Les Millennials, cette génération née avec la révolution digitale, disposent d’un système de valeurs et des sensibilités qui leur sont propres. Appelés aussi « génération Z » ou « digital natives », ils forment une nouvelle figure de consommation, avec leurs codes, leurs référentiels, leurs motivations et comportements d’achat. L’objectif du petit-déjeuner du 9 janvier 2019 était de mieux comprendre comment les Millennials appréhendent le commerce. Quels rapports les Millennials entretiennent-ils avec le commerce ? Comment achètent-ils aujourd’hui ? Comment évolueront-ils demain ?
Le petit-déjeuner s’est déroulé avec la participation du Professeur Joël Brée, Professeur à l’IAE de Caen-Normandie et à l’ESSCA Business School, d’Emmanuel Durand, Président-Directeur Général France de Snapchat, de Flavien Neuvy, Responsable de l’Observatoire Cetelem, et d’Hager Bachouche, Professeur assistant à l’ESC Troyes. Les débats étaient animés par le Professeur Olivier Badot, ancien doyen à la recherche de ESCP Europe et Directeur scientifique de la Chaire E. Leclerc/ESCP Europe, et Michel-Edouard Leclerc, Président des Centres E. Leclerc et Président de la Chaire.
Petit-Déjeuner du Commerce 4.0. : Millennials et commerce 40
1. Compte-rendu – 17ème
petit-déjeuner E. Leclerc / ESCP Europe
de la Chaire « Prospective du commerce dans la société 4.0 »
Organisé le mercredi 9 janvier 2019 :
« Millennials et commerce 4.0 »
Les Millennials, cette génération née avec la révolution digitale, disposent d’un système de valeurs et
des sensibilités qui leur sont propres. Appelés aussi « génération Z » ou « digital natives », ils forment
une nouvelle figure de consommation, avec leurs codes, leurs référentiels, leurs motivations et
comportements d’achat. L’objectif du petit-déjeuner du 9 janvier 2019 était de mieux comprendre
comment les Millennials appréhendent le commerce. Quels rapports les Millennials entretiennent-ils
avec le commerce ? Comment achètent-ils aujourd’hui ? Comment évolueront-ils demain ?
Le petit-déjeuner s’est déroulé avec la participation du Professeur Joël Brée, Professeur à l’IAE de
Caen-Normandie et à l’ESSCA Business School, d’Emmanuel Durand, Président-Directeur Général
France de Snapchat, de Flavien Neuvy, Responsable de l’Observatoire Cetelem, et d’Hager
Bachouche, Professeur assistant à l’ESC Troyes. Les débats étaient animés par le Professeur Olivier
Badot, ancien doyen à la recherche de ESCP Europe et Directeur scientifique de la Chaire E.
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2. Leclerc/ESCP Europe, et Michel-Edouard Leclerc, Président des Centres E. Leclerc et Président de la
Chaire.
Qui sont les Millennials?
Digital natives et digital migrants
« Quand on parle de Millennials, on parle de digital natives, de Génération Z », commence le
Professeur Joël Brée. Cette notion qui a été théorisée pour la première fois par Karl Mannheim en
1952, fait référence à « un ensemble d’individus qui se caractérisent par le fait d’avoir les mêmes
référentiels dans la manière dont ils interagissent dans leur environnement dans la mesure où ils
sont nés à la même époque et ayant vécu les mêmes évènements », précise le Professeur. Une grille
de lecture qu’il qualifie toutefois de « floue » et de trop « grossière » pour réellement obtenir une
unité dans cette dimension générationnelle.
Ainsi, Mark Prensky propose une approche différente de la question en opposant digital natives et
digital migrants, qui se définissent par une appropriation des nouvelles technologies à une période
plus avancée de leur vie. Une grille de lecture plus intéressante selon le Professeur Joël Brée puisqu’
« une même classe d’âge peut voir collaborer des digital natives avec des digital migrants. »
Le rôle majeur de la construction identitaire
Certaines constantes existent toutefois, qui transcendent les générations : « ce qui caractérise
l’adolescence, c’est la période où les fondements de l’identité vont se construire », explique le
Professeur. « C’est une période d’interrogation qui les poussent à se tourner vers d’autres personnes
dans la même situation », une circonstance qui justifie l’importance du groupe, au sein duquel les
individus bénéficient d’un « effet miroir », et constatent des situations qu’ils ne sont pas seuls à
partager, en plus d’un « effet béquille », car le groupe aide à traverser ces périodes de recherche
identitaire.
Le règne de l’expérience dans un contexte omnicanal
Bien que ressemblant à toutes autres générations grandissantes des différentes époques, les
Millennials vivent « une période de transition », notamment par le développement d’une nouvelle «
culture de la transmission : l’imprimé se voit remplacé par une culture issue des technologies
numériques », souligne le Professeur Joël Brée, ils sont aussi habitués à un contexte de crises
successives, rendant les Millennials « très pragmatiques, assez peu idéologiques et plus réalistes dans
leurs manières de réagir avec leur environnement. »
De même, le rapport des Millennials au monde de l’entreprise et aux marques est chamboulé : du
fait de cette maîtrise presque inhérente du numérique et de cet état d’esprit nouveau, cette
génération omnicanal, marquée par la porosité entre les mondes en ligne et hors ligne, challenge les
enseignes qui doivent d’adapter pour satisfaire leurs nouveaux comportements d’achats. Pour les
Millennials, « l’espace physique, c’est d’abord une expérience », nous dit Joël Brée. « Ils maîtrisent
les codes de la consommation, ils ne rejettent pas d’ailleurs cette consommation, mais pour eux,
consommer est un moyen, et non pas une fin. »
3. Snapchat, le règne de l’image et du fun
Emmanuel Durand, Président-Directeur Général France de Snapchat, précise d’abord quelques
chiffres concernant l’utilisation de l’application mobile Snapchat : « en France, quatre cinquième des
utilisateurs de Snapchat ont plus de 18 ans. C’est 13 millions d’utilisateurs qui vont sur l’application
chaque jour et de manière très fréquente, avec en moyenne, une trentaine de visites par jour. » Des
chiffres qui parlent d’eux-mêmes et qui viennent illustrer la qualification des Millennials de «
génération mobile » évoquée par le Professeur Joël Brée.
Qu’est ce qui attire cette génération au travers de l’application Snapchat ?
« La photo comme langage plutôt que comme stockage », souligne Emmanuel Durand pour justifier
de l’utilisation de Snapchat : « Il s’agit avant tout d’une messagerie pour communiquer, et il est plus
facile de communiquer une émotion avec une photo que par du texte. »
Au-delà de l’image, nouvelle forme de communication de ces digital natives, l’expérience virtuelle
au sein de l’univers réel prend de plus en plus d’ampleur
Les « Lens », des outils de réalité augmentée disponibles dès l’ouverture de l’application, aussi
connues sous le nom de « filtres », en plus d’être quotidiennement utilisées par la communauté
d’utilisateurs de Snapchat pour ses photos, sert également à la stratégie de communication des
entreprises.
Par exemple, Orange, durant les fêtes
de fin d’année, créa une « Lens »
uniquement disponible en magasin, qui
permet l’apparition virtuelle d’un sapin
de Noël : en le sollicitant à plusieurs
reprises, le sapin fait apparaître un
cadeau dont le consommateur pourra
bénéficier.
« On note une dynamique branding et gaming pour engager les Millennials, et ça se passe dans les
magasins et ça peut aller jusqu’à une conversation (des cadeaux reçus) en ligne ou sur place », ajoute
Emmanuel Durand.
Sephora prit un parti similaire en proposant une « chasse aux étoiles » dans l’ensemble de son
réseau de magasin en France, dont la récupération via une « Lens » Snapchat permettait de gagner
des cadeaux. Emmanuel Durand certifie « une création de trafic très significative » lors de cette
opération, témoignant de l’imbrication du monde physique et virtuel : « il n’y en a pas un qui chasse
l’autre, le virtuel ici est une addition d’usages. »
Millennials et magasins : la fracture est loin d’être consommée
« Millennials et magasins : la fracture est loin d’être consommée » : voici le titre d’une étude
conduite au sein de l’Observatoire Cetelem, et dont les résultats sont présentés par son Directeur,
Flavien Neuvy. « Les Millennials ne nous disent pas, à la suite de l’étude, qu’ils ne veulent plus se
rendre en magasin ; ils ne nous disent pas, qu’ils rêvent d’un monde purement virtuel », introduit ce-
4. dernier. En effet, sur un échantillon de 13 000 millennials interrogées partout en Europe, « 57%
répondent éprouver plutôt du plaisir à se rendre en magasin effectuer leur shopping, et donc, il n’y a
pas de rejet à priori à se déplacer », nous révèle le Directeur de l’Observatoire Cetelem.
Malgré des chiffres rassurants concernant cette thématique, des points plus alertant aussi qui
témoignent d’un « besoin que les magasins prennent en compte un certain nombre de réalités »,
explique Flavien Neuvy. En effet, on se rend compte en interrogeant différentes classes d’âge sur
leur perception des Millennials, de différences significatives entre deux populations : la génération
des 18-34 ans, et donc les Millennials eux-mêmes, se perçoit plutôt comme responsable, travailleuse,
tolérante, ambitieuse, patiente, pacifique. Là ou à contrario, la perception des 35-75 ans se tournent
davantage vers des qualificatifs tels que : paresseux, impatient, immature, matérialiste,
individualiste, insouciant, agressif, blasé. « C’est très révélateur du regard que nous portons sur cette
génération », constate Flavien Neuvy. Il parle même d’un « regard sévère qui ne correspond pas à
mon avis à la réalité », et qui interpelle sur la vision des Millennials au sein des entreprises, « sur la
façon dont nous les percevons et dont nous nous adressons à eux. ». Pour en savoir plus, l’étude est
disponible sur le lien suivant : https://observatoirecetelem.com/wp-content/themes/obs-cetelem-
V3/publications/2018/observatoire-cetelem-consommation-2018.pdf.
Millennials et marques-employeurs
Réalisée auprès d’un échantillon de plus de 500 étudiants en Université et écoles, l’étude révèle la
perception du commerce par cette population en trois mots : la vente, le dynamisme et le challenge.
« On voit bien, donc, que le défi et l’expérience sont perçus par les étudiants », constate Hager
Bachouche. Par la suite, on découvre que 25% des interrogés souhaiteraient entamer une carrière
chez un distributeur à la fin de leurs études, et plus de 40% chez un industriel ou une marque.
Enfin, les interrogés placent les enseignes telles que Carrefour, Auchan, Décathlon, E. Leclerc et
Monoprix en haut du classement, comme magasins chez qui ils se verraient le plus travailler, dès leur
sortie d’étude. Des chiffres élogieux pour ces grandes enseignes de la distribution qui attirent par
leur notoriété, leur dynamisme perçu, la valeur de l’expérience à retirer, l’ambiance, les valeurs, le
cheminement de carrière, ou encore, la proximité.
Autant de raisons qui laissent entrevoir encore un bel avenir pour le monde du commerce et à ses
consommateurs, qui, malgré la fracture digitale vécue par tous, de près comme de loin, semblent se
retrouver sur une nécessité commune, et qui les attire toujours : le magasin physique mais connecté.