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Asperger et detresse
- 1. FICHE D’INTERVENTION #7
ASPERGER ET DÉTRESSE
Par Brigitte HARRISSON et Lise ST-CHARLES (2012)
Suite à de nombreuses demandes, voici notre interprétation et notre lecture de la détresse chez les
personnes Asperger.
La qualité de vie des Asperger ne dépend pas que d’eux-mêmes. Elle dépend aussi de la place que
la société est prête à leur faire. À ce sujet, on peut penser que le trouble du spectre autistique (TSA)
est encore méconnu. Tout d’abord, le trouble est invisible et on pense que la personne n’a rien parce
qu’elle parle et qu’elle est intelligente. Il faut préciser que la parole et l’intelligence n’ont rien à
voir avec le trouble du spectre autistique. Les professionnels traitent encore aujourd’hui le syndrome
d’Asperger comme un trouble de comportement alors qu’il s’agit bel et bien de la complexité de
l’autisme. Comme on ne s’occupe pas du tout de la structure cognitive particulière de l’Asperger, on
laisse la personne vivre de l’anxiété qui ne cesse d’augmenter et la situation finit par se compliquer
tôt ou tard. À la base, la personne a besoin de comprendre ce syndrome afin de bien le gérer. Alors,
l’acceptation et le support de la famille sont plus qu’important. Ils sont essentiels.
La personne Asperger est coupée du sens. Plusieurs d’entre elles disent être des extraterrestres dans
leurs milieux (famille, scolaire, travail). Malgré tous les efforts réalisés, le syndrome d’Asperger reste
méconnu en 2012 et souvent, on se retrouve avec deux mondes: celui des neurotypiques (non
autistes) et celui des personnes ayant un trouble du spectre autistique (TSA).
En général, comme tout être humain, l’objectif d’une personne Asperger est d’étudier, de travailler,
vivre en couple et avoir des enfants (Attwood et Grandin); bref, faire une vie normale. Malheureusement,
sans aide précise, la personne Asperger passe la plupart de son temps en non sens, en survie, à
encaisser échec sur échec, à vivre du rejet, de l’intimidation. Elle accumule l’anxiété parce qu’elle vit
les impacts d’un syndrome méconnu.
L’envie de mourir, parler de suicide, se frapper ou se mutiler dans certains cas, passer à l’acte dans
d’autres, c’est le lot quotidien des Asperger selon l’auteur Tony Attwood. Il souligne qu’on a adapté
les lieux physiques pour les handicapés physiques, on a trouvé un langage pour communiquer avec
les sourds-muets, on a aidé les aveugles à avoir une meilleure qualité de vie avec le système Braille,
la canne blanche, les signaux sonores pour la circulation et les chiens guides. Qu’a-t-on fait pour la
personne Asperger?
Aujourd’hui, les Asperger, eux, doivent expliquer ce qu’est le syndrome à tous leurs intervenants ou
spécialistes et même parler à leur famille (pour les adultes) et finalement, à leur employeur. Ils
doivent supporter que peu de gens savent quoi faire pour l’Asperger même, et endurer le non sens
que les interventions provoquent. La personne doit gérer son TSA isolé de tous, sans savoir quoi
faire elle-même puisqu’elle est dépendante de l’aide extérieure: la personne Asperger, comme toutes
les personnes avec un trouble du spectre autistique est quelqu’un qui « ne sait pas qu’il ne sait pas ».
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- 2. FICHE D’INTERVENTION #7
ASPERGER ET DÉTRESSE
Par Brigitte HARRISSON et Lise ST-CHARLES (2012)
La personne Asperger n’est pas bien et ne peut pas en parler nulle part car personne ne parle son
langage. Elle est hyper isolée. Elle subit les lourdes attentes de l’interprétation de l’extérieur et elle
paie très cher le prix d’un trouble «INVISIBLE ».
Plusieurs d’entre elles trouvent des emplois en dessous de leurs capacités (Laurent Mottron). Elles
passent souvent pour être difficiles à vivre mais comment serait une personne sourde si on ne
s’occupait pas de sa surdité? Aucun neurotypique ne survivrait dans cette situation sans problèmes
majeurs un jour ou l’autre. On demande beaucoup de services et d’intervention pour les Asperger
mais aucun document à ce jour ne peut prétendre expliquer leurs vrais besoins. Malheureusement,
on attend que le trouble paraisse et dégénère avant de s’en occuper.
On intervient beaucoup sans savoir ce qu’on provoque (exemple: le mettre en échec à l’aide de
groupes d’habiletés sociales). On projette la personne dans un bain social, on intervient sur ses
comportements, on dit qu’elle s’oppose, qu’elle n’est pas motivée, on ne l’écoute pas, on dit qu’elle
manipule, qu’elle sous-entend des tas de trucs, …. bref, on est à cent lieues de l’Asperger et on se
croit! Pourtant, si on s’occupait de l’anxiété causée par l’environnement, on éviterait des problèmes
beaucoup plus graves (comme la dépression) qui sont en fait, dans plusieurs cas, des conséquences
de cette méconnaissance du syndrome d’Asperger.
Après, on s’étonne d’entendre des propos de détresse, des idées suicidaires, surtout de la part des
adolescents.
« Bien que le suicide soit un geste individuel, il s’inscrit dans un contexte plus large
d’interactions entre la personne, sa communauté immédiate et la société en général. La
qualité de vie de la personne, son réseau social de même que la disponibilité des
ressources1 lorsque celle-ci a besoin d’aide, ont une influence sur sa situation de détresse.
Ce qui fait qu’une personne ne voit plus de solution à ses problèmes, ce n’est
habituellement pas le problème en soi, mais bien la perception qu’elle a du problème. »
« Avoir des idées suicidaires peut arriver à tout le monde, mais il existe des facteurs qui
peuvent ébranler une personne ou l’aider. »
Association québécoise de prévention du suicide; http://www.aqps.info/comprendre/
LES FACTEURS
1. Les facteurs prédisposants
« Ces facteurs sont liés à l’histoire de vie d’une personne et la rendent plus vulnérable.
Exemples : abus, violence, problèmes de santé mentale, etc. » (source : AQPS)
Ces facteurs sont reliés à sa qualité de vie. Il faut vérifier l’histoire du syndrome d’Asperger dans la
famille, le lien avec la connaissance et la reconnaissance du syndrome. La personne a besoin de support
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- 3. FICHE D’INTERVENTION #7
ASPERGER ET DÉTRESSE
Par Brigitte HARRISSON et Lise ST-CHARLES (2012)
et d’accompagnement de sa famille. Elle a aussi besoin d’être entourée. L’isolement, le manque de
liens significatifs peuvent nuire à son état.
« Pour aider cette personne à résoudre son problème, on doit tenir compte de
l’influence qu’a l’environnement sur sa vie, mais aussi de l’influence qu’elle a
elle-même sur son environnement. Car, dans la vie, on n’est pas que simples
spectateurs, mais aussi des acteurs de premier plan…. Tout au long de sa vie, l’être
humain doit développer ses capacités d’adaptation afin de trouver son propre
équilibre dans l’environnement où il évolue. » (Michèle Lambin)
L’adolescence est une période difficile pour la majorité des jeunes. C’est aussi le cas des personnes
Asperger. La quête d’identité n’est pas simple quand on doit taire qui on est, quand on est coincé
avec un fonctionnement qu’on n’arrive pas à gérer, qu’on ne sait pas qu’on ne sait pas. À l’adolescence,
la socialisation est plus complexe. La personne Asperger qui a déjà de la difficulté à gérer ses
émotions et son vécu ne peut que voir ses difficultés augmenter si elle ne reçoit pas une aide adaptée
en lien avec ses besoins réels uniques (Harrisson, St-Charles).
« ILS ESSAIENT DE FAIRE DE NOUS CE QUE NOUS NE SOMMES PAS. »
Temple GRANDIN
Les impacts se feront sentir sur l’estime de soi et la confiance. Les conséquences, positives ou
négatives se répercuteront dans la famille, à l’école et avec les pairs. L’anxiété déjà élevée chez
plusieurs personnes Asperger risque d’augmenter encore et cela peut amener des problèmes de
santé physique ou mentale (dépression, troubles anxieux…). Nous savons maintenant que ces
derniers pourraient être évités si elles recevaient des services adéquats.
« L’être humain qui n’arrive pas à développer ses capacités d’adaptation ni à interagir
avec la société qui l’entoure deviendra possiblement très malheureux, désemparé ou
révolté, et de plus en plus isolé et amer. » (Michèle Lambin)
La personne Asperger veut socialiser mais n’est pas équipée. Le danger et le piège quand on ne
connaît pas ce syndrome est d’équiper la personne « par cœur ». Il faut savoir que le « par cœur »
ne peut que provoquer du non sens tôt ou tard et créer de l’anxiété ou des crises.
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- 4. FICHE D’INTERVENTION #7
ASPERGER ET DÉTRESSE
Par Brigitte HARRISSON et Lise ST-CHARLES (2012)
2. Les facteurs contribuants
« Ceux-ci accentuent le niveau de risque à un moment précis. Exemples : abus de
substances, manque de ressources, idéations suicidaires antérieures, etc. »
(source : AQPS)
Ces facteurs sont reliés à son réseau social comme par exemple, le retour à l’école, le changement
d’école, le changement de travail, la perte d’une personne significative, etc. Il faut savoir qu’en plus,
la personne Asperger peut avoir des problèmes d’habiletés d’adaptation et ne pas avoir les
ressources nécessaires dans son réseau immédiat pour régler cet aspect.
On sait que parler de ses problèmes peut aider une personne mais comme la personne Asperger a
des problèmes au niveau conceptuel (l’indice est quand elle apprend tout « par cœur »), cela peut
lui causer énormément d’anxiété car elle ne peut pas être comprise quand elle tente de communiquer
ce qui ne va pas. Cet aspect de l’Asperger rend très difficile et hasardeux l’utilisation des lignes
téléphoniques d’aide. On peut donc penser que les ressources réellement aidantes sont plutôt rares
pour nos personnes Asperger.
De plus, quand on leur a donné une mauvaise interprétation du syndrome d’Asperger et qu’on leur
a promis de les guérir, certains peuvent devenir obsédés par cette idée. Bien entendu, il s’agit d’un
piège puisque le trouble du spectre autistique ne se guérit pas. Il est essentiel de bien expliquer le
sens du syndrome d’Asperger à la personne afin qu’elle puisse avoir l’heure juste concernant ce dont
elle a le contrôle et de ce qui relève de l’Asperger. C’est aussi essentiel pour bien gérer la structure
Asperger et l’anxiété afin d’en arriver à développer de meilleures habiletés sociales par après.
Cet aspect est d’autant plus important que la personne Asperger peut vivre du rejet de la part des
pairs et plusieurs échecs par les interventions non adéquates. Alors, si en plus se pointent des évé-
nements difficiles, la personne peut devenir plus en détresse.
3. Les facteurs précipitants
« Il s’agit de la goutte qui fait déborder le vase. Exemples : peine d’amour, échec,
rejet ou tout autre événement de vie difficile et récent. » (source : AQPS)
Plusieurs déclencheurs peuvent devenir la goutte qui fait déborder le vase (exemple : intimidation).
La personne Asperger peut devenir de plus en plus en détresse parce qu’elle ne perçoit plus de
solutions et qu’elle ne peut pas le communiquer adéquatement.
Il faut être très prudent avec une personne Asperger qui accumule l’anxiété et qui ne va pas bien.
L’élément déclencheur peut être quelque chose de très banal pour les non autistes mais hyper
important pour la personne Asperger (exemple : un rendez-vous manqué).
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- 5. FICHE D’INTERVENTION #7
ASPERGER ET DÉTRESSE
Par Brigitte HARRISSON et Lise ST-CHARLES (2012)
4. Les facteurs de protection
« Ces facteurs réduisent l’impact des trois autres facteurs et élargissent le champ des
solutions possibles. Exemples : disponibilité de ressources dans l’entourage, présence
de modèles sains, etc. » (source : AQPS)
Ces facteurs sont reliés à la disponibilité des ressources dans l’entourage. La présence de modèles
sains comme des personnes qui ont la connaissance et la reconnaissance du TSA, qui deviennent
significatives uniquement par leur acceptation et leur compréhension, ainsi que d’autres personnes
Asperger qui peuvent devenir des modèles ou des pairs significatifs avec qui la personne peut
échanger et trouver un sens au quotidien.
«Il faut aider le jeune … à découvrir les valeurs qui donneront un sens à sa vie,
l’amener à souhaiter puis à effectuer les changements nécessaires pour que sa vie
corresponde à ce qu’il est essentiellement.» (Michèle Lambin)
Une personne ayant un trouble du spectre autistique a besoin d’une personne ressource à qui elle
peut poser toutes les questions sans faire rire d’elle et de quelqu’un qui enseigne les stratégies
d’adaptation adéquate en langage conceptuel (enseignées pour être intégrées et généralisées et
non apprises par coeur). Les différents niveaux d’enseignement pour une personne TSA devraient
être :1) au niveau du TSA, 2) au niveau des émotions, 3) au niveau de l’interaction, 4) et finalement,
au niveau des habiletés sociales (règles, rôles, contextes).
Il n’y a aucune raison pour que les personnes Asperger ne réussissent pas leur vie. Elles sont les mieux
équipés des TSA et elles ne devraient pas avoir besoin d’aide toute leur vie si on faisait le vrai travail
pour répondre aux vrais besoins tôt dans leur existence. Il est donc essentiel de bien reconnaître et
connaître le trouble du spectre autistique pour accompagner une personne Asperger, d’autant plus
en détresse. C’est encore plus vrai à l’étape de l’adolescence surtout à cause de la complexité de la
situation « Asperger / adolescence ».
Les personnes Asperger méritent qu’on s’occupe d’elles et qu’on les aide en les respectant à partir
de ce qu’elles sont, comme on le doit à chaque vie humaine.
«IL Y A PIRE QUE D’ÊTRE AUTISTE : C’EST DE NE PAS AVOIR LE DROIT DE L’ÊTRE
Brigitte HARRISSON
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- 6. FICHE D’INTERVENTION #7
ASPERGER ET DÉTRESSE
Par Brigitte HARRISSON et Lise ST-CHARLES (2012)
QUE FAIRE?
Tous doivent savoir qu’il y a quelque chose à faire
1. Apprendre à repérer les manifestations
Asperger, à reconnaître le syndrome
d’Asperger chez elle
2. Comprendre son mode de fonctionnement
3. Repérer son anxiété et identifier des stratégies
pour la gérer
Harrisson/St-Charles
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- 7. FICHE D’INTERVENTION #7
ASPERGER ET DÉTRESSE
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La personne Asperger peut demander de l’aide
L’aidant peut :
1. Reconnaître le syndrome d’Asperger chez la
personne (ne pas le nier ou en faire abstraction,
donner du sens au diagnostic)
2. S’assurer de bien connaître le syndrome
d’Asperger pour comprendre son mode de
communication (accéder au sens)
3. Apprendre à faire avec (afin de l’aider à
diminuer son anxiété)
(Harrisson, St-Charles)
EN RÉSUMÉ
. La plupart des problèmes proviennent du fait qu’il y a méconnaissance et/ou incompréhension
du syndrome d’Asperger.
. La personne Asperger n’est pas folle.
. Elle peut faire une vie heureuse.
. On doit apporter une aide qui convienne à ce qu’est la personne Asperger et non à ce que
l’on veut qu’elle soit.
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- 8. FICHE D’INTERVENTION #7
ASPERGER ET DÉTRESSE
Par Brigitte HARRISSON et Lise ST-CHARLES (2012)
RÉFÉRENCES
Association québécoise de prévention du suicide; http://www.aqps.info/comprendre/
ATTWOOD, T. (2008). Le syndrome d'Asperger; Guide complet. Éducation Chenelière.
ATTWOOD, T., & GRANDIN, T. (2006). Asperger's and Girls. Future Horizon's.
DUCLOS, G. (2000). L'Estime de soi, un passeport pour la vie. Montréal, Québec, Canada: Éditions
de l'Hôpital Ste-Justine.
GRANDIN, T. (2002, septembre 5). Vous êtes ainsi, je suis autrement. Die Weltwoche.
HARRISSON, B., & ST-CHARLES, L. (2010). L'autisme, au delà des apparences. Rivière-du-Loup,
Québec, Canada: Concept ConsulTED.
LAMBIN, M. (2010). Aider à prévenir le suicide chez les jeunes. Montréal: Éditions CHU Ste-Justine.
MOTTRON, L. (2004). L'Autisme; une autre intelligence. Belgique: Mardaga.
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