3. Définition :
La tragédie a souvent été considérée comme le plus grand genre dramatique, le plus noble,
par opposition à la comédie. Ce jugement un peu facile et injuste peut s'expliquer par une
impression que la tragédie donne toujours au spectateur (et au lecteur), celle d'un
éloignement. Il s'agit d'un des traits fondamentaux de la tragédie: elle élabore en effet un
monde textuel (" s'incarnant " par la suite dans une mise en scène) qui crée une distance
par rapport à la réalité quotidienne, prosaïque. Cet effet de distance s'obtient de plusieurs
façons: par le choix du sujet, emprunté soit à l'Histoire, soit à la légende (mythologie grécoromaine ou chrétienne); par le choix des personnages (lié évidemment à celui du sujet), qui
sont toujours illustres, nobles (rois, princes, héros, etc.); par le choix de grands thèmes: le
pouvoir (problème de sa légitimité), la justice, l'honneur, l'amour-passion, etc.; par le
recours à un langage châtié, à un style élevé (noblesse de l'alexandrin, beauté des images,
etc.). Le fait que la tragédie se joue à distance a pour conséquence d'agrandir, d'amplifier,
de sacraliser même ce qui y est représenté.
4. Les Origines :
Les origines de la tragédie n'ont pas encore été déterminées clairement. Ce que l'on sait,
c'est qu'elle s'est développée à la faveur de concours dramatiques organisés dans le cadre
des fêtes en l'honneur de Dionysos à Athènes. Cet épanouissement dans un contexte
religieux et civique laisse supposer qu'elle serait issue des cérémonies cultuelles qui
avaient été jusqu'alors au coeur des activités de la cité: les rites festifs en l'honneur de
Dionysos (ex.: les dithyrambes), les cérémonies funéraires et le culte des héros. La tragédie
aurait emprunté à ces cérémonies le langage symbolique (verbal et gestuel) qu'elles
mettaient en scène, pour créer une nouvelle sorte de représentation dont l'objet n'est plus
le divin, mais l'humain. C'est par l'adjonction d'acteurs au choeur qui était seul à l'origine
que la tragédie s'est constituée. Elle a pris à l'épopée ses histoires héroïques et à la poésie
lyrique la structure de ses chants.
5. Son rôle politique a aussi été un facteur déterminant. Dans l'Athènes des
citoyens, le vote devait être éclairé. Rassembler les électeurs en leur versant au
besoin une journée de travail pour les libérer, c'était s'assurer qu'ils puissent
réfléchir ensemble aux intérêts collectifs sous une forme assez imagée, avant
de les amener à entendre des discours plus électoraux.
7. La Tragédie grecque :
Les gouverneurs de la cité organisaient annuellement un concours entre trois dramaturges,
chacun présentant trois tragédies et un drame satyrique. Le meilleur d’entre eux était
ensuite récompensé, et ses œuvres conservées ; très peu de tragédies non récompensées
nous sont parvenues. La fonction sociale de ces représentations était importante : en effet,
les citoyens les plus riches supportaient les frais du spectacle alors que les moins fortunés
recevaient une indemnité pour y assister.
Dans cette époque La tragédie suit des étapes :
i. La tragédie commence par un prologue dans lequel un ou deux acteurs exposent la
situation et où la présentation des personnages est faite.
ii. Le chœur entre alors en scène ; c’est la Parodos . Il prend place dans l’orchestra qu’il
ne quittera plus jusqu’à la fin.
8. iii. On a ensuite une alternance de dialogues entre deux ou trois acteurs : les
épisodes et de parties chorales chantées, les stasima. Il y avait en général
trois ou quatre épisodes et stasima.
iv. La dernière partie s’appelle l’exodos. Le chœur quitte alors le théâtre.
La littérature grecque a trois grands auteurs de tragédie : Eschyle, Sophocle
et Euripide.
9. La Tragédie Humaniste
• La tragédie humaniste est un genre théâtral du Théâtre de la Renaissance. Elle
consiste en une déploration passive d'une catastrophe. Le personnage est une
victime, cette tragédie est essentiellement statique et linéaire voire pathétique.
La tragédie met en scène des passions nobles et fortes. Elle part de quelques
règles principales qui sont :
- la division en cinq actes
- pas plus de trois personnages parlant en même temps
- le début de la pièce doit être le plus près possible du dénouement.
• Elle est représentée par Étienne Jodelle, Jean de La Péruse, Jacques Grévin,
Robert Garnier et Antoine de Montchrestien.
10. La Tragédie élisabéthaine
D’importants auteurs anglais écrivent des tragédies à la fin du XVIe siècle et au
début du XVIIe : Christopher Marlowe, Ben Jonson, Thomas Dekker, Thomas
Middleton, John Fletcher et surtout William Shakespeare. Elles reprennent
certains traits de la tragédie antique mais s’en distinguent par l’absence d’unité
et par un mélange de tons, notamment par l’insertion de passages comiques
dans le texte.
11. La Tragédie Classique Française
En France et en Espagne, à l’époque classique, les deux dramaturges les plus
importants sont Pierre Corneille et Jean Racine. Quand la pièce de ce dernier,
Bérénice, a été critiquée parce qu’elle ne contenait pas de dénouement fatal,
Racine a répondu en contestant le traitement "conventionnel" de la tragédie.
Corneille pratiquait aussi une tragédie à dénouement non fatal, ou tragicomédie, genre apprécié dans la première moitié du 17e siècle mais sorti des
mœurs du public sous le règne de Louis 14. À la même époque, Jean-Baptiste
Lully met au point avec Philippe Quinault une forme de spectacle hybride, la
tragédie en musique ou tragédie lyrique, qui donnera naissance au genre de
l’opéra français. La tragédie française classique se devait de respecter la règle
des trois unités : de lieu, de temps, et d’action, mais aussi celle de la bienséance
(pas de combats ou de sang sur scène - pas de termes pouvant choquer,
notamment ceux qui se rapportaient à différentes parties du corps - pas de
rapprochements intimes, comme les baisers...), celle de la vraisemblance et
celle de la grandeur : les personnages sont des rois, des reines ou en tout cas
des personnages de haute lignée.
12. La régle des trois unités
• Boileau résume ces contraintes dans ce vers :
Qu'en un jour, qu'en un lieu, un seul fait accompli
Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli.
Unité de temps
L’action ne doit pas dépasser une « révolution de soleil » (Aristote, de 12 à 30
heures)
Unité de lieu
Toute l'action doit se dérouler dans un même lieu (un décor de palais pour une
tragédie)
Unité d'action
Tous les événements doivent être liés et nécessaires. Une intrigue principale
doit avoir lieu du début à la fin de la pièce. Les actions accessoires doivent
contribuer à l’action principale. L'œuvre ne doit donc contenir qu'une seule
intrigue majeure.