre prĂ©visible et limitĂ©e rĂ©sulterait d’une approche de calibration de l’émission du bitcoin afin d’éviter un excĂšs et permettre Ă  la monnaie de traverser des pĂ©riodes sans favoriser l’inflation, mĂȘme lorsqu’une autoritĂ© monĂ©taire aurait son contrĂŽle (Zimmerman, 2020). Source : L’auteur 2 - Cette information est extraite du site «journalducoin.com», consultĂ© le 04/10/2021, Ă  partir du lien https:// journalducoin.com/bitcoin/actualitesbitcoin/qui-etait-hal-finney-premier-recevoir-bitcoins-satoshi- nakamoto/ ENCADRÉ 1 : PROCESSUS DE CRÉATION DES QUANTITÉS DE CRYPTO- MONNAIES : LE CAS DU BITCOIN
  • 16. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 16 Les mineurs reprĂ©sentent des acteurs majeurs dans l’exĂ©cution des transactions et dans la gĂ©nĂ©ration des quantitĂ©s de crypto-monnaies, au regard de leurs rĂŽles susmentionnĂ©s. La comprĂ©hension de l’activitĂ© du mineur (Voir encadrĂ© 2, ci-dessous) permet de tirer les implications sur les exigences (les conditions), notamment en termes d’infrastructures numĂ©riques et Ă©nergĂ©tiques pour garantir une diffusion et une durĂ©e des crypto-monnaies dans la population et dans le temps, surtout dans les pays en dĂ©veloppement qui l’envisageraient. Toute personne affiliĂ©e au rĂ©seau de la blockchain peut ĂȘtre approuvĂ©e comme mineur par l’ensemble des utilisateurs du rĂ©seau, Ă  condition qu’elle justifie d’une preuve de travail (proof of work). La preuve de travail est le constat par l’ensemble des utilisateurs de la validation d’un bloc de transactions par cette personne. La validation d’un bloc se fait Ă  partir de la rĂ©solution de calculs cryptographiques complexes. Elle traduit que la personne (le mineur) dispose d’infrastructures numĂ©riques performantes, en l’occurrence des ordinateurs sophistiquĂ©s de puissance de calcul confortable, la connexion internet haut dĂ©bit en permanence et l’électricitĂ© disponible pratiquement sans arrĂȘt pour la rĂ©solution de calculs cryptographiques complexes. Le mineur a l’obligation d’assurer l’authenticitĂ©, la sĂ©curitĂ© et l’intĂ©gritĂ© des transactions. Pour cela, il procĂšde aux Ă©tapes suivantes dans le processus de dĂ©nouement des transactions : ‱ il reçoit sur le rĂ©seau les messages signalant les transactions initiĂ©es par les utilisateurs du rĂ©seau ; ‱ il regroupe un ensemble de messages (transactions initiĂ©es) dans un bloc ; ‱ il vĂ©rifie que les messages dans le bloc peuvent ĂȘtre pris en compte, en s’assurant que l’utilisateur qui initie le transfert d’un montant donnĂ© de bitcoin le possĂšde effectivement ; ‱ il fait usage des calculs cryptographiques (les algorithmes) pour valider les transactions du bloc ; ‱ il rattache le bloc validĂ© Ă  la chaĂźne de blocs. En contrepartie de la validation du bloc, le mineur reçoit une rĂ©munĂ©ration (R) rĂ©partie en deux : une rĂ©compense (S) liĂ©e Ă  la validation du bloc qui est gĂ©nĂ©rĂ©e par les algorithmes (il s’agit d’une crĂ©ation de bitcoins), Ă  laquelle s’ajoutent des frais (commissions) sur chaque transaction enregistrĂ©e dans le bloc qui sont nĂ©gociĂ©s ENCADRÉ 2 : L’ACTIVITÉ DU MINEUR
  • 17. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 17 et payĂ©s par les initiateurs de chaque transaction (il ne s’agit pas d’une crĂ©ation de bitcoins mais de paiements intĂ©grĂ©s aux transactions effectuĂ©s par leurs initiateurs qui disposent dĂ©jĂ  de bitcoins). Soient B le bloc de transactions et ƒT les frais associĂ©s Ă  la transaction T incluse dans le bloc B. La rĂ©munĂ©ration en bitcoins du mineur est donc : Sous l’angle de l’analyse microĂ©conomique, l’activitĂ© (le comportement) d’un mineur revient Ă  dĂ©nouer le maximum de transactions sous contraintes des inputs qu’il emploie. En outre, sa rationalitĂ© devrait le conduire, en formant un bloc, Ă  choisir les transactions en fonction de leurs frais, en priorisant d’abord celles avec les frais les plus Ă©levĂ©s. Par ailleurs, la rĂ©munĂ©ration associĂ©e Ă  la validation d’un bloc incite chaque mineur Ă  se prĂ©cipiter pour rassembler les transactions puis Ă  se lancer dans les calculs cryptographiques, afin d’ĂȘtre le premier Ă  trouver la solution de dĂ©nouement. En cas de succĂšs, il ajoute le bloc Ă  la blockchain et, en recevant l’information, les autres mineurs initialement engagĂ©s dans la course au mĂȘme titre que lui sont contraints d’abandonner leurs blocs. Dans ce cas, ils s’orientent tous (y compris le mineur ayant rĂ©ussi le dĂ©nouement) vers la composition de nouveaux blocs Ă  valider dans la perspective d’obtenir une nouvelle rĂ©munĂ©ration. Ainsi, chaque mineur rĂ©sout un programme d’optimisation qui pourrait se traduire comme suit (Banque Mondiale, 2018) : oĂč NT est le nombre total de transactions, A est le niveau de technologie, K est le stock de capital (notamment les installations informatiques et de connexion internet), E est la consommation d’électricitĂ© et D capte les difficultĂ©s intrinsĂšques au rĂ©seau. r est le rendement du capital, ÎŽ est le taux de dĂ©prĂ©ciation du capital, PK est le prix du capital et PE est le prix de l’électricitĂ©. Source : L’auteur Tout utilisateur du rĂ©seau dispose d’une adresse Ă©lectronique qui lui est crĂ©Ă©e par les fournisseurs3 d’infrastructures de crypto-monnaies, en contrepartie de la monnaie conventionnelle. Cette adresse est stockĂ©e dans un compte virtuel (appelĂ© « portefeuille » ou « Wallet »), sur des plateformes d’échange ou sur un support Ă©lectronique (clĂ© USB, 3 - Il s’agit d’entreprises spĂ©cialisĂ©es donnant accĂšs aux rĂ©seaux des crypto-monnaies via les infrastructures technologiques (Voir Auer et Claessens, 2018).
  • 18. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 18 ordinateur, smartphone, etc...). Deux clĂ©s lui sont gĂ©nĂ©rĂ©es pour accĂ©der au rĂ©seau via cette adresse. La premiĂšre clĂ© appelĂ©e clĂ© de chiffrement privĂ©e, connue seulement de l’utilisateur, authentifie son identitĂ© et lui permet d’initier une transaction sur la base d’un certain anonymat. La seconde clĂ© publique, connue de l’ensemble du rĂ©seau, est utilisĂ©e par les mineurs pour dĂ©chiffrer et valider la transaction. En effet, contrairement au systĂšme de transaction numĂ©rique avec la monnaie conventionnelle oĂč les agents Ă©conomiques sont formellement identifiĂ©s par les institutions financiĂšres, la technologie des registres partagĂ©s repose sur une certaine forme d’anonymat des utilisateurs du rĂ©seau. Par exemple, les clĂ©s bitcoin ne rĂ©vĂšlent pas nĂ©cessairement les identitĂ©s rĂ©elles des utilisateurs. Toutes les transactions en bitcoin sont enregistrĂ©es dans le rĂ©seau Ă  l’aide des clĂ©s publiques de l’émetteur et du destinataire du paiement (Bech et Garratt, 2017). 2.2. La formation des prix des crypto-monnaies Plusieurs Ă©tudes scientifiques ont tentĂ© d’analyser les dĂ©terminants (la formation) des prix des crypto-monnaies, en l’occurrence le bitcoin. Suivant les analyses de Ciaian et al. (2016, 2018), les dĂ©terminants de l’évolution du prix du bitcoin pourraient ĂȘtre regroupĂ©s en trois catĂ©gories, Ă  savoir, (i) les forces du marchĂ© de l’offre et de la demande de bitcoin ; (ii) l’attractivitĂ© du bitcoin pour les investisseurs ; et (iii) les Ă©volutions macroĂ©conomiques et financiĂšres mondiales. - L’interaction entre l’offre et la demande de bitcoin sur le marchĂ©. La demande de bitcoin est principalement motivĂ©e par sa valeur dans les Ă©changes prĂ©sents et futurs. L’offre de bitcoin est dĂ©terminĂ©e par son stock qui est considĂ©rĂ© comme Ă©tant fixe (Buchholz et al., 2012 ; Bouoiyour et Selmi, 2015). Comme le soulignent Norland et Putman (2019), ce qui apparaĂźt le plus frappant dans l’économie du bitcoin, c’est la juxtaposition de la certitude de l’offre et de l’incertitude de la demande. Le volume de bitcoins Ă  gĂ©nĂ©rer par les algorithmes a Ă©tĂ© trĂšs prĂ©visible et, contrairement Ă  presque tous les autres actifs, devises ou produits de base, son offre demeure une quantitĂ© connue, fixĂ©e Ă  l’avance et estimĂ©e Ă  un plafond de 21 millions (voir EncadrĂ© 1, ci-dessus). - L’intĂ©rĂȘt des investisseurs pour les bitcoins. Il dĂ©pend de leur crĂ©dibilitĂ© et influence le prix de la crypto-monnaie (Kristoufek, 2013 ; Bouoiyour et Selmi, 2015). Cette crĂ©dibilitĂ© concerne largement la sĂ©curitĂ© que le systĂšme du bitcoin offre Ă  ses utilisateurs. A cet Ă©gard, des informations nĂ©gatives sur la sĂ©curitĂ© du systĂšme bitcoin, telles que les cyber-attaques, rĂ©duisent l’attractivitĂ© du bitcoin pour les investisseurs. En revanche, des informations positives sur la sĂ©curitĂ© du systĂšme bitcoin, telles qu’une mise Ă  niveau de logiciel permettant de renforcer davantage la
  • 19. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 19 sĂ©curitĂ© du rĂ©seau bitcoin, augmentent l’attractivitĂ© du bitcoin pour les investisseurs. Dans l’ensemble, une demande accrue de bitcoin, en raison d’une plus grande appĂ©tence des investisseurs exercerait une pression Ă  la hausse du prix du bitcoin, alors qu’une faible attractivitĂ© se traduirait par une diminution de la demande de bitcoin et de son prix (Ciaian et al, 2016). - Les dĂ©veloppements macroĂ©conomiques et financiers. Lorsqu’elle est favorable, la situation macroĂ©conomique peut stimuler la demande des bitcoins pour le commerce et avoir un impact positif sur son prix. Van Wijk (2013) souligne que des variables approximant le dĂ©veloppement macroĂ©conomique et financier telles que les indices boursiers, les taux de change et le prix du pĂ©trole constituent des facteurs dĂ©terminants pour le prix du bitcoin. En effet, dans son analyse, il met en Ă©vidence que l’indice Dow Jones, le taux de change euro-dollar et le prix du pĂ©trole ont un impact significatif sur la valeur du bitcoin Ă  long terme. Dans la pratique, il conviendrait de souligner, qu’en rĂšgle gĂ©nĂ©rale, la plupart des observations effectuĂ©es sur l’évolution des prix des crypto-monnaies, admettent que ceux-ci demeurent fortement volatiles. Il a Ă©tĂ© observĂ© que, le marchĂ© du bitcoin reste actuellement trĂšs volatile et plus sensible aux bulles spĂ©culatives que celui des devises conventionnelles. La nature inĂ©lastique de l’offre des crypto-monnaies, soulignĂ©e notamment par He et al. (2016) et Norland et Putman (2019) face Ă  une demande incertaine qui fluctue, est Ă  la base de cette volatilitĂ© des prix. En outre, une observation supplĂ©mentaire concernant l’évolution des prix des crypto- monnaies est qu’il existe une corrĂ©lation positive entre le prix du bitcoin et les prix des altcoins. Cette observation est confirmĂ©e dans l’étude empirique de Ciaian et al. (2018) analysant la relation entre le prix du bitcoin et les prix de 16 altcoins sur des donnĂ©es journaliĂšres couvrant la pĂ©riode 2013-2016. En effet, cette Ă©tude montre qu’il existe une relation positive Ă  court terme entre l’évolution des cours du bitcoin et celle des 16 altcoins, dont l’ethereum. Plus prĂ©cisĂ©ment, les prix des altcoins sont positivement influencĂ©s par le prix du bitcoin. Par ailleurs, la volatilitĂ© des prix des crypto-monnaies demeure significative comparativement Ă  celle d’autres actifs sur les marchĂ©s financiers mondiaux, en l’occurrence l’or et le pĂ©trole. A titre illustratif, l’étude de Gustafsson et Bengtsson (2019) s’appuyant sur des donnĂ©es journaliĂšres allant du 2 octobre 2013 au 1er avril 2018 prĂ©sente des statistiques descriptives situant l’écart-type des prix du bitcoin, de l’or et du pĂ©trole Ă  3.424,6 ; 68,08 et 22,63 respectivement. Les graphiques N°1 et 2, ci-aprĂšs, retracent l’évolution des prix des deux crypto-monnaies dominantes, Ă  savoir le bitcoin et l’ethereum.
  • 20. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 20 Graphique N°1 : Evolution du prix du bitcoin en dollars US Source : L’auteur Ă  partir des donnĂ©es de CoinMetrics Graphique N°2 : Evolution du prix de l’ethereum en dollars US 0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 Prix de l'Ethereum en dollars US Source : L’auteur Ă  partir des donnĂ©es de CoinMetrics Il apparaĂźt que les prix du bitcoin et de l’ethereum sont demeurĂ©s volatiles et ont enregistrĂ© une forte augmentation au fil du temps. Se situant autour de 436,7 et 0,9 dollars US respectivement au dĂ©but de l’annĂ©e 2016, les prix du bitcoin et de l’ethereum ont connu une hausse considĂ©rable pour s’établir Ă  environ 19.640,5 et 1.361,9 dollars US respectivement, Ă  la fin de l’annĂ©e 2017. AprĂšs une forte baisse continue jusqu’au dĂ©but de l’annĂ©e 2019 (autour 6.625,5 et 121,8 dollars US respectivement), ces prix ont progressĂ© Ă  nouveau de maniĂšre spectaculaire pour s’afficher Ă  63.445,6 et 2.770,3 dollars US respectivement en avril 2021. A la date du 5 mai 2021, ces prix Ă©taient d’environ 57.342,0 dollars US pour le bitcoin et 3.525,9 dollars US pour l’ethereum. En outre, l’évolution d’ensemble des graphiques N°1 et 2 semble mettre en Ă©vidence une corrĂ©lation positive entre les prix du bitcoin et de l’ethereum. 0 10000 20000 30000 40000 50000 60000 70000 Prix du Bitcoin en dollars US
  • 21. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 21 En dĂ©pit de la volatilitĂ© de leurs prix, il existe une catĂ©gorie de crypto-monnaies appelĂ©es les « stablecoins » qui sont des crypto-monnaies dont la valeur est arrimĂ©e Ă  une monnaie, un panier de devises ou Ă  des actifs financiers dans le but de limiter leur volatilitĂ©. Les « stablecoins » reprĂ©sentent environ 5,24%4 de l’ensemble du marchĂ© des crypto-monnaies. A ces crypto-monnaies s’ajoutent les « tokens ». Il s’agit d’actifs numĂ©riques reprĂ©sentant un droit sur une prestation future (token natif) ou sur une chose existante (token non natif). 2.3. La crypto-monnaie : plus un actif financier qu’une monnaie Plusieurs analyses considĂšrent que la crypto-monnaie constitue davantage un actif financier qu’une monnaie. L’expĂ©rience rĂ©vĂšle Ă  travers le monde que les banques centrales sont demeurĂ©es les institutions qui Ă©mettent la monnaie et veillent Ă  la stabilitĂ© de sa valeur dans le temps et Ă  son adoption par un rĂ©seau suffisamment large d’utilisateurs dans le cadre d’un arrangement institutionnel. En se rĂ©fĂ©rant Ă  l’histoire monĂ©taire, cet arrangement institutionnel confĂšre Ă  la banque centrale la mission d’émettre de la monnaie remplissant les trois fonctions classiques d’une monnaie (unitĂ© de compte, moyen de paiement et rĂ©serve de valeur) et ayant cours lĂ©gal. Le cours lĂ©gal se rĂ©fĂšre Ă  l’acceptation obligatoire de la monnaie pour sa pleine valeur faciale pour effectuer des paiements et pour s’acquitter d’une dette par les agents Ă©conomiques. Ainsi, dans les juridictions oĂč les banques centrales indĂ©pendantes ont un mandat de stabilitĂ© des prix et le remplissent, la monnaie demeure une rĂ©serve de valeur fiable, le principal moyen de paiement et unitĂ© de compte. Les crypto-monnaies disponibles aujourd’hui remplissent imparfaitement les trois fonctions de la monnaie, pour plusieurs raisons. La premiĂšre est liĂ©e Ă  la volatilitĂ© des prix des crypto-monnaies (Carstens, 2018, Claeys et al., 2018), qui les empĂȘche de fonctionner comme une rĂ©serve de valeur. Comme susmentionnĂ©, la plupart des observations effectuĂ©es sur l’évolution des prix des crypto- monnaies indiquent que ceux-ci demeurent fortement volatiles. Ce constat limite leur adoption par les agents Ă©conomiques, rĂ©duisant ainsi leur rĂŽle de moyen de paiement et d’unitĂ© de compte. La deuxiĂšme raison est que les crypto-monnaies ne constituent pas intrinsĂšquement un moyen de paiement fiable, du fait du coĂ»t de transactions (en Ă©nergie notamment) et du temps qu’elles mettent Ă  ĂȘtre enregistrĂ©es dans le grand livre dĂ©centralisĂ©. A titre illustratif, Carstens (2018) mentionne que « lors d’une grande confĂ©rence sur les crypto- monnaies, les frais d’inscription ne pouvaient pas ĂȘtre payĂ©s avec des bitcoins, car ils Ă©taient trop coĂ»teux et trop lents : seule la monnaie conventionnelle Ă©tait acceptĂ©e ». 4 - Cette statistique provient du site «coincodex.com», consultĂ© le 04/10/2021, Ă  partir du lien https:// coincodex.com/cryptocurrencies/sector/stablecoins/.
  • 22. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 22 La troisiĂšme raison est que les crypto-monnaies n’ont pas cours lĂ©gal. Elles peuvent ĂȘtre refusĂ©es comme moyen de paiement, en raison du fait qu’aucune disposition lĂ©gale n’impose qu’elles soient acceptĂ©es dans les transactions. Sur la base de ces analyses, les crypto-monnaies sont beaucoup plus considĂ©rĂ©es comme Ă©tant des actifs spĂ©culatifs plutĂŽt qu’une monnaie. Comme l’indique Dyhrberg (2016), la place des crypto-monnaies, en l’occurrence le bitcoin, se situe sur les marchĂ©s financiers et dans la gestion de portefeuille, du fait qu’elles sont actuellement trĂšs volatiles et sensibles aux bulles spĂ©culatives. C’est pourquoi certains utilisent le terme « crypto-actifs » pour dĂ©signer les crypto-monnaies, en raison du fait qu’elles constituent des actifs financiers. Les graphiques N°3 et 4 renseignent sur l’évolution de la capitalisation des crypto- monnaies. Graphique N°3 : E volution de la capitalisation totale des crypto-monnaies Source : CoinMarketCap NB : $1T signifie 1.000 milliards dollars US
  • 23. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 23 Graphique N°4 : Part du bitcoin et de l’ethereum dans la capitalisation totale des crypto-monnaies Source : CoinMarketCap La capitalisation totale a enregistrĂ© une dynamique d’ensemble similaire Ă  l’évolution des prix des crypto-monnaies, prĂ©sentĂ©e dans les graphiques N°1 et 2. D’environ 621,2 millions de dollars US au dĂ©but de l’annĂ©e 2016, la capitalisation totale des crypto- monnaies a connu une nette hausse en s’établissant autour de 511,2 milliards de dollars US au dĂ©but de l’annĂ©e 2018. Cette hausse a Ă©tĂ© suivie d’une forte baisse situant la capitalisation Ă  environ 49 milliards de dollars US au dĂ©but de l’annĂ©e 2019. Par la suite, la capitalisation totale s’est accrue jusqu’à atteindre environ 1.205 milliards de dollars US au 3 mai 2021. Comme susmentionnĂ©, le bitcoin et l’ethereum demeurent les deux crypto-monnaies dominantes, en dĂ©pit du fait que leurs parts se sont rĂ©duites, en raison de l’essor des autres crypto-monnaies concurrentes. A la date du 3 mai 2021, elles reprĂ©sentaient 63,25% de la capitalisation totale des crypto-monnaies (soit 47,81% pour le bitcoin et 15,44% pour l’ethereum), contre 92,48% au dĂ©but de l’annĂ©e 2016. Les parts les plus Ă©levĂ©es Ă©taient de 91,53% pour le bitcoin (au dĂ©but de l’annĂ©e 2016) et 31,17% pour l’ethereum (en juin 2017). Il conviendrait de souligner qu’en dĂ©pit de l’augmentation remarquable de leur capitalisation, l’utilisation des crypto-monnaies demeure encore trĂšs limitĂ©e par rapport aux monnaies conventionnelles. À titre illustratif, au 31 janvier 2020, les agrĂ©gats monĂ©taires au sens Ă©troit, c’est-Ă -dire M1 constituĂ©s essentiellement des dĂ©pĂŽts Ă  vue
  • 24. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 24 et de la monnaie fiduciaire, s’élevaient Ă  8.975,5 milliards d’euros (environ 9.958 milliards de dollars US) dans la zone euro et 3.968,6 milliards de dollars US aux Etats-Unis, soit environ 13.926,6 milliards de dollars US au total pour les deux zones (Quignon, 2020). Toutes choses Ă©tant Ă©gales par ailleurs, les 1.205 milliards de dollars US de capitalisation des crypto-monnaies reprĂ©sentent 8,65% du total de ces agrĂ©gats monĂ©taires. III- RISQUES ET REGLEMENTATION DES CRYPTO-MONNAIES Les crypto-monnaies comportent de potentiels risques qui impliquent qu’elles soient soumises Ă  la rĂ©glementation par les autoritĂ©s monĂ©taires. 3.1. Les risques inhĂ©rents aux crypto-monnaies Les crypto-monnaies sont vulnĂ©rables aux cyber-attaques. Les cyber-attaques peuvent dĂ©stabiliser l’ensemble de la plate-forme technologique de transaction et conduire Ă  son effondrement. A titre illustratif, Moore et Christin (2013) examinant 40 transactions Ă  partir du bitcoin ont constatĂ© que 18 d’entre elles, soit 45% de l’échantillon, ont subi des cyber-attaques. En outre, « MtGox » qui reprĂ©sentait la plus grande plate-forme de transaction des bitcoins au monde, s’est effondrĂ©e en fĂ©vrier 2014, suite Ă  une cyber- attaque qui aurait entraĂźnĂ© une perte de 850.000 bitcoins pour l’ensemble des utilisateurs de la plate-forme (Ciaian et al., 2016). Par ailleurs, les mĂ©dias ont rĂ©cemment fait cas du plus grand vol de crypto-monnaies par des pirates informatiques, estimĂ© Ă  prĂšs de 600 millions de dollars amĂ©ricains5 . Les crypto-monnaies accroissent les risques d’évasion fiscale, de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, en l’absence d’intermĂ©diaire pour vĂ©rifier la nature des transactions ou l’identitĂ© de leurs auteurs. Les transactions sur les crypto-monnaies Ă©chappent au contrĂŽle des autoritĂ©s fiscales, dont elles empĂȘchent les opĂ©rations de prĂ©lĂšvements fiscaux sur les diffĂ©rents transferts effectuĂ©s par les utilisateurs du rĂ©seau. En outre, l’impossibilitĂ© d’intervention des autoritĂ©s publiques pour vĂ©rifier le caractĂšre licite des transactions effectuĂ©es dans un cadre strictement privĂ© pourrait favoriser le transfert facile des gains monĂ©taires issus d’activitĂ©s illĂ©gales ou le financement des activitĂ©s liĂ©es au terrorisme via les plates-formes des crypto-monnaies (Fernholz, 2015 ; Carstens, 2018). Par ailleurs, le bitcoin est qualifiĂ© de « systĂšme de Ponzi ». Un systĂšme de Ponzi est une fraude Ă  l’investissement qui implique le paiement de prĂ©tendus rendements Ă  des investisseurs dĂ©jĂ  adhĂ©rents au systĂšme Ă  partir des fonds apportĂ©s par de nouveaux investisseurs, sans vĂ©ritablement engager 5 - Cette information est notamment relayĂ©e sur le site « www.lapresse.ca », Ă  partir du lien https:// www.lapresse.ca/affaires/2021-08-10/600-millions/vol-record-de-cryptomonnaies-par-des-pirates- informatiques.php
  • 25. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 25 ces fonds dans une activitĂ© d’investissement rentable. Dans ces conditions, le systĂšme s’effondre dĂšs lors que la majoritĂ© ou l’ensemble des investisseurs tentent de rĂ©cupĂ©rer leurs avoirs puisqu’il devient impossible d’utiliser les fonds des uns pour payer les autres et vice-versa. Concernant le bitcoin, les utilisateurs entrent dans le systĂšme en achetant des bitcoins contre de la monnaie conventionnelle, mais ne peuvent quitter et rĂ©cupĂ©rer leurs fonds en monnaie conventionnelle que si d’autres utilisateurs souhaitent acheter leurs bitcoins, c’est-Ă -dire si de nouveaux participants souhaitent rejoindre le systĂšme. Dans un tel cas, le systĂšme du bitcoin demeure Ă  haut risque pour ses utilisateurs d’un point de vue financier et pourrait s’effondrer si ceux-ci essaient de sortir du systĂšme mais n’y parviennent pas, en raison de difficultĂ©s Ă  rĂ©cupĂ©rer leurs fonds en monnaie conventionnelle (BCE, 2012). - La volatilitĂ© des prix des crypto-monnaies apparaĂźt comme une prĂ©occupation cruciale. D’une part, cette forte volatilitĂ© des prix expose les utilisateurs des crypto- monnaies Ă  des risques de pertes financiĂšres en cas de chute brutale des cours, et d’autre part, la volatilitĂ© des prix des crypto-monnaies pourrait compliquer la conduite de la politique monĂ©taire des banques centrales en affectant la gestion de la masse monĂ©taire (Bouveret et Haksar, 2018). A ce sujet, une Ă©tude empirique de Narayan et al. (2019) s’est intĂ©ressĂ©e aux effets de l’évolution du prix du bitcoin sur les agrĂ©gats monĂ©taires en IndonĂ©sie sur la pĂ©riode allant de septembre 2011 Ă  avril 2018. Ces auteurs sont partis du constat que les crypto-monnaies sont trĂšs actives en IndonĂ©sie et constituent une source de prĂ©occupation pour la Banque Centrale d’IndonĂ©sie. En effet, elles peuvent potentiellement influencer le systĂšme monĂ©taire, compte tenu de l’effet des prix des crypto-monnaies sur l’inflation via l’effet de richesse. En outre, l’accroissement des investissements dans les crypto-monnaies induirait une augmentation de la demande d’inputs dans le domaine et exercerait une pression Ă  la hausse des prix des inputs, notamment les Ă©quipements informatiques et de connexion internet des mineurs. Par ailleurs, l’adoption des crypto-monnaies comme une alternative aux monnaies conventionnelles pourrait induire une baisse de la demande de monnaies conventionnelles. Les rĂ©sultats de l’étude de Narayan et al. (2019) mettent en Ă©vidence que la croissance des prix du bitcoin induit une hausse de l’inflation, une apprĂ©ciation rĂ©elle de la monnaie (apprĂ©ciation du taux de change rĂ©el) et une rĂ©duction de la vitesse de circulation (vĂ©locitĂ©) de la monnaie dans ce pays. Ainsi, la volatilitĂ© des prix des crypto-monnaies pourrait engendrer une instabilitĂ© du systĂšme monĂ©taire et par ricochet une instabilitĂ© macroĂ©conomique globale en ayant un effet dĂ©favorable sur les agrĂ©gats monĂ©taires.
  • 26. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 26 - La complexitĂ© des calculs nĂ©cessaires pour valider les transactions des crypto- monnaies, afin d’éviter toute falsification du grand livre, est consommatrice d’énergie et reprĂ©sente un gaspillage de ressources important ainsi qu’un risque environnemental (BRI, 2018 ; Claeys et al.,2018 ; Carstens, 2018). Selon la BRI (2018), l’exĂ©cution d’une transaction par un mineur, pourrait nĂ©cessiter l’exploitation des Ă©quipements informatiques sophistiquĂ©s avec une puissance Ă©quivalente Ă  des millions d’ordinateurs personnels, ce qui reprĂ©sente un risque environnemental. En outre, l’électricitĂ© utilisĂ©e dans le processus de dĂ©nouement des transactions des bitcoins est excessivement considĂ©rable. Les estimations6 globales indiquent que l’électricitĂ© utilisĂ©e pour les transactions de bitcoins dĂ©passe la consommation des pays tels que la Hollande et la RĂ©publique-TchĂšque. 3.2. La rĂ©glementation des crypto-monnaies Au stade actuel, l’adoption des crypto-monnaies telles que le bitcoin sans une rĂ©glementation visant Ă  les encadrer constitue un problĂšme pour les banques centrales, car elles ne peuvent pas les contrĂŽler ou les influencer de quelque maniĂšre que ce soit afin de limiter les risques associĂ©s. En outre, il leur serait trĂšs difficile de suivre l’évolution de l’économie et affiner leurs dĂ©cisions de politique monĂ©taire, du fait que l’absence de visibilitĂ© sur les opĂ©rations effectuĂ©es avec les crypto-monnaies induit des informations manquantes dans la collecte des statistiques sur les transactions monĂ©taires globales. A cet Ă©gard, une rĂ©glementation des crypto-monnaies est cruciale pour leur dĂ©veloppement et leur adoption massive dans le futur. Cette rĂ©glementation devrait Ă©tablir les degrĂ©s de libertĂ© et les avantages que les crypto-monnaies pourraient conserver, tout en bĂ©nĂ©ficiant de l’encadrement des banques centrales (Jaag et Bach, 2015). La rĂ©glementation pourrait couvrir trois axes tels que dĂ©finis par Auer et Claessens (2018) dans leur Ă©tude sur l’impact de la rĂ©glementation des crypto-monnaies sur la rĂ©action de leur marchĂ© : 1. la rĂ©glementation des fournisseurs d’infrastructures de crypto-monnaies pour lutter contre l’utilisation des fonds dans le cadre d’activitĂ©s illicites. En effet, pour effectuer les transactions, la plupart des consommateurs et des investisseurs ont recours Ă  des portefeuilles de crypto-monnaies (« crypto-wallets ») et Ă  d’autres intermĂ©diaires qui les dĂ©tiennent en leur nom. Dans ce cadre, les rĂ©glementations sur le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dĂ©jĂ  en vigueur ainsi que celles en matiĂšre de protection des consommateurs et des investisseurs pourraient ĂȘtre Ă©largies aux entreprises des crypto-monnaies ; 6 - Ces estimations sont issues du site « digiconomist.net », consultĂ© le 04/10/2021, Ă  partir du lien https://digiconomist.net/bitcoin-energy-consumption/.
  • 27. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 27 2. La rĂ©glementation relative Ă  l’interopĂ©rabilitĂ© des crypto-monnaies avec les activitĂ©s des institutions financiĂšres qui sont rĂ©glementĂ©es (les banques commerciales et la bourse par exemple). Elle concerne notamment le systĂšme de conversion des monnaies nationales en crypto-monnaies, et inversement, l’admissibilitĂ© des crypto- monnaies et de leurs produits dĂ©rivĂ©s sur les marchĂ©s rĂ©glementĂ©s et la nĂ©gociation par les institutions financiĂšres des actifs liĂ©s aux crypto-monnaies pour le compte de leurs clients ou pour leur propre compte ; 3. La clarification du statut juridique des crypto-monnaies, en prĂ©cisant si elles devraient ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme des monnaies ou des valeurs mobiliĂšres (actifs financiers) et les conditions de leur utilisation par les diffĂ©rentes catĂ©gories d’agents Ă©conomiques. A titre d’exemple, les particuliers sont-ils habilitĂ©s Ă  en faire le nĂ©goce et dans quelles conditions ? Au titre des vĂ©rifications empiriques, Auer et Claessens (2018) ont compilĂ© des donnĂ©es relatives Ă  151 annonces7 de rĂ©glementation des marchĂ©s de crypto-monnaies faites ces derniĂšres annĂ©es par les instances de rĂ©gulation, les banques centrales ainsi que les organisations internationales et les organes de normalisation dans plusieurs pays. Ils procĂšdent Ă  un regroupement de ces mesures suivant les axes de la rĂ©glementation dĂ©finis puis analysent leurs impacts respectifs sur le marchĂ© des crypto-monnaies. Les rĂ©sultats mettent en Ă©vidence que les mesures touchant chacun des trois axes de la rĂ©glementation ont un impact important sur les marchĂ©s de crypto-monnaies, en influençant notamment les valeurs et les volumes des transactions. Au total, les rĂ©sultats semblent indiquer que les marchĂ©s de crypto-monnaies fonctionnent en s’appuyant sur des Ă©tablissements financiers rĂ©glementĂ©s, mettant les crypto-monnaies Ă  la portĂ©e des rĂ©glementations nationales. IV- ENJEUX DES CRYPTO-MONNAIES POUR LES BANQUES CENTRALES 4.1. La reconnaissance des crypto-monnaies par les banques centrales En dĂ©pit des risques associĂ©s aux crypto-monnaies, deux tendances se dĂ©gagent en ce qui concerne leur reconnaissance par les banques centrales. La premiĂšre tendance opte pour une acceptation des crypto-monnaies, en raison des 7 - Suivant Auer et Claessens (2018), il s’agit de mesures et de dĂ©clarations Ă©manant d’autoritĂ©s et de reprĂ©sentants officiels de l’Australie,de la Chine,de CorĂ©e,des États-Unis,de Gibraltar,de Hong-Kong RAS, de l’Inde, de l’IndonĂ©sie, d’IsraĂ«l, du Japon, des Philippines, de Singapour, de la Suisse et du TaĂŻpei chinois, ainsi que de l’Union EuropĂ©enne et de ses États membres, de mĂȘme que d’une sĂ©rie d’organisations internationales,groupes et organes de rĂ©glementation (institutions de la zone euro,BRI,OICV,CSF et G20).
  • 28. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 28 opportunitĂ©s qu’elles offrent via la technologie sous-jacente Ă  leur utilisation. Sous l’hypothĂšsequ’ellefonctionneadĂ©quatement,latechnologiedesregistrespartagĂ©s,support des crypto-monnaies, permet la rĂ©alisation des transactions entre opĂ©rateurs trĂšs distants, sans l’intervention d’une institution financiĂšre et l’unitĂ© de transaction est potentiellement plus divisible. En outre, contrairement aux transferts bancaires, la compensation et le rĂšglement des transactions sont rapides et sans intermĂ©diaire, ce qui est particuliĂšrement intĂ©ressant pour les paiements internationaux, qui sont relativement coĂ»teux, compliquĂ©s et opaques. En contournant les rĂ©seaux de correspondants bancaires, les nouveaux services utilisant la technologie des registres distribuĂ©s ont fortement raccourci les dĂ©lais : les paiements transfrontaliers arrivent Ă  destination en quelques secondes au lieu de quelques jours (He, 2018). A cet Ă©gard, les crypto-monnaies s’avĂšrent utiles pour les paiements transfrontaliers en facilitant les transferts de fonds internationaux. Dans ce sens, elles peuvent constituer un vecteur additionnel d’amĂ©lioration de l’inclusion financiĂšre, Ă  l’instar des systĂšmes de paiement par tĂ©lĂ©phonie mobile qui ont fait leur preuve. Comme l’indiquent Bouveret et Haksar (2018), la technologie des registres partagĂ©s pourrait diminuer le coĂ»t des transferts internationaux, notamment les envois de fonds, et favoriser l’inclusion financiĂšre. La seconde tendance s’oppose Ă  l’adoption des crypto-monnaies, en se fondant sur le fait que l’absence d’un cadre rĂ©glementaire encadrant les transactions expose les crypto- monnaies aux diffĂ©rents risques susmentionnĂ©s. En outre, cette tendance soutient l’assertion que les crypto-monnaies ne constituent pas des monnaies conventionnelles puisqu’elles ne remplissent pas les trois fonctions de la monnaie (unitĂ© de compte, moyen de paiement et rĂ©serve de valeur), en raison notamment de la forte volatilitĂ© de leurs prix. Cependant, les banques centrales pourraient rechercher l’équilibre consistant Ă  tirer avantages de l’innovation technologique, tout en veillant Ă  ce que les risques inhĂ©rents soient bien maĂźtrisĂ©s (Lagarde, 2018). C’est dans cet esprit que certaines d’entre elles mettent l’accent sur les initiatives en faveur de la crĂ©ation des monnaies digitales des banques centrales, dans l’optique de tirer profit des opportunitĂ©s offertes par la technologie sous-jacente aux crypto-monnaies. 4.2. Les Monnaies Digitales des Banques Centrales (MDBC) Une Monnaie Digitale de Banque Centrale (MDBC) est une forme Ă©lectronique de monnaie Ă©mise par une banque centrale, qui peut ĂȘtre Ă©changĂ©e de façon dĂ©centralisĂ©e entre le donneur d’ordre et le bĂ©nĂ©ficiaire (entre pairs), sans nĂ©cessiter l’intervention d’un intermĂ©diaire (Bech et Garratt, 2017). Elle diffĂšre d’une crypto-monnaie privĂ©e, en raison du fait qu’elle est Ă©mise par la banque centrale. En outre, en dĂ©pit de la traçabilitĂ©
  • 29. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 29 des transactions en MDBC par la banque centrale, une MDBC se distingue des autres monnaies des banques centrales existantes (par exemple, les rĂ©serves des banques dans le compte de la banque centrale), car les transactions sur ces derniĂšres se font de maniĂšre centralisĂ©e (par opposition aux transactions dĂ©centralisĂ©es en MDBC). Ces transactions se font via le registre de la banque centrale retraçant les comptes dĂ©tenus par les institutions financiĂšres auprĂšs d’elle (Voir SchĂ©ma 3, ci-dessous). SchĂ©ma 3 : RĂšglement centralisĂ© en monnaie numĂ©rique conventionnelle Source : L’auteur (Ă  partir d’une adaptation du schĂ©ma de He et al. (2016)) SurleplanrĂ©glementaire,lestransactionsnumĂ©riquesaveclesmonnaiesconventionnelles s’opĂšrent par l’intermĂ©diaire, d’une part, des institutions financiĂšres (en l’occurrence les banques privĂ©es) qui dĂ©tiennent chacune un registre Ă©tablissant les soldes des comptes ouverts auprĂšs d’elles par leurs clientĂšles respectives et, d’autre part, la banque centrale qui dĂ©tient son registre central par lequel elle valide les transactions entre les institutions financiĂšres. Par exemple, un agent (client) A1 dĂ©tenant son compte auprĂšs de la banque A achĂšte des biens chez un agent (client) B1, dont le compte est domiciliĂ© Ă  la banque B. Pour rĂ©gler la transaction numĂ©rique, la banque A dĂ©bite le compte de son client A1. La banque centrale transfĂšre les fonds de la banque A Ă  la B et enregistre la transaction dans son fichier central. La banque B crĂ©dite le compte de son client B1 du montant Ă©quivalent aux fonds transfĂ©rĂ©s. Par contre, s’agissant d’un systĂšme de rĂšglement dĂ©centralisĂ© basĂ© sur la MDBC (voir schĂ©ma 4, ci-dessous), le registre central de la banque centrale est remplacĂ© par un grand registre partagĂ© et les comptes de rĂšglement des banques par des portefeuilles (wallet) en MDBC. Tout comme les banques privĂ©es, la banque centrale constitue un nƓud du rĂ©seau et toutes les banques sont en mesure de valider les transactions, facilitant ainsi le rĂšglement direct et instantanĂ© des transactions entre les diffĂ©rents acteurs (Gouveia et al. 2017).
  • 30. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 30 SchĂ©ma 4 : Illustration d’un rĂšglement dĂ©centralisĂ© en MDBC Source : L’auteur (Ă  partir d’une adaptation du schĂ©ma de Gouveia et al. (2017)) Cependant, il existe deux formes de MDBC, Ă  savoir une MDBC de « dĂ©tail » et une MDBC de « gros ». Une MDBC de « dĂ©tail » est destinĂ©e au large public (aux particuliers) pour effectuer des paiements de dĂ©tail (transaction de faible montant). Il s’agit pour la banque centrale de procĂ©der Ă  l’ouverture de comptes aux particuliers, accessibles en ligne, sur lequel sont stockĂ©es les unitĂ©s de monnaie digitale qui leur permettraient de rĂ©gler directement les transactions de compte Ă  compte entre eux au moyen de la technologie des registres partagĂ©s. Une MDBC de « gros » est destinĂ©e aux paiements des transactions de grande valeur entre les institutions financiĂšres, notamment les transactions interbancaires. Il s’agit pour la banque centrale de mettre Ă  la disposition des Ă©tablissements de crĂ©dits des comptes reposant sur l’architecture de la technologie des registres partagĂ©s, leur permettant d’effectuer directement les transactions interbancaires en monnaie de banque centrale, sans recourir Ă  l’intermĂ©diation de la banque centrale. Les rĂšglements interbancaires Ă  partir de la MDBC de « gros » constituent une innovation par rapport aux systĂšmes de rĂšglement brut en temps rĂ©el (RTGS), en raison du fait que la technologie employĂ©e pourrait rendre les transactions plus rapides et Ă  moindres coĂ»ts sans nĂ©cessiter l’intervention de la banque centrale. Contrairement Ă  la MDBC de dĂ©tail qui est accessible Ă  tous, la MDBC de gros est Ă  la base limitĂ©e aux institutions financiĂšres. SpĂ©cifiquement, la MDBC de dĂ©tail conserverait les caractĂ©ristiques des monnaies cash (billets et piĂšces), telles que l’anonymat et l’universalitĂ© des transactions, en raison du fait qu’elle repose Ă©galement sur des transactions entre pairs. Mais ce qui pourrait distinguer la MDBC de dĂ©tail par rapport aux monnaies cash est la possibilitĂ© de la rĂ©munĂ©rer, c’est-Ă -dire, la possibilitĂ© de payer des intĂ©rĂȘts sur les comptes (les dĂ©pĂŽts) d’une telle
  • 31. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 31 monnaie, en plus de la dĂ©matĂ©rialisation des transactions. Cette possibilitĂ© s’applique Ă©galement aux MDBC de gros, Ă  l’instar des rĂ©serves des banques dans le compte de la banque centrale qui peuvent ĂȘtre rĂ©munĂ©rĂ©es. Comme le soulignent plusieurs auteurs (notamment Bech et Garratt, 2017, Gouveia et al., 2017), il est techniquement possible de payer des intĂ©rĂȘts sur une MDBC en s’appuyant sur la technologie de registres distribuĂ©s. Au total, les banques centrales accordent de plus en plus d’intĂ©rĂȘt Ă  la crĂ©ation des MDBC. Leurs principales motivations restent l’amĂ©lioration de l’efficacitĂ© des paiements et de l’inclusion financiĂšre8 (surtout dans les pays en dĂ©veloppement), en recourant aux nouvelles innovations technologiques dans le domaine de la finance. A ces principales motivations s’ajoutent celles liĂ©es Ă  l’efficacitĂ© de la politique monĂ©taire et au renforcement de la stabilitĂ© financiĂšre. La crĂ©ation des MDBC est Ă©galement perçue comme une possible rĂ©action des banques centrales visant Ă  contrer l’émergence des monnaies numĂ©riques privĂ©es, telles que le bitcoin (Fegatelli, 2019). A cet Ă©gard, des rĂ©flexions ont Ă©tĂ© engagĂ©es et se poursuivent dans bon nombre de banques centrales. En outre, la littĂ©rature s’intĂ©resse aux implications de l’introduction des MDBC sur la politique monĂ©taire et la stabilitĂ© financiĂšre. 4.2.1.Aperçu des rĂ©flexions des banques centrales sur les MDBC L’évolution des rĂ©flexions des banques centrales est retracĂ©e dans le travail de Boar et Wehrli (2021) qui fait le point des rĂ©sultats de la troisiĂšme enquĂȘte de la BRI sur la monnaie numĂ©rique des banques centrales. Elle est Ă©galement visible dans celui de Auer et al. (2020) Ă©numĂ©rant les efforts spĂ©cifiques de quelques banques centrales en la matiĂšre. Cette enquĂȘte a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e au quatriĂšme trimestre de l’annĂ©e 2020 sur un Ă©chantillon de 65 banques centrales de pays reprĂ©sentant prĂšs de 72% de la population et 91% du Produit IntĂ©rieur Brut (PIB) du monde. Vingt-et-une (21) banques centrales sont situĂ©es dans des Ă©conomies avancĂ©es et quarante-quatre (44) dans des Ă©conomies Ă©mergentes et en dĂ©veloppement. Le questionnaire soumis aux banques centrales enquĂȘtĂ©es leur demande si elles travaillent sur les MDBC et, le cas Ă©chĂ©ant, sur quel type de MDBC travaillent-elles et quel est l’état d’avancement des travaux. Les Ă©tapes graduelles des travaux retenues sont la recherche conceptuelle, ensuite la mise en place d’un projet (phase) pilote puis l’expĂ©rimentation pratique. Dans l’ensemble, les rĂ©sultats indiquent que la part des banques centrales qui s’engagent activement dans une forme ou une autre de travail de MDBC a augmentĂ© d’environ un tiers (1/3) au cours des quatre derniĂšres annĂ©es. Elle s’établit Ă  86% de l’échantillon. 8 - V oir la section 4.1. ci-dessus retraçant l’opportunitĂ© qu’offre la technologie des registres partagĂ©s en termes d’amĂ©lioration de l’efficacitĂ© des paiements et de l’inclusion financiĂšre.
  • 32. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 32 Celles qui ne participent actuellement Ă  aucun travail des MDBC dans l’échantillon considĂ©rĂ© sont principalement situĂ©es dans des juridictions plus petites oĂč la capacitĂ© d’innovation via l’utilisation de la tĂ©lĂ©phonie mobile et l’internet est moins remarquable. En outre, les travaux liĂ©s aux MDBC de dĂ©tail sont plus priorisĂ©s que ceux relatifs aux MDBC de gros. Cela est dĂ» au fait que l’inclusion financiĂšre qui constitue une importante motivation pour les pays Ă©mergents et en dĂ©veloppement, est facilement rĂ©alisable avec les MDBC de dĂ©tail qui sont focalisĂ©es sur les transactions entre le large public et ne se limitent pas aux institutions financiĂšres comme les MDBC de gros. Ces rĂ©sultats rĂ©vĂšlent Ă©galement qu’environ 60% des banques centrales enquĂȘtĂ©es (contre 42% en 2019) sont passĂ©es Ă  la phase expĂ©rimentale d’une version numĂ©rique de leur monnaie, tandis que 14% avancent vers la mise en place de projets (phases) pilotes. Au titre des efforts spĂ©cifiques, Auer et al. (2020) retracent les informations9 sur les rĂ©alisations soulignĂ©es par quelques banques centrales. Un certain nombre de banques centrales ont lancĂ© des projets internes pour mieux comprendre la technologie des registres partagĂ©s et son application potentielle aux monnaies. C’est ainsi que, concernant les MDBC de gros, la Banque du Canada a lancĂ© le projet « Jasper » au dĂ©but de 2016 et a publiĂ© un premier rapport en 2017. L’AutoritĂ© MonĂ©taire de Singapour a lancĂ© son propre projet « Ubin » en novembre 2016. L’AutoritĂ© MonĂ©taire de Hong Kong a lancĂ© le projet « LionRock » en janvier 2017. En outre, les banques centrales tentent de mettre en place des cadres de collaboration internationale basĂ©s sur des projets de MDBC de gros visant Ă  amĂ©liorer les paiements transfrontaliers. Il s’agit, entre autres, du projet «Stella» de la Banque Centrale EuropĂ©enne et de la Banque du Japon, du projet «Jasper-Ubin» de la Banque du Canada et de l’AutoritĂ© MonĂ©taire de Singapour, du projet «Inthanon-LionRock» de l’AutoritĂ© MonĂ©taire de Hong Kong et de la Banque de ThaĂŻlande ainsi que du Projet «Aber» de l’AutoritĂ© MonĂ©taire Saoudienne et de la Banque Centrale des Emirats Arabes Unis. S’agissant des MDBC de dĂ©tail, la Riksbank suĂ©doise a initiĂ© le premier travail sur son projet «E-krona» en 2017, aprĂšs une consultation de la population sur l’accĂšs Ă  un instrument de paiement de la banque centrale pour le grand public. L’initiation de ce projet par la Riksbank fait suite Ă  son constat de la baisse de l’utilisation des espĂšces ces derniĂšres annĂ©es en SuĂšde. Le travail a progressĂ© Ă  un stade oĂč en fĂ©vrier 2020, la Riksbank a annoncĂ© qu’elle conduirait un projet pilote en partenariat avec « Accenture », visant Ă  dĂ©velopper une proposition de solution technique pour la « E-krona », basĂ©e 9 - La plupart des informations sont extraites des documents Ă©laborĂ©s par les banques centrales sur leurs projets respectifs.
  • 33. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 33 sur la technologie des registres distribuĂ©s. En outre, les projets pilotes appelĂ©s « DXCD » et « Sand Dollar » ont Ă©tĂ© respectivement lancĂ©s par la Banque Centrale des CaraĂŻbes Orientales et la Banque Centrale des Bahamas. Le projet de la Banque Populaire de Chine, connu sous le nom de « paiement Ă©lectronique en monnaie numĂ©rique (DCEP) » semble ĂȘtre le plus avancĂ©. Il est testĂ© dans quatre villes, Ă  savoir Shenzhen, Suzhou, Chengdu et Xiong’an. Par ailleurs dans le contexte africain, l’actualitĂ©10 rĂ©cente souligne que la Banque du Ghana travaille sur une version numĂ©rique de sa monnaie, le Cedi. Le pays serait passĂ© de la phase de conception Ă  la phase pilote. En outre, la Banque Centrale du Nigeria prĂ©voirait de lancer un projet pilote pour sa propre monnaie numĂ©rique avant la fin de l’annĂ©e 2021. Aussi, des rĂ©flexions sont-elles menĂ©es sur la problĂ©matique de l’émission de Monnaies Digitales de Banque Centrale (MDBC) au sein de l’UEMOA, sous l’égide du ComitĂ© Fintech de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). 4.2.2. Implications des MDBC pour la conduite de la politique monĂ©taire L’introduction des MDBC pourrait avoir une implication sur la conduite de la politique monĂ©taire, en raison du fait que le taux d’intĂ©rĂȘt des MDBC, en particulier celui des MDBC de dĂ©tail11 pourrait constituer un instrument. En effet, ce taux d’intĂ©rĂȘt demeurant le taux de rĂ©munĂ©ration des dĂ©pĂŽts en MDBC, pourrait ĂȘtre manipulĂ© par les autoritĂ©s monĂ©taires pour influencer l’arbitrage des agents Ă©conomiques entre le prĂ©sent et le futur, toutes choses Ă©tant Ă©gales par ailleurs. Les mĂ©nages arbitrent entre la consommation et l’épargne, tandis que les entreprises opĂšrent entre la rĂ©alisation des investissements et les placements. A titre d’exemple (Voir schĂ©ma 5, ci-dessous), une baisse du taux d’intĂ©rĂȘt des MDBC de dĂ©tail, toutes choses Ă©tant Ă©gales par ailleurs, se traduirait par une baisse du rendement de l’épargne en MDBC. Dans un tel cas, les agents Ă©conomiques pourraient privilĂ©gier la consommation prĂ©sente (l’investissement prĂ©sent) au dĂ©triment de l’épargne, ce qui stimulerait la demande et favoriserait l’activitĂ© Ă©conomique. En outre, une baisse du taux d’intĂ©rĂȘt des MDBC de dĂ©tail relativement au taux d’intĂ©rĂȘt rĂ©munĂ©rateur des dĂ©pĂŽts bancaires pourrait 10 - Cette actualitĂ© est extraite des publications du site www.agenceecofin.com, via les liens https:// www.agenceecofin.com/finance/0706-88911-le-ghana-devient-le-premier-pays-africain-a-travailler- officiellement-sur un-projet-de-monnaie-numerique et https://www.agenceecofin.com/gestion- publique/1106-89087-le-nigeria-lancera-d-ici-fin 2021-un-projet-pilote-pour-un-naira-numerique. 11 - Le taux d’intĂ©rĂȘt des MDBC de gros n’apporterait pas vĂ©ritablement un avantage nouveau en tant qu’instrument de transmission de la politique monĂ©taire, en raison du fait que les Ă©tablissements de crĂ©dit disposent dĂ©jĂ  de la monnaie de la banque centrale Ă©mise sous la forme numĂ©rique faisant l’objet de rĂ©munĂ©ration. Il s’agit des rĂ©serves des banques dans le compte de la banque centrale. Le principal avantage social d’une MDBC de gros rĂ©siderait dans les fonctionnalitĂ©s supplĂ©mentaires qu’offre la technologie des registres partagĂ©s qui permettraient d’exĂ©cuter les transactions directement entre les institutions financiĂšres avec plus de rapiditĂ© et Ă  coĂ»t rĂ©duit (Quignon, 2020).
  • 34. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 34 accroĂźtre l’attrait des agents pour les dĂ©pĂŽts bancaires et augmenterait les ressources des banques. Cette augmentation des ressources faciliterait le financement de l’économie par les banques, en particulier le financement des projets d’investissements. A cet Ă©gard, les effets des variations du taux d’intĂ©rĂȘt des MDBC seraient transmis directement aux mĂ©nages et aux entreprises dĂ©tenteurs de MDBC, ainsi qu’indirectement Ă  l’ensemble de l’économie via notamment le systĂšme bancaire (Wadsworth, 2018). SchĂ©ma 5 : MĂ©canismes de transmission du taux d’intĂ©rĂȘt des MDBC de dĂ©tail Ă  l’économie rĂ©elle Source : L’auteur Au regard de ces mĂ©canismes, l’émission de MDBC couplĂ©e avec un cadre de politique monĂ©taire appropriĂ© pourrait permettre d’assurer la stabilitĂ© des prix (Agarwal et Kimball, 2015 ; FernĂĄndez-Villaverde et Sanches, 2016 ; Bordo et Levin, 2017). En rĂ©ponse Ă  un choc sĂ©vĂšre, la banque centrale pourrait mener une politique monĂ©taire accommodante en baissant les taux d’intĂ©rĂȘt des MDBC sans recourir Ă  des mesures non conventionnelles (notamment l’assouplissement quantitatif) qui induiraient une modification de la taille ou la composition de son bilan, ni compromettre son engagement en faveur de la stabilitĂ© des prix. ParallĂšlement, dans un contexte oĂč les taux d’intĂ©rĂȘt de la politique monĂ©taire conventionnelle deviennent pratiquement inopĂ©rants (par exemple, lorsque que les taux
  • 35. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 35 d’intĂ©rĂȘts sont proches ou en dessous de leur limite plancher de zĂ©ro), une fonction de rĂ©action de la banque centrale basĂ©e sur le taux d’intĂ©rĂȘt des MDBC pourrait constituer une alternative permettant d’assurer la relance Ă©conomique et la stabilitĂ© des prix. Suivant cette logique, Bordo et Levin (2017) tentent de proposer une rĂšgle de Taylor dĂ©crivant une fonction de rĂ©action de la banque centrale basĂ©e sur les taux d’intĂ©rĂȘts des MDBC. Elle est spĂ©cifiĂ©e comme suit : oĂč i dĂ©signe le taux d’intĂ©rĂȘt de la MDBC, p dĂ©signe le niveau de prix, p*∗dĂ©signe le niveau de prix cible, dĂ©signe une mesure du niveau de prix relatif au taux d’inflation sous-jacent, dĂ©signe le taux d’inflation sous-jacent,r* dĂ©signe le taux d’intĂ©rĂȘt rĂ©el d’équilibre et (y - y*) dĂ©signe l’écart de production (c’est-Ă -dire l’écart du PIB rĂ©el par rapport Ă  son niveau potentiel) et t est le temps. Comme dans la rĂšgle de Taylor, cette spĂ©cification peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une rĂ©fĂ©rence pour ajuster le taux d’intĂ©rĂȘt rĂ©el (𝑖i- ̃) en rĂ©ponse aux fluctuations de l’activitĂ© Ă©conomique et des prix, en modifiant i, le taux d’intĂ©rĂȘt de la MDBC. Les valeurs des coefficients de cette rĂšgle de rĂ©fĂ©rence (Î±đ›Œ,ÎČđ›œ et ÎŽ) pourraient ĂȘtre dĂ©terminĂ©es Ă  partir de la modĂ©lisation macroĂ©conomĂ©trique afin de gĂ©nĂ©rer des rĂ©sultats de stabilisation macroĂ©conomique robustes. Cependant, dans l’optique de renforcer l’efficacitĂ© de la politique monĂ©taire, Barrdear et Kumhof (2016) suggĂšrent un mĂ©canisme par lequel la banque centrale pourrait accroĂźtre ses marges de manƓuvre, en utilisant le taux d’intĂ©rĂȘt des MDBC comme un outil additionnel Ă  celui de la politique monĂ©taire conventionnelle plutĂŽt que de constituer un instrument alternatif. A cet Ă©gard, ils font abstraction dans leur analyse de l’hypothĂšse de taux d’intĂ©rĂȘts de la politique monĂ©taire conventionnelle proches ou en dessous de leur limite plancher de zĂ©ro. Ils considĂšrent que toute Ă©mission de MDBC ne doit pas nĂ©cessairement constituer une alternative au retrait des billets de banque de la circulation mais plutĂŽt des complĂ©ments au mĂȘme titre que les dĂ©pĂŽts des banques commerciales. Les auteurs proposent deux rĂšgles d’utilisation des MDBC dans la conduite de la politique monĂ©taire. Une rĂšgle de quantitĂ© qui consiste Ă  fixer la quantitĂ© de crypto-monnaies par rapport au PIB et une rĂšgle de prix qui implique de modifier le taux d’intĂ©rĂȘt payĂ© sur les MDBC (modification de l’écart entre le taux directeur de la monnaie conventionnelle et celui de la MDBC) de maniĂšre contracyclique. A titre d’exemple, lors d’une expansion Ă©conomique, la Banque Centrale pourrait soit rĂ©duire le ratio MDBC/PIB, soit Ă©largir l’écart entre les deux taux pour rĂ©pondre Ă  un Ă©cart d’inflation par rapport Ă  sa cible. Toutefois, l’efficacitĂ© de ce mĂ©canisme dĂ©pend de plusieurs facteurs, notamment de la
  • 36. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 36 faible substituabilitĂ© entre la MDBC et les autres formes de monnaie ou actifs financiers (Barrdear et Kumhof, 2016). En appliquant leur raisonnement Ă  l’aide d’un modĂšle DSGE, ils constatent que l’émission de MDBC de 30% du PIB pourrait augmenter le PIB de 3%, en raison de la rĂ©duction des taux d’intĂ©rĂȘt rĂ©els, des distorsions fiscales et des coĂ»ts de transaction monĂ©taires. En tant que deuxiĂšme instrument de politique monĂ©taire, les rĂšgles contracycliques de prix ou de quantitĂ© des MDBC pourraient considĂ©rablement amĂ©liorer la capacitĂ© de la banque centrale Ă  stabiliser le cycle Ă©conomique. Au regard des analyses, la rĂšgle de quantitĂ© des MDBC pourrait traduire, en ce qui concerne les MDBC de dĂ©tail, une illustration indirecte du concept de « l’hĂ©licoptĂšre monĂ©taire » dĂ©veloppĂ© par Milton Friedman en 1969. « L’hĂ©licoptĂšre monĂ©taire » consiste pour une Banque Centrale en cas de crise financiĂšre, Ă  crĂ©er de la monnaie qu’elle distribue Ă  part Ă©gale, Ă  titre de subvention non remboursable, Ă  chaque citoyen. Cette approche permettrait d’accroĂźtre la capacitĂ© des agents Ă©conomiques Ă  rĂ©aliser leurs dĂ©penses de consommation, Ă  rĂ©duire leurs dettes (Ă  rembourser leurs dettes) et/ou Ă  investir (Dyson et Hodgson, 2016). En outre, la rĂšgle de quantitĂ© pourrait concerner les injections des MDBC de gros par la banque centrale. A ce sujet, Meaning et al. (2018) suggĂšrent que les MDBC de gros soient Ă©largies Ă  des institutions financiĂšres non bancaires, notamment celles opĂ©rant dans le domaine des Fintechs12 afin de favoriser une meilleure transmission des mesures d’injection de liquiditĂ© de la banque centrale. Il s’agit d’ouvrir le marchĂ© interbancaire aux institutions financiĂšres non bancaires qui participeraient Ă  la fois aux opĂ©rations d’injections des MDBC de gros et aux transactions sur le marchĂ© interbancaire au mĂȘme titre que les banques dĂ©jĂ  prĂ©sentes. En effet, maintenir la structure du marchĂ© interbancaire identique et effectuer des injections en MDBC de gros reviendrait Ă  rĂ©pĂ©ter les opĂ©rations d’injections classiques avec une autre monnaie de la banque centrale, sans enjeu vĂ©ritable nouveau. En revanche, l’élargissement des MDBC de gros Ă  des institutions financiĂšres non bancaires induirait un changement dans la structure du marchĂ© interbancaire et donnerait une meilleure portĂ©e aux injections des MDBC de gros, comparativement aux injections classiques actuelles en monnaie conventionnelle oĂč les banques demeurent les seuls participants. En fait, cette stratĂ©gie permet de contourner certains dysfonctionnements du marchĂ© interbancaire, notamment la segmentation du marchĂ© ou la concentration de la liquiditĂ© dans des groupes relativement dominants. Avec une MDBC de gros accessible Ă  d’autres intervenants sur le marchĂ©, les banques disposeraient de deux possibilitĂ©s d’échange de la monnaie de banque centrale : une 12 - Suivant Quignon (2020), de nouveaux intervenants, relevant par exemple du secteur des Fintechs, dĂ©sireux d’investir le marchĂ© des paiements ou de profiter des opportunitĂ©s offertes par la blockchain, pourraient voir leurs activitĂ©s facilitĂ©es par un accĂšs aux MDBC, notamment les MDBC de gros.
  • 37. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 37 avec la monnaie conventionnelle et l’autre avec les MDBC de gros. Une banque ayant besoin de monnaie de banque centrale pour rĂ©pondre Ă  ses besoins de liquiditĂ©s pourrait potentiellement emprunter ces fonds auprĂšs d’une institution non bancaire au mĂȘme titre qu’auprĂšs d’une banque. Cet accĂšs accru au marchĂ© serait susceptible d’augmenter Ă  la fois la liquiditĂ© et la concurrence sur le marchĂ©. De mĂȘme, les banques ayant un excĂ©dent de MDBC pourraient ĂȘtre en mesure de le prĂȘter Ă  un plus large Ă©ventail d’intervenants qu’elles ne le peuvent actuellement sans la prĂ©sence des MDBC. Ces propositions impliquent d’inclure ces entitĂ©s non bancaires dans le champ de la supervision bancaire. 4.2.3. Implications des MDBC pour la stabilitĂ© financiĂšre Un risque subsiste en ce qui concerne spĂ©cifiquement l’introduction des MDBC de dĂ©tail. En effet, les particuliers pourraient privilĂ©gier les MDBC en effectuant directement les dĂ©pĂŽts en MDBC et/ou en convertissant leurs dĂ©pĂŽts auprĂšs des banques commerciales en dĂ©pĂŽts en MDBC, ce qui limiterait les ressources disponibles des banques commerciales et pourrait constituer une menace pour le financement de l’économie et la stabilitĂ© financiĂšre. La contraction des dĂ©pĂŽts bancaires pourrait induire un renchĂ©rissement des prĂȘts et une rĂ©ticence des emprunteurs disposant de bons projets. Dans ce contexte, la recherche de rendements pourrait amener les banques Ă  s’orienter vers des actifs plus risquĂ©s.
  • 38. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 38 L’introduction des MDBC de dĂ©tail entraĂźne une baisse du volume des dĂ©pĂŽts bancaires induite par une substitution des dĂ©pĂŽts bancaires en dĂ©pĂŽts en MDBC. Cette baisse se traduit par un dĂ©placement de la courbe d’offre de dĂ©pĂŽts vers la gauche (voir graphique N°5). Face Ă  une demande supĂ©rieure Ă  l’offre, les banques tentent d’attirer les dĂ©posants en augmentant le taux de rĂ©munĂ©ration des dĂ©pĂŽts. En consĂ©quence, elles rĂ©percutent cette hausse du taux de rĂ©munĂ©ration des dĂ©pĂŽts sur le taux d’intĂ©rĂȘt des prĂȘts, induisant un renchĂ©rissement des prĂȘts bancaires. Graphique N°5 : Description de la rĂ©action des banques Ă  l’introduction des MDBC de dĂ©tail (cas 1) En outre, l’accessibilitĂ© des MDBC de dĂ©tail Ă  tous pourrait conduire les banques ne rĂ©sistant pas vĂ©ritablement Ă  la concurrence, c’est-Ă -dire, celles ne dĂ©tenant pas de pouvoir de marchĂ©, Ă  se reconvertir en constituant des dĂ©pĂŽts en MDBC. Dans ce cas, la baisse de la demande de dĂ©pĂŽts bancaires se conjugue Ă  la baisse de l’offre de dĂ©pĂŽts bancaires (voir graphique N°6) et limiterait davantage le financement de l’économie. Graphique N°6 : Description de la rĂ©action des banques Ă  l’introduction des MDBC de dĂ©tail (cas 2) Source : L’auteur ENCADRÉ 3 : RÉACTIONS DES BANQUES À L’INTRODUCTION DES MDBC DE DÉTAIL
  • 39. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 39 La conversion des dĂ©pĂŽts bancaires en dĂ©pĂŽts en MDBC pourrait davantage s’exacerber en situation de crise (panique) bancaire et amplifierait la fragilitĂ© des banques ainsi que la crise. Toutefois, en cas de crise financiĂšre, la banque centrale aurait la capacitĂ© d’augmenter les quantitĂ©s de MDBC de gros et/ou de dĂ©tail afin de fournir des liquiditĂ©s d’urgence aux institutions financiĂšres supervisĂ©es et aux particuliers. Alternativement, la banque centrale pourrait fournir ces fonds Ă  un autre organisme public, tel que le fonds d’assurance- dĂ©pĂŽts. Dans les deux cas, des garanties juridiques appropriĂ©es seraient essentielles pour s’assurer que le rĂŽle de la banque centrale en tant que prĂȘteur en dernier ressort ne compromette pas sa capacitĂ© Ă  honorer son engagement en faveur de la stabilitĂ© des prix (Bordo et Levin, 2017). V- CONCLUSION ET ENSEIGNEMENTS POUR LA BCEAO Les crypto-monnaies constituent une innovation technologique introduite dans le domaine monĂ©taire qui comporte de potentiels risques. A cet Ă©gard, elles mĂ©riteraient d’ĂȘtre rĂ©glementĂ©es en cas de leur reconnaissance par les autoritĂ©s monĂ©taires. En outre, l’avantage que procure la technologie des registres partagĂ©s sur laquelle repose les crypto-monnaies a offert une opportunitĂ© Ă  plusieurs banques centrales de conduire des travaux relatifs Ă  la crĂ©ation de leurs propres crypto-monnaies, Ă  savoir, les Monnaies Digitales des Banques Centrales (MDBC). A l’instar des banques centrales Ă  travers le monde, la BCEAO accorde une attention particuliĂšre aux innovations technologiques et financiĂšres, dans la perspective du renforcement de la stabilitĂ© et de l’inclusion financiĂšres des populations de l’Union. A ce titre, les diffĂ©rents aspects dĂ©veloppĂ©s ci-dessus sur les crypto-monnaies et les MDBC permettent de tirer quelques enseignements dans le contexte spĂ©cifique des pays de l’UEMOA. S’agissant des crypto-monnaies, les exigences permanentes en infrastructures impliquent d’ĂȘtre prudent face aux initiatives13 annoncĂ©es de crĂ©ation des crypto-monnaies dans l’Union. En effet, comparativement aux activitĂ©s des opĂ©rateurs de la monnaie mobile qui font leur preuve, celles des mineurs sont trĂšs exigeantes en ressources telles que l’électricitĂ©, l’internet et les installations informatiques sophistiquĂ©es. Etant donnĂ© que le succĂšs d’une monnaie repose, entre autres, sur le fait qu’elle soit liquide et utilisĂ©e dans les paiements par une population large, les contraintes liĂ©es Ă  la disponibilitĂ© et l’accessibilitĂ© de l’énergie et de la connexion internet Ă  coĂ»ts rĂ©duits pourraient constituer des barriĂšres freinant le bon fonctionnement d’une crypto-monnaie crĂ©Ă©e dans l’Union. En outre, la cybercriminalitĂ© demeure un risque majeur auquel les crypto-monnaies s’exposent en permanence. Ce risque non encore jugulĂ© n’est pas de nature Ă  pousser, dans l’immĂ©diat, Ă  la crĂ©ation des crypto-monnaies dans l’UEMOA. 13 - Certaines initiatives sont annoncĂ©es. Il s’agit notamment des projets de crĂ©ation de l’ubuntuCoin en CĂŽte d’Ivoire, de l’Akoin du chanteur sĂ©nĂ©galais Akon et du Kama-Kolo ou KK au Burkina.
  • 40. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 40 Une communication renforcĂ©e et une sensibilisation des populations sur les risques liĂ©s Ă  l’utilisation des crypto-monnaies, dans le cadre du dĂ©ploiement du programme rĂ©gional d’éducation financiĂšre dans l’UEMOA seraient souhaitables. L’expĂ©rience avec les structures illĂ©gales de placement d’argent a mis en Ă©vidence une forte mĂ©connaissance des populations des expositions Ă  ce type d’initiatives. La BCEAO devrait renforcer la veille en adaptant le cadre rĂ©glementaire existant, afin de prendre en compte les risques liĂ©s Ă  un Ă©ventuel avĂšnement des crypto-monnaies dans l’Union. Comme susmentionnĂ©, il s’agit de la rĂ©glementation des fournisseurs d’infrastructures de crypto-monnaies et de l’interopĂ©rabilitĂ© des crypto-monnaies, avec les activitĂ©s des institutions financiĂšres rĂ©glementĂ©es ainsi que de la rĂ©glementation clarifiant le statut juridique des crypto-monnaies. Cette veille devrait Ă©galement permettre de prĂ©venir des situations oĂč des structures reconnues lĂ©galement s’adonneraient Ă  des activitĂ©s illĂ©gales ou sans une autorisation prĂ©alable des autoritĂ©s nationales ou supra- nationales de contrĂŽle. Pour ce faire, les structures de la Banque Centrale chargĂ©es des questions de rĂ©glementation devraient davantage prendre connaissances des expĂ©riences pratiques en matiĂšre de rĂ©glementations mises en place par certains pays ou institutions. S’agissant des monnaies digitales des banques centrales, elles constituent une alternative faisant l’objet de travaux dans plusieurs banques centrales dans le monde. Ces travaux concernent la recherche conceptuelle, la mise en place d’un projet pilote puis l’expĂ©rimentation pratique. A ce titre, la Banque Centrale devrait poursuivre les rĂ©flexions prĂ©liminaires entamĂ©es sur les Ă©volutions numĂ©riques Ă  envisager dans le cadre de l’émission monĂ©taire, tout en veillant Ă  la stabilitĂ© du systĂšme financier de l’Union. D’un point de vue opĂ©rationnel, les structures mĂ©tiers de la Banque Centrale devraient davantage s’enquĂ©rir des expĂ©riences pratiques conduites dans d’autres pays, notamment les diffĂ©rentes Ă©tapes allant de la conception Ă  la mise en circulation ainsi que l’intervention des acteurs Ă  chaque niveau, afin de mieux les contextualiser en cas de besoin. En outre, ces rĂ©flexions devraient ĂȘtre conduites tout en prĂ©servant la confiance du public dans les monnaies conventionnelles existantes, car en dĂ©pit des risques associĂ©s aux crypto-monnaies, un des facteurs Ă  la base de leur adoption « de facto » par les populations de certains pays, tels que le Zimbabwe et le Venezuela, est la perte de toute crĂ©dibilitĂ© de leurs monnaies nationales. Par ailleurs, il conviendrait de rappeler que les prĂ©occupations relatives Ă  la disponibilitĂ© et l’accessibilitĂ© de l’énergie ainsi que de la connexion internet Ă©voquĂ©es ci-dessus constituent des prĂ©alables Ă  prendre en compte avant la mise en Ɠuvre de tout projet portant sur la crĂ©ation des MDBC dans l’UEMOA. A ces prĂ©occupations, s’ajoute le risque liĂ© Ă  la cybercriminalitĂ©. En effet, le risque de rĂ©putation qu’une cyber-attaque engendrerait pour la Banque Centrale, ainsi que l’instabilitĂ© financiĂšre qui en rĂ©sulterait, impliquent une meilleure prise de prĂ©caution avant la mise en Ɠuvre de tout projet portant sur la crĂ©ation des MDBC dans l’UEMOA.
  • 41. LES PRECIS DU COFEB - N°20 - Novembre 2021 41 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES Agarwal R. et Kimball M. (2015). “Breaking Through the Zero Lower Bound.” International Monetary Fund Working Paper ,15-224. Auer R., Giulio Cornelli G. et Frost J. (2020), “ Rise of the central bank digital currencies : drivers, approaches and technologies ”, BIS Working Papers, N° 880 Auer R. et Claessens S. (2018), “ RĂ©glementation des cryptomonnaies : Ă©valuation des rĂ©actions du marchĂ© ”, Rapport trimestriel BRI, septembre Banque Mondiale (2018), “ Cryptocurrencies and Blockchain ”, Europe and Central Asia Economic Update (May), Washington, DC. Barrdear, J. et Kumhof M. (2016). ‘’The macroeconomics of central bank issued digital currencies’’, Bank of England. Staff Working Paper No. 605. BCE (2012), “ Virtual currency schemes ”, Eurosysteme, Octobre. Bech M. et Garratt R. (2017), “ Des crypto-monnaies Ă©mises par les banques centrales ? ”, Rapport trimestriel BRI, septembre. Biais B. (2018), “ L’analyse de Bruno Biais, chercheur TSE sur les dimensions technologiques et socio-politiques des crypto-monnaies ”, Disponible sur https://www. tse-fr.eu Boar C. et Wehrli A. (2021), “ Ready, steady, go ? – Results of the third BIS survey on central bank digital currency ”, BIS Papers, N°114 Bordo, M. et A. Levin (2017). “ Central Bank Digital Currency and the Future of Monetary Policy ”, NBER Working Paper, 23711 Bouoiyour, J. et Selmi, R. (2015), “What Does BitCoin Look Like? ”, MPRA Paper No. 58091, University Library of Munich, Germany. Bouveret A. et Haksar V. (2018), “ Que sont les cryptomonnaies ? ”, l’ABC de l’économie (dans Finance et DĂ©veloppement, NumĂ©ro de Juin 2018, intitulĂ© “ L’argent autrement : L’avenir de la monnaie Ă  l’ùre numĂ©rique) BRI (2018), “ Annual Economic Report ” Buchholz, M., Delaney, J., Warren, J., Parker, J. (2012), “ Bits and Bets, Information, Price Volatility, and Demand for BitCoin ”, Economics 312, www. BitCointrading.com/ pdf/bitsandbets.pdf Carstens B. (2018), “ Money in the digital age: what role for central banks? ”, ConfĂ©rence, Banque des RĂšglements Internationaux (BRI)
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  • 44. 44 Centre Ouest Africain de Formation et d’Etudes Bancaires (COFEB) Avenue Abdoulaye Fadiga BP : 3108 Dakar - SĂ©nĂ©gal TĂ©lĂ©phone : 00 221 33 839 05 00 Fax : 00 221 33 823 83 35 Contact : courrier.zdrpbceao.int