4. «Un conte malicieux, joyeux, qui réveille l’âme d’enfant
qui est en chacun de nous.» Pia Moustaki
PRÉFACE
Il y avait un jardin qu’on appelait la terre.
Il brillait au soleil comme un fruit défendu.
Non, ce n’était pas le paradis ni l’enfer
Ni rien de déjà vu ou déjà entendu.
Il y avait un jardin, une maison, des arbres,
Avec un lit de mousse pour y faire l’amour
Et un petit ruisseau roulant sans une vague
Venait le rafraîchir et poursuivait son cours.
Il y avait un jardin grand comme une vallée.
On pouvait s’y nourrir à toutes les saisons,
Sur la terre brûlante ou sur l’herbe gelée
Et découvrir des fleurs qui n’avaient pas de nom.
Il y avait un jardin qu’on appelait la terre.
Il était assez grand pour des milliers d’enfants.
Il était habité jadis par nos grands-pères,
Qui le tenaient eux-mêmes de leurs grands-parents.
Où est-il ce jardin où nous aurions pu naître,
Où nous aurions pu vivre insouciants et nus?
Où est cette maison toutes portes ouvertes,
Que je cherche encore et que je ne trouve plus?
IL Y AVAIT UN JARDIN
Georges Moustaki
C’est une chanson pour les enfants qui naissent et qui vivent
entre l’acier et le bitume, entre le béton et l’asphalte,
Et qui ne sauront peut-être jamais
Que la terre était un jardin.
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Un jour, la planète en eut assez de se faire détruire
par les hommes sans rien dire.
Cela durait depuis des milliers d’années,
mais là c’était maintenant TROP.
7. 5
Les deux éléments
rois, l’Air et l’Eau,
décidèrent alors
de se rebeller et
convoquèrent les
représentants de
toutes les espèces
animales de la
terre, tout au
moins les espèces
survivantes.
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Des êtres les plus microscopiques aux plus gigantesques, ceux
des villes et des jungles, ceux qui vivaient en surface et ceux
des profondeurs extrêmes, ceux qui nageaient et ceux qui
volaient, les inoffensifs et les dangereux, tout le monde avait
répondu présent.
L’eau bouillonnait de colère! L’air soufflait de rage!
Je suis de plus en plus trouble, disait l’eau, mon peuple et moi
suffoquons de manque d’oxygène. Tout ce pétrole nous donne
la nausée.
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Je sens de plus en plus
mauvais disait l’air,
et pourtant je fais
tout ce que je peux
pour éparpiller les fumées.
Qu’il est loin le bon temps
où les seules odeurs
étaient celles des fleurs et des
fruits !
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Je n’en peux plus, entre les
fumées des usines, les pots
d’échappement, les pneus
brûlés dans les manifestations
et les décharges fumantes.
Trop c’est trop !
Nous sommes tous
en voie de disparition.
Il faut réagir!
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Au début, la famille Salitout qui avait pris possession de
la terre, se contentait de jeter quelques saletés par-ci
par-là, rien de bien méchant.
Tout ce qui était jeté était biodégradable.
Les déchets enrichissaient les sols, qui devenaient plus
fertiles, et fournissaient alors plus de nourriture pour les
humains.
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Ce qui était jeté à la mer, faisait même le bonheur de quelques
poissons et crustacés pas trop regardants sur la qualité et
la fraîcheur. Cela dura quelques siècles, jusqu’à ce qu’on
découvre ou invente le plastique, les détergents,
le pétrole et qu’on jette allègrement
tout à la mer, notre garde-manger !
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Quand la famille Salitout prit de l’expansion, au point de
commencer à peupler tous les continents, cela commença
à exaspérer le monde animal.
Il fallait à chaque fois s’éloigner de plus en plus pour
trouver un coin propre. La terre, l’air et l’eau qui
s’efforçaient de tout diluer, éparpiller et recouvrir n’y
arrivaient plus.
16. 14
Ce fut alors “la société de consommation“, cela débordait bientôt
de partout, il était tellement plus facile de racheter que de
recycler !
Au début, il était si facile d’enfouir
quelques déchets dans les profondeurs
terrestres ou maritimes.
C’était sans compter sur l’ingéniosité
des terriens à inventer chaque jour des
produits qui devenaient rapidement des
déchets que l’on entassait...
18. 16
Ce fut dramatique, tout le monde s’y mettait
pour se débarrasser de ce qui encombrait en
enterrant, brûlant, versant et tuant !
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Les millions de petits cours d’eaux, qui autrefois amenaient
leur eau pure riche en oxygène, ne charriaient plus désormais
qu’immondices jusqu’aux embouchures.
Le moindre trou de jardin ou de chantier révélait des tas
d’immondices, déchets toxiques et autres.
20. 18
La situation devint catastrophique,
même les pêcheurs qui autrefois
n’attiraient que les poissons
suicidaires et qui prélevaient
juste de quoi nourrir leur famille,
avaient petit à petit nourri
d’autres familles et essayaient
maintenant de nourrir la planète
entière, sans s’apercevoir que le
filon s’appauvrissait.
Ils participaient maintenant allègrement à la destruction de la
mer. Avec leurs bateaux, ils ne se contentaient plus de flotter
agréablement poussés par le vent. Désormais, propulsés par des
engins bruyants et sales, ils étaient capables d’aller de plus en
plus loin pour débusquer la pêche miraculeuse.
21. 19
On assistait à des paradoxes dramatiques,
manifestations de cultivateurs brûlant des pneus,
polluant encore plus la terre qui les faisait vivre et
qu’ils s’acharnaient à assécher en voulant la rendre
plus fertile, marées noires gigantesques dues aux
sabotages de concurrents pêcheurs.
Il n’existait plus de refuge assez lointain ou assez
profond qui ne soit peu à peu atteint, pas un endroit
absent d’égouts, de pétroliers, de décharges.
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Il faut réagir convinrent
la totalité des
participants.
Oui mais comment ?
Nous avons presque tous
disparu, c’est trop tard
maintenant, geignirent
quelques uniques
spécimens que l’on
ne trouvait plus guère
que dans de trop rares
endroits inaccessibles.
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Ce n’est pas vrai, répondirent en chœur
les rats, les mouches, les moustiques et
autres personnages qui se réjouissaient
de l’état de la planète, nous n’avons
jamais eu autant de famille que
maintenant, et tant à manger. Mais il
est vrai que la qualité laisse un peu à
désirer...
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Taisez-vous !, arbitra l’eau. Dans l’intérêt de tous, il faut
convenir des meilleurs moyens de se défendre ! Rejetons-leur
tout ce qui leur appartient ! Rendons aux pollueurs ce qui est
aux pollueurs et empêchons-les de recommencer ! C’est bien
simple, ceux d’entre vous qui sont en contact avec les humains,
leur rejetteront aussitôt ce qu’ils ont jeté! Les autres nettoieront
ce qui a été entassé depuis des siècles !
25. 23
L’eau distribua son rôle à tous
les participants et chacun
promit de consacrer toute son
énergie à nettoyer le monde.
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La question se posa de ce que l’on ferait des milliers d’épaves
remplies d’or qui jonchaient le fonds des mers. Ce serait
dommage d’en faire profiter les pollueurs.
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Tout serait restitué quand il n’y aura plus de pollution,
quand la planète sera propre. En attendant, chacun de vous
récompensera les bonnes volontés grâce à ses découvertes.
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Aussitôt tout le monde se mit au travail. Ce fut bientôt un
gigantesque chantier ouvert sur toute la surface du globe,
tout le monde s’y mettait selon ses capacités.
29. 27
Les pieuvres gigantesques
évacuaient du fond de
la mer les carcasses de
véhicules, l’une assomma
un pollueur qui venait de
jeter une batterie à la
mer en lui rejetant sur le
crâne. Nul doute qu’il eût
la peur de sa vie et qu’il ne
recommencerait plus de sitôt.
30. 28
Les milliards de crustacés qui habitent sur les
plages commencèrent à déterrer tout ce que
l’on y mettait, le moindre mégot était lancé sur
les fumeurs qui arpentaient la plage.
33. 31
Le vent cessa de
souffler au-dessus
de toutes les usines
pollueuses de la
terre, chacune d’elle
se trouva isolée
rapidement dans un
brouillard nauséabond
et nocif et ce fut la
débandade.
34. 32
Des équipes se constituèrent
pour des travaux spéciaux,
La tâche de l’une d’entre elles fut de
mettre en panne tout ce qui polluait et
consommait de l’énergie non naturelle.
35. 33
Les choses les plus invraisemblables furent introduites
dans les pots d’échappement des voitures, selon les
saboteurs et leur origine.
Les singes y mirent des bananes, les lapins des
carottes, les souris mangèrent les fils, rien ne put
rouler.
36. 34
La terre devint ainsi le royaume de la bicyclette,
de la charrette, de la péniche et des véhicules
solaires, pendant qu’étaient recyclés rapidement
les véhicules de toutes sortes.
37. 35
Les hérissons et autres
animaux baladeurs se
frottaient les pattes, le
taux de mortalité allait
en prendre une claque,
on a tout le temps de
voir arriver un vélo ou
un cheval.
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Il fallut tout de suite mettre en place des systèmes de
réutilisation sans fin de l’eau ; on put voir bientôt évoluer des
poissons gracieux dans tous les cours d’eau et se baigner à
nouveau dans les rivières, bien malmenées jusqu’à présent
malgré les promesses des politiciens.
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On réapprit à tout recycler.
À ne plus rien produire
d’excessif…
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Il le fallait bien puisque aucun article nouveau ne sortait plus des
usines pollueuses, celles-ci se convertissaient en gigantesques
cavernes d’Ali Baba où tout était exploité.
Le moindre déchet déterré fut alors recyclé, réutilisé et revalorisé.
41. 39
Du plus petit chemin de campagne à la plus grande autoroute
urbaine, ce n’était qu’immondices provenant des bas-côtés,
les plus intelligents des humains firent des fortunes éclair
en ramassant tout et en recyclant.
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Il y eut aussi de stupéfiantes surprises pour toutes les
bonnes volontés du monde.
À chaque fois que des travaux amenaient une amélioration
de la qualité de l’air, de l’eau et de la terre, on avait la
surprise de trouver, dès le premier coup de pioche, les
trésors les plus inouïs que l’on avait cru perdus à jamais.
Tous les puissants de ce monde s’aperçurent alors qu’une
planète propre et agréable à vivre coûtait bien moins cher
qu’avant.
En effet, le moindre matériau extrait de la terre, le moindre
litre d’eau, le plus petit morceau de bois était réutilisable
sans fin.
44. 42
Le chômage disparut par enchantement, il y avait besoin
de tant de bonnes volontés.
La nature se révéla pleine de mansuétude et pardonna.
Elle fut bientôt capable de rendre au centuple le
moindre bienfait humain.
45. 43
Elle fut désormais exploitée intelligemment, ses ressources bien
gérées se révélèrent alors inépuisables.
Après les plus grandes frayeurs que la race humaine avait dû
affronter, les terriens comprirent qu’ils avaient été à deux doigts de
détruire en quelques années ce que la nature avait mis des milliards
d’années à achever.
46. 44
Quant à ceux qui s’étaient accomodés
d’une terre polluée et abîmée, ils
trouveraient bien une autre planète à
occuper !
47.
48. Imprimé sur du papier
avec des encres à base végétale.
Editions Bulle Verte - c/o EcoGam
410 rue du Roucagnier 34400 Lunel-Viel
Tous droits de reproduction
et d’adaptation réservés pour tous pays.
ISBN 978-2-9540880-0-6
Prix : 9,90
Dépôt légal : décembre 2011
Imprimé en France par
Conte moderne écologique
Après m’avoir lu, ne me jetez pas, offrez-moi !
Texte de Philippe BARTHELEMY
Illustrations de Jacques-Henri TOURNADRE
Préface de Pia MOUSTAKI
Maquette : Nathalie FRANCISCO
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