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CAHIER LE RENOUVEAU DES MUSÉES
128 ESPACES 318 • MAI-JUIN 2014
Les outils et techniques de gestion de la relation client
(GRC) peuvent être utilisés par les musées et lieux
culturels afin d’élargir et de fidéliser leurs publics, mais
aussi d’améliorer la qualité de l’expérience de visite, de
personnaliser la relation avec les visiteurs… La création
et l’exploitation de bases de données permettent une
plus grande réactivité et une réduction des coûts de ges-
tion. Pour être efficace, la GRC doit toutefois être pré-
cédée d’une réflexion stratégique sur l’usage qui peut
en être fait, au service de sa mission culturelle.
JEAN-MICHEL TOBELEM
Directeur d’Option Culture
[option.culture@wanadoo.fr]
politiques de conquête et de fidélisation de
leurs publics. Au-delà des bornes interactives,
des expositions virtuelles, de la numérisation
des collections, de la géolocalisation ou des
aides numériques à la visite (sur audioguides,
tablettes ou smartphones), l’enjeu est celui de
la pleine utilisation des données concernant
L
es outils de “gestion de la relation
client” (GRC) ou customer rela-
tionship management (CRM) sont
disponibles depuis plusieurs années;
mais l’évolution rapide des tech-
niques permet à présent aux sites culturels de
concevoir et de mettre en œuvre de véritables
LA GESTION DE LA RELATION CLIENT :
UN OUTIL PERTINENT POUR
LES SITES CULTURELS
MAI-JUIN 2014 • ESPACES 318 129
JEAN-MICHEL TOBELEM
les publics pour mieux communiquer, amé-
liorer la promotion de l’offre, renforcer leur
attachement à l’institution, mieux répondre à
leurs besoins (optique 1.0) et – dans le meilleur
des cas – favoriser leur participation à la vie
de l’établissement (optique 2.0). C’est là une
nouvelle illustration du rôle que peut jouer le
marketing dans les sites culturels, dans le res-
pect de leur mission scientifique, sociale et
éducative, d’une part, et dans la limite du
caractère non lucratif de leurs activités, d’autre
part.
Nous examinerons dans un premier temps
les traits de la GRC appliquée aux sites cul-
turels ; nous soulignerons ensuite l’importance
du recueil et de l’analyse des données ; puis
nous examinerons d’autres approches pos-
sibles de l’introduction des nouvelles tech-
niques. Enfin, nous nous interrogerons sur les
conséquences de l’introduction de la GRC en
termes d’organisation et de fonctionnement
des sites culturels.
ÉLARGISSEMENT DES PUBLICS. D’une manière
générale, on le sait, le marketing client (par
opposition au marketing produit) se développe
de façon décisive dans l’économie contempo-
raine. Aux approches tournées vers la stan-
dardisation des produits proposés sur des mar-
chés mondiaux s’opposent désormais des
orientations visant à prendre en compte de
façon fine les besoins spécifiques exprimés par
les consommateurs : production à la demande,
réponse à des attentes particulières, “custo-
misation”, produits sur mesure… ; les nou-
velles techniques permettent d’envisager une
nouvelle façon de produire des biens et des
services de façon réactive et personnalisée.
Or les sites culturels connaissent dans ce
domaine une évolution qui leur est naturelle :
celle de s’adresser à des publics (ou à des visi-
teurs) à qui ils souhaitent transmettre des
savoirs et de la connaissance tout en leur pro-
curant du plaisir. Les responsables des musées,
des maisons d’artistes, des centres d’art, des
monuments ou des centres scientifiques ne
souhaitent-ils pas s’efforcer – autant qu’il est
possible – de répondre aux souhaits hétéro-
gènes de leurs différents publics : résidents de
proximité, scolaires, touristes, visiteurs en
groupe, publics étrangers ? Et quel conserva-
teur ne rêverait pas de répondre de façon indi-
viduelle aux demandes des multiples personnes
qui fréquentent son institution !
La GRC peut ainsi être mise au service de
la réalisation des objectifs d’ouverture et d’élar-
gissement des publics des sites culturels et non
pas seulement de leurs impératifs financiers
ou commerciaux. Cela suppose une vision
claire des attentes de l’organisation, de ses
objectifs et des moyens qui pourront être mobi-
lisés à cet effet. En effet, selon Françoise
Roussel (musée national Picasso), “le but du
CRM est de construire un référentiel unique
de contacts, quelle que soit la façon d’entrer
en relation avec les publics du musée. Mais
l’outil ne remplace pas la réflexion”.
FIDÉLISATION. Autre enjeu aujourd’hui pour
les entreprises faisant face à des consomma-
teurs de plus en plus volatils – et qui répond
tout à fait aux missions des sites culturels –,
celui de la fidélisation des clients (dans le
monde marchand) ou des publics (dans le
monde culturel). À cet égard, si les collections
ou les bâtiments du site culturel constituent
son principal actif, la gestion de la relation
avec les visiteurs peut aussi apparaître comme
un véritable capital, qui reste dans bien des
cas à valoriser. Toutefois, les sites culturels
semblent pour l’instant plus timides que les
entreprises pour tirer pleinement parti des pos-
sibilités offertes par les nouvelles techniques,
qu’il s’agisse de leurs offres culturelles, de leur
mission éducative, de leur politique de pro-
motion et de communication, ou encore de
l’augmentation de leurs ressources propres ;
et ce, bien sûr, dans le respect de leurs obliga-
tions déontologiques et de leur caractère non
commercial.
Que signifie le fait de mettre le visiteur au
cœur de l’organisation du site culturel ?
Comment mieux le connaître, accroître sa
satisfaction, lui offrir des ressources nouvelles,
l’inciter à venir visiter de nouveau l’établisse-
ment ? Et dans ce cas, comment repenser le
CAHIER LE RENOUVEAU DES MUSÉES
130 ESPACES 318 • MAI-JUIN 2014
associations d’amis, des politiques d’adhésion
(membership) et de collecte de fonds (fun-
draising), ou encore des différents usages de
l’internet. Ici aussi, l’information devient
aujourd’hui – comme dans la plupart des orga-
nisations modernes – un facteur stratégique
de développement.
Si les sites culturels désirent sincèrement ren-
forcer les liens avec leurs publics, il devient
donc essentiel pour eux de mieux connaître
ces visiteurs (ou spectateurs, auditeurs, lec-
teurs, etc.), leurs goûts, leurs habitudes, leurs
souhaits, leurs motivations, leurs pratiques,
leurs besoins, sachant que ceux-ci évoluent
rapidement, en fonction des changements de
l’environnement, des styles de vie et des habi-
tudes de consommation. Dans un contexte de
concurrence renforcée (y compris dans le sec-
teur de la culture, des loisirs et du tourisme),
les nouvelles techniques peuvent assurément
y contribuer, y compris en matière d’adéqua-
tion des offres et de délais de réaction de l’ins-
titution. Comme l'indique Franck Moulai
(musée du quai Branly), “améliorer la connais-
sance du profil des publics permet d’affiner la
segmentation, de mesurer l'efficacité des mes-
sages et d'être plus pertinent dans ses offres”.
Or, les fichiers que possèdent les sites cul-
turels (qu’il s’agisse d’abonnés, d’adhérents
ou de membres) sont-ils suffisamment infor-
més, enrichis, qualifiés ? Comment segmen-
ter cette base de données, même embryon-
naire, pour proposer des services
supplémentaires aux publics – dans l’ordre
culturel, éducatif, touristique, commercial ou
de collecte de fonds – en croisant différents
types d’informations ? Comment mieux orien-
ter l’action des sites culturels dans ces
domaines, pour des raisons d’efficacité et d’uti-
lisation optimale des ressources disponibles ?
Comment en évaluer la pertinence et l’oppor-
tunité ? Les résultats attendus peuvent en effet
concerner tout à la fois le renforcement des
liens avec les publics ; l’amélioration de la
conception des produits et des services ; un
meilleur ciblage des actions ; et l’accroisse-
ment de l’efficacité des outils de promotion,
site culturel, comment l’adapter à ces nou-
velles transformations, comment modifier l’or-
ganisation du travail, comment faire évoluer les
fonctions des différentes catégories de per-
sonnel, comment mettre en place de nouveaux
partenariats ? Pour proposer des illustrations
concrètes aux éléments de réponse apportés à
ces questions, plusieurs professionnels ont été
interrogés dans de grandes institutions cultu-
relles(1)
.
STRATÉGIE INTERNET. Dans les entreprises,
la gestion de la relation client a pour but le
développement du chiffre d’affaires, de la ren-
tabilité, de la satisfaction et de la fidélisation
des consommateurs (on parle aussi de mar-
keting one to one) : elles utilisent à cette fin la
collecte de données permises par les nouvelles
techniques pour optimiser leurs actions dans
les domaines du marketing et de la vente, en
disposant d’une meilleure connaissance des
clients actuels et potentiels, à la fois en termes
de profil, de comportement d’achat et d’his-
torique des ventes (voir, par exemple, l’essor
actuel du big data). En intégrant les applica-
tions informatiques relatives au marketing, à
la vente et aux finances, l’organisation “orien-
tée client” cherche à parvenir à une vision plus
complète du consommateur, à “360 degrés”
dans l’idéal ; or, si la GRC peut se concevoir off
line, cette stratégie prend toute sa portée avec
l’internet, où l’automatisation du traitement
de l’information permet une plus grande réac-
tivité et une réduction des coûts de gestion.
De surcroît, la relation avec le consomma-
teur devient interactive grâce au développe-
ment des usages numériques et de la mobilité
(concernant, par exemple, les demandes de
renseignements, les offres spéciales, les ventes
croisées, les programmes de fidélisation, etc.).
L’entreprise peut utiliser différents canaux de
communication (envois postaux, téléphone,
SMS, courrier électronique…) pour interagir
avec le client et vendre ses produits ou ses ser-
vices, dans une “approche multicanal”.
MARKETING RELATIONNEL. Pour leur part, les
sites culturels ont une pratique ancienne des
relations avec leurs visiteurs, qu’il s’agisse des
(1) L’auteur remercie tout
particulièrement pour les
entretiens qu’ils lui ont
accordés Claire Besson
(Orchestre de Paris), Lucie
Blot (salle Pleyel / Cité de la
musique), Sophie Bonniau
(musée du Louvre), Gilles
Duffau (Cinémathèque
française), Franck Moulai
(musée du quai Branly),
Marc Perpillat (musée du
Louvre), Françoise Roussel
(musée national Picasso) et
Pierre-Mary Thibault
(Aldea).
MAI-JUIN 2014 • ESPACES 318 131
JEAN-MICHEL TOBELEM
de commercialisation et de com-
munication. Sans négliger le cas
échéant – si c’est l’un des buts
poursuivis – l’accroissement des
revenus et de la rentabilité des
opérations commerciales et des campagnes de
collecte de fonds.
Il y a là une évolution cohérente avec celle
qui s’observe dans l’univers du marketing :
ainsi, le marketing relationnel vise aujourd’hui
à établir une relation privilégiée avec les
consommateurs, dans le sens d’une person-
nalisation des offres et d’une recherche de fidé-
lisation (à travers des services ad hoc et des
offres promotionnelles). Or, ces programmes
de fidélisation peuvent voir leur coût diminuer
par l’utilisation de l’internet (saisie en ligne,
limitation des envois par courrier postal, com-
munication par courriel ou SMS…). Ainsi,
pour Sophie Bonniau (musée du Louvre), “à
travers la GRC, le Louvre poursuit un objec-
tif de suppression progressive du support
papier ; le coût de publipostage – très lourd
pour le musée – a déjà pu être réduit de 30%”.
RETOUR SUR INVESTISSEMENT. C’est à chaque
personne potentiellement intéressée par l’offre
culturelle d’indiquer de façon volontaire (et
non intrusive) le type d’information qu’elle
souhaite recevoir, selon quelles modalités et
avec quelle fréquence, si l’on veut éviter des
atteintes à sa vie privée. Pour les sites cultu-
rels, il ne s’agit pas principalement de maxi-
miser le potentiel de l’actif “client” en termes
de profitabilité, mais de rechercher la meilleure
“rentabilité” culturelle dans la relation avec
les publics, de différents points de vue : la qua-
lité de l’expérience de visite, les informations
sur les programmes, les offres spécifiques, l’ac-
cès à des forums de discussion, l’envoi d’une
lettre d’information… Le “retour sur inves-
tissement” ne sera donc pas essentiellement
financier, il sera avant tout culturel. De fait,
pour Marc Perpillat (musée du Louvre) : “Il
s’agit d’établir une relation étroite avec les
publics les plus proches du musée. Il n’y a pas
de course à la quantité mais plutôt à la qualité
de l’information ; cela afin de pouvoir envoyer
l’information pertinente à la bonne personne
au moment opportun.”
Précisons également que l’offre d’un site cul-
turel reste première par rapport à la demande :
autrement dit, la crainte que le public “dicte”
à l’établissement ses programmes ou les axes
de sa politique n’apparaît guère fondée, dès
lors que ce dernier a une vision claire de sa
mission. La connaissance des publics repré-
sente avant tout une façon pour l’institution
de mieux remplir les objectifs qu’elle s’est fixés.
Dans le cas contraire – et faute d’une visibi-
lité suffisante –, le pilotage fin des actions
conduites en direction des publics pourrait
paraître quelque peu hasardeux.
BASES DE DONNÉES. L’objectif d’une orga-
nisation culturelle “orientée public” est de dis-
poser d’informations multiples, précises et
actualisées sur les utilisateurs des divers ser-
vices de l’établissement. Ces informations doi-
vent être fiables et utiles, et non pas obsolètes
et superflues, ce qui a des incidences en termes
de collecte, de traitement, de partage et de dif-
fusion des données.
Celles-ci – stockées dans un entrepôt de don-
nées (data warehouse) ou encore base de don-
nées marketing – peuvent être de différente
nature : données relatives à la consultation sur
internet (fréquence des visites, pages visitées,
durée de consultation…) ; à l’utilisation de
bornes interactives ou de tablettes ; aux
demandes d’information et de renseignements
(sur place, par téléphone ou par courriel) ; aux
achats (en ligne ou sur site) ; et au profil des
utilisateurs eux-mêmes (données géo-démo-
graphiques, pratiques culturelles, goûts expri-
més, comportement passé, historique d’achats,
préférences, etc.). Mais – à la différence du
secteur commercial – il n’est pas nécessaire
pour autant d’aller jusqu’à proposer au visiteur
une offre particulière à la date de son anni-
versaire !
Envoyer l’information pertinente
à la bonne personne au moment opportun
CAHIER LE RENOUVEAU DES MUSÉES
132 ESPACES 318 • MAI-JUIN 2014
L’important est que ces données (confiden-
tielles) puissent être tenues à jour et facilement
mobilisables par les demandeurs concernés
dans le site culturel (par exemple, le départe-
ment éducatif, le service marketing et com-
munication, le pôle études, recherches et éva-
luation, le responsable commercial, la direction
générale, etc.). Par conséquent, il s’agit avant
tout de recueillir des informations essentielles
et de pouvoir y avoir accès rapidement et sans
difficulté.
L’objectif final serait – dans l’idéal – de pou-
voir adresser une réponse d’autant plus indi-
vidualisée aux demandes des utilisateurs que
l’institution disposera de davantage de rensei-
gnements sur les besoins, les préférences et les
habitudes de chacun d’entre eux ; cette réponse
pourra prendre la forme d’un message direct et
personnalisé (courrier postal, mais surtout
courriel ou SMS), de la même façon que les
sites de vente en ligne de produits culturels
peuvent adresser des suggestions et des recom-
mandations aux internautes ayant précédem-
ment effectué tel ou tel type d’achat.
RÉFLEXION STRATÉGIQUE. Or, trop souvent
encore, deux situations se présentent : soit le
site culturel dispose bien de certaines infor-
mations, mais ce ne sont pas forcément les
plus utiles dans la relation avec ses publics et
il sera difficile de les mobiliser pour la réali-
sation d’actions culturelles ciblées ; soit il dis-
pose de certaines de ces informations, mais il
ne s’en sert pas, faute de réflexion de nature
stratégique sur l’usage qui pourrait en être fait,
au service de la mission culturelle de l’organi-
sation. Pour Lucie Blot (salle Pleyel / Cité de la
musique) : “La GRC n’est ni un outil ni une
technique, mais une stratégie qui nécessite
beaucoup de préparation. Investir dans une
solution CRM ne sert à rien si on n’a pas de
stratégie. Cela implique l’organisation au
niveau organisationnel, humain, stratégique
et technologique. L’écueil dans lequel on tombe
fréquemment est de se focaliser principale-
ment sur ce dernier aspect.”
DATAMINING. Le datamining (ou exploration
de données) a pour objectif de permettre l’ex-
traction rapide des informations utiles et spé-
cifiques sur tel ou tel segment de public, en
vue de faciliter la réactivité et la fidélisation
recherchées par l’organisation. Il résulte donc
d’un processus d’exploration, de sélection et de
modélisation d’un grand nombre de données
pour établir des corrélations significatives entre
elles. Connaissant mieux ses publics (réels ou
virtuels) et en “faisant parler les données” dis-
ponibles, le site culturel sera ainsi mieux en
mesure de répondre aux différents types de
besoins, distincts naturellement selon les caté-
gories de publics concernées.
Pour identifier des publics pouvant être inté-
ressés par telle ou telle offre du site (qu’elle
soit culturelle, pédagogique, événementielle,
de bénévolat, de don…), il importe donc que
les informations existantes que possède l’éta-
blissement soient collectées, mises à jour, orga-
nisées, analysées et mobilisées en vue de per-
mettre une prise de décision efficace : une
institution à l’écoute de ses publics sera ainsi
mieux à même de leur apporter des services
encore inédits.
Y a-t-il un risque d’intrusion dans la vie per-
sonnelle des individus ? Il convient de distin-
guer deux éléments à ce propos. D’une part,
certaines des données quantitatives recueillies
sur les publics donnent lieu à un traitement
agrégé et anonyme qui ne distingue pas telle
ou telle personne. D’autre part, le site culturel
ne saurait bien évidemment recueillir des infor-
mations personnelles sur un individu que si
celui-ci a donné son accord formel, étant
entendu que l’établissement s’engage pour ce
qui le concerne à ne pas divulguer ces infor-
mations à une organisation tierce.
Dans ce dernier cas, c’est l’historique de la
relation entre l’institution et l’utilisateur (à
La gestion de la relation client
est une stratégie qui nécessite
beaucoup de préparation
MAI-JUIN 2014 • ESPACES 318 133
travers son comportement passé) qu’il convient
d’analyser finement, afin de pouvoir propo-
ser des services ou des produits au moment
adéquat, car déterminé selon les souhaits de
la personne considérée, en termes de fréquence
(pour chaque événement, toutes les semaines,
tous les mois…) et de support (par courrier
postal, courriel ou SMS) notamment.
PERSONNALISATION DE MASSE. Par consé-
quent, si j’ai exprimé un goût particulier pour
les primitifs italiens ou la photographie
contemporaine, je peux souhaiter être informé
par le site culturel de tout événement pouvant
susciter mon intérêt (et ce, quel que soit mon
pays d’origine) : exposition, publication, confé-
rence, voyage… ; ma qualité d’adhérent au
programme de fidélisation de l’institution pou-
vant de surcroît m’y donner accès à des condi-
tions privilégiées (réduction tarifaire, billet
coupe-file, éditions limitées, etc.).
Autrement dit, les renseignements détaillés
collectés doivent avant tout répondre à l’ob-
jectif de renforcer la relation avec les publics,
au service de la mission culturelle, scientifique,
éducative et sociale du site culturel ; les autres
axes possibles de développement (en termes
commerciaux ou de collecte de fonds) étant
subordonnés à cet objectif premier. Aux côtés
des offres généralistes plus ou moins standar-
disées, il y a donc place pour une communi-
cation plus spécifique et ciblée, que certaines
marques commerciales qualifient de “person-
nalisation de masse” (mass-customization),
ce qui se traduit par des modèles à son image,
des produits sur mesure, des étiquettes à son
nom ou autres solutions individualisées.
D’autres possibilités sont offertes aux sites
culturels dans la gestion de l’information, en
particulier dans le domaine des ressources
humaines et dans celui de la gestion des flux.
La question de la gestion des connaissances
(knowledge management) prend ainsi une
importance renouvelée dans les organisations
contemporaines – à la lumière des outils pro-
posés par les techniques actuelles de l’infor-
mation et de la communication –, en relation
avec les points évoqués précédemment (GRC,
bases de données, etc.). Cette approche repose
sur le fait que les connaissances que possèdent
les différents membres d’une organisation
constituent un capital précieux et stratégique,
qu’il convient de valoriser en s’appuyant sur
des logiciels aujourd’hui largement disponibles.
Or, les sites culturels ne constituent-ils pas par
excellence des organisations centrées sur le
savoir et la connaissance, nécessitant l’accès
à de considérables gisements d’informations,
s’appuyant sur des expertises individuelles et
reposant pour une part sur le pilotage tem-
poraire de projets ad hoc (exposition tempo-
raire, programme événementiel, publication) ?
GESTION DES CONNAISSANCES. De fait, une
meilleure gestion des connaissances – qui sup-
pose leur recueil, leur sauvegarde, leur mise à
jour et leur diffusion – peut conduire à davan-
tage de travail collaboratif, d’initiative, de pro-
ductivité et d’innovation, en prenant notam-
ment appui sur l’utilisation d’un intranet.
Convenons toutefois que parvenir à ce résul-
tat tient au moins autant à la culture de l’or-
ganisation (qui dépend de l’impulsion donnée
par la direction de l’établissement et se traduit
par l’attitude des personnels à l’égard de la
circulation de l’information) qu’à la mise à
disposition de nouveaux moyens techniques,
même si ces derniers peuvent permettre de
mettre rapidement et facilement à la disposi-
tion des utilisateurs des informations d’ori-
gine et de format différents. C’est pour cela
que la gestion de la connaissance et la capita-
lisation des informations devraient devenir
partie intégrante du fonctionnement du site
culturel au quotidien. N’oublions pas pour
autant un autre écueil, celui qui peut naître
d’un excès d’information… Disposer de l’in-
formation recherchée en temps voulu ne signi-
fie pas être noyé sous un flot d’informations
dont la pertinence n’est pas établie.
YIELD MANAGEMENT. Par ailleurs, la tech-
nique du yield management – que l’on peut
définir comme l’“optimisation économique”,
la “gestion du rendement” ou encore l’“opti-
misation du revenu global” – est issue des sys-
tèmes de réservation informatisés tels que les
JEAN-MICHEL TOBELEM
CAHIER LE RENOUVEAU DES MUSÉES
134 ESPACES 318 • MAI-JUIN 2014
GDS (global distribution systems), utilisés dans
un premier temps par les compagnies aériennes
puis par les chaînes hôtelières. Le yield mana-
gement permet d’effectuer en temps réel le cal-
cul des prix qui optimisent les revenus d’un
produit ou d’un service. Dans le cas des sites
culturels, l’objectif consiste à rechercher une
meilleure gestion des flux de publics (visiteurs,
spectateurs, autres utilisateurs), contribuant
de la sorte à résoudre notamment les pro-
blèmes de remplissage de salles (dans le
domaine du spectacle vivant) ou de surfré-
quentation (dans le domaine des musées et des
monuments) que rencontrent certains d’entre
eux, même si cela n’exclut pas par ailleurs des
effets bénéfiques en termes financiers : l’utili-
sateur est ainsi incité à profiter d’une offre
plus avantageuse sur le plan tarifaire à cer-
taines périodes d’ouverture de l’établissement
(sur le plan horaire, journalier ou mensuel,
selon les cas). Là encore, cela présuppose une
capacité à anticiper les comportements de
demande des publics par la connaissance dont
on peut disposer au moyen d’enquêtes.
NOUVELLES RELATIONS. Au-delà des actions
de communication, de la billetterie en ligne et
du commerce électronique – déjà expérimen-
tés par un certain nombre de sites culturels –,
les nouvelles techniques semblent pouvoir
offrir bien d’autres possibilités de développe-
ment des relations avec leurs publics, dans le
sens d’une plus grande personnalisation et
dans le cadre d’une stratégie multicanal qui
laisse bien sûr toute sa place à la médiation
humaine. On peut citer à cet égard l’interro-
gation d’internautes pour concevoir un pro-
gramme d’expositions et de manifestations ;
l’aide personnalisée à la visite (pour sa prépa-
ration en amont et son déroulement dans le
site lui-même, mais également pour apporter
des services spécifiques après la visite) ; le recru-
tement de bénévoles ; le lancement d’une sous-
cription sur internet pour l’achat d’une œuvre ;
la mise en ligne de vidéos sur les travaux réa-
lisés par le site culturel (opérations de restau-
ration, construction de décors, accrochage de
la collection…) ; voire l’instauration de pro-
grammes de collecte de fonds en ligne, etc.
Le paradoxe réside dans le fait que les ins-
titutions culturelles, symboles de permanence
et d’intemporalité (les musées et les monu-
ments historiques en particulier), sont désor-
mais conduites à nouer des relations avec des
internautes dont les valeurs sont la participa-
tion, la réactivité, la personnalisation, la per-
formance, la rapidité et l’interaction. Encore
Au-delà des actions de communication, de la billetterie en ligne et du
commerce électronique, les nouvelles techniques semblent pouvoir
offrir aux institutions culturelles bien d’autres possibilités de déve-
loppement des relations avec leurs publics : l’interrogation d’inter-
nautes pour concevoir un programme d’expositions et de manifesta-
tions ; l’aide personnalisée à la visite ; le recrutement de bénévoles ;
le lancement d’une souscription sur internet pour l’achat d’une œuvre ;
la mise en ligne de vidéos sur les travaux réalisés par le site ; l’ins-
tauration de programmes de collecte de fonds en ligne, etc.
MAI-JUIN 2014 • ESPACES 318 135
faut-il y être prêt. Or, la volonté existe-t-elle
toujours de se saisir à bras-le-corps des nou-
velles techniques, dans le cadre d’une straté-
gie globale de développement culturel ?
Autre application possible du big data, fon-
dée sur l’utilisation d’un grand nombre de
données relatives aux publics : le contrôle de
la réputation de l’institution sur les réseaux
sociaux, les blogs et les forums. L’objectif est
de détecter des problèmes et de pouvoir y
remédier rapidement, en utilisant la technique
de l’analyse sémantique (text mining) des opi-
nions émises par les publics. Dans ce cas, les
sites culturels pourront sans doute s’appuyer
sur les synthèses réalisées par des organismes
tels que les comités départementaux ou régio-
naux du tourisme, mieux armés que les sites
individuels pour traiter d’importantes masses
de données parcellaires.
IMPLICATIONS ORGANISATIONNELLES. À terme,
l’intégration complète d’internet et des nou-
velles techniques constitue potentiellement un
facteur de reconfiguration de l’organisation
des sites culturels. Ainsi, les implications de
cette évolution du point de vue organisation-
nel paraissent être de plusieurs ordres :
– une nouvelle affectation des ressources
(financières, techniques et en personnel) de
l’institution ;
– une recherche d’informations sur les publics
aux différents “points de contact” du site cul-
turel (accueil, billetterie, boutique, service
abonnement / adhésion, département études,
etc.) visant à alimenter des bases de données
utiles ;
– une conception renouvelée du travail en
équipe (en relation, le cas échéant, avec des
bénévoles) ;
– une vision partagée et simultanée des publics
par l’ensemble des responsables de l’établis-
sement (services des publics, commercial, de
l’accueil, de la collecte de fonds, de commu-
nication…) ;
– une diffusion des nouvelles techniques dans
les différents services du site culturel ;
– une conception renouvelée des processus de
collaboration internes et externes ;
– une orientation vers une organisation plus
ouverte, décentralisée, transversale, souple et
réactive ;
– une possible externalisation de fonctions ne
pouvant être assurées au mieux en interne
(hébergement, maintenance, nettoyage des
fichiers, mailings, traduction…).
Cette nouvelle organisation a pour objectif
de gérer de façon optimale le “capital public”
au service de la mission du site culturel, la res-
ponsabilité de la relation avec le visiteur étant
désormais partagée (à divers titres, naturelle-
ment) à tous les niveaux de l’institution.
Reconnaissons néanmoins que dans des ins-
titutions dont les personnels sont souvent en
nombre insuffisant, le fait de tenir à jour et
d’entretenir une base de données représente
une réelle charge de travail qui doit dès lors
être évaluée de façon réaliste pour mesurer
l’intérêt d’une telle approche – certes promet-
teuse – pour tel ou tel établissement. Selon
Claire Besson (Orchestre de Paris) : “La GRC
est un outil formidable, mais qui demande
beaucoup de travail. Il faut donc choisir la sim-
plicité et ne pas se lancer dans des usines à
gaz.”
TÂCHES LOURDES. Les tâches à prendre en
compte peuvent en effet se révéler particuliè-
rement lourdes pour les sites culturels d’une
taille modeste, qui devront ajuster les presta-
tions offertes aux moyens humains disponibles.
Ces tâches concernent notamment : la mise à
jour et l’amélioration des fonctionnalités du
site internet, la numérisation des contenus, la
traduction des informations proposées, la
réponse aux requêtes des internautes, l’envoi
d’une lettre d’information, l’animation de
forums de discussion, l’archivage des com-
muniqués de presse, la conception de jeux, la
gestion des droits, les études sur les utilisa-
teurs et internautes, la négociation des parte-
nariats, le suivi des évolutions des matériels
et des logiciels, la maintenance technique, la
formation, etc.
Autre difficulté – propre à toutes les orga-
nisations, mais peut-être moins sensible dans
le secteur culturel –, celle qui tient à la circu-
JEAN-MICHEL TOBELEM
CAHIER LE RENOUVEAU DES MUSÉES
136 ESPACES 318 • MAI-JUIN 2014
lation et au partage de l’information, encore
considérée par certains comme un instrument
de pouvoir. Il s’agit là d’une question de “cul-
ture organisationnelle”, qui instaure ou bien un
fonctionnement pyramidal, cloisonné, hiérar-
chisé et bureaucratique (où l’information cir-
cule peu et difficilement) ou bien un fonc-
tionnement horizontal, en réseau et par projet
(qui favorise au maximum la distribution et
la diffusion de l’information).
COÛT DU DISPOSITIF. Quant au coût du dis-
positif, s’il peut être considéré comme un véri-
table obstacle pour les petits établissements,
il tient sans doute moins au prix des logiciels
et des matériels qu’au temps demandé aux
individus concernés (la partie nécessaire à
l’installation et au fonctionnement du sys-
tème allouée par le personnel du site cultu-
rel, d’une part ; et le recrutement de profils
spécialisés, d’autre part).
Pierre-Mary Thibault (société Aldea)
indique à ce propos : “Le CRM est avant tout
une démarche, un état d’esprit : tout le monde
peut ou devrait faire du CRM. Quelle que
soit la taille de l’organisation, le principe reste
le même : il s’agit d’améliorer et d’indivi-
dualiser la relation entre l’institution et ses
publics. En réalité, plus on est petit, plus on
a intérêt à en faire !”
Au-delà d’une diffusion plus rapide de l’in-
formation, les possibilités offertes par le déve-
loppement des nouvelles techniques dans les
sites culturels paraissent être notamment les
suivantes : un traitement personnalisé des
demandes des publics ; l’envoi d’informa-
tions sur le mode push (par courriel ou SMS) ;
une sophistication accrue des programmes
de fidélisation ; la possibilité de réaliser des
enquêtes et tests en ligne ; la création d’outils
de mesure et d’analyse d’impact, etc. Une uti-
lisation efficace de telles bases de données
suppose néanmoins que soient réunies les
conditions suivantes : une perception claire
des objectifs poursuivis (ces derniers devant
demeurer au service de la mission de l’éta-
blissement) ; un temps de réflexion suffisant
pour préparer le choix et la mise en place des
dispositifs techniques ; des moyens financiers
et en personnel adéquats (en partenariat, le
cas échéant) ; enfin, un suivi dans le temps
pour la formation, la mise en œuvre et l’éva-
luation des orientations retenues.
■ ■
Finalement, du fait de son caractère struc-
turant, l’introduction des nouvelles techniques
à tous les niveaux du site culturel peut
conduire à une prise en compte renouvelée
des publics et – partant – peut participer à
l’accompagnement d’un processus de chan-
gement, dans le sens d’une organisation plus
souple et plus réactive. Ainsi, pour Gilles
Duffau (Cinémathèque française), on ne
devrait plus pratiquer seulement une “com-
munication unidirectionnelle descendante”.
Certains observateurs peuvent toutefois se
demander s’il ne s’agit pas d’une manifesta-
tion supplémentaire de la tendance accrue à
la commercialisation de la culture et de l’ef-
fet des mécanismes de marché dans le sec-
teur culturel dont témoignerait – au-delà d’un
phénomène de modernisation organisation-
nelle – l’“emprunt” aux techniques marke-
ting et de management des entreprises. Mais,
là encore, seul le sens de l’utilisation de l’ou-
til technique compte : neutre d’un point de
vue axiologique, il peut tout aussi bien faci-
liter la recherche d’une rentabilité commer-
ciale et financière qu’être considéré comme
un facteur de modernisation des équipements
culturels, au service de l’accomplissement de
leurs missions fondamentales.
Dans ce sens, parler de “gestion de la rela-
tion visiteur” (GRV) permettrait – sans occul-
ter la dimension commerciale ou financière –
de donner la priorité à la dimension éducative
et culturelle ; autrement dit, de se servir des
outils qu’offrent les techniques numériques
pour approfondir les liens avec les visiteurs
actuels ou potentiels des monuments, des
musées, des sites archéologiques ou autres
centres d’interprétation (mais aussi des salles
de spectacles, des auditoriums et des maisons
d’opéra). ■

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La gestion de la relation client : un outil pertinent pour les sites culturels

  • 1. CAHIER LE RENOUVEAU DES MUSÉES 128 ESPACES 318 • MAI-JUIN 2014 Les outils et techniques de gestion de la relation client (GRC) peuvent être utilisés par les musées et lieux culturels afin d’élargir et de fidéliser leurs publics, mais aussi d’améliorer la qualité de l’expérience de visite, de personnaliser la relation avec les visiteurs… La création et l’exploitation de bases de données permettent une plus grande réactivité et une réduction des coûts de ges- tion. Pour être efficace, la GRC doit toutefois être pré- cédée d’une réflexion stratégique sur l’usage qui peut en être fait, au service de sa mission culturelle. JEAN-MICHEL TOBELEM Directeur d’Option Culture [option.culture@wanadoo.fr] politiques de conquête et de fidélisation de leurs publics. Au-delà des bornes interactives, des expositions virtuelles, de la numérisation des collections, de la géolocalisation ou des aides numériques à la visite (sur audioguides, tablettes ou smartphones), l’enjeu est celui de la pleine utilisation des données concernant L es outils de “gestion de la relation client” (GRC) ou customer rela- tionship management (CRM) sont disponibles depuis plusieurs années; mais l’évolution rapide des tech- niques permet à présent aux sites culturels de concevoir et de mettre en œuvre de véritables LA GESTION DE LA RELATION CLIENT : UN OUTIL PERTINENT POUR LES SITES CULTURELS
  • 2. MAI-JUIN 2014 • ESPACES 318 129 JEAN-MICHEL TOBELEM les publics pour mieux communiquer, amé- liorer la promotion de l’offre, renforcer leur attachement à l’institution, mieux répondre à leurs besoins (optique 1.0) et – dans le meilleur des cas – favoriser leur participation à la vie de l’établissement (optique 2.0). C’est là une nouvelle illustration du rôle que peut jouer le marketing dans les sites culturels, dans le res- pect de leur mission scientifique, sociale et éducative, d’une part, et dans la limite du caractère non lucratif de leurs activités, d’autre part. Nous examinerons dans un premier temps les traits de la GRC appliquée aux sites cul- turels ; nous soulignerons ensuite l’importance du recueil et de l’analyse des données ; puis nous examinerons d’autres approches pos- sibles de l’introduction des nouvelles tech- niques. Enfin, nous nous interrogerons sur les conséquences de l’introduction de la GRC en termes d’organisation et de fonctionnement des sites culturels. ÉLARGISSEMENT DES PUBLICS. D’une manière générale, on le sait, le marketing client (par opposition au marketing produit) se développe de façon décisive dans l’économie contempo- raine. Aux approches tournées vers la stan- dardisation des produits proposés sur des mar- chés mondiaux s’opposent désormais des orientations visant à prendre en compte de façon fine les besoins spécifiques exprimés par les consommateurs : production à la demande, réponse à des attentes particulières, “custo- misation”, produits sur mesure… ; les nou- velles techniques permettent d’envisager une nouvelle façon de produire des biens et des services de façon réactive et personnalisée. Or les sites culturels connaissent dans ce domaine une évolution qui leur est naturelle : celle de s’adresser à des publics (ou à des visi- teurs) à qui ils souhaitent transmettre des savoirs et de la connaissance tout en leur pro- curant du plaisir. Les responsables des musées, des maisons d’artistes, des centres d’art, des monuments ou des centres scientifiques ne souhaitent-ils pas s’efforcer – autant qu’il est possible – de répondre aux souhaits hétéro- gènes de leurs différents publics : résidents de proximité, scolaires, touristes, visiteurs en groupe, publics étrangers ? Et quel conserva- teur ne rêverait pas de répondre de façon indi- viduelle aux demandes des multiples personnes qui fréquentent son institution ! La GRC peut ainsi être mise au service de la réalisation des objectifs d’ouverture et d’élar- gissement des publics des sites culturels et non pas seulement de leurs impératifs financiers ou commerciaux. Cela suppose une vision claire des attentes de l’organisation, de ses objectifs et des moyens qui pourront être mobi- lisés à cet effet. En effet, selon Françoise Roussel (musée national Picasso), “le but du CRM est de construire un référentiel unique de contacts, quelle que soit la façon d’entrer en relation avec les publics du musée. Mais l’outil ne remplace pas la réflexion”. FIDÉLISATION. Autre enjeu aujourd’hui pour les entreprises faisant face à des consomma- teurs de plus en plus volatils – et qui répond tout à fait aux missions des sites culturels –, celui de la fidélisation des clients (dans le monde marchand) ou des publics (dans le monde culturel). À cet égard, si les collections ou les bâtiments du site culturel constituent son principal actif, la gestion de la relation avec les visiteurs peut aussi apparaître comme un véritable capital, qui reste dans bien des cas à valoriser. Toutefois, les sites culturels semblent pour l’instant plus timides que les entreprises pour tirer pleinement parti des pos- sibilités offertes par les nouvelles techniques, qu’il s’agisse de leurs offres culturelles, de leur mission éducative, de leur politique de pro- motion et de communication, ou encore de l’augmentation de leurs ressources propres ; et ce, bien sûr, dans le respect de leurs obliga- tions déontologiques et de leur caractère non commercial. Que signifie le fait de mettre le visiteur au cœur de l’organisation du site culturel ? Comment mieux le connaître, accroître sa satisfaction, lui offrir des ressources nouvelles, l’inciter à venir visiter de nouveau l’établisse- ment ? Et dans ce cas, comment repenser le
  • 3. CAHIER LE RENOUVEAU DES MUSÉES 130 ESPACES 318 • MAI-JUIN 2014 associations d’amis, des politiques d’adhésion (membership) et de collecte de fonds (fun- draising), ou encore des différents usages de l’internet. Ici aussi, l’information devient aujourd’hui – comme dans la plupart des orga- nisations modernes – un facteur stratégique de développement. Si les sites culturels désirent sincèrement ren- forcer les liens avec leurs publics, il devient donc essentiel pour eux de mieux connaître ces visiteurs (ou spectateurs, auditeurs, lec- teurs, etc.), leurs goûts, leurs habitudes, leurs souhaits, leurs motivations, leurs pratiques, leurs besoins, sachant que ceux-ci évoluent rapidement, en fonction des changements de l’environnement, des styles de vie et des habi- tudes de consommation. Dans un contexte de concurrence renforcée (y compris dans le sec- teur de la culture, des loisirs et du tourisme), les nouvelles techniques peuvent assurément y contribuer, y compris en matière d’adéqua- tion des offres et de délais de réaction de l’ins- titution. Comme l'indique Franck Moulai (musée du quai Branly), “améliorer la connais- sance du profil des publics permet d’affiner la segmentation, de mesurer l'efficacité des mes- sages et d'être plus pertinent dans ses offres”. Or, les fichiers que possèdent les sites cul- turels (qu’il s’agisse d’abonnés, d’adhérents ou de membres) sont-ils suffisamment infor- més, enrichis, qualifiés ? Comment segmen- ter cette base de données, même embryon- naire, pour proposer des services supplémentaires aux publics – dans l’ordre culturel, éducatif, touristique, commercial ou de collecte de fonds – en croisant différents types d’informations ? Comment mieux orien- ter l’action des sites culturels dans ces domaines, pour des raisons d’efficacité et d’uti- lisation optimale des ressources disponibles ? Comment en évaluer la pertinence et l’oppor- tunité ? Les résultats attendus peuvent en effet concerner tout à la fois le renforcement des liens avec les publics ; l’amélioration de la conception des produits et des services ; un meilleur ciblage des actions ; et l’accroisse- ment de l’efficacité des outils de promotion, site culturel, comment l’adapter à ces nou- velles transformations, comment modifier l’or- ganisation du travail, comment faire évoluer les fonctions des différentes catégories de per- sonnel, comment mettre en place de nouveaux partenariats ? Pour proposer des illustrations concrètes aux éléments de réponse apportés à ces questions, plusieurs professionnels ont été interrogés dans de grandes institutions cultu- relles(1) . STRATÉGIE INTERNET. Dans les entreprises, la gestion de la relation client a pour but le développement du chiffre d’affaires, de la ren- tabilité, de la satisfaction et de la fidélisation des consommateurs (on parle aussi de mar- keting one to one) : elles utilisent à cette fin la collecte de données permises par les nouvelles techniques pour optimiser leurs actions dans les domaines du marketing et de la vente, en disposant d’une meilleure connaissance des clients actuels et potentiels, à la fois en termes de profil, de comportement d’achat et d’his- torique des ventes (voir, par exemple, l’essor actuel du big data). En intégrant les applica- tions informatiques relatives au marketing, à la vente et aux finances, l’organisation “orien- tée client” cherche à parvenir à une vision plus complète du consommateur, à “360 degrés” dans l’idéal ; or, si la GRC peut se concevoir off line, cette stratégie prend toute sa portée avec l’internet, où l’automatisation du traitement de l’information permet une plus grande réac- tivité et une réduction des coûts de gestion. De surcroît, la relation avec le consomma- teur devient interactive grâce au développe- ment des usages numériques et de la mobilité (concernant, par exemple, les demandes de renseignements, les offres spéciales, les ventes croisées, les programmes de fidélisation, etc.). L’entreprise peut utiliser différents canaux de communication (envois postaux, téléphone, SMS, courrier électronique…) pour interagir avec le client et vendre ses produits ou ses ser- vices, dans une “approche multicanal”. MARKETING RELATIONNEL. Pour leur part, les sites culturels ont une pratique ancienne des relations avec leurs visiteurs, qu’il s’agisse des (1) L’auteur remercie tout particulièrement pour les entretiens qu’ils lui ont accordés Claire Besson (Orchestre de Paris), Lucie Blot (salle Pleyel / Cité de la musique), Sophie Bonniau (musée du Louvre), Gilles Duffau (Cinémathèque française), Franck Moulai (musée du quai Branly), Marc Perpillat (musée du Louvre), Françoise Roussel (musée national Picasso) et Pierre-Mary Thibault (Aldea).
  • 4. MAI-JUIN 2014 • ESPACES 318 131 JEAN-MICHEL TOBELEM de commercialisation et de com- munication. Sans négliger le cas échéant – si c’est l’un des buts poursuivis – l’accroissement des revenus et de la rentabilité des opérations commerciales et des campagnes de collecte de fonds. Il y a là une évolution cohérente avec celle qui s’observe dans l’univers du marketing : ainsi, le marketing relationnel vise aujourd’hui à établir une relation privilégiée avec les consommateurs, dans le sens d’une person- nalisation des offres et d’une recherche de fidé- lisation (à travers des services ad hoc et des offres promotionnelles). Or, ces programmes de fidélisation peuvent voir leur coût diminuer par l’utilisation de l’internet (saisie en ligne, limitation des envois par courrier postal, com- munication par courriel ou SMS…). Ainsi, pour Sophie Bonniau (musée du Louvre), “à travers la GRC, le Louvre poursuit un objec- tif de suppression progressive du support papier ; le coût de publipostage – très lourd pour le musée – a déjà pu être réduit de 30%”. RETOUR SUR INVESTISSEMENT. C’est à chaque personne potentiellement intéressée par l’offre culturelle d’indiquer de façon volontaire (et non intrusive) le type d’information qu’elle souhaite recevoir, selon quelles modalités et avec quelle fréquence, si l’on veut éviter des atteintes à sa vie privée. Pour les sites cultu- rels, il ne s’agit pas principalement de maxi- miser le potentiel de l’actif “client” en termes de profitabilité, mais de rechercher la meilleure “rentabilité” culturelle dans la relation avec les publics, de différents points de vue : la qua- lité de l’expérience de visite, les informations sur les programmes, les offres spécifiques, l’ac- cès à des forums de discussion, l’envoi d’une lettre d’information… Le “retour sur inves- tissement” ne sera donc pas essentiellement financier, il sera avant tout culturel. De fait, pour Marc Perpillat (musée du Louvre) : “Il s’agit d’établir une relation étroite avec les publics les plus proches du musée. Il n’y a pas de course à la quantité mais plutôt à la qualité de l’information ; cela afin de pouvoir envoyer l’information pertinente à la bonne personne au moment opportun.” Précisons également que l’offre d’un site cul- turel reste première par rapport à la demande : autrement dit, la crainte que le public “dicte” à l’établissement ses programmes ou les axes de sa politique n’apparaît guère fondée, dès lors que ce dernier a une vision claire de sa mission. La connaissance des publics repré- sente avant tout une façon pour l’institution de mieux remplir les objectifs qu’elle s’est fixés. Dans le cas contraire – et faute d’une visibi- lité suffisante –, le pilotage fin des actions conduites en direction des publics pourrait paraître quelque peu hasardeux. BASES DE DONNÉES. L’objectif d’une orga- nisation culturelle “orientée public” est de dis- poser d’informations multiples, précises et actualisées sur les utilisateurs des divers ser- vices de l’établissement. Ces informations doi- vent être fiables et utiles, et non pas obsolètes et superflues, ce qui a des incidences en termes de collecte, de traitement, de partage et de dif- fusion des données. Celles-ci – stockées dans un entrepôt de don- nées (data warehouse) ou encore base de don- nées marketing – peuvent être de différente nature : données relatives à la consultation sur internet (fréquence des visites, pages visitées, durée de consultation…) ; à l’utilisation de bornes interactives ou de tablettes ; aux demandes d’information et de renseignements (sur place, par téléphone ou par courriel) ; aux achats (en ligne ou sur site) ; et au profil des utilisateurs eux-mêmes (données géo-démo- graphiques, pratiques culturelles, goûts expri- més, comportement passé, historique d’achats, préférences, etc.). Mais – à la différence du secteur commercial – il n’est pas nécessaire pour autant d’aller jusqu’à proposer au visiteur une offre particulière à la date de son anni- versaire ! Envoyer l’information pertinente à la bonne personne au moment opportun
  • 5. CAHIER LE RENOUVEAU DES MUSÉES 132 ESPACES 318 • MAI-JUIN 2014 L’important est que ces données (confiden- tielles) puissent être tenues à jour et facilement mobilisables par les demandeurs concernés dans le site culturel (par exemple, le départe- ment éducatif, le service marketing et com- munication, le pôle études, recherches et éva- luation, le responsable commercial, la direction générale, etc.). Par conséquent, il s’agit avant tout de recueillir des informations essentielles et de pouvoir y avoir accès rapidement et sans difficulté. L’objectif final serait – dans l’idéal – de pou- voir adresser une réponse d’autant plus indi- vidualisée aux demandes des utilisateurs que l’institution disposera de davantage de rensei- gnements sur les besoins, les préférences et les habitudes de chacun d’entre eux ; cette réponse pourra prendre la forme d’un message direct et personnalisé (courrier postal, mais surtout courriel ou SMS), de la même façon que les sites de vente en ligne de produits culturels peuvent adresser des suggestions et des recom- mandations aux internautes ayant précédem- ment effectué tel ou tel type d’achat. RÉFLEXION STRATÉGIQUE. Or, trop souvent encore, deux situations se présentent : soit le site culturel dispose bien de certaines infor- mations, mais ce ne sont pas forcément les plus utiles dans la relation avec ses publics et il sera difficile de les mobiliser pour la réali- sation d’actions culturelles ciblées ; soit il dis- pose de certaines de ces informations, mais il ne s’en sert pas, faute de réflexion de nature stratégique sur l’usage qui pourrait en être fait, au service de la mission culturelle de l’organi- sation. Pour Lucie Blot (salle Pleyel / Cité de la musique) : “La GRC n’est ni un outil ni une technique, mais une stratégie qui nécessite beaucoup de préparation. Investir dans une solution CRM ne sert à rien si on n’a pas de stratégie. Cela implique l’organisation au niveau organisationnel, humain, stratégique et technologique. L’écueil dans lequel on tombe fréquemment est de se focaliser principale- ment sur ce dernier aspect.” DATAMINING. Le datamining (ou exploration de données) a pour objectif de permettre l’ex- traction rapide des informations utiles et spé- cifiques sur tel ou tel segment de public, en vue de faciliter la réactivité et la fidélisation recherchées par l’organisation. Il résulte donc d’un processus d’exploration, de sélection et de modélisation d’un grand nombre de données pour établir des corrélations significatives entre elles. Connaissant mieux ses publics (réels ou virtuels) et en “faisant parler les données” dis- ponibles, le site culturel sera ainsi mieux en mesure de répondre aux différents types de besoins, distincts naturellement selon les caté- gories de publics concernées. Pour identifier des publics pouvant être inté- ressés par telle ou telle offre du site (qu’elle soit culturelle, pédagogique, événementielle, de bénévolat, de don…), il importe donc que les informations existantes que possède l’éta- blissement soient collectées, mises à jour, orga- nisées, analysées et mobilisées en vue de per- mettre une prise de décision efficace : une institution à l’écoute de ses publics sera ainsi mieux à même de leur apporter des services encore inédits. Y a-t-il un risque d’intrusion dans la vie per- sonnelle des individus ? Il convient de distin- guer deux éléments à ce propos. D’une part, certaines des données quantitatives recueillies sur les publics donnent lieu à un traitement agrégé et anonyme qui ne distingue pas telle ou telle personne. D’autre part, le site culturel ne saurait bien évidemment recueillir des infor- mations personnelles sur un individu que si celui-ci a donné son accord formel, étant entendu que l’établissement s’engage pour ce qui le concerne à ne pas divulguer ces infor- mations à une organisation tierce. Dans ce dernier cas, c’est l’historique de la relation entre l’institution et l’utilisateur (à La gestion de la relation client est une stratégie qui nécessite beaucoup de préparation
  • 6. MAI-JUIN 2014 • ESPACES 318 133 travers son comportement passé) qu’il convient d’analyser finement, afin de pouvoir propo- ser des services ou des produits au moment adéquat, car déterminé selon les souhaits de la personne considérée, en termes de fréquence (pour chaque événement, toutes les semaines, tous les mois…) et de support (par courrier postal, courriel ou SMS) notamment. PERSONNALISATION DE MASSE. Par consé- quent, si j’ai exprimé un goût particulier pour les primitifs italiens ou la photographie contemporaine, je peux souhaiter être informé par le site culturel de tout événement pouvant susciter mon intérêt (et ce, quel que soit mon pays d’origine) : exposition, publication, confé- rence, voyage… ; ma qualité d’adhérent au programme de fidélisation de l’institution pou- vant de surcroît m’y donner accès à des condi- tions privilégiées (réduction tarifaire, billet coupe-file, éditions limitées, etc.). Autrement dit, les renseignements détaillés collectés doivent avant tout répondre à l’ob- jectif de renforcer la relation avec les publics, au service de la mission culturelle, scientifique, éducative et sociale du site culturel ; les autres axes possibles de développement (en termes commerciaux ou de collecte de fonds) étant subordonnés à cet objectif premier. Aux côtés des offres généralistes plus ou moins standar- disées, il y a donc place pour une communi- cation plus spécifique et ciblée, que certaines marques commerciales qualifient de “person- nalisation de masse” (mass-customization), ce qui se traduit par des modèles à son image, des produits sur mesure, des étiquettes à son nom ou autres solutions individualisées. D’autres possibilités sont offertes aux sites culturels dans la gestion de l’information, en particulier dans le domaine des ressources humaines et dans celui de la gestion des flux. La question de la gestion des connaissances (knowledge management) prend ainsi une importance renouvelée dans les organisations contemporaines – à la lumière des outils pro- posés par les techniques actuelles de l’infor- mation et de la communication –, en relation avec les points évoqués précédemment (GRC, bases de données, etc.). Cette approche repose sur le fait que les connaissances que possèdent les différents membres d’une organisation constituent un capital précieux et stratégique, qu’il convient de valoriser en s’appuyant sur des logiciels aujourd’hui largement disponibles. Or, les sites culturels ne constituent-ils pas par excellence des organisations centrées sur le savoir et la connaissance, nécessitant l’accès à de considérables gisements d’informations, s’appuyant sur des expertises individuelles et reposant pour une part sur le pilotage tem- poraire de projets ad hoc (exposition tempo- raire, programme événementiel, publication) ? GESTION DES CONNAISSANCES. De fait, une meilleure gestion des connaissances – qui sup- pose leur recueil, leur sauvegarde, leur mise à jour et leur diffusion – peut conduire à davan- tage de travail collaboratif, d’initiative, de pro- ductivité et d’innovation, en prenant notam- ment appui sur l’utilisation d’un intranet. Convenons toutefois que parvenir à ce résul- tat tient au moins autant à la culture de l’or- ganisation (qui dépend de l’impulsion donnée par la direction de l’établissement et se traduit par l’attitude des personnels à l’égard de la circulation de l’information) qu’à la mise à disposition de nouveaux moyens techniques, même si ces derniers peuvent permettre de mettre rapidement et facilement à la disposi- tion des utilisateurs des informations d’ori- gine et de format différents. C’est pour cela que la gestion de la connaissance et la capita- lisation des informations devraient devenir partie intégrante du fonctionnement du site culturel au quotidien. N’oublions pas pour autant un autre écueil, celui qui peut naître d’un excès d’information… Disposer de l’in- formation recherchée en temps voulu ne signi- fie pas être noyé sous un flot d’informations dont la pertinence n’est pas établie. YIELD MANAGEMENT. Par ailleurs, la tech- nique du yield management – que l’on peut définir comme l’“optimisation économique”, la “gestion du rendement” ou encore l’“opti- misation du revenu global” – est issue des sys- tèmes de réservation informatisés tels que les JEAN-MICHEL TOBELEM
  • 7. CAHIER LE RENOUVEAU DES MUSÉES 134 ESPACES 318 • MAI-JUIN 2014 GDS (global distribution systems), utilisés dans un premier temps par les compagnies aériennes puis par les chaînes hôtelières. Le yield mana- gement permet d’effectuer en temps réel le cal- cul des prix qui optimisent les revenus d’un produit ou d’un service. Dans le cas des sites culturels, l’objectif consiste à rechercher une meilleure gestion des flux de publics (visiteurs, spectateurs, autres utilisateurs), contribuant de la sorte à résoudre notamment les pro- blèmes de remplissage de salles (dans le domaine du spectacle vivant) ou de surfré- quentation (dans le domaine des musées et des monuments) que rencontrent certains d’entre eux, même si cela n’exclut pas par ailleurs des effets bénéfiques en termes financiers : l’utili- sateur est ainsi incité à profiter d’une offre plus avantageuse sur le plan tarifaire à cer- taines périodes d’ouverture de l’établissement (sur le plan horaire, journalier ou mensuel, selon les cas). Là encore, cela présuppose une capacité à anticiper les comportements de demande des publics par la connaissance dont on peut disposer au moyen d’enquêtes. NOUVELLES RELATIONS. Au-delà des actions de communication, de la billetterie en ligne et du commerce électronique – déjà expérimen- tés par un certain nombre de sites culturels –, les nouvelles techniques semblent pouvoir offrir bien d’autres possibilités de développe- ment des relations avec leurs publics, dans le sens d’une plus grande personnalisation et dans le cadre d’une stratégie multicanal qui laisse bien sûr toute sa place à la médiation humaine. On peut citer à cet égard l’interro- gation d’internautes pour concevoir un pro- gramme d’expositions et de manifestations ; l’aide personnalisée à la visite (pour sa prépa- ration en amont et son déroulement dans le site lui-même, mais également pour apporter des services spécifiques après la visite) ; le recru- tement de bénévoles ; le lancement d’une sous- cription sur internet pour l’achat d’une œuvre ; la mise en ligne de vidéos sur les travaux réa- lisés par le site culturel (opérations de restau- ration, construction de décors, accrochage de la collection…) ; voire l’instauration de pro- grammes de collecte de fonds en ligne, etc. Le paradoxe réside dans le fait que les ins- titutions culturelles, symboles de permanence et d’intemporalité (les musées et les monu- ments historiques en particulier), sont désor- mais conduites à nouer des relations avec des internautes dont les valeurs sont la participa- tion, la réactivité, la personnalisation, la per- formance, la rapidité et l’interaction. Encore Au-delà des actions de communication, de la billetterie en ligne et du commerce électronique, les nouvelles techniques semblent pouvoir offrir aux institutions culturelles bien d’autres possibilités de déve- loppement des relations avec leurs publics : l’interrogation d’inter- nautes pour concevoir un programme d’expositions et de manifesta- tions ; l’aide personnalisée à la visite ; le recrutement de bénévoles ; le lancement d’une souscription sur internet pour l’achat d’une œuvre ; la mise en ligne de vidéos sur les travaux réalisés par le site ; l’ins- tauration de programmes de collecte de fonds en ligne, etc.
  • 8. MAI-JUIN 2014 • ESPACES 318 135 faut-il y être prêt. Or, la volonté existe-t-elle toujours de se saisir à bras-le-corps des nou- velles techniques, dans le cadre d’une straté- gie globale de développement culturel ? Autre application possible du big data, fon- dée sur l’utilisation d’un grand nombre de données relatives aux publics : le contrôle de la réputation de l’institution sur les réseaux sociaux, les blogs et les forums. L’objectif est de détecter des problèmes et de pouvoir y remédier rapidement, en utilisant la technique de l’analyse sémantique (text mining) des opi- nions émises par les publics. Dans ce cas, les sites culturels pourront sans doute s’appuyer sur les synthèses réalisées par des organismes tels que les comités départementaux ou régio- naux du tourisme, mieux armés que les sites individuels pour traiter d’importantes masses de données parcellaires. IMPLICATIONS ORGANISATIONNELLES. À terme, l’intégration complète d’internet et des nou- velles techniques constitue potentiellement un facteur de reconfiguration de l’organisation des sites culturels. Ainsi, les implications de cette évolution du point de vue organisation- nel paraissent être de plusieurs ordres : – une nouvelle affectation des ressources (financières, techniques et en personnel) de l’institution ; – une recherche d’informations sur les publics aux différents “points de contact” du site cul- turel (accueil, billetterie, boutique, service abonnement / adhésion, département études, etc.) visant à alimenter des bases de données utiles ; – une conception renouvelée du travail en équipe (en relation, le cas échéant, avec des bénévoles) ; – une vision partagée et simultanée des publics par l’ensemble des responsables de l’établis- sement (services des publics, commercial, de l’accueil, de la collecte de fonds, de commu- nication…) ; – une diffusion des nouvelles techniques dans les différents services du site culturel ; – une conception renouvelée des processus de collaboration internes et externes ; – une orientation vers une organisation plus ouverte, décentralisée, transversale, souple et réactive ; – une possible externalisation de fonctions ne pouvant être assurées au mieux en interne (hébergement, maintenance, nettoyage des fichiers, mailings, traduction…). Cette nouvelle organisation a pour objectif de gérer de façon optimale le “capital public” au service de la mission du site culturel, la res- ponsabilité de la relation avec le visiteur étant désormais partagée (à divers titres, naturelle- ment) à tous les niveaux de l’institution. Reconnaissons néanmoins que dans des ins- titutions dont les personnels sont souvent en nombre insuffisant, le fait de tenir à jour et d’entretenir une base de données représente une réelle charge de travail qui doit dès lors être évaluée de façon réaliste pour mesurer l’intérêt d’une telle approche – certes promet- teuse – pour tel ou tel établissement. Selon Claire Besson (Orchestre de Paris) : “La GRC est un outil formidable, mais qui demande beaucoup de travail. Il faut donc choisir la sim- plicité et ne pas se lancer dans des usines à gaz.” TÂCHES LOURDES. Les tâches à prendre en compte peuvent en effet se révéler particuliè- rement lourdes pour les sites culturels d’une taille modeste, qui devront ajuster les presta- tions offertes aux moyens humains disponibles. Ces tâches concernent notamment : la mise à jour et l’amélioration des fonctionnalités du site internet, la numérisation des contenus, la traduction des informations proposées, la réponse aux requêtes des internautes, l’envoi d’une lettre d’information, l’animation de forums de discussion, l’archivage des com- muniqués de presse, la conception de jeux, la gestion des droits, les études sur les utilisa- teurs et internautes, la négociation des parte- nariats, le suivi des évolutions des matériels et des logiciels, la maintenance technique, la formation, etc. Autre difficulté – propre à toutes les orga- nisations, mais peut-être moins sensible dans le secteur culturel –, celle qui tient à la circu- JEAN-MICHEL TOBELEM
  • 9. CAHIER LE RENOUVEAU DES MUSÉES 136 ESPACES 318 • MAI-JUIN 2014 lation et au partage de l’information, encore considérée par certains comme un instrument de pouvoir. Il s’agit là d’une question de “cul- ture organisationnelle”, qui instaure ou bien un fonctionnement pyramidal, cloisonné, hiérar- chisé et bureaucratique (où l’information cir- cule peu et difficilement) ou bien un fonc- tionnement horizontal, en réseau et par projet (qui favorise au maximum la distribution et la diffusion de l’information). COÛT DU DISPOSITIF. Quant au coût du dis- positif, s’il peut être considéré comme un véri- table obstacle pour les petits établissements, il tient sans doute moins au prix des logiciels et des matériels qu’au temps demandé aux individus concernés (la partie nécessaire à l’installation et au fonctionnement du sys- tème allouée par le personnel du site cultu- rel, d’une part ; et le recrutement de profils spécialisés, d’autre part). Pierre-Mary Thibault (société Aldea) indique à ce propos : “Le CRM est avant tout une démarche, un état d’esprit : tout le monde peut ou devrait faire du CRM. Quelle que soit la taille de l’organisation, le principe reste le même : il s’agit d’améliorer et d’indivi- dualiser la relation entre l’institution et ses publics. En réalité, plus on est petit, plus on a intérêt à en faire !” Au-delà d’une diffusion plus rapide de l’in- formation, les possibilités offertes par le déve- loppement des nouvelles techniques dans les sites culturels paraissent être notamment les suivantes : un traitement personnalisé des demandes des publics ; l’envoi d’informa- tions sur le mode push (par courriel ou SMS) ; une sophistication accrue des programmes de fidélisation ; la possibilité de réaliser des enquêtes et tests en ligne ; la création d’outils de mesure et d’analyse d’impact, etc. Une uti- lisation efficace de telles bases de données suppose néanmoins que soient réunies les conditions suivantes : une perception claire des objectifs poursuivis (ces derniers devant demeurer au service de la mission de l’éta- blissement) ; un temps de réflexion suffisant pour préparer le choix et la mise en place des dispositifs techniques ; des moyens financiers et en personnel adéquats (en partenariat, le cas échéant) ; enfin, un suivi dans le temps pour la formation, la mise en œuvre et l’éva- luation des orientations retenues. ■ ■ Finalement, du fait de son caractère struc- turant, l’introduction des nouvelles techniques à tous les niveaux du site culturel peut conduire à une prise en compte renouvelée des publics et – partant – peut participer à l’accompagnement d’un processus de chan- gement, dans le sens d’une organisation plus souple et plus réactive. Ainsi, pour Gilles Duffau (Cinémathèque française), on ne devrait plus pratiquer seulement une “com- munication unidirectionnelle descendante”. Certains observateurs peuvent toutefois se demander s’il ne s’agit pas d’une manifesta- tion supplémentaire de la tendance accrue à la commercialisation de la culture et de l’ef- fet des mécanismes de marché dans le sec- teur culturel dont témoignerait – au-delà d’un phénomène de modernisation organisation- nelle – l’“emprunt” aux techniques marke- ting et de management des entreprises. Mais, là encore, seul le sens de l’utilisation de l’ou- til technique compte : neutre d’un point de vue axiologique, il peut tout aussi bien faci- liter la recherche d’une rentabilité commer- ciale et financière qu’être considéré comme un facteur de modernisation des équipements culturels, au service de l’accomplissement de leurs missions fondamentales. Dans ce sens, parler de “gestion de la rela- tion visiteur” (GRV) permettrait – sans occul- ter la dimension commerciale ou financière – de donner la priorité à la dimension éducative et culturelle ; autrement dit, de se servir des outils qu’offrent les techniques numériques pour approfondir les liens avec les visiteurs actuels ou potentiels des monuments, des musées, des sites archéologiques ou autres centres d’interprétation (mais aussi des salles de spectacles, des auditoriums et des maisons d’opéra). ■