1. Le service est
la clé numéro un
de la différenciation/
fidélisation.”
NOUVEAU !
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Retrouvez l’humeur
de Bertrand Guely
sur son végéblog :
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353/mars 2018
GRANDE DISTRIBUTION Regard d’expert
par Bertrand GUÉLY
V
oici un rapide inventaire des rai-
sons qui peuvent inciter nos pro-
ducteurs les moins aventuriers à
copier le voisin plutôt qu’à penser
différemment :
•Indépendamment de la taille de son exploi-
tation et de son ouverture sur le modernisme,
un producteur reste d’abord un paysan. De
fait, il a tendance à consacrer peu d’argent à la
R&D et à l’innovation, préférant les dépenses
dont, tangiblement, « il reste quelque chose » en
hectares, machines ou bâtiments qui, eux, rap-
portent tout de suite.
• Par ailleurs, la transmission familiale des
actifs est parfois difficilement dissociable d’une
certaine obligation du repreneur à la conti-
nuité. C’est le fameux « on a toujours fait de la
Bintje » ou le « je ne peux quand même pas arra-
cher les arbres que mon grand-père a plantés » !
• L’idée reçue – fausse – que la première
gamme se prête finalement peu à sortir du
cadre, alors que les exemples de produits
différents qui cartonnent sont légion : la bar-
quette de sucrine tient encore la dragée haute
à la quatrième gamme en Espagne, sa majesté
Pink Lady, dont le trône est pourtant ardem-
ment convoité par une compotée d’intrigantes
prêtes à tout sous le film pour sortir de l’anony-
mat, reste une des meilleures ventes du sous-
rayon pommes, les sachets de pommes de
terre micro-ondables sont en passe de devenir
le meilleur ami pour la raclette du célibataire…
•L’absence d’imagination (et de talent ?) est
mère de plagiat. Beaucoup de « nouvelles »
pommes club, mais peu de chair rouge (bonne
chance à Red Moon !), peu de poires club
(condoléances à Angelys !)…
•Comme sur le Titanic, beaucoup des nau-
fragés de la production du me-too s’entassent
sur les mêmes canots de sauvetage, quitte à les
faire couler. Il suffit qu’une espèce/variété s’en
sorte bien une saison pour que tous plantent
la même, au sens propre et malheureusement
aussi au sens figuré quelques années après
quand il y aura pléthore et que les acheteurs
flingueront à grands coups de tenders.
• Faire différent coûte plus cher au départ
et, dans une filière de moins en moins rému-
nératrice pour la production, le retour sur
investissement court terme prévaut : R&D
NOUSAVONS PARLÉ INNOVATION DANS UNE RUBRIQUE PRÉCÉDENTE.
IL EXISTE EN PARALLÈLE UN MAL ENDÉMIQUEÀ NOTRE FILIÈRE QUI EST
DE COPIER, PLUS OU MOINS HABILEMENT, PLUTÔT QUE D’APPORTER. LESACTEURS
RUPTURISTES SONT MALHEUREUSEMENT RARISSIMES.
Des places pour les
fournisseurs rupturistes
2. Du « me too » au « think different »
Le mois prochain :
Pourquoi le métier d’importateur
est-il en danger ?
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pour les nouvelles variétés, éclaircissage
important pour faire du calibre, cueillette
en plusieurs passes pour resserrer la matu-
rité, travail d’identité visuelle et de commu-
nication… Orangered n’a pas été un FruitStar
tout de suite et peut-être que les vieux mou-
tons ardéchois l’ont d’abord regardé sortir de la
Bergeron avec amusement. Mais, attendez un
instant avant de fustiger l’immobilisme de nos
producteurs. Eux au moins ont l’excuse finan-
cière d’avoir souvent du mal à joindre les deux
cornières en fin de mois, ce qui n’est pas le cas
de la GMS.
•Une certaine propension des clients à faire
comme les copains et/ou à faire comme avant
est également un frein. On le note même dans
les expressions de la profession : « repasser sur
le chiffre » (et pourquoi pas le dépasser ?), la
tenue a posteriori du « cahiers d’événements »
(et pourquoi pas le relevé des nouvelles idées
à faire incuber ?), le « plan promotionnel
annuel » (comment prévoir annuellement
alors qu’on ne connaît pas les aléas de la pro-
duction à quelques semaines/jours ?)… On
comprend mieux pourquoi la seule acception
du terme « rupture » qui parle aux distribu-
teurs soit plus celle du cauchemar du chef de
rayon plutôt que le nécessaire sursaut appor-
tant la différenciation.
•Idem concernant le copier/coller au retour
d’un « relevé concurrence ». L’îlot fraîche
découpe semble fonctionner chez l’un ? L’autre
copie, mais qui pour une mini-crèche/labo
de cuisine qui montre la cuisine aux enfants
pendant que maman fait les courses en paix ?
Tout point de vente veut aujourd’hui mettre
à l’honneur ses fournisseurs locaux mais qui
pour installer un supermarché au cœur même
de l’exploitation ? Qui pour faire pousser son
maraîchage sur le toit du point de vente et per-
mettre au consommateur de faire couper en
live ses légumes ? Quand le consommateur
est partout ailleurs rendu captif par de plus en
plus d’abonnements (téléphone, internet, mais
aussi gros électroménager, etc.), on s’empêtre
encore en F&L avec la poussiéreuse carte de
fidélité (et encore, pour les produits gencodés)
et personne, à part quelques amapes, ne pro-
pose un abonnement en F&L, avec panier type
préconisé, offres découverte, aide à la cuisine à
domicile avec un certain montant d’achats.
En fait, les enseignes traditionnelles sont fina-
lement assez frileuses et le think different vien-
dra souvent de nouveaux entrants réellement
rupturistes. Il est très probable, si cela n’existe
pas déjà, que nous aurons demain des points
de vente dédiés aux seuls produits d’importa-
tion (résistance face au diktat du tout local qui
fait du consommateur un mangeur de carottes
et pommes 12 mois sur 12), d’autres 0 pesticide
et 0 emballage et au personnel mieux rému-
néré, tant les 3 concepts font sens ensemble,
d’autres 100 % pesée assistée, car le service est
la clé numéro un de la différenciation/fidélisa-
tion, des points de vente avec des conseillers
à qui vous confiez un budget et qui achètent
pour vous les meilleurs plans du moment, des
distributeurs affrétant des food-trucks vegan se
positionnant à midi et à 18h (achat en passant/
partant) sur les esplanades des grands centres
d’affaires. Monsieur, réveillez-vous, on est
arrivés !
Si l’innovation de rupture vous tente,
voici trois conseils :
1 Raisonner davantage comme quelqu’un devant
résoudre un problème du client/consommateur que
comme un vendeur basique. Quelques exemples
pour aider un acheteur à résoudre ses pro-
blèmes : le chiffre d’affaires incrémental, c’est-à-
dire une vente qui ne se fait pas à la place de,
mais en plus de ; la recherche de valeur : handi-
capé par la politique du « toujours moins cher »,
le chef de rayon cherche désespérément des
produits chers au kilo (de l’intérêt des petits
fruits rouges, des pêches/nectarines sanguines,
des avocats prémûris) ; la lutte anti-casse et anti-
démarque inconnue : au-delà de son crunch,
Jazz jouit de la réputation de pomme solide.
Et quelques exemples pour répondre aux
attentes de Madame Michu : la garantie de gus-
tativité, une des raisons qui a permis à l’ananas
Extra Sweet de reléguer ses cousins au rang de
has-been ; la facilité de préparation : de là sont
nés la tête de brocoli filmée et le sachet de hari-
cots verts éboutés.
2 Jauger la limite entre le concept rupturiste et
l’ovni dont personne ne voudra.
3 Ne vous arrêtez jamais si vous arrivez à prendre
un peu d’avance, car les concurrents sont déjà en
train de copier la chose.
Bien sûr, il est plus fatigant de rouler seul en
dehors du peloton qu’à l’abri des concurrents,
mais c’est le prix à payer pour s’offrir une
chance de gagner la course.
Berlin vaut bien ein Messe!
De retour de l’incontournable Fruit
Logistica, je m’interroge, non pas que
ce must-go ait changé… justement
parce qu’il ne change pas ! J’ai déjà eu
l’occasion de m’exprimer sur le caractère
parfois inhospitalier de cet hydre et sur
les excès qu’il engendre parfois chez
quelques âmes simples. De même,
je reste perplexe sur l’arrière-goût de
déjà vu que laisse une traversée de ces
halls gigantesques, bruyants et très
impersonnels. Finalement, au-delà de
copies de ce qui fonctionne déjà chez
d’autres, qu’avez-vous vu de rupturiste ?
Une fois serrées les centaines de mains
aux personnes à qui on promet avec
la franchise d’un Cahuzac de repasser
les voir plus tard, combien de contacts
fructueux quand les référencements sont
déjà pour la plupart signés ? Bien sûr,
économiquement parlant, on regroupe
des dizaines de rendez-vous sur quelques
jours avec un billet d’avion, mais prenez
une feuille blanche et listez les items
réellement différents pour notre filière
découverts cette année. Vous verrez, ça
fait réfléchir.
Shake, rattle and roll
Alors que les imitateurs se déchaînent
à copier le shaker de tomates cerises,
les plus inventifs continuent à chercher
la rupture, comment faire différent et
comment développer la consommation
snacking et nomade. J’ai rencontré à
Berlin un Hollandais qui propose un
concept de roue à tomates cerises
alimentée par des recharges en carton,
un peu à la façon d’un distributeur de
boules de chewing-gum. Bien sûr, des
détails restent à étudier : solidité des
variétés pour éviter l’écrasement, pillage
inévitable si l’appareil est en libre service,
réticence du client à acheter ce qu’il ne
voit pas… On est bien là dans le think
different.