Parmi les fonctions occupées par des cadres, les fonctions de la production industrielle et, dans une moindre mesure, des services techniques sont identifiées sur la période récente comme des fonctions pour lesquelles les recruteurs éprouvent des difficultés à recruter. Une étude fait le point sur la nature de ces difficultés, leurs causes et les solutions que les entreprises et d’autres acteurs des filières industrielles y apportent. L’étude s’est focalisée sur quatre secteurs d’activité qui représentent 60 % des recrutements de cadres en production industrielle et en services techniques : Mécanique-métallurgie, Automobile-aéronautique, Industries pharmaceutique et chimique, et Agroalimentaire. Ce document présente la monographie du secteur de la Mécanique-métallurgie.
Etude Apec - Attractivité des entreprises et emplois cadres en Guadeloupe, no...
Etude Apec - Les difficultés de recrutement de cadres en production industrielle dans le secteur de la mécanique métallurgie
1. LESÉTUDESDEL’EMPLOICADRE
Monographie sectorielle du secteur
de la Mécanique-métallurgie
- Diagnostic des difficultés
- Quelles solutions
Enquête qualitative
N°2016-36
AOÛT 2016
–LES DIFFICULTÉS DE
RECRUTEMENTS DE CADRES
EN PRODUCTION INDUSTRIELLE,
DANS LE SECTEUR DE LA
MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE–
Parmi les fonctions occupées par des cadres, les
fonctions de la production industrielle et, dans
une moindre mesure, des services techniques
sont identifiées sur la période récente comme des
fonctions pour lesquelles les recruteurs éprouvent
des difficultés à recruter. Une étude1
fait le point
sur la nature de ces difficultés, leurs causes et les
solutions que les entreprises et d’autres acteurs
des filières industrielles y apportent. L’étude
s’est focalisée sur quatre secteurs d’activité
qui représentent 60 % des recrutements de
cadres en production industrielle et en services
techniques : Mécanique-métallurgie, Automobile-
aéronautique, Industries pharmaceutique et
chimique, et Agroalimentaire. Ce document
présente la monographie du secteur de la
Mécanique-métallurgie.
1. Les difficultés de recrutement de
cadres en production industrielle,
Apec, coll. Les études de l’emploi
cadre, n° 2016-35, août 2016
2. APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENTS DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE, DANS LE SECTEUR DE LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE2
–ÉLÉMENTS DE CONTEXTE SECTORIEL–
–
QUELQUES CHIFFRES
–
En 2015, le secteur de la Mécanique-métallurgie
représentait 650 000 salariés2
soit une partie non
négligeable (21 %) de l’emploi industriel français.
Toutefois, à l’instar de l’ensemble de l’industrie, sa
taille s’est réduite d’année en année : de 2009 à 2015,
le volume d’emplois a diminué de 8 %. Les entreprises
de ce secteur se concentrent principalement dans les
activités mécaniques (Métallerie et fabrication
d’équipement) tandis que le secteur de la métallurgie
ne représente que 13 % de la Mécanique-métallurgie.
Cette filière s’articule autour de trois activités
principales : la métallurgie, le travail des métaux, la
fabrication de machines et d’équipements.
Pour 2016, les entreprises prévoient une hausse de leurs
recrutements de cadres, avec des volumes d’embauche
situés entre 7 100 et 6 3003
(contre 6 600 embauches
en 2015) dont 20 % en production industrielle (+2
points) et 16 % dans les services techniques (achats,
logistique, maintenance, process-méthodes, qualité; -1
point par rapport à 2015). La Mécanique-métallurgie
est le premier secteur recruteur de cadres par rapport
aux autres secteurs industriels, soit 26 % du total des
recrutements cadres industriels en 2015.
Comparativement aux autres secteurs industriels, le
secteur emploie moins de jeunes diplômés (13 %
contre 15 %), favorisant davantage les cadres de 6 à
10 ans d’expérience (31 % contre 26 % dans
l’industrie). Les profils commerciaux sont
particulièrement recherchés dans ce secteur (29 %
des recrutements cadres), suivis des cadres de
production industrielle et chantier (21 %) et des
cadres de la fonction études-RD (20 %)4
.
–
LES PRINCIPAUX ENJEUX
–
Les entreprises du secteur Mécanique-métallurgie
doivent faire face à plusieurs enjeux, de compétitivité,
d’innovation et de développement à l’international.
En termes de compétitivité, la transformation des
matières premières est très liée aux fluctuations du
cours des différents marchés, notamment de l’acier.
La montée des prix des matières premières et la
raréfaction de certaines ressources pèsent sur les
coûts de production. En outre, les entreprises du
secteur sont confrontées à la concurrence de plus en
plus forte des pays émergents, qui gagnent en
compétences et en technicité sur les produits à haute
valeur ajoutée.
L’innovation est dès lors un levier essentiel pour
améliorer sa compétitivité, et gagner des parts de
marché notamment à l’international. Pour renforcer
leur présence sur les marchés en croissance et élargir
leurs débouchés, les entreprises du secteur sont
amenées à revoir leur offre, en proposant de
nouveaux produits et des services complémentaires
aux clients (formation, conseil, maintenance). Les
entreprises du secteur doivent en outre répondre à la
montée des préoccupations environnementales et au
renforcement de la réglementation en termes de
QHSE (qualité, hygiène, sécurité, environnement).
Ces changements nécessitent une nouvelle
organisation de la chaîne de valeur.
Les entreprises entreprennent une modernisation et une
automatisation de leur appareil productif pour gagner
en productivité et en efficacité, par exemple à travers la
mise en place du Lean Manufacturing. La traçabilité des
produits est notamment devenue un enjeu crucial dans
la réorganisation de la production. Ces transformations
impactent les fonctions et les compétences requises de
la part des salariés. Les compétences techniques
attendues sont notamment plus élevées. Dans la
fonction production, les compétences demandées sont
de plus en plus nombreuses et diversifiées. Certaines
compétences transverses sont désormais requises pour
les postes de cadres, comme la gestion et l’optimisation
des stocks, la relation clients, ou encore la gestion de
projet.
De plus, l’internationalisation des marchés et les
mouvements de fusion-acquisition façonnent les
attentes des entreprises. Les cadres de la production
industrielle et des services techniques sont amenés à
être plus polyvalents, bilingues (voire trilingues), à
posséder un excellent bagage technique et à détenir
de bonnes compétences managériales.
« Les entreprises doivent avoir, ce que l’on appelle, la
compétence magique : être techniquement super doué,
avoir un charisme de fou et être un bon manager. »
(Observatoire, Métallurgie)
2. Acoss
3. Perspectives de l’emploi cadre
2016, Apec, février 2016
4. Etre cadre aujourd’hui dans
l’industrie : caractéristiques et
perspectives d’emploi cadre, Apec,
mars 2015
3. APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENTS DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE, DANS LE SECTEUR DE LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE 3
Toutefois, la visibilité sur l’activité étant relativement
restreinte, les entreprises ont des difficultés à
anticiper leurs besoins en main-d’œuvre.
Les besoins des entreprises en recrutement de cadres
tendent à s’accroître dans le secteur de la Mécanique-
métallurgie, en lien avec l’élévation du niveau de
compétences attendu dans l’ensemble des fonctions.
–DIAGNOSTIC DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT–
Certaines entreprises déclarent peu de difficultés de
recrutement au premier abord. Pourtant, en
approfondissant la question, des tensions sont
évoquées sur certains postes. Des difficultés de
recrutement apparaissent notamment pour les postes
d’ingénieurs avant-projets (sur la partie conception).
La fonction conception tend en outre à prendre de
plus en plus d’importance dans le secteur Automobile-
métallurgie, en réponse aux forts enjeux d’innovation
dans les produits et procédés de fabrication.
« Nous avons quelques difficultés de recrutement sur
le poste d’ingénieur avant-projet. Dernièrement, nous
avons fait des propositions contractuelles auprès de
quatre personnes, les quatre ont décliné l’offre. »
(Fabrication d’autres articles métalliques, Mécanique-
métallurgie)
Des difficultés sont également rencontrées pour
recruter des ingénieurs achats. La fonction achats
prend une dimension de plus en plus stratégique du
fait de la forte pression sur les coûts pour préserver
la compétitivité.
« Nous avons un poste cadre qui est très soumis à
tension : le poste d’acheteur. Nos acheteurs ont un
Le niveau de tension ressenti par les recruteurs sur les postes de cadres de la production industrielle
et des services techniques est d’autant plus élevé qu’il s’agit de fonctions essentielles au sein de
leur organisation. Ceci conduit les recruteurs à formuler de fortes exigences vis-à-vis des candidats,
de plus en plus difficiles à satisfaire. Les entreprises interrogées évoquent des tensions en matière
de recrutement, mais peu suivent des indicateurs pour les mesurer. Des marqueurs de tension sont
toutefois évoqués : nombre de CV reçus, nombre de CV pertinents, délai pour pourvoir un poste,
appel ou non à un cabinet de recrutement… Les difficultés soulignées sont aussi relatives au
manque de solidité des candidatures reçues.
bagage technique, couplé à des formations en achats.
On sait qu’il y a des tensions sur le marché. »
(Fabrication de machines pour les industries du
papier et du carton, Mécanique-métallurgie)
Lorsque l’on approfondit la nature des difficultés
rencontrées, quelques compétences en tension sont
souvent évoquées. Les compétences dites techniques
sont généralement jugées satisfaisantes. Les
formations généralistes d’ingénieur procurent en
effet un enseignement technique plébiscité par les
entreprises.
Certains recruteurs déplorent également une
inadéquation des candidatures reçues par rapport
aux exigences décrites dans l’offre d’emploi.
« La difficulté que j’ai rencontrée, c’est que les candidats
ne lisent pas l’offre, en termes de langues par
exemple. » (Fabrication de vis et de boulons,
Mécanique-métallurgie)
« Les gens restent en veille, ils répondent aux offres
mais ils ne concrétisent pas forcément. Ils testent le
marché. » (Fabrication d’autres articles métalliques,
Mécanique-métallurgie)
4. APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENTS DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE, DANS LE SECTEUR DE LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE4
Les compétences linguistiques
Les exigences linguistiques des entreprises sont de
plus en plus pointues. D’une part, les groupes
s’internationalisent et instaurent des modes de
communication interne essentiellement anglophones.
« On fait partie d’un groupe suisse, à Lausanne, donc
on pourrait se dire que les échanges sont en français.
Mais non, c’est beaucoup en anglais. Les autres sites
de production sont en Allemagne, en Italie, en Chine,
en Inde… Donc sur un certain nombre de postes cadres,
on a des exigences en anglais. » (Fabrication de
machines pour les industries du papier et du carton,
Mécanique-métallurgie)
La maîtrise de l’anglais, et surtout de l’anglais
technique, s’impose comme un critère de sélection
non négociable lors du recrutement d’un cadre.
«Auminimum,onattendunebonnemaîtrisedel’anglais.
Même si le niveau d’anglais s’améliore chez les jeunes
ingénieurs, mais ça reste encore parfois un souci. Il y a des
candidats avec lesquels on ne peut pas aller plus loin car
ilsn’ontpasleniveaud’anglais.Parexemple,pourprendre
le poste d’ingénieur avant-projet, ils ne sont pas loin de
75 à 80 % de leur temps en conférence téléphonique en
anglais. Si on peut trouver des germanophones c’est
encore mieux. Mais ça, c’est très compliqué. » (Fabrication
d’autres articles métalliques, Mécanique-métallurgie)
D’autre part, la composition de la clientèle et des
fournisseurs de l’entreprise a aussi une empreinte très
forte sur certains postes. Par exemple, la capacité à
parler anglais peut être essentielle dans le quotidien
d’un ingénieur achats ou d’un ingénieur commercial.
« Les acheteurs vont sourcer à l’international donc là,
c’est clairement inhérent à leur poste. Pour les postes
d’acheteurs, il y a une partie du processus de
recrutement qui va se dérouler en anglais. »
(Fabrication de machines pour les industries du
papier et du carton, Mécanique-métallurgie)
Enfin, selon les marchés détenus par l’entreprise, une
troisième langue peut être un véritable atout voire
un critère de sélection : l’allemand est d’ailleurs
obligatoire dans certaines entreprises du secteur.
« Chez nous, un ingénieur commercial a en charge une
zonedumonde.Doncévidemmentlapersonnequivaêtre
en charge de l’Italie et de l’Allemagne, si elle parle une
troisième langue, c’est plus facile pour entrer en contact
avec nos clients. » (Fabrication de machines pour les
industriesdupapieretducarton,Mécanique-métallurgie)
Ainsi, une entreprise dans la fabrication de vis et de
boulons évoque le recrutement d’un ingénieur
allemand, formé au français.
« Par exemple, nous avons engagé un ingénieur
allemand parfaitement bilingue anglais. La personne
parlait très peu français mais ça a été plus simple dans
ce sens puisque l’environnement l’a vite monté en
compétences en français. » (Fabrication de vis et de
boulons, Mécanique-métallurgie)
Au-delà de la maîtrise d’une ou plusieurs langues
étrangères, la capacité à gérer le multiculturalisme
est de plus en plus recherchée par les entreprises. Le
poste de cadre en production industrielle et services
techniques est un pivot de ces organisations
multiculturelles et polyglottes.
« Des entreprises nous ont demandé d’engager une
réflexion sur le multiculturel. Vous avez des gens qui
travaillent avec l’Inde, la Nouvelle-Zélande. La culture
n’est pas la même, il faut chercher à comment travailler
ensemble. » (Ecole, Mécanique-métallurgie)
Les compétences managériales
et comportementales
Les compétences managériales sont de plus en plus
demandées chez les ingénieurs généralistes, en
particulier dans la fonction de production industrielle :
coordonner et mobiliser les équipes sont des activités
que l’ingénieur doit intégrer rapidement. Le métier
d’ingénieur en production industrielle est un métier
de contacts humains, qui nécessite le sens du
relationnel et une forte capacité d’adaptation pour
dialoguer avec différents services et interlocuteurs
(techniciens, ouvriers, ingénieurs, etc.).
« On recherche des compétences techniques, couplées à
des compétences de manager. On est passé d’une époque
où le manager était un bon technicien, à une époque où
le manager est aussi un mobilisateur de ressources
humaines. Le pan technique est couplé avec un pan
managérial. » (Fabrication de machines pour les
industries du papier et du carton, Mécanique-
métallurgie)
5. APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENTS DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE, DANS LE SECTEUR DE LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE 5
Les entreprises du secteur mettent en avant la
polyvalence et la place du cadre ingénieur dans
l’organisation de l’entreprise. Ces derniers sont des
pivots dans la production, il s’agit d’une posture
particulière, exigeante auprès des subordonnés et des
supérieurs.
« Les postes de cadre sont uniques : nous n’avons qu’un
seul ingénieur développement, un seul ingénieur
qualité. Il a une place particulière, charnière pour
l’organisation et ça compte. » (Fabrication de vis et de
boulons, Mécanique-métallurgie)
Les compétences managériales sont souvent
désignées comme source de tension lors des
recrutements des cadres de production industrielle.
Ainsi, certaines écoles intègrent des modules de
formation pour développer ces compétences chez
leurs étudiants, mais elles ne peuvent pas totalement
satisfaire les besoins opérationnels des entreprises.
« De toute façon, je ne crois pas au management dans
les écoles. Le management ça s’apprend avec
l’expérience, il n’y a pas de secret. » (Fabrication de vis
et de boulons, Mécanique-métallurgie)
L’orientation vers des fonctions de cadre en
production industrielle ne dépend pas seulement de
l’attractivité de l’environnement de travail mais
également de la nature même de l’activité, qui se
caractérise par cette forte dimension managériale.
[Pourquoi il y a peu de mobilités entre les services
techniques et la production industrielle ?] « Ce n’est
pas le même type de personne, le même type de profil,
dans la production, il faut aimer le contact humain,
l’opérationnel, c’est une posture totalement différente. »
(Fabrication d’autres articles métalliques, Mécanique-
métallurgie)
S’agissant des compétences comportementales, les
acteurs de la Mécanique-métallurgie mettent aussi
en avant des exigences de plus en plus élevées.Plus
précisément, les entreprises attendent des cadres des
qualités relationnelles, une forte implication ainsi
qu’une capacité d’adaptation à la diversité des
interlocuteurs.
« S’il y a des manques purement techniques, nous
pouvons former la personne sur place à partir du
moment où l’on détecte une véritable envie, une
motivation. » (Fabrication de vis et de boulons,
Mécanique-métallurgie)
La connaissance des outils et des procédés
d’amélioration continue
La connaissance des outils d’amélioration continue
et du « lean management » par les candidats est aussi
de plus en plus attendue par les entreprises, qui
cherchent à rationaliser leurs processus de production.
Les recruteurs se tournent notamment vers des profils
de cadres issus de l’industrie automobile pour trouver
ces compétences.
« L’évolution de notre organisation industrielle a eu un
fort impact chez nous. On est passé d’un système d’îlots
de production autonomes à des lignes de flux donc du
lean management. L’équipe n’était pas outillée là-
dessus, donc ça a impacté nos recrutements au sein de
la direction industrielle. Nous sommes en train de faire
évoluer notre organisation industrielle pour rationaliser
nos surfaces, et donc optimiser nos process. Cette
évolution impacte notre organisation, et les
compétences requises. On a des besoins sur la partie
méthodes, des ingénieurs méthodes, et sur la partie
amélioration continue et lean. La connaissance des
outils d’amélioration continue, on va souvent la trouver
chez des gens qui ont travaillé dans l’automobile. »
(Fabrication de machines pour les industries du
papier et du carton, Mécanique-métallurgie)
Cette ouverture aux profils issus du secteur de
l’Automobile nécessite toutefois de s’assurer de
l’adaptabilité des candidats au « monde » de la
Mécanique-métallurgie et à la culture de ce secteur.
« Mais cette ouverture à des profils de l’Automobile, ça
nécessite aussi d’arriver à déceler pendant l’entretien de
recrutement, l’adaptabilité de la personne pour qu’elle
passe d’un monde à un autre, avec une culture différente,
d’outils parfois poussés à l’extrême dans l’Automobile.
Nous, on a besoin d’avoir le sens, mais pas dans le même
degré de précision. Quand on fait aujourd’hui la gestion
de nos temps standards, dans l’Automobile, ils vont être
à la seconde, voire au dixième de seconde, nous on est
encore au quart d’heure, à la demi-heure, voire à l’heure.
Il faut qu’ils aient leurs outils, mais aussi qu’ils aient la
finesse d’appréciation pour ne pas arriver avec les outils
billeentête,sansprendreencomptelebesoinetlaculture
de l’entreprise. » (Fabrication de machines pour les
industriesdupapieretducarton,Mécanique-métallurgie)
6. APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENTS DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE, DANS LE SECTEUR DE LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE6
La recherche de polycompétence
La polycompétence est de plus en plus recherchée
par les entreprises. Il est attendu des candidats
qu’ils détiennent une solide formation technique,
couplée d’une spécialisation (amélioration continue,
commerce, achats, qualité…) et de compétences
managériales. Cette recherche de candidats
polycompétents peut être source de tension. Les
entreprises soulignent en effet la rareté de ces
profils.
–
LE DÉFICIT D’ATTRACTIVITÉ DES POSTES
D’INGÉNIEUR DE « TERRAIN » VIS-À-VIS
DES INGÉNIEURS DE « BUREAU »
–
Les ingénieurs dans la Mécanique-métallurgie sont le
plus souvent issus d’une formation d’ingénieur
généraliste ce qui rend possible un choix varié
d’orientation entre différentes familles de métiers et
de secteurs, en fonction de leur intérêt, des débouchés
et de la rémunération proposée. Or, les jeunes
diplômés se tourneraient plus volontiers vers les
métiers de la conception, de la recherche et du
développement, au détriment de ceux en production
industrielle.
Les postes d’ingénieurs en bureau d’études sont
souvent associés à une rémunération plus importante,
ce qui représente un critère important dans le choix
d’orientation professionnelle des étudiants. De plus,
« On recherche la combinaison d’un cursus technique,
couplé d’une formation en amélioration continue pour
certains postes, ou d’une formation en achats. On
recherche cette combinaison, couplée aussi avec une
partie managériale. C’est cette combinaison des trois,
qui fait que parfois on va mettre du temps à trouver
le collaborateur que l’on veut. Et il faut qu’on arrive à
prioriser nos critères dans le même sens, RH et
opérationnels, pour trouver le collaborateur adéquat. »
(Fabrication de machines pour les industries du
papier et du carton, Mécanique-métallurgie)
–CAUSES ET CONSÉQUENCES DES DIFFICULTÉS
DE RECRUTEMENT–
Les acteurs interrogés évoquent différentes causes à l’origine des difficultés de recrutement pour
certains postes en production industrielle et services techniques :
• un déficit d’attractivité des postes d’ingénieur de « terrain » vis-à-vis des ingénieurs de
« bureau »,
• une méconnaissance du secteur et de l’environnement industriel,
• la localisation géographique des sites de production,
• une offre de formation à parfaire.
l’environnement de travail des ingénieurs de terrain
est réputé plus difficile, ce qui peut décourager
certains étudiants. L’ingénieur de terrain est en effet
amené à se rendre sur les lieux de production, parfois
bruyants et peu chauffés, par exemple pour intervenir
directement sur les machines. Il est aussi directement
en contact avec les techniciens et ouvriers des sites
de production, et doit pouvoir manager une diversité
de profils. L’appétence pour la dimension managériale
est primordiale pour occuper un poste sur un site
industriel.
« Il y en a beaucoup [apprentis ingénieurs] qui vont là
où il y a le salaire. Ils ne veulent pas se salir les mains. »
(Étudiant, Mécanique-métallurgie)
« Au niveau des conditions de travail, c’est pas pareil.
On rentre, on a les mains sales. Y en a qui sont faits
pour travailler dans des bureaux, en costume. »
(Étudiant, Mécanique-métallurgie)
7. APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENTS DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE, DANS LE SECTEUR DE LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE 7
Les entreprises comme les étudiants évoquent la
nette différence entre les profils d’ingénieurs de
« bureau » et ceux sur le terrain. Les passerelles entre
la partie « bureau d’études/ conception/ RD » et
la production semblent limitées.
« Ce n’est pas le même caractère, c’est vraiment deux
choses différentes. » (Étudiant, Mécanique-
métallurgie)
« [Concernant les mobilités] De la production au
bureau d’études, c’est plus compliqué, ce n’est pas du
tout les mêmes profils ni les mêmes personnes. Les
gens des bureaux d’études vont plus vers l’expertise,
moins vers le management. » (Fabrication de machines
pour les industries du papier et du carton, Mécanique-
métallurgie)
–
LA MÉCONNAISSANCE DU SECTEUR
ET DE L’ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL
–
Plus largement, les entreprises et les écoles du secteur
déplorent une méconnaissance des métiers industriels
par les jeunes actifs et les étudiants, qui est en partie
à l’origine des tensions en matière de recrutement.
Les jeunes diplômés ne s’orienteraient pas
spontanément vers la production industrielle.
« La meilleure manière d’attirer les gens vers la
production, c’est l’expérience. Je ne pense pas que ça
peut dégoûter. Les étudiants s’y plaisent mais ils en
ignorent totalement l’existence. » (École, Mécanique-
métallurgie).
L’image globale du secteur de l’industrie reste floue
et les métiers peu connus. Alors que l’industrie
bénéficie d’une bonne image en Allemagne et en
Suisse, la production industrielle manque
d’attractivité en France. L’environnement industriel
ne nourrit pas les rêves des jeunes ingénieurs, qui
peuvent avoir une vision négative en termes de
conditions de travail et de perspectives d’emploi.
L’image de l’industrie en France a notamment été
entachée par les fermetures d’usines et des
délocalisations. Les perspectives d’emploi dans
l’industrie ont longtemps été remises en cause dans
les discours médiatiques, ce qui a pu décourager les
jeunes de s’orienter vers ces métiers.
« On a passé des années à dire qu’il n’y avait plus
d’emplois dans l’industrie, ce n’est que très récemment
que les industriels se sont mis en marche car ils se sont
aperçus qu’il manquait des gens dans les sites de
production. » (École, Mécanique-métallurgie)
La faible notoriété de certaines entreprises du secteur
auprès des candidats complexifie également les
recrutements. Les petites entreprises peuvent
toutefois attirer les candidats en mettant en avant
leurs projets de développement et de modernisation
des processus de production comme autant de défis
à relever.
« On est situé sur un marché de niche. On est leader
mondial sur notre marché, mais clairement, les ¾ des
candidats qui arrivent chez nous, n’ont jamais entendu
parler de notre structure. Mais on a les avantages et
les inconvénients d’une PME. Une personne de
l’Automobile qui arrive chez nous, elle a l’impression
d’être chez l’artisan du coin. On a des processus de
fabrication beaucoup moins poussés et évolués qu’un
équipementier par exemple. On veut aller à
l’industrialisation et à la standardisation de nos
processus quand c’est possible, donc du coup il y a un
côté challengeant car ils arrivent avec des outils qu’il
faut qu’ils adaptent à notre culture d’entreprise et donc
avec plein de projets à mener. Pour ceux qui aiment un
peu le challenge, c’est plutôt attirant. » (Fabrication
de machines pour les industries du papier et du
carton, Mécanique-métallurgie)
L’image de l’emploi industriel serait toutefois en passe
de changer. Les conditions de travail tendent
notamment à s’améliorer par un renforcement des
normes de sécurité et de la prévention des risques. Les
employeurs apportent aussi un soin particulier aux
conditionsd’accueil(périoded’intégration,formation...)
et de travail pour fidéliser leurs cadres. Des sessions
d’informations et des partenariats avec des entreprises
du secteur sont aussi proposés dans le cadre du cursus
de formation d’ingénieur, pour faire connaître les
métiers industriels aux étudiants. Certains acteurs
déplorent toutefois une communication encore
insuffisante sur les métiers et les salaires, à améliorer
pour attirer davantage de candidats.
« Il faut communiquer davantage sur les salaires. Les
conventions collectives de la branche sont attractives
en termes de salaire, nous n’avons pas en avoir honte. »
(Observatoire, Mécanique-métallurgie)
8. APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENTS DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE, DANS LE SECTEUR DE LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE8
La difficulté à attirer des candidats dans le secteur
industriel serait toutefois plus prégnante pour les
non-cadres que pour les cadres.
« Je pense que ce problème d’image est plus vrai pour
les non-cadres que pour les cadres. Pour les profils non-
cadres, on a énormément de mal à faire venir des
jeunes qui ont une image de la métallurgie qui n’est
pas la bonne. Maintenant sur les profils cadres et
l’attrait des postes industriels, je pense que c’est moins
vrai. Les cycles de formation en génie industriel, c’est
des jeunes qui sont plutôt intéressés par le monde de
l’industrie. Je pense qu’il y a quand même un attrait
des postes. » (Fabrication de machines pour les
industries du papier et du carton, Mécanique-
métallurgie)
–
LA LOCALISATION GÉOGRAPHIQUE
DES SITES DE PRODUCTION
–
Les entreprises du secteur font systématiquement
référence à la localisation géographique comme un
problème majeur dans l’attractivité d’un poste. La
localisation des sites de production est souvent
éloignée des agglomérations (plutôt tournées vers le
tertiaire), et parfois même des transports en commun.
La prise de poste peut nécessiter un déménagement,
auquel les candidats ne sont pas toujours prêts.
À ce titre, les entreprises de province sont nettement
défavorisées par rapport aux entreprises franciliennes,
plus accessibles et plus attractives. Certaines
entreprises déplorent un manque d’attractivité de
leur région, en termes de loisirs, de transports, d’offre
scolaire ou encore en raison de faibles opportunités
d’emploi pour l’éventuel conjoint.
« Les quatre personnes se sont rétractées, c’était
essentiellement un problème de localisation
géographique (ville de province en région Centre).
Parfois, ils sont en couple, et c’est le fait de trouver un
autre emploi au conjoint qui pose problème. Je pense
qu’il y a un manque d’attractivité de la région, et peut-
être aussi de loisirs. Ça va être aussi la poursuite
d’études pour les enfants. Ce n’est pas une ville
universitaire. C’est forcément un départ pour des
jeunes qui veulent suivre des études, donc les parents
regardent cela aussi. Et les jeunes ingénieurs vont
plutôt être attirés par les régions de Tours, Orléans, ou
la région parisienne. » (Fabrication d’autres articles
métalliques, Mécanique-métallurgie)
La difficulté n’est pas uniquement due à l’emplacement
du site de production mais aussi à l’écart de salaire
entre la région parisienne et la province. Les entreprises
de province peuvent rarement s’aligner sur les salaires
pratiqués dans la région parisienne.
« Lyon, généralement ça attire. On n’a pas de problème
de ce côté-là. Les gens souvent veulent bien venir à
Lyon, le seul écueil que l’on peut avoir, ce sont les
parisiens qui veulent venir à Lyon avec leur niveau de
salaire parisien. Parfois ça peut nous mettre en tension.
Il y a des écarts de salaires assez conséquents. »
(Fabrication de machines pour les industries du
papier et du carton, Mécanique-métallurgie)
Par ailleurs, la localisation de l’entreprise n’est pas
toujours en adéquation avec l’offre de formation des
ingénieurs. Les écoles d’ingénieurs ou universités
sont situées dans de grandes agglomérations, et il est
difficile d’attirer ensuite les jeunes diplômés dans des
zones plus rurales.
La fidélisation des cadres est donc un enjeu
primordial, notamment du fait de la localisation des
sites de production souvent éloignés des zones
résidentielles.
–
UNE OFFRE DE FORMATION À PARFAIRE
–
L’offre de formation est jugée satisfaisante par les
acteurs rencontrés, en particulier sur le plan
technique. Toutefois, elle semble ne pas totalement
répondre aux besoins des entreprises, notamment en
matière de compétences managériales, même si ces
dernières reconnaissent que ces compétences
s’acquièrent davantage par la pratique et l’expérience.
« Les écoles d’ingénieurs ont pour vocation d’apporter le
pan technique. Après en termes de management, vous
pourrez effectivement avoir des outils. Néanmoins, vous
devenez manager en pratiquant. Il faut qu’ils aient un
cursus sur les outils managériaux mais après, c’est la
pratique qui va faire. » (Fabrication de machines pour les
industriesdupapieretducarton,Mécanique-métallurgie)
9. APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENTS DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE, DANS LE SECTEUR DE LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE 9
À un niveau local, les besoins des entreprises et les
offres de formations se coordonnent le plus souvent,
les acteurs communiquant sur leurs besoins respectifs.
Auniveaunational,lesorientationsdedéveloppement
de la formation sont moins évidentes : une vision
globale est difficile à construire au-delà des
particularités locales. Dans cette perspective, les
écoles faisant partie du réseau des instituts des
techniques d’ingénieur de l’industrie (ITII) tentent de
relayer les informations locales.
–
LES CONSÉQUENCES DES DIFFICULTÉS
DE RECRUTEMENT
–
Les difficultés de recrutement ont un impact direct
sur la charge de travail des recruteurs (RH ou
opérationnels) qui engagent un fastidieux travail de
recherche. Pour pallier ces difficultés, les entreprises
peuvent se tourner vers des cabinets de recrutement
spécialisés. Le recours à un cabinet de recrutement
est souvent le signe de tensions. Les entreprises
tentent le plus possible de recruter par elles-mêmes,
mais préfèrent se tourner vers des prestataires pour
les postes les plus difficiles à pourvoir.
« On a un poste cadre qui est très soumis à tension : le
poste d’acheteur. Nos acheteurs ont un bagage
technique, couplé à des formations en achats. C’est
typiquement le type de profil pour lequel je ne gère
jamais les recrutements en direct, on passe
systématiquement par des cabinets pour nous aider. On
a des partenariats établis avec trois ou quatre cabinets,
qui vont venir nous aider sur certains recrutements pour
lesquels on sait qu’il y a des tensions sur le marché. »
(Fabrication de machines pour les industries du papier
et du carton, Mécanique-métallurgie)
Que le recrutement soit réalisé en interne ou par le
biais d’un cabinet de recrutement, les recruteurs sont
parfois contraints de revoir leurs exigences à la
baisse, faute de candidats qui y répondent. Dans ce
cas, c’est le niveau d’expérience du candidat qui sert
de variable d’ajustement.
« La compétence technique ne sert jamais de variable
d’ajustement. C’est très rarement le côté managérial,
une personne que l’on ne sentirait pas manager, on ne
va pas la prendre. La variable d’ajustement, elle est
plutôt sur l’expérience. » (Fabrication de machines
pour les industries du papier et du carton, Mécanique-
métallurgie)
« Il y a des fois où on a élargi notre périmètre pour ne
pas se retrouver dans l’impasse trop longtemps, ou
baissé nos prérequis de recrutement. On se trouve
parfois confrontés à des exigences salariales qui ne
sont pas compatibles avec notre équité interne. »
(Fabrication d’autres articles métalliques, Mécanique-
métallurgie)
Les tensions en matière de recrutement peuvent aussi
avoir des répercussions sur l’organisation interne, à
travers une redistribution des tâches du poste vacant
vers les autres salariés. Ces arrangements sont plus
difficiles dès lors qu’il s’agit d’une TPE/PME. En effet,
une organisation tournée vers quelques cadres pivots
de la production aura davantage de difficultés à
pallier l’absence d’encadrement.
Enfin, les difficultés à trouver sur le marché du travail
des candidats dotés des compétences requises pour
occuper des emplois industriels peuvent conduire des
entreprises à refuser des commandes, voire à
délocaliser certaines de leurs activités.
10. APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENTS DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE, DANS LE SECTEUR DE LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE10
–SOLUTIONS MISES EN ŒUVRE–
–
LA MOBILITÉ INTERNE
–
Pour pallier les difficultés de recrutement pour
certains postes, les entreprises rencontrées se disent
ouvertes à la mobilité interne, en lien avec la montée
en compétences de techniciens ou d’ingénieurs non
spécialisés. Les mobilités horizontales, d’une fonction
vers une autre, sont toutefois plus souvent envisagées
que les mobilités ascendantes (par exemple, d’un
poste de technicien ou d’agent de maîtrise vers un
poste d’ingénieur).
« Il y a clairement des possibilités d’évolution en interne.
Chez nous, tout poste à pourvoir est d’abord proposé en
interne. Ça permet de mettre en mouvement ceux qui le
souhaiteraient. La production ne va jamais au bureau
d’études. Ce ne sont pas les mêmes profils. Mais la
production va monter sur des fonctions support clients.
Je pense que les fonctions clients sont des fonctions qui
vont attirer, le chargé d’affaires commerciales par
exemple, là il y a de la mobilité possible entre les
secteurs. » (Fabrication de machines pour les industries
du papier et du carton, Mécanique-métallurgie)
Ainsi, la majorité des entreprises rencontrées se
disent prêtes à former des ingénieurs à des
compétences techniques qui pourraient manquer si
elles sont intéressées par leur profil.
« Nous sommes prêts à former en interne. Par exemple
notre ingénieur qualité était une femme qui avait des
expériences significatives dans le domaine avec une
volonté de s’orienter vers la qualité. Nous l’avons formé
en interne sur cet aspect-ci et sur le management
d’équipe. » (Fabrication de vis et de boulons,
Mécanique-métallurgie)
–
LE RECOURS À L’APPRENTISSAGE
–
Les formations en apprentissage tendent à se
développerdanslesécolesd’ingénieurs.L’apprentissage
demeure toutefois plus développé pour les postes
d’ouvriers et de techniciens que pour les cadres.
Pour les étudiants, ce dispositif est un moyen
d’acquérir une première expérience professionnelle
qui facilite leur insertion sur le marché du travail, et
l’accès à un premier emploi.
« 80 % des étudiants avaient déjà une proposition
d’embauche avant la fin de leur alternance. 100 %
était en poste au bout de trois mois. » (École,
Mécanique-métallurgie)
Du côté des entreprises, l’accueil d’ingénieurs en
apprentissage permet de pallier les difficultés de
recrutement pour des postes ouverts à des
candidats peu expérimentés. L’apprentissage peut
en effet être utilisé comme un outil de « pré-
recrutement », permettant de valider les
compétences et le savoir-être des étudiants avant
une éventuelle embauche.
« L’apprentissage se développe de plus en plus. On
accueille une quinzaine d’apprentis, dont certains sur
des niveaux ingénieurs. Ça peut pallier certaines
difficultés, car il nous arrive de recruter des jeunes que
l’on a eus en apprentissage. Cette année encore, parmi
nos apprentis qui arrivent en fin de cursus, il est prévu
qu’il y ait des embauches, dans la mesure où ils le
souhaitent aussi. » (Fabrication d’autres articles
métalliques, Mécanique-métallurgie)
Certaines entreprises nouent des partenariats avec des
écoles d’ingénieurs, qui peuvent prendre différentes
formes (accueil de stagiaires/apprentis, participation
à des forums/salons…). C’est un moyen pour les
entreprises de se faire connaître et de renforcer leur
« image employeur » auprès des futurs diplômés. De
manière plus générale, ces actions permettent de
mieux faire connaître les métiers de la production
industrielle et de renforcer son attractivité auprès des
jeunes.
« On travaille pas mal avec l’INSA (Institut national
des sciences appliquées) sur Lyon, pour travailler notre
image employeur. On participe chaque année à un
forum, le forum Rhône-Alpes qui est sur un campus à
Lyon, et qui est ouvert à toutes les écoles d’ingénieurs
de la région. » (Fabrication de machines pour les
industries du papier et du carton, Mécanique-
métallurgie)
11. APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENTS DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE, DANS LE SECTEUR DE LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE 11
Ces échanges entre entreprises et écoles sont aussi
un levier d’amélioration de l’articulation entre
formation initiale et continue, de manière à ce que
les cursus de formation d’ingénieurs s’ajustent au
mieux aux besoins des entreprises.
–
L’ENRICHISSEMENT DE L’OFFRE
DE FORMATION
–
Les entreprises rencontrées se disent satisfaites du savoir-
faire technique des ingénieurs, largement acquis lors de
laformationinitiale.Ellesdéplorentenrevanchecertaines
carences en matière de compétences linguistiques
(anglaisvoireallemand)etdecompétencesmanagériales.
Pour mieux répondre aux besoins en compétences des
entreprises, certaines écoles développent des cursus
complémentaires au parcours initial.
« En sacrifiant des matières du cursus général, les
étudiants peuvent choisir de prendre des parcours en
management d’organisation et de personnes. » (École,
Mécanique-métallurgie)
De manière plus générale, les écoles d’ingénieurs
tendent à enrichir leur offre de formations pour
répondre à la demande de spécialisation des
entreprises. Les écoles de commerce et universités se
positionnent aussi sur ce marché, en proposant des
formations d’une année qui permettent à des
ingénieurs de se spécialiser en commercial, achats,
management, etc. La demande des entreprises est
de plus en plus prégnante.
« On a souvent des acheteurs qui sont ingénieurs et qui
font une année de spécialisation en achats, donc il y a
des choses qui existent sur le marché. Il y a un certain
nombre d’écoles, les IAE (Institut d’administration des
entreprises) aussi, qui ont des spécialisations achats, et
puis maintenant, il y a des écoles de commerce aussi qui
proposent des spécialisations achats. » (Fabrication de
machines pour les industries du papier et du
carton,Mécanique-métallurgie)
Il existe a priori de bonnes passerelles d’échanges
entre les entreprises et les écoles d’ingénieurs. Que
ce soit via l’apprentissage ou des espaces de
rencontre dédiés (forums, etc.), les opportunités
d’échanger sont nombreuses et propices à mettre en
place des partenariats. Les thématiques d’échanges
vont du contenu pédagogique à l’organisation même
du cursus scolaire. L’influence des représentants de
l’industrie dans les cursus d’ingénieur n’est pas
négligeable. À titre d’exemple, des formations
complémentaires en gestion de l’entreprise
(regroupant des thématiques comme le management,
les ressources humaines, la comptabilité…) ont été
proposées par des industriels du secteur. Suite à une
période d’expérimentation concluante, celles-ci sont
maintenant mises en place par une école d’ingénieurs
du secteur.
–
L’AMÉLIORATION DE L’IMAGE
DE L’INDUSTRIE
–
L’industrie souffre encore des impacts en termes
d’image liés aux fermetures d’usines et aux drames
sociaux médiatisés. Pourtant, il existe encore des sites
de production, en croissance et en recrutement, qui
proposent des postes de cadres dans les fonctions de
la production industrielle et des services techniques.
Par ailleurs, l’image globale du secteur de l’industrie
reste floue et les métiers peu connus. À l’inverse de
la culture allemande ou suisse, la production
industrielle en France est peu valorisée et moins
rémunérée. Toutefois, des actions sont entreprises
pour modifier les représentations. Les discours
changent et des démarches de communication
importantes ont été menées (spots télévisés,
sensibilisation auprès de Pôle Emploi, développement
des Instituts des techniques d’ingénieur d’industrie...)
par les observatoires de branche, les représentants
du secteur industriel et nombre d’acteurs de l’emploi
industriel.
L’Union des industries et des métiers de la
métallurgie (UIMM) participe à cette revalorisation
du secteur industriel, en communiquant sur la
diversité des métiers de la Mécanique-métallurgie
à travers un site Internet (les-industries-
technologiques.fr).
12. APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENTS DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE, DANS LE SECTEUR DE LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE12
–
UNE MEILLEURE ANTICIPATION DES
BESOINS EN COMPÉTENCES
–
L’UIMM, à travers son observatoire des métiers et des
qualifications, informe les entreprises sur l’évolution
des métiers et des qualifications. Elle met à disposition
des études et des outils, qui aident à la mise en place
d’une gestion prévisionnelle en entreprise des emplois
et des compétences. L’objectif est d’accompagner les
entreprises et les acteurs concernés (écoles, partenaires
sociaux…) dans l’anticipation des besoins en
compétences, pour mieux se préparer aux évolutions
des métiers. Il s’agit notamment d’identifier les
compétences stratégiques de demain, auxquelles les
cadres et les jeunes diplômés devront être formés pour
éviter des tensions.
–PARCOURS PROFESSIONNELS DE CADRES DE LA
PRODUCTION : EXEMPLES DE TRAJECTOIRES ET
PERCEPTIONS SUR LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT–
Théo est aujourd’hui formateur dans la
maintenance et la sécurité.
Formation
Théo a toujours été attiré par les travaux
manuels. Il a obtenu un BTS Maintenance dans
le Nord de la France, précédé d’un CAP, d’un BEP
et d’un Bac Professionnel.
Trajectoire professionnelle
En septembre 1991, après son service militaire,
Théo intègre un fabricant dans le domaine de la
sécurité incendie. Il y restera jusqu’à ce que
l’entreprise ferme en septembre 2015, après 24
ans de carrière. Lors de son entrée dans
l’entreprise, Théo occupe le poste de technicien
de maintenance pendant un an. Il devient
ensuite responsable de maintenance en binôme
–
THÉO, 47 ANS, RESPONSABLE MAINTENANCE
DANS LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE
–
avec un salarié proche de la retraite, pendant
deux ans. Ce poste lui confère un statut
« d’assimilé cadre », placé sous la responsabilité
du responsable de production.
Afin de développer ses compétences d’encadrant,
Théo prépare un diplôme en gestion du personnel
sur 15 mois. L’ambition de Théo à son arrivée dans
l’entreprise était d’accéder à un poste d’encadrant,
mais il a dû faire face à certaines difficultés. En effet,
l’équipe comprenait beaucoup d’anciens et il a fallu
que Théo se serve de son « naturel communiquant »
pour se faire accepter. Au départ, 11 personnes
étaient placées sous sa responsabilité, puis son
équipe s’est réduite suite à des départs à la retraite
non remplacés du fait de la baisse d’activité. Il est
également monté en compétence dans la sécurité.
Théo s’est épanoui dans ce métier, en évolution
perpétuelle du fait de l’importance prise par les
nouvelles technologies. L’aspect relationnel du
13. APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENTS DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE, DANS LE SECTEUR DE LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE 13
poste était également attrayant et particulièrement
développé.
En tant que responsable de maintenance, Théo
a noué des relations avec l’ensemble des services
de son entreprise (aussi bien le bureau d’études,
que les ressources humaines ou le service de
production). La liberté et l’autonomie dont il
jouissait dans cette structure ont également
participé à son épanouissement.
Avant son licenciement économique, Théo a
participé à la dépollution du site puis a intégré
une cellule de reclassement. Il a effectué une
formation à l’AFPA, afin de devenir formateur
professionnel dans le domaine de la maintenance
mais également celui de la sécurité (incendie,
assurances à personnes, etc.). Il avait un projet
clair en intégrant la cellule de reclassement : sa
montée en compétence dans la sécurité ainsi que
son expérience positive auprès des stagiaires de
l’entreprise l’ont orienté naturellement vers une
carrière de formateur dans ce domaine.
Perception sur les difficultés de
recrutement
Théo insiste sur la différence entre petites et
grandes entreprises. Dans son entreprise, il
disposait d’une liberté dans l’exercice de son
métier dans la limite d’un budget qu’il devait
respecter. Lors d’une brève expérience dans une
PME (il a souhaité mettre un terme au contrat à
la suite de la période d’essai), il a mal vécu la
présence étouffante de la hiérarchie : « L’intérêt
de ce métier c’est d’en apprendre tous les jours,
donc si on est pieds et mains liés, on ne peut pas
s’épanouir ».
Suite à son licenciement, il a tenté de trouver un
nouvel emploi notamment en utilisant son
réseau. Lorsqu’il a fait ses propres recherches, il
a pu constater que son profil ne correspondait
pas aux exigences des recruteurs, parce qu’il
manquait de pratique (sa prise de poste en tant
que responsable l’avait éloigné du terrain) et/ou
ne maîtrisait pas l’anglais. Certaines entreprises
demandaient beaucoup d’expérience (plus de 5
ans) ou des formations d’ingénieurs sur des
activités bien spécifiques.
Théo est convaincu que de nombreux postes de
responsable maintenance sont pourvus par
mobilité interne et que cela explique le faible
nombre d’offres disponibles sur Internet.
Perspectives d’évolution professionnelle
Après avoir connu des expériences infructueuses
en tant que responsable maintenance dans
différentes structures, Théo s’est décidé à se
diriger vers le métier de formateur dans le
domaine de la sécurité.
14. APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENTS DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE, DANS LE SECTEUR DE LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE14
Formation
Baptiste a obtenu un baccalauréat général, puis
s’est orienté en biologie à l’Université. Il s’est
rapidement réorienté vers un BTS génie optique
(optique industrielle) à la suite duquel il a
obtenu un emploi en bureau d’études (pendant
4 ans). Il a ensuite intégré une formation
d’ingénieur généraliste grâce au congé individuel
de formation puis est retourné dans son
entreprise pour occuper des fonctions plus en
adéquation avec son nouveau niveau de
qualification, en tant que responsable de
production.
Trajectoire professionnelle
En intégrant une école d’ingénieur, il a complété
son cursus de formation très spécialisé et a donné
à son profil une polyvalence qui lui manquait
jusqu’alors. C’est avec la volonté d’accéder à des
postesàresponsabilitésqu’ilasuivicetteformation.
Baptiste dit avoir « grandi professionnellement
dans cet environnement » et vouloir « continuer
dans cette voie, pas nécessairement par passion
mais par intérêt pour l’entreprise ».
De 2000 à 2010, il a exercé le métier de
responsable de production dans différentes
entreprises, notamment plusieurs PME de la
région grenobloise. À partir de 2010, il se
spécialise dans les achats et l’approvisionnement.
Aujourd’hui, Baptiste encadre 10 personnes.
Selon lui, son expérience, sa technicité et sa
capacité à anticiper sont des compétences clés
pour exercer son poste de responsable.
Il définit le poste de responsable de production
comme un poste extrêmement varié « aussi bien
en termes de produits que de fonction que l’on
peut occuper : des fonctions d’encadrement pur,
de méthodes, d’analyse, de gestion… Autour de
–
BAPTISTE, 41 ANS, RESPONSABLE DE PRODUCTION
DANS LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE
–
la production tournent tout un tas de métiers
qui permettent de trouver facilement quelque
chose sur lequel on s’accorde bien ». C’est ce
point précisément qui lui fait aimer son métier,
malgré le fait qu’il regrette que ce poste soit de
plus en plus générateur de stress. De plus, il
craint que ce métier ne soit menacé notamment
à cause du processus de délocalisation de la
production.
Perception sur les difficultés
de recrutement
Selon lui, « des offres de recrutements sur des
postes relatifs à la production, il en a quand
même pas vu beaucoup et pour pas dire très peu.
Peut-être que beaucoup de recrutements se font
par le marché caché ». Pour le recrutement sur
son poste actuel, Baptiste a été contacté
directement par l’employeur, car ils avaient des
fournisseurs en commun lorsqu’il occupait son
ancien emploi. Il évoque néanmoins le fait que
la formulation des offres peut être rédhibitoire.
Pour lui, les difficultés de recrutement et de
trouver le candidat adéquat peuvent s’expliquer
par le fait que l’expérience est primordiale pour
ce type de postes. De plus, il estime que le niveau
technique a baissé dans les formations
d’ingénieurs : « il faudrait plus de mise en
pratique. L’alternance est une super solution et
particulièrement dans ce cadre-là ».
Perspectives d’évolution professionnelle
Baptiste ne regrette pas d’avoir quitté son poste
de responsable de production si générateur de
stress. Il est aujourd’hui à la recherche d’un
emploi qui lui conviendrait mieux dans une autre
structure, mais toujours en tant que responsable
achats et approvisionnement.
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