1. Les 30 ans de la Qualité (Istia)
Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE)
Je relève le défi de présenter en 20’ le concept de responsabilité
sociétale des entreprises ou RSE qu’en ce jour anniversaire j’ai envie
de mettre en parallèle avec l’historique du mouvement qualité.
Permettez-moi aussi de saluer les étudiants présents, les anciens de
l’istia qui nous font l’amabilité de nous rejoindre et les enseignants
dont certains d’ailleurs ont agit en véritables visionnaires dans
l’enseignement de la qualité.
Il est intéressant d’observer que le mouvement qualité a précédé celui
de la RSE en mettant tout d’abord le client au coeur de l’entreprise.
Cette idée devenue triviale aujourd’hui a pourtant a soulevé nombre de
débats à une époque de pleine croissance où le consommateur devenait
exigeant. La vocation de l’entreprise … s’affichait clairement alors au
service du client dans une finalité économique toutefois. L’on connait
les conséquences de cette hypothèse dans les multiples changements
organisationnels et managériaux : la vague ISO 9000, le management
de ou par la qualité, les logiques projet, les organisations semi-autonomes,
le lean management et l’agilité par exemple … En ce
moment même les entreprises du secteur informatique confrontées à
la complexité de la conception des applications découvrent la nécessité
de faire entrer le client dans des processus itératifs en réduisant par
exemple la négociation contractuelle au profit d’une coopération
intelligente et en réalité plus naturelle. Le client devient co-reponsable
de ce qu’il demande, ce n’est pas ridicule.
Progressivement la qualité étend son périmètre à l’ensemble dit des
parties prenantes, cette idée n’est pas nouvelle pour les promoteurs
de la qualité. En 1992 déjà (année du sommet de Rio et de l’agenda
21), la Fondation Européenne pour la qualité (EFQM) avec son
modèle d’excellence avait insisté sur l'idée que la qualité ne pouvait
1
2. pas se penser autrement qu’à travers la recherche de satisfaction pour
toutes ses parties prenantes : actionnaires, clients et fournisseurs
pour la dimension économique, mais aussi salariés et collectivité pour
la dimension sociale. Ce que l’on peut voir comme la tentative
d’intérêts mutuels et d’équilibre entre toutes ces attentes qui par
construction restent assez divergentes. L’ISO 9004 en 2000 avait
repris cette hypothèse, mais l’approche contractuelle ISO 9001 en
avait limité la portée en n’insistant que sur la satisfaction Du client.
De nombreuses entreprises avaient cependant expérimenté des
démarches participatives en tentant de réconcilier les attentes des
Dirigeants avec celles des salariés ou en lançant des logiques de
partenariats avec les fournisseurs. Les qualiticiens savaient bien que
sans cette recherche d’équilibre il ne pouvait y avoir de construction
pérenne de démarche qualité, leur fonction transversale leur donnait
en effet l’accès à de nombreux dysfonctionnements managériaux.
Entre temps la montée croissante des risques technologiques et son
principe de précaution en corolaire étendent la maîtrise de la qualité à
celle de la sécurité et de l’environnement. En plus de leur fonction les
qualiticiens prennent des responsabilités en sécurité ou en
environnement ou dans la réunion des trois dans ce qui s’appellera le
management intégré. Comment en effet l’entreprise pouvait-elle
continuer à se prévaloir d’un niveau de qualité sans être en capacité
de répondre à des exigences sécuritaires ou environnementales ?. Ces
orientations seront réintégrées dans l’approche RSE par la suite.
Parallèlement émergent le concept de responsabilité sociale au cours
de la même période (années 80-90) avec une vision plutôt utilisatrice
au service de l’image et de la rentabilité. Il est question alors de
reporting visant à démontrer que les grandes entreprises satisfont aux
obligations légales mais sans remise en cause d’aucun processus de
production ni de gouvernance.
Un peu plus tard en 2000, la RSE fait face au concept de
durabilité économique, écologique et sociale sans pour autant
2
3. hiérarchiser ces 3 domaines. Enoncé plus simplement la RSE c’est la
contribution des entreprises aux enjeux du développement durable.
D’autres textes fondateurs apparaissent alors : le pacte Mondial lancé
par Kofi Annam en 1999, le textes de l’OIT, de l’OCDE, le livret vert
de la commission Européenne, la loi NRE en 2011 en France.
La responsabilité sociétale se précise et établit cette fois une
hiérarchie entre les 3 domaines : la préservation de l’environnement
est une condition (1/3 des ressources planétaires ont déjà été
consommées et questionne à ce titre la sacro sainte croissance),
l’efficacité économique est un moyen (alors que l’économie
financière l’a fait apparaître comme le but ultime) et le
développement humain est l’objectif. Et cette façon de voir progresse
dans toutes les sphères de la société … occidentale.
«Etre socialement responsable signifie non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables,
mais aller au-delà et investir davantage dans le capital humain, l’environnement et les relations avec les parties
prenantes. Commission de l’UE en 2001.
Au cours de l’année 2010, l’ISO 26000 attendue fait irruption, elle
définit la RSE comme « la responsabilité d’une organisation vis-à-vis
des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et sur
l’environnement se traduisant par un comportement éthique et
transparent.
L’objectif général formulé est donc clairement la contribution des
organisations au développement durable. La démarche est
positionnée au coeur de l’activité et non à la périphérie. Pour
autant l’ISO 26000 n’a guère questionnée l’acte de production lui
même, le contenu de son organisation ni même de son orientation1.
La Commission européenne a présenté en octobre 2011 sa stratégie
sur la RSE, assortie d'un plan d'action pour la période 2011-2014. Ce
1 Extrait du rapport de la chaire de développement Humain et Durable de l’Ecole des Mines de
Nantes, l’engagement sociétal Samuel Aubin
3
4. texte montre que les autorités européennes voient désormais la RSE
comme une réponse à la crise et comme un outil de régulation des
entreprises.
Les entreprises sont encouragées à adopter vis-à-vis de la RSE une
approche stratégique à long terme, et à explorer les possibilités de
concevoir des produits ou des services et des modèles d’entreprises
innovants qui contribuent au bien-être de la société et débouchent
sur des emplois de meilleure qualité et plus productifs » . Cette idée
ne tardera à se traduire dans la législation Française et dans les
guides associés.
Le CDJ ( Centre des Jeunes Dirigeants) dans sa tradition humaniste
affirme quant à lui que l’entreprise n’est ni une fin en soi, ni le profit
une fin pour l’entreprise, et propose aujourd’hui une approche de la
performance globale. Une entreprise avec l’objectif de performance
durable est une entreprise qui :
· se projette dans l’avenir et qui bâtit des stratégies à moyen terme
· fait participer ses salariés à ses processus de décision,
· a des préoccupations fortes d’épanouissement et d’employabilité
des salariés, …/…
· développe de manière structurée le dialogue entre ses différentes
parties prenantes,
· fonde ses relations clients et fournisseurs sur une éthique
équitable et durable,
·met l’innovation au coeur de sa stratégie,
· respecte son environnement,
· a une forte préoccupation de la société civile et favorise
l’implication de ses représentants dans la vie de la cité.
J’arrête ici la profusion des concepts qui accompagnement l’idée de la
RSE et en j’en viens à quelques enseignements pour le futur.
L'entreprise ne peut plus donc être pensée dans son périmètre étroit,
4
5. et ne pas intégrer par exemple le coût de ses externalités négatives au
niveau social ou environnemental. Pendant de nombreuses années
l’entreprise s’en dédouanait en payant des taxes ou des primes
(exemple : un atelier produit qui de la poussière règle la question en
négociant avec les partenaires sociaux une prime de poussière), c’est
l’approche de la réparation sociale. La loi ne doit pas interdire les
plans sociaux mais par contre l’entreprise ne peut pas licencier sans
s’être préoccupé par l’employabilité de ses salariés sur un territoire, il
en va de sa responsabilité, et l’actualité montre très clairement le
renforcement de cette politique. De la même façon l’entreprise ne peut
plus fermer les yeux sur l’origines des matières 1ère qu’elle transforme.
Il est d’ailleurs assez surprenant de constater qu’il n’existe pas de
véritable définition juridique de l’entreprise, seule le concept de
société existe2. Elle est définit en économie comme un agent
producteur et maximisateur de profit.
La finalité même de l'entreprise est requestionnée (et ce n’est plus
une question saugrenue face à l'effondrement des logiques financières,
de la dégradation de l’environnement, de l’obsolescence programmée
des produits, de la diminution de qualité des aliments (1,5M de
malnutris obèses dans le monde), de l’augmentation du stress, des
licenciements, de la diminution de la qualité de vie etc.… Une
entreprise sert aussi une finalité sociale, une raison sociale comme
elle a existée par le passé où les actionnaires avaient moins de pouvoir
sur les dirigeants. Les normes comptables doivent être reconçues car
ne reflètent pas la destruction de valeurs ajoutées dans tout le cycle
de production. Nous ne payons de toute façon pas nos produits au prix
réel au regard de toutes ses dépenses ajoutées au sens sociétal.
Pour prolonger le formidable mouvement qualité, la question qui se
pose aujourd’hui est bien de savoir comment passer d'une démarche
qualité interne à un processus de transformation au sein de
l'entreprise dans son territoire et dans la société toute entière.
2 L’engagement sociétal Samuel Aubin
5
6. Les exemples d’entreprises qui s’engagent sociétalement sont
multiples,
· Les entreprises Belem à Machecoul (entreprise racheté avec une
partie de salariés) et une association regroupant plus de 80
entreprises engagées dans la RSE.
· IMA à Nantes avec son approche d’entreprise libérée,
· Favi dans la Somme (a supprimé tous les contrôles et s’inscrit
pour durer dans sa vision et qui fixe qu’il n’y a pas de
performance sans bonheur),
·ATM à Angers avec la mis en place d’un comité d’éthique
composé de toutes catégories de personnel.
· Patagonia avec son Initiative Common Threads (5R) : Réduisez,
Réparer, Réutiliser, Recycler, Réinventons. Un nouveau pacte
de responsabilisation de l’entreprise et des consom’acteurs.
· des initiatives locales dans de nombreux réseaux et associations.
Initiative en Pays de Loire qui à lancer un débat citoyen auprès
de 2000 personnes sur ce qui était le plus essentiel pour la
population sur le territoire
· Des grandes écoles qui s’engagent (l’exemple de Kedge à
Marseille)
Conscient que ces démarches RSE n’en sont au début et que nous
sommes face à un immense chantier, je ne peux pas m’empêcher en ce
jour d’anniversaire de faire le parallèle avec les réflexions d’y il a
30ans, le scepticisme et la frilosité étaient de même nature et c’était
en évangélisateurs que les qualiticiens passaient une grande partie de
leur temps à convaincre les patrons de l’impératif qualité.
J’ai envie de dire que nous sommes au même point avec la RSE sur
une dimension bien plus élargie mais qui contient toujours en
substance l’exigence qualité avec une dimension supplémentaire : celle
de l’éthique. Le mouvement est enclenché parce qu’il fait sens et que
de toute façon, qu’on le veuille ou non, cette nouvelle posture s’impose
6
7. à chacun d’entre nous. La nouvelle génération Y est semble t’il bien
plus sensibilisée.
L’éclatement des hiérarchies sous toutes ses formes (les 7P), les
crises superposées sans précédent, l’aspiration des citoyens à vivre
autrement, la montée en puissance des réseaux, la fin probable de
l’économie massifiée propre au XXè siècle, le web 3.0 redéfinissent
des nouveaux enjeux ou les questions sociétales deviendront
essentielles. Certaines grandes entreprises l’anticipent déjà, mais c’est
des petites entreprises que la dynamique est la plus espérée. La RSE
constitue pour elles un formidable gisement d’innovation
technologique et de nouveaux services associés.
Sur un plan social nous observons une montée de la pression
législative (diversité, senior, risques psycho sociaux, ..) . Des
initiatives fleurissent sur le bien être au travail (wellness
management), qui deviendra un facteur réel de création de valeurs (le
stress négatif diminue de 60% la productivité et la créativité des
équipes), des nouvelles organisations en réseaux et agiles, des
communautés de pratiques ( ex google) ou la liberté des individus est
facteur de développement, l’unité de temps et de lieu explose, le
télétravail s’accélère et rendra obsolète le contrôle des individus. Dans
la nouvelle économie qui se dessine la compétence cède la place au
talent, le prix à la valeur d’usage, la hiérarchie au réseau, la
productivité à la créativité, la quantité à la qualité, …la question
demeure 3
A la jeune génération majoritairement présente dans cette salle, j’ai
envie de transmettre ce message : vous vivrez probablement cette
mutation, vous ne pourrez éviter ces questions surtout dans vos
métiers transverses et évolutifs et pour peu que vous y soyez
sensibles, vous serez naturellement sollicités pour participer à cette
aventure. Comme l’idéogramme du mot crise en chinois qui signifie
menace et opportunité, ce sera à la fois inquiétant parce que nous
3 Marc Halevy, Prospective2015-2025, l’après modernité
7
8. sommes entrés dans une période de grande turbulence mais aussi
passionnant parce qu’il faudra réinventer d’autres manières de
concevoir les produits et les services, de vivre ensemble dans les
entreprises et dans la société et probablement d’être.
Merci pour votre attention.
Serge Masserot
9 novembre 2012
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