Pourquoi les indigènes musulmans devaient-ils apprendre le français? Eclaircissements sur la motivation de l'enseignement/apprentissage du français dans une société coloniale.
GIÁO ÁN DẠY THÊM (KẾ HOẠCH BÀI DẠY BUỔI 2) - TIẾNG ANH 6, 7 GLOBAL SUCCESS (2...
Nishiyama Univ Kyoto
1. Colloque international de la Société Coréenne d’Enseignement de Langue et Littérature
Française, Séoul, le 10 ocotobre 2009
Pourquoi les indigènes musulmans
devaient-ils apprendre le français ?
Eclaircissements sur la motivation de
l’enseignement / apprentissage du français
dans une société coloniale
NISHIYAMA Jean Noriyuki (université de Kyoto, Japon)
jnn@lapin.ic.h.kyoto-u.ac.jp
http://www.momiji.h.kyoto-u.ac.jp/~nishiyama/
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2. Pourquoi apprendre le français ?
Motivations
Point de départ relativement confus
Construites par la société maternelle et/ou
l’apprenant
Finalités (objectifs)
Déterminées par les apprenants
Déterminées par les institutions
3. Typologie de la motivation
Motivation communicative
parler avec des natifs
Motivation professionnelle ou fonctionnelle
utiliser la langue pour des raisons professionnelles
Motivation formatrice
former l’esprit
le latin dans l’Occident
le chinois classique dans l’Orient
4. Typologie de la motivation
Motivation culturelle ou éducative
« amener les élèves à prendre conscience de la manière
dont ils ont été socialisés dans leur langue / culture en
découvrant que d’autres l’ont été différemment, ce qui leur
permet d’ouvrir leur identité plurielle, ce qui engage
l’intelligence, le réflexif, une certaine expérience, ponctuelle,
imaginaire. » (Besse, 1993, p. 46)
Motivation hédoniste
plaisir d’apprendre la langue
Motivation institutionnelle et politique éducative
5. Motivation institutionnelle et politique
éducative
Apprentissage du français inscrit
dans le programme scolaire
dans la politique linguistique coloniale
Pour quelle finalité apprend-t-on le français dans les sociétés
coloniales ?
Pour des raisons communicatives ou fonctionnelles ?
Qui coordonne la finalité de l’apprentissage ?
L’institution (les colonisateurs) ?
Les apprenants (les indigènes) ?
6. la politique coloniale d’assimilation :
représentation ordinaire
« La colonisation française donnait une grande
importance à la diffusion de la langue. Ils avaient le
projet de former les colonisés à leur image. L’école en
français était donc l’outil essentiel de la politique
coloniale d’assimilation : les programmes devaient être
les mêmes dans la métropole et dans les colonies ; de
l’Algérie au Vietnam, on faisait les mêmes leçons
d’histoire et l’on évoquait “ nos ancêtres les Gaulois
“ ». (Joubert, 1997, pp. 19-20)
7. Politique coloniale d’assimilation
selon Jules Ferry
« Assimiler l’Algérie à la métropole, leur donner à
toutes deux les mêmes institutions, le même
régime législatif et politique, leur assurer les
mêmes garanties, les mêmes droits, la même loi,
c’est une conception simple et bien faite pour
séduire l’esprit français » (Ferry, 1898, p. 291)
8. Repères pour la politique coloniale
d’assimilation
1870, décret Crémieux
la naturalisation collective des israélites algériens
1881, décret de rattachement des services algériens aux
ministères parisiens (~1896)
assimilation administrative
1883, décret sur la gratuité et l’obligation de
l’enseignement ainsi que de la neutralité religieuse de
l’école en Algérie (les lois Ferry)
destiné aux enfants des colons et des étrangers
L’enseignement des indigènes dépend des compétences du gouverneur général
9. Repères pour la politique coloniale
d’assimilation
1889, Congrès colonial international de Paris
1889, loi de naturalisation automatique des étrangers nés sur le sol
français
assimilation des étrangers
1892, Rapport sur le Gouvernement de l’Algérie (Ferry )
1896, Abrogation du rattachement des services algériens aux
ministères parisiens (fin de l’assimilation administrative)
10. Congrès colonial international de Paris
(1889)
Du 31 juillet au 2 août 1889 (Exposition universelle)
Au Palais du Trocadéro et au Collège de France
Séance « De l’influence de l’éducation et des institutions
européennes sur les populations indigènes des colonies »
par Gustave Le Bon
11. Gustave Le Bon (1841-1931) médecin, sociologue,
psychologue
Célèbre pour la « psychologie des foules »
Lois psychologiques de l’évolution des peuples (1894)
Prépondérance de la tradition des peuples
Importance de la volonté et du sentiment plutôt
que de la raison
12. Théorie de Le Bon
« Ni les changements de milieu ni les conquêtes ne suffisent à
modifier l'âme d'un peuple. Sa transformation n'est possible
qu'au moyen de croisements répétés. Le sol, les institutions, la
religion même ne changent pas l'âme d'une race. Les
croisements n'ont d'ailleurs d'influence que s'ils s'opèrent entre
peuples de mentalité voisine. Entre peuples de mentalité trop
différente, ils sont désastreux. » (Le Bon, 1894, pp. 7-8.)
13. La politique d’assimilation selon Le Bon
Assimilation administrative
traiter exactement comme un département français
faire bénéficier de la Déclaration des droits de
l'homme et de nos grands principes (suffrage universel,
des conseils, des tribunaux, des assemblées etc..)
14. « Quelle est l’influence que notre
civilisation peut produire sur les
populations indigènes des colonies ? »
Les Arabes (l’Algérie, la Tunise)
Une civilisation inférieure
Les Indo-Chinois (le Vietnam)
Une civilisation ancienne
Les nègres de la Martinique
Pas de civilisation
15. Politique d’assimilation chez
Le Bon
Par les institutions
Le service militaire moins efficace
Le transfert difficile et complexe de l’administration parisienne vers les
colonies
Par la religion
Impossible de convertir les musulmans au christianisme
Par l’enseignement du français
Risque d'engendrer l'hostilité des musulmans envers les
Européens, d’après l' expérience des Britanniques en Inde
Les Arabes réclament l’autonomie de l’Algérie.
16. Pourquoi ne pas enseigner le français aux
indigènes ?
Trop de différences mentales entre l’Occident et l’Orient
Impossible d’amener les barbares à la civilisation
La civilisation européenne trop compliquée pour les
indigènes
Impossible d’effacer l’inégalité héréditaire des races par
l’éducation
17. Propositions de Le Bon
Laisser aux indigènes leurs coutumes, leurs institutions, leurs lois, et
conserver sur eux une haute tutelle.
(supprimer la politique d’assimilation.)
Inutile d’organiser l’instruction européenne pour les indigènes
(L’éducation européenne ne peut pas les amener à la
civilisation supérieure.)
Organiser la formation professionnelle et pratique
Renoncer au rôle d’apôtre de la civilisation
Études approfondies de leurs mœurs par les coloniaux
18. Objections à Le Bon
Ne pas enseigner les langues et structurer la société entre
les dominants et les dominés
Politique de l’Ancien Regime (Isaac, sénateur de la
Guadeloupe, indigène)
La communauté de la langue et des intérêts entre les
indigènes et les colonisateurs
meilleur moyen d’en faire des amis (Vallon, ancien gouverneur du
Sénégal)
19. Objections à Le Bon
Comme les Romains ont apporté la civilisation aux Gaulois, les
Français l’apportent aux indigènes. F. Puaux (membre du Conseil
supérieur des Colonies)
Mission civilisatrice de la France (Gauthier, Secrétaire général de la Société de
Géographie commerciale de Paris)
tirer les indigènes de l’ignorance et de la barbarie
nous rendre des services précieux
Les indigènes comme les enfants ; une charge pour devenir une force.
La métropole - les parents
Les colonies - les enfants
20. Léopold de Saussure (1866-1925)
Frère de Ferdinand de Saussure (1857-1913)
sinologue, astronome, officier de marine
Disciple de Le Bon
Auteur de Psychologie de la colonisation
française dans ses rapports avec les sociétés
indigènes (1899)
Orateur contre la politique d’assimilation au
Congrès de sociologie colonial en 1900
21. La politique d’assimilation chez
Saussure
Unité constitutionnelle de la nature humaine
Égalité naturelle des races
Faire accepter la langue, les institutions, les croyances, les
mœurs et l’esprit français aux indigènes
Idée qui remonte à la révolution française et à la
philosophie du XVIIIe siècle
Propager l’idéal aux indigènes
Faire avancer l’évolution des indigènes
22. La hiérarchie des langues
La supériorité a priori de la civilisation européenne
Les langues flexionnelles, langues les plus avancées, parlées
par les races supérieures.
Les langues flexionnelles, supérieures aux langues
agglutinantes parlées par les races inférieures
23. Mission de la France
Destin immanent et mission providentielle à remplir.
Conversion de l’humanité à la religion égalitaire
Par la langue française et par toutes les manifestations de sa
civilisation
Imposer la langue ou les institutions comme les
missionnaires cherchent à imposer la foi.
24. Saussure contre la politique
d’assimilation
Implantation difficile de la langue de civilisation chez les
indigènes
Impossible de transformer les indigènes par la langue
L’éducation européenne crée l'hostilité des musulmans,
d’après l’expérience des Britanniques en Inde.
25. Assimilation individuelle ou
collective ?
La possibilité de l’assimilation individuelle par l’éducation
dans une situation où l’individu réagit avec plus de
passivité que d’initiative.
Impossible d’assimiler collectivement les indigènes.
L’exemple des Antilles
La deuxième génération ne sait que parler « la langue nègre
».
26. Inutile d’apprendre le français aux
indigènes ?
« il importe de voir les choses telles qu’elles sont et de les
résoudre pratiquement dans leur ordre naturel. » (p. 303)
L’évolution de la société indigène n’est pas identique à
celle de la France.
Le besoin de l’école sera développé en fonction du
développement économique.
Le développement économique précède le développement
moral.
27. Changement de la politique
coloniale
La période de la politique d’assimilation administrative en
Algérie, de 1881 à 1896
Fin de la politique d’assimilation vers 1900 (Congrès de
sociologie coloniale)
Formation de la politique d’assimilation
28. Réflexion pour nos jours
Discours de Le Bon et de Saussure
Différence entre l’Occident et l’Orient
Nos apprenants sont-ils les indigènes de la République ?
29. Références
Besse, Henri (1993), « Catharsis interculturelle et enseignement du français en
Amérique latine », Intercultures , n. 23, pp. 37- 52.
Betts, Raymond F. (1961), Assimilation and Association in French Colonial Theory 1890-
1914, Columbia University Press, 224 p.
Congrès colonial international de Paris (1890), Congrès colonial international de Paris
1889, Paris : Augustin Challamel, p. 382.
Deming Lewis Martin (1962), « One hundred million Frenchmen; the "assimilation"
theory in French Colonial policy », Comparative Studies in Society and History, vol. IV. n.
2, pp. 129-153.
Ferry, Jules (1898), « Rapport sur le Gouvernement de l'Algérie », Jules Ferry, Discours
et opinions, t. 7. Discours sur la politique intérieure, Paris : Arman Colin.
30. Références
Joubert, Jean-Louis (1997), La francophonie, Paris : CLE International, 63 p.
Le Bon, Gustave (1887), « L'Algérie et les idée régnantes en France en matière de
colonisation », Revue scientifique (revue bleue), n.15. 8 octobre, pp. 449-
457.
Le Bon, Gustave [1894] (192718éd), Lois psychologiques de l'évolution des peuples, Paris : éd.
Félix Alcan, 200 p.
Leroy-Beaulieu, Pierre (1899), « Les principes du régime des indigènes dans les colonies
», L’économiste français, 2 déc. Pp. 785-788.
Saussure, Léopold de (1899), Psychologie de la colonisation française dans ses rapports avec
les sociétés indigènes, Paris : Félix Alcan, 311 p.
Vibert, Paul, « Dixième leçon, 27 février 1901, Onzième leçon 4 mars 1901 », La
colonisation pratique et comparée, t. 1, Paris : Edouard Cornély & cie Edteurs, 422 p., pp.
215-255.