«L’INITIATIVE LOCALE RÉINVENTE L’EUROPE»: LE LIVRE
(06 octobre 2014) - L’AEIDL publie aujourd’hui une compilation des conclusions et des initiatives présentées à la conférence «L’initiative locale réinvente l’Europe» organisée à Bruxelles les 19-20 février 2014 à l’occasion de son 25ème anniversaire.
L’ouvrage de 88 pages illustrées reproduit le texte des conclusions et perspectives, ainsi que la présentation de chacune des 25 «initiatives porteuses d’avenir» sélectionnées par l’AEIDL pour la conférence.
Disponible en français et en anglais, en versions papier et électronique, la publication se veut un tremplin d’idées pour poursuivre et approfondir la réflexion engagée en février dernier.
La version imprimée peut être commandée à l’AEIDL.
3. L’initiative locale réinvente l’Europe | 3
25 ans de développement local
L’AEIDL est née à un moment charnière
de l’histoire de l’Europe. 1988 fut en effet
marquée par des changements majeurs sur
notre continent.
En juin de cette année là, la Commission
européenne dirigée par Jacques Delors a
redynamisé le processus de l’intégration
européenne en finalisant le marché intérieur
et en jetant les bases pour l’introduction de
la monnaie unique.
Cette même année, la communication
de la Commission européenne, « L’Avenir
du monde rural », a constitué le premier
plaidoyer fort pour une politique rurale
européenne. Elle soulignait la nécessité
d’expérimenter de nouvelles approches
de développement et d’impliquer les
communautés rurales dans la recherche de
solutions appropriées, jetant ainsi les bases
de l’Initiative communautaire LEADER.
L’AEIDL allait jouer un rôle important dans
ce programme et se faire ainsi connaître
dans toute l’Europe.
Márta Márczis
Dans un tout autre registre, à l’est, c’est
également en 1988 que Mikhaïl Gorbat-chev
annonce la « Perestroïka ». C’est
aussi l’époque du second Solidarité en
Pologne et l’apogée de Lech Wałęsa. C’est
également l’année qui voit les sociétés
civiles d’Europe centrale et orientale faire à
nouveau entendre leur voix, annonçant ainsi
les bouleversements politiques qui allaient
se produire dans les pays communistes.
>>>
4. 4 | L’initiative locale réinvente l’Europe
Par un beau soir de l’été 1988, Bruce
Springsteen se produisait à Berlin-Est
devant 300 000 jeunes Allemands. Il s’est
avancé vers le micro et a expliqué à la foule
les raisons qui l’avaient décidé à jouer là :
« Je ne suis pas ici pour soutenir tel ou
tel gouvernement, ni pour m’y opposer.
Je suis venu pour jouer du rock ‘n’ roll
pour vous, espérant qu’un jour tomberont
les barrières qui séparent les pays et les
peuples. » L’année suivante, c’était la chute
du mur de Berlin.
25 ans plus tard, nous sentons qu’est
revenu le temps de faire tomber certains
murs symboliques et de réinventer l’Europe
que nous aimons, une Europe véritablement
« intelligente, durable et inclusive ».
La conférence « l’initiative locale réinvente
l’Europe » que nous avons organisée les
19 et 20 février 2014 à Bruxelles et les « 25
initiatives porteuses d’avenir » qui y ont
été présentées sont en quelque sorte le
premier jalon de cette ambition.
Márta Márczis
Présidente de l’AEIDL
>>>
5. L’initiative locale réinvente l’Europe | 5
Contribution de l’AEIDL
Repenser le projet européen
à partir des citoyens
et des territoires
Le projet européen a besoin d’un renouveau ! Sa déconnexion croissante avec
ses citoyens menace la légitimité démocratique de l’UE.
▲ Participants à la conférence devant le Parlement européen (19 février 2014).
L’Association européenne pour l’information
sur le développement local (AEIDL) a été
fondée en 1988 par des femmes et des
hommes convaincus que la construction
européenne pouvait contribuer de manière
significative à l’épanouissement des indivi-dus,
des initiatives, des territoires.
Elle se fixait pour objectif de contribuer
à une Europe plus proche des citoyens,
riche des échanges entre tous ceux qui, au
niveau local, souhaitaient ouvrir de nou-velles
perspectives de développement.
Depuis sa création en 1988, l’AEIDL a
vécu diverses étapes significatives de la
construction européenne, marquées par
cette recherche du difficile équilibre sou-haité
par Jacques Delors : « la compétition
qui stimule, la coopération qui renforce, la
solidarité qui unit ».
6. L’AEIDL a été partie prenante de multiples
politiques mises en place par l’Europe,
avec pour missions l’appui aux initiatives
locales, les échanges d’expériences et la
communication entre territoires de l‘Union
européenne, l’identification de bonnes
pratiques, le renforcement des capacités
des acteurs locaux, leur mise en réseau,
l’appui à la coopération, la capitalisation et
la diffusion des enseignements, l’évaluation
des résultats.
Pour ne citer que quelques unes de ces
politiques, ce furent à travers le temps,
les Initiatives locales de développement
et d’emploi (ILDE), les Carrefours ruraux,
les Pactes territoriaux pour l’emploi, les
politiques de développement rural, dont
l’Initiative communautaire LEADER, sa
déclinaison pour les zones dépendantes
de la pêche (FARNET), l’Initiative commu-nautaire
EQUAL, de multiples programmes
de coopération, les initiatives de déve-loppement
urbain (URBAN, URBACT),
le programme environnemental LIFE, la
contribution du développement local aux
politiques de cohésion, le rôle des entre-prises
sociales et de l’économie sociale et
solidaire, etc.
A travers ces multiples programmes,
c’est une Europe chaleureuse, généreuse,
imaginative, solidaire et novatrice que les
citoyens ont découvert et ont aimée : que
de fierté pour des multitudes d’acteurs
locaux, de porteurs de projet, de bénéficier
du soutien de l’UE, de pouvoir partager
leurs pratiques et leur expériences avec
d’autres Européens, de se sentir partie
prenante de la construction d’un espace
unique au monde par son extrême diversité
et la richesse de ses cultures !
Cohésion économique,
sociale et… territoriale
En 1986, l’Acte unique (en réponse à
l’euroscepticisme suscité par la crise
pétrolière et la restructuration massive de
pans entiers du tissu industriel – charbon-nages,
acier, construction navale, textile)
avait fait de la « cohésion économique et
sociale » une nouvelle compétence de la
Communauté, concrètement traduite dans
un doublement des fonds structurels en
1988 et leur concentration sur les régions
les moins favorisées.
La dimension territoriale, qui est au coeur
de l’action de l’AEIDL, trouve en 2007 une
reconnaissance forte. Avec le Traité de
Lisbonne, l’Union européenne se fixe une
nouvelle mission : promouvoir, en plus de la
cohésion économique et sociale la « cohé-sion
territoriale » afin de mettre à profit les
points forts de chacun des territoires de
l’Union, pour que ces derniers puissent
contribuer au mieux au développement
durable et équilibré de l’UE tout entière.
Au-delà des multiples difficultés rencon-trées,
les résultats ont été au rendez-vous :
une transformation sans précédent des
pays membres, des infrastructures de
qualité construites dans toutes les régions,
y compris les plus périphériques, une
réduction très forte des inégalités entre
pays, une baisse très significative des taux
de chômage, un modèle social européen
qui avait valeur d’exemple à travers le
monde…
6 | L’initiative locale réinvente l’Europe
7. Bien évidemment, tout au long de ces
années, les tensions et crises tant au sein
de l’Europe qu’au niveau mondial n’avaient
pas manqué, illustrant la fragilité de notre
modèle économique. La mondialisation
s’accompagnait de dérégulations massives
avec pour mythe la capacité du « tout
marché »1 à résoudre les problématiques du
développement de la planète.
La croissance restait cependant présente
dans nos sociétés occidentales, nous faisant
oublier qu’elle se nourrissait pour une grande
part des dérèglements qu’elle suscitait, des
inégalités sociales, d’une atteinte croissante
aux ressources naturelles et qu’elle avait
un impact alors insoupçonné sur le chan-gement
climatique. Et pourtant, les signaux
d’alerte n’avaient pas manqué : rappelons
par exemple les avertissements du Club de
Rome dès le début des années 1970, ou plus
récemment ceux d’Al Gore, prix Nobel de la
Paix en 2007 pour sa lutte contre le réchauf-fement
climatique.
1. A partir des années 1980, le « consensus de Was-hington
» sert de base aux interventions des grands
organismes internationaux. Il prône notamment la
libéralisation des échanges et des finances, la privati-sation
des entreprises publiques, la dérégulation.
L’initiative locale réinvente l’Europe | 7
Mondialisation
mal maîtrisée et fragilités
de la construction européenne
La crise des « subprimes » déclenchée
par la faillite de la banque américaine
Lehman-Brothers en 2008, puis celle des
dettes souveraines marquent une rupture
majeure. Une troisième crise de plus
longue durée s’est approfondie : la crise
écologique, à laquelle la récession, les
égoïsmes nationaux et les conservatismes
ont éludé les réponses et les propositions
de politiques de transition
Une mondialisation mal maîtrisée, des
répartitions de richesse de plus en plus
inéquitables, un système financier sans
contrôle ayant conduit à toutes les dérives,
une spéculation immobilière créant des
croissances artificielles ont conduit à une
situation sans précédent depuis celle des
années 30.
Cette situation a été renforcée par la fragilité
de la construction européenne, sa difficulté
à choisir entre approfondissement et élargis-sement,
entre « grand marché » et véritables
politiques communes. Des politiques
ambitieuses comme par exemple la monnaie
unique ont été créés sans, à ce moment là,
les instruments de gouvernance adéquats.
« Il nous faut réfléchir à la façon d’influencer les mutations et de créer
des structures et des règles qui atténuent les effets pervers du système
et qui encouragent les individus, entreprises et territoires qui innovent
pour répondre aux problèmes de l’avenir. En ce sens, les initiatives
locales sont très importantes. Elles représentent un vaste gisement
d’innovation
et d’expérimentation qui sera précieux pour relever les
défis de l’avenir ».
Chris Brooks,
Expert en coopération économique internationale
8. ▲ Groupe scolaire dans une éolienne à Samsø (Danemak).
De manière générale, l’Europe souffre de
mécanismes de décision difficiles à com-prendre
pour un grand nombre de citoyens.
Même si des avancées majeures ont eu
lieu, avec en particulier le rôle renforcé
du Parlement européen, l’UE est perçue
comme d’autant plus lointaine par le citoyen
européen que, dans la plupart des pays, la
tentation est d’imputer à « Bruxelles » tout
ce qui dysfonctionne !
L’Europe que nous aimons est en péril :
explosion du chômage, hausse des préca-rités,
dumping social et environnemental,
perte de confiance des citoyens dans la
capacité d’agir des institutions qu’elles
soient nationales ou européennes, replis
sur soi dangereux, montée des populismes,
tentation du protectionnisme,
« L’initiative implique le désir de transgresser.
L’innovation, c’est une désobéissance qui a réussi. »
Michel Dupoirieux, Union régionale des Sociétés
coopératives et participatives (SCOP)
de Languedoc-Roussillon, France
8 | L’initiative locale réinvente l’Europe
9. L’initiative locale réinvente l’Europe | 9
« Je ne sais pas si nous aurons une croissance ‘intelligente,
durable et inclusive’, mais, notre aspiration commune ne
pourrait-il pas être de construire une Union européenne
‘intelligente, durable, inclusive’ et bien sûr, car les deux sont
étroitement liés, contribuer à un ‘monde intelligent, durable,
inclusif’ ? »
Des mutations sans précédent
Le monde a changé, non pas aux marges,
mais de façon radicale et, comme le disait
Albert Einstein, « on ne peut résoudre les
problèmes d’aujourd’hui avec des solutions
d’hier ».
L’Europe est engagée dans des mutations
fondamentales liées à la globalisation des
échanges et des informations, à l’émer-gence
de nouveaux rapports de force au
niveau mondial, à des défis écologiques
sans précédent : changements climatiques
majeurs, perte de biodiversité.
En mars 2010, la Commission européenne
a présenté sa nouvelle stratégie sur dix ans,
destinée à relancer l’économie européenne.
Intitulée « Europe 2020 », elle vise à déve-lopper
une croissance « intelligente, durable
et inclusive ».
Au vu du marasme dans lequel semble
s’inscrire la plus grande partie du continent,
ces objectifs apparaissent bien ambitieux,
et constituent de redoutables défis :
Yves Champetier, AEIDL
>> alors que des pans entiers de l’écono-mie
européenne sont sinistrés, que de
multiples territoires sont vidés de leurs
activités économiques ;
>> alors que les enjeux liés à la transition
écologique et au changement climatique
sont encore si peu pris en compte,
et alors que la biodiversité se réduit
dangereusement ;
>> alors que le chômage touche plus de
11 % de la population active européenne,
plus de 50 % des jeunes de moins de
25 ans en Espagne et plus de 60 %
en Grèce… En 2011, selon les chiffres
d’Eurostat, 27 % des enfants de moins
de 18 ans étaient exposés au risque de
pauvreté ou d’exclusion sociale, cette
proportion s’élevant à 52 % en Bulgarie,
49 % en Roumanie, ou encore 38 % en
Irlande. En 2012, plus de 114 millions
de personnes (25 % de la population)
étaient menacées de pauvreté ou
d’exclusion sociale ;
>> alors surtout que la croissance annon-cée
est sans cesse reportée.
10. « J’espère que nous aussi, les entrepreneurs tziganes,
trouverons des opportunités dans notre pays et pourrons
passer devant des policiers sans faire les courbettes
qu’ils attendent de nous. Nous voulons travailler, sans être
victimes de préjugés. »
celle de la réduction du temps de travail
et celle du développement du « troisième
secteur », dans lequel les gens s’auto-
organisent
en communautés assumant une
proportion croissante des services dont ils
ont besoin ».
Aujourd’hui, de nouveaux concepts sont
apparus, certains parlent de « prospérité
sans croissance », d’autres de « sobriété
heureuse », d’autres de « Transition Initia-tives
».
Joseph E. Stiglitz, quant à lui, alerte les
Européens régulièrement des dégâts
causés par la libéralisation à outrance et
par la croissante inégalité des revenus ;
il insiste sur l’inefficacité des politiques
d’austérité qui conduisent l’Europe au
suicide et sur la nécessité de rechercher
des alternatives.
« Il y a un grave danger à laisser monter
sans rien faire la pauvreté, le chômage et
les discours xénophobes », nous dit Michael
D. Higgins, président de la République
d’Irlande.
Mobiliser « intelligence,
durabilité et inclusion »
pour rechercher de nouvelles voies
En l’absence dans des échéances proches
d’une croissance soutenue, le temps n’est
il pas venu de mobiliser « intelligence,
durabilité et inclusion » pour rechercher de
nouvelles voies ?
Les mouvements de pensée dans ce
domaine ne manquent pas. Pour autant, ils
restent relativement marginaux par rapport
aux idées dominantes, ils sont certainement
insuffisants par rapport aux défis qui sont
face à nous.
Dans les années 1970, Ignacy Sachs avait
introduit le concept d’ »écodéveloppe-ment
», le livre « The Limits to Growth » était
publié à la demande du Club de Rome et
Paul Schumacher mettait en valeur « Small
is Beautiful ».
En 1995, James Rufkin écrivait dans
son livre « La fin du travail » : « Il faut
annoncer la transition vers une économie
post-
marchande, définir de nouvelles formes
d’activité et de nouveaux modes de distri-bution
des revenus. Cela suppose d’agir
vigoureusement dans deux directions :
Imre« Zorro »Mata,
coopérative sociale Kegyetlen, Hongrie
10 | L’initiative locale réinvente l’Europe
11. L’initiative locale réinvente l’Europe | 11
Des initiatives citoyennes,
porteuses d’espoir
Sur le terrain, face à la crise, face à l’épui-sement
des modèles, au désenchantement
par rapport à des changements qui ne
se produisent pas, des initiatives fragiles
apparaissent et sont porteuses d’espoir :
>> les « circuits courts » se développent
pour mettre en relation agriculteurs,
pêcheurs et leurs clients de proximité ;
>> des systèmes d’échanges locaux, de
troc, de monnaies locales, de banques
du temps voient le jour ;
>> des réseaux d’entrepreneurs se
mettent en place afin de favoriser les
interrelations, promouvoir les échanges
de proximité, constituer des masses
critiques pour affronter de nouveaux
marchés ;
>> dans le cadre de politiques volontaristes
de « responsabilité sociale et environne-mentale
», les entreprises s’impliquent
pour agir contre les exclusions, et s’im-pliquer
dans la résolution de problèmes
environnementaux ;
Et, comment ne pas s’associer aux conclu-sions
du Forum social mondial (« Un autre
monde est possible ») qui s’est déroulé
du 26 au 30 mars 2013 à Tunis, même si
évidemment tout ceci peut paraître bien
utopique ?
« L’assemblée souhaite que les acteurs de
la société civile articulent au mieux leurs
actions pour que l’ensemble des habitants
de la planète recouvrent leurs droits et
substituent à un système économique
fondé sur l’égoïsme individuel, la prédation
des ressources, la compétition, la domina-tion
masculine et la guerre, une économie
de la fraternité, la sobriété, la coopération
et la paix entre tous les humains. » 2
Tout simplement, comment donner des
raisons d’espérer aux jeunes de 18 à 30 ans
qui sont les plus affectés par la contraction
des économies, la montée des ostracismes,
les égoïsmes cyniques ?
2. http://miramap.org/IMG/pdf/Declaration_Ass_
Conv_ESS-FSM-2013.pdf
« Nous sommes aujourd’hui dans une autre époque, que
certains ont appelé post-moderne, mais qu’au regard des
enjeux environnementaux planétaires, je préfère nommer
l’anthropocène. À cette époque, répond parfaitement l’homme
ou la femme qui participe au développement local et qui
pourrait être l’homo localicus coopératif. S’engager dans
une stratégie pour faire prévaloir l’homo localicus coopératif
sur l’homo oeonomicus individualiste. Concourir à la victoire
d’Ulysse sur le cyclope Polyphème. Ce serait une belle
ambition pour les 25 ans à venir ! »
Marjorie Jouen,
Conseillère spéciale à Notre Europe – Institut Jacques Delors
12. 12 | L’initiative locale réinvente l’Europe
« Raval est un territoire socialement responsable.
Nous mettons en pratique des valeurs telles que la
tolérance, la reconnaissance et le respect de l’autre,
la solidarité, la responsabilité partagée, l’engagement,
la participation, le sentiment d’appartenance, la durabilité
et la citoyenneté. »
>> par l’intermédiaire des réseaux sociaux,
de nouveaux types d’échanges se
créent, des solidarités s’expriment, des
mobilisations s’organisent ;
>> de nouvelles formes d’entrepreneuriat
apparaissent et se développent :
entreprises sociales, citoyennes,
coopératives, entreprises en réseau,
et la Commission européenne, notam-ment
à travers son Initiative pour
Elisa Covelo O’Neill, Fundació Tot Raval, Espagne
l’Entrepreneuriat
social, souhaite parti-ciper
à la création d’un environnement
favorable au développement de l’écono-mie
sociale et solidaire en Europe ;
>> des innovations sociales dans de
nombreux domaines, promues depuis le
niveau local, mais dans le cadre de dis-positifs
d’appui aux niveaux européen,
national ou régional ;
▼ Réunion de quartier interculturelle organisée par Tot Raval (Barcelone).
13. >> les citoyens se mobilisent pour accom-pagner
ces initiatives : par exemple, sur
le plan financier depuis les systèmes de
tontine, jusqu’au « business angels » en
passant par le « crowd funding » ;
>> des municipalités, des associations
locales, des réseaux (« slow cities »,
« cool cities »…) s’engagent pour
promouvoir des « villes ou territoires
en transition » : plans climat locaux,
plans d’action énergie, éco-villages,
éco-quartiers, « relocalisation » d’activi-tés
économiques.
Proximité, transition énergétique, nouvelles
formes de gouvernances caractérisent pour
l’essentiel ces initiatives. Elles naissent
portées par des groupes de citoyens à
la recherche d’alternatives, bien souvent
à l’écart des institutions, qu’elles soient
locales, régionales, nationales ou euro-péennes.
Par la suite, elles se développent,
pour un grand nombre d’entre elles, grâce
au soutien des politiques, notamment
européennes.
L’initiative locale réinvente l’Europe | 13
Contribuer à l’écoute de ce qui
émerge et mettre en réseau
Les changements radicaux ou les formes
de transition ou de ré-aiguillage des
politiques, générés par l’indispensable
transition énergétique, l’urgence des
actions climat, le devoir de sauvegarde
des générations futures, la nécessité de
nouveaux partages du travail, la « respon-sabilité
sociale et environnementale » pour
tous, l’invention de nouveaux modèles
locaux de développement autour de la
« sobriété heureuse et volontaire » ouvrent
de larges choix pour l’initiative citoyenne.
Consciente de ces défis, l’ambition de
l’AEIDL est de contribuer à l’écoute de ce
qui émerge au niveau des territoires et
au sein de la société civile, à déchiffrer
les signes avant-coureurs de l’innovation
sociale, à faire le tri entre les indignations
légitimes, les colères désespérées, exploi-tées
trop souvent par les populismes de
tous bords, et les inventions au quotidien
de nouvelles valeurs collectives.
En facilitant les rencontres et les inter-relations,
au sein des territoires, entre
territoires, entre territoires et niveaux
régional, national, européen, international,
« L’approche ‘top-down’ peut créer le cadre institutionnel, la forme,
mais pas le contenu d’une citoyenneté européenne. Celle-ci ne peut
se faire que de bas en haut, pas de Bruxelles mais par une myriade
d’initiatives citoyennes qui permettront de créer – ou de recréer – des
communautés de base. »
François Saint-Ouen,
Secrétaire général du Centre Européen de la Culture
14. elle est de contribuer la co-construction
citoyenne de nouvelles pratiques, de nou-velles
politiques publiques, de nouveaux
outils à mettre à disposition de ceux qui ont
compris que les changements attendus ne
sont pas des simples aménagements de
l’existant mais des innovations venues d’un
ailleurs conceptuel, idéologique et politique
à inventer.
Elle est d’être à l’écoute des « signaux
faibles », mais porteurs d’espérance, de
toutes celles et ceux qui, au coeur et à la
périphérie des territoires, des institutions,
élaborent dans la difficulté de nouvelles
réponses aux besoins.
Repérer des pratiques, encore marginales,
peut-être éphémères, peut-être prémo-nitoires,
les faire connaître, les mettre
en réseau, en tirer des enseignements,
s’inscrire dans un cercle vertueux, porteur
de solutions et d’espoirs.
Elle est de contribuer à la mise en place
de réseaux de centre de ressources,
permettant d’identifier, répertorier, diffuser
les nouveaux savoir-faire nécessaires à la
réussite de cette gigantesque mutation de
nos sociétés.
Refonder le projet européen à partir
des citoyens, des coopérations
entre acteurs et entre territoires
Notre conviction est que l’approche locale,
l’implication citoyenne, l’innovation et
l’expérimentation sociale, l’identification et
le respect des biens communs, la solidarité
entre territoires d’ici et d’ailleurs, l’invention de
nouveaux modes de gouvernance multi-ni-veaux
et multi-acteurs, peuvent contribuer
au renouveau de l’Europe que nous aimons :
riche de la diversité de ses paysages, de
ses populations, de ses cultures, ouverte au
monde, à la recherche de nouveaux équi-libres
économiques et sociaux.
25 années d’expérience en matière de
développement local nous ont beaucoup
appris sur l’inventivité des populations
quand acteurs publics, acteurs privés,
acteurs de la société, ensemble, se mettent
à l’écoute de ce qui bouge sur leur terri-toire
et essaient d’apporter ensemble des
réponses aux problèmes posés en vue de
construire localement un monde meilleur.
L’enjeu aujourd’hui face à une mutation
sans précédent, face à cette impérative
nécessité de réinventer l’avenir, est de
redonner capacité d’agir et espoir, d’être à
l’écoute des « Indignés » et de ceux qui se
« Nous avons la chance de vivre dans un endroit extraordinaire.
Notre responsabilité, mais aussi notre plaisir, c’est de prendre
soin de la nature - les plantes, les oiseaux, les animaux… C’est
notre héritage et notre cadeau pour les générations futures.
On sait qu’il faut travailler dur pour la nature mais aussi pour
le bien-être social et économique des gens. C’est ça, le vrai
développement. »
Marta Kamińska,
Partenariat pour la Vallée de la Barycz, Pologne
14 | L’initiative locale réinvente l’Europe
15. taisent faute d’espoir, d’accompagner les
initiatives, de mettre en réseau tous ceux
qui sont susceptibles d’innover.
Il est de promouvoir l’engagement citoyen,
de soutenir et encourager tous ceux –
acteurs privés et publics, tiers secteur – qui,
au niveau local, s’impliquent dans l’ouverture
de nouvelles perspectives : projets de
territoire, économie et entrepreneuriat social
et solidaire, développement alternatif et
valorisation des ressources locales, système
d’échanges locaux, plans climat locaux…
Il est de contribuer à un renouveau de la
démocratie locale et de la capacité des
populations à se réapproprier leur avenir.
Il est de donner toute chance de réussite
à toutes les politiques et dispositions
susceptibles de promouvoir la créativité des
citoyens et des territoires, et en particulier
au « développement local mené par les
acteurs locaux » pour employer la termino-logie
désormais utilisée par les institutions
européennes.
Il est d’encourager et faciliter les syner-gies
et coopérations entre acteurs aux
niveaux local, régional, national, européen,
international, pour enrichir les réflexions
collectives et construire progressivement
les outils de la transition écologique et
socio-économique et de la construction de
nouvelles solidarités.
Il est d’expérimenter ces démarches
novatrices dans tous les territoires – ruraux,
urbains, littoraux, périurbains – où des
groupes de citoyens, des acteurs publics
et privés, sont susceptibles de porter des
projets novateurs.
Il est de parier sur la culture, sur l’intelli-gence
des populations et des territoires
pour relever les défis économiques,
écologiques
et sociétaux qui nous font
face, et pour contribuer à refonder
le projet européen. ■
▲ Voie verte dans la “vallée de la carpe” (Pologne).
L’initiative locale réinvente l’Europe | 15
16. 5
25 initiatives
porteuses d’avenir
1
1 18
22
25
25
15
15
2
2
3
3
17
23
12
21
4
4
8
8
6
6
21
24
7
20
11
14
13
19
16
10
Les 25 initiatives qui suivent ont été présentées à la conférence de l’AEIDL
« L’initiative locale réinvente l’Europe » (Bruxelles, 19-20 février 2014).
Cohésion sociale
1 « Quartiers durables citoyens »
(Bruxelles, Belgique) 18
2 Tot Raval pour renforcer
la cohésion sociale d’un quartier
(Barcelone, Espagne) 20
3 Le Zeybu Solidaire (Eybens, France) 22
4 Un musée d’un nouveau genre
pour les habitants du Haut-Adige
(Bolzano, Italie) 24
5 Jardiner pour la bonne cause
(Porto, Portugal) 26
Inclusion des groupes fragiles
6 Quand la solidarité avec les
Roms aboutit à des initiatives de
développement
local
(Cluj-Napoca, Roumanie) 28
7 Együtt Egymásért : « Tous pour un,
un pour tous » (Fulókércs, Hongrie) 30
8 « Spazio Ragazzi » : l’agriculture sociale
pour les jeunes (Roccastrada, Italie) 32
9 SEWA, au service des femmes
travailleuses indépendantes
(Gujarat, Inde) 34
10 Les femmes plus autonomes à Kavar
(Bitlis, Turquie) 36
Economie sociale
11 Locality, le réseau anglais du dévelop-pement
local (Royaume-Uni) 38
12 « Union Gewerbehof »,
centre d’entreprises coopératif
(Dortmund, Allemagne) 40
13 REALIS, l’écosystème de l’innovation
sociale en Languedoc-Roussillon
(Montpellier, France) 42
14 Torino Social Innovation (Turin, Italie) 44
16 |
17. 15 La coopération, clé de la réussite
de la revitalisation de Southill
(Limerick, Irlande) 46
16 Un emploi pour chacun
(Karditsa, Grèce) 48
Environnement
et transition énergétique
17 L’île des énergies renouvelables
(Samsø, Danemark) 50
18 ECOLISE, le réseau européen
des initiatives locales pour le climat
et la durabilité 52
19 Totnes en transition :
une première mondiale
(Totnes, Royaume-Uni) 54
20 Une décharge transformée en parc
(Belgrade, Serbie) 56
Développement territorial
21 La Vallée de la Carpe
(Basse-Silésie, Pologne) 58
22 Développement local en Laponie
(Sodankylä, Finlande) 60
23 Les passerelles de Röstånga
(Scanie, Suède) 62
24 Une marque territoriale stimule le
développement rural
(Nitra, Slovaquie) 64
25 Le Parlement rural letton est lancé
(Lettonie) 66
99
L’initiative locale réinvente l’Europe | 17
18. Bruxelles : les « Quartiers
durables citoyens »
L’idée de « Quartiers durables citoyens » ? Impliquer les habitants et usagers d’un
coin de ville dans une démarche citoyenne collective à l’échelle de leur quartier.
Considérant qu’il est du rôle des pouvoirs
publics de renforcer et de valoriser les
initiatives collectives locales, Bruxelles
Environnement (l’administration régionale
de l’environnement) lance annuellement
depuis 2008 l’appel à projets « Quartiers
durables citoyens ».
Plus vert et plus convivial
Depuis 2008, ce sont une quarantaine de
quartiers de Bruxelles qui se sont progres-sivement
engagés dans la démarche. Un
quartier n’est pas l’autre, et les projets,
tout comme les dynamiques développées,
peuvent être très variés, en fonction des
caractéristiques et besoins du quartier mais
aussi des envies des porteurs de projets.
Un quartier ciblera par exemple son action
sur l’échange et la récupération avec un
« Repair café », une « give box », un four à
pain collectif… , tandis qu’un autre projet
visera l’incitation à la marche urbaine. Un
quartier fortement urbanisé travaillera sur
la verdurisation, un rucher collectif sur
un toit, des espaces de rencontre… alors
qu’un quartier de logement sociaux pourra
choisir les économies d’énergie, une friche
à transformer en potager et l’alimentation
durable pour mobiliser les habitants dans la
démarche.
L’appel à projets s’adresse à tous les
citoyens mais aussi aux acteurs privés et
publics d’un quartier. Bruxelles Environne-ment
prévoit différents appuis.
Les quartiers peuvent ainsi bénéficier des
conseils d’un coach pour mettre en place
une dynamique collective et établir un plan
d’action. Ils reçoivent aussi des outils de
18 |
19. communication et un soutien financier pour
lancer des projets et financer de l’expertise
dans les domaines qui les intéressent.
Les quartiers sont accompagnés sur une
durée d’environ 24 mois, avec des intensi-tés
variables en fonction du rythme propre
de chacun d’entre eux. Une majorité des
dynamiques initiées se poursuivent de
manière autonome au-delà de la période
d’accompagnement et certains quartiers,
en plus de gérer les projets existants, en
développent de nouveaux.
Action collective
Un projet de quartier durable est souvent
géré par un groupe de 5 à 10 habitants
motivés, le noyau, autour desquels gra-vitent
de 20 à 50 habitants s’impliquant
à différents niveaux. Les collaborations
avec des partenaires publics, des asso-ciations
locales, des centres culturels,
des commerçants, etc. sont encouragés.
Cette dimension collective et participative
peut s’exprimer de différentes façons et à
différents moments du projet, en fonction
des habitudes et aptitudes de chacun des
quartiers. Et pour beaucoup, l’action collec-tive
est un véritable apprentissage, riche en
émotion, dans lequel ils sont accompagnés.
L’initiative locale réinvente l’Europe | 19
Depuis 2013, un système de budget
participatif a été développé. Ce type de
fonctionnement représente pour les citoyens
et autres acteurs des quartiers durables
une possibilité de participer aux décisions
concernant l’affectation des ressources
disponibles. Dans un premier temps, les
critères de sélection des projets sont définis
en Assemblée, un espace ouvert de réflexion
et de décisions qui peut également se
prononcer sur les orientations de l’appel à
projets. Ainsi, chaque année, le processus
est enrichi des expériences précédentes.
Ensuite, le Conseil, composé entre autres
de représentants des quartiers, applique
ces critères afin de répartir les ressources
disponibles entre les projets proposés.
Quartiers durables citoyens
(Bruxelles, Belgique)
Contact : Louison Hellebaut
Email :
lhellebaut@environnement.irisnet.be
Site web : www.quartiers-durablescitoyens.
be (www.
bruxellesenvironnement.be/quartiersdurables)
20. Tot Raval : renforcer
la cohésion sociale d’un
quartier de Barcelone
L’association Tot Raval porte de nombreux projets visant à améliorer la
cohésion
sociale et la qualité de vie des habitants de Raval, l’un des quartiers
les plus défavorisés de Barcelone.
Avec 50 000 habitants sur une superficie
d’un peu plus d’un kilomètre carré, le
quartier de Raval à Barcelone est l’un des
plus densément peuplés d’Europe. Près
de la moitié de sa population est d’origine
étrangère et la situation socio-économique
du quartier compte parmi les plus défavori-sées
de la ville.
Raval possède néanmoins un vaste réseau
de services, d’associations et de collectivi-tés
qui, depuis un certain nombre d’années,
s’engagent activement et oeuvrent pour
l’amélioration du quartier et son adaptation
à l’évolution constante et la diversité dont
il fait l’objet. Son modèle d’évolution va
même jusqu’à servir d’exemple à d’autres
territoires et villes européennes qui font
face aux mêmes difficultés.
Respect mutuel
Les activités principales de l’association
Tot Raval sont axées sur la mise en oeuvre
d’actions communautaires dans divers
domaines d’aspects social, éducatif,
culturel, professionnel, économique et
commercial. Il s’agit essentiellement de
promouvoir le respect mutuel entre les dif-férentes
communautés vivant ou travaillant
dans le quartier et, surtout, de lutter contre
toute forme ressentie de xénophobie.
Tot Raval poursuit son action associative
partagée (en 2012 elle a mené 25 projets et
sponsorisé 55 autres) sur fond de stratégies
innovantes afin de contribuer au développe-ment
local et à la création d’une économie
sociale impliquant tout le voisinage. Rien
qu’en 2012, plus de 300 organisations
et plus de 5 000 personnes se sont ainsi
directement engagées dans ces projets et
on estime à 39 000 le nombre de celles qui
en ont bénéficié.
20 |
21. Qualité de vie
Entre autres actions, l’amélioration de la qualité
de vie des enfants et adolescents de Raval et
la lutte contre l’échec scolaire en particulier
figurent en tête de liste des priorités. Cette
action rassemble plus de 30 groupes qui
collaborent par exemple à l’amélioration de la
lecture et au soutien des écoles.
La création d’emplois constitue un autre
cheval de bataille de l’association : cet
objectif a d’ailleurs donné naissance à un
réseau professionnel, Xarxa Laboral del
Raval, auquel participent plus de 50 entre-prises
ou employeurs potentiels. Ce réseau
vise notamment à encourager le placement
et l’accompagnement professionnels.
L’initiative locale réinvente l’Europe | 21
L’association s’attache surtout à stimuler
la dynamique et la cohésion sociale du
quartier par la conception et l’organisation
de diverses activités culturelles. Le festival
culturel de Raval Festival de cultura en est
l’exemple le plus illustratif.
L’association privilégie par ailleurs l’action
interculturelle par le biais de groupes de
travail, comme par exemple la célébration
commune des différents fêtes religieuses.
L’amélioration de la santé est enfin une
autre mission capitale pour l’association,
qui travaille précisément à l’élaboration
d’un plan d’action pour la promotion des
soins de santé des habitants de Raval. Plus
de 350 professionnels de la santé sont
engagés dans cette initiative.
Association Tot Raval
(Barcelone, Espagne)
Contact : Elisa Covelo O’Neill
E-mail : cultura@totraval.org
Site web : http://www.totraval.org/
22. Le Zeybu solidaire
Des habitants d’un quartier d’Eybens, près de Grenoble, ont créé une association
où le lien social, l’éco-citoyenneté et la solidarité se vivent au quotidien autour
d’un concept unique de circuit court solidaire : le « Zeybu ».
Cette coopérative d’habitants repose sur
quelques principes simples : la proximité,
la mixité et l’équité entre tous les adhérents
de l’association, la mise en relation de
producteurs et de consommateurs locaux,
en rendant les produits accessibles à tous.
La suppression des intermédiaires permet
de garder des prix à la fois raisonnables
et suffisamment rémunérateurs pour les
producteurs. S’ajoute à cela, dans une
logique de respect de l’environnement, une
volonté de limiter l’impact des transports
et d’agir sur la gestion des déchets des
produits consommés.
Don solidaire
Le Zeybu marché a lieu deux mardis par
mois, avec une distribution reposant sur
le bénévolat. Les adhérents de l’associa-tion
commandent à l’avance sur Internet
– via le Zeybux, un logiciel développé par
un Zeybulien – les produits qu’ils sou-haitent
acheter aux producteurs locaux.
Le jour du marché, ils récupèrent leurs
produits commandés. Chaque adhérent
possède un compte qu’il crédite si besoin
le jour de la distribution. Proportion-nellement
aux produits commandés,
les producteurs font librement, un don
solidaire en nature, sans contrat,
22 |
23. Ces produits issus du don des producteurs
sont achetés par les adhérents qui le
souhaitent, en surcroît de leur commande.
L’argent ainsi récolté de la vente devient
une monnaie solidaire. En fin de marché, le
Zeybu crédite cette somme sur le compte de
l’association EAU (Eybens Accueil Urgence)
qui gère l’aide alimentaire sur la commune
d’Eybens. EAU reventile entièrement la
monnaie Zeybu Solidaire en créditant les
comptes des adhérents relevant de l’aide
alimentaire, et en garantissant l’anonymat
des bénéficiaires. Ces personnes en diffi-culté
peuvent ainsi accéder aux produits du
Zeybu Marché comme n’importe quel autre
adhérent et participer à la vie de l’associa-tion
sans être stigmatisés.
Il s’agit d’un concept mutuellement
enrichissant où tous les acteurs contribuent
et perçoivent .
Autour du marché solidaire se développent
des animations, comme les ateliers du
« faire ensemble » autour de la cuisine, la
fabrication de pain (Zeybu fournil). Des évé-nements
festifs gratuits sont organisés et
financés avec la monnaie solidaire : Zeybu
soupes, Zeybu marché de Noël, la Zeybu
fête de la musique, ainsi que l’organisation
de stages enfants d’éco-fabrication.
L’initiative locale réinvente l’Europe | 23
Reconnaissance et essaimage
Le projet du Zeybu a été lauréat du prix
Européen REVES Excellence Award 2013 à
Bruxelles en juin 2013. Il a aussi fait partie
des lauréats du Village de l’innovation
sociale aux Etats généraux de l’ESS en
juin 2011 à Paris. En plus d’être soutenu
par la mairie d’Eybens, le Conseil Régional
Rhône-Alpes et la Communauté d’agglo-mération
de Grenoble, il est suivi par des
chercheurs qui s’intéressent à la mise en
pratique de solidarités de proximité. Depuis
sa création, le Zeybu solidaire cherche
à essaimer ses principes. De nombreux
contacts ont été pris, qui donneront peut-être
un jour naissance à d’autres projets
similaires.
Les Amis du Zeybu
(Eybens, Rhône-Alpes, France)
Contact : Jean-Jacques Pierre
E-mail : lesamisduzeybu@gmail.com
Site web : www.lesamisduzeybu.fr
24. Un musée d’un nouveau genre
pour les habitants
du Haut-Adige
Le « Musée ouvert sur la cité » est une démarche participative et citoyenne qui
vise à promouvoir les arts et le multiculturalisme dans la province autonome du
Sud-Tyrol dans le nord de l’Italie.
La cohésion sociale par les arts
Le Haut-Adige ou Sud-Tyrol est une
province autonome située dans le nord
de l’Italie. Elle s’étend sur 7 400 km² et
compte environ 500 000 habitants, dont la
majorité est de culture austro-bavaroise
et parle l’allemand. Près d’un quart ont
l’italien comme langue maternelle (surtout
dans les villes de Bolzane et Merano) et
une minorité parle le ladin.
Les personnes d’origine immigrée repré-sentent
environ 9 % de la population
régionale. Déjà très hétérogène à la base,
celle-ci n’a cessé de se diversifier au cours
de ces dernières années. Aussi la diversité
exerce-t-elle une forte influence sur tous les
aspects du quotidien, et en particulier sur
les jeunes et les politiques culturelles.
C’est dans ce contexte qu’a été créé
l’« Open City Museum » (Musée ouvert sur
la cité) pour mettre les arts au service de la
cohésion sociale de la province.
24 |
25. Il s’agit d’un concept de musée élargi, qui
inclut les espaces publics promouvant la
citoyenneté active, ce que l’on peut essen-tiellement
observer dans la capitale de la
province, Bolzane, et dans les communes
de Bressanone et de Chiusa. L’objectif est
de faire participer tous les citoyens et plus
particulièrement les jeunes et ceux dont
les familles ont immigré dans la région, et
d’encourager la compréhension mutuelle
par le biais des arts.
Cultures plurielles
Financé par les municipalités, l’université de
Bolzane, le département d’Éducation et le
secteur privé, le Musée ouvert organise des
activités sur plusieurs fronts : événements
interculturels, art participatif, initiatives
artistiques publiques, ateliers, expositions,
débats… Afin de toucher le public le large
possible, ces activités ne se déroulent pas
uniquement dans des lieux traditionnels tels
que les galeries ou musées locaux, mais
également dans les rues et dans d’autres
espaces privés ou inexploités.
Le Musée ouvert s’est lancé dans l’aventure
en 2011 avec le projet communautaire
« Diversité culturelle de Chiusa », qui
consistait en une exposition de photos des
personnes qui s’étaient installées dans la
ville. Outre des visites guidées données
par des jeunes immigrés dans leur langue
maternelle, l’initiative proposait un atelier de
peinture au henné et une séance photo en
famille sur une place publique.
Le musée a organisé en 2013 à Bolzane un
projet de développement artistique commu-nautaire,
qui s’est clôturé par une exposition
photo en plein air, le tout avec le concours
du centre civique d’Oltrisarco. L’exposition
dévoilait une série de portraits d’inconnus
issus des archives d’un photographe local,
L’initiative locale réinvente l’Europe | 25
auxquels se mêlaient ceux de « nouveaux »
résidents venus d’autres régions.
En 2014, le Musée ouvert prévoit de lancer
une plateforme destinée à stimuler la
créativité, surtout auprès des jeunes : « La
jeunesse, la relève » mettra ainsi à l’honneur
diverses formes de citoyenneté active par le
biais, notamment, d’une série d’événements
artistiques en extérieur, organisés par les
jeunes de Bressanone.
Open City Museum (OCM)
(Haut-Adige / Sud-Tyrol, Italie)
Contact : Martha Jimenez Rosano
E-mail : martha.jimenez@cuartel.de
Site web : www.cuartel.de
26. Jardiner pour
la bonne cause à Porto
Habitants et organisations locales participent à une démarche à la fois
novatrice
et utile : créer un grand nombre de nouveaux jardins potagers
dans la banlieue de Porto.
Le projet de jardins collectifs « Horta à
Porta » pour la culture bio de fruits, de
légumes, de fleurs et d’herbes aromatiques
est une initiative de LIPOR, l’entreprise
qui gère le traitement des déchets de huit
municipalités sur les onze que compte la
région. L’idée consiste à faire du jardinage
un moyen d’encourager les gens à renouer
avec leurs racines, de stimuler la partici-pation
active de chacun et de mobiliser les
communautés locales par l’engagement.
Lancés en 2004, ces nouveaux jardins
potagers collectifs se situent principale-ment
dans la banlieue nord de Porto (env.
2 millions d’habitants) à Porto, Matosinhos,
Maia, Povoa de Varzim et Vila do Conde.
Liste d’attente
Le projet est doté d’un budget d’environ
240 000 euros cofinancé par le programme
européen LIFE+, le Fonds de cohésion et
LIPOR. Il existe à ce jour 23 jardins répartis
sur une superficie de quatre hectares qui
devrait encore s’étendre dans un avenir
proche, les résidents et communautés
locaux manifestant un intérêt croissant pour
l’initiative. Selon les données de LIPOR,
plus d’un millier de personnes se trouvent
sur liste d’attente, prêts à s’investir dans
l’un ou l’autre projet écologique.
Le projet repose sur la candidature
spontanée des particuliers, quartiers ou
associations qui manifestent leur intérêt
de constituer un nouveau jardin potager
« Horta à Porta » au sein du réseau. Une
fois la demande enregistrée, chaque jardin
potager est géré sous la forme d’une
entité à part entière, c’est-à-dire avec ses
objectifs spécifiques et un espace qui lui
est propre. Il n’en demeure pas moins que
certaines stratégies sont mises au point en
partenariat avec d’autres jardins potagers
et avec le concours de LIPOR, qui apporte
sa pierre à l’édifice en offrant support
technique, assistance et formation.
26 |
27. Les personnes engagées dans le pro-gramme
de jardins collectifs peuvent ainsi
bénéficier de l’assistance d’experts en
jardinage et compostage, ainsi que de
formations en recyclage et d’une aide dans
la prise de décision.
Dynamique locale
Le réseau de jardins potagers bénéficie
d’une dynamique locale forte. Tandis que la
production et la gestion de chaque parcelle
est du ressort de chaque personne en
particulier, les responsabilités générales
sont partagées et, dans certains cas, pra-tiquement
autogérées. Plutôt que la vente
des produits de la terre, l’échange entre
jardiniers est largement encouragé dans le
but de promouvoir une certaine reconnais-sance
mutuelle et d’améliorer globalement
la qualité du jardinage.
Il faut enfin souligner que les jardins
potagers sont très prisés par le public et les
populations locales.
L’initiative locale réinvente l’Europe | 27
À l’occasion d’une enquête de satisfaction,
les habitants du quartier de Maia (aux
abords de Porto), parmi lesquels de nom-breuses
familles, ont souligné l’importance
de ces espaces pour la communauté. Qui
plus est, l’une des personnes interrogées
expliquait qu’elle s’était progressivement
éloignée de sa fille pendant 25 ans, mais
que le jardin potager lui avait permis de s’en
rapprocher dans un nouveau contexte.
Horta à Porta
(Porto, Portugal)
Contact : Ana Lopes
E-mail : ana.lopes@lipor.pt
Site web : http://www.lipor.pt/pt/
educacao-ambiental/horta-da-formiga/
horta-a-porta/
28. Quand la solidarité avec les
Roms aboutit à des initiatives
de développement
Suite à l’expulsion de 73 familles roms à Cluj-Napoca, au nord-ouest
de la Roumanie,
un ensemble d’interventions
coordonnées ont été développées
par un large éventail d’acteurs du développement local, à commencer par
les familles concernées.
Pata Rât est un bidonville, géographi-quement
isolé, installé à proximité d’une
décharge située dans la périphérie de
Cluj-Napoca (300 000 habitants) et où
vivent quelque 300 familles. Il comporte
quatre zones constituées au cours des
20 dernières années, au rythme des
expulsions répétées de familles pauvres,
essentiellement roms, du centre-ville.
Certaines de ces familles avaient quitté
leur village pour trouver du travail en ville.
La collecte sélective dans la décharge
constitue le principal moyen de subsistance
pour plus de la moitié d’entre elles.
Lutter contre la ghettoïsation
Dans la nuit du 17 décembre 2010,
73 familles roms ont été expulsées du
centre-ville pour être relogées dans la
zone de Pata Rât, tandis que leur ancienne
demeure était démolie. Un mouvement civil
fort s’est déclenché autour de la fondation
Desire et de l’association Amare Phara
pour s’opposer à cette ghettoïsation des
Roms en marge de la ville et revendiquer
la justice sociale. Avec le soutien de
militants et d’intellectuels, ce mouvement a
donné naissance au Groupe de travail des
organisations de la société civile (www.
gloc.ro) en janvier 2011. L’année suivante
a vu le lancement d’un ensemble d’inter-ventions
coordonnées par la municipalité
de Cluj et une équipe locale du Programme
des Nations unies pour le développement
(PNUD).
Une initiative populaire forte a vu le jour
face aux besoins les plus urgents, notam-ment
celui d’assurer l’aide et la sécurité
des enfants vivant près de la décharge. Un
groupe de bénévoles composé d’étudiants
et d’experts a mis sur pied la première
tente pour enfants en 2012 sur le site de
28 |
29. la décharge pour y offrir régulièrement
des activités éducatives et des loisirs aux
enfants les plus vulnérables de la zone.
L’initiative a reçu le soutien de la direction
des Services sociaux et médicaux de la
municipalité.
Éducation et activités
communautaires
Au cours de l’été 2013, Fundatia pentru
Dezvoltarea Popoarelor lance un projet
pour les enfants de la décharge et c’est
à ce moment-là que les deux équipes
fusionnent. Elles proposent aujourd’hui des
activités éducatives et de garde d’enfants
dans un centre mobile géré par la munici-palité
non loin de la décharge.
La communauté expulsée du centre-ville
a quant à elle fondé en 2012 l’Association
des Roms de Coastei, avec le soutien de
militants et d’organisations des droits de
l’homme et a pris des mesures concrètes
pour améliorer ses conditions de vie.
L’initiative locale réinvente l’Europe | 29
Entre autres réussites, l’association a fait
construire un centre communautaire en
trois semaines à peine, utilisant ses propres
ressources matérielles et humaines avec
l’appui de dons, locaux pour la plupart.
Projet du PNUD pour
l’intégration des Roms à Cluj
(Cluj-Napoca, Roumanie)
Contact :
Gabriella Tonk ou Eniko Vince
E-mail : gszabo2002@yahoo.com
Site web : www.gloc.ro
30. Tous pour un, un pour tous
Imre Mata, alias « Zorro », est l’initiateur d’une démarche locale qui a abouti à la
création d’une coopérative sociale dans la région de Cserehát, l’une des plus
pauvres de Hongrie. Le projet vise à améliorer le niveau de vie des habitants,
essentiellement roms, du village de Fulókércs à travers une série d’activités
locales et en offrant des possibilités d’éducation et de création d’emplois.
C’est en 1995 que Zorro et sa femme Katalin
lancent leur projet avec une fondation
néerlandaise qui soutient le développement
local dans la région. La fondation donnait
des pommes de terre à Zorro pour per-mettre
à la population rom de les cultiver.
Trois ans plus tard, mari et femme perdent
leur emploi, ce qui ne leur laisse désormais
pas d’autre choix que de se concentrer
pleinement sur leurs activités agricoles
et forestières, qui étaient jusqu’alors de
simples occupations secondaires. Deux
années de collaboration fructueuse donne-ront
naissance à la création de leur propre
fondation, « Un pour tous, tous pour un »,
qui à son tour sera à l’origine de toutes les
initiatives du couple depuis lors.
École pour les enfants roms
Première mission de la fondation : débar-rasser
les zones forestières de tout leur
bois « sans valeur », pour le redistribuer aux
familles des travailleurs. Parallèlement, la
fondation crée une école du samedi ouverte
aux enfants roms et offre des bourses
d’études à des jeunes Roms et non-Roms.
Elle initie par ailleurs plusieurs programmes,
dont l’initiative « Lait pour les enfants », des
cours de tâches ménagères et de tissage
destinés aux femmes, ainsi qu’un système
de donation communautaire (de pommes
de terres, de haricots et de chaussures,
entre autres dons).
30 |
31. En 2005, la fondation s’engage dans le
programme PNUD-Cserehát dans le cadre
duquel elle parvient, en collaboration avec
le centre de ressources du PNUD et des
animateurs, à accroître les compétences
et le potentiel des acteurs locaux et à fixer
des objectifs stratégiques d’avenir qui
répondent à la demande du marché.
Coopérative sociale
Dix années de dur labeur plus tard, la
nécessité d’établir une coopérative sociale
s’impose en 2010 et l’équipe parvient à
décrocher une subvention du Fonds social
européen (FSE). La coopérative peut rénover
son siège, assurer la formation adéquate
des travailleurs, renouveler son équipement
en vue de commandes plus importantes et
employer 10 personnes pendant un an.
Un autre des programmes soutenus par le
FSE, à savoir l’école du soir en alternance
gérée par la fondation de Zorro, a connu
des avancées majeures au cours de l’année
dernière. L’école pour enfants roms est,
quant à elle, désormais accessible tous les
jours. La coopérative sociale est aujourd’hui
à l’origine de 8 à 31 emplois (en fonction de
la saison) dans le village et l’école du soir en
alternance accueille désormais 45 enfants.
L’initiative locale réinvente l’Europe | 31
La coopérative bénéficie également d’une
aide FEADER-LEADER qu’elle compte
investir dans l’achat d’un nouveau tracteur,
d’une remorque et d’une machine à fendre
du bois. Prochaine étape ? L’ouverture
d’une petite usine de briquettes, l’objectif
principal étant d’employer 30 personnes
durant toute l’année.
Coopérative sociale
régionale Kegyetlen
(Fulókércs, Cserehát, Hongrie)
Contact : Imre Mata
E-mail : teeromaa@freemail.hu
Site web :
www.szocszovfulokercs.hu
32. « Spazio Ragazzi » :
l’agriculture sociale
pour les jeunes
Le modèle italien d’« agriculture sociale » a été introduit dans la province de
Grosseto, en Toscane, en 2009. L’une des initiatives qui en sont issues concerne
les enfants et les jeunes.
En Italie, l’agriculture sociale renvoie à
un éventail de services accessibles aux
personnes vivant en zones rurales et
péri-urbaines : la rééducation ou thérapie
des personnes handicapées, la formation et
le placement professionnel, ainsi que la for-mation
et l’éducation de groupes défavorisés
(jeunes, émigrés, etc.). L’agriculture sociale
s’appuie sur le soutien du gouvernement
et la participation du secteur privé et des
particuliers. Cette démarche très innovante
concerne l’agriculture et l’élevage de bétail,
la production alimentaire et la fourniture de
services de proximité à la population.
C’est ainsi qu’a été lancé le programme
« Amiata Responsabile » en 2009 dans
plusieurs communes situées au pied du
mont Amiata, en vue de mettre en oeuvre
plusieurs initiatives d’agriculture sociale.
Centre pour les jeunes
« Spazio Ragazzi » (Espace Jeunes) en est
un des nombreux exemples : doté d’un
budget de 295 323 euros, il est géré par le
groupe d’action locale LEADER « Fabbrica
Ambiente Rurale Maremma » et a contribué
à la mise sur pied d’un centre communau-taire
rural pour les jeunes de 6 à 14 ans,
dans la municipalité de Roccastrada.
32 |
33. Le centre, devenu une plateforme et un point
de ralliement pour les deux fermes partici-pant
à ce projet, propose de découvrir la vie
rurale et les cycles de production à l’aide
d’activités récréatives. Une ferme éducative
explique par exemple la culture des légumes
et autres produits de l’agriculture. Le centre
s’occupe aussi de promouvoir les diverses
façons d’améliorer le paysage, la protection
de l’environnement, la préservation de la
biodiversité et la production d’électricité à
partir d’énergie solaire.
Le projet propose en outre des activités
d’été, comme des camps à la campagne, et
offre aux enfants et aux jeunes la possibilité
d’expérimenter sur le terrain et pendant les
vacances scolaires le lien entre agriculture
et nature. Des ateliers enseignent à des
groupes d’une soixantaine de jeunes tout ce
qu’il faut savoir sur les cycles de plantation,
les animaux, le jardinage et l’apiculture.
Approche ascendante
L’espace pour jeunes est une initiative
ascendante qui prend ses racines dans la
communauté locale (les familles et asso-ciations).
Participent également à cette
L’initiative locale réinvente l’Europe | 33
initiative les organismes publics, le groupe
d’action locale FAR Maremma et l’uni-versité
de Pise, en plus des deux fermes
précitées (Pietratonda et Panierino) et de la
coopérative sociale gérant le centre rural.
Plusieurs autres organisations et asso-ciations
agricoles ont également rejoint le
projet. La structure elle-même appartient à
la commune de Roccastrada. Elle est gérée
par Coeso, un consortium d’organismes
publics et privés, et par des coopératives
sociales privées.
L’agriculture sociale favorise la diversifica-tion
des activités agricoles et l’engagement
des jeunes dans certains aspects du
quotidien qui sinon leur échapperaient.
Le modèle peut être appliqué à d’autres
territoires ruraux.
Spazio Ragazzi (Espace Jeunes)
(Roccastrada, Toscane, Italie)
Contact : Catia Segnini
E-mail : info@farmaremma.it
Site web : www.farmaremma.it
34. SEWA, au service
des femmes travailleuses
indépendantes
SEWA, association de femmes travailleuses indépendantes, s’est inspirée
des valeurs promues par Gandhi – entraide, solidarité, cohésion locale – pour
faciliter la promotion sociale des femmes défavorisées et ce tout au long de leur
vie, tant privée que professionnelle.
L’association a été fondée en 1972 sous la
forme d’un syndicat défendant les droits des
femmes qui travaillent sans contrat formel.
L’un des objectifs de SEWA consiste à aider
ces femmes à améliorer leurs conditions de
vie et de travail en négociant des salaires
plus avantageux.
Établie à Ahmedabad dans l’État du Gujarat,
cette association indépendante compte plus
de 350 000 membres. Elle déploie également
son expertise dans la mise en oeuvre de
programmes similaires dans d’autres pays
comme l’Afghanistan et le Sri Lanka.
SEWA a mis sur pied une série d’activités à
cet effet (services bancaires, micro-finance-ment
et retraites, cours d’alphabétisation et
commerce équitable de produits artisanaux),
en fonction des besoins de ses membres
tout au long de leur vie.
Une banque coopérative
pour les femmes
Cette approche basée sur les cycles de
la vie a par exemple donné naissance
à un service bancaire exclusivement
réservé aux femmes afin de répondre à
34 |
35. leurs demandes de petits prêts destinés
à acheter des matières premières ou des
marchandises à vendre, demandes que
rejetaient les banques ordinaires.
Le service bancaire de SEWA, en revanche,
offre des produits et services répondant à
des demandes spécifiques comme le prêt
financier pour l’achat de produits destinés
à la revente, pour les naissances, mariages,
funérailles, la formation professionnelle,
l’achat d’une maison, etc.
Pour garantir l’autonomie des emprunteurs
vis-à-vis des prêteurs, SEWA encourage
ses membres à l’épargne sur le long terme,
condition sine qua non pour bénéficier de
micro-financements. La banque propose
également un compte de dépôt à terme qui
produit un taux d’intérêt composé. Nombre
des membres étant illettrées, l’association
utilise des vidéos pour enseigner aux
femmes à calculer le taux d’intérêt.
En 2010, la banque de SEWA enregistrait
330 000 clientes qui ont épargné un total de
plus d’un milliard de roupies (environ 20 mil-lions
d’euros). Un succès qui encourage
d’ailleurs le gouvernement indien à envisa-ger
l’ouverture d’une banque exclusivement
réservée aux femmes.
L’initiative locale réinvente l’Europe | 35
Centres de ressources SEWA
En dehors d’Ahmedabad, SEWA aide les
femmes dans d’autres lieux défavorisés
en leur offrant de nombreux services. Un
centre communautaire situé dans la zone
rurale de Pij offre ainsi son aide dans la
syndicalisation des femmes travaillant dans
l’industrie du tabac. Ce soutien se concré-tise
par des formations lors desquelles
les femmes apprennent à se servir d’un
ordinateur, ainsi que des ateliers mis en
place pour le traitement de produits locaux
tels que les épices et les légumineuses.
D’autres centres similaires ont vu le jour sur
l’ensemble du Gujarat, qui partagent les
ressources locales comme celles fournies
par les centres régionaux de SEWA.
SEWA – Association des femmes
travailleuses indépendantes
(Gujarat, Inde)
Contact : Jyostna Patel
E-mail : jyotna.patel@aeidl.eu
Site web : www.sewa.org/
36. Les femmes
plus autonomes à Kavar
Dans l’une des régions les plus pauvres de Turquie, le Projet de développement
rural du bassin de Kavar a permis
à des centaines de femmes non seulement de
toucher des revenus mais aussi de jouer un rôle actif dans la conception et la
mise en oeuvre d’une série d’initiatives locales.
En Turquie, 39 % de la population rurale vit
dans la pauvreté, c’est-à-dire avec moins
de 3 euros par jour. La Fondation Husnu
M. Özyeğin a entrepris de s’attaquer à ce
problème et de démontrer qu’une approche
intégrée et multisectorielle impliquant
différents acteurs socioéconomiques peut
déboucher sur la création d’un modèle de
vie rurale décent.
Lancé à l’automne 2008, le Projet de
développement rural du bassin de Kavar
concerne six villages et cinq hameaux de
la province de Bitlis, dans le sud-est de
la Turquie. Cette région est l’une des plus
pauvres du pays. La moitié de sa popula-tion
a moins de 15 ans. La région a de fait
été évacuée dans les années 1990 au cours
du conflit armé qui a opposé les militants
kurdes à l’armée turque.
Développement local intégré
Le projet visait plusieurs objectifs spé-cifiques,
tels que le développement du
potentiel économique, l’amélioration du
bien-être social, la responsabilisation des
femmes, l’amélioration de l’utilisation durable
des ressources naturelles, l’établissement de
partenariats pluripartites et l’évolution des
politiques rurales vers un modèle participatif.
36 |
37. Une série d’initiatives ont vu le jour dans le
cadre de ce projet :
• La formation en apiculture et la fourniture
d’équipements adéquats pour 40 femmes
de Kavar (ces femmes ont produit
4,5 tonnes de miel en 2013).
• La fondation d’une coopérative qui
organise la collecte quotidienne de lait et
sa vente à une laiterie de Van.
• L’implantation de vergers de noyers et
de cerisiers pour 124 familles. Pour tous
les cultivateurs, une formation en gestion
des vergers, taille, élagage et greffe.
• L’amélioration des conditions sanitaires
des étables.
• La création de 5 salles communes à
Kavar. La construction d’un centre
communautaire et l’installation de 2 fours
à pain communaux en vue d’alléger la
charge de travail des femmes.
• La construction d’une école primaire en
vue d’augmenter les taux de scolarisation.
Deux écoles maternelles, des plaines de
jeux et un dortoir pour les instituteurs.
• Une bourse pour les étudiants universi-taires
et une formation en informatique
et des cours préparatoires à l’entrée à
l’université pour les jeunes.
• La mise en place d’un choeur d’enfants et
l’organisation de festivals d’été.
• Des cours d’alphabétisation et de soutien
pour les femmes.
Durabilité
Grâce à ses activités « économiques », le
projet a permis à des centaines de femmes
de bénéficier d’un revenu, en plus de jouer
un rôle dans la conception et la gestion des
initiatives elles-mêmes.
L’initiative locale réinvente l’Europe | 37
Le projet a enfin contribué à la construction
de conduites d’eau dans les pâturages et à
la formation de bergers dans la protection
et l’amélioration des pâturages. Par le
biais d’ateliers de plantation d’arbres et de
« fêtes des semences », le projet espère que
la sensibilisation accrue des jeunes aux
questions environnementales les encou-ragera
à transmettre leur savoir-faire aux
générations à venir.
Projet de développement rural
du bassin de Kavar
(Bitlis, Turquie)
Contact : Murat Bayramoglu
E-mail :
bayramoglu_murat@yahoo.com
Site web : http://www.
husnuozyeginvakfi.org.tr/en/
38. Locality, le réseau anglais
du développement local
Répondre aux besoins des communautés locales d’Angleterre est la raison
d’être de Locality, premier réseau britannique d’associations de développement,
de centres d’action sociale et d’entreprises solidaires.
Locality a vu le jour en 2012 à la suite de la
fusion entre les deux organisations établies
de longue date que sont l’association des
fonds pour le développement (Develop-ment
Trusts Association) et l’association
britannique pour l’habitation et les centres
d’action sociale (British Association of
Settlements and Social Action Centres).
Le réseau compte plus de 480 organismes
membres qui cumulent ensemble un revenu
annuel de quelque 389 millions d’euros
(dont plus de deux tiers proviennent
d’activités commerciales) et un actif total de
plus de 784 millions d’euros.
Les communautés sont au yeux de Locality
des lieux de vie offrant maintes possibilités,
de la fourniture de services aux parcs, en
passant par les commerces, les logements,
les lieux d’autonomisation, la création de
richesse ou encore la justice sociale.
Esprit d’innovation
L’organisation s’efforce de donner un nouveau
souffle à l’esprit d’innovation et d’entreprise
en vue de promouvoir la construction de
communautés fortes dont les membres sont
fiers d’y vivre et d’y travailler.
Ces membres varient considérablement en
fonction des objectifs visés et de l’éventail
des activités déployées. Quand il s’agit de
répondre à la demande locale, ces activités
recouvrent généralement les initiatives de
recyclage, les améliorations environnemen-tales,
la gestion des espaces publics, le
38 |
39. microcrédit et la consultance en la matière,
ainsi que la médiation de dettes. Les autres
champs d’intérêt s’étendent quant à eux du
service d’aide aux familles à la formation
professionnelle, en passant par les services
de garderie, l’organisation de festivals et
d’événements artistiques, les programmes
de subventions communautaires, les loge-ments
accessibles, la formation spécifique
et le bénévolat.
Dans une optique de justice sociale, les
membres sont également très actifs là où le
marché présente quelques dysfonctionne-ments,
précisément là où l’État et le secteur
privé rencontrent quelques difficultés.
Exemples
Voici quelques exemples d’accomplisse-ments
des membres du réseau :
• Coin Street Community Builders : établie
sur la rive sud de la Tamise à Londres,
cette entreprise génère un chiffre d’affaires
d’environ 9,7 millions d’euros et son actif
s’élève à plus de 36 millions d’euros. Elle
gère un centre de proximité, un centre
pour enfants, 320 unités d’habitation, un
grand centre commercial et d’affaires
(dont l’emblématique Oxo Tower), en plus
d’organiser des événements artistiques et
culturels. www.coinstreet.org
• Goodwin Development Trust : situé à Hull,
dans le nord-est de l’Angleterre, le fonds
possède et gère 14 bâtiments. Il emploie
plus de 300 personnes et représente à ce
titre l’employeur privé le plus important
de la ville. Entièrement géré par les
résidents d’une grande cité de logements
sociaux, il propose un large éventail de
services, dont des garderies, des pro-grammes
de formation en entreprise et
des projets liés à la santé et au bien-être.
www.goodwintrust.org/
L’initiative locale réinvente l’Europe | 39
• Glendale Gateway : située dans une
région rurale du nord de l’Angleterre,
Glendale dirige un centre communau-taire,
une bibliothèque, une auberge
de jeunesse, neuf unités de logement
et plusieurs magasins. L’association
propose également des services d’aide
aux entreprises, en plus de gérer l’office
du tourisme local, un site web commu-nautaire
et plusieurs activités de loisirs.
www.wooler.org.uk/glendale-gateway-trust.
Locality
(Angleterre, Royaume-Uni)
Contact : Steve Clare,
Directrice générale déléguée
E-mail : steve.clare@locality.org.uk
Site web : http://locality.org.uk/
40. « Union Gewerbehof »,
centre d’entreprises
coopératif
À Dortmund, des chômeurs ont créé leur propre emploi en convertissant
des bâtiments industriels désaffectés
en un centre d’entreprises
coopératif performant.
Depuis le milieu des années 1980, « Union »,
la banlieue ouest de la ville de Dortmund a
souffert de la fermeture progressive d’une
aciérie et de brasseries. Nombreux furent
ceux à délaisser la banlieue en raison des
conditions de logement médiocres et parmi
ceux qui sont restés, 38 % bénéficient
de l’aide sociale tandis que 50 % appar-tiennent
à des minorités ethniques ou sont
de nationalité étrangère.
L’Union Gewerbehof fut lancée en 1986 par
un groupe de 13 personnes sans emploi,
dont la plupart avaient déjà été enrôlées
dans un programme de création d’emplois
(ABM ou Arbeitsbeschaffungsmaßnahme).
S’inspirant de leurs propres expériences,
les membres du groupe ont décidé de
créer leur propre emploi. À cet effet, ils
ont commencé par rénover un bâtiment
industriel désaffecté pour ensuite convertir
les installations en espaces commerciaux
partagés (à faible loyer) à l’intention de
petites et moyennes entreprises (PME).
Autre objectif du groupe : intégrer le plus
possible des aspects environnementaux au
projet en utilisant par exemple des maté-riaux
de construction plus écologiques et
des systèmes de chauffage peu gourmands
en énergie.
Le pouvoir de l’entraide
Preuve éclatante du pouvoir de l’entraide,
presque tout le capital de départ nécessaire
à l’initiative provenait des membres eux-mêmes,
qui étaient parvenus à lever un total
de 51 000 euros sur la base de 67 actions à
767 euros. Un syndicat a apporté sa pierre
à l’édifice en consentant un investissement
supplémentaire de 10 000 euros.
40 |
41. Une subvention régionale de 2 millions
d’euros a par ailleurs permis de couvrir les
coûts de rénovation du bâtiment, qui fut
achevée en 1992. À cela s’est ajoutée une
petite intervention des services du dévelop-pement
économique de la ville.
Le centre accueille aujourd’hui
90 entreprises qui emploient un total de
270 personnes. Et bien qu’il abrite des
entreprises plus grandes, la majorité de ses
locataires sont des micro-entreprises ou
des indépendants exerçant seuls qui, pour
la plupart, sont actifs dans les secteurs de
la création, de la formation et de la consul-tance.
Un modèle simple
L’Union Gewerbehof se caractérise par
un mode de fonctionnement simple : le
centre n’a en effet pas besoin de faire de
la publicité pour trouver des occupants et,
malgré un renouvellement des locataires
plus élevé que la moyenne, les espaces
restent rarement vides plus de deux mois.
Outre les espaces et les commodités, les
seuls services officiellement proposés sont
la mise à disposition de salles de réunion,
L’initiative locale réinvente l’Europe | 41
de toilettes, d’une photocopieuse et d’une
machine à café. On y trouve également une
cantine végétarienne et un café, qui sont
toutefois gérés de façon autonome.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le
modèle fonctionne. En effet, en générant
un chiffre d’affaires annuel de quelque
500 000 euros, l’Union Gewerbehof est
financièrement indépendante. Le loyer
s’élève en moyenne à 5 euros (plus environ
2,40 euros pour les charges) par mois et par
mètre carré. L’atout majeur du centre réside
dans l’absence de garantie locative qui
incombe habituellement aux locataires, ce
qui le rend d’autant plus accessible à tous
les entrepreneurs.
Union Gewerbehof
(Dortmund, Allemagne)
Contact : Hans-Gerd Nottenbohm
E-mail :
hans-gerd@union-gewerbehof.de
Site web :
www.union-gewerbehof.de
42. REALIS, l’écosystème
de l’innovation sociale
en Languedoc-Roussillon
En 2006, l’innovation sociale n’était pas encore à la mode, mais c’est depuis
cette année-là que l’Union régionale
des SCOP (coopératives de production)
construit progressivement un ensemble de dispositifs complémentaires
pour le
développement de l’économie sociale en Languedoc-Roussillon.
Le Languedoc-Roussillon est une région
qui a une double caractéristique : une des
plus fortes croissances démographiques
d’Europe – la qualité de vie, les conditions
climatiques attirent beaucoup de monde
-, mais aussi un des taux de chômage les
plus importants de France (14,5 %).
Activités novatrices
C’est à compter de 2006 que des respon-sables
des organisations de l’économie
sociale ont fait le constat que de multiples
personnes avaient des velléités de se
lancer dans la création d’activités nou-velles
sans pour autant vouloir ou pouvoir
créer des entreprises classiques. Il était
particulièrement difficile d’accompagner
ces personnes et pourtant elles pouvaient
représenter un potentiel d’activités et
d’emplois conséquents tant en satisfaisant
des besoins sociaux aujourd’hui peu ou mal
pris en compte.
Forts de ces constats, ces « militants coo-pératifs
» ont décidé de travailler ensemble,
et ont construit patiemment et progres-sivement
un ensemble d’outils pour
accompagner ces projets émergents, très
souvent fragiles, et pourtant porteurs de
belles perspectives de développement.
Réseau d’outils
Ainsi, au bout de quelque sept ans, avec
un fort appui du Conseil Régional et de
l’Europe, ont été ainsi mis en place :
>> ALTER’INCUB, l’incubateur des projets
d’économie sociale. Depuis sa création en
1998, ALTER’INCUB a facilité la création
d’une trentaine d’entreprises d’économie
sociale dans des domaines d’activité
très variés, mais avec une prédominance
environnement, TIC, santé et culture.
>> REPLIC, société coopérative avec des
sociétaires publics et privés, crée des
entreprises d’utilité sociale et environ-nementale
en réponse à de besoins
répertoriés sur le territoire. Aujourd’hui
REPLIC, ce sont 8 coopératives créées
dans le domaine du recyclage, transport,
éco mobilité, restauration. L’ensemble
représente 70 salariés, dont 35 en
insertion.
42 |
43. >> COEPTIS, une école de management coo-pératif.
Destinée aux dirigeants et cadres
dirigeants, l’école de l’Entrepreneuriat en
économie sociale s’attache à rendre plus
lisibles les spécificités managériales et les
pratiques de gouvernance des entreprises
de l’économie sociale. 10 permanents,
45 professeurs consultants, 3 cycles
diplômants, 200 stagiaires par an.
>> COVENTIS, une convention annuelle
d’affaires des entreprises de l’Economie
sociale et solidaire. S’adressant aux
professionnels comme au grand public,
durant deux jours, COVENTIS est
l’occasion pour plus de 130 exposants
de présenter leurs actions, services et
prestations aux visiteurs.
>> L’Hôtel d’entreprises REALIS, inauguré
le 13 décembre 2013. D’un coût de 10
millions d’euros, financé par la Région et
l’Europe, REALIS peut accueillir de 30 à
50 entreprises d’économie sociale. Il est
devenu également le principal point de
rencontre de tous les acteurs de l’écono-mie
sociale de la région.
Pour compléter l’ensemble de ces outils,
des financements spécifiques ont été mis en
place afin d’accompagner la création et le
développement de ces entreprises.
L’initiative locale réinvente l’Europe | 43
Tous ces outils sont fédérés sous la marque
REALIS, le réseau actif pour l’innova-tion
sociale en Languedoc-Roussillon.
Aujourd’hui, plusieurs régions françaises
s’inspirent de REALIS pour développer
leur politique d’appui à l’économie sociale.
REALIS a été un des 5 projets retenus par
le Prix REVES (Réseau Européen des Villes
et des Régions de l’Economie Sociale et
Solidaire).
REALIS
(Languedoc Roussillon, France)
E-mail: fbellaredj@scop.coop
Site web: www.laregion-realis.fr/
44. « Torino Social Innovation »
À Turin, vingt-six organisations partenaires ont adhéré à un nouveau dispositif
d’appui à la création de structures d’innovation sociale par de jeunes entrepre-neurs.
Plus de 30 PME vont en bénéficier dès cette année.
Les villes font aujourd’hui face à de
nouveaux défis qui résultent de change-ments
économiques, environnementaux
et démographiques. Elles doivent donc
concevoir de nouveaux modèles afin de
s’inscrire dans une croissance durable,
intelligente et inclusive.
C’est justement ce genre de modèle que
promeut la municipalité de Turin, au nord
de l’Italie (900 000 habitants) : Torino Social
Innovation (TSI) est un ensemble de straté-gies
et d’instruments destinés à soutenir les
nouvelles entreprises qui répondent à des
besoins sociaux (en matière d’éducation,
d’emploi, de mobilité et de santé) tout
en prônant des valeurs économiques et
sociales.
En voici les principaux objectifs :
• Favoriser une culture d’innovation sociale
et sensibiliser la population et surtout les
acteurs économiques et sociaux à une
telle culture,
• Attirer de jeunes talents innovants par
le développement de communautés
créatives,
• Soutenir des formes inédites d’économie
collaborative.
Soutenu par l’Italie et l’Union européenne,
le programme de TSI – intégré dans le
programme européen URBACT – rassemble
plusieurs acteurs au sein d’une même
plateforme qui compte plus de 26 partenaires
représentant la Ville, la Région et la Province,
d’autres organisations des secteurs public et
privé ainsi que l’Université de Turin.
44 |
45. Expertise des partenaires
Chaque partenaire s’engage, dans son
champ d’expertise propre, à promouvoir
l’« innovation sociale ». Les partenaires
fournissent un large éventail de services
couvrant six domaines :
1. Locaux – dont des espaces de travail
partagés et des logements sociaux
à l’intention des jeunes travailleurs
étrangers à la municipalité.
2. Information – formation (ateliers sur
l’innovation sociale, cours et événements
ponctuels).
3. Soutien technique – intégration de
procédures de test et assistance dans la
réalisation de prototypes.
4. Accompagnement – aspects juridiques
et économiques, consultance en
finances et études de marché.
5. Ressources financières – subventions
publiques, prêts privés, fonds de garantie
publics et nouveaux instruments finan-ciers
innovants comme l’équité sociale.
6. Suivi et évaluation – examen des retom-bées
sociales des mesures prises.
FaciliTo Giovani est la première action
découlant du programme TSI, une initiative
qui aura cours jusque fin 2015 et vise
à soutenir les entreprises actives dans
l’innovation sociale. Les bénéficiaires de
cette initiative sont les jeunes âgés de
18 à 40 ans, les futurs entrepreneurs et
peut-être les spin-offs en activité lancées
au cours des quatre dernières années (à
condition que la majorité des actionnaires
ou représentants légaux soient des jeunes).
L’initiative locale réinvente l’Europe | 45
Plans d’activité
Entre autres avantages, cette initiative
fournit un service d’accompagnement
destiné à exploiter les idées des plans
d’activité prometteurs qui lui sont soumis
et à subventionner des entreprises sociales
et innovantes. Cet encadrement est
assuré par quatre partenaires, dont l’école
polytechnique et l’université de la ville, la
municipalité et la Province de Turin.
Le budget public total alloué à cette
initiative s’élève à 1,65 million d’euros,
dont 200 000 euros servent à couvrir les
services, 650 000 euros à financer les
subventions (fournissant jusqu’à 20 % des
coûts éligibles par projet) et 800 000 euros
à garantir jusqu’à 80 % des prêts à faible
taux du secteur privé.
Torino Social Innovation (TSI)
(Turin, Italie)
Contact : Fabrizio Barbiero
E-mail :
fabrizio.barbiero@comune.torino.it
Site web :
www.torinosocialinnovation.it/
46. La coopération,
clé de la revitalisation
de Southill à Limerick
Southill Development Co-operative (SDC), récemment rebaptisée « Tait House »,
est une coopérative de citoyens qui soutient le développement local dans un des
quartiers les plus défavorisés de Limerick.
299 actionnaires
Le quartier de Southill naît et se déve-loppe
dans le sud de Limerick au cours
des années 1960 et 1970. Il fournit des
logements sociaux aux familles ainsi que
la main d’oeuvre industrielle nécessaire
pour occuper les nouveaux emplois dans
la ville. Cette création d’emplois est le
résultat d’une stratégie parvenue à attirer
des investissements directs étrangers
et, dans leur sillage, de nouvelles usines.
La fermeture de ces industries dans les
années 1980 et 1990, toutefois, ne sera pas
sans répercussion sur la population locale,
entraînant notamment un taux de chômage
élevé. Alors que la situation connaît une
légère amélioration au cours des années de
croissance économique entre 2000 et 2006,
la ville subit de nouveaux revers à la suite de
la crise de 2008 et 2009. Un retournement
de situation qui se traduit en 2011 par
un taux de chômage culminant à 47 % à
Southill.
46 |
47. C’est dans un contexte de chômage élevé
que la SDC est créée en 1984 sous la
forme d’une coopérative communautaire
comptant 299 actionnaires. Elle prend ses
quartiers dans la Tait House à partir de
1986, un bâtiment classé appartenant aux
autorités locales et se trouvant alors dans
un état de délabrement avancé. Le site
connaîtra alors une série de rénovations au
fil des ans, grâce au soutien d’institutions
publiques et du secteur privé.
Entreprises sociales
Ces dernières années, la coopérative
s’efforce de repenser sa stratégie pour faire
face aux nouveaux défis que posent les
conditions économiques contraignantes
et, surtout, afin de moins dépendre des
subventions publiques et davantage de la
création de ses propres revenus. Le chan-gement
de nom en « Tait House » s’inscrit
dans cette évolution.
Les services fournis par la coopérative
portent sur l’information des citoyens sur
leurs droits et les questions juridiques, les
services d’information et de développement
communautaire, la formation des chômeurs
et la création d’entreprises, ainsi que
l’entrepreneuriat social et l’accès aux offres
éducatives. Cette démarche entraîne à son
tour un travail de terrain et le développement
de programmes éducatifs et de formations
visant la multiplication des offres d’emploi à
l’intention des jeunes (ex. apprentissage en
réparation automobile et garage géré sous la
forme d’une entreprise sociale).
La coopérative a d’ailleurs récemment
étendu ses programmes d’action à la pro-motion
de l’emploi des chômeurs de longue
durée. Elle emploie en tout de 103 per-sonnes
dont 50 s’occupent actuellement de
ces programmes.
L’initiative locale réinvente l’Europe | 47
En 2012, ses revenus s’élevaient à quelque
1,5 million d’euros provenant d’un ensemble
de subventions destinées à la mise en oeuvre
de programmes spécifiques (20 %) et des
revenus découlant de ses activités (80 %).
La coopérative produit un surplus qui
est ensuite réinvesti dans ses activités,
dont une garderie d’enfants, l’isolation
des maisons et les services de mise en
conformité à la disposition des ménages
de la ville et des comtés environnants, ainsi
que la gestion immobilière (ex. architecture
paysagère, tonte de pelouses et réparations
domestiques).
Southill Development
Co-operative (SDC)
(Limerick, Irlande)
Contact : Tracey Lynch, Directrice,
Tait House Community Enterprise
E-mail : tlynch@taithouse.ie
Site web : www.taithouse.ie
48. Un emploi pour chacun
En Thessalie, un projet mobilisateur a permis de mettre en place une coopéra-tive
sociale qui vise à créer quelque 90 emplois locaux pour les chômeurs.
« Un emploi pour chacun » est une initia-tive
conjointe de la Grèce et de l’Union
européenne lancée en 2012 et menée par
l’agence du développement de Karditsa,
l’une des trois municipalités participantes
de la région administrative de Thessalie, les
deux autres étant Mouzaki et Lac Plastiras.
Selon une étude (« Analyse du marché
local », 2011) menée avant le début du projet
en septembre 2012, ces municipalités
ont une population cumulée d’environ
91 000 habitants. Les dernières données
régionales en date (2013) fixent le taux de
chômage de ce territoire à 25,6 %.
Recyclage de produits
mis au rebut
Le projet bénéficie d’un budget total de
480 000 euros cofinancé (à 80 %) par le
Fonds social européen et par le ministère
grec du Travail, de la Sécurité sociale et
de l’Aide sociale. Ses principaux objectifs
consistent à fournir un emploi à quelque
90 chômeurs de longue durée et à créer
une entreprise coopérative sociale (ECS)
pour la collecte et la gestion de vêtements
et d’autres produits textiles usagés pouvant
être recyclés.
Les bénéficiaires du projet sont des
chômeurs de longue durée sélectionnés
sur la base de critères spécifiques (écono-miques
et sociaux, durée du chômage et
expérience professionnelle), d’entretiens et
d’évaluations. Ils sont concernés par deux
actions principales : un accompagnement
(dont des sessions individuelles avec
un assistant social et un psychologue à
l’entame du projet) et une formation sur la
réutilisation et le recyclage des vêtements,
ainsi que la gestion des matériaux.
Faire du neuf avec de l’ancien
Les principaux objectifs visés par l’ECS
« Changement » sont multiples : mettre sur
pied une entreprise sociale viable qui non
seulement fournisse un service de collecte
répondant à la demande du marché local
(collecte et recyclage de vêtements et
produits textiles mis au rebut),
48 |
49. mais fabrique également des produits à
partir des matières recyclées (moquettes et
tapis, sacs, jouets, coussins, dessus-de-lit
en patchwork, etc.). L’ECS organise leur
vente, par exemple à l’occasion de festivals
locaux et d’un marché de Noël.
Bien qu’elle n’en soit qu’à ses débuts,
l’initiative a déjà exercé une influence
positive sur les personnes concernées. Elle
commence à se faire connaître et bénéficie
d’un soutien local. Participent actuellement
au projet 16 personnes (dont 4 hommes et
12 femmes de 29 à 62 ans) qui ont toutes
déjà travaillé par le passé mais ont perdu
leur emploi à cause de la crise économique.
Face à l’activité croissante de la coopéra-tive
sociale, de nouveaux emplois seront
créés en vue de couvrir ses besoins et
contribueront ainsi à réduire le chômage.
L’initiative locale réinvente l’Europe | 49
L’ECS « Changement » peut également
ouvrir la voie à des initiatives semblables
dans d’autres régions ou États membres
de l’UE, qui utiliseraient ou non les mêmes
matériaux tout en s’appuyant sur le même
concept, à savoir le recyclage ou la réutili-sation
de produits mis au rebut.
« Un emploi pour chacun »
(Karditsa, Grèce)
Contact : Chrysavgi Sengi
E-mail : segi@anka.gr
Site web : www.anka.gr ou
www.topeko-entos.gr
50. Samsø, l’île des
énergies renouvelables
Les habitants de l’île danoise de Samsø ont réussi à devenir autosuffisants en
énergie : la totalité de leur électricité provient d’éoliennes et plus de 70 % de
leurs besoins en chauffage sont satisfaits grâce à l’utilisation de technologies
basées sur les énergies renouvelables.
C’est en 1997 que l’île de Samsø, qui compte
un peu plus de 3 000 habitants, est bapti-sée
l’« île des énergies renouvelables » du
Danemark, sur la base d’objectifs ambitieux
à atteindre à l’horizon 2008 pour devenir
autosuffisante en énergie. Cet objectif
devient réalité deux ans plus tôt que prévu,
en 2006, grâce aux 11 éoliennes érigées
sur l’île. Le réseau d’éoliennes génère
aujourd’hui suffisamment d’énergie verte
pour satisfaire la demande en électricité de
toute la communauté de Samsø.
Lorsque, par temps peu venteux, ces
éoliennes ne peuvent produire assez d’élec-tricité,
c’est le réseau principal du Danemark
qui prend le relais en alimentant celui de l’île
en énergie. En échange, lorsqu’il y a du vent,
Samsø exporte son énergie éolienne vers le
réseau national.
Bilan électrique positif
L’île présente de fait un bilan électrique
net positif, parce qu’elle exporte bien plus
d’énergie vers le continent qu’elle n’en reçoit
(chaque éolienne produit assez d’électricité
pour alimenter 2 000 foyers par an).
Les ménages et les entreprises des plus
grandes localités bénéficient du chauffage
et de l’eau chaude grâce à des centrales de
chauffage à distance alimentées en sources
d’énergie renouvelables. Sur la pointe nord
de l’île entre les villages de Nordby et de
Maarup, c’est une installation de 2 500 m2
de panneaux solaires qui fournit l’eau
chaude destinée au chauffage des maisons
des villages. Une chaudière alimentée en
copeaux de bois provenant des déchets
forestiers de Brattingsborg vient compléter
le premier système. Dans le sud de l’île, les
communes de Tranebjerg, d’Onsbjerg, de
Brundby et de Ballen sont raccordées à des
centrales de chauffage à distance.
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51. Plusieurs propriétaires privés ont quant
à eux remplacé leur brûleur à mazout par
des panneaux solaires, des systèmes de
chauffage géothermique et des poêles
à copeaux de bois et à pellets. Tous ces
efforts réunis permettent de générer de
la chaleur qui provient à plus de 70 % de
sources d’énergie renouvelables.
Académie de l’énergie
L’esprit innovant des habitants de l’île ne
s’arrête pas là puisque Samsø possède son
« Académie de l’énergie », une agence pour
l’énergie qui fournit aux habitants comme aux
touristes des informations sur les économies
d’énergie et les technologies basées sur
les énergies vertes. Samsø s’est même vue
décerner plusieurs récompenses pour sa
transition réussie vers les énergies renouve-lables.
Un projet pilote actuellement en cours
à l’Académie étudie l’utilisation du colza et
des hautes herbes pour le chauffage.
L’initiative locale réinvente l’Europe | 51
L’engouement croissant pour les solutions
plus durables ne concerne pas uniquement
les énergies renouvelables : l’Académie
explore d’autres technologies plus vertes
à destination du secteur des transports,
comme celle qui consiste notamment à uti-liser
l’huile de colza et l’hydrogène comme
carburants. D’aucuns prévoient déjà que
les voitures et camions rouleront bientôt
à l’hydrogène généré par les éoliennes.
Dans l’intervalle, si la majorité des véhicules
circulant sur l’île, y compris pour les trois
ferries qui relient Samsø au continent,
utilisent encore les carburants traditionnels
à base d’hydrocarbures, les émissions qui
s’en échappent sont contrebalancées par
l’utilisation d’éoliennes en mer.
Île des énergies renouvelables
(Samsø, Danemark)
Contact : Søren Hermansen
Site web : www.energiakademiet.dk
52. ECOLISE : quand le local
montre la voie vers
une société sobre en carbone
ECOLISE, le réseau européen des initiatives locales pour le climat et la durabilité,
fédère à travers l’Europe plusieurs
organisations citoyennes engagées locale-ment
dans des actions en faveur du développement durable.
Les membres d’ECOLISE comprennent
des réseaux internationaux, nationaux et
parfois régionaux d’initiatives locales, ainsi
que d’autres organismes actifs à l’échelle
européenne dans la recherche, la forma-tion,
la communication ou d’autres activités,
qui soutiennent des actions citoyennes en
matière de changement climatique et de
développement durable. En rassemblant
ces organisations, ECOLISE vise à mettre
sur pied une stratégie commune au niveau
européen ainsi qu’une plateforme pouvant
faciliter des actions collectives.
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