1.
Préface
de
Edouard
SALUSTRO
Président
honoraire
de
l’Ordre
des
Experts-‐Comptables
Président
honoraire
de
la
Compagnie
Nationale
des
Commissaires
aux
Comptes
Président
honoraire
de
la
Section
Professions
Libérales
du
Conseil
Economique
et
Social
Crise
et
libres
contributions
économiques
2. 2
PREFACE
DE
MONSIEUR
EDOUARD
SALUSTRO
:
Définir un ouvrage aussi riche que celui que nous propose aujourd’hui Jean-Yves
Archer relève de la gageure. Au fond, je dirais pour tenter de le résumer, qu’il s’agit
là de l’œuvre combinant la recherche de sagesse de l’honnête homme du Grand Siècle
et la faim de savoir(s) des Encyclopédistes.
Rassemblée autour d’un thème ô combien important, la portée de la crise actuelle,
cette série d’essais fixe, par touches successives, le portrait d’une société et d’une
économie occidentales qui commencent seulement à prendre conscience aujourd’hui
qu’elle sont entrées, vers 2007, dans une crise structurelle dont elle ont du mal à saisir
la portée et l’amplitude réelle.
Sans doute n’y a-t-il rien que de très normal, et l’histoire économique des deux
derniers siècles, au moins, nous montre que la myopie est un mal commun à l’histoire
économique comme à l’histoire tout court. Dès lors, une mise en perspective comme
nous l’offre ici Jean-Yves Archer est-elle un vademecum indispensable, non seulement
pour comprendre l’histoire des cinq dernières années, mais aussi pour anticiper, a
minima, les cinq années qui viennent.
Le thème de la régulation apparait en filigrane dans cet ouvrage. Ce thème, devenu un
mantra de nos gouvernants, montre ici toute son ambivalence et la nécessité de le
replacer dans le cadre plus large de la légitimité politique. En effet, un régulateur ne
tire pas de lui-même sa légitimité mais des pouvoirs politiques qui l’ont mis en place.
Ceux qui l’oublient tendent d’ailleurs à perdre rapidement le sens du réalisme et de la
réalité (notamment économique) et perdent ainsi toute efficacité.
La régulation est donc le thème cher à la plupart des politiques, européens
(beaucoup), américains (un peu) et asiatiques (pas encore). Régulation des marchés,
régulation des comportements sociaux, la notion est séduisante. Pour autant, la
longue mutation dans laquelle nous sommes entrés depuis 2007 a démontré également
les limites d’une régulation qui avait pourtant été un leitmotiv de toutes les réformes
économiques menées depuis le milieu des années 1980 : le seul exemple français
atteste de la prolifération des autorités de régulation, parfois les plus surprenantes
(régulation des jeux en ligne ou régulation de la publicité).
Or ces mêmes autorités de régulation , depuis 2007, n’ont pas anticipé les
bouleversements issus des crises successives du secteur bancaire et de la dette
publique, voire ont contribué à les amplifier ou à rendre inopérant une partie de leur
traitement. Ainsi, les superviseurs bancaires européens n’ont-ils pas anticipé la
révolution qu’allait introduire la réforme des ratios prudentiels, véritable bombe à
retardement qui oblige les établissements à une mutation inédite, comparable à celle
des années de crise des années 30 ou de prospérité des années 60.
En matière comptable, l’émergence tardive des instances d’auto-régulation et de
normalisation en Europe en général et en France en particulier, n’a pas permis là non
plus d’anticiper le choc que constituaient les IFRS, en particulier pour le secteur
financier où leur entrée en vigueur se combinait avec les nouveaux ratios prudentiels
mentionnés plus haut.
3. 3
En quelque sorte, même si la comparaison est osée, la régulation financière et
comptable a manqué, comme la dette publique européenne, d’une instance de
gouvernance qui préexiste à l’instauration des disciplines : le Mécanisme européen de
stabilité est arrivé trop tard, comme va l’être l’émergence d’un régulateur comptable
et financier européen (à travers l’ESMA).
L’intérêt de l’ouvrage de Jean-Yves Archer est certes de nous inviter à cette analyse
rétrospective. Il est aussi un appel à restaurer l’efficacité et donc la légitimité de
l’action publique.
Loin des libertariens dont la pensée est limitée, il nous incite à nous demander
comment améliorer l’intervention de l’Etat et comment la repenser dans un cadre de
refonte radicale de nos structures économiques. L’Etat « modeste » dont M. Crozier
s’était fait le chantre, n’est pas l’Etat minimal, pas plus qu’il n’est l’Etat Gargantua
dont l’action se résume à produire de la dépense publique et (mais on s’en est aperçu
un peu tard) de la dette publique. C’est un Etat qui s’affirme, qui agit, mais qui
assume sa vocation de stratège. En ce sens, la réflexion de Jean-Yves Archer est
véritablement gaullienne car elle remonte à l’essentiel : que doit faire l’Etat, c’est-à-
dire le pouvoir politique, qui ne se résume pas à l’action technocratique.
Le manque d’efficacité de la Commission européenne dans la gestion de la crise, la
reprise en main par les politiques (même si on a critiqué le couple Merkel-Sarkozy)
démontrent que, contrairement à l’idéal saint-simonien ou marxiste, l’administration
des choses ne peut pas se substituer au gouvernement des hommes.
En ce sens, l’ouvrage de Jean-Yves Archer, très réaliste sur les « années d’angoisse »
qui nous attendent, est aussi une leçon d’optimisme et de volontarisme : l’action
collective, publique ou citoyenne, est la condition de l’émergence d’un modèle
nouveau, au terme de ce qui s’annonce déjà comme une « très longue crise ». Mais
c’est justement par la lucidité sur la profondeur du mal que se mesure la capacité à
rebondir.
Edouard SALUSTRO – 14/09/2012
4. 4
En
guise
d’introduction
:
La
crise
économique
qui
sévit
actuellement
présente
des
points
de
similitude
avec
un
concert
dont
les
instruments
seraient
tenus
par
des
personnages
aux
gestes
erratiques.
La
cacophonie
de
la
crise
a
un
coût
social
que
nous
déplorons
et
que
nous
sommes
dans
l'envie
de
dénoncer
tant
les
souffrances
sont
omniprésentes
et
multiples.
Que
la
crise
atteigne
les
plus
fragiles
de
nos
sociétés
occidentales
semblent
hélas
d'une
certaine
normalité
et
les
mécanismes
d'amortisseurs
sociaux
sont
là
pour
parer
aux
urgences
et
grandes
détresses.
Mais
la
crise
de
2008
a
des
prétentions
de
destruction
sociale
plus
établies
:
elles
attaquent
sans
détours
ni
ambages
les
classes
moyennes.
L'Insee
a
instauré
le
concept
de
travailleurs
pauvres
et
qui
ne
saurait
oublier
les
dizaines
de
salariés
qui,
faute
de
pouvoir
honorer
un
loyer,
dorment
dans
leur
voiture
sur
des
aires
de
stationnement
pour
forains
ou
sur
des
parkings
de
supermarchés.
L'humiliation
sociale
et
le
peu
d'hygiène
la
nuit
à
deux
pas
de
rayons
richement
achalandés
le
jour.
Tel
est
le
constat.
A
l'échelle
de
l'Union
européenne,
si
laborieusement
construite,
nous
voilà
confrontés
à
une
crise
monétaire
(
fragilité
de
la
zone
€uro
et
situations
grecque
et
espagnole
:
retour
au
bullionnisme
?
),
à
un
tassement
sérieux
de
la
croissance
accompagné
de
délocalisations
(
crise
économique
)
et
bien
évidemment
à
une
crise
sociale
(
pouvoir
d'achat,
chômage,
développement
du
temps
partiel
mal
rémunéré,
mouvements
de
lutte
contre
l'austérité
:
les
Indignés
).
Nulle
personne
ayant
accompli
quelques
bribes
de
scolarité
économique
ne
peut
rester
indifférent
à
cet
ensemble
de
mines
dérivantes
qui
encerclent
notre
Europe.
Nul
ne
peut
ignorer
l'histoire
de
notre
Continent
:
il
y
a
nettement
moins
de
cent
ans,
ce
fût
autant
Lord
Keynes
que
le
réarmement
qui
ont
eu
raison
de
la
crise
alors
venue
des
Etats-‐Unis
d'Amérique.
La
crise
plurielle
que
nous
connaissons
est
une
fabrique
à
exclusion
sociale
et
sociétale
:
elle
déclenche
de
sourds
et
diffus
phénomènes
de
jalousies
sociales,
de
rejets
ethniques,
de
découragements
individuels.
Par
la
crainte
de
l'avenir
qu'elle
déclenche,
cette
crise
nous
fait
voir
des
taux
d'épargne
hors-‐norme
:
on
remplit
autant
son
livret
d'épargne
que
son
armoire
de
pharmacie
qui
regorge
d'anxiolytiques.
Le
cadre
supérieur,
pris
dans
son
jet-‐lag,
l'opérateur
pris
dans
une
restructuration
suite
à
un
LBO
(
Leveraged
Buy
Out
),
la
caissière
d'hypermarchés
exténuée
ont
un
point
commun
:
l'angoisse
voire
la
peur.
Il
n'est
pas
crédible
d'envisager
vivre
dans
une
société
au
sein
de
laquelle
5
millions
de
gens
sont
précaires
et
dix
millions
dans
la
crainte
d'être
déclassés
en
commençant
par
la
perte
de
leur
capacité
à
conserver
leur
logement.
Bien
des
économistes
ont
commis
bien
des
écrits
intéressants
mais
là
il
nous
faut
penser
avec
l'urgence
sociale
comme
carburant
de
la
plume.
5. 5
Il
ne
s'agit
pas
de
définir
le
scénario
X
ou
Y
comme
le
faisait
la
Datar
(
"
scénario
de
l'impossible
"
)
mais
il
convient
d'aborder
diverses
questions
économiques
avec
le
compas
dans
l'œil
:
autrement
dit,
avec
précision
et
engagement.
La
crise
étant
partie
du
monde
bancaire,
plusieurs
contributions
de
cet
ouvrage
sont
en
rapport
avec
les
banques.
Avec
leur
situation
générale,
avec
leur
besoin
d'adaptation
pour
les
banques
privées,
avec
un
peu
de
recul
historique
pour
les
banques
d'affaires
par
référence
à
feu
André
Meyer
(
Lazard
Frères
).
Nous
sommes
en
effet
convaincus
qu'une
des
conséquences
de
cette
crise
quasi-‐
planétaire
va
être
la
relance
d'un
mouvement
de
concentration
sans
précédent
que
les
vertiges
du
pouvoir
bancaire
sont
loin
d’être
soumis
à
la
moindre
asymptote.
Bnp
et
Fortis,
accord
Peugeot
et
Gm,
Gan
et
Allianz
après
Axa
et
Uap,
etc
vont
être
les
signaux
précurseurs
de
la
constitution
de
firmes
véritablement
transnationales.
Le
capitalisme
ne
sait
sortir
que
par
le
haut
:
que
par
l'incessante
massification
des
moyens
de
production.
Ces
futures
opérations
de
croissance
externe
seront
un
des
leviers
de
la
reprise
conjoncturelle
d'ici
à
5
ans.
D’autant
que
les
acquisitions
de
firmes
venues
des
pays
émergents
(
exemple
Arcelor
Mittal
)
vont
venir
renforcer
cet
état
de
faits.
Notre
réflexion
posée
nous
fait
en
effet
estimer
que
nous
sommes
confrontés
à
une
crise
du
type
de
celles
que
Clément
Juglar
avait
examinées.
Leur
récurrence
est
de
8
à
11
ans.
Autrement
dit,
des
sub-‐primes
à
l'éclaircie
:
il
faudra
estimer
une
amplitude
de
type
2007
–
2018
dans
la
pire
des
configurations.
Plusieurs
facteurs
militent
pour
cette
durée
(
qui
va
être
un
supplice
pour
le
corps
social
occidental
)
:
il
faut
du
temps
pour
que
le
système
absorbe
le
déplacement
vers
l'Est
des
foyers
de
production
(
Inde,
Chine,
etc
).
Il
faut
du
temps
pour
les
cigales
étatiques
redeviennent
réalistes
et
tentent
de
faire
entrer
leurs
déficits
publics
dans
des
zones
acceptables
et
keynésiennement
pertinentes.
Il
faut
du
temps
pour
que
nous
absorbions
cette
fantastique
rupture
technologique
de
l'ère
numérique
et
des
autres
volets
du
progrès
technologique
(
voir
écrits
de
Schumpeter
ou
de
Rostow
sur
les
étapes
du
développement
).
Enfin,
il
faudra
du
temps
pour
atteindre
un
début
de
palier
de
croissance
démographique
car
on
sait
désormais
que
la
nature
ne
pourrait
pas
absorber,
par
exemple,
12
milliards
d'êtres
humains.
(
nourriture,
pollution,
dérèglements
climatiques
et
obligations
géographiques
de
lieux
sûrs
de
peuplement
).
Ayant
été
formé
par
le
Doyen
Henri
Bartoli,
Juste
parmi
les
Nations,
il
m'est
impossible
d'oublier
la
large
section
de
son
ouvrage
(
Economie
et
création
collective
)
dédiée
à
la
question
terrible
de
la
faim.
Ici,
nous
serons
davantage
focalisés
–
pour
le
moment
–
sur
des
questions
concernant
l'Occident.
L'estimé
et
regretté
Doyen
a
écrit
que
"
l'économie
s'inscrit
au
cœur
d'un
fait
social
infiniment
plus
complexe
"
et
nous
adhérons
pleinement
à
cette
affirmation.
Interpréter
comme
le
Professeur
Alain
Touraine
l'a
fait
certains
mouvements
de
la
Société
a
pour
nous
au
moins
autant
de
pertinence
qu'un
modèle
économétrique
dont
les
fondements
sont
parfois
contestables.
Songeons
aux
stress
tests
des
banques
européennes
effectués
avec
sérieux
et
minutie
par
des
cohortes
d'auditeurs
qui
n'ont
pas
retenu
pour
hypothèse,
dans
un
premier
temps,
le
risque
de
dépréciation
sur
créances
étatiques.
En
étant
un
peu
familier
:
on
se
pince
tellement
on
croit
faire
un
cauchemar.
6. 6
Dans
un
entretien
du
18
Mai
2012,
Monsieur
Alain
Minc
évoque
la
campagne
de
vaccination
H1N1
et
indique
avoir
prévenu
le
Président
de
la
République
des
dysfonctionnements.
Il
ajoute
"
La
capacité
d'alerte
du
système
est
très
faible
".
On
pourrait
risquer
un
sourire
et
rappeler
que
l'urgentiste
Patrice
Pelloux
avait
dit
la
même
chose
lors
de
la
canicule
:
Pelloux
–
Minc,
le
nouveau
duo
improbable....
Plus
sérieusement,
il
est
bien
évidemment
aisé
de
démontrer
à
l'infini
que
l'Etat,
en
France,
a
des
capacités
de
remontées
d'information
très
puissantes
et
qui
s'inscrivent
en
contradiction
avec
les
dires
du
"
visiteur
du
soir
"
de
l'ancien
Président
Sarkozy.
Ainsi,
comment
celui-‐ci
aurait-‐il
énoncé
son
exceptionnel
discours
de
Toulon
en
2008
sur
la
garantie
des
dépôts
?
Il
fallait
bien
que
le
Chef
de
l'Etat
fut
informé,
par
exemple,
par
notre
camarade
le
Gouverneur
Christian
Noyer.
Cette
histoire
d'Etat
qui
n'entend
rien
est
véhiculé
par
des
gens
qui
n'entendent
plus
les
bruits
et
les
vents
du
XXIème
siècle.
Même
le
bon
porto
peut
devenir
vintage
et
madérisé.
L'Etat
entend
mais
est
désormais
face
à
des
complexités
de
choix
publics
que
Messieurs
Crozier
et
Friedberg
ont
démontré
dans
"
L'acteur
et
le
système
",
il
y
a
trente
ans.
La
décision
publique
nationale
est
contenue
tandis
que
la
décision
européenne
est
complexe
et
souvent
hybride.
Elle
relève
de
compromis
qui
dessine
une
politique
économique
incertaine
ou
étirée
dans
le
temps
tel
l’opportun
projet
d’union
bancaire.
Les
Trente
Glorieuses,
issues
du
mot
célèbre
de
Jean
Fourastié,
ont
été
un
moment
de
forte
intervention
étatique.
Sans
le
plan
Marshall,
l'Europe
n'aurait
atteint
le
même
visage
que
deux
décennies
après.
Sans
l'implication
gaullienne
dans
des
grands
programmes
nationaux,
sans
le
schéma
Delouvrier
pour
Paris,
etc,
les
choses
auraient
été
très
différentes
et
moins
à
notre
avantage.
Notre
parti
pris
pour
un
Etat
qui
intervient
est
établi
:
à
condition
que
les
politiques
disposent
du
bon
périscope
et
sachent
lever
les
yeux
pour
voir
loin.
On
préfère
entendre
un
Président
évoquer
le
futur
technologique
du
plateau
de
Saclay
plutôt
que
de
se
voir
infliger
le
nombre
d'amphores
entourant
la
piscine
de
la
maison
de
l'acteur
Clavier
en
Corse.
Quand
on
préside,
chaque
nano-‐seconde
compte
sauf
à
savoir
prendre
du
temps
pour
aller
marcher
près
des
forestiers
d'Avallon
ou
de
Château-‐Chinon.
Ou
encore
pour
relire
tel
ou
tel
Encyclopédiste
pour
accumuler
ce
recul
qui
donne
à
l'homme
politique
les
capacités
d'initiative
que
seuls
les
hommes
d'Etat
–
comme
feu
François
Mitterrand
-‐
détiennent.
En
France,
il
y
a
une
redéfinition
de
certains
services
d'Etat
à
conduire
car
la
crise
a
démontré
avec
voracité
leur
inertie
et
le
peu
de
portée
des
théories
holistes.
L'approche
par
la
seule
Rgpp
(
Révision
générale
des
politiques
publiques
)
gomme
trop
l'analyse
des
besoins
stratégiques
à
réaliser
en
amont,
l'analyse
par
fine
capillarité
des
attentes
du
citoyen-‐acteur.
Dans
bien
ces
cas,
la
Rgpp
s'est
trouvée
ravalée
au
rang
de
l'antique
Rcb
(
Rationalisation
des
choix
budgétaires
)
chère
à
Michel
Debré.
7. 7
Certains
auteurs
–
parfois
en
mal
d'écritures
sensationnelles
–
laissent
leur
plume
flirter
dangereusement
avec
l'Histoire
et
évoque
33
:
1933
en
Allemagne
et
ses
suites.
Pour
notre
part,
il
nous
semble
que
la
référence
à
l'an
33
suffit.
Elle
est
une
date
fondamentale
pour
les
Chrétiens
mais
elle
est
aussi
une
date
intéressante
en
matière
d'histoire
économique.
C'est
en
effet
en
33
que
survint
à
Rome
un
effondrement
du
prix
des
terres,
une
aggravation
des
conditions
de
crédit
et
une
crise
de
confiance
marquée
par
la
spéculation
et
le
peu
de
monnaie
en
circulation.
L'Empereur
Tibère
est
alors
dans
l'obligation
de
constituer
un
fonds
d'intervention
de
100
millions
de
sesterces
qui
accorde
des
emprunts
à
trois
ans
sans
perception
d'intérêts.
Il
serait
audacieux
d'établir
un
parallèle
avec
les
mois
à
venir
pour
la
zone
euro
mais
il
demeure
étonnant
que
nul
ne
parle
des
mouvements
de
déplacements
d'épargne
qui
voient
des
détenteurs
de
patrimoine
s'alléger
d'emprunts
d'Etat
lambda
pour
acquérir
des
emprunts
d'Etat
allemands.
Selon
certaines
sources,
on
parlerait
en
milliards.
La
confiance
monétaire
en
zone
euro
a
donc
un
barycentre
et
il
faut
ici
se
reporter
à
la
Loi
de
Gresham
qui
expose
que
la
bonne
monnaie
est
thésaurisée
(
le
futur
nouveau
mark
)
et
que
seule
circule
la
"
mauvaise
"
monnaie
(
celle
des
autres
anciens
de
l'euroland
).
Si
les
coups
de
butoir
finissent
par
emporter
cette
noble
construction
qu'est
cette
monnaie
commune,
nous
considérons
qu'une
thésaurisation
venue
de
plusieurs
pays
se
portera
sur
la
zone
allemande
au
détriment
d'une
ou
plusieurs
autres
monnaies
d'échange
à
valeur
érodée.
Gardons
en
mémoire
la
phrase
de
feu
François
Mitterrand
(
prononcée
le
7
Janvier
1995
lors
de
ses
vœux
à
la
presse
)
:
"
l'argent
circule,
il
fuit
les
places
où
il
ne
se
sent
pas
en
sécurité
".
De
là,
nous
parvenons
à
plusieurs
pistes
de
réflexion
dont
nous
souhaitons
livrer
au
lecteur
le
cadre
interprétatif.
1
)
Nous
nous
inscrivons,
à
titre
principal,
dans
deux
courants
de
pensée
d'origine
française
:
l'école
de
la
régulation
(
Robert
Boyer
et
Jacques
Mistral
)
et
l'école
des
conventions
(
Robert
Salais
et
Olivier
Favereau,
notamment
).
2
)
Parallèlement,
nous
respectons
les
sciences
économiques
et
sociales
mais
dans
la
droite
ligne
de
l'interprétation
faite
par
Raymond
Barre
et
surtout
par
Condillac,
nous
raisonnons
en
termes
d'économie
politique
tellement
l'Etat
est
un
acteur
majeur
et
tellement
la
politique
économique
est
une
variable
motrice
de
rang
1.
3
)
Sur
ce
dernier
point,
mais
aussi
avec
les
autres
agents
économiques,
nous
militons
pour
la
poursuite
des
travaux
sur
l'asymétrie
d'informations
qui
détermine
fortement
l'acte
d'échange.
4
)
A
l'heure
où
la
mondialisation
représente
le
même
type
de
bouleversements
que
celui
des
"
enclosures
"
au
XVIIIème
siècle
au
Royaume-‐Uni,
nous
sommes
inquiets
de
la
prolifération
du
low-‐cost
qui
masque
une
régression
sociale
dite
des
biens
Giffen.
Autrement
dit,
ces
biens
dont
la
demande
augmente
quand
le
revenu
baisse
et
que
le
consommateur
est
tiré
vers
le
bas.
8. 8
5
)
Société
dangereuse
où
le
peu
d'ethos
(
Max
Weber
)
de
certains
les
conduit
à
étaler
un
effet
Veblen
:
celui
qui
concerne
les
biens
dont
la
demande
augmente
d'autant
plus
que
leur
prix
augmente
(
voitures
de
grand
luxe,
produits
Lvmh,
etc
).
6
)
Société
en
transition
délicate
par
le
brassage
des
populations
survenu
en
30
ans
et
qui
mérite
d'être
lu
à
travers
des
analyses
d'Emile
Durkheim
et
d'autres
tenants
de
l'acculturation.
(
partage
des
cultures
et
mixité
sociale
).
7
)
Société
démocratique
où
la
"
logique
de
l'action
collective
"
(
Mancur
Olson
)
pousse
certaines
structures
représentatives
à
s'émanciper
du
message
initial
de
leurs
mandants
pour
se
tourner
vers
une
logique
bureaucratique
propre.
8
)
Société
politique
où
il
y
a
plus
de
chances
de
rencontrer
un
disciple
d'Alain
Madelin
ou
Jean-‐Michel
Fourgous
que
William
Beveridge
ou
Bismarck
(
en
première
période
:
lois
sociales
).
9
)
Société
d'ensemble
où
le
"
Paradoxe
d'Anderson
"
va
altérer
la
portée
des
mesures
du
Président
Hollande
en
matière
d'éducation.
Rappelons
qu'il
s'agit
de
travaux
réalisés
par
Charles
Anderson
en
1961
qui
avait
démontré
que
le
fait
d'obtenir
un
diplôme
de
rang
supérieur
à
celui
de
ses
parents
ne
garantit
pas
d'acquérir
un
statut
socio-‐
professionnel
supérieur.
Ce
blocage
de
cette
mobilité
ascendante
est
souvent
nommé
la
panne
de
l'ascenseur
social
et
il
englobe
aussi
bien
les
exclus
du
système
(
qui
sortent
non
diplômés
)
que
ceux
qui
ont
réussi
(
Bac
+
5
travaillant
dans
un
fast-‐food
ou
en
tant
que
coursier
).
10
)
Nous
nous
interrogeons
sur
la
pertinence
de
la
Loi
de
Verdoorn
qui
pose
que
la
croissance
économique
est
à
l'origine
des
gains
de
productivité
et
non
l'inverse.
Autrement
dit,
tout
un
pan
de
certitudes
économiques
serait
à
revisiter
comme
l'indiquait
l'article
de
Frédéric
Lemaître
dès
le
5
Septembre
2009
dans
Le
Monde.
11
)
A
l'heure
où
des
formes
spéculatives
attaquent
l'euro,
nous
sommes
très
intéressés
par
les
travaux
rigoureux
de
Richard
Thaler
mais
aussi
de
Daniel
Kahneman
en
matière
de
finance
comportementale
et
d'application
de
l'hédonisme
aux
choix
des
opérateurs
de
marché.
12
)
Enfin,
dans
une
société
de
plus
en
plus
imprévisible
où
l'immaîtrisable
se
dresse
souvent
face
à
nous,
il
convient
de
lire
posément
"
Morale
et
chaos
"
de
Pierre
Caye
dont
certaines
pistes
semblent
–
selon
notre
entendement
–
fructueuses.
Ces
douze
pistes
de
réflexion
permettront
aux
professionnels
de
l'économie
de
situer
le
cercle
dans
lequel
s'insère
notre
volonté
de
recherches
futures
et
notre
réflexion.
En
conclusion
de
ces
prolégomènes,
nous
émettons
une
parole
à
valeur
–
après
d'intenses
réflexions
–
de
postulat
:
La
crise
est
là.
Elle
apporte
détresses
et
difficultés
autant
que
perspectives
d'un
nouveau
monde.
Si
le
cycle
Juglar
se
vérifie,
nous
avons
entre
quatre
à
sept
ans
d'épreuves
:
peut-‐être
pas
sept
ans
de
malheurs
mais
sept
ans
d'angoisses.
Ce
n'est
jamais
bon
que
des
millions
de
gens
aient
peur
de
demain
et
perdent
la
foi
dans
l'idée
du
progrès
humain
décrit
par
nos
amis
des
Lumières
et
par
leurs
successeurs.
Vite,
que
les
politiques
fassent
jaillir
l'arc-‐en-‐ciel
que
le
peuple
espère
tant
!
9. 9
Comment
aborder
ce
livre
?
Par
la
liberté....
Depuis
des
années
la
vie
économique
et
sociale
–
essentiellement
de
notre
Continent
européen
-‐
m'a
fait
prendre
des
notes
et
griffonner
des
idées
éparses.
Sur
la
suggestion
insistante
de
quelques
amis,
l'écriture
s'est
mise
en
marche
récemment
notamment
du
fait
de
cette
crise
économique,
monétaire
et
sociale
qui
fait
souffrir
tant
de
personnes.
Cette
crise
est
une
inflexion
de
trajectoires
:
elle
brise
les
rêves
du
jeune
ménage
qui
allait
s'installer
et
acquérir
sa
première
maison,
elle
est
un
foyer
de
stress
aigu
pour
le
travailleur
et
pour
l'entrepreneur,
elle
est
un
vecteur
d'inquiétudes
pour
les
anciens
qui
sont
légitimement
soucieux
de
l'avenir
de
leur
descendance
tout
autant
que
de
l'évolution
de
leurs
retraites.
Face
à
cette
crise
qui
érode
tant
de
projets
de
vie,
des
contributions
économiques
ont
été
élaborées
et
diffusées
via
des
sites
web
–
que
je
tiens
à
remercier
pour
leur
confiance.
Beaucoup
réfléchissent
en
matière
de
sciences
économiques
et
sociales
:
notre
option
est
la
fidélité
à
notre
ancien
Professeur,
le
regretté
Raymond
Barre,
qui
parlait
d'abord
d'économie
politique.
Chacun
comprend
qu'il
ne
s'agit
pas
là
d'une
nuance
sémantique
mais
d'une
représentation
différente
des
questions
à
résoudre,
d'un
paradigme
distinct
face
aux
mêmes
faits.
Parallèlement,
nombre
d'études
sont
la
résultante
de
traitements
statistiques
parfois
dignes
du
suivi
d'un
audimat
télévisuel.
Pour
notre
part,
nous
posons
que
l'économie
politique
contemporaine
doit
avoir
l'histoire
triplement
au
cœur
de
sa
démarche.
D'abord,
Fernand
Braudel
et
d'autres
ont
démontré
avec
talent
et
conviction
qu'il
existe
des
séries
longues,
des
faits
pluri-‐décennaux
et
qu'il
faut
donc
savoir
lever
les
yeux
pour
voir
loin.
Puis,
l'histoire
est
peuplée
de
penseurs
dont
tous
ne
sont
pas
à
écarter
des
problématiques
actuelles.
Certains
livres
ont
vu
leur
papier
jaunir
mais
l'encre
ne
s'est
pas
ternie
et
demeure
parfois
un
lieu
d'interrogations
fertiles.
Relire
Condillac
a
plus
de
portée
que
bien
des
newsletters
d'économistes
réputés
ou
médiatiquement
reconnus.
Enfin,
l'histoire
est
là
sous
nos
yeux
:
cette
crise
est
de
nature
historique
par
son
ampleur,
sa
vigueur
et
sa
durée.
Elle
condamne
à
réfléchir
sur
son
sens
historique
en
gardant
en
mémoire
–
face
aux
souffrances
–
le
mot
de
Victor
Hugo
:
"
L'histoire
a
pour
égout
des
temps
comme
les
nôtres
".
(
in
Les
Châtiments
).
Ancien
élève
et
disciple
du
Doyen
Henri
Bartoli
en
Sorbonne,
le
fait
social
imprègne
notre
réflexion
et
ce
Professeur,
de
surcroît
Juste
parmi
les
Nations,
aura
largement
contribué
à
développer
cette
dimension
de
nos
approches.
Ces
libres
contributions
économiques
sont
marquées
du
sceau
de
la
liberté
:
de
leur
auteur
dont
la
plume
est
indépendante
et
du
lecteur.
Chaque
partie
est
détachable
du
moins
en
apparence
car
l'examinateur
attentif
pourra
y
voir
un
fil
rouge,
une
amorce
de
pensée
structurée.
Une
séquence
de
six
premières
contributions
est
dédiée
aux
banques
dont
nul
ne
saurait
vider
de
son
sens
leur
responsabilité
dans
la
crise
de
2008.
10. 10
Plusieurs
angles
d'approche
seront
offerts
au
lecteur
qui
pourra
ainsi
prendre
du
recul
face
à
une
question
désormais
polémique
(
"
la
faute
aux
banques
"
?
)
et
toujours
placée
en
zone
critique.
Si
l'on
devait
interroger
l'homme
ou
la
femme
de
la
rue,
leur
vision
de
la
crise
passerait
essentiellement
par
les
difficultés
du
pouvoir
d'achat,
la
hausse
des
prix
et
les
délocalisations
:
à
cet
effet,
le
lecteur
trouvera
une
contribution
sur
les
salaires
en
France,
une
dédiée
au
"
made
in
France
"
notion
pleine
de
faux-‐sens
et
deux
autres
contributions
d'ordre
conjoncturel
dont
une
traite
du
retour
inexorable
de
l'inflation.
Trois
autres
contributions
évoqueront
avec
une
certaine
gravité
les
chantiers
de
la
Présidence
de
la
République
de
2012
et
le
nécessaire
réexamen
de
la
politique
économique.
Trois
contributions
traiteront
de
professions-‐clefs
au
milieu
de
cette
crise
:
les
avocats
et
les
commissaires
aux
comptes.
Elles
sont
en
première
ligne
de
la
gestion
des
difficultés
des
PME
(
difficultés
contractuelles,
plans
sociaux,
procédure
d'alerte
).
Une
dernière
série
de
trois
contributions
visera
à
aborder
la
situation
de
l'industrie,
de
la
crise
et
de
ses
itérations
et
enfin
de
l'usage
toujours
risqué
des
métaphores
en
Economie.
Il
sera
alors
temps
d’évoquer
des
questions
de
gestion
publique
notamment
le
rôle
du
Parlement
face
à
la
dépense
publique
et
l’effet
boomerang
de
la
ponction
fiscale
décidée
pour
2013.
En
guise
de
conclusion
ouverte
et
provisoire,
il
sera
soumis
au
lecteur
un
texte
qui
traite
de
la
rémanence
de
cette
crise
et
de
son
influence
durable
sur
nos
choix
collectifs
et
individuels
de
demain.
Enfin,
très
sensible
à
la
question
des
Libertés
publiques,
ce
livre
comportera
une
Annexe
unique
concernant
les
lignes
d'alerte
éthique
(
"
whistleblowing
"
)
et
la
C.N.I.L
La
question
des
Libertés
publiques
a
hélas
de
beaux
jours
devant
elle
et
nous
faisons
le
serment
de
nous
y
consacrer
dans
la
mesure
de
nos
moyens
face
aux
risques
des
nouvelles
technologies
ou
autres
paramètres.
"
Au
train
où
vont
les
choses,
bientôt,
la
seule
liberté
qui
nous
sera
tout
à
fait
indispensable
sera
la
liberté
de
la
réclamer
"
Marcel
Jullian,
in
"
Courte
supplique
au
Roi
pour
le
bon
usage
des
énarques
".
Mazarine.
Avec
l'expression
de
mon
dévouement,
Mars
2013.
11. 11
Sommaire
:
LA
QUESTION
BANCAIRE
:
I
Réflexions
sur
la
crise
bancaire
:
les
banques
ne
sont
pas
mortelles
mais
blessées
II
Quatre
ans
après
:
désarroi
et
maintien
de
l'industrie
bancaire
III
L'indispensable
reconstruction
des
banques
privées
IV
Les
banques
d'affaires
:
"
Prendre
un
bouton
pour
en
faire
un
costume
"
V
Banques
:
sérieux
dangers
et
péril
possible
VI
LIBOR
:
Un
îlot
de
pertes
dans
un
océan
de
profits
CINQ
QUESTIONS
D'ACTUALITE
:
VII
La
délicate
question
des
salaires
en
France
VIII
"
Made
in
France
"
:
gare
aux
faux-‐sens
IX
Conjoncture
économique
:
où
en
sommes-‐nous
?
X
Le
boulevard
de
la
Slumpflation
XI
L'inexorable
retour
de
l'inflation
ETAT
ET
POLITIQUE
ECONOMIQUE
:
XII
Le
Président
du
15
Mai
:
labeur
et
épreuves
XIII
Politique
économique
et
attractivité
:
un
duo
gagnant
XIV
Revisitez
d'urgence
la
politique
économique
!
XV
PEUGEOT
et
la
Nation
XVI
Le
Parlement
et
les
milliards
de
l’évaluation
publique
XVII
La
pression
fiscale
de
2013
et
l’effet
boomerang
12. 12
DES
INTERVENANTS
AU
COEUR
DE
LA
CRISE
:
XVIII
L'avocat
d'affaires
:
le
vent
en
poupe
XIX
Les
avocats
pénalistes
:
un
bien
pour
le
mal
?
XX
Le
commissaire
aux
comptes
et
ses
sept
défis
INDUSTRIE,
ITERATIONS
DE
LA
CRISE,
METAPHORES
EN
ECONOMIE
:
XXI
L'Europe
a
tiré
une
balle
dans
le
pied
de
notre
industrie
XXII
La
crise
et
ses
itérations
contradictoires
:
un
vrai
danger
!
XXIII
De
l'usage
risqué
des
métaphores
en
Economie
EN
GUISE
DE
CONCLUSION
:
XIV
Crise
et
rémanence
ANNEXE
:
LIBERTES
PUBLIQUES
La
C.N.I.L
face
à
un
risque
de
QPC
:
où
se
dira
le
droit
?
13. 13
-‐
I
-‐
Les
banques
ne
sont
pas
mortelles
mais
blessées
:
risque
systémique
surévalué,
autres
risques
négligés...
Feu
le
Sénateur
Etienne
DAILLY
–
dont
les
bordereaux
sont
familiers
à
bien
des
employés
de
banque
–
avait
eu
de
nombreuses
occasions
de
répéter
en
grande
sagesse
au
Gouverneur
Bernard
CLAPPIER
(
Banque
de
France
)
que
la
confiance
bancaire
était
une
matière
délicate
:
qu'il
convenait
que
l'architecture
du
système
bancaire
national
soit
en
cohérence
avec
les
besoins
de
l'économie.
Celle
que
l'on
appelle,
selon
un
terme
rapide
et
impropre,
l'économie
réelle.
Comme
si
le
secteur
tertiaire
financier
n'était
pas
une
activité
économique
tangible
comme
pourrait
le
démontrer
un
stagiaire
de
l'I.N.S.E.E.
L'objet
de
notre
propos
est
de
considérer
que
le
risque
dit
systémique
(
de
défauts
en
chaîne
d'établissements
)
est
largement
surévalué
consécutivement
à
la
peur
de
2008
directement
et
légitimement
issue
de
la
faillite
de
LEHMAN
BROTHERS.
Tout
d'abord,
l'enseignement
d'évidence
de
2008
est
qu'aucun
haut
décideur
public
occidental
ne
prendra
le
risque
de
laisser
choir
une
banque
tant
les
entrelacs
des
unes
avec
les
autres
peuvent
engendrer
un
véritable
séisme.
La
leçon
a
été
assez
rude
pour
que
le
coup
de
dés
ne
soit
plus
tenté
même
en
cas
de
conseils
insistants
d'un
concurrent
de
la
future
victime
du
lâchage...
Puis,
le
monde
a
changé
avec
cette
dure
et
satanée
crise
:
les
décideurs
sont
en
passe
d'apprendre
une
certaine
prudence
et
d'éviter
les
engagements
hors-‐bilan
aux
configurations
incertaines
de
même
que
les
financements
croisés
aux
débouclages
hasardeux.
Enfin,
les
Régulateurs
publics
sont
à
l'œuvre
avec
minutie
et
méthode
ce
qui
est
un
gage
de
dilution
progressive
de
l'intensité
du
risque
systémique.
Incontestablement.
L'espace
nous
manque
pour
un
développement
assez
consistant
mais
nous
suggérons
vivement
aux
lecteurs
de
relire
"
L'Europe
financière
de
demain
"
de
la
très
estimée
Alice
Pezard
(
Cour
de
Cassation
)
et
notamment
les
sections
où
elle
évoquait
les
risques
de
la
titrisation....en
1995.
Par
bien
des
aspects,
le
risque
systémique
en
Occident
nous
semble
dorénavant
un
risque
mais
un
process
de
dimension
maîtrisable.
De
surcroît,
un
détour
par
le
droit
des
affaires
s'impose.
Toute
entité
commerciale
est,
par
essence,
soumise
aux
risques
de
cessation
des
paiements.
Toutes
?
Est-‐on
certain
que
lors
de
la
réunion
de
crise
entre
Messieurs
14. 14
Bouton
et
autres
et
notre
camarade
le
Gouverneur
Christian
Noyer
lors
de
l'affaire
dite
Kerviel
une
cessation
des
paiements
de
la
Société
Générale
ait
été
sérieusement
envisagée
?
Il
est
des
moments
dans
l'histoire
des
pays
où
la
notion
de
solidarité
de
Place
existe
et
il
faut
relier
cet
état
de
faits
parfaitement
vérifiable
à
la
quantification
du
risque
systémique.
Les
banques
ont
donc
un
statut
particulier
qui
nuance
la
rédaction
de
leurs
Statuts
au
chapitre
usuel
"
Dissolution
–
Liquidation
".
Selon
notre
analyse
–
seulement
évoquée
ici
-‐,
nous
affirmons
que
les
banques
ne
sont
pas
mortelles.
NATIXIS
l'esquisse.
DEXIA
et
sa
future
nationalisation
le
démontre
avec
éclat
et
quelques
fracas.
Si
elles
ne
sont
pas
mortelles
frontalement
comme
un
simple
sous-‐traitant
de
l'industrie
automobile,
les
banques
n'en
sont
pas
moins
blessées.
En
premier
lieu,
elles
sont
blessées
car
la
confiance
inter-‐bancaire,
clef
de
voûte
du
système
moderne,
est
atteinte.
Probablement
durablement
ce
qui
n'est
pas
un
facteur
de
croissance
mais
une
grave
déséconomie
externe
dans
l'allocation
du
capital.
Deuxièmement,
les
banques
sont
blessées
par
des
contraintes
de
rentabilité
qui
s'ajoutent
à
la
délicate
question
des
exigences
en
fonds
propres.
Selon
nous,
les
années
à
venir
vont
voir
l'hémorragie
du
produit
net
bancaire
(
notamment
du
fait
de
la
dégradation
de
la
qualité
des
créances
détenues
)
et
la
coagulation
des
regards
vers
les
questions
de
haut
de
bilan
et
questions
Bâlistiques.
Troisièmement,
les
banques
opèrent
ici
ou
là
des
saignées
dans
leurs
effectifs
ce
qui
posera
à
terme
des
questions
de
niveau
de
qualité
du
service
rendu.
Or
la
qualité
de
service
est
primordiale
dans
le
tertiaire
comme
l'a
souvent
démontré
et
écrit
le
publicitaire
David
Ogilvy.
Là
encore,
le
produit
net
bancaire
sera
effrité
après
une
illusion
d'amélioration
liée
à
la
compression
de
personnels.
Quatrièmement,
les
banques
suscitent
une
immense
méfiance
du
public
et
des
réticences
de
leurs
Clients.
Les
frais
sont
jugés
excessifs,
la
sécurité
des
dépôts
est
en
filigrane
de
bien
des
inquiétudes
et
le
produit
de
l'épargne
est
parfois
englouti
–
en
ces
temps
de
bourrasque
sur
les
marchés
–
au
détriment
de
tous
les
profils
de
gestion.
Ce
point
nous
semble
crucial
car
il
conduit
les
Clients
à
être
multi-‐bancarisés
(
effet
de
protection
)
ce
qui
nuit
à
la
taille
unitaire
de
leur
surface
dans
un
Etablissement
donné
donc
à
leur
rentabilité
nette.
Dernier
point,
les
banques
sont
blessées
dans
leur
noblesse
de
fonctionnement
:
elles
sont
devenues
le
bouc
émissaire
d'un
monde
pressé
et
superficiel
qui
a
oublié
La
Fable
des
Abeilles
de
Mandeville
sur
le
vice
et
la
vertu.
Durablement,
les
banques
vont
se
voir
imputer
un
chapeau
encore
plus
large
que
celui
que
le
Président
Mitterrand
arborait
à
la
Conférence
de
Cancùn
en
1982......
Ce
n'est
pas
satisfaisant
au
plan
de
l'histoire
économique,
c'est
périlleux
pour
qui
cherche
à
retrouver
les
chemins
de
la
croissance
économique.
15. 15
Ultime
point
qui
aura
valeur
de
conclusion
provisoire
–
tant
la
matière
est
mouvante
–
il
convient
de
se
poser
une
véritable
question
d'Economie.
La
mondialisation
est
caractérisée
par
la
mobilité
du
facteur
capital
et
par
sa
capacité
à
se
localiser
là
où
la
combinaison
productive
est
sinon
optimale
du
moins
optimisée
en
apparence
(
risque
de
sous-‐estimation
des
malfaçons,
coûts
complets
de
la
logistique
mal
appréhendés,
etc
).
Parallèlement,
l'époque
présente
est
caractérisée
par
la
mobilité
intense
et
véloce
des
capitaux
sur
laquelle
le
Président
français
tente
d'avoir
prise
dans
l'intérêt
de
ses
concitoyens.
Suite
à
une
controverse
issue
des
travaux
de
Feldstein
et
Horioka,
l'idée
d'une
intégration
croissante
des
marchés
de
capitaux
nationaux
a
été
remise
en
cause.
A
l'heure
où
des
effets
d'éviction
viendront
des
conditions
du
refinancement
des
dettes
souveraines,
nous
sommes
convaincus
que
le
système
bancaire
va
être
soumis
à
un
mouvement
de
concentration
d'une
véritable
intensité
voire
d'une
brutalité
sans
ambages.
Comme
l'aurait
pensé
Dominique
de
La
Martinière
(
auteur
d'un
raid
avorté
sur
la
Banque
STERN
il
y
a
plusieurs
décennies
),
il
"
va
y
avoir
des
coups
à
faire
pour
certains
et
des
coups
à
prendre
pour
les
autres
"
(
sic
).
16. 16
-‐
II
-‐
Quatre
ans
après
:
désarroi
et
maintien
de
l’industrie
bancaire.
Quatre
années
après
la
crise
de
2008,
l'industrie
bancaire
rencontre
des
foyers
de
désarroi
(
relations
clients,
normes
comptables,
etc
)
et
une
obligation
de
maintien
car
il
n'est
pas
pensable
de
réaliser
une
réforme
d'envergure
transnationale
et
simultanée.
Le
phasage
calendaire
du
projet
d’Union
bancaire
européenne
le
montre
:
nous
sommes
dans
un
secteur
à
digestion
lente
(
voir
futurs
retards
d’applications
de
Bâle
III
).
Il
est
usuellement
admis
en
sciences
humaines
que
l'individu
impressionné
par
une
information
d'envergure
garde
un
souvenir
fidèle
et
précis
de
l'instant.
Il
en
va
ainsi
de
l'assassinat
du
Président
Kennedy,
du
premier
pas
sur
la
Lune
et
plus
récemment
des
attentats
de
Septembre
2001,
il
y
a
presque
dix
ans.
En
économie,
cette
capacité
à
mémoriser
notre
localisation
est
un
phénomène
fort
rare
et
généralement
limité
à
la
sphère
monétaire
:
ainsi,
les
citoyens
se
souviennent
généralement
bien
de
ce
qu'ils
"
faisaient
"
au
moment
de
l'annonce
d'une
dévaluation.
Il
n'est
donc
pas
infondé
d'observer
–
à
titre
introductif
-‐
que
les
évènements
bancaires
de
Septembre
2008
ont
marqué
l'opinion
et
que
le
risque
systémique
a
bel
et
bien
été
perçu
par
des
millions
d'épargnants
et
d'acteurs
économiques
qui
se
sont
quasi-‐
simultanément
posé
les
mêmes
questions
:
Que
faudrait-‐il
faire
?
Que
dois-‐je
décider
hic
et
nunc
?
Sans
la
confiance
en
la
signature
des
Etats
dispensateurs
de
garanties,
nous
savons
tous
que
des
milliers
de
gens
n'étaient
pas
loin
de
basculer
vers
l'irrationnel
:
depuis
les
files
d'attente
devant
les
banques
de
dépôt
jusqu'à
des
micro-‐décisions
qui
auraient
relevé
de
l'absurde.
Par
la
matière
première
qu'elle
a
pour
mission
de
traiter
et
de
pétrir,
l'industrie
bancaire
est
donc
–
qu'on
le
veuille
ou
non
–
une
agrégation
hétéroclite
d'opérateurs
économiques
singuliers.
Par
l'ampleur
des
relations
inter-‐établissements,
sorte
d'immense
linkage
croisé
cher
aux
biologistes,
elle
constitue
un
réseau
spécifique
érigé
au
rang
mal
nommé
de
"
17. 17
système
"
financier
là
où
il
n'y
a
que
suite
et
empilement
de
décisions
aboutissant
à
une
construction
disparate.
Traiter
ce
pan
de
la
question
en
utilisant
la
notion
de
système
revient
à
présupposer
un
ordre,
une
cohérence
là
où
il
n'y
a
en
réalité
qu'une
suite
d'initiatives
privées
(
et
parfois
publiques
)
qui
matérialisent
in
fine
l'existence
d'un
secteur
économique.
Ce
point
n'est
pas
d'ordre
sémantique,
il
est
intrinsèquement
analytique
et
porte
en
lui
–
au-‐delà
de
ce
rapide
énoncé
–
les
raisons
des
limites
actuelles
des
actions
des
régulateurs
publics.
Comment
contrôler
un
secteur
mal
identifié,
mal
"
détouré
"
sous
prétexte
d'une
taxinomie
erronée
?
Comment
réguler
un
secteur
objectivement
truffé
d'asymétrie
d'informations
et
de
montages
comptables
à
visée
excessivement
exonératrice
?
Pourquoi
écarter
les
avancées
de
la
méso-‐économie
là
où
les
approches
systémiques
ne
sont,
en
réalité,
que
guère
opérantes
?
Pourquoi
se
fonder
sur
des
présentations
de
comptes
fréquemment
dérogatoires
du
fil
commun
mais
dépassées
par
les
réalités
des
exploitations
?
Qui
ne
voit
que
le
débouclage
des
positions
de
Lehman
brothers
–
qui
prendront
selon
les
experts,
a
minima,
plusieurs
années
–
ne
sonne
le
glas
des
espoirs
des
contrôleurs
publics
quotidiennement
inondés
par
le
véritable
flot
d'écritures
comptables
et
les
flux
financiers
permanents
que
ceux-‐ci
sont
censés
refléter
?
Face
à
ce
besoin
de
refondation
en
amont
du
démarrage
de
l'analyse
(
du
raisonnement
hypothético-‐déductif
cher
aux
économistes
),
il
nous
paraitrait
vraiment
approprié
que
les
Pouvoirs
publics
ne
soient
pas
plus
longtemps
abusés.
En
effet,
que
la
profession
bancaire
soit
organisée
pour
la
défense
de
ses
intérêts
immédiats
et
qu'une
pyramide
puisse
être
factuellement
établie
à
la
lecture
des
poids
relatifs
des
bilans
des
grands
établissements
est
un
point
à
concéder.
Ceci
ne
permet
toutefois
pas
intellectuellement
(
ou
statistiquement,
etc
)
de
conclure
à
l'existence
d'un
système.
Cette
première
approximation
–
hélas
fort
répandue
et
commode
–
pollue
l'action
publique
et
altère
la
portée
opérationnelle
de
la
régulation
:
j'en
suis
personnellement
convaincu
depuis
des
années
(
cf.
Tribune
libre
dans
ENA-‐mensuel
d'Avril
1993
).
Fort
de
ce
premier
constat
brièvement
énonçé
–
constitutif
de
ce
que
Madeleine
Grawitz
nommait
en
sciences
sociales
une
"
réification
"
-‐,
il
convient
de
dresser
un
état
des
lieux
à
la
fin
de
2011
suivant
trois
temps
forts.
1
)
Tout
d'abord,
les
banques
sont
pour
longtemps
dans
un
lien
délicat
avec
la
notion
de
confiance.
Les
enquêtes
d'opinion
rapportent
l'ampleur
de
la
césure
et
le
slogan
"
la
crise
c'est
eux
mais
c'est
nous
qui
la
payons
!
"
ne
cesse
de
prospérer
tel
un
poison
dont
l'anti-‐démonstration
relève
de
la
gageure.
Les
épargnants
–
incontestablement
atteints
–
en
viennent
à
mélanger
un
peu
tout
et
confondent
parfois
leurs
pertes
objectives
sur
les
marchés
boursiers
avec
le
risque
de
banqueroute
financière
que
le
monde
a
sérieusement
croisé
il
y
a
quatre
ans.
Ils
18. 18
stigmatisent
leur
conseiller
d'agence
en
omettant
que
le
plus
jeune
étudiant
en
droit
pourrait
leur
confirmer
l'abîme
tangible
qui
existe
entre
l'effective
obligation
de
moyens
et
la
non-‐contractuelle
obligation
de
résultats.
Confrontés
au
risque
absolu
qu'aurait
représenté
une
crise
d'illiquidité
de
plusieurs
banques,
les
épargnants
désormais
rassurés
par
la
garantie
publique
opportunément
apportée
se
sont
à
nouveau
focalisés
sur
l'évaporation
des
rendements
de
leurs
actifs,
sur
le
"
return
"
qu'ils
escomptaient
de
leurs
stocks
d'épargne.
Si
les
banques
doivent
de
facto
œuvrer
pour
restaurer
la
confiance
de
leurs
clients
(
voir
exemples
espagnols
dont
Bankia
ou
franco-‐belge
Dexia),
ces
derniers
ne
doivent
pas
céder
à
des
assimilations
de
comptoir
qui
n'ont
rien
à
voir
avec
les
liens
contractuels
et
commerciaux
qui
ont
été
effectivement
tissés.
Sur
ce
sujet
où
le
vent
est
favorable,
le
mutisme
de
l'industrie
demeure
surprenant.
Il
y
aura
des
améliorations
car
le
temps
a
–
ici
comme
ailleurs
–
des
vertus
curatives
mais
les
décideurs
des
établissements
financiers
savent
in
concreto
–
dans
leurs
livres
-‐
le
coût
du
doute
des
clients
et
leur
appétence
chaque
jour
plus
installée
pour
les
litiges
dans
des
sociétés
occidentales
où
cette
tendance
est
relevée
dans
de
nombreux
secteurs
économiques.
2
)
Par-‐delà
cette
confiance
émoussée
(
cf.
l'augmentation
d'ores
et
déjà
décelable
des
montants
de
la
monnaie
fiduciaire
:
"
cash
is
back
in
the
race
"
)
et
désormais
soumise
à
forte
conditionnalité,
les
banques
ont
un
quadruple
défi
interne.
Premier
côté
de
ce
carré
pour
l'instant
périlleux,
la
crise
a
révélé
le
véritable
format
de
l'échelle
des
rémunérations
au
sein
des
établissements.
Pour
ceux
des
personnels
qui
sont
en
mesure
de
l'accepter,
cette
échelle
des
gains
demeure
choquante
car
chacun
a
bien
compris
qu'elle
n'est
nullement
couplée
avec
une
échelle
de
responsabilités
en
cas
de
mise
en
péril
de
l'exploitation.
Sur
ce
sujet,
il
faut
avancer
avec
prudence
et
veiller
à
la
méthode
d'analyse.
Ainsi,
il
n'y
a
pas
que
dans
le
secteur
bancaire
que
les
virtuoses
de
l'essor
commercial
sont
très
rétribués
sans
pour
autant
avoir
une
échelle
de
responsabilités
comme
celle
qui
est
usuellement
dévolue
par
le
droit
des
affaires
au
mandataire
social.
Au
prix
de
modifications
de
formes
organisationnelles
évidemment
admissibles
et
gérables,
l'industrie
bancaire
pourrait
aisément
élargir
le
nombre
de
ses
mandataires
sociaux
dans
le
but
avoué
d'une
diffusion
de
la
responsabilité.
Cette
extension
numérique
–
que
les
Pouvoirs
publics
pourraient
quant
à
eux
sans
difficultés
majeures
requérir
–
permettrait
ainsi
d'intégrer
les
rémunérations
–
par
exemple
des
traders
–
sous
le
coup
des
dispositions
de
l'article
L
225
–
102
–
1
du
Code
de
commerce
(
traitant
du
Rapport
annuel
sur
les
rémunérations
et
avantages
)
dont
on
observera
au
demeurant
que
leur
respect
est
soumis
à
attestation
(
en
exactitude
et
sincérité
)
des
commissaires
aux
comptes
depuis
la
promulgation
du
décret
de
2006.
(
D.
2006
–
1566
du
11
Décembre
2006,
article
54
).
19. 19
Notre
proposition
a
certes
un
impact
organisationnel
à
calibrer
(
créations
de
filiales
thématiques
dédiées
entrainant
la
création
de
mandats
sociaux
)
mais
peut
être
déployée
à
strict
droit
constant
ce
qui
constitue
un
atout
au
regard
de
deux
éléments
bien
identifiés
:
d'une
part,
l'encombrement
parlementaire
post-‐présidentielle...
)
du
fait
d'autres
réformes
à
mettre
en
œuvre,
d'autre
part,
la
nécessaire
recherche
d'une
quote-‐
part
maximale
de
stabilité
des
situations
juridiques.
Si
décisions
il
y
a
dans
le
secteur
bancaire,
notre
analyse
nous
conduit
à
énoncer
qu'elles
seront
tôt
ou
tard
transposées
à
d'autres
secteurs
ce
qui
n'altère
pas
la
faisabilité
opérationnelle
de
la
proposition.
Une
certitude
demeure
ancrée
:
ce
n'est
pas
le
montant
nominal
des
rémunérations
qu'il
faut
soumettre
à
la
toise,
c'est
l'exposition
au
risque
que
l'exercice
irrationnel
d'un
métier
fait
courir
à
l'ensemble.
Deuxième
côté
du
carré
actuellement
funeste,
la
crise
a
révélé
à
quel
point
la
hiérarchie
la
plus
ultime
des
établissements
bancaires
méconnaissait
le
fonctionnement
concret
des
salles
de
marché
et
leur
évolution
récente.
Pour
ne
pas
dire
plus.
Il
est
hélas
inutile
de
développer
ce
point
car
la
sagacité
du
lecteur
est
ici
présupposée
voire
postulée
et
que
nous
sommes
assez
nombreux
à
conserver
en
mémoire
des
déclarations
publiques
de
dirigeants
qui
suffisent
à
nourrir
notre
affirmation
à
valeur
de
strict
rappel
sur
un
mode
retenu.
Nous
serions
heureux
de
pouvoir
intellectuellement
nous
en
abstenir
mais
comme
se
plaisait
à
le
rappeler
Jacques
Delors
dans
d'autres
circonstances
financières
–
elles
aussi
difficiles
-‐
:
les
faits
sont
têtus…
D'ailleurs,
il
serait
pour
le
moins
contradictoire
de
nier
cette
réalité
car
cela
reviendrait
à
dire
que
les
dirigeants
avaient
pleine
conscience
des
risques
encourus,
de
ce
que
j'appelle
le
cordeau
Bickford
constitué
par
le
poids
et
le
contenu
mutuellement
sans
cesse
croissants
des
engagements
hors-‐bilan
des
établissements.
Il
y
a
eu
de
lourdes
erreurs
que
les
soutiens
publics
vont
aider
à
gommer
dans
des
silences
lourds
de
sens
car
les
parties
en
présence
n'ont
guère
d'autres
choix.
La
question
qui
demeure
ouverte
pour
l'acteur
public
et
pour
les
historiens
à
venir
de
la
sphère
financière
est
celle
du
degré
exact
ET
préalable
de
connaissances
du
volume
des
risques.
Par
obligation
et
fort
de
notre
expérience
d'ancien
commissaire
aux
comptes,
il
nous
revient
ici
de
rappeler
que
le
mandataire
social
doit
rechercher
la
continuité
d'exploitation
et
ne
pas
déroger
aux
règles
que
le
Doyen
Pierre
Bézard
a
nommé
avec
netteté
dans
plusieurs
ouvrages
(
et
jurisprudences…)
la
loyauté
du
dirigeant.
Il
serait
de
bonne
intelligence
que
les
décideurs
de
l'industrie
bancaire
gardent
présent
à
l'esprit
le
vaste
soupçon
de
baraterie
qui
plane
sur
leur
gestion
dans
la
dernière
période.
Comme
toute
soupçon,
il
charrie
ses
vérités
et
ses
excès
outranciers.
Troisième
côté
du
carré,
les
banques
sont
en
dernier
ressort
face
à
une
crise
de
rentabilité
que
les
états
de
synthèse
de
leurs
profits
ont
parfois
tendance
à
sous-‐refléter
voire
à
occulter.
20. 20
Pour
le
grand
public,
la
messe
est
dite
et
les
banques
font
à
nouveau
des
"
sous
".
Pour
qui
prend
le
temps
et
le
soin
de
lire
des
états
comptables
récents,
la
situation
est
nettement
plus
contrastée
ce
qui
a
une
conséquence
méta-‐sectorielle
que
notre
estimé
ancien
confrère
René
Ricol
a
affronté
durant
de
longues
semaines
dans
ses
fonctions
de
Médiateur
du
crédit.
L'économie
va
être
confrontée
pour
une
période
longue
à
une
sélectivité
accrue
des
banquiers
prêteurs
directement
découlée
de
leur
crise
interne
de
rentabilité.
Ceci
dans
un
contexte
où
le
refinancement
régulier
et
accentué
des
Etats
ne
manquera
pas
de
provoquer
des
effets
d'éviction
(
"
crowding-‐out
"
)
sur
les
marchés
financiers
d'où
des
tensions
durables
en
matière
de
dettes
souveraines.
A
ce
stade,
j'ignore
si
l'analyse
économique
sera
en
mesure
d'apporter
sa
contribution
à
la
crise
d'efficience
allocative
des
banques
mais
dans
la
mesure
où
l'importance
des
économistes
travaillant
pour
celles-‐ci
est
connue
et
établie
(
voir
les
éminents
Jean-‐
Hervé
Lorenzi
ou
Christian
de
Boissieu
)
il
est
légitimement
permis
d'espérer.
Quatrième
et
dernier
côté
du
carré,
les
normes
comptables.
Sur
cette
question
technique
fondamentale,
souvenons-‐nous
d'abord
avec
stricte
exactitude
et
un
rien
de
malice
entendue
que
ce
fût
Charles
de
Croisset
(
alors
Président
du
C.C.F
devenu
HSBC
France
)
le
premier
à
souligner
deux
faits
d'importance.
D'une
part,
la
sous-‐représentation
de
la
France
voire
de
l'Union
européenne
dans
les
instances
investies
du
pouvoir
de
validation
de
la
réforme
des
référentiels
normatifs.
D'autre
part,
l'ampleur
du
big
bang
que
constituerait
l'adoption
pleine
et
entière
de
la
"
fair
value
"
alors
en
cours
de
définition
finale.
Il
ne
fût
guère
entendu
des
dirigeants
d'alors
de
notre
pays
dont
la
condescendance
vis-‐
à-‐vis
du
chiffre
et
des
comptables
est
historiquement
et
presque
judiciairement
établie.
Le
premier
point
qui
surprend
concernant
les
normes
réside
dans
la
brutalité
du
changement
digne
d'une
"
migration
",
d'un
basculement
cher
aux
développeurs
de
logiciels
informatiques.
Le
monde
a
accepté
de
quitter
–
telle
une
mue
reptilienne
–
une
rive
pour
une
autre
sans
chercher
à
quantifier
les
vertus
du
panachage
voire
du
régime
transitoire.
En
effet,
nous
étions
quelques
uns
à
avoir
tenté
de
murmurer
qu'il
y
aurait
pertinence
à
ce
que
les
valeurs
au
bilan
fussent
calculées
par
une
exacte
moyenne
entre
la
valeur
de
marché
et
la
valeur
historique.
Si
l'on
songe
aux
aberrations
des
immeubles
totalement
amortis
qui
valaient
un
€uro
symbolique
en
plein
Paris
haussmannien
ou
Londres
victorien,
chacun
comprend
qu'il
y
aurait
déjà
eu
un
immense
progrès
vers
la
notion
pivot
de
toute
comptabilité:
à
savoir,
l'image
fidèle.
Au
lieu
de
fidélité,
le
travail
collectif
des
normalisateurs
–
par
ailleurs
qualifiable
de
considérable
–
s'est
attaché
à
la
notion
d'exactitude
des
comptes
en
remettant
cette
quête
dans
les
seules
mains
de
la
trompeuse
appellation
de
"
fair
value
"
qui
comporte
–
21. 21
en
creux
-‐
en
anglais
une
connotation
subjective
qui
apparaît
lorsque
le
terme
d'unfair
est
utilisé
en
droit
ou
en
économie.
Or
là,
il
y
a
eu
recul
conceptuel
préjudiciable.
En
effet,
le
Code
de
commerce
n'introduit
à
bon
escient
aucun
lien
de
cause
à
effet
entre
les
obligations
de
régularité
et
de
sincérité
comptable
d'une
part
et
l'image
fidèle
d'autre
part.
Si
l'image
fidèle
est
effectivement
présente
(
L
123-‐14,
alinéa
1er
),
c'est
bien
parce
qu'elle
est
une
notion
distincte
et
exogène
aux
deux
autres
obligations.
Pour
les
professionnels
du
chiffre,
la
comptabilité
est
intrinsèquement
un
outil
où
la
technicité
va
de
pair
avec
une
dimension
conventionnelle.
Celle-‐ci
est
quasiment
exponentielle
depuis
l'adoption
de
certaines
normes
qui
aboutissant
à
des
non-‐sens
en
termes
de
valorisation
obligent
alors
à
des
retraitements
et
à
l'utilisation
de
modèles
par
essence
soumis
à
subjectivité
et
non-‐universalité.
Sur
ce
point
précis
et
vraiment
décisif,
il
faut
ici
rappeler
que
l'alinéa
3
de
l'article
L
123-‐
14
du
Code
de
commerce
énonce
une
disposition
impérative
:
toute
dérogation
rendue
obligatoire
par
la
situation
de
fait
doit
être
explicitée
dans
l'annexe
des
comptes
annuels.
Rappel
du
texte
exact
:
"
Si,
dans
un
cas
exceptionnel,
l'application
d'une
prescription
comptable
se
révèle
impropre
à
donner
une
image
fidèle
du
patrimoine,
de
la
situation
financière
ou
du
résultat,
il
doit
y
être
dérogé.
Cette
dérogation
est
mentionnée
à
l'annexe
et
dûment
motivée,
avec
l'indication
de
son
influence
sur
le
patrimoine,
la
situation
financière
et
le
résultat
de
l'entreprise.
"
Autrement
dit,
le
Code
de
commerce
et
ses
prescriptions
règlementaires
attachées
ne
font
aucune
place
aux
conversations
d'antichambre
dignes
d'un
"
bargaining
"
suspect
et
posent
clairement
les
seules
règles
devant
présider
aux
travaux
d'arrêté
des
comptes
annuels.
L'image
fidèle
est
donc
la
pierre
angulaire
dont
la
pleine
validité
est
à
remettre
au
cœur
des
pratiques
des
acteurs
de
l'industrie
bancaire
et
de
leurs
Comités
d'audit....
Un
exemple
factuel
vient
étayer
cette
affirmation
au
moment
où
des
esquisses
de
quasi-‐
récession
menacent
:
les
banques
sont
les
seuls
agents
économiques
ayant
obtenu
en
France
une
dérogation
de
facto
au
principe
de
prudence
qui
régit
usuellement
les
règles
comptables.
Ainsi,
il
leur
est
possible
pour
les
seuls
titres
de
transaction
de
tenir
compte
des
moins-‐values
potentielles
mais
aussi
des
plus-‐values
potentielles.
Nul
besoin
d'expertise
approfondie
pour
mesurer
l'effet
d'aubaine
au
point
conjoncturel
où
nous
semblons
être.
L'image
fidèle
est
le
seul
concept
dont
la
densité
exogène
pourra
contraindre
l'industrie
bancaire
à
la
rigueur
que
l'essence
de
ses
métiers
rend
obligatoire.
Pour
citer
–
à
fin
de
plus
ample
démonstration
–
un
auteur
reconnu
des
praticiens
:
22. 22
"
Une
activité
notable
du
banquier
est
la
prise
ou
réception
d'engagements
significatifs
(
opérations
de
hors-‐bilan
)
sans
qu'il
y
ait
transfert
de
fonds.
Il
peut
en
découler
que
ces
engagements
ne
génèrent
pas
d'écritures
comptables
dans
les
systèmes
généraux.
La
non-‐prise
en
compte
de
ces
éléments
peut
être
difficile
à
déceler.
"
Jean-‐Luc
Siruguet,
in
"
Le
contrôle
comptable
bancaire
".
(
Revue
Banque
:
page
86
).
En
peu
de
mots,
l'essentiel
est
rapporté.
En
si
peu
de
temps
de
lecture,
on
mesure
l'ampleur
des
risques
et
la
taille
du
présent
chantier
de
reconformation
qui
va
au-‐delà
des
renforcements
de
régulation
obtenus
par
la
BCE
et
Monsieur
TRICHET.
L'industrie
bancaire
cumule
des
foyers
d'innovation
vecteurs
de
progrès
mais
parfois
d'ordre
tératogène
:
il
faut
que
les
pratiques
de
présentation
comptable
qui
sont,
à
ce
jour,
parcellaires
reflètent
bien
davantage
l'exhaustivité
des
exploitations
par
essence
toujours
imaginatives.
Le
deuxième
point
concernant
les
normes
appartient
désormais
à
l'histoire
humaine
:
conçues
pour
être
un
mieux,
elles
ont
été
un
moins
dans
les
bilans.
Leur
application
frontale,
hors
sérieux
régime
de
transition
qui
eût
valeur
probatoire,
a
coincidé
avec
une
crise
conjoncturelle
dont
l'impact
sera
profond
et
durable.
L'adoption
un
rien
naïve
et
peut-‐être
totalitaire
d'un
seul
concept
technique
endogène
(
la
"
fair
value
"
)
représente
ainsi
un
gâchis
collectif
dont
le
chiffrage
ne
se
limite
pas
aux
billets
d'avion
des
membres
de
l'IASB
ou
à
leurs
heures
de
travail.
Selon
moi,
du
fait
des
spirales
baissières
pro-‐cycliques
que
les
normes
ont
induit
sur
les
trois
dernières
années,
elles
sont
analytiquement
éligibles
au
rang
de
déséconomie
externe
majeure,
d'anti-‐externalité
sans
précédent
à
occurrence
séculaire.
Face
à
l'importance
des
destructions
combinées
de
valeur,
il
faudrait
les
patiences
et
les
ardeurs
cumulées
de
feu
Edmond
Malinvaud
(
INSEE
)
et
d'un
estimé
Edouard
Salustro
pour
suggérer
à
une
instance
internationale
une
quantification
de
cette
balle
tirée
dans
le
pied
du
monde.
Le
résultat
serait
probablement
effrayant
mais
il
contribuerait
à
ouvrir
les
yeux
en
matière
de
dévoiement
d'intentions.
A
ce
propos
de
quantification,
si
l'information
est
diffusée
(
car
rendue
publique
),
il
serait
instructif
de
lire
les
travaux
actuellement
en
cours
du
FCAG
(
Financial
Crisis
Advisory
Group
)
qui
doit
poursuivre,
dans
les
mois
à
venir,
un
opération
vérité
vis
à
vis
de
l'IASB
mais
aussi
de
la
FASB
(
US
Financial
Accounting
Standards
Board
)…
On
sait
que
Clémenceau
pensait
avoir
raison
en
énonçant
que
la
guerre
est
une
affaire
trop
sérieuse
pour
être
laissée
aux
seuls
militaires.
On
sait
désormais
que
les
plus
fins
spécialistes
comptables
peuvent
verser
dans
un
isolement
fautif
par-‐delà
leurs
nobles
intentions
de
départ.
23. 23
Madame
Christine
Lagarde
–
incontestablement
déçue
par
la
tournure
des
choses
et
les
réponses
(
fin
Août
2009
)
de
l'IASB
–
avait
alors
posé
avec
quelques
bruits
que
la
myopie
et
la
surdité
de
l'IASB
étaient
établies.
Pour
notre
part,
nous
voyons
dans
l'aboutissement
présent
des
IFRS
une
approche
monaurale
où
certains
Etats
n'ont
pas
assez
initialement
pris
conscience
de
la
révolution
de
papier
qui
était
en
marche.
Des
validations
publiques
sont
par
conséquent
intervenues
dans
des
conditions
imparfaites.
Donc,
regrettables.
Désormais,
il
est
clair
qu'il
faut
un
changement
de
statut
juridique
de
l'IASB
sinon
les
forces
en
présence
joueront
globalement
dans
le
même
sens.
Comme
aimait
à
me
le
dire
vivement
le
Préfet
de
Région
Claudius
Brosse
(
sur
d'autres
sujets…)
:
"
Vous
avez
déjà
vu
quelqu'un
de
puissant
se
déjuger
?
"…
Selon
notre
entendement
de
la
situation,
il
faut
–
selon
une
voie
minimale
–
élargir
le
nombre
de
trustees
(
et
partant
leur
"
représentativité
"
)
qui
composent
la
Fondation
IASCF,
organe
de
surveillance
de
l'IASB.
Selon
notre
approche
préférée
–
certes
plus
maximaliste
–
il
faut
arrêter
de
s'en
remettre
à
une
simple
association
de
droit
privé
pour
traiter
de
telles
matières
qui
relèvent
–
qui
songerait
à
le
contester
?
–
de
l'intérêt
général.
Sans
tenir
éloignée
de
notre
pensée
l'expérience
française
dite
de
nationalisation-‐
sanction
(
Exemple
des
usines
Renault
à
la
Libération
),
il
nous
paraît
sincèrement
soutenable
de
préconiser
l'adoption
d'un
statut
international
de
type
UPU
:
Union
postale
universelle.
Cette
modification
de
statut
est
probablement
un
point
de
passage
obligé
pour
réorienter
valablement
les
travaux
de
l'IASB
et
ainsi
donner
sa
chance
à
la
notion
d'image
fidèle.
Notre
vive
préconisation
formulée
à
l'aune
de
notre
compétence
forcément
contenue
est
en
effet
d'insérer
la
préoccupation
d'image
fidèle
de
manière
normativement
faîtière
et
de
l'endogénéiser.
Il
en
va
ici
de
la
crédibilité
des
états
comptables
de
toute
entité
et
singulièrement
de
celles
qui
traitent
de
matière
financière.
A
quoi
servirait
–
par
exemple
non
fortuit
–
une
comptabilité
en
"
fair
value
"
largement
dépassée
par
la
réalité
des
opérations
de
titrisation
et
autres
évènements
hors-‐bilan
là
où
l'image
fidèle
engage
davantage
en
fait
et
en
droit
la
responsabilité
des
opérateurs
et
des
dirigeants.
Sans
responsabilité,
pas
de
solution
normative
crédible.
Comme
la
métaphore
ici
développée
du
carré
le
préfigure,
les
quatre
côtés
sont
égaux
en
intensité
de
question
à
résoudre.