Trimestriel papier (15.000 exemplaires) à destination des leaders d'opinion, élus et grand-public (sociologues, architectes, urbanistes, acteurs économiques...) concernés par les enjeux de Paris, "Ville monde".
2. 39TITRE DE L’ARTICLE
DEPUIS LEUR NOMINATION, les
équipes de Jacques Ferrier Archi-
tectures (JFA) phosphorent. Il faut
dire que leur mission combine
l’exaltation et la gageure: conce-
voir pour le Grand Paris Express
des gares fonctionnelles et « sen-
suelles ».
On peut aisément imaginer ce
qui participe de l’efficacité d’une
gare, avec notamment cette inter-
modalité sur laquelle chacun
semble aujourd’hui s’accorder.
Mais sa « sensualité »?
Pour élaborer et étayer ce
concept quasi poétique, l’archi-
tecte visionnaire s’est entouré
d’une équipe pluridisciplinaire :
designers, ingénieurs, sociolo-
gues, urbanistes… Ensemble,
ils tracent les traits archétypaux
d’une nouvelle génération de
gares de métro.
« AVANT-POSTE DE LA VILLE ».
Pourquoi ce cabinet a-t-il été
sélectionné parmi six autres ?
« Il fallait d’abord concevoir des
gares qui soient fonctionnelles et
techniques, commente Jacques
Ferrier en introduction. À par-
tir de cette question très prédé-
terminée, toutes nos réponses
portaient l’angle d’un urba-
nisme novateur. Un urbanisme
qui prendrait enfin les sens au
sérieux. C’est peut-être ce qui a
fait la différence avec les autres
projets. »
L’existence précédant les
sens, l’équipe a d’abord pensé
aux contextes. Car les gares sont
bien les avant-postes de cette
« ville sensuelle », concept dé-
fendu depuis plusieurs années
GARES DU GRAND PARIS EXPRESS
LES SENS ET ELLES
Sélectionnés en avril 2012 pour imaginer
l’architecture et le design des futures gares
du Grand Paris Express, Jacques Ferrier et ses
équipes déroulent peu à peu leur concept de
« gares sensuelles ». Et travaillent aux premières
applications réelles. Carole Galand
silos sont formidables! Avant, les
habitants se plaignaient des trac-
teurs et critiquaient sans cesse
la présence de ces cathédrales
laïques. Aujourd’hui, ils estiment
dans toutes les concertations pu-
bliques qu’ils représentent un to-
tem. Roland Castro y installera des
commerces, des lofts et des jardins
suspendus au sommet. » En 2030,
quand le projet sera achevé, la ville
sera plus économique et offrira da-
vantage d’équipements et de lieux
publics. Pourtant, il est difficile de
faire accepter un doublement de
population.«Expliquerleproblème
du logement en Île-de-France, cela
a été notre travail d’élus, affirme
l’ancien maire. Nous ne pouvons
pas toujours repasser le mistigri au
voisin.Mêmesiceprojetn’estpasle
pluspopulaire,75 %despersonnes
interrogées y sont favorables. Et il
nous a déjà permis de racheter le
parc de 7 ha qui appartenait à la
SNCF, et sans lequel l’institut Paul
Ricœur n’aurait jamais installé
son établissement international. »
Alors, demain encore plus qu’au-
jourd’hui, habiter cet écoquartier
permettradeprofiterdelavilletout
envivantàlacampagne.Etleshabi-
tantsn’yviendrontplusparhasard,
mais par choix. N
Le principe de gare augmentée est un des concepts de « gare sensuelle » développés par Jacques
Ferrier pour les nouvelles gares du Grand Paris Express.
SENSUALCITYSTUDIO
LAZAREGARCIN
3. 40
fond lambda! Mais de valoriser ou
d’assourdir certains sons (bruits
des trains, des signalisations, des
voyageurs…) pour créer une at-
mosphère sonore caractéristique,
reconnaissable et confortable »,
développe Jacques Ferrier.
Autre traduction avec l’odo-
rat. Outre la qualité de l’air et le
confort de la ventilation, l’équipe
d’architectes travaillera à créer
des ambiances olfactives. « Au-
jourd’hui, certaines lignes de
métro, de RER ou de SNCF ont
leur odeur caractéristique, rare-
ment agréable d’ailleurs. Elles
viennent du matériel roulant, des
produits d’entretien utilisés…
Pour le Grand Paris Express, il
ne s’agit pas de créer une “odeur
sympa de métro”, mais d’aboutir
à une forme de neutralité agréable
et familière. »
La vue sera aussi à l’honneur
évidemment, notamment à tra-
vers de multiples expressions
culturelles et artistiques.
ET MAINTENANT ? Les pre-
mières applications de ce sé-
duisant concept s’appliqueront
d’abord sur le tronçon Pont-de-
Sèvres-Noisy-Champs de la ligne
rouge.
dans le patrimoine du Grand
Paris. »
MISE EN MUSIQUE ET AM-
BIANCES OLFACTIVES. Au-delà
du repérage contextuel et iden-
titaire, l’enjeu est d’apporter au
voyageur une expérience senso-
rielle « mémorable », et de l’ins-
crire « dans un flux rassurant ».
Un flux où les atmosphères
contribueraient à le guider intui-
tivement, à le prendre en charge.
Ordonnancement des es-
paces, choix des matériaux, types
de mobilier, qualité de la lumière,
ambiance acoustique, intégration
des œuvres d’art… C’est tout un
ensemble d’éléments très diffé-
rents qu’il faut mettre en musique
de façon très subtile.
« D’autres gares ont déjà fait le
choix de la sensorialité – je pense
à Stockholm qui a misé sur le tou-
cher et Hong Kong où le visuel est
flatté. Mais ce sont tous les sens
sur lesquels nous allons nous pen-
cher. Sur le son par exemple, pas
questiondecréerdelacacophonie
maisaucontraireuneformed’har-
monie. En travaillant pour chaque
garesurunebande-sonpersonna-
lisée. Attention, il ne s’agit pas de
créer ex nihilo une musique de
par Jacques Ferrier et le Sensual
City Studio (voir encadré).
« Les futures gares devront,
sur le plan de l’identité, à la
fois témoigner du fait que l’on
est dans un nouveau réseau, le
Grand Paris Express, mais aussi
personnaliser le territoire – et ses
potentialités – dans lequel elles
s’inscriront », confirme Étienne
Guyot, président de la Société du
Grand Paris (SGP).
« Qu’il évolue en surface, à
25 m ou à 50 m de profondeur, le
voyageur se dira spontanément :
“je suis dans une gare du Grand
Paris Express”, illustre Jacques
Ferrier. Tout en faisant en sorte
que ces lieux de transit soient in-
tégrés dans un contexte valorisé:
le futur pôle santé à Villejuif, le
grand marché de Montfermeil,
les études et la recherche à
Noisy-Champs… »
Étienne Guyot résume : « Ins-
crite pour une durée de sept ans,
cette collaboration fait de JFA un
garant de la qualité architectu-
rale et de l’identité de l’ensemble
des gares du réseau de transport
public du Grand Paris. Sa mis-
sion est d’inventer une image
propre aux gares du Grand Paris
Express et d’inscrire ce dernier
« Nous
faisons
le pari que
l’homme,
plus que
jamais, aura
besoin de
ce partage
collectif. »
JACQUES FERRIER
JFA
Projet proposé par Elisabeth et Christian de Portzamparc lors de la consultation de conseil
en architecture et en design des gares du Grand Paris Express, par la Société du Grand Paris.
Le choix des matériaux, le mobilier,
la qualité de la lumière et de l’air
permettront au voyageur de vivre
l’expérience du Grand Paris Express.
AECDP
SENSUALCITYSTUDIO
4. 41TITRE DE L’ARTICLE
Mais la prochaine étape
concrète s’annonce dès le mois
de mars : JFA remettra officiel-
lement à la SGP les chartes de
design et d’architecture qui ser-
viront de socle aux futurs amé-
nagements. Quant aux équipes,
elles devraient finaliser en cours
d’année les premières grandes
maquettes, avec des tests gran-
deur nature.
« Nous travaillons avec
conviction, sans naïveté, dans
un objectif de générosité et de
vivre ensemble. Nous ne pensons
pas qu’en 2020 tout se fera par
les smartphones. Parce qu’elles
figurent parmi les grands – par-
fois les seuls – espaces publics
quotidiennement partagés, les
futures gares devront contribuer
à la qualité de cette grande mé-
tropole à laquelle nous aspirons.
À l’heure de l’individualisation,
nous faisons le pari que l’homme,
plus que jamais, aura besoin de ce
partage collectif, conclut Jacques
Ferrier. La technique peut parfois
contribuer à créer des univers
anxiogènes. Notre projet est de
mettre la technique au service de
l’humain et non plus l’inverse. » Et
si les gares devenaient le plus bel
endroit de la terre? N
IMAGINAIRES
APRÈS LA CONSULTATION
DE 2008
Cinq ans après, que reste-t-il des grands projets
des architectes consultés par l’État français?
À l’heure de la crise, et alors que plusieurs volets
du Grand Paris sont remis en cause, un bilan
s’impose. Aurore Gorius
ENTHOUSIASMANT, fédéra-
teur… Les adjectifs ne manquent
pas pour qualifier le fruit du tra-
vail des dix équipes d’architectes
qui ont planché sur le Grand Paris
dès le début de l’année 2008. Des
équipes internationales, chapeau-
téesparlesplusgrandsarchitectes
(Portzamparc, Grumbach, Castro,
Nouvel…), composées aussi d’ur-
banistes, d’économistes ou de so-
ciologues ont réfléchi sur le trans-
port,lelogement,lesespacesverts,
la ville « post-Kyoto ». L’exposition
qui en découla à la Cité de l’archi-
tecture en 2009 a vu défiler des
dizaines de milliers de visiteurs.
Cinq ans après, l’Atelier interna-
tional du Grand Paris (AIGP) a pris
le relais pour porter la parole des
architectes. À l’heure du bilan, son
directeur, Bertrand Lemoine, fait
lescomptes:« LeGrandParis,c’est
plus de 650 projets sur tout le ter-
ritoire, des contrats de développe-
ment, des zones franches, des pro-
grammes de rénovation urbaine
mais aussi des projets culturels et
associatifs. Ça fourmille dans tous
les sens. »
« RÊVER LA VILLE EN AMONT ».
« C’est tout l’intérêt des grandes
consultations : elles sont mobi-
lisatrices, explique l’urbaniste
Philippe Subra(1)
. Il faut rêver la
ville en amont, avant de passer à
la phase de négociation, moins
flamboyante. Mais dans la phase
opérationnelle, beaucoup de pro-
jetssontabandonnés.Lespremiers
plans de la Défense, dessinés dans
les années 1960, n’ont rien à voir
avec son aspect actuel. » Dans les
imaginaires des architectes du
Grand Paris, la Seine occupe un
Projet pour une île habitée à Vitry-sur-Seine proposé par l’Atelier Castro Denissof lors de la
consultation de 2008.
ATELIERCASTRODENISSOF
5. 68 COUP DE PROJECTEUR
tenay, où passent aujourd’hui la
ligne SNCF (Paris-Est-Gretz-Ar-
mainvilliers), le RER A (Marne-la-
Vallée-Chessy-La Défense) et le
RER E (Tournan-Saint-Lazare).
Autre étape clé : l’implanta-
tion d’un centre commercial Au-
chan, qui, pour la première fois
de son histoire, quittait son Nord-
Pas-de-Calais originel et créait in
extenso 500 emplois, majoritaire-
ment pourvus à l’époque par des
Fontenaysiens.
Des entreprises du secteur
bancaire et financier s’instal-
lèrent ensuite progressivement :
BNP, Société générale, AXA… Do-
minantes en nombre de salariés,
elles coexistent toutefois avec
d’autres acteurs économiques
ou institutionnels: l’ingénierie de
la RATP (notamment l’atelier de
réparation de la ligne 1), l’Office
français de protection des réfu-
giés et apatrides (Ofpra) ou les
laboratoires Roche.
« LE GRAND PARIS AVANCE
SUR DEUX JAMBES ». « Le Val
de Fontenay est l’une des locomo-
tives historiques du département,
confirme Joël Gayssot, directeur
général de l’Agence de dévelop-
Ac c order des d roit s à
construire aux entreprises repré-
sentait aussi pour la ville une fa-
çon d’augmenter opportunément
ses ressources financières.
De leurs côtés, les entreprises
étaient séduites. En plus d’accé-
der à un foncier proche de Paris
et moins cher qu’à l’ouest, elles
furent attirées par l’ouverture
en 1977 de la gare du Val de Fon-
UN QUARTIER D’AFFAIRES au
cœur de la ville. Près des auto-
routes A4 et A86 et d’une grande
gare de RER, certes ; mais aussi
près des commerçants, biblio-
thèques, restaurants, médecins
de ville, salles de sport… et de
tout ce qui peut faciliter la vie
quotidienne de ses 18000 salariés.
AinsiseprésenteauvisiteurValde
Fontenay.
Intégré au centre de Fonte-
nay-sous-Bois (94), ce quartier
d’affaires permet à la ville de
52 000 habitants, qui accueillait
traditionnellement des entre-
prises industrielles ou logistiques,
de vivre une véritable mutation
tertiaire.
DE LA ZUP AUX BANQUES. « Tout
acommencédanslesannées1970,
se souvient Jean-François Voguet,
Maire PC de la ville et président de
l’Association des collectivités ter-
ritoriales de l’Est parisien (Actep).
La zone à urbaniser en priorité
(ZUP) créée dans le quartier de
la Plaine en 1965 avait apporté un
logement à 7000 familles supplé-
mentaires.Enaménageantlazone
d’activités du Val de Fontenay,
l’idée était de sortir d’une logique
de ville-dortoir en ajoutant une
dimension économique. Objectif:
apporteràlapopulationlocaledes
opportunités d’emplois, de stages
ou de formation. Avec cette volon-
té, déjà à l’époque, de rééquilibrer
l’Est et l’Ouest. »
Val de Fontenay
LA CITY DANS LA CITÉ
q Le quartier d’affaires de Fontenay-sous-Bois est né dans les années 1970
q Il s’est imposé progressivement comme un miroir, côté est, de la Défense
q Toutes proportions gardées et avec certaines spécificités
Carole Galland
Le Val de Fontenay n’a
pas fini de s’étoffer. Un
prochain projet, baptisé
Péripole 2, devrait voir
le jour d’ici à 2016
et renforcer la présence
des entreprises
financières et bancaires
sur le secteur. Avec
en guest star la Société
générale, qui renforce
son implantation à l’est.
Elle a récemment confié
à l’architecte Anne
Démians la réalisation
d’un campus de 90000 m2
de bureaux et de services. Ces « bâtiments paysages »
à l’esthétique novatrice et durable pourraient à terme
accueillir localement 5000 salariés supplémentaires,
multipliant ainsi par deux les effectifs de la banque
au Val de Fontenay. N
CAMPUS
LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DOUBLE SES EFFECTIFS
AAD
Le futur campus Société
générale de l’architecte
Anne Démians.
6. 69VAL DE FONTENAY
« Au-delà du transport, la
question du logement est es-
sentielle dans le Grand Paris à
construire. Le Programme local
de l’habitat (PLH) avec l’État et
la Région prévoit la construction
d’une centaine de logements sur
six ans, plus 300 sur le seul Val de
Fontenay. Mais aussi des surfaces
commerciales pour animer la
ville et répondre aux besoins des
usagers, ainsi que certains équi-
pements, notamment culturels.
Nous sommes d’accord avec la
logique de densification, à condi-
tion qu’elle soit maîtrisée », pré-
cise Jean-François Voguet.
D’autres projets immobiliers
d’entreprises sont en cours (voir
encadré) avec - une première,
selon le maire - des chantiers
d’insertion intégrés dès leur
conception.
Le Val de Fontenay, pendant
de la Défense au sein du Grand
Paris ? En quelque sorte, mais
sans le gigantisme et avec cer-
taines ambitions sociales. « Nous
sommes ici dans un quartier
d’affaires à taille humaine, où
l’environnement et les espaces
sont préservés, avec des archi-
tectures plus douces », conclut
Jean-François Voguet. N
majoritairement installé dans
l’Est, traverse ou contourne sou-
vent Paris pour aller travailler
à la Défense, ce rapprochement
domicile-travail est opportun à
plus d’un titre.
« En s’installant ici, elles font
aussi un pari sur l’avenir, ajoute
Joël Gayssot. Elles profitent de
lieux encore accessibles finan-
cièrement ; sur un site qui sera
stratégique dans ce Grand Paris
qui offrira une nouvelle dimen-
sion territoriale à la métropole. »
TRANSPORTS ET LOGEMENTS.
Aujourd’hui, avec 30 000 voya-
geurs quotidiens, la gare du Val
de Fontenay est la plus fréquen-
tée du RER A; elle-même la ligne
la plus dense de la métropole.
Plusieurs projets devraient
notamment permettre de l’al-
léger : le Grand Paris Express
(boucle orange), le prolongement
de la ligne 1 (La Défense-Château
de Vincennes), dont les études de
faisabilité sont déjà enclenchées,
et le tramway T1 (vers Noisy-le-
Sec) attendu d’ici à 2018. La gare
devrait en somme devenir un
nœud multimodal, que d’aucuns
nomment déjà le « Chatelet-Les
Halles de l’Est ».
pement du Val-de-Marne. Nous
y avons accompagné plusieurs
implantations pour offrir aux ha-
bitants une diversité d’emplois et
valoriser l’idée que le Grand Paris
avance sur deux jambes, à l’ouest
et à l’est. »
Pour les entreprises du sec-
teur bancaire, c’est aussi l’occa-
sion, en cette période de crise, de
montrer une image plus humaine
et plus proche. Car ici elles sont
bel et bien dans la ville. En plus
de la proximité immédiate avec
les transports en commun, elles
offrent à leurs salariés l’accès à
des lieux de vie et de services.
Une valeur ajoutée par rapport
à la Défense, que la municipa-
lité cherche à valoriser : « Au-
jourd’hui, le partenariat de la
commune avec les entreprises
s’établit à plusieurs niveaux :
outre l’aide à l’installation, nous
incitons et accompagnons la
formation des jeunes de la ville
et aidons certains salariés, via
le dispositif du 1 % patronal, à
accéder à un logement », précise
Jean-François Voguet.
Sans oublier l’argument du-
rable : la réduction des trajets.
Pour les entreprises du secteur
bancaire dont le personnel,
Avec
30000
voyageurs
quotidiens,
la gare
du Val de
Fontenay
est la plus
fréquentée
du RER A.
Vue aérienne du Val
de Fontenay avec au
premier plan la gare
des RER E et RER A,
ainsi que l’autoroute
A86.
DEBYHEDOUX/MAIRIEDEFONTENAY-SOUS-BOIS
7. 72
Il n’a pas seulement le regard
du chat, il en a les multiples
vies. Départements, Ré-
gions, ministères… Avec au-
tant d’enjeux et de territoires
différents : Île-de-France,
Seine-et-Marne, Lyon, Poitou
-Charentes, Haute-Marne,
Nord-Pas-de-Calais – région
à l’égard de laquelle ce Fla-
mand d’origine conserve un
attachement.
Fil rouge de ses expériences:
la construction et l’aménage-
ment dans toutes ses accep-
tions.
Parce que cet ingénieur
général des Ponts et chaus-
sées a contribué à la maî-
trise d’ouvrage d’hôpitaux,
de routes, de zones d’acti-
vité, de lignes TGV ou du
Louvre Lens, ouvert en
décembre dernier en plein
bassin minier.
Parce qu’il a également bâti
des équipes et des projets
pluridisciplinaires.
« À la manière d’un maïeuti-
cien, j’aime innover, défricher,
ouvrir des voies », explique-
t-il, s’excusant presque. Car
l’homme est modeste. De
son passage à la direction
de l’École nationale des tra-
vaux publics de Lyon, il dit
avoir développé « l’humilité
et la pédagogie ». Opportuns
atouts quand il s’agit notam-
ment d’accompagner le
Grand Paris.
Éclairer les décisions
et les débats
Depuis 2010, Jean-Claude
Ruysschaert est directeur
régional et interdéparte-
mental de l’équipement et
de l’aménagement (DRIEA)
d’Île-de-France. Une entité
qui apporte assistance et
évaluations critiques aux
études et travaux menés par
la SGP, RFF, l’État, la Région…
« Nous sommes des facilita-
teurs, contribuons à appor-
ter une vision prospective.
Notre service modélisation
de trafic peut ainsi évaluer
l’impact d’un transfert modal
et calculer des projections de
fréquentations, explique-t-il.
Nous analysons comment
une ligne nouvelle induit
un urbanisme cohérent,
comment elle reliera les
pôles d’emploi. Car changer
l’emplacement d’une gare
de 300 m peut avoir des
répercussions multiples. La
gare est la partie émergée
de l’iceberg. Ce doit être
un facteur déclenchant qui
facilite la mobilité, l’accès à
l’emploi, la construction de
logements et d’équipements
structurants ».
Autant dire dès lors que l’ex-
pertise de la DRIEA est essen-
tielle au suivi et à la mise en
cohérence des contrats de
développement territorial en
cours.
Logique transversale
« D’abord économique, le pro-
jet de ville-monde est devenu
plus transversal, incluant les
thématiques du transport, du
logement ou de l’environne-
ment. La technique n’est plus
une fin en soi: tout projet doit
dorénavant intégrer les avan-
tages offerts aux usagers »,
se félicite l’ingénieur. Côté
méthode aussi, les choses
ont évolué. Peu à peu les dé-
partements et la Région ont
été associés aux réflexions et
aux décisions. Quant à l’État,
Depuis l’émergence du Grand Paris, il a vu le projet
s’enrichir, se concrétiser… et se complexifier. Si le
terme de maïeutique revient souvent dans ses phrases,
c’est que ce socratique est lucide: pour un heureux
accouchement, le Grand Paris suppose l’implication,
le dialogue et la coordination de ses multiples parents.
JEAN-CLAUDE
RUYSSCHAERT
BÂTISSEUR PHILOSOPHE
JEAN DAUBIGNY (photo) a été
nommé préfet d’Île-de-France
en remplacement de Daniel
Canepa. Ce haut fonctionnaire,
âgé de 64 ans, était le directeur
de cabinet de Manuel
Valls au ministère
de l’Intérieur.
DANIEL CANEPA
perd aussi ses
fonctions de
délégué interministériel au projet
Euro Disney.
Côté remerciements, on notera par
ailleurs le départ du responsable
du projet Balard au ministère de
la Défense, BRUNO VIEILLEFOSSE,
démis de ses fonctions par son
ministre Jean-Yves Le Drian.
Enfin, comme prévu, le maire
de Sceaux, PHILIPPE LAURENT,
a été élu président de Paris
Métropole.
COUP DE PROJECTEURPORTRAIT
MOUVEMENTS LA DÉFENSE S’OFFRE UN COFFRET
En partenariat avec l’Epadesa,
les éditions Parenthèses publient
un double ouvrage sur le quartier
d’affaires: un dictionnaire et un atlas
qui en retracent l’histoire à travers
les points de vue de quarante-trois
auteurs et un récit visuel en cartes
et documents iconographiques.
LIVRE
DR
WITT
DR
La Défense, un dictionnaire et La Défense, un atlas, sous la direction
de Pierre Chabard et Virginie Picon-Lefebvre, éditions Parenthèses,
44 €.
8. 73
il s’est engagé dans une dé-
marche de contractualisation
a laquelle la DRIEA apporte ses
compétences.
« Aujourd’hui, le scepticisme
n’est plus de mise. Le Grand
Paris va de soi. Nous travail-
lons ensemble avec un en-
thousiasme partagé. Certes
des freins subsistent: la mul-
tiplicité des intervenants et la
question cruciale des finan-
cements. Tout sera fait, mais
il s’agit de savoir où et quand
nous commençons. Ce sont
des choix politiques à faire, au
noble sens du terme », conclut
Jean-Claude Ruysschaert. N
Carole Galland
DANS NOTRE DERNIER NUMÉRO, nous faisions état
d’un classement établi par le cabinet de conseil The Eco-
nomist Intelligence Unit plaçant la ville australienne
comme la ville la plus agréable à vivre au monde. Pour
le cabinet Mercer, il ne serait pas nécessaire d’aller si loin
puisque c’est Vienne qui, selon lui, décroche le titre. La
ville autrichienne se classe première sur les 221 villes
étudiées à partir de critères tels que l’environnement
politique et social, les services publics, l’environnement
naturel, etc. Paris n’est que 29e
, mais se place devant
Londres, 38e
. Bagdad se classe dernière. N
Classement Finalement,
ce n’est pas Melbourne« Faute de gouvernance satisfaisante,
les communes franciliennes
les plus reculées risquent
de demeurer enclavées
durant de longues années »
Christian de Portzamparc, architecte,
au magazine Capital.
1992-1995: Directeur adjoint
de l’École nationale des travaux
publics de l’État de Lyon
1995-1997: Chargé de mission
au Commissariat à la réforme
de l’État auprès du Premier
ministre
2004-2008: Directeur régional
de Poitou-Charentes puis
du Nord-Pas-de-Calais
2008-2009: Directeur
général du personnel et de
l’administration du ministère
de l’Environnement
2009-2010: Préfet, directeur
régional de l’équipement
d’Île-de-France
Depuis 2010: Directeur
régional et interdépartemental
de l’équipement et de
l’aménagement d’Île-de-France
COUP DE PROJECTEUR | EN BREF
LE 7 DÉCEMBRE, la
ville du Plessis-Robin-
son recevait le Grand
Prix Européen de l’ur-
banisme 2012 pour sa
nouvelle cité-jardins
inaugurée en 2008.
Conçue comme telle
dans les années 1930,
elle avait été dénaturée
dans sa réalisation pour
se muer en une triste
cité-dortoir. Démolie au
début des années 1990,
elle est reconstruite
autour d’une rivière
artificielle de 1 km de
long, alimentée par les eaux pluviales recueillies sur les toitures des bâtiments. Maisons
et immeubles se partagent un parc et une vingtaine de jardins familiaux ont été ajoutés
aux 200 existant dans la ville. La cité-jardins s’inscrit dans le projet global du Plessis, qui
souhaite retrouver les allures d’un village traditionnel d’Île-de-France et rééquilibrer sa
ville dans plusieurs dimensions: équilibre logement social-privé, équilibre propriétaires-
locataires, équilibre nature-bâti, équilibre logement-activité, équilibre grandes surfaces-
commerces de proximité. N
Urbanisme
Le Plessis primé
L’APPROCHE DES MUNICIPALES fait bouger
les élus franciliens, avec le Grand Paris comme
repère. Candidate déclarée à la mairie de Paris,
Anne Hidalgo en a fait l’axe de son projet. Son
concurrent socialiste, Jean-Marie Le Guen, a lancé
son site Internet, « Le Grand Paris des citoyens »,
avant un livre à la rentrée 2013 où il veut « racon-
ter la bataille du Grand Paris ». Enfin, le sénateur
UMP des Hauts-de-Seine, Roger Karoutchi, a créé
un think tank afin de préserver « la cohérence glo-
bale » du projet d’aménagement tel que pensé à
sa genèse par Nicolas Sarkozy. N
Municipales
Le Grand Paris, enjeu des élections
NICOLASBOREL
MARIONCHALOPIN
HENRIGARAT
Anne Hidalgo lors d’un débat public
sur le Grand Paris à la mairie du 4e
.
La cité-jardins au Plessis-Robinson.