Pourquoi l’action de la Commission Européenne
contre Google devrait inquiéter les européens plus que les réjouir ?Avec l’exemple de Google, Olivier Fréget nous fait
réfléchir sur le droit de la concurrence. Deviendrait-il
une machine produisant de l’arbitraire ?
Pourquoi l’action de la Commission Européenne contre Google devrait inquiéter les européens plus que les réjouir ?
1. Emile&
Ferdinand
Gazette du
Juillet-Août 2015 2015 | N°11
Bimestriel gratuit
Bureau de dépôt : 3000 Leuven Masspost | P-916169
14 Web TV
Ensemble, Agissons !
Le Congrès 2015
d’AVOCATS.BE en
vidéos
10Parcours
d’étudiants
Amélie Dopchie
Une semaine au
Palais des Nations…
Et aussi
Les dates à ne
pas manquer
...
’’Il faut
révolutionner le droit
de l’insolvabilité”
4Actu
Alain Zenner
8Carte
blanche
Olivier Fréget
Pourquoi l’action
de la Commission
européenne contre
Google devrait
inquiéter les
européens plus que
les réjouir ?
3. Juillet-Août 2015|N°10|Emile & Ferdinand|3
LE MOT DE L'ÉDITEUR
Le Groupe Larcier vient de lancer
sa nouvelle base de données
Strada lex Luxembourg, une nouvelle
offre de contenu spécialement dédié
au marché luxembourgeois. Comment
un projet de cette ampleur est-il
conçu et préparé ? Quelles sont les
principales qualités de cette nouvelle
base de données ?
Tout comme nos autres projets, Strada
lex Luxembourg nous a été inspiré par
les demandes du marché. Cela fait
aujourd’hui plus de quinze ans que le
Groupe Larcier s’investit dans l’édition
juridique au Grand-Duché de Luxem-
bourg. L’expansion prise récemment
grâce à Promoculture-Larcier nous a na-
turellement conduits au développement
d’une base de données juridique dédiée
au droit luxembourgeois (législation,
jurisprudence et doctrine). L’utilisateur
de notre base pourra, en autres, retrou-
ver à coté de sources publiques comme
le Mémorial, les Recueils Promoculture-
Larcier, les Codes mais aussi le Journal
des tribunaux Luxembourg et la nouvelle
Revue générale de fiscalité luxembourgeoise.
Strada lex Luxembourg bénéficie de toute
l’expérience que nous avons acquise avec
nos autres bases de données en termes
d’ergonomie, d’efficacité de recherche et
d’exploitation de documents. Strada lex
Luxembourgseraaisémentconsultableàla
fois sur PC, sur tablette et sur smartphone.
La recherche juridique devient donc plus
facile, plus rapide et plus efficace.
Strada lex Belgique, Strada lex
Luxembourg et alors demain,
un Strada lex Europe ? Avec
l’européanisation du droit n’est-ce pas
naturellement l’étape suivante ?
Le « droit européen » en ligne est en effet
notre prochaine étape et ce, à très courts
termes. Le Groupe Larcier a acquis via,
entre autres, Bruylant une réputation
d’innovation et de qualité au-delà de
nos frontières dans les matières euro-
péennes et internationales. Ce projet qui
se concrétisera dans les prochaines se-
maines est réellement passionnant car il
nous permet de nous adresser à de nom-
breux professionnels du droit au-delà de
nos frontières.
Le Groupe Larcier avec sa filiale DBIT
continue donc à développer des outils
et à innover, quels sont les autres
projets ?
Les possibilités qui nous sont au-
jourd’hui offertes nous permettront
dans un avenir proche de proposer à
nos clients des services innovants. Le
numérique a, depuis longtemps, dépas-
sé le stade de l’archivage et la recherche
de documents. DBIT, la filiale qui assure
nos développements IT, travaille sur
plusieurs projets tels que la synthèse
vocale automatique et la réalité aug-
mentée. J’y reviendrai dans les pro-
chains mois.
Marc-Olivier
Lifrange
CEO Larcier Group
STRADA LEX
LUXEMBOURGwww.stradalex.lu
4. 4|Emile & Ferdinand| N°11 |Juillet-Août 2015
ACTU
Alain Zenner
Avocat au Barreau de
Bruxelles
le droit de l’insolvabilité”
Émile & Ferdinand : Pouvez-vous résumer les différentes
contributions qui composent l’ouvrage Paiement,
insolvabilité et réorganisation – S’organiser pour être payé,
payer ou se réorganiser dont vous assumez la direction
scientifique ?
“
Alain Zenner : Une première contribution de Eric Van
den Broele apporte d’utiles statistiques et commen-
taires sur le comportement de paiement des entreprises, qui
s’améliore, et sur les procédures de réorganisation judiciaire,
où la demande a chuté de moitié depuis l’instauration du droit
de greffe de 1000 € le 1er
janvier dernier. Une seconde porte
sur les garanties de paiement : Michèle Grégoire y commente la
récente modification du code civil en ce qui concerne les sûre-
tés réelles mobilières. L’évolution de la jurisprudence sur la LCE
fait l’objet d’un rapport de Cédric Alter et Arnaud Levy Morelle.
Mais la loi, c’est avant tout ce qu’en font les praticiens ; d’où
trois contributions de Gérard Delvaux, de Jean-Philippe Le-
beau et de Zoe Pletinckx sur les obligations et responsabilités
de ces praticiens – professionnels du chiffre, barreau, magis-
trats – dans la prévention et dans la préparation, la conduite et
l’exécution des procédures de réorganisation judiciaire. Enfin,
La loi relative à la continuité des
entreprises, arrivée à point nommé
pour faire face à la crise, a permis
à plusieurs d’entre elles de se
restructurer. Mais elle a aussi déçu
de nombreux créanciers mis eux-
mêmes en péril par le défaut de
paiement, trop souvent aggravé par
des abus. D’où la réforme de 2013.
Cette réforme porte-t-elle ses fruits ?
Voilà la question que se sont posée
divers spécialistes à l’occasion d’un
colloque organisé le 1er
avril dernier
par l’Ordre des experts comptables
et comptables brevetés de Belgique
et par les Éditions Larcier. Leurs
contributions ont été rassemblées
dans l’ouvrage Paiement, insolvabilité
et réorganisation – S’organiser pour
être payé, payer ou se réorganiser,
publié dans la collection des Dossiers
du Journal des tribunaux (n°97).
“il faut
révolutionner
5. Juillet-Août 2015|N°10|Emile & Ferdinand|5
ACTU
dans ma contribution conclusive, j’ai ramassé les constats des
intervenants et livré mes propres réflexions.
Vous évoquez une amélioration du comportement de
paiement des entreprises et des pouvoirs publics ?
“
Oui, les statistiques sont encourageantes : en laissant
de côté quelques cas particuliers, comme celui du SPF
Justice, elles illustrent une augmentation du nombre de paie-
ments dans les délais convenus et une diminution du volume
des défauts de paiement graves. Le transfert de divers conten-
tieux aux tribunaux de commerce et le regroupement de ceux-ci
permet au surplus d’espérer que le recouvrement des créances
impayées – du moins de celles qui ne sont pas sérieusement
contestées – puisse dans l’avenir intervenir plus rapidement.
Mais la procédure d’injonction de payer devrait être adaptée
pour permettre aux créanciers de bénéficier des mêmes facilités
que celles qui sont octroyées en droit européen dans la consta-
tation judiciaire de la créance.
Président de l’OECCBB-sr et ancien président de l’IEC,
Delvaux déplore la doctrine professée par les Instituts du
chiffre pour ce qui concerne la mission de leurs membres
dans les entreprises en difficulté. Quelle évolution prône-t-il ?
“
Les Instituts n’ont certes pas manqué d’informer leurs
membres des dispositions légales qui les visent en ma-
tière de prévention et de les éclairer sur leurs devoirs. D’aucuns
témoignent néanmoins toujours d’une belle inconscience,
comme le montre un jugement inédit du 25 février 2015 du tri-
bunal de commerce de Bruxelles que je cite dans mon rapport.
Il faut par ailleurs constater – et déplorer – que ces Instituts
se sont efforcés de limiter outre raison les devoirs de leurs
membres lors de la confection de la loi d’ajustement, et qu’ils
ont défendu par la suite des interprétations inappropriées de
ses dispositions légales les concernant.
Gérard Delvaux rappelle la genèse de la loi et le but du législa-
teur en confiant aux professionnels du chiffre la supervision
des comptes à joindre à la requête en réorganisation, à savoir
fournir au tribunal une « objectivation » de ces documents , ce
qui suppose « une mission de contrôle limité ». On ne s’explique
pas comment les Instituts ont pu contester que leurs membres
auraient à contrôler la situation comptable. La jurisprudence a
heureusement mis bon ordre en la matière : les arrêts des cours
d’appel de Mons du 3 novembre 2014 et de Liège du 27 mars
dernier sont très clairs.
Les éléments de langage des Instituts en matière de signale-
ment au Président du tribunal de commerce des difficultés
d’entreprise menaçant leur continuité sont tout aussi confus.
En répétant que, s’il autorise leurs membres à informer le pré-
sident du tribunal de commerce de ce que les dirigeants d’une
entreprise en difficulté ne prennent pas les mesures nécessaires
pour assurer la continuité de l’entreprise pendant une période
minimale de douze mois, l’article 10 LCE ne les y oblige pas,
les Instituts les incitent à s’abstenir plutôt qu’à agir, eu égard
...
PAIEMENT, INSOLVABILITÉ ET RÉORGANISATION
S’organiser pour être payé, payer ou se réorganiser
Sous la direction de Alain Zenner
Avec les contributions de Cédric Alter, Gérard Delvaux,
Michèle Grégoire, Jean-Philippe Lebeau, Arnaud Lévy
Morelle, Zoé Pletinckx, Eric Van den Broele et Alain Zenner
Larcier – Édition 2015 – 316 p.
Mise en perspectives de la loi relative à la continuité
des entreprises, entrée en vigueur le 1er avril 2009 dans
sa version originale et le 1er août 2013 dans sa version
remaniée.
6. 6|Emile & Ferdinand| N°11 |Juillet-Août 2015
à la réalité des affaires, ce qui peut être cependant bien dan-
gereux. Concrètement, la position des Instituts débouche sur
ce résultat patent : les signalements sont exceptionnels, sinon
inexistants. C’est d’ailleurs pour cela que Gérard Delvaux et
plusieurs autres spécialistes prônent que le signalement soit
rendu obligatoire ; dans pareille hypothèse, le professionnel du
chiffe n’aurait au surplus plus à craindre que son client le quitte
pour un confrère plus laxiste.
Malgré les efforts de clarification et de simplification du
législateur de 2013, une incertitude juridique déplorable
continuerait à régner sur de nombreuses questions en
matière de réorganisation judiciaire ?
“
Hélas ! Le panorama de l’évolution de la jurisprudence
est à cet égard édifiant. Un exemple topique en est livré
par deux arrêts récents en sens contraire de la Cour de cassa-
...
ACTU
7. Juillet-Août 2015|N°10|Emile & Ferdinand|7
tion sur l’assimilation des dettes de précompte et d’ONSS à des
« dettes de masse » en cas d’échec de la PRJ et de faillite sub-
séquente. Le 16 mai 2014, une chambre française de la Cour
suprême a consacré la thèse favorable à l’administration fiscale
et à l’ONSS ; mais le 27 mars une chambre flamande de la même
Cour a au contraire condamné cette thèse.
Le fait prêterait à rire s’il ne s’inscrivait pas dans une tendance
« autonomiste » toujours plus poussée de nos magistrats, qui, à
force d’en appeler aux principes généraux malléables à leur gré
plutôt que de s’en tenir à l’application de la loi, s’érigent de plus
en plus en « jurislateurs ». Il se constate que ce comportement
« percole » aussi dans l’application de la loi relative à la conti-
nuité des entreprises, et notamment dans la controverse sur la
validité de la procuration donnée par le créancier au débiteur
ou à son avocat pour le vote du plan de réorganisation.
La prévention des difficultés d’entreprises, écrivez-vous, reste
le talon d’Achille du droit de l’insolvabilité ?
“
C’est la conclusion la plus dramatique que je dois tirer
de nos travaux : la prévention ne marche pas ! Or, selon
l’UCM, 72,4 % des entreprises ont connu des difficultés les cinq
dernières années. Et 50.000 de nos entreprises seraient « en
graves difficultés », c’est-à-dire menacées de discontinuité !
Le constat que je dressais déjà il y a près de cinq ans reste
malheureusement valable : la plupart des entreprises dont les
chambres d’enquête commerciale connaissent les dossiers sont
déjà virtuellement en faillite au moment où elles sont convo-
quées. Il n’est dès lors pas étonnant que les tribunaux de com-
merce ne soient pas le moteur de la réorganisation judiciaire,
comme ils devraient l’être, et qu’il est souvent trop tard quand
les entreprises en difficulté recourent à la procédure.
D’où, clamez-vous, la nécessité d’une « révolution » du droit
de l’insolvabilité » ?
“
Le regroupement des tribunaux de commerce et l’exten-
sion considérable de leurs attributions ainsi que la dimi-
nution des moyens alloués à la justice me paraît appeler une
réforme fondamentale du droit de l’insolvabilité, pour ne pas
parler d’une révolution.
Axée jusqu’ici essentiellement sur la liquidation, cette branche du
droit doit désormais être axée prioritairement sur la prévention
et la résolution des difficultés d’entreprise. La réallocation des
moyens disponibles que devrait permettre pareil bouleversement
suppose évidemment une adaptation législative conséquente.
Les tribunaux de commerce devraient être déchargés du fatras de
formalités qu’entraînent les faillites, les liquidations volontaires
et les réorganisations judiciaires par transfert d’entreprise, qu’il
faudrait remplacer par une seule et unique injonction d’arrêt
d’activité en cas de comportement attentatoire à la concurrence
relevant de la police économique des tribunaux, quelle qu'en soit
la cause, suivi , au cas où l’actif suffit réellement à couvrir l’en-
semble des frais prévisibles et où il existe un réel intérêt collectif,
mais seulement dans ce cas, d’une procédure de défaisance sim-
plifiée par rapport aux régimes actuels, étant entendu que dans
l’alternative chaque intéressé conserverait sa totale liberté d’ac-
tion pour faire valoir ses droits et sûretés. L’initiative de l’injonc-
tion pourrait être prise par le ministère public ou par un juge, en
généralisant mutatis mutandis le système prévu par l’article 41
LCE ou en en simplifiant encore le système de l’article 8 LF. Parmi
les critères d’atteinte à la concurrence figurerait la méconnais-
sance des dispositions relatives au paiement, étant entendu que
les notions cessation de paiement et l’ébranlement de crédit, qui
ouvrant toute grande la porte à des appréciations nourricières de
controverses et phagocyteuses en temps, seraient remplacés par
des critères clairs et précis.
La procédure sommaire d’injonction de payer doit être moder-
nisée pour devenir praticable, sur le modèle du droit européen.
L’exécution provisoire doit devenir la règle, plutôt que l’excep-
tion, qui peut évidemment subsister. Le rôle des professionnels
du chiffre dans la prévention doit être accentué. Les greffes
peuvent être déchargés du traitement des données relatives
aux retards de paiement, qui sont déjà informatisées et qui ne
demandent pas vraiment d’analyse. Les chambres d’enquête
commerciale peuvent être supprimées et l’enquête confiée aux
seuls juges consulaires, avec un rôle limité à un rappel à la loi, à
ses contraintes et à ses facilités, et à l’octroi d’un bref délai pour
engager le cas échéant les procédures appropriées ou trouver
les moyens de relance hors prétoire. Le rapport du juge consu-
laire serait adressé à une chambre du tribunal qui examinerait
si les conditions d’un arrêt d’activité et d’une procédure de dé-
faisance sont ou non réunies.
On me répliquera que la justice ne peut être automatisée, qu’il
y a les principes : je répondrai avec cette considération de De
Page que « Les juristes excellent toujours à manier les principes
avec une virtuosité étonnante sans doute, mais (…) en oubliant les
réalités. C’est pour les réalités que le droit est fait, et non pour la
beauté des principes ». ■
ACTU
“ Les statistiques sont encourageantes :
elles illustrent une augmentation du
nombre de paiements dans les délais
convenus et une diminution du volume des
défauts de paiement graves
8. 8|Emile & Ferdinand| N°11 |Juillet-Août 2015
CARTE BLANCHE
plus que les réjouir ?
Pourquoi l’action de la
Commission Européenne
contre Google
Avec l’exemple de Google, Olivier Fréget nous fait
réfléchir sur le droit de la concurrence. Deviendrait-il
une machine produisant de l’arbitraire ?
devrait inquiéter les européens
Olivier
Fréget
Avocat au Barreau de Paris
Professeur de droit de la
concurrence à l’Institut d’Études
Politiques de Paris
De manière générale, la décision de la
nouvelle Commissaire à la Concurrence
d’adresser à Google une communication
de griefs a été saluée comme le retour en
force du droit de la concurrence euro-
péen.
Pour autant, voir le ou la Commissaire
à la Concurrence, quel qu’il ou elle soit,
cumuler la fonction de procureur avec
celle de juge devrait continuer de sur-
prendre. Un pas en outre est franchi
lorsque la « procureur-juge » annonce
publiquement l’envoi d’un acte d’accu-
sation qu’elle a visé et approuvé, tout en
prétendant que l’entreprise aura devant
elle la possibilité de la convaincre qu’elle
s’est éventuellement trompée. Difficile à
croire. Personne n’accepte aisément de
voir sa position remise en cause surtout
lorsqu’elle a été rendue publique.
Sans même préjuger de ce que la Com-
mission reproche à Google, cette mise
en accusation publique interroge ainsi
nécessairement au regard de nos prin-
cipes les plus fondamentaux. Il n’en va
pas seulement de la présomption d’inno-
cence mais également du droit à un pro-
cès équitable et du respect du principe
d’égalité des armes.
Par ailleurs, cette médiatisation après
5 années de négociations ne pose-t-elle
pas un problème plus fondamental en-
core quant à la qualité du droit qui sorti-
ra de cette procédure ? La durée de cette
instruction démontre la grande difficulté
qu’a rencontrée la Commission à définir
une « théorie du dommage » convain-
cante alors pourtant qu’il s’agit d’un
droit répressif. Si l’infraction était évi-
dente, il lui aurait suffi d’envoyer l’acte
9. Juillet-Août 2015|N°10|Emile & Ferdinand|9
CARTE BLANCHE
d’accusation bien avant. Si elle ne l’est
pas, le doute devrait profiter à l’accusé.
Cette médiatisation participe ainsi d’une
stratégie d’intimidation à l’égard de
l’entreprise américaine. Mais si Google
finalement « transige », la décision qui
sortira de ce compromis sera forcément
imparfaite : elle produira une « norme »
imprécise, essentiellement politique,
donc difficilement transposable et ayant
intégralement échappé au débat judi-
ciaire. À l’inverse, si Google « ne transige
pas », la possibilité d’obtenir un renver-
sement de la décision de la Commission
sur le fond devant les juridictions de
l’Union sera affectée par l’acharnement
de la Commission à défendre l’engage-
ment politique de sa Commissaire.
Est-ce faire en outre injure au tribunal et
à la Cour que de constater que le contrôle
qu’ils exercent habituellement porte peu
sur la plasticité dont peut faire preuve le
droit de la concurrence en matière d’ar-
ticle 102, voire pas du tout, sur l’adéqua-
tion des injonctions ou engagements à la
réalité d’un problème de concurrence ?
En sera-t-il différemment dans une af-
faire dans laquelle la Commission s’est
ainsi mise en scène ?
Dans les deux cas, le droit de la concur-
rence n’en sortira pas gagnant et pas
davantage le fonctionnement du mar-
ché. Celui –ci a besoin de normes claires
préexistant à la condamnation, pas de
suivre une vindicte, fut-elle relayée par
des députés. Cette affaire rappelle ainsi
l’importance qu’il y aurait à ce qu’avant
que toute décision de concurrence – en-
gagement ou sanction - ne soit rendue,
elle soit revue par un corps indépen-
dant du Commissaire à la Concurrence
qui s’interdirait par ailleurs toute com-
munication sur la décision. La qualité
du droit s’en trouverait nécessairement
améliorée et la publicité d’une mise en
accusation pourrait alors apparaître
acceptable. Pas en pleine confusion des
pouvoirs. ■
10. 10|Emile & Ferdinand| N°11 |Juillet-Août 2015
PARCOURS D’ÉTUDIANTS
Les conférences Model United Nations (MUN), très appré-
ciées des étudiants passionnés de relations internationales,
leur permettent de se glisser dans la peau d'un diplomate pour
quelques jours. C'est également une occasion incomparable de
se confronter à d'autres cultures, d'une part, en rencontrant
des étudiants venus des quatre coins du monde, d'autre part,
en représentant les intérêts d'un pays étranger.
Le samedi, consacré aux formalités administratives, et le di-
manche, plus culturel, ont permis aux membres de la déléga-
tion néolouvaniste de se familiariser avec les délégués et les
présidents de leurs comités respectifs avant de se plonger dans
des négociations passionnées. Au sein de chaque comité de la
conférence, le Conseil des Droits de l'Homme, l'Organisation
Internationale pour les Migrations et le comité juridique de
l'Assemblée Générale, pour n'en citer que trois, les étudiants
confrontent leurs positions respectives dans le but de rédiger
une résolution proposant des solutions réalistes à une problé-
matique d'actualité.
Le lundi tant préparé est enfin arrivé. Les diplomates d'une se-
maine passent le contrôle de sécurité, s'avancent dans des cor-
ridors témoins d’événements ayant marqués l'histoire en direc-
tion de la cérémonie d'ouverture. C'est une invitée de marque,
Charlotte Warakaule, responsable des affaires politiques auprès
du directeur général des Nations Unies à Genève, qui prend la
parole, partageant aux étudiants sa vision d'une nouvelle archi-
tecture mondiale. Après ce discours aussi passionnant que pas-
sionné, chacun se dirige vers la salle de travail où il passera la
plupart de son temps jusqu'à la fin de la semaine.
Une semaine au
Amélie Dopchie
Membre de l’association LouvainMUN
En mars dernier, une dizaine
d'étudiants de l'Université catholique
de Louvain partait à la conquête
du Palais des Nations à Genève.
Les membres de l'association
LouvainMUN s’apprêtaient à vivre une
semaine de débats acharnés dans le
cadre de la prestigieuse conférence
Geneva International Model United
Nations (GIMUN).
Palais des Nations…
11. Juillet-Août 2015|N°10|Emile & Ferdinand|11
PARCOURS D’ÉTUDIANTS
Les estomacs se serrent, les cœurs battent fort, il est mainte-
nant temps de se faire entendre. Le jeu se confond avec la réa-
lité et les enjeux deviennent réels...
Au sein du sixième comité de l'assemblée générale, ou comité
juridique, les débats tourneront autour du cadre juridique des
missions de maintien de la paix. Chaque pays présente d'abord
sa position de manière globale, les uns craignent pour le res-
pect de leur souveraineté tandis que les autres insistent sur le
caractère utile et bénéfique des missions de maintien de la paix.
Il faut ensuite aborder les aspects techniques de la probléma-
tique. Les délégués se penchent sur l'évolution des principes
directeurs des missions et sur le consentement de l'État hôte.
La première journée de travail s'achève enfin. LouvainMUN se
réunit pour partager les impressions au sujets des comités, des
présidents et de l'évolution des débats. Les diplomates rede-
viennent étudiants afin de profiter de la soirée "musiques du
monde" organisée pour eux. Les néolouvanistes se mélangent
aux autres "MUNers" pour partager leur conception belge de la
fête.
Mardi matin, l'équipe enfile rapidement costume ou talons
hauts pour rejoindre le Palais des Nations. Il s'agit aujourd'hui
de commencer la rédaction de propositions de résolution. La
tension monte. Les pays de l'Union européenne s'allient au
Japon, aux États-Unis et à la Turquie pour poser par écrit des
solutions au problème. La Russie tente de faire passer sa posi-
tion, l'Iran se lance dans un discours enflammé contre l'hypocri-
sie des États-Unis. On tente les compromis. Les discutions sont
techniques, un mot suffit pour changer le sens d'une clause. Les
alliances s'affrontent, chacun tente de persuader son adver-
saire du bien fondé de ses proposions. Le mandat accordé par
le Conseil de Sécurité peut-il être modifié en cours de mission?
...
Légende?
12. 12|Emile & Ferdinand| N°11 |Juillet-Août 2015
PARCOURS D’ÉTUDIANTS
On cherche des bases juridiques, on les interprète dans un sens
puis dans l'autre... Même lors de la pause-dîner, les délégués ne
peuvent se retenir de discuter des clauses rédigées!
L'après-midi commence plus calmement par un exposé du pro-
fesseur Marco Sassoli, directeur du département de droit in-
ternational de l'Université de Genève. Des pistes de réflexion
sont ouvertes mais bien évidemment, aucune solution miracle
n'existe. Les débats reprennent donc avec ferveur. Il aurait
fallu terminer la rédaction de la proposition et des amende-
ments mais l'heure tourne, et déjà, il est temps d'éteindre les
micros. Une délicieuse fondue suisse récompense les efforts
de la journée.
Mercredi matin, au sein du comité juridique, chacun s'empresse
de terminer la rédaction de ses clauses, qui seront votées le
vendredi. Il est temps de se tourner vers le second sujet de
débats : le principe de juridiction universelle. Les alliances ont
changé, mais le but reste identique: il faut rédiger une résolu-
tion. Les discours s'enchainent. Traités et coutume sont men-
tionnés pour soutenir ou critiquer le principe. Il faut délimiter
les crimes, appliquer la compétence universelle, chercher des
terrains d'entente avec ses adversaires pour faire avancer la dis-
cussion.
Ce soir-là, la fin des débats ne rimait pas avec repos pour une
partie de l'association LouvainMUN. En effet, le représentant
permanent de la Belgique auprès des Nations Unies a accueilli
LouvainMUN et une autre association belge, VVN Youth (Vere-
niging voor de Verenigde Naties), à l'ambassade de Belgique.
Monsieur Bertrand de Crombrugghe a partagé sa grande expé-
rience aux étudiants belges, prenant le temps de répondre aux
...Légende?
13. Juillet-Août 2015|N°10|Emile & Ferdinand|13
PARCOURS D’ÉTUDIANTS
questions de chacun. La discussion, agrémentée de petits fours,
a porté sur des thématiques aussi variées que les techniques de
négociation, la situation en Syrie ou encore la conception des
droits de l'homme des républiques bolivariennes.
Le lendemain, le sixième comité de l'assemblée générale a
accueilli un autre invité de marque, Robert Roth, professeur
à l'Université de Genève. Celui-ci a expliqué aux délégués les
bases idéologiques et historiques du principe de compétence
universelle puis a soulevé les problèmes pratiques que posait ce
mode de lutte contre l'impunité. Les négociations ont ensuite
repris leur cours entre les représentants des pays.
En soirée, les membres de LouvainMUN ont retrouvé leurs
condisciples flamands de VVN pour un barbecue, avant de se
rendre à la soirée karaoké de GIMUN.
Le dernier jour de la conférence, les délégués se sont adonnés
au vote des différentes résolutions et amendements. Ce tra-
vail laborieux couronnait cinq jours de travail et chacun avait
à cœur de se battre jusqu'à la dernière minute pour défendre
sa position. La conférence touche à sa fin, le rideau se ferme,
les masques sont déposés. Après la cérémonie de clôture et les
incontournables photos de groupe, les étudiants rentrent enfi-
ler leur plus beau costume ou leur robe la plus élégante pour
partager ensemble une dernière danse.
C'est, épuisés, mais récompensés par quatre mentions spé-
ciales, que les futurs diplomates belges ont rejoint leurs audi-
toires de Louvain la Neuve, avec la tête remplie de souvenirs
inoubliables.
Le Groupe Larcier a soutenu le voyage.
“ Les conférences Model United
Nations (MUN), très appréciées
des étudiants passionnés de
relations internationales, leur
permettent de se glisser dans
la peau d'un diplomate pour
quelques jours.
”
Légende?
14. 14|Emile & Ferdinand| N°11 |Juillet-Août 2015
WEB TV
Ensemble, Agissons !
Vous n’étiez pas présent au Congrès ? Ou vous souhaitez
revoir les conclusions de la journée d’étude ?
Pas de souci ! Les différentes conclusions sont disponibles
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Prenez une tasse de café et installez-vous confortable-
ment dans votre fauteuil !
Ensemble, continuons à agir !
Le Groupe Larcier a soutenu en tant que
sponsor principal le Congrès #Agissons
organisé par Avocats.be le 29 mai dernier
à l’UCL. Durant une journée entière, plus de
400 avocats ont réfléchi à l’avenir de leur
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15. Juillet-Août 2015|N°10|Emile & Ferdinand|15
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Depuis le 1er
avril 2015, la salle d’expo-
sition de Bruxelles, sise numéro 39 rue
des Minimes, a fermé définitivement ses
portes et le siège social est dorénavant
situé à l’adresse suivante :
MOT DE L’ÉDITEUR
➔ FORMATIONS COMMISSION - UNIVERSITÉ PALAIS (CUP)
➔ Octobre 2015 : Actualités de droit pénal. Hommage à Ann Jacobs
Liège 16 octobre (date unique)
➔ Novembre 2015 : La vente immobilière
Liège 13 novembre – Louvain-la-Neuve 20 novembre –
Charleroi 27 novembre
➔ Décembre 2015 : Droit administratif et contentieux
Liège 4 décembre – Bruxelles 11 décembre – Charleroi 18 décembre
Colloque international – Cent ans de droit luxembourgeois des sociétés
commerciales
Jeudi 15 et vendredi 16 octobre 2015
Grand-Duché de Luxembourg - Esch-sur-Alzette
Formation – Masterclass ISOC – Session d’automne
Vendredi 30 octobre 2015
Louvain-la-Neuve
Formation – L’avocat et les médias
Jeudi 12 novembre 2015
Bruxelles
Colloque de la revue Res et Jura Immobilia
La copropriété – 20 ans d’application de la loi du 30 juin 1994
Mercredi 2 décembre 2015
Bruxelles - Bibliothèque royale de Belgique
INFOS ET INSCRIPTIONS :
Larcier Formation : 0800 39 067
formation@larciergroup.com
www.larcier.com (onglet Formations-Colloques)
SAVE THE DATES
Espace Jacqmotte
Rue Haute 139 -
Loft 6
1000 Bruxelles
GAZLAR11
ISBN : 978-1-1009-5916-0
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