Mairies communes du Pays de Fouesnant --phpcd5 ll5
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1. Un mariage à Clohars-Fouesnant en 1931
Le mariage est le temps fort d'une
vie, celui ou un homme et une femme
s'engagent à associer leurs existences en
vue d'assurer leur descendance. Les
moeurs ont évolué, mais nous restons dans
l'esprit de ce qu'elles étaient dans les
années 30 pour raconter ce que fut la
journée du 1er septembre 1931 à CloharsFouesnant.
Ce mardi, le jour se levait sur
Clohars sous une petite pluie fine et
persistante, propre à flétrir les grandes
collerettes et les dentelles des coiffes
amidonnées que les repasseuses avaient
soigneusement préparées la veille. C'était
la date retenue pour le mariage de François
Le CORRE et de Jeanne Mathilde
GOARIN. Les fiancés n'étaient pas des
célébrités, mais ils étaient bien et
honorablement connus et, toute la
commune était de noce de, même que le
quartier de Perguet, à cheval sur Bénodet
et Fouesnant.
François LE CORRE est né au
bourg de Clohars-Fouesnant le 22 janvier
1909. Mathilde (ainsi prénommée à
l'église, mais au registre de l'état civil, c'est
« Jeanne Mathilde»), Jeanne Mathilde
GOARIN est née à Bénodet le 13 mars
1914... Ils viennent de boucler 70 années
de vie commune; toujours alertes et
lucides, ils coulent des jours heureux dans
leur belle propriété fleurie de Ty-Feunteun.
Pour nous, ils égrènent les souvenirs qu'ils
ont de leur jeunesse, et surtout de ce 1er
septembre 1931 où ils se sont passés la
bague au doigt.
François : « Lorsqu’est venu pour
moi l’âge d’aller à l’école, j’avais déjà des
idées bien arrêtées : je ne voyais pas
l’utilité d’y aller puisque je ne savais pas
lire ! Souvent, il fallait un bonbon pour me
décider, et parfois je m’en échappais.
Après des débuts difficiles je m’y suis
adapté et j’ai obtenu mon certificat
d’études primaires.
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2. Une année scolaire supplémentaire et à 15
ans je suis entré en apprentissage dans
l'atelier de mon père, qui était artisan
menuisier et ébéniste, spécialisé dans les
meubles en merisier.
mais comme vous l'a dit François, nous ne
nous sommes plus quittés à partir de notre
première danse à Pont-Henvez.
J'ai connu Mathilde quand
j'avais 17 ans, alors qu'elle, de 5 ans ma
cadette et encore écolière, prenait des repas
chez mes parents; mais Je n’ai aucun
souvenir de cette époque.
Ce
n'est qu'après mon service militaire, au
cours d'un bal à Pont-Henvez, qu'elle m'a
accordé une danse: ce fut le coup de
foudre, nous ne nous sommes plus jamais
quittés. »
Mathilde: « Etant enfant,
j'habitais chez mes parents à Parc-anGroaz, sur la commune de Bénodet, mais à
moins de deux kilomètres de Clohars. Et
c'est ici que je suis venue à l'école, puis
que j’aie passé toute ma vie. Je conserve
un souvenir amer de la fin de ma scolarité.
Toute l'année ou à peu près j'avais été la
première de la classe. J'étais présentée au
certificat d'études avec deux copines qui
étaient reçues et moi j'étais collée.
Je redoutais d'avoir à
annoncer cette mauvaise nouvelle à mon
père qui était bon, mais très à cheval sur
les principes. Et la sanction effectivement
est tombée: « Maintenant, il ne te reste qu'à
travailler! ». Et c'est ainsi que j'ai été
embauchée chez Kergoat, au bourg de
Clohars. A14 ans, j'avais à m'occuper de
deux cochons, de deux vaches, du ménage
et de la lessive. J'avais beaucoup de travail,
mais j'y ai été heureuse. La patronne me
faisait souvent des petits cadeaux ; quand
je me suis mariée elle m'a offert un service
de table en faïence de 44 pièces: j’en ai
encore quelques unes.
Jusqu'à mon mariage, j'avais des
copains, des copines, j’allais au bal,
Dès que nous avons eu le projet de
nous marier nous en avons parlé à nos
parents. On ne peut pas dire qu'ils étaient
enthousiastes, mais les rencontres des deux
familles ont balayé les hésitations, et tout
le monde était finalement
d'
accord.
Ensemble,
nous avons décidé de la date
du mariage, et de faire servir le repas de
noces chez Kergoat, cela pour deux raisons
: Mathilde y était employée, et la maison
avait la réputation
de bien servir. La
journée comportait deux repas: à midi
potage, ragoût, poulet et gâteau breton. Le
soir, potage, sardines fraîches et un plat de
viande. Le tout pour 20 F !
LES APPROCHES DU MARIAGE.
LES INVITATIONS.
Chaque famille avait ses invités ;
il arrivait que l'on soit invité par l'un des
mariés et ensuite par l'autre. Chacun des
mariés avait ses équipes d' « inviteurs »,
choisis parmi les plus proches parents et
amis. Au jour dit, le marié réunissait ses
équipes dès le petit matin, la mariée faisait
de même; chaque équipe, un bâton à la
main, allaitparcourir le secteur géographique qui lui était désigné, allant de ferme
en penty, souvent à travers champs pour
couper court avec le souci de n’oublier,
personne. Pour les garçons, cette journée
était parfois difficile à terminer, car il était
d'usage de ne pas refuser le petit verre
traditionnellement offert au visiteur.
Quatre équipes de garçons se partageaient
toute la commune de Clohars pour le
compte de François et quatre autres de
filles faisaient le quartier de Perguet.
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3. C'était la journée des « péderrien tud »,
fiers d'avoir été choisis parmi les candidats
possibles, ce qui les mettait au rang des
plus proches. Dans chaque maison ils
devaient débiter leur petite litanie de
propos convenus, ne pas oublier d'informer
chaque invité de toutes les étapes du jour;
s'il y avait lieu d'atteler le char-à-bancs
dont le cheval aurait sa belle cocarde
l'oeillère.
LE JOUR DU MARIAGE.
« Mariage pluvieux, mariage
heureux » Adage que 1'on adresse aux
mariés dont les épousailles sont bénies par
l'eau du ciel. La
formule
est
un
compliment sincère, et en même temps une
façon d'adoucir une contrariété qui touche
particulièrement les fouesnantaises: les
cols et coiffes dont elles sont à juste titre si
fières ne résistent pas à l'humidité : flétris,
ils déparent plutôt la personne qui les porte
au lieu de la faire valoir. Ce 1 er septembre
1931, un temps maussade, malgré quelques
moments sans pluie mais sans soleil, régna
jusqu' au
soir. François, dans son
beau complet noir sorti de l' atelier
Cutullic, de Fouesnant, recevait ses invités
chez ses parents, près de la fontaine du
bourg, et leur proposait un petit déjeuner
copieux, composé de charcuterie, de
crêpes, de gâteau breton, vin et café arrosé.
..
A l'heure convenue tout le monde
embarquait pour se rendre chez la mariée à
Parc-an-Groaz. En tête le marié et ses
parents dans la limousine de M. Sergent
(dit « le marchand à 20 sous », ainsi
nommé pour son étalage dans les foires et
marchés de la région, où il ne vendait que
des articles à un franc; « Pevar real ! pevar
real tout! » ). Suivait le cortège des charsà-bancs, briqués pour la circonstance et
attelés du meilleur cheval, bien étrillé et
piaffant après un bon picotin d'avoine,
dans un harnachement ciré dont les boucles
étaient passées au «Miror» .
A
Parc-an-Groaz,
Mathilde,
réveillée avant l’aube, attendait, ou plutôt
était aux mains de madame Dréau, sa
couturière, qui
lui avait
confectionné un joli costume de
fouesnantaise blanc. Il n'y avait pas un fil
de couleur depuis les chaussures jusqu'à la
coiffe, et les épingles elles-mêmes étaient
soigneusement dissimulées.
A quatre heures du matin, les
chasseurs du voisinage, suivant une
coutume bien établie, s'étaient donné
rendez-vous avec leurs fusils au pignon de
la maison et avaient tiré des salves en
l'honneur de la mariée qui les avait ensuite
régalés. A l'arrivée du marié elle avait déjà
reçu ses propres invités, mais ceux de
François avaient droit à un deuxième
goûter.
Au départ de Parc-an-Groaz le cortège
comptait quatre voitures automobiles: en
tête celle de M. Hélias dont la mariée était
la filleule; suivaient celle du cousin
Caradec et le taxi de Jéquel. Les chars à
bancs et Sergent avec le marié fermaient la
marche.
A la mairie, les mariés étaient reçus
par le maire, M. Nouet du Tailly, qui les
connaissait bien et se permettait quelques
réflexions sur un prénom qu'il n'appréciait
pas. Et ils prononçaient le « OUI » de
rigueur avant de signer le registre de l'étatcivil.
Bien qu'unis selon la loi, les mariés ne se
donnaient pas le bras pour se rendre à
l'église. En tête du cortège, la mariée au
bras de son père, puis les invités, par
couples, et en fin le marié, au bras de sa
mère. La cérémonie de mariage était
célébrée par le recteur, M. Hubert. Les
cloches sonnaient à toute volée, branlées
par le bedeau, Maurice Diascorn.
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4. Et au sortir de
l'église, les époux
pouvaient enfin se donner le bras.
Dès la sortie de l'église François et
son épouse montaient dans le taxi de M.
Jéquel qui les conduisait à Quimper pour la
photographie chez Villard. Une séance qui
s'avéra plus longue que prévue, le temps
pluvieux ayant eu raison de l'amidon de la
coiffe et du col de la mariée: et il fallut
chauffer le fer pour leur rendre le galbe
harmonieux qui les caractérise.
Pendant ce temps les deux sonneurs
Bodivit et Guéguen, biniou et bombarde,
bravant la bruine, s'étaient installés sur les
barriques dressées près de chez Kergoat, et
entraînaient les invités dans la danse
jusqu'au retour des, mariés.
Deux salles, étaient en service chez
Kergoat pour recevoir les invités; celle du
rez-de-chaussée et une autre à l'étage. Il y
avait deux cents convives au premier repas
pour déguster un bon potage, ragoût,
poulet et gâteau breton. Chacun payait son
écot: 20 francs.
Sortis de table, les gens s'égaillaient dans
le bourg; on allait bavarder chez l'un ou
l'autre, prendre un verre dans le bistrot
proche, faire une partie de boules,
jusqu'au repas du soir.
Au deuxième repas on comptait
150 couverts avec l'arrivée de nouveaux
parmi lesquels beaucoup de jeunes, pour la
plupart salariés agricoles, qui n'avalent pu
se libérer pour la journée et qui, de plus,
venaient pour le bal dont l’entrée était
gratuite.
LE BAL
La grande salle de chez Kergoat
était vite débarrassée par les serveurs et
serveuses et une table était mise contre le
mur pour recevoir les sonneurs.
Peu avant minuit, à l'heure où les
plus âgés, ou les plus fatigués, s' apprêtaient à rentrer chez eux, la patronne
mettait une petite table près de la sortie et
les mariés venaient s'y asseoir, tenant
chacun un petit verre et une bouteille de
cognac ou de menthe-pastille. Les uns
après les autres, les invités venaient vers
les nouveaux époux pour les féliciter. Ils
acceptaient la petite « rincette », offraient
discrètement « une petite participation pour
monter le ménage »
RETOUR DE NOCE
Le lendemain de noce avait lieu le «
retour de noce », une fête réservée aux plus
proches et aux nombreux jeunes qui
avaient participe aux services de la table.
Mercredi 2 septembre, les familles avaient
loué un car Le Viol de Fouesnant pour
aller danser à Pont-Aven. Mais il y avait
plus de monde que le car ne pouvait
contenir, et les jeunes gens montaient sur
le toit.
Arrêt à Concarneau pour casser la
croûte chez Hélias, le parrain de la mariée,
et au retour de Pont-Aven on se mettait à
table à nouveau chez madame Kergoat qui
offrait le repas de clôture.
René BLEUZEN
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