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n°112
septembre 2011
iNTeRVieW - MaMaDOu DiOP, PROFesseuR aGReGe,
DiReCTeuR De l’iNsTiTuT Du CaNCeR JOliOT-CuRie
De l’hOPiTal aRisTiDe le DaNTeC
« Au Sénégal, plus de 18% des femmes sont infectées par
le virus hpv RESPONSABLE du cancer du col de l’utérus »
Si seulement 1 à 2% des femmes infectées par le papillomavirus,
principal vecteur du cancer du col de l’utérus, vont développer ef-fectivement
un cancer du col de l’utérus, près d’un quart de la po-pulation
féminine sénégalaise est en contact direct avec le virus. Ce qui situe le cancer
du col de l’utérus au premier rang des cancers en termes de fréquence tout sexe
confondu. La situation est d’autant plus grave que les symptômes de cette pernicieuse
affection ne sont pas visibles au stade précoce. La prévention doit donc reposer sur un
dépistage régulier qui doit s’effectuer tous les trois ans pour les femmes âgées de 25 à
65 ans. D’où la nécessité d’une campagne de sensibilisation sur ce tueur silencieux.
Lire en page 10
Cheikh MbaCké Guèye
alias Cheikh baye Fall
Le débat actuel sur l’attribution par les services de l’Etat à un promoteur
privé d’une portion de la réserve foncière située sur la zone dite de la bande
verte relève plus du règlement de comptes entre politiciens que d’une ap-proche
rationnelle de la gestion de l’espace communal. Tout porte à croire
que le promoteur privé en question, en l’occurrence la SUARL Souris Immo-bilier,
est en train de faire les frais de querelles entre l’ancienne et la nou-velle
administration communale sur fond de tractations peu amènes et de
chantages larvées.
Lire en page 4
La disqualification
des politiques et des Marabouts
Un Sénégal nouveau est
en train de naître. Le 23
juin, la rue a renvoyé tout
le monde à ses pénates.
Les institutions d’abord.
Le Président de la Répu-blique
a été proprement
disqualifié comme ins-tance
de gouvernance. Le
Parlement, mis en joue et
sommé de respecter la vo-lonté
du peuple. Ensuite
les Ordres. La classe poli-tique
ne pouvait que faire
profil bas devant la rue,
se prosternant à l’ultime
seconde comme l’a fait le
pouvoir, ou, jouant les
chiffonniers du soir dans
les médias comme l’a fait
l’opposition. Les guides
religieux ont joué aux mé-decins
après la mort, ce
qui augure d’un processus
de mise à l’écart de la reli-gion
dans les affaires reli-gieuses.
Quand la
revendication de l’égalité
sociale prend cette am-pleur,
c’est tous les ordres
qui en reçoivent les
contrecoups.
ReVOluTiON CiTOyeNNe au seNeGal
ATTRIBUTION DE LA BANDE VERTE
Un promoteur privé victime de chantages larvés
CYAN MAG. JAUNE NOIR
Amin’ta l’hi-vernage,
se la joue trop facile. Depuis le début de les Lougatois vivent un véritable calvaire. Pas une seule
route praticable dans la ville. Les eaux stagnantes envahissent les
points bas. Les inondations perturbent le quotidien des popula-tions.
Tandis que Aminata Mbengue Ndiaye se tourne les pouces
à la mairie. Quand on l’interpelle sur la question, elle a beau jeu
de répondre que les principales routes excavées ne relèvent de
la compétence de commune mais plutôt de l’ATR. P.3
Samba Khary Cissé « informalise » le Conseil
régional. De Samba Khary Cissé, on n’a jamais attendu des mira-cles.
On savait que la présidence du Conseil régional que lui avaient
trouvé ses mentors du palais présidentiel n’était qu’un marocain pour
le consoler de la mairie que l’on n’a jamais osé lui donner. Mais on
pouvait légitimement penser qu’il allait au moins gérer le Conseil Ré-gional
comme ses prédécesseurs. C’était se faire des illusions. Samba
Khary a « informalisé » l’institution en créant par fournées des GIE à
qui il a donné tous les marchés. P.3
Une culture soufi
métissée au flamenco
P.12
P.12
Me n s u e l d ' i n f o rma t i o n s g é n é r a l e s - I S SN 0 8 5 0 4 3 31
Lire notre dossier en pages 5-8
3. De Samba Khary Cissé, on n’a jamais at-tendu
des miracles. On savait que la pré-sidence
du Conseil régional que lui
avaient trouvée ses mentors du palais
présidentiel n’était qu’un marocain pour
le consoler de la mairie que l’on n’a jamais osé lui
donner. Mais on pouvait légitimement penser qu’il
allait au moins gérer le Conseil Régional comme
ses prédécesseurs. C’était se faire des illusions.
Samba Khary a « informalisé » l’institution en
créant par fournées des GIE à qui il a donné tous
les marchés. On en veut pour preuve le gardien-nage
qu’il a confié à un GIE qui ne dispose même
pas d’agrément au niveau du ministère de l’Inté-rieur.
Résultat : les factures déposées par le GIE ne
peuvent pas être traitées par le trésorier payeur de
l’Etat et les gardiens ont du mal à percevoir leurs
salaires. Il fallait voir ces pauvres veilleurs de nuit
à la veille de la korité, ils étaient à la recherche
d’une ancien photographe devenu un grand four-nisseur
de la place et sauveur du Conseil régional
pour avoir de quoi passer la fête. Il est d’ailleurs de
notoriété publique que les factures des GIE en
souffrance sont légion sur le bureau du payeur.
Voilà bien une preuve manifeste d’incompétence
qui mériterait une délégation spéciale. Mais l’ami
Bathie a le bras long et l’oreille de gens haut placés
à la Présidence. Louga mérite mieux que ça.
On n’attend pas Wade pour prier Dieu
LOUGA INFOS – N°112 SEPTEMBRE 2011
buzz
de louga
Il faut parier que le Président Abdoulaye Wade ne connaît rien à la
ville de Louga. Après avoir fait de Moubarack Lô un ministre conseiller
éphémère qui ne refuse même aujourd’hui de se prévaloir d’une dis-tinction
aussi fugace, revoilà qui remet en selle l’ancien député
Momar Lô pour en faire un ministre. Une nomination qui, d’ailleurs,
a été faite en catimini, sans aucune annonce officielle. Il faut peut-être
se payer le journal officiel aux caractères extrêmement petits pour dé-busquer
l’annonce de cette nomination. Me Wade qui en est toujours
à ses considérations datant de Mathusalem pense que, pour tenir la
ville de Louga, il lui faut nécessairement avoir quelqu’un dans la fa-mille
Lô. C’est une hérésie. La configuration de la ville s’est considé-rablement
modifiée sociologiquement. Plus personne ne se réfère à
cette désuète hiérarchisation sauf peut-être quelques uns de ses
conseillers complètement déphasés. Avec ces dominations qui ne
sont même pas perceptibles à louga, Wade est en train de commettre
les erreurs en spirale.
En marge d’une audience au palais, le Président Wade avait promis à votre serviteur de participer à la prise
en charge de la construction de la grande mosquée de Louga. Joignant le geste à la parole, il avait d’ailleurs
dépêché l’architecte officiel du palais Ousseynou NDiaye pour effectuer une mission d’évaluation à Louga
afin de lui rendre compte de ce qui devait être effectivement fait pour que la capitale du Ndiambour ait une
grande mosquée digne de sa renommée de centre religieux. Mais quand ce dernier est venu à Louga, il a
été orienté orienté vers une autre mosquée qui ne nécessitait aucune réfection. Depuis lors, le dossier est
en l’état. Plus personne n’en a plus fait cas. Aujourd’hui, ce sont les populations par le canal d’un comité de
gestion de la grande mosquée qui en ont marre des promesses non tenues de Wade qui ont décidé de
construire de leurs mains avec leur propre argent cette grande mosquée. Le premier palier a déjà été réalisé,
le second le sera très prochainement. On ne va tout de même pas attendre Wade pour pouvoir prier Dieu
dans des conditions décentes.
Amin’ta se la joue trop facile
Etonnante reconversion que
celle de certains anciens foot-balleurs
de l’équipe du Ndiam-bour.
Deux d’entre eux ont
troqué le ballon rond avec le
chapelet. Ils sont aujourd’hui
dans les mosquées et s’occu-pent
de vaquer aux affaires
courantes. Qui nous disait que
le football éloigne de la reli-gion.
Ces anciens joueurs du
Ndiambour sont en train de
battre en brèche la fameuse
théorie des intégristes qui
bannissent toute activité lu-dique
au prétexte qu’elles dé-tournent
l’homme de foi. Voilà
qui s’appelle marquer un but et
engranger des points en vue
du décompte final, le seul qui,
du reste, mérite qu’on y prête
attention.
Depuis le début de l’hivernage, les Lougatois vivent un véritable
calvaire. Pas une seule route praticable dans la ville. Les eaux
stagnantes envahissent les points bas. Les inondations pertur-bent
le quotidien des populations. Tandis que Aminata
Mbengue Ndiaye se tourne les pouces à la mairie. Quand on
l’interpelle sur la question, elle a beau jeu de répondre que les
principales routes excavées ne relèvent pas de la compétence
de commune mais plutôt de l’ATR. On ne comprend pas pour-quoi
elle se défausse si facilement sur l’Etat central. Si au moins
elle avait pu combler les nids de poule sur ce qui appartient au
domaine communal, on comprendrait. Mais Amin’ta la joue
trop facile. Pour l’instant, elle a, semble-t-il, d’autres préoccu-pations
qui n’ont rien à voir avec l’amélioration des conditions
de vie de ses administrés.
Les points des « reconvertis »
Samba Khary Cissé
« informalise »
le Conseil régional
Les erreurs en spirale de Wade
Ibou Ndao Diaw Edmond Hanne
4. CYAN MAG. JAUNE NOIR
Un prOMOteUr privé viCtiMe
LOUGA INFOS – N°112 SEPTEMBRE 2011
Vie de la Cité
Revenons à la genèse de
cette affaire. Aux termes
du dernier plan directeur
d’urbanisme de la com-mune
de Louga, cette
zone dite de la bande verte devait ser-vir
de poumon vert pour la ville. Elle
s’étalait sur deux kilomètres de long et
sur cent mètres de large et avait été
aménagée à l’occasion de l’exécution
du Programme Indépendance de 1982.
Elle s’insérait dans une politique
d’aménagement globale de la com-mune
en conformité avec le Plan direc-teur
d’aménagement conçu en 1978.
Pour sa réalisation, 150 familles qui
occupaient cette emprise avaient été
expropriées puis reclassées dans des
quartiers périphériques de la ville. Des
moyens significatifs ont été mis en
oeuvre pour réaliser ce poumon vert de
la ville de Louga. Ainsi pendant cinq
ans, deux camions citernes ont été mo-bilisés
pour l’arrosage des plants qui
avaient été mis en terre sur les lieux.
Au final, la bande verte était devenue
un terrain de jeux pour les jeunes des
quartiers environnants, une sorte de
bois au coeur de la ville qui rompait
d’avec un paysage environnant mar-qué
par l’avancée du désert. Mais très
tôt, le mal chronique de l’administra-tion
sénégalaise pris le dessus sur les
bonnes pratiques. L’entretien de la
bande fut stoppée, les arbres coupées
par les charbonniers, le site trans-formé
en dépotoir et laissé en jachère
en guise de terrain de vagabondage
des rats. C’est sur ces entrefaites que
le déclassement du site est intervenu
et une série de morcellements ont été
effectués. Certains privés ont pu béné-ficier
de lots tandis que la mairie s’est
réservée l’espace où elle a édifié la case
des tout petits et un terrain de basket.
C’est en 2006 que, remarquant que
l’état de délabrement avancée de la
dite bande verte que El Hadji Modou
Fall, propriétaire de la SUARL Souris
Immobiliers qui revenait d’Espagne,
s’est ouvert au maire de l’époque Ma-niang
Faye d’un projet de construction
d’un complexe d’un coût global de 2
milliards de francs Cfa comprenant
une cité de 138 villas, un centre com-mercial
et un hôtel. A l’époque, le
maire Maniang Faye qui percevait
dans la réalisation de ce projet des
avantages certains pour la commune
de Louga –et peut-être, l’histoire nous
le dira, quelque intérêt particulier à
son accomplissement -, a balisé le che-min
pour El Hadji Modou Fall. C’est
sur ses conseils que le promoteur privé
a pris l’attache des services compé-tents
de l’Etat pour obtenir un bail sur
la portion de cette bande verte qui fai-sait
office de dépotoir d’ordure. Toutes
les démarches entreprises, la SUARL
Souris Immobilier a pu bénéficier de la
part de la mairie de Louga d’un avis
favorable pour l’affectation de ce site à
sa société.
C’est ainsi que les services de l’Etat
chargés de veiller sur le domaine de
l’Etat, en l’occurrence la Commission
de Contrôle des Opérations doma-niales
logée au ministère des Fi-nances,
a au terme d’une délibération
en sa séance du 17 décembre 2007,
émis un avis favorable à la demande
de régularisation, par voie de bail,
d’un terrain du domaine privé de
l’Etat, sis à Grand Louga, dépendant
des titres fonciers 1.405/L et 1.406/L à
la SUARL Souris Immobiliers. Il faut
noter que l’acte d’attribution signé de
la main du Directeur de l’Enregistre-ment
et du Timbre, Ibrahima Wade
s’est faite à la suite de l’examen d’un
rapport des services techniques décon-centrés
et de l’avis favorable de la
Commune de Louga. Le site d’une su-perficie
totale de 6,960 hectares a fait
l’objet d’un redécoupage en quatre ti-tres
fonctions distincts numérotés de
1769 à 1772 qui ont tous été cédés par
l’Etat du Sénégal pour une durée de
trente ans susceptible de prorogation
d’une durée maximale de vingt ans à
la SUARL Souris Immobilier.
Les polémiques à propos de cette attri-bution
ont commencé à fleurir quand
le nouveau maire, Mme Aminata
Mbengue Ndiaye, jugeant cette ces-sion
illégale au prétexte de la non
conformité du projet avec la destina-tion
initiale de cette bande verte, a
esté en justice contre Souris Immobi-liers.
Des accusations avaient été por-tées
contre Maniang Faye qui,
disait-on, a apporté sa caution à cette
attribution. La réponse de ce dernier
sur la question laisse l’observateur
perplexe au regard de son implication
dans le processus d’attribution du site
à Souris Immobilier. « Le terrain ap-partient
à l’Etat, je suis étranger à
cette affaire. Je ne suis ni de près ni de
loin, impliqué dans cette affaire. La
mairie n’est informée qu’en aval. Le
terrain appartient à l’Etat donc, il ne
revient pas au maire de procéder à son
attribution. Le promoteur bénéficie
d’un bail alors qu’aucun maire du Sé-négal
ne peut délivrer ce document » a
affirmé l’ancien maire à l’occasion
d’une interpellation de la presse locale.
. Il faut reconnaître que même si la
mairie de Louga n’a pas pouvoir offi-ciellement
de d’accorder un bail em-phytéotique
sur un terrain relevant du
domaine de l’Etat, elle a au moins joué
un rôle de conseil auprès de la société
Souris Immobiliers, ce qui du reste
n’outrepasse aucunement ses préroga-tives
premières qui sont d’inciter les
promoteurs privés à investir dans l’es-pace
communal.
Pour cette raison, quand Maniang
Faye déclare dans la presse locale :
« Je pense objectivement que, même si
le promoteur a avec lui un acte légal,
il n’est pas légitime d’attribuer
l’unique réserve foncière de 8 hectares
à une seule personne. Elle risque de se
heurter à la résistance des popula-tions.
On lui attribue gratuitement un
terrain qu’il peut revendre facilement
à 3 milliards. Je suis entièrement d’ac-cord
avec la position de l’actuel maire
parce que nous avions identifié ce site
pour abriter plusieurs projets de la
municipalité. De ce fait, la Commis-sion
de Contrôle des Opérations doma-niales
devrait consulter la mairie
avant de déclasser et d’attribuer le
site », ce jugement devient très rapide-ment
sujet à caution.
En fait, c’est là que se trouve le noeud
gordien du problème. La Commission
de Contrôle des Opérations doma-niales
n’aurait pu commettre un tel
acte au mépris des mécanismes qui ré-glementent
son fonctionnement.
L’article 8 du Code de l’urbanisme dit
dans ses alinéas 1, 2, 3 et 4 : « Les
schémas d'urbanisme fixent les orien-tations
fondamentales de l'aménage-ment
des territoires intéressés, compte
tenu de l'équilibre qu'il convient de
préserver entre l'extension urbaine,
l'exercice des activités agricoles, des
autres activités économiques et la pré-servation
des sites naturels. Les sché-mas
d'urbanisme prennent en compte
les programmes de l'Etat ainsi que
ceux des collectivités locales et des éta-blissements
et services publics ou pri-vés.
Ils déterminent la destination
générale des sols et, en tant que de be-soin,
la nature et le tracé des grands
équipements d'infrastructures, en par-ticulier
des transports, la localisation
des services et activités les plus impor-tantes
ainsi que les zones préféren-tielles
d'extension ou de rénovation.
Les schémas d'urbanisme s'appliquent
à des communes, à des communautés
rurales, à un ensemble de communes
et de communautés rurales ou de leurs
parties.»
Les autorités communales, à la lecture
de ces dispositions, détiennent un
droit de préemption sur les sols dans
l’espace communal et aucune cession
ne peut se faire sans leur aval. L’en-quête
pour l’attribution du site n’au-rait
jamais proposé un avis favorable
si la mairie, à l’époque, s’était opposée
à cette cession. En plus d’un rapport
du cadastre, un procès-verbal du
Conseil municipal de la Commune de
Louga signé de la main du maire Ma-niang
Faye existe dans le fond du dos-sier
examiné par la Commission de
Contrôle des Opérations domaniales
et qui ont motivé son avis favorable.
En fait, c’est sur la régularité de la
procédure d’attribution que la Cour
suprême s’est basée le 25 février 2011
pour annuler la décision portant rejet
de la demande d’autorisation de
construire que la nouvelle maire Mme
Aminata Mbengue Ndiaye avait prise
à l’encontre de Souris Immobilier.
En fait, La SUARL Souris Immobilier
s’est trouvée prise dans l’étau de que-relles
politiques et chantages innom-mables.
Il est de notoriété publique
qu’un conseiller municipal a reçu du
promoteur privé la somme de 15 mil-lions
de francs qu’il est en train de
rembourser sur injonction de Mme
Aminata Mbengue Ndiaye. A Louga,
les langues se délient sur les per-sonnes
qui ont exigé des petits ca-deaux
du promoteur privé. Il est
légitime de se demander comment un
conseiller municipal, auteur d’un tel
acte de prévarication, peut-il encore lé-gitimement
siéger au Conseil. Sa dé-mission
devrait être exigée par le
maire ou au moins par des membres
du conseil municipal. Au lieu de cela,
Mme Aminata Mbengue Ndiaye s’en
est prise au promoteur, négligeant
ainsi deux de ses devoirs fondamen-taux.
Le premier qui est d’encourager
les ressortissants Lougatois résidant à
l’étranger d’investir et le second qui
est de faire régner la probité et la
transparence au sein du conseil qu’elle
dirige. De tels manquements à la
déontologie de l’élu local sont tout sim-plement
impardonnables. A moins
qu’il n’y ait d’autres dessous encore
plus inavouables dans cette affaire.
Elle montre bien les difficultés
qu’éprouvent les promoteurs privés à
investir dans la commune. Si a fortiori
un Lougatois éprouve autant d’en-traves
à investir dans sa propre ville
natale, que dirait-on des étrangers.
C’est toute la mentalité des autorités
administratives déconcentrées et com-munales
qu’il faut impérativement
changer au risque de voir les capitaux
déserter la commune. Cette affaire
doit servir de leçon.
AttriBUtiOn De LA BAnDe verte
De ChAntAgeS
LArvéS
Le débat actuel sur l’attribution par les
services de l’Etat à un promoteur privé
d’une portion de la réserve foncière si-tuée
sur la zone dite de la bande verte re-lève
plus du règlement de comptes entre
politiciens que d’une approche ration-nelle
de la gestion de l’espace communal.
Tout porte à croire que le promoteur
privé en question, en l’occurrence la
SUARL Souris Immobilier, est en train de
faire les frais de querelles entre l’an-cienne
et la nouvelle administration
communale sur fond de tractations peu
amènes et de chantages larvées.
5. LA tripLe DiSqUALifiCAtiOn
Les évènements du 23 juin
sont les indices d’une mu-tation
qualitative dans
l’histoire politique du Sé-négal
indépendant. Ce
n’est peut-être pas pour la première fois
que le Parlement défie l’exécutif dans
notre pays. Durant la crise de 1962, les
parlementaires, évacués de leur siège de
l’actuelle Place Soweto par la gendarme-rie,
s’étaient réunis au domicile du prési-dent
de l’Assemblée nationale Lamine
Guèye pour voter une motion de dé-fiance
à l’encontre de Mamadou Dia,
président du Conseil de gouvernement.
Cet acte avait sonné le glas de la Pre-mière
République et donné prétexte à la
mise en place d’un présidentialisme sen-ghorien
qui s’est éclairé lentement mais
progressivement sous les coups de bu-toir
de la nécessité.
Pour retrouver une telle polarisation sur
le Parlement réduit institutionnellement
à la simple fonction de chambre d’enre-gistrement
ou de caisse de résonnance, il
a fallu attendre plus d’une trentaine d’an-nées.
C’était en 1994. Le vote du Plan
d’urgence Sakho-Loum, appliqué sur
l’injonction impérative des institutions
de Bretton-Woods, qui avait pour effet
une diminution de 20% des salaires, de-vait
ramener l’institution parlementaire à
l’avant-scène de l’actualité. Ce fut une
nuit mémorable où les syndicalistes
avaient pris d’assaut la Place Soweto. La
tension avait été à son extrême mais les
députés de la majorité socialiste avaient
tenu bon. Ils avaient respecté les
consignes de vote de leur parti sauf
quelques parlementaires syndicalistes qui
avaient refusé de cautionner le plan. On
ne saura jamais si cette fronde mimée ne
fut qu’une simple comédie destinée à
amuser la galerie. La grève générale qui
s’en suivit malgré son succès populaire
ne fut de nul effet sur l’application de
cette politique de rigueur et la poursuite
d’une politique de précarisation du tra-vailleur
sénégalais.
Cependant, toujours est-il que ce jour-là
la Place Soweto fut le théâtre d’un face-à-
face inédit entre le pouvoir et le peuple.
La victoire du candidat de l’opposition à
la présidentielle de 2000 trouve ses
germes dans cette béance ouverte cette
nuit entre les institutions qui fonction-naient
sur les logiques externalisées du
FMI et un corps social pris en étau entre
la crise économique et la déliquescence
du pouvoir des socialistes d’alors, décon-nectés
des réalités. D’autres facteurs sont
venus se sédimenter à cette césure entre
les institutions et la société qui sont à
verser dans l’explication de l’avènement
de l’alternance. Parmi eux, il faut noter
le processus de radicalisation démocra-tique
de l’opposition qui a biffé la cou-pure
traditionnelle entre la gauche et la
droite et permis la constitution de fronts
unitaires que ces socialistes taxaient de «
contre-nature ». Les luttes de clans in-ternes,
la perte d’homogénéité et les frac-tionnements
qui ont vu surgir des flancs
du Parti socialiste d’autres formations
politiques ont accéléré son renvoi hors
du pouvoir en 2000.
Les évènements du 23 juin dernier sont
à la fois la réitération des crises de 62 et
de 94. Le frémissement prérévolution-naire
porte en filigrane une défiance du
Parlement à l’égard de l’exécutif. Le refus
de voter le projet de loi instaurant un
ticket à la prochaine élection présiden-tielle
proposé par le Président de la Ré-publique
a politiquement valeur de mo-tion
de défiance même si la lettre du
droit n’impose pas une démission du
gouvernement. Sous d’autres cieux, un
Premier ministre n’aurait jamais attendu
d’être démis pour se retirer après une
telle déconvenue.
Le 23 juin consacre la disjonction de
l’exécutif du corps social. Toute autre
lecture de ces évènements serait erronée.
Ayant pu constituer, à la faveur du boy-cott
par l’opposition des dernières légis-latives,
une chambre introuvable,
politiquement scandaleuse d’abord au re-gard
de la distorsion existant entre la réa-lité
du corps social et sa représentation
au niveau de l’Assemblée, ensuite du fait
de la composition du Sénat dont la ma-jorité
des membres ont été désignés par
le Président de la République, le pouvoir
n’a pas réussi à faire passer son texte.
LOUGA INFOS – N°112 SEPTEMBRE 2011
DOSSiER
L’idée saugrenue d’un référendum.C’est venu comme un che-veu
dans la soupe. Alors que tout le monde exhorte le Conseil constitu-tionnel
à prendre ses responsabilités, Sidy Lamine Niasse prend langue
avec le ministre des Affaires étrangères Madické Niang et nous ressort
l’idée d’un référendum sur la candidature de Me Abdoulaye Wade. Cette
éventualité qui serait une présidentielle avant la lettre où le candidat Ab-doulaye
Wade n’aurait aucun adversaire face à lui est une idée aussi sau-grenue
qu’est douteuse l’intention de celui l’a émise. Sidy Lamine est un
expert des positions équivoques. La versatilité, çà lui connaît.
Alioune Tine récolte les coups et les bénéfices.
Il a été bastonné par des milices lors de la journée du 23 juin.
Mais Alioune Tine ne va pas s’en plaindre. Alors que son mou-vement
avait été submergé par « Y’en a marre », le voilà qui
reprend le devant de la scène. On sait Alioune Tine assez futé
pour tirer les marrons du feu de cette bastonnade. Cela suf-fira-
t-il pour faire de lui le candidat qu’il rêve d’être ? That’s
the question !
CYAN MAG. JAUNE NOIR
Un Sénégal nouveau est en train de naître.
Le 23 juin, la rue a renvoyé tout le monde
à ses pénates. Les institutions d’abord. Le
Président de la République a été propre-ment
disqualifié comme instance de gou-vernance.
Le Parlement, mis en joue et
sommé de respecter la volonté du peuple.
Ensuite les Ordres. La classe politique ne
pouvait que faire profil bas devant la rue,
se prosternant à l’ultime seconde comme
l’a fait le pouvoir, ou, jouant les chiffon-niers
du soir dans les médias comme l’a
fait l’opposition. Les guides religieux ont
joué aux médecins après la mort, ce qui au-gure
d’un processus de mise à l’écart de la
religion dans les affaires religieuses.
Quand la revendication de l’égalité sociale
prend cette ampleur, c’est tous les ordres
qui en reçoivent les contrecoups.
LeS MUtAtiOnS DU 23 JUin
DU préSiDent, De LA CLASSe pOLitiqUe
et DeS reLigieUx
Dossier réalisé par Moustapha Sarr DIAGNE
6. Sans doute que l’institution parlementaire, malgré
ses clôtures et sa capture par le principal parti au
pouvoir, a été poreuse à la pression populaire. De
peur d’entrer en collusion avec un « peuple » massé
aux grilles de l’Assemblée, les parlementaires ont
refusé de voter le texte. L’acte de retrait qui mit un
terme à la séance ne fut que diplomatique. Ce ne
fut pas seulement une reddition de l’exécutif. C’est
le commencement d’une nouvelle ère qui sera ca-ractérisée
par trois déterminants fondamentaux.
Le premier réside dans le fait que l’échec du parti
au pouvoir et son candidat annoncé de changer par
un coup d’état institutionnel les règles du jeu du
prochain scrutin présidentiel, entérine leur disqua-lification
de fait. Le Parti démocratique sénégalais
a perdu l’essentiel de sa base sociale, du fait de la
répétition des scandales financiers comme « l’Af-faire
de la mallette Segura », « l’Affaire de l’achat du
terrain aux Almadies à un milliard et poussières »,
« les Révélations des audits de l’ARMPT », etc. Pas-sons
sur le scandale à répétition des « Chantiers de
Thiès » ou la nébuleuse du financement de l’OCI
qui, le temps jouant, tendent à s’effacer de notre
champ de vision. L’incapacité chronique du pou-voir
à résoudre la question cruciale de l’électricité
alors qu’il n’y a guère réjouissances et célébrations
rythmaient le temps du pouvoir avec l’inauguration
du monument de la Renaissance africaine ou l’or-ganisation
du FESMAN, cette maladive inaptitude
à déterminer des priorités, au détriment des popu-lations,
ont valu à la personne du Président l’éva-nescence
d’une sympathie populaire. La dérive
monarchiste couronne cette désaffection avec l’oc-troi,
comme un cadeau de Noël, à sa progéniture
d’un ministère gigantesque aux contours découpés
selon le bon vouloir de ce dernier. En quelques
mois, le Président a tout perdu : sa crédibilité, sa
popularité et… sa légitimité. Ses adversaires ont au-jourd’hui
beau jeu de lui demander de retirer sa can-didature.
Ultime geste qui lui reste à accomplir s’il
veut encore conserver sa respectabilité. Quelle que
puisse être la décision du Conseil constitutionnel
sur cette question, le Président est aujourd’hui dis-qualifié
pour diriger le pays.
Le deuxième déterminant concerne une générali-sation
de la disqualification qui atteint l’essentiel de
la classe politique sénégalais. Le 19 mars 2011, le
constat était clair que les manifestations organisées
par des éléments extérieurs au corps politique
avaient drainé bien plus de monde que celles des
partis. Il est tout aussi significatif que ce soit les or-ganisations
de la société civile qui ont pris en charge
l’appel à la résistance du 23 juin. La plupart des lea-ders
n’ont fait que de piètres tentatives de récupé-ration
des bénéfices politiques de cette journée.
L’exercice est devenu rituel. Les hommes politiques
en sont réduits aujourd’hui à faire oeuvre de chif-fonniers
pour tirer la couverture de leur côté.
La religion est faite que les politiques sont au-jourd’hui
hors jeu. La versatilité de leur discours
que les radios se complaisent à mettre à jour en dif-fusant
des propos antérieurs, le phénomène dit de
la transhumance qui nous a fait voir de cocasses ap-paritions
dans la salle du Conseil des ministres, les
volte-face spectaculaires de ministres ou Premiers
ministres défenestrés, une propension à jouer les
caméléons, tout cela a été le ferment de la perte de
crédibilité de la classe politique. A de rares excep-tions,
pouvoir et opposition n’y échappent pas. Le
23 juin a été un véritable tsunami qui a tout ou
presque emporté sur son passage. Les cris de vic-toire
des politiques s’estomperont et leurs sourires
narquois s’effaceront quand le temps nous aura
permis de décrypter le sens profond des évène-ments
du 23 juin.
Le troisième déterminant concerne la classe mara-boutique.
Elle a fait son apparition en début de soi-rée
lors de cette journée du 23 juin. Alors que les
comptes avaient déjà été réglés dans la rue. Excepté
le chef de l’Eglise catholique qui avait très tôt lancé
un cri d’alarme, tous les chefs religieux s‘étaient
murés dans un silence profond. Leurs interven-tions,
fort tardives, seront à ranger dans le même
registre que celui des récupérateurs. Certes, ils ont
fourni au Président de la République la perche qui
lui a permis de ne pas perdre complètement la face.
Mais d’ors et déjà, ils doivent savoir que leur in-fluence
est en train de s’effilocher.
Le 23 juin n’a fait que mettre en actes, au sens théâ-tral
du terme, une dilution de l’influence des mara-bouts
qui avait commencé depuis bien longtemps.
Depuis le début du règne des petits fils dans les
confréries sénégalaises s’est produit un élargisse-ment
des grandes familles religieuses qui a pour
conséquence une décentralisation des pôles d’at-traction
des fidèles. Si au sein des confréries, tous
s’accordent sur la centralité de la figure tutélaire du
fondateur, des dissensions apparaissent souvent
entre les branches familiales. L’apparition de
cheikhs de nouveau type mobilisant plus que les hé-ritiers
directs du fondateur a engendré une pertur-bation
majeure dans l’ordonnancement de la
dévotion. Tout cela a miné l’homogénéisation de
l’ordre religieux maraboutique. Il s’y ajoute deux
autres facteurs qui ont contribué à rétrécir la sphère
d’influence du religieux. Le premier est la concur-rence
larvée entre confréries et entre religions. In-nommable,
inavouable, elle n’en détermine pas
moins les actes posés par les chefs religieux. L’autre
facteur est l’immixtion trop profonde des certains
chefs religieux dans la politique ou - ce qui peut être
la même chose – la convocation trop fréquente de
la religion dans la sphère du politique. La confusion
entre les instances du politique et du religieux fera,
un jour, le lit de la mise en quarantaine des ordres
religieux dans les affaires.
Quand dans la marche d’une société, de tels phé-nomènes
se produisent sous l’impulsion d’une dou-ble
revendication à la fois de liberté et d’égalité
sociale, ce sont tous les fondements du corps social
qui sont ébranlés. Le 23 juin fut l’un de ces mo-ments
privilégiés. La remise en question populaire
n’a rien épargné ni personne. C’est d’abord l’illégi-timité
du dispositif institutionnel et de son fonc-tionnement
qui a été décrétée par la rue. C’est
ensuite la disqualification du pouvoir en place et,
par un phénomène d’amplification, de toute la
classe politique à tenir le gouvernail du pays qui a
été rendu audible par la clameur populaire. En
écho, on entendait une mise en quarantaine de la
classe maraboutique. Quand la revendication de
l’égalité sociale prend cette ampleur, c’est tous les
ordres qui en reçoivent les contrecoups. Aussi bien
les politiques et que les religieux.
LOUGA INFOS – N°112 SEPTEMBRE 2011
DOSSier
La mort du Ndiguel politique. La remise en question des
ordres entraine la mort du ndiguel politique électoral. Cette évi-dence
a été notée par Chérif Bakhaya Aïdara, haut dignitaire de la
communauté khadriya, qui revenait d’une cérémonie d’hommage
au lieu saint de Nimzath en Mauritanie. Pour lui, le ndiguel politique
n’a plus de sens et les religieux doivent être à équidistance entre les
acteurs politiques. Une position novatrice qui mérite qu’on y réflé-chisse
un peu plus.
La révolution citoyenne. Le concept est nouveau. C’est avec
l’alternance que les Sénégalais ont vraiment découvert les vertus de
la citoyenneté. Ce rapport à l’Etat sans intermédiation est inédit au Sé-négal.
Une révolution silencieuse s’est opérée au cours de ces der-nières
années dans la conscience collective. C’est toute
l’opérationnalité de la politique qui s’en trouve modifiée. Le vote n’est
devenu un acte individuel par excellence et le déclin des « grands élec-teurs
» est inscrit en filigrane dans les actes de protestation populaire.
Un Sénégal nouveau
est en train de naître.
Le 23 juin en donnait
les prémices.
7. Escapade en terre de servitude volontaire
LOUGA INFOS – N°112 SEPTEMBRE 2011
DOSSier
Le M 23. Du M 23, on pense que c’est une nébuleuse, un conglomérat
d’organisations de la société civile et de partis politiques. Ce qu’on ne dit
pas vraiment, c’est que ce mouvement, rien que par son existence, établit
une hiérarchie entre les organisations qui la composent. Aujourd’hui, les
partis politiques sont à la remorque des organisations de la société civile.
Et parmi celles-ci, les mouvements qui se sont formés spontanément
comme « y’en a marre » occupent le haut du pavé. De l’histoire, on a ap-prend
que c’est en marchant que l’on prouve le mouvement. Les jeunes
ont mis la contestation en acte. Il leur faut maintenant l’organiser. « Y’en a
marre » a de l’avenir devant soi.
La concentration excessive
des pouvoirs à la prési-dence
et une parcimo-nieuse
redistribution des
prérogatives de la gestion
des affaires de l’Etat entre les mains de
quelques individus, ne devant ce privi-lège
qu’à une proximité du locataire du
palais ou aux hasards des attirances sym-pathiques,
a produit un césarisme de
mauvais aloi dans la République. Ce
trauma est d’autant plus pernicieux
qu’une culture de servitude volontaire
s’est insidieusement incrustée dans les
esprits. Une sorte d’avilissement moral
et d’amollissement de la volonté qui a
frappé les organes les plus essentiels du
corps social.
Ce lymphatisme singularise l’appareil ju-diciaire
où une cécité circonstancielle est
toujours de mise quand les jugements
peuvent déplaire en haut lieu. Les dos-siers
sont laissés à l’entretien sélectif de
la mémoire qui, comme disait Birago
Diop, ne rapporte que le fagot qui lui
plaît quand elle va chercher du bois
mort. Chez le personnel parlementaire,
l’indolence a toujours été de rigueur. De
tout temps, dans tous les régimes. Mais
la courbure de l’échine n’a jamais été au-tant
pratiquée que sous cette législature.
Dans l’aplatissement, les records ont été
battus. Et de loin. Cet amollissement de
la volonté retrouve aussi au sein d’une
grande partie de l’élite politique qui a
laissé l’initiative à la jachère pour se com-plaire
des délices et de la paisibilité de
l’irrésolution qu’induisent la guidance
servile. Quelques années ont suffi pour
que cette mentalité de la sujétion s’en-fouisse
dans les replis les plus profonds
de leur inconscient.
Le paroxysme est perceptible quand,
jouant aux sophistes de saison, quelques
individus s’offrent la délicate corvée de
la théoriser dans une vulgate digne d’un
charretier. Nous avons alors eu droit à la
réduction des hommes, de tous et de
toutes, au rang de simples« variables ».
La seule constante est la personne du
César qui, du haut d’une hautaine sou-veraineté,
se joue des destins comme un
Dieu spinoziste s’amuserait du spectacle
du monde. Sous le régime des socialistes,
on avait connu l’allégorie du « maître du
jeu » qu'avait mise au goût du jour un in-tellectuel
collectif socialiste qui peinait à
penser une atmosphère de fin de règne
et les balancements d’un pouvoir aux al-lures
de girouette qui ne prenait que la
direction que les vents de circonstance
voulaient lui indiquer. Ceux du change-ment
finirent par lui indiquer la porte de
sortie démontrant la vanité d’une maî-trise
qui n’avait d’existence que dans un
discours idéologique. Avec les libéraux,
le ravalement de la pensée est tel qu’il de-vient
interdit de réfléchir. Penser est de-venu
crime de lèse-majesté. Puisque la
variable n’a point la dignité de l’initiative.
On nous dit que nous sommes dans une
démocratie, que l’alternance de 2000 a
été un point d’orgue dans la montée en
gamme du processus démocratique. On
oublie que pour faire une société démo-cratique,
il faut des hommes libres. Pour
faire une société libre, il faut une équité,
une égalité sociale qui permet à tous les
citoyens d’accéder aux dignités que leur
permettent de conquérir leurs compé-tences.
Depuis la césure produite par l’al-ternance,
la société sénégalaise se meut
dans l’antithèse de cette assertion. La dé-mocratie
marche à rebours.
Le premier geste dans la transmutation
des moeurs fut l’adoption presque à
l’unanimité lors d’un référendum d’un
présidentialisme exacerbé. Avec la dis-tance
que procure le temps et à la faveur
de la révélation à la lumière du dessein
caché dans les blancs de ce projet de
constitution, on se rend compte que ce
geste avait été décisif. On avait fait un ré-férendum
pour se priver à jamais d’en re-faire.
Ont suivi alors les modifications
ubuesques de la Constitution que nous
avons connues. Au mépris de l’esprit des
lois en République, la Constitution a sta-tut
de brouillon, vulgaire bout de papier
que l’on triture à volonté. Elle ne res-semble
Un conseil constitutionnel qui devra prendre ses res-ponsabilités.
La question de la recevabilité de la candidature de Me
Wade est entre les mains du Conseil constitutionnel. On se rappelle que ce
conseil avait été instauré en remplacement de la Cour Suprême parce que le
président Diouf ne faisait pas confiance en son dernier président Hassane Bas-sirou.
Le Conseil Constitutionnel est donc congénitalement appelé à avoir des
positions favorables au régime. Mais les conditions ont changé et les sages
devront prendre leurs responsabilités et non pas se défausser comme l’avait
fait Kéba Mbaye au moment de proclamer les résultats des élections de 93.
même plus à rien tant elle a été
raturée et griffonnée. Le dernier scandale
en la matière est l’instauration d’un ticket
à l’élection présidentielle. On ne sait et
ne saurait deviner pour quelle raison, en
vue de quel subterfuge, cette nouvelle
disposition devrait être introduite dans
la Constitution. On sait tout simplement
que c’est juste de la volonté de l’Unique,
de l’Etre Suprême. Robespierre avait pris
le soin de le placer hors du genre hu-main.
Les libéraux au pouvoir ont réussi
la prouesse de lui voler ses attributs et de
les confier à leur guide. Dans une telle
atmosphère de surréalisme institutionnel
combinée à une évanescence progressive
de l’égalité sociale incarnée par l’appari-tion
sur la scène politique d’une classe de
citoyens, hissée au-dessus du commun,
par leur faculté à obéir, par cette prodi-gieuse
faculté à se vautrer dans la sujé-tion,
le cours monarchiste est en train de
prendre tournure. La sujétion à la
Constante, à l’Unique trouve sa perfec-tion
dans une extension à son engeance.
Le pays se meurt dans la dévotion. Et le
plaisir du César se trouve dans la
contemplation de cette grande fresque
de l’adoration où de piteuses figures ri-valisent
d’ingéniosité dans l’abaissement
pour attirer son regard. Et encore, cet
étalage de gueuserie ne le satisfait point.
Il lui faut, suprême humiliation pour nos
nobles âmes, indépassable dépravation
des moeurs, il faut à ce César la curée.
Elle est presque indescriptible la ruée
vers les richesses, vers les terres, les mai-sons,
les bijoux, l’argent et les factices
honneurs. Hommes et femmes s’inju-rient,
s’entredéchirent, s’étripent. La mal-séance
est dans une parfaite mise en
scène dans la République.
Est-il nécessaire de convoquer quelqu’un
d’autre pour faire apprécier au lecteur
l’état de déchéance démocratique dans la-quelle
le Sénégal se trouve aujourd’hui.
L’acte serait futile puisque la réalité est si
éloquente qu’elle surpasserait l’imagina-tion
du plus fantaisiste des observateurs
qui se serait permis à l’orée de l’alternance
de faire une description du Sénégal de
2011. Il faut aller chercher loin, très loin
pour dénicher une béquille à servir au lec-teur.
Nous l’avons débusquée dans un
vieux texte, un texte de Tocqueville, qui
pourrait faire office de grimoire pour la
démocratie, dans lequel il parle des tyrans.
Il y est écrit : « Chacun d’eux, retiré à l’écart
et comme étranger à la destinée de tous les
autres ; ses enfants et ses amis particuliers
forment pour lui l’espèce humaine ; quant au
demeurant de ses concitoyens, il est à côté
d’eux, mais il ne les voit pas ; il les touche et
il ne les sent pas ; il n’existe qu’en lui-même
et pour lui seul, et, s’il lui reste encore une
famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus
de patrie. Au dessus de ceux-là s’élève un
pouvoir immense et tutélaire qui se charge
seul d’assurer leur existence et de veiller sur
leur sort ; il est absolu, détaillé, prévoyant et
doux. Il ressemblerait à la puissance pater-nelle
si, comme elle, elle avait pour objet de
préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne
cherche au contraire qu’à les fixer irrévoca-blement
dans l’enfance ; il aime que les ci-toyens
se réjouissent pourvu qu’ils ne songent
qu’à se réjouir ; il travaille volontiers à leur
bonheur, mais il veut en être l’unique agent
et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité,
prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs
plaisirs, conduit leurs principales affaires, di-rige
leur industrie, règle leurs successions, di-vise
leurs héritages : que ne peut-il leur ôter
entièrement le trouble de penser et la peine de
vivre ». La citation est longue mais elle en
valait la peine. On jurerait que Tocqueville
en rêve a, un jour, fait une escale au Séné-gal
en 2011. Une si parfaite coïncidence
avec la réalité ne peut être fortuite. Parce
que tout simplement nous vivons dans la
parfaite caricature d’une démocratie qui a
mal tourné.
Pour remettre les choses à l’endroit, et
soigner cette corruption du corps social,
il faudrait que la prochaine présidentielle
se joue sur le registre de la restauration
des moeurs. Là et uniquement sur ce plan
se trouvera le salut de la nation.
le seNeGal sOus WaDe
Le Sénégal offre aujourd’hui le désolant
spectacle d’une société traumatisée
par l’exercice d’une gouvernance ou-trancièrement
piratée par la politique
politicienne.
Pour remettre les choses à l’endroit, et soigner
cette corruption du corps social, il faudrait que
la prochaine présidentielle se joue sur le registre
de la restauration des moeurs. Là et uniquement
sur ce plan se trouvera le salut de la nation.
8. PResiDeNTielle 2012
De l’encombrement humain sur la scène
LOUGA INFOS – N°112 SEPTEMBRE 2011
DOSSier
Les constitutionnalistes s’accordent
tous à reconnaître qu’il n’existe pas
de supériorité de fait d’un régime
sur l’autre. Tous les deux peuvent
donner lieu à des dérives. Un parle-mentarisme
débridé avec une assemblée à la pro-portionnelle
intégrale peut être vecteur d’une
instabilité chronique. Il fait le lit des régimes de
partis où les minorités influent beaucoup sur le
jeu politique. Le cas de la Quatrième République
française est souvent cité en exemple. Malgré la
qualité d’hommes politiques d’une envergure po-litique
exceptionnelle comme Pierre Mendes
France, Maurice Thorez ou Vincent Auriol, cette
République, formatée pour empêcher le Parti
communiste français de tenir les rênes du pouvoir
exécutif, fut celle des guerres coloniales et des
politiques ultra-marines d’arrière-garde. Le dé-tour,
par l’ex métropole n’est que pour montrer,
contrairement à ce qui est généralement admis,
que les travers d’un parlementarisme radical ne
se limitent pas seulement à l’instabilité qui lui est
constamment accolée. Le parlementarisme est le
moyen le plus efficace pour les partis minoritaires
de faire exécuter leur dessein politique. L’Europe
d’aujourd’hui nous en fournit un exemple élo-quent.
C’est dans les pays à régime parlementaire
comme la Suisse ou l’Autriche que la montée de
l’extrémisme de droite a été corollaire d’une ra-dicalisation
des politiques discriminatoires contre
les immigrés et les étrangers. Autre exemple : la
grande influence qu’exerce le courant religieux
pourtant très minoritaire sur la politique du gou-vernement
israélien n’est que le fait d’un parle-mentarisme
dont l’impact se traduit toujours par
une radicalisation vers les extrêmes.
Dans notre pays, comme on s’en rend compte, les
principaux tenants du parlementarisme sont les
petits partis. Ils ont, pour la plupart, une certaine
légitimité historique pour avoir vu le jour sous la
clandestinité. Les plus fervents partisans de cette
thèses sont la Ligue démocratique, le PIT, les
ailes soi-disant authentiques d’And Jëf, les divers
restes du RND plus quelques partis « minuscu-laires
» dont on connaît pour militants que le lea-der
ou son second qui squattent les salles de
rédaction et les plateaux de télé. Ce sont des or-ganisations
généralement structurées sur le mode
du centralisme démocratique avec des systèmes
très resserrés de l’encadrement des militants. Ha-bitués
à l’entrisme dans les syndicats, à la mani-pulation
des assemblées générales, aux synthèses
déformées, ces partis sont de véritables appareils
de détournement d’objectifs politiques. Ils n’ont
jamais pu conquérir une assise populaire et donc
ne trouvent grâce que dans les coalitions où elles
viennent avec comme finalité d’embrigader les
autres. L’exemple type de genre de regroupement
fut la Coalition 2000 qui avait soutenu la candi-dature
de Me Abdoulaye Wade. Dans le pro-gramme,
ces partis avaient fait accepter au PDS
l’inscription dans un programme de gouverne-ment
l’adoption du régime parlementaire. On sait
ce qu’il est devenu de cette promesse. Si tôt élu,
le Président Wade l’a jetée aux orties faisant une
constitution par référendum une constitution
hyper présidentialiste que ces formations poli-tiques,
à part le PIT, ont approuvée. Ce sont exac-tement
les mêmes partis politiques qui
reviennent, par le truchement des assises natio-nales,
pour exiger un parlementarisme, juste
quelques années après avoir cautionné un régime
présidentiel. Si les assises nationales valent ce
qu’ils valent parce que d’éminents sénégalais ont
participé à l’élaboration de ses conclusions, il
convient de passer au crible de la critique ses pro-positions
et d’en extirper les scories tel que ce
parlementarisme qui ne convient qu’aux partis
marginalisés par les consultations électorales et
qui cherchent par des voies détournées à se repo-sitionner
sur la scène politique. Très souvent,
c’est par le moyen du chantage dans le procès de
constitution des majorités qu’ils interviennent.
Imaginons quelle serait leur marge de manoeuvre
dans un régime parlementaire surtout si l’on sait
que la plupart de ces partis sont de grands adeptes
des allers et retours entre le pouvoir et l’opposi-tion.
Ils ont l’enjambement facile de cette ligne
rouge qui devrait délimiter les clivages entre une
majorité et une opposition. Un parlementarisme
instauré sous leur égide serait la porte ouverte aux
pratiques opportunistes, un tapis rouge pour les
maîtres chanteurs et un pas de plus vers la déli-quescence
des moeurs, déjà peu reluisantes, de la
classe politique.
Cependant, on comprend bien que les Sénégalais
puissent avoir un regard de défiance par rapport
au régime présidentiel. Près d’une dizaine d’an-nées
d’exercice d’un présidentialisme exacerbé
sous l’ère libérale ont fini par les dégouter de ce
mode de gouvernement. Ils ont envie de voir les
pouvoirs du Président de la République balisés.
Ils veulent que « le pouvoir limite le pouvoir ».
Ils ne veulent plus être les jouets d’une sorte de
Deus Ex Machina qui peut se donner le luxe de
modifier à sa guise les circonstances et les condi-tions
de leur existence. Plus de blanc-seing, di-sent-
ils. Certains acteurs de la classe politique ne
l’entendent pas ainsi. Parmi eux, les anciens Pre-miers
ministres. On peut citer Moustapha Niasse,
Idrissa Seck, Macky Sall. Pour avoir ressenti
dans leur chair les frustrations inhérentes à la
condition de Premier ministre sous l’alternance,
ces anciens vizirs rêvent tous de détenir un jour
cette liberté de mouvement que confère le statut
de Président de la République. Leur sortie des
cercles du pouvoir a provoqué chez eux une sorte
de rébellion. Ils ont créé leur parti politique pour
revenir dans le jeu. Après avoir été Premier mi-nistre,
aucune autre fonction n’est digne d’être
assumée à leurs yeux que celle de Président de la
République. Ces anciens Premiers ministres ne
seront jamais pour une modification du régime.
D’ailleurs, ils éludent souvent la question et pré-fèrent
ne pas l’aborder de front. Pour être juste,
il faudra ajouter dans le lot Ousmane Tanor Dieng
qui a, sous l’ère socialiste, occupé une position
très particulière dans le régime. Mamadou Loum
fut le Premier ministre par procuration qu’il avait
choisi. On se souvient du jour où l’on annonçait
la nomination de Loum. Le décret nommant Ous-mane
Tanor Dieng était déjà paru. Au moment où
Mamadou Loum se présentait aux journalistes en
qualité de Premier ministre, Ousmane Tanor
Dieng était debout un palier supérieur à celui se
tenait Loum sur l’escalier qui mène aux apparte-ments
du Président de la République. Ce ne serait
que justice donc d’assimiler le Premier secrétaire
des socialistes à la liste des anciens Premiers mi-nistres.
Il est évident que si un jour, ces personnes
parviennent au pouvoir, il n’est pas évident
qu’elles vont changer le régime. Tout au plus
pourrait-on espérer de la part de Moustapha
Niasse, Ousmane Tanor Dieng ou Macky Sall une
certaine humilité et un exercice plus pondéré des
pouvoirs du Président de la République. Des au-tres,
Dieu seul sait ce qu’ils feront.
Mais, on le sait ! il ne faut point compter sur la
tempérance des hommes pour espérer avoir une
stabilité institutionnelle. Les promesses des
hommes politiques ne valent que pour ceux qui
y croient. L’expérience le prouve éloquemment.
Il faudra alors que la prochaine présidentielle
soit l’occasion du débat public sur le meilleur
régime pour équilibrer les pouvoirs, préserver
la stabilité des institutions et brider les pratiques
peu orthodoxes d’une classe politique aux écus-sons
écornés.
ReGiMe PResiDeNTiel Ou PaRleMeNTaiRe
pourquoi devrait-on brider les pratiques
peu orthodoxes de la classe politique
A la veille de chaque élection présidentielle, la question resur-git
inévitablement dans le débat cité politique. Faudrait-il au
Sénégal un régime présidentiel, le seul qui, selon les adeptes de
cette thèse, pourrait permettre à un chef de l’Etat élu au suf-frage
universel de disposer de tous les moyens pour définir des
orientations politiques et les appliquer ? Ou, au contraire, de-vrait-
on opter pour un régime parlementaire avec un Premier
ministre recevant son adoubement de la représentation natio-nale
devant qui elle serait responsable ? Exposée dans une di-mension
purement théorique, ces questions suscitent toujours
des réponses à la normande.
C’est peut-être une des tares de notre système démocratique. Le pli est pris à chaque scrutin présidentiel
d’enregistrer un certain nombre de candidatures fantaisistes. A la dernière élection de 2007, la majeure
partie des candidats était sortie de nulle part. On a souffert le martyre face aux histrions et aux saltim-banques
venus juste pour jouer leur partition de figurant sur la scène politique.
On s’est payé la candidature d’un organisateur de combats de lutte qui, confondant la popularité de ce
sport avec son aura personnelle, a failli faire tourner au burlesque notre élection présidentielle. La justice
étant immanente et la vérité finissant toujours par sortir du puits, le candidat « aux mains blanches »
s’était révélé délinquant notoire qui a fini par prendre le large pour échapper à l’épée de Damoclès de
Dame justice.
On a aussi eu notre lot d’illusionnés qui pensaient, parce que quelque part dans nos voisinages un candidat
de la société civile avait remporté une présidentielle, qu’il fallait juste se mettre sous l’égide d’une telle
appellation pour réussir le hold up politique parfait. Une candidature à la présidentielle, on le sait, est un
puissant moyen de promotion. Beaucoup de gens sacrifient à ce rituel pour avoir une ligne de plus sur
leur carte de visite, surtout si ces personnes ambitionnent d’amorcer une carrière internationale.
En 2007, on ne s’est pas plaint d’avoir échappé à des « Lech Walesa » tropicalisés qui avaient faussement
établi l’équivalence entre leur propre popularité avec le succès de quelques journées mortes organisées à
l’occasion de la mise du Plan de rigueur budgétaire du couple Sakho-Loum ou de trois journées mémora-bles
de grève où l’Etat avait été pris en otage par un syndicat. On le sait aussi, un soutien au second tour
se monnaie très cher. Quelques candidats aux scores électoraux lilliputiens ont bien gagné au change. Leur
soutien leur a valu non point une mais des ou plusieurs sinécures. Certainement que cet exemple avaient
inspiré beaucoup de candidats en 2007.
La conviction serait légitimement faite que cet exemple inspire encore aujourd’hui. .Certains candidats
s’engagent dans la bataille électorale comme on ferait un investissement en affaires. Les quelques millions
déposés à titre de caution seraient rendus au multiple à deux chiffres, une fois bien serrée la négociation
du soutien à un candidat presque sûr de gagner au deuxième tour serait bien. Sinon comment expliquer
que quelqu’un qui ne parvient même pas à mobiliser au-delà de son quartier lors des dernières élections
locales puisse prétendre se présenter à la présidentielle. Comment est-ce que quelqu’un qui ne peut même
pas gérer une fédération sportive parmi les moindres en audience et en importance, peut-il oser venir
nous demander de voter pour lui ? Il faut être clown ou fou pour avoir culot de ces personnes ! Si encore,
ils avaient eu le sens de la satyre d’un Coluche dont la fausse candidature en 81 à la présidentielle avait
été la plus acerbe critique contre le système français, on aurait compris. Mais ce n’est pas le cas. Ces gens
y croient et croient qu’ils sont plus malins que tout le monde. Et qu’ils peuvent se jouer du peuple pour se
positionner dans la société. Il y a de ces candidatures à la présidentielle qui ne sont que de l’encombrement
humain. Il faudra un jour trouver un système de récurage des coulisses de la compétition en vue de la pré-sidentielle
pour nous préserver du cirque auquel on est en train d’assister. Non pas qu’il faille adopter à
un système censitaire qui ne permettrait qu’aux riches de se présenter mais trouver en toute bonne foi
une solution pour éviter cette comédie. L’augmentation de la caution à 65 millions est un faux remède
d’autant plus dangereux qu’elle va pousser certains candidats à nouer des alliances douteuses avec des fi-nanciers
peu recommandables.
L’échéance électorale ne doit pas aussi être l’occasion de prendre des revanches personnelles. La remarque
vaut aussi bien pour les candidats indépendants que pour ceux qui sont investis par les partis politiques.
Bon nombre de candidats ne le sont que par le dépit qu’ils éprouvent pour quelque autorité. On a beau
jouer au petit seigneur dans quelque organisme international dont, du reste, l’inefficience a été mis au
jour, on ne peut, soit parce qu’on a perdu cette planque, soit qu’on a acquis une certaine notoriété inter-nationale,
estimer que le maroquin de Président de la République est le seul qui vous sied. Le statut de
candidat à la Présidence doit se mériter. Et le fauteuil de l’Avenue Senghor ne peut être un siège de re-change.
La vocation de candidat ne peut s’acquérir parce qu’on s’est miré le matin et qu’on y pense chaque
fois qu’on se rase mais cette vocation doit naître chez celui qui est digne parce qu’il a longuement réfléchi,
qu’il a regardé comment vit ce peuple et qu’il est prêt à se mettre à son service. Ce n’est pas ceux qui
avaient imposé des plans drastiques dont l’inanité est aujourd’hui prouvée, ce n’est pas ceux qui agissaient
sous les injonctions des institutions de Bretton-Woods et qui nous imposaient des retraits intenables sur
nos revenus qui doivent aujourd’hui venir nous seriner de beaux discours. Il fait de la décence pour être
candidat et un peu d’humilité pour ne pas obstruer le chemin pour ceux qui ont du mérite à revendre. A
bon entendeur, salut !
9. CONQueTe Du POuVOiR
Pourquoi le débat économique
est prioritaire
Au Sénégal, l’alternance politique
réalisée en mars 2000 portait la
marque d’une jeunesse désem-parée
en quête d’emplois que le
candidat WADE les promettait
gracieusement. De même que les manifesta-tions
du 23 juin 2011 sont l’oeuvre d’un peuple
trahi, toujours confronté à un chômage endé-mique.
Le chômage et l’inflation, ennemis jurés
du pouvoir d’achat, sont des fléaux décriés dans
tous les pays du monde actuellement. Ils font,
en ce moment, l’actualité dans des pays puis-sants
tels que les Etats-Unis, la France, l’Alle-magne
ou l’Italie. Devant cette situation,
aggravée dans les pays sous développés par le
manque d’infrastructures et la pauvreté, il est
unanimement reconnu que les solutions passent
d’abord par la croissance économique et la ré-partition
des richesses. Quand l’économie va,
même la délinquance et le banditisme (polluant
la qualité de la vie) qui s’explique en partie par
l’inaccessibilité de certaines masses aux ri-chesses,
peuvent être combattus avec une
bonne politique de répartition, qui viendra en
même temps juguler la pauvreté.
C’est pourquoi, dans la compétition pour
l’exercice du pouvoir, on peut déclarer sans se
tromper que l’économie est un sujet prioritaire.
Cela reste, tout de même, l’avis de l’écono-miste,
puisque le sociologue non convaincu
peut vouloir mettre l’accent sur l’importance
des relations sociales, des moeurs et des valeurs.
De cette polysémie jaillit une possibilité de pré-cision
: les économistes campent le débat sur le
développement en considérant que celui-ci,
n’est pas seulement expliqué par l’abondance
en termes financiers et matériels. C’est pour-quoi,
la définition du développement par l’in-termédiaire
du Produit National Brut (PNB) par
tête d’habitant, qui a prévalu jusqu’au milieu
des années 90, a été progressivement abandon-née.
On considérait, suivant cette logique, que
les pays ayant un PNB par tête supérieur ou
égal à 25 000 US$ sont développés. Néan-moins,
il a été remarqué que des pays comme
le Gabon, la Lybie, le Qatar ou l’Arabie dépas-saient
ces niveaux de PNB par tête, mais ne
pouvaient pas être considérés comme pays dé-veloppés.
Dans ce 20ème siècle, il est de plus
en plus théorisé une nouvelle définition révolu-tionnaire
qui est venue intégrer la qualité de la
vie, la stabilité ou la bonne gouvernance. D’ail-leurs,
dans certains pays développés, à la place
du Produit Intérieur Brut, on théorise de plus
en plus le Bonheur Intérieur Brut (BIP). Cer-tains
pays comme la Suède s’illustrent égale-ment
dans la prise en compte des impacts
environnementaux dans le calcul des créations
réelles de richesses.
Selon les économistes, la croissance écono-mique,
aussi forte soit-elle, n’est pas suffisante
pour qu’on parle de développement. Elle doit
s’accompagner de changements mentaux et so-ciaux
favorables à l’épanouissement collectif,
sans inégalités sociales. C’est sous cet angle
que les critiques formulées à l’égard du néoca-pitalisme
s’avèrent difficiles à réfuter, mail il
importe de préciser que ce débat idéologique
n’est pas l’objet de cet article. Parallèlement,
l’aspiration des peuples à la démocratie est une
autre donne qui corrobore la prééminence de
l’économie sur tous les autres domaines de la
vie des sociétés. Les économistes sont généra-lement
d’avis que la démocratie ne peut se
consolider dans des conditions de dénuement
profond, comme c’est le cas dans nos pays.
Ceci donne une bonne idée de la fragilité de la
jeune démocratie sénégalaise, relativement aux
médiocres résultats glanés sur le plan écono-mique
au bout de la décennie 2000-2011. Cer-tains
grands économistes ont émis des avis
concordants sur ce sujet du développement et
de la démocratie. Barro (2000) a dressé un bilan
des interactions entre le développement écono-mique
et le développement de la démocratie.
Mais ce débat doit tenir compte de phénomènes
très complexes, comme les bons résultats éco-nomiques
constatés chez certains régimes au-toritaires
tels que la Chine. Toutefois, à partir
d’un comparatif Inde/Chine, Amartya Sen (Prix
Nobel d’économie en 1998), a aussi expliqué
que la démocratie est surtout importante dans
les moments difficiles. Dans ses travaux, il a
argué que l’Inde s’est tiré plus facilement des
famines que la Chine qui a connu encore au
début des années 1960 une grande famine ayant
fait 30 millions de morts. Mais tous ces grands
économistes reconnaissent que devant un afflux
de richesses, se pose le problème d’une bonne
gestion aussi bien dans un régime de démocra-tie
que dans un régime autoritaire. En tout cas
selon Barro « des accroissements du niveau de
vie tendent à engendrer un accroissement pro-gressif
de la démocratie. A l’opposé, les démo-craties
qui se sont érigées sans développement
économique antérieur se révèlent fragiles.
Par Mounirou NDIAYE
LOUGA INFOS – N°112 SEPTEMBRE 2011
economie
Comme le rappelle souvent le Pr Moustapha KASSE, l’économie est la sphère dé-terminante
en dernière instance. Autrement dit, les solutions aux problèmes d’un
pays doivent être inéluctablement accompagnées d’une bonne dynamique écono-mique.
Les gouvernements, en Afrique plus particulièrement, s’évertuent à résou-dre
quatre problèmes fondamentaux et prioritaires : le chômage, la pauvreté, le
manque d’infrastructures et la faiblesse du pouvoir d’achat qui renvoie au taux
d’inflation. D’ailleurs, dans son dernier essai publié en 2005, l’économiste améri-cain
John Kenneth Galbraith (décédé en 2006 à 94 ans) écrivait que les deux
problèmes fondamentaux auxquels l’humanité va être confrontée dans ce 20ème
siècle s’appellent Inflation et chômage.
10. « Au Sénégal, plus de 18% des femmes sont infectées
par le virus hpv RESP0NSABLE du cancer du col de l’utérus »
LOUGA INFOS – N°112 SEPTEMBRE 2011
Santé
Louga Infos : Professeur, pouvez-vous
nous parler des données épidémiolo-giques
du cancer du col de l’utérus au Sé-négal
?
Pr Mamadou Diop : Le cancer du col de
l'utérus est consécutif à l'infection persis-tante
par le virus du papillome humain
(HPV).
Au Sénégal, avec 1.197 nouveaux cas esti-més
en 2008, le cancer du col de l'utérus se
situe au 1er rang en termes de fréquence tout
sexe confondu. 4 femmes sur 5 sexuellement
actives risquent d’être infectées au cours de
leur vie. Dans la plupart des cas, ce virus dis-paraît
naturellement, mais pour certaines, il
reste dans le col et il s’attaque aux cellules
saines.
Les papillomavirus sont très répandus, très
contagieux et ils se transmettent par contact
sexuel. Cette infection passe souvent inaper-çue
car le virus est éliminé chez la plupart
des femmes sans avoir donné lieu à des
symptômes particuliers. Cependant, certains
types de papillomavirus s’installent de façon
permanente au niveau du col de l’utérus. Ils
peuvent alors transformer, de manière très
lente, les cellules normales en cellules cancé-reuses.
C’est une maladie silencieuse qui ne
s’accompagne pas de symptômes aux stades
précoces.
Les femmes âgées de 50 ans sont particu-lièrement
touchées. Ces cancers restent rela-tivement
très rares avant 25 ans et ils devien-nent
plus fréquents dès la trentaine. Ainsi,
40% des femmes atteintes ont entre 35 et 54
ans. Au Sénégal, plus de 18% des femmes
sont infectés par le papillomavirus (HPV).
A défaut d’un programme national orga-nisé
de dépistage et à cause d’une consulta-tion
tardive, la mortalité est très élevée aux
alentours de 70 %.
Quels sont les principaux facteurs de
risque de cette affection ?
Le virus du papillome humain (HPV) est
à l'origine du cancer du col de l'utérus. Il en
existe de nombreux types, mais ce sont plus
particulièrement les sérotypes 16 et 18 qui
sont en cause. Au Sénégal, les sérotypes 16,
58 et 18 sont respectivement les plus fré-quents.
La contamination s'effectue à l'occa-sion
de rapports sexuels non protégés. Elle
est très fréquente puisqu'on estime que 70 %
des personnes qui ont une activité sexuelle
sont en contact avec le virus. Dans l'extrême
majorité des cas, le système immunitaire par-vient
à contrôler spontanément l'infection vi-rale
(contre laquelle il n'existe pas de
traitement médical efficace) et à l'éliminer.
Seules 1 à 2 % des femmes contaminées par
le virus vont développer un cancer du col de
l'utérus.
D'autres facteurs de risque en rapport avec
cette contamination ont été identifiés. Ils in-terviennent
également dans l’apparition de la
maladie telle que la précocité des rapports
sexuels et la multiplicité des partenaires, le
tabagisme, la contraception, les grossesses et
accouchements et d’autres infections sexuel-lement
transmissibles.
Quels sont les symptômes de ce type de
cancer et comment se manifestent-ils ?
Il n’y a pas de symptômes perceptibles
aux stades précoces. Les symptômes peuvent
apparaître sous la forme de saignements pro-voqués
lors des rapports ou de la toilette, de
saignements spontanés, de pertes, de dou-leurs
pelviennes Plus tardivement, on peut
observer des pertes de sang entre les règles,
après la ménopause ou après les relations
sexuelles. Des pertes blanches indolores sont
parfois associées.
L'examen clinique permet d'évaluer l'ex-tension
locale et régionale. L'imagerie est es-sentielle,
notamment le scanner ou l'IRM
abdominale. Une échographie peut égale-ment
être pratiquée. Le dosage sanguin de la
créatinine permet d'évaluer un éventuel re-tentissement
de la maladie sur les reins, ce
qui témoignerait d'une maladie déjà avancée.
Quels sont les modes de traitement ?
Les modalités de traitement dépendent du
stade de la maladie. Les stades précoces re-lèvent
de la chirurgie. La «conisation» permet
de n'enlever qu'une partie du col de l'utérus.
Mais le chirurgien est parfois obligé de pra-tiquer
une hystérectomie qui est un est un
acte chirurgical qui consiste à enlever tout ou
partie de l'utérus. Celle-ci s'accompagne ha-bituellement
d'un contrôle, voire de l'ablation
des ganglions loco-régionaux.
Les stades plus avancés relèvent de l'asso-ciation
de la radiothérapie et de la chimiothé-rapie.
Est-il possible de prévenir ce type de
cancer ?
Le dépistage repose sur la pratique régu-lière
d'un frottis qui, en prélevant des cel-lules
du col, permet leur analyse au
microscope. L'examen direct du col (colpo-scopie)
permet également de mettre directe-ment
en évidence des lésions suspectes. Mais
seule l'analyse au microscope de ces lésions
prélevées permet d'affirmer le diagnostic en
constatant la présence de cellules cancé-reuses.
On préconise un premier frottis vers
25 ans et, en l’absence d’anomalies, tous les
3 ans jusque 65 ans. Malheureusement, 7O à
8O% des femmes arrivent en consultation à
un stade avancé de la maladie.
Au Sénégal comme dans les pays pauvres,
le test de détection de l’ADN du virus HPV
à moindre coût suivi d’un traitement immé-diat
par la cryothérapie chez les femmes tes-tées
positives, sera le meilleur moyen pour
faire baisser l’incidence et la mortalité du
cancer du col de l’utérus. La grande sensibi-lité
du test HPV comme test principal pour
réduire la mortalité par cancer du col a été
prouvée par un grand essai contrôlé rando-misé
en Inde.
Le programme détection-traitement peut
être institué à un coût beaucoup plus bas
qu’un programme de vaccination contre
HPV basé sur les 3 doses actuelles du vaccin.
La vaccination des jeunes filles prendra des
dizaines d’années pour réduire le taux de
mortalité pour le cancer du col alors que le
dépistage a un effet dans les 5 ans. Des vac-cins
plus pratiques sont cependant en cours
de développement.
Dans nos conditions de ressources limi-tées,
il est actuellement plus logique de met-tre
en place un programme de dépistage de
qualité et de compléter la stratégie par les
prochaines générations de vaccins dés qu’ils
seront disponibles. Cependant, il faut noter
que le reflexe de se faire dépister n’est pas
encore ancré dans les esprits. C’est pourquoi
il est nécessaire de mener une sensibilisation
à grande échelle pour informer les femmes
sur les dangers du cancer du col de l’utérus.
iNTeRVieW - MaMaDOu DiOP, PROFesseuR aGReGe,
DiReCTeuR De l’iNsTiTuT Du CaNCeR JOliOT-CuRie De l’hOPiTal aRisTiDe le DaNTeC
Si seulement 1 à 2% des femmes infectées par le papillomavirus, principal vecteur du cancer du col de l’utérus,
vont développer effectivement un cancer du col de l’utérus, près d’un quart de la population féminine sénégalaise
est en contact direct avec le virus. Ce qui situe le cancer du col de l’utérus au premier rang des cancers en termes
de fréquence tout sexe confondu. La situation est d’autant plus grave que les symptômes de cette pernicieuse af-fection
ne sont pas visibles au stade précoce. La prévention doit donc reposer sur un dépistage régulier qui doit
s’effectuer tous les trois ans pour les femmes âgées de 25 à 65 ans. D’où la nécessité d’une campagne de sensibi-lisation
sur ce tueur silencieux.
Propos recueillis par Cherif SARR et Abdoulaye BAO
11. international
FRaNCaFRiQue
LOUGA INFOS – N°112 SEPTEMBRE 2011
Dur apprentissage pour Kar im. Le fils du Président est cu-rieusement
convoqué dans la rubrique International du journal. C’est
bien parce que Karim Wade est devenue, contre son bon gré, une figure
de la scène politique françafricaine. Les dernières accusations portées
contre lui par Rober t Bourgi ont l’air cousu de fil blanc. Spécialiste en
procès gagnés, Kar im aura quand même beaucoup de mal à reprofiler
son image. Les fronts semblent trop nombreux et les requins trop car-nassiers
pour un novice en politique comme lui. Que c’est dur cet ap-prentissage
! On dira qu’il s’est trop tôt frotté à plus dangereux que lui.
Cela lui fera une bonne leçon pour l’avenir.
La dent dure de Bolloré Il s’est donné un devoir d’ingérence
dans la politique sénégalaise. Depuis qu’il a éjecté par dessus bord
par son concurrent Dubaï Port, Bolloré ne parvient pas digérer sa dé-convenue
au Sénégal. Le magnat français fait tout pour déstabiliser le
régime du Président Wade. Il mène un combat de l’ombre, finance des
candidats à la présidentielle qui ont déserté les rangs des libéraux et,
dit-on, joue de son influence auprès de Sarkozy pour qu’il lâche Wade.
Vincent Bolloré a la dent dure. Mais il devra faire face à dur à cuire.
Les bombardements de Tripoli et les gesticulations du
Président Nicolas Sarkozy pour mener une campagne
militaire en Libye ou l’intervention de la Force Licorne
en Côte d’Ivoire sous le sceau des Nations Unies sont-elles
une continuation de l’aventurisme français en
Afrique communément appelé Foccartisme ? Est-on toujours dans
cette segmentation spatio-temporelle dite Françafrique qui désigne
cette conjonction de réseaux de mafieux, d’hommes d’affaires véreux,
de sociétés-écrans, de compagnies fictives et de multinationales, tous
acteurs d’une praxis politique particulière faite de conspirations, de
complots, de manipulations des groupes ethniques, d’assassinats d’op-posants
? Quels sont les ressorts des nouvelles formes d’intervention
de la France sur la scène africaine ? Voilà des questions bien légitimes
au regard de cette récente actualité qui nous donne l’impression que le
siècle n’a pas changé. Que sous le ciel des Afriques, c’est à travers les
siècles un éternel recommencement des équipées de la soldatesque
française. Juste quelques modifications du décor. La tunique bleue, le
casque Edgan et le cheval de la garde républicaine ont laissé place au
béret, au kaki et à la jeep du légionnaire auxquels se sont substitués les
treuils et les chars amx des bataillons de l’infanterie marine. Sous Sar-kozy,
effet de mode oblige ! l’Armée française, empruntant les straté-gies
américaines initiées lors de la Guerre du Golfe, recourt à sa chasse
aérienne détruisant l’aviation ivoirienne à Bouaké, stoppant l’avancée
des chars libyens vers Benghazi, rasant les abords du bunker de
Gbagbo. Quelle est la différence entre le pilonnage des forces libyennes
par les mirages français portant l’étendard de l’OTAN et le saut des
parachutistes sur Kolwezi ? La Côte d’Ivoire, est-elle seulement un Li-beria
du 21ème siècle ? La réponse à apporter à cette série d’interro-gations
nécessite un coup d’oeil dans le rétroviseur.
Le Foccartisme était la clé de voûte de la Françafrique. C’était un sys-tème,
une connexion d’hommes politiques ayant pignon sur rue et ar-borant
la cocarde des officiels, d’hommes de l’ombre souvent revenus
avec de profondes cicatrices des guerres coloniales du Vietnam et d’Al-gérie,
d’hommes d’affaires passant le plus clair de leur temps à hanter
les antichambres des bureaux de présidents africains. La françafrique
avait enserré dans ses rets toutes les chancelleries françaises sur le conti-nent.
Elle dictait ses oukases à Bercy, au Quai d’Orsay et à la Rue Mon-sieur.
Elle a toujours un pied bien planté à l’Elysée, bousculant quel-quefois
l’ordonnancement du protocole et souvent gênant aux
entournures le secrétariat général. Du temps de Chirac, les réseaux
avaient une existence quasi-officielle, occupant Rue de l’Elysée le rez-de-
chaussée du bâtiment abritant la Cellule africaine. La topographie
rejoignait parfaitement la symbolique. Ce Foccartisme se riait de l’al-ternance
gauche/droite au sommet de l’Etat. Elle n’en avait cure
puisqu’elle a, de tout temps, l’oreille de l’occupant du Palais de l’Elysée.
De Gaulle avait donné carte blanche à Jacques Foccart, lui, laissant le
loisir de faire assassiner, quand il le voulait, au détour d’une rue un pré-sident
Sylvanus Olympio, juste coupable de n’avoir pas une fibre fran-cophile
très sensible, de liquider le trop rectiligne Outel Bono, cet
opposant tchadien qui refusait de courber devant le Président François
Tombalbaye et risquait de perturber les plans français conçus par l’am-bassadeur
Fernand Wibaux, de susciter une sécession au Biafra. Gis-card
D’Estain, moins cynique, ne put néanmoins échapper à l’influence
des réseaux foccartiens. Il a fait sauter sur injonction sa soldatesque
sur le Shaba et n’a pas empêché Foccart de lancer une attaque, par Bob
Denard et sa clique de mercenaires interposés, sur le palais de Mathieu
Kérékou. Mitterrand, obsédé par la conservation de l’écluse qu’était le
Rwanda a laissé les mains libres aux généraux de l’Armée française
dans l’instrumentalisation des conflits ethniques dans ce pays, la dia-bolisation
des Tutsis et la commission d’un génocide.
Dans l’entendement de ceux qui tiraient les ficelles de ce Foccartisme,
l’Afrique était une pâte à modeler. Cette françafrique avait l’initiative.
Il lui suffisait juste de trouver des motivations pour entrer en action.
Quelques lignes directrices traversaient toutes ces actions. Fortement
perturbés par le complexe de Fachoda et les défaites de la vallée de
Dien Ben Phu et des plateaux oranais, « ces « Françafricains » étaient
habités par la phobie de l’anglo-saxon. Ils avaient une idée particulière
des intérêts de la France qui s’imbriquaient naturellement leurs intérêts
personnels et leur offraient l’occasion de remplir à bord les caisses de
leurs multiples compagnies d’import-export et sociétés de sécurité. Ils
avaient partie fortement liée avec le capital français. Elf, Bolloré,
Bouygues, Matra et consorts utilisaient leurs services à volonté. La cé-lèbre
Jacques Foccart,
le mentor
compagnie pétrolière française implantée au Gabon et au Congo
fut, de renommée mondiale, le cheval de Troie de cette Françafrique.
Cet imbroglio se nourrissait de l’exploitation des rentes qu’offraient
les ressources pétrolières, minières et agricoles de l’Afrique et de trafics
délictueux ou criminels. Du réseau de trafic de drogue, d’or ou de dia-mants
aux décaissements très officiels de l’aide publique au dévelop-pement
en passant par les valises diplomatiques, la vente clé en main
des éléphants blancs que furent certaines unités industrielles, les ex-portations
de matières premières et les importations de biens d’équi-pement,
tout était entremêlé en Françafrique. Multiples logiques se
superposaient. Celles des militaires voulant garder l’intégrité physique
du pré carré, des affairistes cherchant fortune à travers steppes et forêts,
des sociétés voulant faire main basse sur les marchés et ressources, et
enfin des mercenaires atteints par les démangeaisons de l’inaction. La
Françafrique avait l’initiative. Il suffisait qu’il y ait une conjugaison cir-constancielle
des motivations pour qu’une action soit déclenchée. Soit
au Soudan où Pasqua taillait bavette avec le Président El Béchir et son
ex idéologue de service, le racé Hassan Al Tourabi, pour circonscrire
l’influence anglo-saxonne aux limites de la frontière avec l’Ouganda,
soit en Angola où les trafics d’armes ont rattrapé le même Pasqua et
son acolyte Pierre Falcone, soit en Afrique du sud à qui la France avait
voulu fourguer une centrale nucléaire.
Lionel Jospin avait voulu mettre un terme à ce fatras de relations dou-teuses.
Sans succès. Avant lui, Jean-Pierre Cot avait balancé un coup
de pied dans la fourmilière. Mal lui en prit parce qu’il a été bien vite
congédié. Sarkozy avait promis lors d’un séjour au Bénin qu’il tuerait
la bête immonde. Il avait juré sur tous les saints de mettre fin au mythe
qui prête à la France « la faculté de redresser les situations, de recher-cher
ses intérêts (…) et d’être capable d’assurer la stabilité ou de créer
l’instabilité dans un pays ». Faut-il voir là rien qu’encore une promesse
non tenue du Président français. L’explication serait trop courte.
Il semble qu’aujourd’hui l’on se retrouve face à une logique de l’aléa-toire
où la Françafrique ne ressurgit qu’à la faveur de circonstances
particulières. Aussi bien en Côte d’Ivoire qu’en Libye, les interventions
Mort est le serpent, mort est le venin.
Quand il s’agit de la Françafrique, le
statut d’évidence de l’assertion prend
la clé des champ tant il est manifeste
que ce système de mise sous coupe
des anciennes colonies africaines de
la France survit à son créateur
Jacques Foccart. Le mentor ayant
passé l’arme à gauche, le venin est
toujours là, distillé par la bouche d’un
petit commis du système. Dans un
subit accès de bonne conscience, Ro-bert
Bourgi donne l’air de faire des
révélations pourrissant à volonté l’at-mosphère
de la campagne électorale
française et réglant à titre personnel
ses ultimes contentieux. Faudrait-il
voir dans ses propos la volonté de re-cueillir
les derniers sacrements. La
confession de Bourgi, il faut le dire,
n’est pas au diapason des crimes per-pétrés
en Afrique. Ce ne sont pas les
demies vérités sur quelques mallettes
de billets qui permettront d’absoudre
les crimes perpétrés par la França-frique.
Des révélations, il en faudrait
plus. Bien plus que ce grenouillard
nous dit. La Françafrique est-elle
vraiment morte ?
Les aveux du petit commis
du système et les premières
notes d’un requiem
Par Moustapha Sarr DIAGNE
Suite en P.12
Bourgi, le p’tit
commis
12. Il est particulier dans son
genre. Cheikh Baye Fall, de
son nom d’artiste, ou Cheikh
Mbacké Guèye, tel que l’état-civil
sénégalais le connaît est
le seul percussionniste séné-galais
qui touche au flamenco,
ce genre pluriséculaire qui a
fait la notoriété de la musique
espagnole. Cheikh Baye Fall
est un style particulier que
l’on nomme l’afro-flamenco.
Cheikh MbaCké Guèye alias Cheikh baye Fall
Une culture soufi métissée au flamenco
LOUGA INFOS – N°112 SEPTEMBRE 2011
Culture
Un mélange de sonorités
castillanes et de rythmes
africains, une sorte de
métissage du son eth-nique.
S’il est peu connu
au Sénégal, parce que comme le dit
l ‘adage, nul n’est prophète chez soi,
Cheikh a un digest des plus riche dans le
monde hispanique. Il a joué avec les
meilleurs joueurs de flamenco au
monde. Lors du festival Dakar Cultura
organisé l’ambassade d’Espagne à
Dakar et qui a enregistré la participation
de Youssou Ndour, Cheikh s’est produit
avec Antonio Carmona, un maestro de
l’afro-flamenco dont la notoriété n’est
plus à faire en Espagne. Cheikh a joué
aussi pour Bede, un immense artiste es-pagnol
qui collectionne les disques d’or
en Espagne. Gipsy King, un groupe in-ternationalement
connu a aussi enregis-tré
la collaboration de Cheikh. Parmi les
groupes qu’il a fréquenté, on note aussi
Latin Jazz. Il a aussi eu un compagnon-nage
avec Jerry Gonzales et Javier Co-lina
qui sont des vedettes du monde
hispanique.
Pourtant rien ne prédestinait Cheikh
Baye Fall à ce compagnonnage avec le
flamenco. Cheikh est natif de Louga.
Comme tout Lougatois, il a excellé
dans la danse. Cheikh a fait partie du
ballet des danseurs lougatois qui avait
gagné le trophée de Oscar des va-cances
en 1996. C’est par la suite, sui-vant
les muses d’une vocation déjà
ouverte, il s’est inscrit à l’Ecole des
Arts dans la section Danse pendant
deux ans, de 1998 à 2000. C’est à la
suite de ce cursus académique que
Cheikh Baye Fall s’est rendu en Es-pagne.
Au pays de Cervantès, il s’est
entiché du flamenco. Depuis lors, pas
un pas de « pakargni » pour lui sans le
claquement des castagnettes. Pas de
frappe du pied au sol sans aussi que ne
vibre la peau tendue du sabar. Cheikh
est cette synthèse. Il assure ne puiser
sa source d’inspiration que dans les
enseignements de son guide spirituel,
Serigne Dame Ibn Cheikh Mourtalla
Mbacké. Aux âmes qui vont chercher
leur inspiration dans les profondeurs
de la spiritualité, le rythme n’a aucun
secret. N’est-ce pas là la source du
mystère de la culture soufi.
Le lion, Gaston et Eumeu. Il est celui qui, tout seul, a
réussi organiser un ch ampionnat de lutte qui a fait ressortir les
jeunes loups de l’arène. Ce promoteur, originaire de Louga, f ait la
fierté de sa ville. Mais au lieu de cela, certains lui jettent des bâtons
dans le s roues dans l’a ff aire Eumeu Sène. C’est un faux procès
qu’on est en train de lui faire. Faisons lui confiance pour se défen-dre.
C’est un vrai lion. Tout comme Eumeu Sène. Et c’est pourquoi
ils sont en si bonne compagnie sur notre photo.
Mamadou Kébé part à la retraite. Mamadou Kébé, qui a di -
r igé le C e n tre culturel de Louga es t aujourd ’hui p arti à la retraite.
Après Ké-bémer
avoir séjour n é dans la capit ale du Ndiambour, ce natif d e a ensuite occupé le poste de Commissaire général au mémorial
de vi-bra
Gorée avant de re gagner Douta Seck. La ville de Louga rend un nt à un cet homm e qui a beaucoup contr ibué le rayonnement de la
cult ure lougatoise.
CYAN MAG. JAUNE NOIR
françaises ont un caractère réactif. Il a fallu que des
révolutions soient déclenchées dans le monde arabe,
que des Libyens forment un comité de salut public
et prennent le fusil contre Mouamar El Khadafi pour
que Nicolas, « Le petit » -allusion faite à ce maître de
la Françafrique que le grand, au sens premier du
terme, Charles de Gaulle- enfile sa combinaison
d’aviateur pour lancer ses missiles sur la Libye. La
Côte d’Ivoire a été le champ d’une invasion subite
par une armée surgie de nulle part, équipée de chars
et d’auto-mitrailleuses, composée d’hommes suffi-samment
entraînés pour pouvoir mettre en déroute
les FANCI (Forces armées nationales de Côte
d’Ivoire) pour que le bataillon des parachutistes
transalpins débarquent à Bouaké.
La Françafrique se retrouve aujourd’hui des circons-tances.
La démocratisation des sociétés africaines et
l’émergence d’une société civile et d’une opinion pu-blique
africaine sont passées par là. Pour pouvoir in-tervenir
en Afrique, en dépit des nombreux
lobbyings dans les instances internationales pour la
reconnaissance et d’effectivité du droit d’ingérence,
La France est obligée de se revêtir du manteau des
Nations Unies pour faire le coup de feu en Afrique.
Même si, comme ce fut le cas en Côte d’Ivoire, l’avis
de non objection de l’ONU a été acquise a posteriori.
Elle a beaucoup perdu de ses capacités proactives, ne
se risquant à ne faire le larron que quand l’occasion
se présente.
Cependant, comme dans l’opération Turquoise
menée sur la frontière entre l’actuel République dé-mocratique
du Congo et Rwanda en 1994, la ban-nière
bleu ciel ne sert qu’à occulter les véritables
enjeux des interventions françaises en Afrique. En
Côte d’Ivoire où les intérêts du capital français sont
immenses avec plus de 200 filiales de ses transnatio-nales
et près d’un millier de petites et moyennes en-treprises
implantées dans ce pays, la France de Chirac
et de Sarkozy ne pouvait laisser prospérer une rébel-lion
venant du nord qu’elle ne maîtrisait pas. Son in-tervention
sous prétexte de restaurer la paix n’a été
que la préservation d’une chasse gardée. C’était au
risque de maintenir un Président Gbagbo qui tirait
bien malhabilement à lui, à des fins de politique in-térieure,
une couverture d’anti-impérialiste. La France
avait misé depuis longtemps sur Alassane Dramane
Ouattara. Le meilleur cheval pour lui, c’était l’homme
qui avait, au moment de la libéralisation, permis le
rachat par le capital français de toutes les sociétés na-tionales
ivoiriennes privatisées. Récemment, l’intru-sion
en Côte d’Ivoire des Américains avec la
multinationale Cargill ou des Chinois avait suscité les
inquiétudes d’un patronat français qui n’en voulait
plus du fantasque Laurent Gbagbo. Ce dernier, plus
par stupidité qu’autre chose, leur a offert l’occasion
en or de le mettre définitivement hors jeu.
En Libye, il est évident que l’intervention française
est piratée par des enjeux de politique intérieure. La
montée du lepenisme en France risque de priver Sar-kozy
d’une part importante de son bassin électoral.
Dans ce pays où quand le patriotisme avait un sens,
il signifiait auparavant prendre les armes pour affron-ter
l’ennemi au « sang impur », le nationalisme rime
avec casser de l’arabe. Au mieux en horde le soir sous
la lumière blafarde des lampadaires de bord de Seine.
Avec si peu de courage, Sarkozy fait de même. Il pi-lonne
les villes libyennes faisant des milliers de vic-times
civiles. Vive la guerre facile !
Mais il y a plus profond dans cette intervention en
Libye. Sarkozy n’a jamais digéré le fait que la France
n’ait pas suivi les Etats-Unis dans sa deuxième guerre
du Golfe. La France, évincée des marchés de la re-construction
de l’Irak, ayant perdu la mainmise
qu’elle avait sur le pétrole irakien avant l’invasion du
Koweit et les contrats d’armement de ce pays, a
voulu s’offrir sa guerre en Libye. Elle escompte à
terme domestiquer le pétrole libyen. Le capital fran-çais
est à l’affût pour voler au devant des contrats qui
se présenteront très prochainement. C’est pourquoi,
Sarkozy fait feu de tout bois. Plus on détruit, plus il
y aura à reconstruire. C’est l’implacable logique du
capital qui épouse les mêmes contours que la logique
d’une Françafrique devenue, par la force des choses,
réactive.
Peut-être, sommes-nous en train de percevoir au loin,
à travers le vacarme des missiles qui sont tombés sur
Tripoli, les premières notes du requiem de la Fran-çafrique.
Les révélations de Robert Bourgi donnent
raison à ce penseur qui disait que quand l’histoire met
en terre une forme particulière de rapports sociaux,
c’est toujours une première fois comme tragédie et
une seconde fois comme comédie. La tragédie, elle a
été ivoirienne ou tripolitaine ; Bourgi est le nom de
la comédie. La Françafrique se confine dans le risible.
Dans cette « insoutenable légèreté » qui est au coeur
des fausses révélations et vraies traditions des aveux
d’un commis et petit porteur de valises du système.
Les aveux du petit commis du système
et les premières notes d’un requiem
Suite de la P.11
Bombardements en Libye