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Les indices de prix
De la théorie à la pratique
Axelle Chauvet-Peyrard
2
Date de rédaction : Février 2013
Date de dernière mise à jour : Mai 2013
3
Un indice des prix est un indicateur synthétique, ou une statistique, qui résume l’information contenue
dans un ensemble de vecteurs de prix et de quantités afin de fournir une estimation de l’inflation sur
un certain ensemble de marchés.
Il existe en France une série d’indice des prix à la consommation (IPC) depuis 1914. Mais des
premiers essais d’indice des prix ont eu lieu dès le XVIII
ème
siècle avec les études économiques de
Nicolas Dutot sur les prix et la masse monétaire. À cette époque, les prix font déjà l’objet de relevés
depuis au moins deux siècles, puisque l’ordonnance de Villers-Cotterêts, sous le règne de
François 1
er
, fait déjà état de l’obligation d’enregistrement, par les greffes, des prix des « gros fruits »
et autres denrées alimentaires principales sur les marchés. Depuis la seconde guerre mondiale et
avec la création de l’institut national de la statistique et des études économiques (Insee) s’est
institutionnalisé le suivi des prix à la consommation, des prix sur les marchés agricoles et des prix de
gros dans l’industrie. L’IPC et l’IPP (indice des prix à la production) sont dorénavant des outils majeurs
de la mesure conjoncturelle de l’inflation, utilisés aussi bien au niveau français qu’européen. Ils
figurent parmi les indicateurs principaux du tableau de bord de la banque centrale européenne (BCE).
On peut considérer que la théorie des indices a été stabilisée dans les années 1920, avec les travaux
mathématiques parallèles des américains Irving Fisher et Correa Moylan Walsh et l’approche
microéconomique complémentaire proposée par l’économiste russe A. Konüs. Ces fondements
théoriques sont l’objet de la première partie du cours.
Mais alors, pourquoi continuer à écrire sur les indices ? Si la théorie est bien établie, pourquoi
construire un indice de prix s’avère-t-il toujours aussi problématique ?
Deux réponses à cette question :
La première pourra sembler tautologique : théorie n’est pas pratique. Et en substance, la théorie des
indices préconise des formules qui ne pourront jamais être appliquées dans la vie réelle, car elles
nécessitent des informations dont le statisticien ne dispose pas à la date à laquelle il doit calculer
l’indice.
La seconde est la raison qui justifie toute recherche en statistique et en économétrie : les axiomes de
base de la théorie des indices s’avèrent non vérifiés dans un certain nombre de cas. En l’occurrence,
4
la méthode généralement suivie pour construire un indice de prix repose sur le suivi dans le temps
des prix d’un « panier » de produits constitué à la période de base et maintenu constant pendant toute
la période d’observation et de construction de la série d’indices. Cette obligation de suivi d’un panier
« fixe » de produits pose plusieurs problèmes.
D’abord, les marchés sont en perpétuel mouvement ; les produits offerts évoluent avec les possibilités
technologiques ; la répartition du budget des consommateurs, avec le contexte socioéconomique. Les
catalogues des magasins s’adaptent à la demande locale, et les goûts des consommateurs changent
dans le temps. En pratique donc, le « panier » n’est jamais constant…
Ensuite, certains produits, bien que stables sur le long terme, sont « saisonniers », c’est-à-dire que
leur consommation, en quantité et en parts de budget, peut être variable d’un mois sur l’autre, et en
conséquence, leur prix également. Les profils saisonniers s’accordent malheureusement très mal avec
la théorie générale des indices.
Enfin, il existe des secteurs dans lesquels, par définition même, le « produit » auquel on s’intéresse a
une durée de vie très limitée sur le marché : par exemple, la vente d’un logement neuf n’a lieu qu’une
seule fois dans la vie du logement. Dans ces secteurs il est naturellement impossible d’établir un
indice à panier fixe. Il faudra alors définir une nouvelle formule d’indice.
À la difficulté du suivi dans le temps du « panier » de la théorie s’ajoutent des difficultés à sa
constitution, et en particulier à la récupération d’informations fiables et suffisamment détaillées sur les
parts budgétaires de chaque « produit » retenu dans le panier.
Ces développements « pratico-théoriques » font l’objet de la deuxième partie du cours.
Enfin, on a considéré qu’il pouvait être utile d’entrer un peu dans les secrets de fabrication des indices
de prix majeurs calculés et publiés aujourd’hui par l’Insee. C’est l’objet de la troisième et dernière
partie du cours, qui sera également l’occasion de proposer une démarche simple et générique pour la
construction d’un indice des prix ex nihilo.
J’invite le lecteur à prendre connaissance du sommaire ainsi que du guide de lecture qui suivent, qui
pourront l’orienter au mieux dans sa découverte du cours, en fonction de son profil.
***
Je tiens à remercier :
M. Dominique Guédès, responsable à l’Insee de la division des prix à la consommation de 2003 à
2010, pour son attentive relecture et ses remarques toujours pertinentes.
M. Alain Gallais, responsable à l’Insee de la division des prix à la production dans l’industrie et les
services depuis 2008, pour son expertise précieuse dans le domaine des prix à la production.
5
Sommaire
SOMMAIRE 5
AVERTISSEMENT AU LECTEUR 7
GUIDE DE LECTURE 7
1 LA THEORIE GENERALE DES INDICES DE PRIX 9
1.A L’APPROCHE COMPTABLE 9
1.B L’APPROCHE AXIOMATIQUE 21
1.C L’APPROCHE STOCHASTIQUE 31
1.D L’APPROCHE ECONOMIQUE 38
1.E SYNTHESE : LA « MEILLEURE » FORMULE D’INDICE 57
2 DIFFICULTES PRATIQUES ET REPONSES METHODOLOGIQUES 63
2.A LE CHAÎNAGE : TO LINK OR NOT TO LINK, THAT IS THE QUESTION 63
2.B L’AGREGATION EN PLUSIEURS ETAPES 66
2.C LE TRAITEMENT DE L’EFFET QUALITE 77
2.D LES PRODUITS SAISONNIERS 103
2.E SYNTHESE : LES ERREURS ET BIAIS POSSIBLES DE L’INDICE 114
3 LES INDICES DE PRIX EN PRATIQUE 119
3.A LE CADRE REGLEMENTAIRE 119
3.B LES UTILISATIONS DES INDICES DE PRIX 127
3.C LES INDICES DE PRIX A L’INSEE 131
3.D CONSTRUIRE UN INDICE DE PRIX : LES QUESTIONS A SE POSER, LES REPONSES DE L’IPC ET DE L’IPP 142
3.E SYNTHESE : CONVERGENCES ET DIVERGENCES ENTRE L’IPC ET L’IPP 157
4 APPROFONDISSEMENTS ET APPLICATIONS 161
4.A PETITS DEVELOPPEMENTS SUR LES INDICES DE LOWE 161
4.B SIMULATIONS SUR JEU DE DONNEES 165
TABLES ET INDEX 175
A. INDEX DES FORMULES ET PROPRIETES ENONCEES 177
B. RECAPITULATIF DES FORMULES D’INDICE LES PLUS UTILISEES 181
C. SOMMAIRE DETAILLE 185
BIBLIOGRAPHIE 191
6
7
Avertissement au lecteur
Ce cours est conçu comme une introduction aux indices de prix, qui peut être lue dans son ensemble,
du début à la fin, ou être abordé à travers une seule de ses parties, en fonction des centres d'intérêt et
des situations du lecteur. Il est volontairement situé en dehors de toute polémique. En particulier, nous
partons du principe qu'il est connu du lecteur qu'un IPC ne cherche pas à rendre compte du pouvoir
d'achat ni même du « coût de la vie ». L’Insee ayant par ailleurs déjà communiqué sur le sujet à
plusieurs reprises, on trouvera facilement des éléments sur ce sujet sur internet.
Le cours est organisé selon une logique de progression du plus théorique au plus concret. Plus on
entre dans le détail pratique des choses, et plus les éléments énoncés sont dépendants de la date à
laquelle a été rédigé le cours, c’est-à-dire en février 2013 (dernière mise à jour en mai 2013).
Ainsi, la première partie est certainement la plus stable au cours du temps, puisqu’elle décrit une
théorie qui est bien établie depuis un siècle environ, et que les développements récents n’ont pas
révolutionnée.
La deuxième partie est également assez stable ; si les exemples pris peuvent être frappés de
caducité, les principes quant à eux ont peu de chances d’être profondément modifiés dans les vingt
années à venir.
La troisième partie, par contre, est fortement ancrée dans le présent. Les indices calculés par l’Insee
sont susceptibles de se modifier, dans leur liste, leur contenu méthodologique ou leur contexte légal.
Le lecteur devra conserver cet élément à l’esprit lorsqu’il lira cette partie, et particulièrement en ce qui
concerne les détails méthodologiques de l’IPC et de l’IPP, qui sont en constante mutation.
Guide de lecture
Le cours vise plus particulièrement des statisticiens ayant des connaissances de base en
mathématiques, statistique, microéconomie et économétrie, et souhaitant découvrir la méthodologie
des indices de prix, soit qu'ils soient eux-memes destinés à travailler sur un indice de prix, soit qu'ils
souhaitent simplement acquérir un niveau minimum de connaissance sur le sujet.
Le statisticien des prix débutant lira de préférence l’ensemble du document, dans l’ordre proposé. S’il
est pressé ou avide de passage à la pratique, il pourra choisir de ne conserver de la première partie
que sa synthèse, au § 1.e.1, puis lira la partie 2 en détails.
Le statisticien des prix non débutant, curieux de connaître les fondements théoriques de son indice,
sera intéressé par la partie 1.
Le statisticien en charge de la création d’un indice de prix pourra être prioritairement intéressé par le
§ 3.d, qu’il pourra compléter ensuite par la lecture de la partie 2.
Le lecteur curieux mais n’ayant que peu de temps à accorder au sujet se satisfera des synthèses
proposées aux § 1.e.1, 2.e et 3.e.
Situé en fin de document, un sommaire détaillé permet de naviguer plus facilement dans les pages.
8
9
1 La théorie générale des indices de prix
Un indice des prix est un indicateur synthétique, ou une statistique, qui résume l’information contenue
dans un ensemble de vecteurs de prix et de quantités afin de fournir une estimation de l’inflation sur
un certain ensemble de marchés.
Dans cette première partie du cours, on s’intéresse à l’approche théorique des indices (de prix et de
quantités), en d’autres termes, on cherche à savoir quelle formule appliquer aux vecteurs de prix et de
quantités disponibles en entrée pour obtenir un indicateur synthétique qui rende compte au mieux du
phénomène étudié (la croissance générale des prix ou des volumes échangés dans l’économie). Dans
cette partie théorique, on adopte un formalisme mathématique simple, qui permet de représenter de
manière synthétique les propriétés établies de manière littérale. Dans la suite du cours, le formalisme
sera progressivement relâché, à mesure que l’on aborde des questions de plus en plus pratiques.
Notations
Dans toute la partie théorique, on notera ⊗ l’opérateur de produit scalaire entre deux vecteurs de
même taille.
On admettra les propriétés suivantes du produit scalaire, qui par ailleurs se montrent très facilement :
Propriété de symétrie abba ⊗=⊗
Propriété d’homogénéité ( ) ( )baba ⊗=⊗ℜ∈∀ λλλ ,
Propriété de monotonie bababaa ⊗≥⊗′>∀>≥′∀ ,0,0
1.a L’approche comptable
1.a.1 LA DECOMPOSITION DE LA VALEUR
Les indices de prix sont utilisés par les comptes nationaux pour déflater l’évolution des transactions
qui sont observées en valeur, et obtenir ainsi des évolutions en volume.
On peut donc dire que la préoccupation centrale dans le contexte de la comptabilité nationale est
d’obtenir une formule de décomposition de la valeur en une composante de prix et une composante
de quantités. La première approche des indices de prix part donc de la formule suivante :
Test de factorité
( ) ( )10101010
0
1
,,,,,, qqppQqqppP
V
V ((
= (1.a.1.1)
10
Dans cette approche, on compare la période 1 (période courante) à une période 0 (période de
référence) et on suppose que l’évolution de la valeur V entre ces deux périodes peut être
décomposée en un indice de prix P
(
et un indice de quantité Q
(
, les deux indices étant des fonctions
des vecteurs de prix p et des vecteurs de quantité q des deux périodes.
La valeur, les prix et les quantités au sein d’une période t sont (par définition) liés par la formule
suivante :
Définition de l’agrégat en valeur
∑=
=⊗=
N
i
t
i
t
i
ttt
qpqpV
1
. (1.a.1.2)
1.a.2 LES INDICES DE PANIER-TYPE
On cherche donc à séparer la variation de prix « pure » de la variation des quantités échangées.
Pour cela, la manière la plus simple consiste à fixer un vecteur de quantités q représentatif des
volumes échangés entre la période 0 et la période 1, puis de calculer l’indice des prix correspondant
comme étant le rapport des valeurs de ce panier-type aux périodes 0 et 1.
L’indice de prix « pur » s’écrit donc comme suit :
Indice de panier-type
qp
qp
PLowe
⊗
⊗
= 0
1
0/1
(
(1.a.2.1)
Ce type d’indice a été proposé pour la première fois par Lowe en 1823 et porte donc son nom.
Une partie importante de la question consiste à déterminer le panier représentatif, autrement dit le
vecteur q . Une solution simple peut être de prendre comme référence le vecteur des quantités de la
période 0,
0
q . Une autre solution simple serait de prendre
1
q . Ces deux solutions simples constituent
les indices de panier-type les plus connus, respectivement connus sous les noms d’indice de
Laspeyres et indice de Paasche, du nom des deux statisticiens, Etienne Laspeyres et Hermann
Paasche, qui ont défendu ces formules dans les années 1870.
Indice de panier-type de Laspeyres
00
01
0/1
qp
qp
PL
⊗
⊗
=
(
(1.a.2.2)
Indice de panier-type de Paasche
10
11
0/1
qp
qp
PP
⊗
⊗
=
(
(1.a.2.3)
11
1.a.3 UNE AUTRE ECRITURE DES INDICES DE PANIER-TYPE
Dans la pratique, on ne dispose pas des vecteurs de quantités échangées mais plutôt des parts de
dépenses en valeur, c’est-à-dire que l’on connaît, pour la période t , le vecteur
t
w où, pour chaque
produit, la part de dépense
t
iw associée au produit i s’écrit :
Définition des parts de dépense
tt
t
i
t
i
N
j
t
j
t
j
t
i
t
it
i
qp
qp
qp
qp
w
⊗
==
∑=
.
.
.
1
(1.a.3.1)
Il peut donc être utile d’exprimer les formules d’indice précédentes en fonction de
t
w et non plus de
t
q . On obtient :
Indice de Laspeyres en fonction des parts de dépense
0/10
1
0
1
00/1
. pw
p
p
wP
N
i i
i
iL
((
⊗== ∑=
(1.a.3.2)
Démonstration
∑∑
∑
∑
∑∑
∑
==
=
=
==
=
====
N
i
i
i
i
N
i
N
j
jj
ii
i
i
N
i
N
j
jj
i
iN
i
ii
N
i
ii
L w
p
p
qp
qp
p
p
qp
q
p
qp
qp
P
1
0
0
1
1
1
00
00
0
1
1
1
00
0
1
1
00
1
01
0/1
(
Indice de Paasche en fonction des parts de dépense
( ) ( )( )110/1111/01
1
1
0
1
0/1
.
1 −−−
=
⊗=⊗==
∑
pwpw
p
p
w
P N
i i
i
i
P
(((
(1.a.3.3)
Démonstration
1
1
1
1
0
1
1
11
1
1
0
1
1
11
1
10
1
10
1
11
0/1
−
=
−
=
=
−
=
=
=
=






=












=












== ∑
∑
∑
∑
∑
∑
∑ N
i
i
i
i
N
i
ii
i
N
i
iN
i
ii
N
i
ii
N
i
ii
N
i
ii
P w
p
p
qp
q
p
qp
qp
qp
qp
P
(
L’indice de Laspeyres est donc une moyenne arithmétique (des indices élémentaires) pondérée par
les valeurs de la période de référence, alors que l’indice de Paasche est une moyenne harmonique
(toujours des indices élémentaires) pondérée par les valeurs de la période finale.
12
1.a.4 LES INDICES ELEMENTAIRES DE PRIX
Dans les formules précédentes, on a introduit la notation
0/1
p
(
pour désigner le vecteur des indices
élémentaires de prix de la période 1 par rapport à la période 0, mesurant l’évolution des prix entre la
période 0 et la période 1.
Indice élémentaire de prix
0
1
0/1
i
i
i
p
p
p =
(
(1.a.4.1)
La notation
1/0
p
(
quant à elle désigne clairement le vecteur des indices élémentaires de prix entre la
période 1 et la période 0, c’est-à-dire où l’on compare les prix de la période 0 aux prix de la période 1
vue comme période de référence, ce qui revient à raisonner à rebours de la chronologie habituelle.
Les indices élémentaires présentent la propriété naturelle de réversibilité, c’est-à-dire que l’on a la
relation suivante :
Réversibilité des indices élémentaires de prix
( ) 10/11/0 −
= ii pp
((
(1.a.4.2)
Cette propriété assure que l’indice de prix ne dépend pas de la période prise comme référence. On
verra que cette propriété raisonnable n’est malheureusement pas partagée par tous les indices, et elle
ne l’est en particulier pas par les indices de Lowe (donc pas non plus par les indices de Laspeyres ni
de Paasche).
Les indices élémentaires présentent également la propriété de circularité, qui est une extension de la
propriété de réversibilité :
Circularité (transitivité) des indices élémentaires de prix
0/11/20/2
. iii ppp
(((
= (1.a.4.3)
Cette propriété assure que, si en période 2 le niveau général des prix revient à son niveau de la
période 0, alors l’indice chaîné entre les périodes 0 et 2 (tel que défini par le membre de droite de
l’équation précédente) vaut 1.
Comme la circularité implique la réversibilité, les indices non réversibles ne seront pas non plus
circulaires. Ainsi, les indices de Lowe et ses déclinaisons Laspeyres et Paasche ne sont pas
circulaires. Le chaînage de ces indices introduit donc un biais qui s’aggrave au fur et à mesure qu’on
s’éloigne de la période de référence. Nous reviendrons sur ce point ultérieurement.
13
Pour finir, on remarquera facilement que les indices élémentaires de prix sont évidemment des indices
de prix purs puisqu’ils ne dépendent que des vecteurs de prix aux périodes 0 et 1 et pas des vecteurs
de quantité. Au niveau produit, le partage volume-prix est donc toujours réalisé.
Partage volume-prix au niveau élémentaire
0/10/1
0
1
ii
i
i
qp
V
V ((
= (1.a.4.4)
où l’on introduit la notation
0/1
iq
(
pour désigner l’indice élémentaire de quantité du produit
i entre les périodes 0 et 1.
Démonstration
0/10/1
0
1
0
1
00
11
0
1
ii
i
i
i
i
ii
ii
i
i
qp
q
q
p
p
qp
qp
V
V ((
===
1.a.5 LES INDICES DE QUANTITE
Par analogie, il est possible de définir des indices de quantité de Laspeyres et de Paasche comme
suit :
Indice des quantités de Laspeyres
00
01
0/1
pq
pq
QL
⊗
⊗
=
(
(1.a.5.1)
Indice des quantités de Paasche
10
11
0/1
pq
pq
QP
⊗
⊗
=
(
(1.a.5.2)
On aimerait que les indices de Laspeyres et Paasche vérifient le test de factorité (1.a.1.1), mais ce
n’est pas le cas. En effet, si le test de factorité était vérifié pour les indices des prix et des quantités de
Laspeyres, on aurait :
0/10/1
0
1
LL QP
V
V ((
=
c’est-à-dire :
00
01
00
01
00
11
pq
pq
qp
qp
qp
qp
⊗
⊗
⊗
⊗
=
⊗
⊗
soit, en utilisant la propriété de symétrie du produit scalaire :
00
10
00
01
00
11
qp
qp
qp
qp
qp
qp
⊗
⊗
⊗
⊗
=
⊗
⊗
c’est-à-dire, en multipliant les deux membres
14






⊗
⊗
× 10
00
qp
qp
: 00
01
10
11
qp
qp
qp
qp
⊗
⊗
=
⊗
⊗
ce qui n’est ni plus ni moins que l’égalité :
0/10/1
PL PP
((
=
Or cette égalité n’est vérifiée que si les vecteurs de quantité aux périodes 0 et 1 sont proportionnels.
Dans le cas général, donc, les indices des prix et des quantités de Laspeyres ne vérifient pas le test
de factorité.
On montrerait de manière équivalente que le même problème se pose avec les formules de Paasche.
Dans la suite, on introduit la notion de dualité pour désigner les indices qui vérifient le test de factorité,
c’est-à-dire que pour un indice des prix donné
0/1
XP
(
, on appellera indice des quantités dual de
0/1
XP
(
,
et on notera ( ) 0/1*
XQ
(
, l’indice des quantités tel que l’égalité suivante est vraie :
Définition de l’indice des quantités dual
( ) 0/1*0/1
0
1
XX QP
V
V ((
= (1.a.5.3)
On montre alors facilement que les indices de Laspeyres et Paasche sont duals l’un de l’autre, c’est-à-
dire qu’on a les égalités suivantes :
Test de factorité croisé des indices de Laspeyres et Paasche
0/10/10/10/1
0
1
LPPL QPQP
V
V ((((
== (1.a.5.4)
Démonstration
0
1
00
11
10
11
00
01
0/10/1
V
V
qp
qp
pq
pq
qp
qp
QP PL =
⊗
⊗
=
⊗
⊗
⊗
⊗
=
((
où l’on a seulement utilisé la propriété de symétrie du produit scalaire.
Avec la notation précédemment introduite, on peut donc écrire :
Indice des quantités dual de Laspeyres
( ) 0/10/1*
PL QQ
((
= (1.a.5.5)
Indice des quantités dual de Paasche
( ) 0/10/1*
LP QQ
((
= (1.a.5.6)
15
1.a.6 PROPRIETES DES INDICES DE LASPEYRES ET PAASCHE
Les indices de Laspeyres et de Paasche possèdent quelques bonnes propriétés. En particulier, ils
possèdent la propriété d’associativité, que ne possèdent généralement pas les autres indices. Cette
propriété énonce que, si l’on partitionne l’espace des produits en M sous-ensembles et que l’on
calcule l’indice en 2 étapes, d’abord sur chacun des sous-ensembles, puis à partir des indices des
sous-ensembles, sur l’espace entier, on obtient la même chose que si on calcule directement l’indice
avec tous les produits. Cette propriété est particulièrement appréciable en pratique car, comme nous
le verrons ultérieurement, les instituts de statistiques ont souvent besoin de calculer les indices en
plusieurs étapes.
Pour exprimer cette propriété avec une formule, on part de la forme (1.a.3.2) de l’indice et on introduit
les notations suivantes :
[ ]Mm ;1∈∀ ,
m∆ est le m ème
sous-ensemble de produits,
où la famille { } [ ]Mmm ;1∈
∆ forme une partition de l’ensemble des produits,
( ) ∑∆∈
=
mi
t
i
t
wmw est la pondération totale des produits du sous-ensemble m∆ ,
( ) 0/1
0
0
0/1
i
i
j
j
i
L p
w
w
mP
m
m
((
∑
∑∆∈
∆∈
= est l’indice de Laspeyres restreint au sous-ensemble m∆ ,
Alors on a :
Associativité de l’indice des prix de Laspeyres
( ) ( )∑=
=
M
m
LL mPmwP
1
0/100/1
((
(1.a.6.1)
Démonstration
( ) ( )
( )
( )
0/1
1
0/10
1 1
0/10
1 1
0/10
1
0/10
1
0/1
0
0
0
1
0/10
L
N
j
jj
N
j
M
m
jjj
M
m
N
j
jjj
M
m j
jj
M
m j
j
j
M
m
L
P
pw
pw
pw
pw
p
mw
w
mw
mPmw
m
m
m
m
(
(
(
(
(
(
(
=
=
Ι=
Ι=
=








=
∑
∑ ∑
∑∑
∑ ∑
∑ ∑
∑
=
= =
∆∈
= =
∆∈
= ∆∈
= ∆∈
=
16
où l’on utilise pour conclure le fait que [ ] mjmNj ∆∈∃∈∀ ,!,;1 ,
ce qui implique que 1,
1
=Ι∀ ∑=
∆∈
M
m
j m
j .
C’est-à-dire que l’agrégation de Laspeyres des sous-indices (membre de droite de l’égalité) coïncide
avec l’indice de Laspeyres calculé sur l’ensemble des produits.
On montrerait de manière analogue que :
Associativité de l’indice des prix de Paasche
( ) ( )( )
1
1
10/110/1
−
=
−






= ∑
M
m
PP mPmwP
((
(1.a.6.2)
Par ailleurs, les indices de Laspeyres et Paasche sont des fonctions continues, strictement positives,
qui possèdent de bonnes propriétés d’homogénéité et de monotonie. On passe en revue ci-dessous
ces propriétés pour l’indice de Laspeyres, en sachant que des propriétés équivalentes peuvent être
exprimées pour l’indice de Paasche.
Proportionnalité de l’indice de Laspeyres par rapport aux prix courants
= homogénéité de degré 1 par rapport au vecteur
1
p
( ) ( )0100/10100/1
;;;;,0 qppPqppP LL
((
λλλ =>∀ (1.a.6.3)
Cette propriété signifie que si on compare deux situations A et B (par exemple deux pays) dans
lesquels, partant d’un niveau de prix strictement identique à la période 0, on observe que les prix de la
période 1 dans le pays B sont strictement proportionnels à ceux du pays A avec un facteur uniforme
λ, alors l’indice du pays B va lui aussi être λ fois plus élevé que l’indice du pays A. Ceci implique
notamment que l’indice est invariant à une conversion monétaire des prix.
Proportionnalité inverse de l’indice de Laspeyres par rapport aux prix de référence
= homogénéité de degré -1 par rapport au vecteur
0
p
( ) ( )0100/110100/1
;;;;,0 qppPqppP LL
(( −
=>∀ λλλ (1.a.6.4)
L’histoire que cette propriété raconte étant évidemment la même que précédemment…
Ces deux propriétés de proportionnalité prises ensemble assurent que l’indice des prix est invariant
lorsqu’on change l’unité monétaire de mesure des prix, ce qui se traduit sous la forme suivante :
( ) ( )0100/101010/1
;;;;,0 qppPqppP LL
((
=>∀ −
λλλ
Invariance de l’indice de Laspeyres lors d’une modification proportionnelle des
quantités
= homogénéité de degré 0 par rapport au vecteur q
( ) ( )0100/10100/1
;;;;,0 qppPqppP LL
((
=>∀ λλ (1.a.6.5)
17
Cette propriété énonce que l’indice des prix ne sera pas modifié en cas de modification
proportionnelle (c’est-à-dire en cas de changement d’unité, ou d’échelle) des quantités de référence.
C’est donc une propriété raisonnable pour un indicateur censé synthétiser l’évolution pure des prix.
Les trois propriétés d’homogénéité précédentes découlent immédiatement de la propriété
d’homogénéité du produit scalaire.
Croissance de l’indice de Laspeyres par rapport aux prix courants
( ) 




 ′
<⇒
′
< 0100/10100/111
;;;; qppPqppPpp LL
((
(1.a.6.6)
Cette propriété signifie que si on compare deux situations A et B (par exemple deux pays) dans
lesquels, partant d’un niveau de prix et de quantités strictement identiques à la période 0, on observe
que les prix de la période 1 dans le pays B sont tous supérieurs (dont au moins un strictement) à ceux
du pays A, alors l’indice du pays B va lui aussi être (strictement) supérieur à l’indice du pays A. C’est
là encore une propriété qui semble naturelle.
Décroissance de l’indice de Laspeyres par rapport aux prix de référence
( ) 




 ′
>⇒
′
< 0100/10100/100
;;;; qppPqppPpp LL
((
(1.a.6.7)
Propriété miroir de la précédente.
Ces deux propriétés de monotonie découlent directement de la propriété de croissance du produit
scalaire de deux vecteurs positifs.
Enfin, on montre facilement que les indices de Laspeyres et de Paasche sont bornés par les
évolutions de prix extrêmes :
Bornes de l’indice de Laspeyres
[ ] [ ]Nii
i
L
Nii
i
p
p
P
p
p
;1
0
1
0/1
;1
0
1
maxmin
∈∈








≤≤






 (
(1.a.6.8)
1.a.7 LA OU LE BAT BLESSE…
En revanche, comme dit précédemment, les indices de Laspeyres et de Paasche ne vérifient ni la
propriété de circularité, ni la propriété de réversibilité temporelle.
En effet, la question formelle de la réversibilité revient à la question du test de factorité.
Comme on peut écrire :
1
0
0/1
11
00
00
01
11
01
1/0
V
V
Q
pq
pq
pq
pq
pq
pq
P LL
((
=
⊗
⊗
⊗
⊗
=
⊗
⊗
=
18
On a alors :
0
1
0/10/10/11/0
1
V
V
PQPP LLLL =⇔=
((((
Comme la seconde équation est fausse dans le cas général, la première l’est également.
Ce qui prouve que l’indice de Laspeyres n’est pas réversible, et donc pas circulaire non plus.
Illustrons ce problème à l’aide de quelques chiffres :
Considérons une économie à 3 produits a, b et c, observée pendant 3 périodes 0, 1 et 2.
On suppose dans un premier temps que les quantités consommées sont constantes sur les trois
périodes de temps. Les produits a et b représentent des produits de consommation courante alors
que le produit c est consommé rarement.
Faisons les hypothèses suivantes sur les prix : Le prix du produit a croît tendanciellement, tandis que
le produit b connaît une période de soldes en période 1 avant de revenir à son niveau initial de prix en
période 2. Enfin, le produit « cher » de l’économie, le produit c, a un prix stable sur les trois périodes
considérées.
Quantités
consommées
Prix
en 0
Prix
en 1
Prix
en 2
Produit a 10 1 1,5 2
Produit b 10 2 0,5 2
Produit c 1 8 8 8
1/0 0/1 1/0 * 0/1 2/1 2/0 2/1 * 1/0
Laspeyres 0,74 1,36 1 1,71 1,26 1,26
Paasche 0,74 1,36 1 1,71 1,26 1,26
Avec l’hypothèse de quantités constantes, les propriétés de réversibilité et de circularité sont vérifiées.
De plus, les indices de Laspeyres et de Paasche sont égaux.
Supposons maintenant qu’il y ait des effets de substitution entre les produits a et b en fonction de
leurs évolutions de prix et que les quantités consommées se modifient comme suit : En période 1, la
totalité de la consommation du produit a se reporte sur le produit b en soldes ; en période 2, la moitié
de la consommation du produit a se reporte sur le produit b en raison de la trop grande inflation sur le
produit a. La consommation du produit c ne change pas.
Qté
en 0
Qté
en 1
Qté
en 2
Produit a 10 0 5
Produit b 10 20 15
Produit c 1 1 1
19
1/0 0/1 1/0 * 0/1 2/1 2/0 2/1 * 1/0
Laspeyres 0,74 2,67 1,96 2,67 1,26 1,96
Paasche 0,37 1,36 0,51 2,09 1,12 0,78
Sans l’hypothèse de quantités constantes, les propriétés de réversibilité et de circularité ne sont plus
vérifiées, et loin s’en faut. L’exemple pris est volontairement extrême (quoique tout à fait réaliste) et
met bien en exergue la dépendance des indices de Laspeyres et Paasche à la période de référence.
De plus, on remarque que les indices de Laspeyres et de Paasche peuvent être très différents l’un de
l’autre. On remarque que l’indice de Paasche est systématiquement inférieur à l’indice de Laspeyres.
C’est une propriété générale qui est partout vraie sous certaines hypothèses et peut être
mathématiquement démontrée.
Le fait que l’indice de Laspeyres va certainement surestimer l’inflation peut se comprendre
intuitivement par le fait que le choix de prendre les pondérations de la période de référence implique
que l’on ignore justement les effets de substitution entre produits résultant de la variation des prix. En
conservant les pondérations de la période de référence, on surpondère les produits à plus forte
inflation (sous l’hypothèse que les quantités relatives consommées varient en sens inverse des prix
relatifs des produits, ce qui est une hypothèse souvent raisonnable pour les produits de
consommation courante comme dans l’exemple présenté).
On peut montrer en effet la relation suivante entre les indices de Laspeyres et de Paasche :
Différence entre les indices de Laspeyres et de Paasche
( )
0/1
0/10/1
0/10/1 ;cov
L
PL
Q
qp
PP (
((((
−=− (1.a.7.1)
Démonstration
A partir de la définition habituelle de la covariance et en remarquant que l’indice de
Laspeyres peut être vu comme l’espérance de la variable aléatoire « rapport de prix entre
les périodes 0 et 1 », on peut définir comme suit une « covariance » entre les vecteurs de
rapports de prix et de rapports de quantités :
( ) ( )( )∑=
−−=
N
i
LiLii QqPpwqp
1
0/10/10/10/100/10/1
;cov
((((((
En développant, on obtient :
( ) ∑∑∑∑ ====
+−−=
N
i
iLL
N
i
iiL
N
i
iiL
N
i
iii wQPpwQqwPqpwqp
1
00/10/1
1
0/100/1
1
0/100/1
1
0/10/100/10/1
;cov
((((((((((
( ) 0/10/10/10/10/10/1
1
0/10/100/10/1
;cov LLLLLL
N
i
iii QPPQQPqpwqp
((((((((((
+−−= ∑=
20
( ) 0/10/1
1
0/10/100/10/1
;cov LL
N
i
iii QPqpwqp
((((((
−= ∑=
Pour obtenir l’égalité désirée, il suffit par conséquent de prouver que :
∑=
=
N
i
iiiLP qpwQP
1
0/10/100/10/1 ((((
Or avec la formule (1.a.5.4) on sait que :
0
1
0/10/1
V
V
QP LP =
((
d’où :
∑∑
∑
∑
∑∑
∑
==
=
=
==
=
====
N
i
iii
N
i i
i
i
i
N
j
jj
ii
N
i
iiN
j
jj
N
i
ii
N
i
ii
LP qpw
q
q
p
p
qp
qp
qp
qpqp
qp
QP
1
0/10/10
1
0
1
0
1
1
00
00
1
11
1
00
1
00
1
11
0/10/1 1 ((((
Pour reprendre la discussion précédente : lorsque les vecteurs de prix et de quantité sont anticorrélés,
on a donc bien
0/10/1
PL PP
((
≥ .
Ces deux remarques :
L’absence de réversibilité temporelle, et
Les différences substantielles qui peuvent séparer les deux mesures,
ont conduit les théoriciens des prix du début du XX
ème
siècle à rechercher des formules plus
pertinentes.
On peut par exemple envisager, au lieu de prendre les quantités de la période 0 ou celles de la
période 1, d’utiliser des quantités résultant d’une moyenne des deux périodes. En appliquant une
moyenne symétrique (c’est-à-dire équipondérée en 0 et en 1) avec une formule soit arithmétique soit
géométrique, on obtient les indices présentés dans le tableau suivant. On ajoute également le résultat
de la moyenne géométrique entre les indices de Laspeyres et Paasche.
1/0 0/1 1/0 * 0/1 2/1 2/0 2/1 * 1/0
Laspeyres 0,74 2,67 1,96 2,67 1,26 1,96
Paasche 0,37 1,36 0,51 2,09 1,12 0,78
Lowe avec moy. ari.
simple des quantités 0,53 1,87 1 2,34 1,19 1,25
Lowe avec moy. géo.
simple des quantités 0,42 2,35 1 2,54 1,18 1,08
Moy. géo. simple de L et P 0,53 1,90 1 2,36 1,19 1,24
21
On remarque que les trois nouveaux indices vérifient la propriété de réversibilité.
Ils ne vérifient pas la propriété de circularité, mais en sont moins loin que Laspeyres et Paasche.
Leurs valeurs sont toujours situées entre la valeur de Paasche et celle de Laspeyres.
Leurs valeurs sont très proches des unes des autres, à une exception : l’indice de Lowe avec
moyenne géométrique simple des quantités s’écarte des autres lorsqu’une des deux périodes
comparées est la période 1. Cela s’explique en fait par la nature des données choisies, et en
particulier la présence d’une quantité égale à 0 pour le produit a en période 1. La moyenne
géométrique est alors aberrante (pour calculer l’indice, il a fallu imputer une valeur positive quoique
très proche de 0, ici on a choisi 0,01 – il reste que de cette manière la moyenne géométrique s’écarte
beaucoup de la moyenne arithmétique, d’où les valeurs un peu atypiques de cet indice à cet endroit).
L’indice de Lowe avec moyenne arithmétique simple des quantités a été proposé pour la première fois
en 1887 par Marshall, puis repris en 1925 par Edgeworth, et porte donc le nom de ces deux
économistes.
Sa variante avec moyenne géométrique a été défendue par Walsh, un des contributeurs principaux à
l’approche axiomatique de la théorie des indices, que l’on examine dans le § 1.b. Ses deux ouvrages
majeurs sont The Measurement of General exchange value, paru en 1901, et The Problem of
estimation, paru en 1921.
Enfin, la moyenne géométrique des indices de Laspeyres et de Paasche constituait l’indice préféré de
l’économiste américain Irving Fisher, père de la théorie quantitative de la monnaie qui s’est également
intéressé de près à la théorie des indices, notamment à travers son ouvrage The Making of index
numbers : A study of their varieties, tests and reliability, paru en 1922, soit trente ans après son
premier titre, Mathematical investigations in the theory of value and prices.
On verra que ces trois indices présentent en effet les bonnes propriétés qu’ils semblent avoir dans
l’exemple présent, et en particulier celle de réversibilité temporelle. L’indice de Fisher, nous y
reviendrons, est quant à lui souvent considéré comme l’indice le « meilleur », et ce quelle que soit
l’approche adoptée.
1.b L’approche axiomatique
Cette approche, qui fut celle de Fisher et de Walsh, est également appelée approche par les tests
(dans un sens non statistique du terme), dans la mesure où il s’agit de « tester » tel indice candidat
selon une liste de bonnes propriétés établies a priori. Certaines de ces propriétés sont assez
universellement admises, alors que d’autres sont sujettes à controverse. Parmi ces propriétés, on
retrouve évidemment celles vérifiées précédemment par les indices de Laspeyres et de Paasche.
Par ailleurs, certaines approches associent étroitement indices des prix et indices des quantités : on
attendra de l’indice des quantités dual de l’indice des prix « test » qu’il vérifie lui aussi une batterie de
22
bonnes propriétés, souvent miroir des propriétés émises pour l’indice des prix. D’autres auteurs
préfèrent se concentrer sur les propriétés de l’indice des prix.
On supposera que tous les prix et toutes les quantités sont strictement positifs.
On considèrera que dans le cas général les indices de prix et de quantités sont des fonctions des 4
vecteurs
0
p ,
1
p ,
0
q et
1
q .
1.b.1 TESTS GENERAUX
Ces propriétés n’ont pas été énoncées plus haut pour les indices de Laspeyres et de Paasche, mais
ceux-ci les vérifient trivialement.
G1 Positivité
( ) 0,,, 1010
>qqppP
(
(1.b.1.1)
G2 Continuité
( )1010
,,, qqppP
(
est une fonction continue de ses arguments (1.b.1.2)
G3 Test des prix constants (ou test d’identité)
( ) 1,,, 1000
=qqppP
(
(1.b.1.3)
Si les prix ne changent pas, l’indice des prix vaut 1.
G4 Test des quantités constantes (ou test de panier-type)
( ) ( )0100/1
00
01
0010
,,,,, qppP
qp
qp
qqppP Lowe
((
=
⊗
⊗
= (1.b.1.4)
Si les quantités ne changent pas, l’indice coïncide avec l’indice de panier-type.
G5 Invariance à la permutation des produits
Pour toute fonction de permutation σ ,
( ) ( ) ( ) ( )( ) ( )10101010
,,,,,, qqppPqqppP
((
=σσσσ (1.b.1.5)
G6 Invariance à la modification des unités de mesure (test de commensurabilité)
En notant × la multiplication terme à terme de deux vecteurs a et b,
c’est-à-dire ( ) iii baba =× ,
et en notant 1/a le vecteur composé des inverses des composantes de a,
c’est-à-dire
ii aa
11
=





,
On doit avoir :
23
( )10101010
,,,
1
,
1
,, qqppPqqppP
((
=





××××
αα
αα (1.b.1.6)
Ce qui signifie que l’indice doit être insensible aux unités de mesure choisies pour les
produits, à condition que ces unités restent les mêmes aux périodes 0 et 1.
1.b.2 TESTS D’HOMOGENEITE
On retrouve ici les propriétés énoncées au § 1.a.6 pour les indices de Laspeyres et de Paasche
(propriétés H1 à H3 correspondant aux formules 1.a.6.3 à 1.a.6.5).
H1 Proportionnalité par rapport aux prix courants
( ) ( )10101010
,,,,,,,0 qqppPqqppP
((
λλλ =>∀ (1.b.2.1)
H2 Proportionnalité inverse par rapport aux prix de référence
( ) ( )101011010
,,,,,,,0 qqppPqqppP
(( −
=>∀ λλλ (1.b.2.2)
H3 Invariance lors d’une modification proportionnelle des quantités de référence
( ) ( )10101010
,,,,,,,0 qqppPqqppP
((
=>∀ λλ (1.b.2.3)
H4 Invariance lors d’une modification proportionnelle des quantités courantes
( ) ( )10101010
,,,,,,,0 qqppPqqppP
((
=>∀ λλ (1.b.2.4)
1.b.3 TESTS DE MONOTONIE
On retrouve là encore des propriétés énoncées au § 1.a.6 pour les indices de Laspeyres et de
Paasche (propriétés M1 et M2 correspondant aux formules 1.a.6.6 et 1.a.6.7).
M1 Croissance par rapport aux prix courants
( ) 




 ′
<⇒
′
< 1010101011
,,,,,, qqppPqqppPpp
((
(1.b.3.1)
M2 Décroissance par rapport aux prix de référence
( ) 




 ′
>⇒
′
< 1010101000
,,,,,, qqppPqqppPpp
((
(1.b.3.2)
1.b.4 TESTS DE SYMETRIE
Les deux propriétés qui suivent ne sont pas vérifiées par les indices de Laspeyres et de Paasche mais
constituent cependant deux bonnes propriétés attendues d’un indice des prix.
24
S1 Symétrie des arguments de quantité
( ) ( )10100110
,,,,,, qqppPqqppP
((
= (1.b.4.1)
Cette propriété impose que les périodes 0 et 1 entrent de manière symétrique dans la détermination
des pondérations de l’indice. Elle est assez controversée car non nécessairement compatible avec
l’approche économique. Toutefois, un certain nombre d’indices la vérifient, parmi lesquels les trois
indices introduits au § 1.a.7, de Fisher, Walsh et Marshall-Edgeworth.
S2 Réversibilité temporelle
( ) ( )( ) 110100101
,,,,,,
−
= qqppPqqppP
((
(1.b.4.2)
Contrairement à la précédente, cette propriété-ci semble essentielle pour tous les théoriciens des prix.
Elle est, comme évoqué au § 1.a.7, également partagée par les indices de Fisher, Walsh et Marshall-
Edgeworth.
1.b.5 TESTS DE BORNES
B1 Bornes par les évolutions de prix extrêmes
[ ]
( )
[ ]Nii
i
Nii
i
p
p
qqppP
p
p
;1
0
1
1010
;1
0
1
max,,,min
∈∈








≤≤






 (
(1.b.5.1)
Il s’agit de la dernière propriété énoncée au § 1.a.6 pour les indices de Laspeyres et de Paasche
(formule 1.a.6.8).
Il semble naturel, pour un indice mesurant une sorte de moyenne des évolutions de prix, d’être situé à
l’intérieur des évolutions les plus extrêmes.
B2 Bornes par les indices de Laspeyres et Paasche
( ) ( ) ( )0101010110
,,,,,,, qppPqqppPqppP LP
(((
≤≤ (1.b.5.2)
Bien que non énoncée précédemment, cette propriété est trivialement vérifiée par les indices de
Laspeyres et de Paasche.
1.b.6 TESTS POUR L’INDICE DES QUANTITES DUAL
On n’énonce que les propriétés qu’il est nécessaire de tester si on veut qu’elles soient vérifiées, c’est-
à-dire seulement celles qui ne sont pas directement impliquées par les propriétés portant sur l’indice
des prix dual.
M1’ Croissance par rapport aux quantités courantes
( ) 




 ′
<⇒
′
< 1010101011
,,,,,, qqppQqqppQqq
((
(1.b.6.1)
M2’ Décroissance par rapport aux quantités de référence
( ) 




 ′
>⇒
′
< 1010101000
,,,,,, qqppQqqppQqq
((
(1.b.6.2)
25
S1’ Symétrie des arguments de prix
( ) ( )10101001
,,,,,, qqppQqqppQ
((
= (1.b.6.3)
B1’ Bornes par les évolutions de quantités extrêmes
[ ]
( )
[ ]Nii
i
Nii
i
q
q
qqppQ
q
q
;1
0
1
1010
;1
0
1
max,,,min
∈∈








≤≤






 (
(1.b.6.4)
1.b.7 QUELS INDICES VERIFIENT CES TESTS ?
On entend montrer dans ce paragraphe que l’unique indice vérifiant l’ensemble des propriétés
énoncées ci-dessus est l’indice de Fisher.
Indice de Fisher
( ) ( ) ( )11001010100/1
,,,,,,, qppPqppPqqppPP PLFF
((((
== (1.b.7.1)
1.b.7.i L’indice de Fisher vérifie les 20 propriétés énoncées
Pour les propriétés G, on admet que les indices de Laspeyres et Paasche les vérifient (démonstration
immédiate en revenant à la définition).
G1
0/1
FP
(
est positive en tant que composée de fonctions qui le sont (fonction racine carrée d’une
part, produit des fonctions indices de Laspeyres et Paasche d’autre part).
G2
0/1
FP
(
est continue en tant que composée de fonctions qui le sont.
G3 ( ) ( ) ( ) 11.1,,,,,,, 1000001000
=== qppPqppPqqppP PLF
(((
G4
( ) ( ) ( )
( ) ( ) ( )010010010
0100100010
,,,,,,
,,,,,,,
qppPqppPqppP
qppPqppPqqppP
LLL
PLF
(((
(((
==
=
est bien un indice de panier-type.
G5 découle immédiatement du fait que les indices de Laspeyres et de Paasche la vérifient
G6 idem
26
H1 ,0>∀λ
( ) ( ) ( )
( ) ( )
( ) ( )
( )1010
110010
110010
1100101010
,,,
,,,,
,,,,
,,,,,,,
qqppP
qppPqppP
qppPqppP
qppPqppPqqppP
F
PL
PL
PLF
(
((
((
(((
λ
λ
λλ
λλλ
=
=
=
=
Les autres propriétés H se montrent exactement de la même manière.
Les propriétés M découlent immédiatement du fait que Laspeyres et Paasche vérifient ces propriétés
ainsi que la propriété de positivité, et que la fonction racine carrée est croissante.
De la même manière, les propriétés B découlent immédiatement du fait que Laspeyres et Paasche
vérifient ces propriétés, de la positivité de tous les termes comparés, et de la croissance de la fonction
racine carrée.
Les propriétés S sont les seules pour lesquelles on ne peut pas utiliser des résultats équivalents pour
Laspeyres et Paasche. La démonstration de ces propriétés pour l’indice de Fisher doit dont repartir
des définitions des indices de Laspeyres et Paasche.
S1
( )
( ) ( )
( ) ( )
( )1010
010110
00
01
10
11
010110
0110
,,,
,,,,
,,,,
,,,
qqppP
qppPqppP
qp
qp
qp
qp
qppPqppP
qqppP
F
LP
PL
F
(
((
((
(
=
=
⊗
⊗
⊗
⊗
=
=
S2
( )
( ) ( )
( ) ( )( )
( )( ) 11010
1
110010
1
10
11
00
01
01
00
11
10
001101
0101
,,,
,,,,
,,,,
,,,
−
−
−
=
=








⊗
⊗
⊗
⊗
=
⊗
⊗
⊗
⊗
=
=
qqppP
qppPqppP
qp
qp
qp
qp
qp
qp
qp
qp
qppPqppP
qqppP
F
PL
PL
F
(
((
((
(
S1’ Démonstration analogue à celle de S1.
27
De plus, l’indice de Fisher satisfait au test de factorité.
Test de factorité pour l’indice de Fisher
( ) ( )10101010
0
1
,,,,,, qqppQqqppP
V
V
FF
((
= (1.b.7.2)
Démonstration
0
1
0
1
0
1
0/10/10/10/1
0/10/10/10/1
0/10/1
.
.
.
V
V
V
V
V
V
QPQP
QQPP
QP
LPPL
PLPL
FF
=
=
=
=
((((
((((
((
1.b.7.ii L’indice de Fisher est l’unique indice vérifiant l’ensemble des 20 propriétés
énoncées
En fait, les propriétés G1, S1, S2 et S1’ suffisent à déterminer la forme fonctionnelle de l’indice de
manière univoque.
Partons de la formule (1.b.6.3) correspondant à la propriété S1’ sur l’indice des quantités :
( ) ( )10101001
,,,,,, qqppQqqppQ
((
=
Et réécrivons-la en fonction des indices de prix, en utilisant pour cela la formule de factorité (1.a.1.1) :
( )
( ) ( )
( )
( ) ( )101000
11
100101
10
,,,
1
,
,
,,,
1
,
,
qqppPqpV
qpV
qqppPqpV
qpV
(( =
Mais grâce à la propriété S1, on a :
( ) ( )01011001
,,,,,, qqppPqqppP
((
=
Et grâce à la propriété S2, on a :
( )
( )1010
0101
,,,
,,,
1
qqppP
qqppP
(
( =
Donc la propriété S1’ se réécrit :
( )
( ) ( ) ( )
( ) ( )101000
11
1010
01
10
,,,
1
,
,
,,,
,
,
qqppPqpV
qpV
qqppP
qpV
qpV
(
(
=
Donc :
( )( ) ( )
( )
( )
( )10
01
00
11
21010
,
,
,
,
,,,
qpV
qpV
qpV
qpV
qqppP =
(
Et, en développant les fonctions de valeur :
28
( )( ) 10
11
00
01
10
01
00
11
21010
,,,
qp
qp
qp
qp
qp
qp
qp
qp
qqppP
⊗
⊗
⊗
⊗
=
⊗
⊗
⊗
⊗
=
(
Où l’on reconnaît la définition des indices de Laspeyres et de Paasche.
Pour conclure, on doit enfin invoquer la propriété G1 de positivité stricte de l’indice, qui nous permet
de passer à la racine carrée et d’écrire :
( ) ( ) ( )1100101010
,,,,,,, qppPqppPqqppP PL
(((
=
1.b.8 UNE APPROCHE ALTERNATIVE
Les développements précédents amenèrent Fisher à conclure que la moyenne géométrique des
indices de Laspeyres et de Paasche constituait l’indice « idéal ». Cette conclusion, toutefois, est
étroitement dépendante de la liste des propriétés fixées a priori comme souhaitables pour l’indice.
Cette liste de propriétés repose elle-même sur un cadre théorique dans lequel, par exemple, on
suppose que les variables d’intérêt sont les vecteurs de prix et les vecteurs de quantités.
Mais si, comme Walsh, on considère au contraire que les variables d’intérêt sont le vecteur des
rapports de prix d’une part, et les vecteurs de dépenses en valeur d’autre part, alors on est conduit à
reformuler les propriétés précédentes, à en laisser certaines de côté et à en introduire de nouvelles.
Considérons par conséquent le nouveau jeu de propriétés suivant :
G1 Positivité
( ) 0,, 100/1
>vvpP
((
(1.b.8.1)
G2 Continuité
( )100/1
,, vvpP
((
est une fonction continue de ses arguments (1.b.8.2)
G3 Test des prix constants (ou test d’identité)
( ) 1,,1 10
=vvP
(
(1.b.8.3)
Si les prix ne changent pas, l’indice des prix vaut 1.
G5 Invariance à la permutation des produits
Pour toute fonction de permutation σ ,
( ) ( ) ( )( ) ( )100/1100/1
,,,, vvpPvvpP
((((
=σσσ (1.b.8.4)
H1 Proportionnalité par rapport aux rapports de prix
( ) ( )100/1100/1
,,,,,0 vvpPvvpP
((((
λλλ =>∀ (1.b.8.5)
H3 Invariance lors d’une modification proportionnelle des valeurs de référence
( ) ( )100/1100/1
,,,,,0 vvpPvvpP
((((
=>∀ λλ (1.b.8.6)
29
H4 Invariance lors d’une modification proportionnelle des valeurs courantes
( ) ( )100/1100/1
,,,,,0 vvpPvvpP
((((
=>∀ λλ (1.b.8.7)
M1 Croissance par rapport aux rapports de prix
( ) 




 ′
<⇒
′
< 100/1100/10/10/1
,,,, vvpPvvpPpp
((((((
(1.b.8.8)
S1 Symétrie des arguments de valeurs
( ) ( )100/1010/1
,,,, vvpPvvpP
((((
= (1.b.8.9)
S2 Réversibilité temporelle
( ) ( )( ) 1100/1011/0
,,,,
−
= vvpPvvpP
((((
(1.b.8.10)
S3 Transitivité (sous condition de pondérations fixes)
( ) ( ) ( )vvpPvvpPvvpP ′=′′ ,,,,,, 0/20/11/2 ((((((
(1.b.8.11)
B1 Bornes par les évolutions de prix extrêmes
( ) [ ] ( ) ( ) [ ]NiiNii pvvpPp ;1
0/1100/1
;1
0/1
max,,min ∈∈
≤≤
((((
(1.b.8.12)
Quelques remarques :
1) Les équations d’invariance H3 et H4 impliquent qu’il est équivalent, dans la formule d’indice,
d’utiliser les vecteurs de dépenses en valeur
0
v et
1
v ou bien les vecteurs de parts de
dépense
0
w et
1
w . Dans la suite, on considèrera donc qu’on cherche une formule d’indice
qui est une fonction des rapports de prix ainsi que des parts de dépense aux périodes 0 et 1.
2) On a laissé de côté les propriétés G4 et B2 qui ne sont pas universellement admises. Le test
de limitation par les indices de Laspeyres et de Paasche, notamment, n’est pas vérifié par
l’indice de Walsh, qui par ailleurs vérifie toutes les propriétés émises aux § 1.b.1 à 1.b.5 sur
les indices de prix. La propriété G4 est évidemment vérifiée par tous les indices de panier-
type et donc en particulier par l’indice de Walsh, mais on verra que lorsqu’on se place dans
une approche axiomatique différente, on peut être amené à définir des indices de prix
géométriques, qui ne sont pas des indices de panier-type mais qui pourtant vérifient de
nombreuses bonnes propriétés.
3) Les propriétés G6, H2, M2 sont rendues implicites par le fait qu’on ne considère plus de
manière séparée les arguments
0
p et
1
p .
4) Enfin, on introduit une propriété S3 de transitivité des indices de prix par rapport aux rapports
de prix, les pondérations en valeur étant prises constantes sur les trois périodes considérées.
Il s’agit d’une variante (non équivalente) du test de transitivité de Fisher que l’on a évoquée au
§ 1.a.
30
Test de transitivité de Fisher
( ) ( ) ( )202021211010
,,,,,,,,, qqppPqqppPqqppP
(((
=
Cette propriété n’est vérifiée ni par les indices de panier-type, ni par l’indice de Fisher (voir
contre-exemple au § 1.a.7). En fait, on peut montrer que les seuls indices satisfaisant au test
de transitivité de Fisher ainsi qu’aux propriétés G1, G2, G3, G6, H1 et H3 s’écrivent sous la
forme d’une moyenne géométrique pondérée des rapports de prix, avec pondérations non
dépendantes du temps. On voit bien que des indices de cette forme vont également satisfaire
le test de transitivité tel qu’exprimé sous la forme (1.b.8.11).
5) Laissons de côté le test de transitivité de Fisher et revenons aux propriétés exprimées ci-
dessus dans le cadre axiomatique alternatif proposé. Il peut être démontré que les indices
satisfaisant aux propriétés énoncées ont la forme de moyennes géométriques pondérées des
rapports de prix :
Indice géométrique pondéré
( ) ( ) ( )
∏=
=
N
i
ww
iG
ii
pwwpP
1
,0/1100/1
10
,,
µ(((
(1.b.8.13)
Les pondérations sont des fonctions continues positives des vecteurs de parts de dépense
0
w et
1
w . Il existe alors une infinité de solutions au problème.
On peut en particulier prendre une moyenne symétrique de ces parts de dépense. Avec une
moyenne arithmétique simple la formule coïncide avec l’indice proposé par Törnqvist, tandis
qu’avec une moyenne géométrique simple on tombe sur l’indice géométrique de Walsh,
variante de l’indice de Walsh introduite par lui-même.
Indice de Törnqvist
( ) ( ) ( )
∏=
+
=
N
i
ww
iT
ii
pwwpP
1
2
1
0/1100/1
10
,,
(((
(1.b.8.14)
Si l’on ajoute les deux hypothèses suivantes sur les pondérations, on se retrouve dans un cas
de détermination univoque de la forme fonctionnelle de l’indice.
P1 Séparabilité des pondérations
( )( ) ( )100/1100/1
,,,,1,...,,...,1 iiii wwpfvvpP
(((
= (1.b.8.15)
Cette propriété signifie que si seul le prix du produit i a changé entre les périodes 0 et 1, alors
l’indice ne dépend pas des dépenses effectuées pour les autres produits. Un tel indice n’est
plus une fonction que de 3 paramètres : le rapport des prix du produit i entre les périodes 0 et
1 et les parts de dépense en produit i aux périodes 0 et 1.
P2 Invariance de l’indice aux évolutions de prix des produits non pondérés
( )( )( )( ) 1,...,0,...,,,...,0,...,,1,...,,...,1 11
1
00
1
0/1
=NNi vvvvpP
((
(1.b.8.16)
31
Alors on peut montrer (mais on ne le fera pas ici) que l’indice de Törnqvist est l’unique indice
vérifiant l’ensemble des 14 propriétés énoncées dans ce § 1.b.8.
Cette approche peut sembler purement théorique et non directement utile pour l’établissement
d’un indice de prix. On pourrait penser qu’il est tout à fait possible de se contenter des indices
de panier-type, surtout lorsque comme l’indice de Walsh, ils vérifient la propriété de
réversibilité temporelle. On pourrait également se contenter de la démonstration d’optimalité
de l’indice de Fisher dans la première approche axiomatique. La suite va faire réapparaître
l’indice de Törnqvist sur le devant de la scène et donner du sens à la présente approche.
1.c L’approche stochastique
1.c.1 APPROCHE NON PONDEREE
En 1863, l’économiste britannique William Stanley Jevons est le premier à proposer une approche
statistique des indices de prix. Cette approche repose sur l’hypothèse que les rapports de prix
oscillent autour d’un taux d’inflation général commun.
Modèle stochastique logarithmique
( ) i
i
i
p
p
εα +=





lnln 0
1
(1.c.1.1)
Les ( ) [ ]Nii ;1∈
ε étant des variables aléatoires indépendantes, identiquement distribuées et
centrées, que l’on appelle « résidus » du modèle.
On peut résoudre ce modèle en prenant par exemple l’estimateur des moindres carrés ordinaires
(MCO).
On rappelle que cette méthode consiste à minimiser l’erreur quadratique des résidus,
c’est-à-dire, comme ceux-ci sont supposés centrés, minimiser la quantité suivante :
( ) ( )∑∑ ==








−







=
N
i i
i
N
i
i
p
p
NN 1
2
0
1
1
2
lnln
11
αε
On dérive cette expression par rapport à α :
( )∑=








−






− N
i i
i
p
p
N 1
0
1
lnln
12
α
α
Et on cherche le α tel que cette dérivée soit nulle.
Sous les hypothèses du modèle (1.c.1.1), l’estimateur des MCO du paramètre ( )αln est alors :
( ) ∑=






=
N
i i
i
p
p
N 1
0
1
ln
1
ln α
32
On peut choisir de prendre l’exponentielle de cet estimateur comme estimateur du taux d’inflation α ,
même si celui-ci ne sera pas sans biais dans le cas général. C’est l’estimateur proposé par Jevons :
Indice de Jevons
N
N
i
iJ pP ∏=
=
1
0/10/1 ((
(1.c.1.2)
Il s’agit de la moyenne géométrique non pondérée des rapports de prix.
En spécifiant un modèle différent, on aboutirait évidemment à une autre solution. Par exemple, en
posant un modèle stochastique linéaire (et non plus logarithmique), l’estimateur des MCO coïncide
avec la moyenne arithmétique des rapports de prix (et non plus géométrique). L’indice qui en découle
est nommé d’après l’économiste italien qui l’a proposé en 1764, un siècle avant le développement de
l’approche stochastique par Jevons, pour mesurer l’impact de la découverte de l’Amérique sur
l’augmentation des prix.
Indice de Carli
∑=
=
N
i
iC p
N
P
1
0/10/1 1 ((
(1.c.1.3)
L’indice de Carli est un estimateur sans biais du taux d’inflation, ce que n’est pas l’indice de Jevons.
Mais il présente le gros inconvénient de ne pas satisfaire au test de réversibilité, alors que l’indice de
Jevons, si (la démonstration de ce point est immédiate avec la forme multiplicative de l’indice de
Jevons et la réversibilité des indices élémentaires).
L’approche stochastique de Jevons fut reprise et appuyée par Edgeworth, mais critiquée violemment
par Keynes, qui ne croit pas à l’existence d’un taux d’inflation unique autour duquel graviteraient de
manière aléatoire tous les rapports de prix. De plus, il réfute l’hypothèse du bruit blanc, c’est-à-dire
qu’il ne croit pas que les écarts entre les rapports de prix et le taux d’inflation général soient
indépendants les uns des autres. Au contraire, il affirme qu’ils sont corrélés, et que cette corrélation
dépend du niveau relatif des dépenses dédiées aux différents produits, ce qui oblige, a minima, à
prendre en considération les pondérations des différents produits.
Les « erreurs d’observation », la conception de l’indice des prix comme « des tentatives manquées
d’atteindre le centre d’une seule et même cible », la « variation moyenne objective des prix
généraux » d’Edgeworth, tout cela résulte d’une confusion de pensées. Il n’y a pas de centre de la
cible. Il n’y a pas de centre mouvant mais unique, qu’on appelle niveau général des prix ou variation
moyenne objective des prix généraux, autour duquel sont dispersés les niveaux de prix mouvants
des différentes choses. Il existe toutes les conceptions diverses, assez définies, des niveaux de prix
33
de produits composites adaptées à la diversité des objectifs (…). Il n’y a rien d’autre. Jevons
poursuivait un mirage.
(…) dans le cas des prix, le mouvement du prix d’un produit influe forcément sur les mouvements
des prix d’autres produits, et l’ampleur de ces mouvements compensatoires dépend de l’ampleur de
la variation des dépenses consacrées au premier produit, comparée à celle des dépenses
consacrées aux produits touchés en second lieu. C’est pourquoi, plutôt qu’une « indépendance », il
existe entre les « erreurs » commises dans des « observations » successives ce que certains
spécialistes des probabilités ont appelé « corrélation » (…). Nous ne pouvons donc pas aller plus
loin avant d’avoir énoncé la loi de corrélation requise. Mais celle-ci ne peut être énoncée sans faire
référence à l’importance relative des produits touchés.
Keynes, A Treatise on Money in Two Volumes: 1:The Pure Theory of Money, 1930
1.c.2 APPROCHES STOCHASTIQUES PONDEREES
1.c.2.i L’estimateur pondéré de Theil
Keynes n’est pas le premier à formuler des critiques sur l’approche stochastique non pondérée. En
1901, Walsh exprimait déjà qu’il était toujours meilleur de pondérer les produits avec des pondérations
imprécises plutôt que de ne pas pondérer du tout. Mais il faudra attendre les travaux de Theil dans les
années 1960 pour que soit développée une approche stochastique pondérée.
Theil reprend une spécification logarithmique du modèle et propose d’améliorer l’estimateur en
pondérant les observations par des poids individuels iw bien choisis. Theil recommande d’utiliser
comme poids une moyenne symétrique des parts de dépense en produit i aux périodes 0 et 1 :
Poids de Theil
2
10
ii
i
ww
w
+
= (1.c.2.1)
Avec les poids de Theil, l’estimateur tiré des moindres carrés pondérés (MCP) coïncide avec la
formule de Törnqvist énoncée au § 1.b.8.14.
En effet, l’estimateur des MCP pour le paramètre ( )αln s’écrit dans le cas général :
( ) ∑=






=
N
i i
i
i
p
p
w
1
0
1
lnln α
D’où on tire l’estimateur suivant pour le paramètre α :
∏=








=
N
i
w
i
i
i
p
p
1
0
1
ˆα
L’estimateur tiré des MCP coïncide donc avec la formule d’indice géométrique pondéré
introduite par (1.b.8.13).
Avec les poids de Theil, on retrouve donc bien la formule de Törnqvist.
34
Depuis Theil et surtout dans les années 1980 à 2000, plusieurs statisticiens se sont essayés à
l’approche stochastique pondérée des indices de prix
1
. On trace ci-après les grandes lignes de leurs
recherches, les avantages qu’elles proposent, ainsi que leurs limites.
1.c.2.ii Un cadre formel commun
Réécrivons les deux modèles envisagés au § 1.c.1 précédent, en y ajoutant explicitement la
dimension temporelle.
Modèle stochastique linéaire
itt
i
t
i
p
p
εα +=0
(1.c.2.2)
Modèle stochastique logarithmique
( ) itt
i
t
i
p
p
εα +=





lnln 0
(1.c.2.3)
On peut justifier la spécification logarithmique en remarquant que les rapports de prix sont forcément
bornés inférieurement par 0 et que, par conséquent, leur loi de distribution n’est pas symétrique autour
de 0, comme ce que l’on suppose dans (1.c.2.2).
L’approche non pondérée pose comme hypothèse que les erreurs itε sont indépendantes entre elles
et normalement distribuées autour de 0, c’est-à-dire que tε est un bruit blanc :
Hypothèse de bruit blanc
( ) ( ) 2
var;0 tititE σεε == (1.c.2.4)
Lorsque Keynes dit que les variations de prix d’un produit ont un impact sur les variations de prix des
autres produits, il revient à dire que les résidus du modèle précédent sont en fait autocorrélés.
Il faut alors changer l’hypothèse (1.c.2.4) comme suit :
Hypothèse d’autocorrélation des résidus
( ) ( )
i
t
itit
w
E
2
var;0
σ
εε == (1.c.2.5)
1
Voir pour une synthèse de ces approches l’article « On the stochastic approach to index numbers » proposé par
WE Diewert à la 1
ère
réunion du groupe d’Ottawa, 1995.
35
1.c.2.iii L’estimateur des moindres carrés pondérés
La résolution du modèle avec hypothèse d’autocorrélation des résidus (1.c.2.5) conduit aux
estimateurs des MCP.
Avec la spécification linéaire (1.c.2.2) l’estimateur des MCP du paramètre tα est un indice de Lowe :
Estimateur linéaire pondéré
∑=
=
N
i i
t
i
it
p
p
w
1
0
ˆα (1.c.2.6)
C’est une version pondérée de l’indice de Carli (1.c.1.3).
Avec la spécification logarithmique (1.c.2.3) l’estimateur du paramètre tα obtenu en prenant
l’exponentielle de l’estimateur des MCP du paramètre ( )tαln est un indice géométrique pondéré :
Estimateur logarithmique pondéré
∏=






=
N
i
w
i
t
i
t
i
p
p
1
0
ˆα (1.c.2.7)
C’est une version pondérée de l’indice de Jevons (1.c.1.2).
1.c.2.iv Ce qu’apporte l’approche pondérée
En prenant comme pondérations les parts de dépense en produit i à la période 0 :
0
ii ww = ,
l’estimateur linéaire pondéré coïncide avec l’indice de Laspeyres.
Ce résultat permet de justifier statistiquement la formule de Laspeyres (l’indice de Laspeyres est un
estimateur sans biais du taux d’inflation général), et de déterminer pour cette formule une formule
simple de calcul d’intervalles de confiance.
Avec la spécification logarithmique et en prenant comme pondérations une moyenne symétrique des
parts de dépense en produit i aux périodes 0 et t :
( )t
iii www += 0
2
1
,
l’estimateur logarithmique pondéré coïncide avec la formule d’indice de Theil (et donc de Törnqvist).
Ce choix permet de combiner la justification statistique avec les bonnes propriétés de la formule de
Törnqvist. Là encore on peut dorénavant produire des intervalles de confiance pour l’indice.
1.c.2.v Ajout d’une tendance individuelle au modèle
L’approche pondérée précédente ne répond qu’à la seconde objection de Keynes (celle qui porte sur
l’autocorrélation des résidus).
36
Pour répondre à la première (il n’existe pas d’inflation générale commune à tous les produits), on peut
aussi envisager d’ajouter au modèle une variable explicative de l’effet individuel. Ainsi l’inflation propre
à un produit-type donné sera la somme de l’inflation générale et de l’effet individuel.
Modèle logarithmique avec tendance individuelle
( ) itit
i
t
i
p
p
εβα ++=





lnln 0
(1.c.2.8)
On se place toujours dans l’hypothèse hétéroscédastique (1.c.2.5).
Et on ajoute l’hypothèse que les effets individuels pondérés se compensent :
Hypothèse de colinéarité des effets individuels
0
1
=∑=
n
i
iiw β (1.c.2.9)
Alors on peut montrer que sous cette hypothèse, la résolution du modèle (1.c.2.8) conduit au même
estimateur du maximum de vraisemblance pour ( )tαln que le modèle (1.c.2.3).
Donc l’indice géométrique pondéré par les iw est là encore un estimateur recevable du taux
d’inflation général.
1.c.2.vi Critique de l’approche pondérée
La faiblesse principale des approches stochastiques pondérées précédemment décrites réside dans
les hypothèses faites sur les iw . Traduite en termes économiques, l’approche consistant à pondérer
les observations par leurs parts de dépense revient à dire que plus un produit représente une part
importante du budget, moins ses prix relatifs sont dispersés autour de la moyenne. Or rien ne permet
d’affirmer cela, et on peut même prouver empiriquement que l’hypothèse est grossièrement fausse.
Cette faiblesse est évidemment aggravée dans le cas du modèle avec tendance individuelle,
puisqu’on y suppose en plus que ces mêmes iw sont ceux qui lient ensemble les tendances
individuelles. En outre, dans ce modèle, l’inflation portée par un produit i est la somme entre l’inflation
générale et la tendance individuelle ; or l’estimateur issu des MCP pour le paramètre iβ présente le
gros inconvénient de dépendre du nombre de périodes considérées dans le modèle
2
.
L’approche stochastique semble donc échouer dans son ensemble. Toutefois il existe une perspective
dans laquelle elle conserve sa légitimité entière : c’est celle dans laquelle les prix suivis ne constituent
pas la population des prix disponibles, mais seulement un échantillon de ceux-ci.
2
Pour plus de détails sur ces aspects, voir l’article de Diewert précité.
37
1.c.3 REHABILITATION DE L’APPROCHE STOCHASTIQUE : UNE
PERSPECTIVE PUREMENT STATISTIQUE
Edgeworth défendait l’approche pondérée avec un argument statistique : un produit représentatif dont
le prix est très variable est un indicateur moins fiable de la tendance générale de l’inflation, donc
devrait être moins pondéré dans l’estimateur de cette tendance.
Mais, au-delà, la véritable justification de l’approche stochastique pondérée se trouve dans l’approche
par échantillonnage.
Dans cette approche, on suppose que les N rapports de prix observés constituent un échantillon
dont chaque élément i a une probabilité d’inclusion égale à iw .
Si l’on suppose que les rapports de prix sont tirés aléatoirement et proportionnellement aux parts de
dépense de chaque produit dans la période de référence, alors l’estimateur des MCP, dans le modèle
linéaire, coïncide avec l’indice de Laspeyres, tandis que si on suppose les rapports de prix tirés
proportionnellement aux parts de dépense des produits dans la période courante, l’estimateur des
MCP est l’indice de Paasche. Les deux mesures étant également recevables mais donnant des
estimations potentiellement très différentes, une solution peut être de prendre une moyenne
symétrique des pondérations, et ainsi d’estimer l’inflation générale commune par une formule de
Walsh ou encore de Marshall-Edgeworth.
Si l’on suppose toujours que les rapports de prix sont tirés aléatoirement et proportionnellement aux
parts de dépense de chaque produit dans la période de référence, et que l’on se place cette fois dans
le modèle logarithmique, alors l’estimateur issu des MCP coïncide avec l’indice géométrique de
Laspeyres. En supposant les rapports de prix tirés proportionnellement aux parts de dépense des
produits dans la période courante, on retombe sur l’indice géométrique de Paasche.
Henri Theil, pour sa part, retient la moyenne arithmétique simple des parts de dépense comme
pondérations des observations.
L’hypothèse sous-jacente peut s’interpréter comme suit : dans le tirage aléatoire des rapports de prix
observés, on donne d’abord des chances égales à chacune des deux périodes considérées d’être
tirée, puis en seconde étape on donne des chances égales à chaque euro dépensé d’être tiré. On se
place donc dans un équivalent de tirage aléatoire simple à deux degrés.
Le premier degré (tirage aléatoire de la période) peut sembler étrange. Il l’est moins lorsqu’au lieu de
considérer que l’on cherche à établir un indice de prix temporel, on se place dans le cadre des indices
de prix spatiaux.
On peut en effet appliquer la théorie des indices de prix à la comparaison spatiale. Dans un tel cas, on
se place à un temps t fixe et on compare une région R1 à une région de référence R0. Il semble alors
naturel de donner aux paniers de produits de chaque région des probabilités égales d’inclusion dans
l’échantillon de produits servant à calculer l’indice. De même, la propriété de réversibilité semble
encore plus cruciale dans le cas de la comparaison spatiale, qu’elle ne l’est dans le cadre des séries
temporelles qui, par nature, sont à sens unique.
38
Il existe une conséquence pratique à cette hypothèse stochastique, c’est que pour que l’indice
correspondant soit un bon estimateur du « vrai » indice des prix, il faut que l’échantillonnage des
produits suivis respectent l’hypothèse de proportionnalité des probabilités d’inclusion et des parts de
dépense considérées. Nous reviendrons sur ce point lorsque nous aborderons les conditions de
réalisation pratique des indices de prix.
On notera que, sous l’hypothèse que les rapports de prix sont tirés aléatoirement et
proportionnellement aux parts de dépense de chaque produit dans la période de référence, l’indice de
Carli est un estimateur de Horvitz-Thompson de l’indice de Laspeyres. Si on accepte que la formule
de Laspeyres soit un bon estimateur à son tour du « véritable » indice des prix, le cadre de la théorie
des sondages permet alors de justifier l’emploi de la formule de Carli au niveau élémentaire.
Néanmoins, dans le cadre de la théorie des indices, le comportement de la série temporelle au fur et à
mesure que l’on s’éloigne de la période de référence est tout aussi voire plus important que le
comportement ponctuel de l’estimateur à une date donnée. Ainsi, la non réversibilité de la formule de
Carli l’emportera et on préfèrera généralement d’autres formules d’agrégation au niveau élémentaire,
ainsi qu’on le verra au § 2.b.
1.d L’approche économique
1.d.1 LES INDICES A UTILITE CONSTANTE
On se place ici dans le cadre microéconomique de la théorie du consommateur.
On suppose qu’il existe un ménage unique et autant de marchés qu’il existe de produits dans
l’économie. Sur ce marché, le ménage est un « price taker » c’est-à-dire que ses décisions de
consommation n’influent pas sur les prix offerts par les entreprises.
On suppose en outre que le ménage a un comportement d’optimisation de son utilité sous contrainte
de revenu, que l’on peut formuler de manière équivalente comme la minimisation du coût sous
contrainte d’atteinte d’un certain niveau d’utilité.
Par convention, on note f la fonction de préférences qui à un certain vecteur de quantités
consommées q associe un niveau d’utilité u .
On note ( )tt
qfu = le niveau d’utilité atteint à la période t .
Et
ttt
qpR ⊗= le revenu nécessaire pour atteindre ce niveau d’utilité.
Les choix de consommation
t
q à chaque période t sont issus du programme d’optimisation suivant :
Programme de maximisation de l’utilité sous contrainte de revenu
( ){ }tt
q Rqpqf ≤⊗max (1.d.1.1)
39
Programme de minimisation du coût sous contrainte de niveau d’utilité
( ) ( ){ }tt
q uqfqp ≥⊗min (1.d.1.2)
Ces deux programmes d’optimisation sont strictement équivalents.
On note enfin ( )tt
puC , la fonction de coût minimal associée à la résolution de ce programme.
On notera que par rapport aux approches précédentes, on suppose ici que les vecteurs de quantités
consommées sont des fonctions des prix de marché. C’est pourquoi les tenants de l’approche
économique remettent en cause certains éléments de l’approche axiomatique, par exemple la
propriété G3 qui sous-tend que les vecteurs de prix puissent être égaux sans que les vecteurs de
quantité le soient.
Dans ce cadre, il est possible de définir une famille d’indices des prix possibles comme le ratio des
deux fonctions de coût minimal, le niveau d’utilité étant fixé et égal pour les deux périodes.
Famille des indices du coût de la vie véritable (ou indices à utilité constante)
( ) ( )( )
( )( )0
1
10
,
,
,,
pqfC
pqfC
qppPKonüs =
(
(1.d.1.3)
Cette approche a été développée pour la première fois en 1924 par l’économiste russe Konüs. La
famille des indices du coût de la vie véritable définie dans ce cadre porte par conséquent son nom.
Il existe autant d’indices possibles que de niveaux d’utilité fixés comme référence. On peut ainsi par
exemple fixer ce niveau à sa valeur à la période de référence (et on peut, par analogie avec les
approches précédentes, appeler cet indice, indice de Laspeyres-Konüs) ou bien à sa valeur à la
période courante (indice de Paasche-Konüs).
Aucun de ces indices n’est observable, puisque les préférences des consommateurs sont par essence
inobservables.
1.d.2 LES INDICES DE LASPEYRES ET DE PAASCHE VUS COMME DES
CAS-LIMITES DE KONÜS
Borne supérieure de l’indice de Laspeyres-Konüs
( ) 0/1010
,, LKonüs PqppP
((
≤ (1.d.2.1)
Démonstration
Par définition de la fonction de coût minimal, on a à la période 0 :
( )( ) 0000
, qppqfC ⊗=
Et à la période 1 :
( )( ) ( ) ( ) ( ){ } 010110
min, qpqfqfqppqfC q ⊗≤=⊗=
40
Comme toutes les valeurs sont strictement positives, on peut écrire :
( )( )
( )( )
0/1
00
01
00
10
,
,
LP
qp
qp
pqfC
pqfC (
=
⊗
⊗
≤
Borne inférieure de l’indice de Paasche-Konüs
( ) 0/1110
,, PKonüs PqppP
((
≥ (1.d.2.2)
Illustrons ces deux inégalités dans le cas où l’économie est constituée de 2
produits.
On représente les courbes d’iso-utilité (ou courbes d’indifférence) dans un plan ( )21 ,qq : à gauche
pour la période 0, à droite pour la période 1.
Ces courbes ont pour équation ( ) ( )tt
qqfqqf 2121 ,, = . La forme décroissante et concave des courbes
d’iso-utilité signifie que l’on a supposé que les produits sont substituables (l’augmentation de la
quantité consommée d’un produit induit la diminution de la quantité consommée de l’autre) avec taux
marginal de substitution négatif (l’utilité marginale du produit 1 diminue lorsque sa quantité
consommée augmente, on dit alors que la substitution est imparfaite).
Sur chaque courbe, l’optimum ( )tt
qq 21 , est atteint au point de tangence avec la droite (en traits pleins)
représentant la contrainte budgétaire, ayant pour équation
tttttt
qpqpqpqp 22112211 +=+ , c’est-à-dire
t
tttt
t
t
p
qpqp
q
p
p
q
2
2211
1
2
1
2
+
+−= .
A gauche, les droites en pointillés représentent les droites d’iso-coût permettant de satisfaire la
contrainte budgétaire de la période 1, c’est-à-dire qu’il s’agit des droites de coût dans lesquelles sont
fixés des niveaux de prix égaux aux prix de la période 1. Le point de tangence entre une de ces
droites et la courbe d’iso-utilité de la période 0 donne donc un point hypothétique minimisant le coût
de la période 1 avec le niveau d’utilité de la période 0.
Il s’agit donc du panier de biens ( )*0
2
0
1 ,qq tel que l’indice de Laspeyres-Konüs égale 00
*01
qp
qp
⊗
⊗
.
41
Par ailleurs, la droite d’iso-coût qui passe par le point ( )0
2
0
1 ,qq correspond à la droite de coût dans
l’hypothèse où on a les prix de la période 1 avec les quantités de la période 0, ce qui correspond au
cadre de l’indice de Laspeyres.
Le fait que la droite d’iso-coût passant par
*0
q soit située en-dessous de la droite d’iso-coût parallèle
passant par
0
q traduit donc sous forme graphique l’inégalité (1.d.2.1).
1.d.3 HYPOTHESE DE COMPLEMENTARITE DES PRODUITS ET INDICE
ASSOCIE
On reprend le graphique précédent et on suppose cette fois que les deux produits ne sont pas
substituables mais complémentaires. La forme des courbes d’iso-utilité change et devient « en L ». Le
taux marginal de substitution d’une unité de produit 1 contre une unité de produit 2 est nul lorsque la
quantité consommée de produit 1 est au moins égale à la quantité consommée du produit 2, c’est-à-
dire qu’à partir du moment où le consommateur peut constituer le panier complémentaire idéal (où
chaque produit est consommé en quantités identiques), il n’a aucun intérêt à substituer une unité d’un
produit par une unité de l’autre.
On voit bien sur le graphique que le consommateur n’a pas intérêt à modifier son panier de biens,
même si les prix relatifs changent (sauf à changer son utilité). Si l’utilité est maintenue constante à son
niveau de la période 0, modifier la contrainte budgétaire amène à choisir un panier optimal
*0
q qui
coïncide exactement avec le panier
0
q choisi sous la contrainte budgétaire de la période 0. Dans ce
cas, l’indice du coût de la vie véritable de Laspeyres-Konüs coïncide exactement avec l’indice de
Laspeyres. Il s’agit là cependant d’un cas-limite qui a beaucoup moins de probabilités d’être réalisé
que l’hypothèse de substituabilité imparfaite.
Traduisons ce résultat sous forme mathématique et dans un espace de N produits.
La fonction d’utilité associée à l’hypothèse de complémentarité des biens est la suivante :
42
Fonction d’utilité de Léontief
( )






=
N
Nqq
qf
αα
,...,min
1
1
(1.d.3.1)
Pour simplifier la présentation des calculs, nous supposons dans la suite la forme suivante :
( ) { }Nqqqf ,...,min 1=
Toutes les démonstrations qui suivent sont évidemment généralisables à la forme (1.d.3.1), puisqu’il
ne s’agit que d’un artifice d’écriture par changement d’unité de mesure des quantités consommées.
Avec cette fonction de préférences, pour un niveau d’utilité donné et un vecteur de prix donné, le seul
choix qui minimise le coût est celui qui conduit à prendre tous les iq égaux.
En effet, supposons que l’un des produits sont consommés en quantité supérieure strictement aux
autres, c’est-à-dire :
qqk k >∃ , où on note q la valeur commune de tous les autres iq : qqki i =≠∀ , .
Les deux paniers { }qq,..., et { }qqq k ,...,,..., apportent la même utilité ( ) qqf = .
Mais le coût du second panier est strictement supérieur au coût du panier dans lequel on prend une
quantité identique de tous les produits :
∑∑∑ =≠=
>+=
N
i
ikk
ki
ii
N
i
ii qpqpqpqp
11
Avec une fonction de préférence de Léontief, la minimisation du coût implique donc de prendre un
panier constitué de quantités égales pour tous les produits.
Si maintenant on cherche le panier qui maintienne constante l’utilité de la période de référence, alors
ce panier unique est déterminé par la quantité commune de produits consommée à la période 0,
00
1
0
... Nqqq === .
Ainsi on a :
( )( ) ∑∑ ==
==
N
i
ii
N
i
i qpqppqfC
1
00
1
0000
,
( )( ) ∑∑ ==
==
N
i
ii
N
i
i qpqppqfC
1
01
1
0110
,
En faisant le ratio de ces deux valeurs, on obtient le résultat suivant :
Valeur de l’indice de Laspeyres-Konüs dans le cas de biens complémentaires
Avec une fonction de préférences de Léontief,
( ) 0/1010
,, LKonüs PqppP
((
= (1.d.3.2)
On retrouve ainsi le résultat précédent d’égalité entre l’indice du coût de la vie véritable de Laspeyres-
Konüs avec l’indice des prix de Laspeyres, dans le cas d’une fonction d’utilité de Léontief, c’est-à-dire
de biens parfaitement complémentaires.
43
L’indice de Laspeyres trouve donc une justification économique dans un cas-limite qui ne correspond
pas à la réalité du marché pour la plupart des produits.
1.d.4 HYPOTHESE DE SUBSTITUABILITE CONSTANTE DES PRODUITS ET
INDICE ASSOCIE
On lève dans la suite l’hypothèse peu réaliste de complémentarité des produits et on suppose à
l’inverse que les produits sont substituables. Pour simplifier, on suppose dans un premier temps que
l’élasticité de substitution est constante dans le temps.
Examinons tout d’abord le cas dans lequel cette élasticité est égale à 1. On a alors la forme suivante
pour la fonction d’utilité (à un facteur multiplicatif près que l’on néglige car il ne change rien aux calculs
ni au résultat final) :
Fonction d’utilité de Cobb-Douglas
( ) ( )∏=
=
N
i
i
i
qqf
1
α
(1.d.4.1)
Dans cette fonction d’utilité, les pondérations iα des produits dans le panier sont stables dans le
temps.
Cette fonction étant continue de ses arguments, le programme de maximisation sous contrainte peut
se résoudre à l’aide des équations du Lagrangien.
Rappel : Le programme (1.d.1.2) est équivalent au programme d’optimisation de la fonction de
Lagrange définie comme suit :
( ) ( )( )tt
uqfqpqL −+⊗= λ
Les conditions du premier ordre s’expriment donc sous la forme du système d’équations suivant :
( )






=
∂
∂
=⇔






=
∂
∂
=
∂
∂
qfu
q
f
p
L
q
L t
i
t
i
i
;0;0 λ
λ
Résolvons un cas simplifié avec la fonction d’utilité de Cobb-Douglas, dans une économie à deux
produits, où l’on souhaite maintenir le niveau d’utilité de la période de référence.
Alors les équations du Lagrangien s’écrivent :
( )
( )
( ) ( )
( )( ) ( )
( ) ( ) ( )












==
−
=
−
=
∂
∂
∂
∂
=
−
−
−−
αα
αα
αα
α
α
α
α 1
21
0
1
2
21
1
2
1
1
2
1
1
2
1
1
;
11
qqqfu
q
q
qq
qq
q
q
f
q
q
f
p
p
La première équation correspond graphiquement à la condition de tangence entre la courbe d’iso-
utilité et la droite de contrainte budgétaire (voir § 1.d.2).
De cette première équation, on tire :
44
11
2
1
1
2
1
q
p
p
q
α
α−
=
que l’on injecte dans la seconde équation pour obtenir :
( )
1
1
2
1
1010
1
1
,
−





 −
=
α
α
α
p
p
upuq
d’où :
( )
α
α
α





 −
= 1
2
1
1010
2
1
,
p
p
upuq
Et alors la fonction de coût minimale pour le niveau d’utilité
0
u et les prix
1
p coïncide avec la
dépense associée aux prix
1
p et aux quantités optimales ci-dessus :
( )
( ) ( )
( )
( )
( )
( )
( ) ( )
( ) ( ) αα
αα
α
αα
α
αα
αα
κ
κ
α
α
α
α
α
α
α
α
−
−
−−
−
−
=
=





 −
+




 −
=





 −
+




 −
=
+=
11
2
0
2
1
1
0
1
11
2
1
1
0
11
2
1
10
11
2
1
1
1
0
1
2
1
101
2
1
1
2
1
101
1
10
2
1
2
10
1
1
1
10
.
.
11
11
,,
,
pqpq
ppu
p
p
u
p
p
u
p
p
up
p
p
up
puqppuqp
puC
Par ailleurs, la même résolution amène : ( ) ( ) ( ) αα
κ
−
=
10
2
0
2
0
1
0
1
00
., pqpqpuC
D’où la forme suivante pour l’indice du coût de la vie véritable de Laspeyres-Konüs :
( )
( )
αα −












=
1
0
2
1
2
0
1
1
1
00
10
,
,
p
p
p
p
puC
puC
On peut facilement montrer que cette propriété se généralise au cas où on a 2>N produits (les
calculs sont seulement un peu moins lisibles).
On remarque également que ce résultat ne dépend pas de la valeur de l’utilité fixée comme référence
et que, par conséquent, tous les indices de la famille de Konüs prennent ici la même valeur.
Valeur des indices de Konüs dans le cas de biens substituables avec élasticité de
substitution unitaire
Avec une fonction de préférences de Cobb-Douglas, l’indice du coût de la vie véritable est
un indice géométrique pondéré.
( ) ∏=






=
N
i i
i
Konüs
i
p
p
qppP
1
0
1
10
,,
α
(
(1.d.4.2)
45
Quelques remarques sur ce résultat :
1. On retrouve la forme générique de l’estimateur des moindres carrés pondérés dans
l’approche stochastique.
2. Si tous les produits sont équipondérés, l’indice de Konüs coïncide avec l’indice de Jevons.
L’indice de Jevons trouve donc dans ce cadre une justification économique, qui toutefois
repose sur des hypothèses fortes (élasticité de substitution unitaire entre les produits et parts
de dépense fixes dans le temps et égales pour tous les produits).
3. On remarque que l’indice des prix de Konüs dans ce cadre est indépendant du vecteur de
quantités pris comme référence. Il y a, avec l’hypothèse d’une fonction de Cobb-Douglas, une
séparabilité parfaite entre les composantes de prix et de quantité.
4. Si l’on résout le programme d’optimisation dual (1.d.1.1), on obient les formes suivantes des
fonctions de demande :
( ) t
t
p
R
pRq
1
0
0
1 , α=
( ) ( ) t
t
p
R
pRq
2
0
0
2 1, α−=
Ce qui signifie que les parts budgétaires des deux biens sont constantes dans le temps et
proportionnelles au revenu, c’est-à-dire que lorsque le revenu augmente d’une unité, cette
unité est répartie dans la consommation de bien 1 et de bien 2 toujours dans les proportions α
et 1-α (en valeur).
De plus, l’élasticité-prix croisée est nulle, c’est-à-dire que la variation du prix du produit 2 n’a
aucune incidence sur la quantité consommée du produit 1, et réciproquement.
On peut lever l’hypothèse d’élasticité de substitution unitaire et considérer par exemple la fonction
d’utilité suivante :
Fonction d’utilité CES (Constant Elasticity Substitution)
( ) ( )
1
1
1 −
=
−






= ∑
σ
σ
σ
σ
α
N
i
ii qqf (1.d.4.3)
Alors on peut montrer (mais on ne le fera pas ici) que l’indice de Laspeyres-Konüs prend la forme
suivante :
Valeur des indices de Laspeyres-Konüs dans le cas de biens substituables avec
élasticité de substitution constante σσσσ
Avec une fonction de préférences CES,
( )
σσ −
=
−














= ∑
1
1
1
1
0
1
0010
,,
N
i i
i
iKonüs
p
p
wqppP
(
(1.d.4.4)
46
On a le lien suivant entre les parts budgétaires et les coefficients iα :
( )
( )∑=
−
−
= N
k
kk
ii
i
p
p
w
1
10
10
0
σ
σ
α
α
Cet indice porte le nom des deux théoriciens qui l’ont défendu, Lloyd en 1975 et Moulton en 1996.
1.d.5 INDICE A UTILITE CONSTANTE SOUS HYPOTHESE DE PREFERENCES
HOMOTHETIQUES
Les fonctions d’utilité à élasticité de substitution constante sont des cas particuliers de préférences
homothétiques, c’est-à-dire que ce sont des fonctions linéaires homogènes, ce qui se traduit par la
propriété suivante :
Hypothèse de préférences homothétiques
( ) ( )qfqfq λλλ =∀>∀ ,,0 (1.d.5.1)
Sous cette hypothèse, la fonction de dépense est séparable en un terme qui n’est fonction que des
prix et un terme qui n’est fonction que des quantités.
Séparabilité de la fonction de dépense sous hypothèse de préférences
homothétiques
( )( ) ( ) ( )qfpcpqfC =, (1.d.5.2)
avec ( ) ( )pCpc ,1= fonction de coût unitaire
Démonstration
( )
( )
( )
( )
( )puC
qfqpu
q
u
f
u
q
pu
q
u
fqp
qf
u
qp
uqfqp
puC
N
i
iiq
N
i
i
iq
N
i
iiq
N
i
iiq
N
i
iiq
,1
1min
1
1
min
1
1
min
1
1
min
min
,
1
1
1
1
1
=






≥′′=






≥





×=






≥





×=






≥=






≥=
∑
∑
∑
∑
∑
=
′
=
=
=
=
47
La démonstration utilise, dans l’ordre : la propriété de conservation des inégalités lors de
la multiplication par un scalaire strictement positif, la propriété d’homogénéité linéaire de
la fonction d’utilité, la propriété d’homogénéité linéaire de la fonction min, et enfin un
changement de variable.
De cette propriété, il découle immédiatement que l’expression de l’indice à utilité constante se simplifie
et devient indépendante du vecteur des quantités pris comme référence (ainsi qu’on l’avait observé au
§ 1.d.4 dans le cas particulier de la fonction d’utilité de Cobb-Douglas).
Indice des prix de Konüs sous hypothèse de préférences homothétiques
( ) ( )
( )0
1
10
,,
pc
pc
qppPKonüs =
(
(1.d.5.3)
On en déduit pour l’indice des quantités dual la forme suivante, qui ne dépend pas des vecteurs de
prix :
Indice des quantités de Konüs sous hypothèse de préférences homothétiques
( ) ( )
( )0
1
1010*
,,,
qf
qf
qqppQKonüs =
(
(1.d.5.4)
Démonstration
( )
( )
( )
( )
( )( )
( )
( )
( )( )
( )
( )0
1
00
0
1
11
1
0
00
11
1010*0
1
1010*
,
,
,,,
,,,
qf
qf
pqfC
pc
pc
pqfC
pc
pc
qp
qp
qqppPV
V
qqppQ
Konüs
Konüs
=
=
⊗
⊗
=
= (
(
où on utilise uniquement la définition par test de factorité puis la propriété de séparabilité
de la fonction de dépense (1.d.5.2).
Dans la suite, on aura besoin de deux résultats issus de la théorie du consommateur, qui permettent
de relier les prix aux utilités marginales d’une part, et de manière miroir, les quantités optimales aux
coûts marginaux. Il s’agit de déclinaisons de l’identité de Wold et du lemme de Shephard.
Identité de Wold sous hypothèse de préférences homothétiques
( )
( )t
t
i
tt
t
i
qf
q
q
f
qp
p
i
∂
∂
=
⊗
∀ , (1.d.5.5)
48
Démonstration
Les équations du Lagrangien sont :
( ) ( )






=
∂
∂
=∀ ttt
i
t
i qfuq
q
f
pi ;, λ
Par ailleurs, en dérivant par rapport à iq la formule de la propriété de séparabilité
(1.d.5.2) et en l’évaluant au point
t
q , on a :
( ) ( )t
i
tt
i q
q
f
pcp
∂
∂
= , d’où :
( ) ( )t
tt
t
qf
qp
pc
⊗
==λ
En réinjectant cette formule dans les équations du Lagrangien, on obtient la propriété
désirée.
Lemme de Shephard sous hypothèse de préférences homothétiques
( )
( )t
t
i
tt
t
i
pc
p
p
c
qp
q
i
∂
∂
=
⊗
∀ , (1.d.5.6)
1.d.6 LE RETOUR DE L’INDICE DE FISHER…
1.d.6.i Expression de l’indice de Fisher sous hypothèse de préférences homothétiques
On utilise le lemme de Shephard dans sa forme simplifiée (1.d.5.6) et pour 0=t .
En multipliant les deux termes de l’équation par
1
ip et en sommant sur i , on obtient :
( ) ( )∑= ∂
∂
=
N
i i
iL p
p
c
p
pc
P
1
01
0
0/1 1(
Et de manière miroir, en prenant le lemme de Shephard pour 1=t , en multipliant les deux termes de
l’équation par
0
ip et en sommant sur i , on obtient :
( ) ( )
1
1
10
1
0/1 1
−
=






∂
∂
= ∑
N
i i
iP p
p
c
p
pc
P
(
Ce qui nous conduit à la forme suivante pour l’indice de Fisher :
Indice de Fisher sous hypothèse de préférences homothétiques
( )
( )
( )
( )10
01
0
1
0/1
pcp
pcp
pc
pc
PF
∇⊗
∇⊗
=
(
(1.d.6.1)
On ne peut évidemment pas aller plus loin sans expliciter une fonction de coût, ou de manière duale,
une fonction d’utilité.
49
1.d.6.ii Expression de l’indice de Fisher sous hypothèse de préférences quadratiques
On se place toujours sous hypothèse de préférences homothétiques, et plus précisément on suppose
une fonction d’utilité quadratique de la forme suivante :
Fonction d’utilité quadratique
( ) ∑∑= =
=
N
i
N
j
jiij qqqf
1 1
α (1.d.6.2)
où les coefficients ijα sont symétriques, c’est-à-dire jiij αα = .
Comme la forme fonctionnelle de la fonction de coût unitaire n’est pas explicitée, on ne peut pas
utiliser directement le résultat (1.d.6.1). Il faut nous ramener à une expression dépendante de la
fonction d’utilité. Une manière simple de faire cela est d’utiliser le test de factorité (1.b.7.2), et donc de
déterminer la forme de
0/1
FP
(
à partir de celle de
0/1
FQ
(
.
On part cette fois de l’identité de Wold et en applique la même démarche que dans le § 1.d.6.i.
On montre que :
( )
( )
( )
( )10
01
0
1
0/1
qfq
qfq
qf
qf
QF
∇⊗
∇⊗
=
(
Calculons donc les dérivées partielles de f par rapport aux iq .
On commence par calculer les dérivées partielles de
2
f en réorganisant les sommes de manière à
isoler le terme en iq . Tous les termes en iq étant symétrique, pour plus de lisibilité on conduit le
calcul par rapport à 1q .
( ) csteqqqqq
N
j
jj
N
i
N
j
jiij +







+= ∑∑∑ == =
1
2
1
2
111
1 1
2 ααα
d’où
( ) ∑∑ ==
=+=
∂
∂ N
j
jj
N
j
jj qqqq
q
f
1
1
2
1111
1
2
222 ααα
et donc par application des règles de dérivation sur les composées de fonctions, on a :
( ) ( )[ ] ( )
( ) ( )qf
q
qf
q
qfq
q
f
q
q
f
N
j
jj
N
j
jj ∑∑ ==−
==
∂
∂
=
∂
∂ 1
1
1
1
1
2
1
2
1
2
1
2
2
1
2
1
αα
Formule que l’on peut généraliser à tous les i , si bien que :
( ) ( ) ( ) ( )∑ ∑ ∑∑
∑
= = = =
=
==
∂
∂
=∇⊗
N
i
N
i
N
i
N
j
jiij
N
j
jij
i
i
i qq
qfqf
q
qq
q
f
qqfq
1 1 1 1
01
00
1
0
10101 1
α
α
Et de façon analogue :
( ) ( )∑∑= =
=∇⊗
N
i
N
j
jiij qq
qf
qfq
1 1
10
1
10 1
α
50
que l’on peut réécrire, en inversant les deux sommes et en utilisant la symétrie des ijα ,
( ) ( )∑∑= =
=∇⊗
N
i
N
j
jiij qq
qf
qfq
1 1
01
1
10 1
α
d’où il vient le ratio suivant :
( )
( )
( )
( )0
1
10
01
qf
qf
qfq
qfq
=
∇⊗
∇⊗
et pour finir :
( )
( ) ( )1010*
0
1
0/1
,,, qqppQ
qf
qf
Q KonüsF
((
==
Avec le test de factorité, on conclut donc immédiatement que sous l’hypothèse de préférences
quadratiques, et avec un comportement optimisateur de la part du consommateur, l’indice du coût de
la vie véritable de Konüs, ou indice à utilité constante, coïncide avec l’indice de Fisher.
Valeur des indices de Konüs sous hypothèse de préférences quadratiques
( ) 0/110
,, FKonüs PqppP
((
= (1.d.6.3)
On dira que l’indice des prix de Fisher est « exact » pour la fonction de coût unitaire c duale de la
fonction de préférences quadratique définie au (1.d.6.2). Ce terme « exact » signifie simplement que
l’indice en question coïncide exactement avec le ratio constituant l’indice du coût de la vie véritable,
( )
( )0
1
pc
pc
.
1.d.7 LES INDICES SUPERLATIFS
Les économistes appellent « forme fonctionnelle souple » une fonction qui approche au second ordre
(au sens du développement limité de Taylor) une fonction linéairement homogène arbitraire.
Lorsqu’un indice est exact pour une forme fonctionnelle souple, on dira à la suite de Diewert (1976)
qu’il s’agit d’un « indice superlatif ».
Comme la fonction quadratique est une forme fonctionnelle souple, (et que par conséquent la fonction
de coût unitaire duale l’est aussi), les indices des prix et des quantités de Fisher sont des indices
superlatifs.
Il existe d’autres indices superlatifs que l’indice de Fisher.
En considérant la fonction d’utilité quadratique d’ordre r suivante :
( ) ( ) ( )r
N
i
N
j
r
j
r
iijr qqqf ∑∑= =
=
1 1
22α
On peut mettre en évidence une classe d’indices superlatifs
*
rP
(
exacts pour la fonction de coût
unitaire duale de rf . Pour 2=r , on retrouve évidemment l’indice de Fisher.
On peut également montrer que lorsque 1=r , cet indice coïncide avec l’indice de Walsh.
51
Par ailleurs, on peut fixer une forme quadratique d’ordre r directement pour la fonction de coût
unitaire. La famille d’indices rP
(
exacts pour cette fonction constitue alors également, par définition,
une famille d’indices superlatifs. Malheureusement, rr PP
((
≠*
, ce qui signifie que ces indices ne
vérifient pas le test de factorité (sauf pour 2=r puisqu’on retrouve l’indice de Fisher).
Enfin, il existe des formes fonctionnelles souples qui ne sont pas elles-mêmes linéairement
homogènes, comme par exemple la fonction translog :
( ) ( )∑ ∑∑∑ = ===
+++++=
N
i
N
i
ii
N
j
jiij
N
i
ii ubupbubppapaapuC
1
2
00
1
0
11
0 ln
2
1
lnlnlnlnln
2
1
ln,ln
Or cette fonction barbare possède la propriété merveilleuse de rendre l’indice de Törnqvist exact (la
démonstration en fut faite par Diewert en 1976), ce qui fait de l’indice de Törnqvist un indice superlatif
au même titre que les indices de Fisher et de Walsh.
Or Diewert a également montré que les indices superlatifs donnent les uns des autres une
approximation au second ordre autour d’un point d’égalité { }1010 ; qqpp == , ce qui signifie qu’en
ce point, non seulement les valeurs des indices superlatifs se rejoignent, mais également les valeurs
de leurs dérivées premières et secondes.
Ceci, toutefois, n’assure pas que les valeurs prises par ces indices seront toujours proches les unes
des autres. En réalité, elles peuvent s’éloigner de beaucoup, surtout dans la classe des indices
« quadratiques d’ordre r » vus ci-dessus, lorsque r devient très grand.
Des études empiriques sur données de laboratoire permettent cependant de valider la proximité
effective des valeurs prises par les indices de Fisher, Walsh et Törnqvist.
1.d.8 INDICES PLOUTOCRATIQUES ET INDICES DEMOCRATIQUES
L’approche économique développée jusqu’ici suppose l’existence d’une fonction de préférences et de
vecteurs de prix identiques pour tous les consommateurs du territoire étudié. Dans la réalité, il existe
plusieurs types de ménages et plusieurs marchés pour un même produit, en fonction du lieu d’achat
par exemple, ou du réseau de distribution. On devrait donc situer le problème dans un cadre étendu
dans lequel on suppose l’existence de H types de ménages distincts, chacun ayant une fonction de
préférence
h
f et une fonction de dépense associée
h
C , et faisant face à chaque période t au
vecteur de prix
th
p ,
. Le niveau d’utilité de référence considéré pour calculer l’indice des prix dépend
du ménage et sera noté
h
u . Par ailleurs, on suppose également que chaque ménage a accès à un
ensemble de biens publics (ou variables d’environnement)
h
e qui entre comme paramètre dans la
décision de consommation des produits i . Le vecteur de consommation ( )th
N
thth
qqq ,,
1
,
,...,= est donc
le résultat du programme d’optimisation suivant, pour toute période t et tout ménage h :
52
Programme de minimisation du coût sous contrainte de niveau d’utilité,
conditionnellement à l’environnement
( ) ( ){ }thhhth
q ueqfqp ,,
,min ≥⊗ (1.d.8.1)
A partir de la résolution de ce programme, il est possible de définir deux sortes d’indices à utilité
constante, selon la manière dont on souhaite pondérer les ménages.
Indice du coût de la vie ploutocratique conditionnel
( ) [ ] ( ) [ ] ( ) [ ] ( ) [ ]( )
( )
( )∑
∑
=
=
∈∈∈∈
= H
h
hhhh
H
h
hhhh
Hh
h
Hh
h
Hh
h
Hh
h
plouto
peuC
peuC
euppP
1
0,
1
1,
;1;1;1
1,
;1
0,
,,
,,
,,,
(
(1.d.8.2)
On évalue donc le coût minimal total pour la population conditionnellement aux variables
d’environnement, et en autorisant les niveaux d’utilité atteints par les différents ménages à être
différents. Les variables d’environnement et les niveaux d’utilité étant fixés, l’indice des prix est le
rapport du coût minimal total atteint à la période 1 sur le coût minimal total atteint à la période 0. Seuls
les prix changent entre le numérateur et le dénominateur, ce qui correspond bien à une estimation de
l’impact seul de la variation des prix sur la dépense totale.
Les indices ainsi définis forment une famille, c’est-à-dire qu’il y a autant d’indices possibles que de
vecteurs
h
e et de niveau d’utilité
h
u pris comme références.
Si l’on prend par exemple pour ces paramètres leurs niveaux en période 0, on définit un indice de
Laspeyres ploutocratique, tandis que si l’on prend les niveaux de la période 1, on définit un indice de
Paasche ploutocratique. La moyenne géométrique simple de ces deux indices définit un indice de
Fisher ploutocratique.
Indice du coût de la vie de Laspeyres ploutocratique conditionnel
( )
( )∑
∑
=
=
− = H
h
hhhh
H
h
hhhh
ploutoL
peuC
peuC
P
1
0,0,0,
1
1,0,0,
0/1
,,
,,
(
(1.d.8.3)
Borne supérieure de l’indice de Laspeyres ploutocratique conditionnel
∑
∑
=
=
−
⊗
⊗
≤ H
h
hh
H
h
hh
ploutoL
qp
qp
P
1
0,0,
1
0,1,
0/1
(
(1.d.8.4)
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Cours les indices de prix de la théorie à la pratique acp version publique 2013

  • 1. Les indices de prix De la théorie à la pratique Axelle Chauvet-Peyrard
  • 2. 2 Date de rédaction : Février 2013 Date de dernière mise à jour : Mai 2013
  • 3. 3 Un indice des prix est un indicateur synthétique, ou une statistique, qui résume l’information contenue dans un ensemble de vecteurs de prix et de quantités afin de fournir une estimation de l’inflation sur un certain ensemble de marchés. Il existe en France une série d’indice des prix à la consommation (IPC) depuis 1914. Mais des premiers essais d’indice des prix ont eu lieu dès le XVIII ème siècle avec les études économiques de Nicolas Dutot sur les prix et la masse monétaire. À cette époque, les prix font déjà l’objet de relevés depuis au moins deux siècles, puisque l’ordonnance de Villers-Cotterêts, sous le règne de François 1 er , fait déjà état de l’obligation d’enregistrement, par les greffes, des prix des « gros fruits » et autres denrées alimentaires principales sur les marchés. Depuis la seconde guerre mondiale et avec la création de l’institut national de la statistique et des études économiques (Insee) s’est institutionnalisé le suivi des prix à la consommation, des prix sur les marchés agricoles et des prix de gros dans l’industrie. L’IPC et l’IPP (indice des prix à la production) sont dorénavant des outils majeurs de la mesure conjoncturelle de l’inflation, utilisés aussi bien au niveau français qu’européen. Ils figurent parmi les indicateurs principaux du tableau de bord de la banque centrale européenne (BCE). On peut considérer que la théorie des indices a été stabilisée dans les années 1920, avec les travaux mathématiques parallèles des américains Irving Fisher et Correa Moylan Walsh et l’approche microéconomique complémentaire proposée par l’économiste russe A. Konüs. Ces fondements théoriques sont l’objet de la première partie du cours. Mais alors, pourquoi continuer à écrire sur les indices ? Si la théorie est bien établie, pourquoi construire un indice de prix s’avère-t-il toujours aussi problématique ? Deux réponses à cette question : La première pourra sembler tautologique : théorie n’est pas pratique. Et en substance, la théorie des indices préconise des formules qui ne pourront jamais être appliquées dans la vie réelle, car elles nécessitent des informations dont le statisticien ne dispose pas à la date à laquelle il doit calculer l’indice. La seconde est la raison qui justifie toute recherche en statistique et en économétrie : les axiomes de base de la théorie des indices s’avèrent non vérifiés dans un certain nombre de cas. En l’occurrence,
  • 4. 4 la méthode généralement suivie pour construire un indice de prix repose sur le suivi dans le temps des prix d’un « panier » de produits constitué à la période de base et maintenu constant pendant toute la période d’observation et de construction de la série d’indices. Cette obligation de suivi d’un panier « fixe » de produits pose plusieurs problèmes. D’abord, les marchés sont en perpétuel mouvement ; les produits offerts évoluent avec les possibilités technologiques ; la répartition du budget des consommateurs, avec le contexte socioéconomique. Les catalogues des magasins s’adaptent à la demande locale, et les goûts des consommateurs changent dans le temps. En pratique donc, le « panier » n’est jamais constant… Ensuite, certains produits, bien que stables sur le long terme, sont « saisonniers », c’est-à-dire que leur consommation, en quantité et en parts de budget, peut être variable d’un mois sur l’autre, et en conséquence, leur prix également. Les profils saisonniers s’accordent malheureusement très mal avec la théorie générale des indices. Enfin, il existe des secteurs dans lesquels, par définition même, le « produit » auquel on s’intéresse a une durée de vie très limitée sur le marché : par exemple, la vente d’un logement neuf n’a lieu qu’une seule fois dans la vie du logement. Dans ces secteurs il est naturellement impossible d’établir un indice à panier fixe. Il faudra alors définir une nouvelle formule d’indice. À la difficulté du suivi dans le temps du « panier » de la théorie s’ajoutent des difficultés à sa constitution, et en particulier à la récupération d’informations fiables et suffisamment détaillées sur les parts budgétaires de chaque « produit » retenu dans le panier. Ces développements « pratico-théoriques » font l’objet de la deuxième partie du cours. Enfin, on a considéré qu’il pouvait être utile d’entrer un peu dans les secrets de fabrication des indices de prix majeurs calculés et publiés aujourd’hui par l’Insee. C’est l’objet de la troisième et dernière partie du cours, qui sera également l’occasion de proposer une démarche simple et générique pour la construction d’un indice des prix ex nihilo. J’invite le lecteur à prendre connaissance du sommaire ainsi que du guide de lecture qui suivent, qui pourront l’orienter au mieux dans sa découverte du cours, en fonction de son profil. *** Je tiens à remercier : M. Dominique Guédès, responsable à l’Insee de la division des prix à la consommation de 2003 à 2010, pour son attentive relecture et ses remarques toujours pertinentes. M. Alain Gallais, responsable à l’Insee de la division des prix à la production dans l’industrie et les services depuis 2008, pour son expertise précieuse dans le domaine des prix à la production.
  • 5. 5 Sommaire SOMMAIRE 5 AVERTISSEMENT AU LECTEUR 7 GUIDE DE LECTURE 7 1 LA THEORIE GENERALE DES INDICES DE PRIX 9 1.A L’APPROCHE COMPTABLE 9 1.B L’APPROCHE AXIOMATIQUE 21 1.C L’APPROCHE STOCHASTIQUE 31 1.D L’APPROCHE ECONOMIQUE 38 1.E SYNTHESE : LA « MEILLEURE » FORMULE D’INDICE 57 2 DIFFICULTES PRATIQUES ET REPONSES METHODOLOGIQUES 63 2.A LE CHAÎNAGE : TO LINK OR NOT TO LINK, THAT IS THE QUESTION 63 2.B L’AGREGATION EN PLUSIEURS ETAPES 66 2.C LE TRAITEMENT DE L’EFFET QUALITE 77 2.D LES PRODUITS SAISONNIERS 103 2.E SYNTHESE : LES ERREURS ET BIAIS POSSIBLES DE L’INDICE 114 3 LES INDICES DE PRIX EN PRATIQUE 119 3.A LE CADRE REGLEMENTAIRE 119 3.B LES UTILISATIONS DES INDICES DE PRIX 127 3.C LES INDICES DE PRIX A L’INSEE 131 3.D CONSTRUIRE UN INDICE DE PRIX : LES QUESTIONS A SE POSER, LES REPONSES DE L’IPC ET DE L’IPP 142 3.E SYNTHESE : CONVERGENCES ET DIVERGENCES ENTRE L’IPC ET L’IPP 157 4 APPROFONDISSEMENTS ET APPLICATIONS 161 4.A PETITS DEVELOPPEMENTS SUR LES INDICES DE LOWE 161 4.B SIMULATIONS SUR JEU DE DONNEES 165 TABLES ET INDEX 175 A. INDEX DES FORMULES ET PROPRIETES ENONCEES 177 B. RECAPITULATIF DES FORMULES D’INDICE LES PLUS UTILISEES 181 C. SOMMAIRE DETAILLE 185 BIBLIOGRAPHIE 191
  • 6. 6
  • 7. 7 Avertissement au lecteur Ce cours est conçu comme une introduction aux indices de prix, qui peut être lue dans son ensemble, du début à la fin, ou être abordé à travers une seule de ses parties, en fonction des centres d'intérêt et des situations du lecteur. Il est volontairement situé en dehors de toute polémique. En particulier, nous partons du principe qu'il est connu du lecteur qu'un IPC ne cherche pas à rendre compte du pouvoir d'achat ni même du « coût de la vie ». L’Insee ayant par ailleurs déjà communiqué sur le sujet à plusieurs reprises, on trouvera facilement des éléments sur ce sujet sur internet. Le cours est organisé selon une logique de progression du plus théorique au plus concret. Plus on entre dans le détail pratique des choses, et plus les éléments énoncés sont dépendants de la date à laquelle a été rédigé le cours, c’est-à-dire en février 2013 (dernière mise à jour en mai 2013). Ainsi, la première partie est certainement la plus stable au cours du temps, puisqu’elle décrit une théorie qui est bien établie depuis un siècle environ, et que les développements récents n’ont pas révolutionnée. La deuxième partie est également assez stable ; si les exemples pris peuvent être frappés de caducité, les principes quant à eux ont peu de chances d’être profondément modifiés dans les vingt années à venir. La troisième partie, par contre, est fortement ancrée dans le présent. Les indices calculés par l’Insee sont susceptibles de se modifier, dans leur liste, leur contenu méthodologique ou leur contexte légal. Le lecteur devra conserver cet élément à l’esprit lorsqu’il lira cette partie, et particulièrement en ce qui concerne les détails méthodologiques de l’IPC et de l’IPP, qui sont en constante mutation. Guide de lecture Le cours vise plus particulièrement des statisticiens ayant des connaissances de base en mathématiques, statistique, microéconomie et économétrie, et souhaitant découvrir la méthodologie des indices de prix, soit qu'ils soient eux-memes destinés à travailler sur un indice de prix, soit qu'ils souhaitent simplement acquérir un niveau minimum de connaissance sur le sujet. Le statisticien des prix débutant lira de préférence l’ensemble du document, dans l’ordre proposé. S’il est pressé ou avide de passage à la pratique, il pourra choisir de ne conserver de la première partie que sa synthèse, au § 1.e.1, puis lira la partie 2 en détails. Le statisticien des prix non débutant, curieux de connaître les fondements théoriques de son indice, sera intéressé par la partie 1. Le statisticien en charge de la création d’un indice de prix pourra être prioritairement intéressé par le § 3.d, qu’il pourra compléter ensuite par la lecture de la partie 2. Le lecteur curieux mais n’ayant que peu de temps à accorder au sujet se satisfera des synthèses proposées aux § 1.e.1, 2.e et 3.e. Situé en fin de document, un sommaire détaillé permet de naviguer plus facilement dans les pages.
  • 8. 8
  • 9. 9 1 La théorie générale des indices de prix Un indice des prix est un indicateur synthétique, ou une statistique, qui résume l’information contenue dans un ensemble de vecteurs de prix et de quantités afin de fournir une estimation de l’inflation sur un certain ensemble de marchés. Dans cette première partie du cours, on s’intéresse à l’approche théorique des indices (de prix et de quantités), en d’autres termes, on cherche à savoir quelle formule appliquer aux vecteurs de prix et de quantités disponibles en entrée pour obtenir un indicateur synthétique qui rende compte au mieux du phénomène étudié (la croissance générale des prix ou des volumes échangés dans l’économie). Dans cette partie théorique, on adopte un formalisme mathématique simple, qui permet de représenter de manière synthétique les propriétés établies de manière littérale. Dans la suite du cours, le formalisme sera progressivement relâché, à mesure que l’on aborde des questions de plus en plus pratiques. Notations Dans toute la partie théorique, on notera ⊗ l’opérateur de produit scalaire entre deux vecteurs de même taille. On admettra les propriétés suivantes du produit scalaire, qui par ailleurs se montrent très facilement : Propriété de symétrie abba ⊗=⊗ Propriété d’homogénéité ( ) ( )baba ⊗=⊗ℜ∈∀ λλλ , Propriété de monotonie bababaa ⊗≥⊗′>∀>≥′∀ ,0,0 1.a L’approche comptable 1.a.1 LA DECOMPOSITION DE LA VALEUR Les indices de prix sont utilisés par les comptes nationaux pour déflater l’évolution des transactions qui sont observées en valeur, et obtenir ainsi des évolutions en volume. On peut donc dire que la préoccupation centrale dans le contexte de la comptabilité nationale est d’obtenir une formule de décomposition de la valeur en une composante de prix et une composante de quantités. La première approche des indices de prix part donc de la formule suivante : Test de factorité ( ) ( )10101010 0 1 ,,,,,, qqppQqqppP V V (( = (1.a.1.1)
  • 10. 10 Dans cette approche, on compare la période 1 (période courante) à une période 0 (période de référence) et on suppose que l’évolution de la valeur V entre ces deux périodes peut être décomposée en un indice de prix P ( et un indice de quantité Q ( , les deux indices étant des fonctions des vecteurs de prix p et des vecteurs de quantité q des deux périodes. La valeur, les prix et les quantités au sein d’une période t sont (par définition) liés par la formule suivante : Définition de l’agrégat en valeur ∑= =⊗= N i t i t i ttt qpqpV 1 . (1.a.1.2) 1.a.2 LES INDICES DE PANIER-TYPE On cherche donc à séparer la variation de prix « pure » de la variation des quantités échangées. Pour cela, la manière la plus simple consiste à fixer un vecteur de quantités q représentatif des volumes échangés entre la période 0 et la période 1, puis de calculer l’indice des prix correspondant comme étant le rapport des valeurs de ce panier-type aux périodes 0 et 1. L’indice de prix « pur » s’écrit donc comme suit : Indice de panier-type qp qp PLowe ⊗ ⊗ = 0 1 0/1 ( (1.a.2.1) Ce type d’indice a été proposé pour la première fois par Lowe en 1823 et porte donc son nom. Une partie importante de la question consiste à déterminer le panier représentatif, autrement dit le vecteur q . Une solution simple peut être de prendre comme référence le vecteur des quantités de la période 0, 0 q . Une autre solution simple serait de prendre 1 q . Ces deux solutions simples constituent les indices de panier-type les plus connus, respectivement connus sous les noms d’indice de Laspeyres et indice de Paasche, du nom des deux statisticiens, Etienne Laspeyres et Hermann Paasche, qui ont défendu ces formules dans les années 1870. Indice de panier-type de Laspeyres 00 01 0/1 qp qp PL ⊗ ⊗ = ( (1.a.2.2) Indice de panier-type de Paasche 10 11 0/1 qp qp PP ⊗ ⊗ = ( (1.a.2.3)
  • 11. 11 1.a.3 UNE AUTRE ECRITURE DES INDICES DE PANIER-TYPE Dans la pratique, on ne dispose pas des vecteurs de quantités échangées mais plutôt des parts de dépenses en valeur, c’est-à-dire que l’on connaît, pour la période t , le vecteur t w où, pour chaque produit, la part de dépense t iw associée au produit i s’écrit : Définition des parts de dépense tt t i t i N j t j t j t i t it i qp qp qp qp w ⊗ == ∑= . . . 1 (1.a.3.1) Il peut donc être utile d’exprimer les formules d’indice précédentes en fonction de t w et non plus de t q . On obtient : Indice de Laspeyres en fonction des parts de dépense 0/10 1 0 1 00/1 . pw p p wP N i i i iL (( ⊗== ∑= (1.a.3.2) Démonstration ∑∑ ∑ ∑ ∑∑ ∑ == = = == = ==== N i i i i N i N j jj ii i i N i N j jj i iN i ii N i ii L w p p qp qp p p qp q p qp qp P 1 0 0 1 1 1 00 00 0 1 1 1 00 0 1 1 00 1 01 0/1 ( Indice de Paasche en fonction des parts de dépense ( ) ( )( )110/1111/01 1 1 0 1 0/1 . 1 −−− = ⊗=⊗== ∑ pwpw p p w P N i i i i P ((( (1.a.3.3) Démonstration 1 1 1 1 0 1 1 11 1 1 0 1 1 11 1 10 1 10 1 11 0/1 − = − = = − = = = =       =             =             == ∑ ∑ ∑ ∑ ∑ ∑ ∑ N i i i i N i ii i N i iN i ii N i ii N i ii N i ii P w p p qp q p qp qp qp qp P ( L’indice de Laspeyres est donc une moyenne arithmétique (des indices élémentaires) pondérée par les valeurs de la période de référence, alors que l’indice de Paasche est une moyenne harmonique (toujours des indices élémentaires) pondérée par les valeurs de la période finale.
  • 12. 12 1.a.4 LES INDICES ELEMENTAIRES DE PRIX Dans les formules précédentes, on a introduit la notation 0/1 p ( pour désigner le vecteur des indices élémentaires de prix de la période 1 par rapport à la période 0, mesurant l’évolution des prix entre la période 0 et la période 1. Indice élémentaire de prix 0 1 0/1 i i i p p p = ( (1.a.4.1) La notation 1/0 p ( quant à elle désigne clairement le vecteur des indices élémentaires de prix entre la période 1 et la période 0, c’est-à-dire où l’on compare les prix de la période 0 aux prix de la période 1 vue comme période de référence, ce qui revient à raisonner à rebours de la chronologie habituelle. Les indices élémentaires présentent la propriété naturelle de réversibilité, c’est-à-dire que l’on a la relation suivante : Réversibilité des indices élémentaires de prix ( ) 10/11/0 − = ii pp (( (1.a.4.2) Cette propriété assure que l’indice de prix ne dépend pas de la période prise comme référence. On verra que cette propriété raisonnable n’est malheureusement pas partagée par tous les indices, et elle ne l’est en particulier pas par les indices de Lowe (donc pas non plus par les indices de Laspeyres ni de Paasche). Les indices élémentaires présentent également la propriété de circularité, qui est une extension de la propriété de réversibilité : Circularité (transitivité) des indices élémentaires de prix 0/11/20/2 . iii ppp ((( = (1.a.4.3) Cette propriété assure que, si en période 2 le niveau général des prix revient à son niveau de la période 0, alors l’indice chaîné entre les périodes 0 et 2 (tel que défini par le membre de droite de l’équation précédente) vaut 1. Comme la circularité implique la réversibilité, les indices non réversibles ne seront pas non plus circulaires. Ainsi, les indices de Lowe et ses déclinaisons Laspeyres et Paasche ne sont pas circulaires. Le chaînage de ces indices introduit donc un biais qui s’aggrave au fur et à mesure qu’on s’éloigne de la période de référence. Nous reviendrons sur ce point ultérieurement.
  • 13. 13 Pour finir, on remarquera facilement que les indices élémentaires de prix sont évidemment des indices de prix purs puisqu’ils ne dépendent que des vecteurs de prix aux périodes 0 et 1 et pas des vecteurs de quantité. Au niveau produit, le partage volume-prix est donc toujours réalisé. Partage volume-prix au niveau élémentaire 0/10/1 0 1 ii i i qp V V (( = (1.a.4.4) où l’on introduit la notation 0/1 iq ( pour désigner l’indice élémentaire de quantité du produit i entre les périodes 0 et 1. Démonstration 0/10/1 0 1 0 1 00 11 0 1 ii i i i i ii ii i i qp q q p p qp qp V V (( === 1.a.5 LES INDICES DE QUANTITE Par analogie, il est possible de définir des indices de quantité de Laspeyres et de Paasche comme suit : Indice des quantités de Laspeyres 00 01 0/1 pq pq QL ⊗ ⊗ = ( (1.a.5.1) Indice des quantités de Paasche 10 11 0/1 pq pq QP ⊗ ⊗ = ( (1.a.5.2) On aimerait que les indices de Laspeyres et Paasche vérifient le test de factorité (1.a.1.1), mais ce n’est pas le cas. En effet, si le test de factorité était vérifié pour les indices des prix et des quantités de Laspeyres, on aurait : 0/10/1 0 1 LL QP V V (( = c’est-à-dire : 00 01 00 01 00 11 pq pq qp qp qp qp ⊗ ⊗ ⊗ ⊗ = ⊗ ⊗ soit, en utilisant la propriété de symétrie du produit scalaire : 00 10 00 01 00 11 qp qp qp qp qp qp ⊗ ⊗ ⊗ ⊗ = ⊗ ⊗ c’est-à-dire, en multipliant les deux membres
  • 14. 14       ⊗ ⊗ × 10 00 qp qp : 00 01 10 11 qp qp qp qp ⊗ ⊗ = ⊗ ⊗ ce qui n’est ni plus ni moins que l’égalité : 0/10/1 PL PP (( = Or cette égalité n’est vérifiée que si les vecteurs de quantité aux périodes 0 et 1 sont proportionnels. Dans le cas général, donc, les indices des prix et des quantités de Laspeyres ne vérifient pas le test de factorité. On montrerait de manière équivalente que le même problème se pose avec les formules de Paasche. Dans la suite, on introduit la notion de dualité pour désigner les indices qui vérifient le test de factorité, c’est-à-dire que pour un indice des prix donné 0/1 XP ( , on appellera indice des quantités dual de 0/1 XP ( , et on notera ( ) 0/1* XQ ( , l’indice des quantités tel que l’égalité suivante est vraie : Définition de l’indice des quantités dual ( ) 0/1*0/1 0 1 XX QP V V (( = (1.a.5.3) On montre alors facilement que les indices de Laspeyres et Paasche sont duals l’un de l’autre, c’est-à- dire qu’on a les égalités suivantes : Test de factorité croisé des indices de Laspeyres et Paasche 0/10/10/10/1 0 1 LPPL QPQP V V (((( == (1.a.5.4) Démonstration 0 1 00 11 10 11 00 01 0/10/1 V V qp qp pq pq qp qp QP PL = ⊗ ⊗ = ⊗ ⊗ ⊗ ⊗ = (( où l’on a seulement utilisé la propriété de symétrie du produit scalaire. Avec la notation précédemment introduite, on peut donc écrire : Indice des quantités dual de Laspeyres ( ) 0/10/1* PL QQ (( = (1.a.5.5) Indice des quantités dual de Paasche ( ) 0/10/1* LP QQ (( = (1.a.5.6)
  • 15. 15 1.a.6 PROPRIETES DES INDICES DE LASPEYRES ET PAASCHE Les indices de Laspeyres et de Paasche possèdent quelques bonnes propriétés. En particulier, ils possèdent la propriété d’associativité, que ne possèdent généralement pas les autres indices. Cette propriété énonce que, si l’on partitionne l’espace des produits en M sous-ensembles et que l’on calcule l’indice en 2 étapes, d’abord sur chacun des sous-ensembles, puis à partir des indices des sous-ensembles, sur l’espace entier, on obtient la même chose que si on calcule directement l’indice avec tous les produits. Cette propriété est particulièrement appréciable en pratique car, comme nous le verrons ultérieurement, les instituts de statistiques ont souvent besoin de calculer les indices en plusieurs étapes. Pour exprimer cette propriété avec une formule, on part de la forme (1.a.3.2) de l’indice et on introduit les notations suivantes : [ ]Mm ;1∈∀ , m∆ est le m ème sous-ensemble de produits, où la famille { } [ ]Mmm ;1∈ ∆ forme une partition de l’ensemble des produits, ( ) ∑∆∈ = mi t i t wmw est la pondération totale des produits du sous-ensemble m∆ , ( ) 0/1 0 0 0/1 i i j j i L p w w mP m m (( ∑ ∑∆∈ ∆∈ = est l’indice de Laspeyres restreint au sous-ensemble m∆ , Alors on a : Associativité de l’indice des prix de Laspeyres ( ) ( )∑= = M m LL mPmwP 1 0/100/1 (( (1.a.6.1) Démonstration ( ) ( ) ( ) ( ) 0/1 1 0/10 1 1 0/10 1 1 0/10 1 0/10 1 0/1 0 0 0 1 0/10 L N j jj N j M m jjj M m N j jjj M m j jj M m j j j M m L P pw pw pw pw p mw w mw mPmw m m m m ( ( ( ( ( ( ( = = Ι= Ι= =         = ∑ ∑ ∑ ∑∑ ∑ ∑ ∑ ∑ ∑ = = = ∆∈ = = ∆∈ = ∆∈ = ∆∈ =
  • 16. 16 où l’on utilise pour conclure le fait que [ ] mjmNj ∆∈∃∈∀ ,!,;1 , ce qui implique que 1, 1 =Ι∀ ∑= ∆∈ M m j m j . C’est-à-dire que l’agrégation de Laspeyres des sous-indices (membre de droite de l’égalité) coïncide avec l’indice de Laspeyres calculé sur l’ensemble des produits. On montrerait de manière analogue que : Associativité de l’indice des prix de Paasche ( ) ( )( ) 1 1 10/110/1 − = −       = ∑ M m PP mPmwP (( (1.a.6.2) Par ailleurs, les indices de Laspeyres et Paasche sont des fonctions continues, strictement positives, qui possèdent de bonnes propriétés d’homogénéité et de monotonie. On passe en revue ci-dessous ces propriétés pour l’indice de Laspeyres, en sachant que des propriétés équivalentes peuvent être exprimées pour l’indice de Paasche. Proportionnalité de l’indice de Laspeyres par rapport aux prix courants = homogénéité de degré 1 par rapport au vecteur 1 p ( ) ( )0100/10100/1 ;;;;,0 qppPqppP LL (( λλλ =>∀ (1.a.6.3) Cette propriété signifie que si on compare deux situations A et B (par exemple deux pays) dans lesquels, partant d’un niveau de prix strictement identique à la période 0, on observe que les prix de la période 1 dans le pays B sont strictement proportionnels à ceux du pays A avec un facteur uniforme λ, alors l’indice du pays B va lui aussi être λ fois plus élevé que l’indice du pays A. Ceci implique notamment que l’indice est invariant à une conversion monétaire des prix. Proportionnalité inverse de l’indice de Laspeyres par rapport aux prix de référence = homogénéité de degré -1 par rapport au vecteur 0 p ( ) ( )0100/110100/1 ;;;;,0 qppPqppP LL (( − =>∀ λλλ (1.a.6.4) L’histoire que cette propriété raconte étant évidemment la même que précédemment… Ces deux propriétés de proportionnalité prises ensemble assurent que l’indice des prix est invariant lorsqu’on change l’unité monétaire de mesure des prix, ce qui se traduit sous la forme suivante : ( ) ( )0100/101010/1 ;;;;,0 qppPqppP LL (( =>∀ − λλλ Invariance de l’indice de Laspeyres lors d’une modification proportionnelle des quantités = homogénéité de degré 0 par rapport au vecteur q ( ) ( )0100/10100/1 ;;;;,0 qppPqppP LL (( =>∀ λλ (1.a.6.5)
  • 17. 17 Cette propriété énonce que l’indice des prix ne sera pas modifié en cas de modification proportionnelle (c’est-à-dire en cas de changement d’unité, ou d’échelle) des quantités de référence. C’est donc une propriété raisonnable pour un indicateur censé synthétiser l’évolution pure des prix. Les trois propriétés d’homogénéité précédentes découlent immédiatement de la propriété d’homogénéité du produit scalaire. Croissance de l’indice de Laspeyres par rapport aux prix courants ( )       ′ <⇒ ′ < 0100/10100/111 ;;;; qppPqppPpp LL (( (1.a.6.6) Cette propriété signifie que si on compare deux situations A et B (par exemple deux pays) dans lesquels, partant d’un niveau de prix et de quantités strictement identiques à la période 0, on observe que les prix de la période 1 dans le pays B sont tous supérieurs (dont au moins un strictement) à ceux du pays A, alors l’indice du pays B va lui aussi être (strictement) supérieur à l’indice du pays A. C’est là encore une propriété qui semble naturelle. Décroissance de l’indice de Laspeyres par rapport aux prix de référence ( )       ′ >⇒ ′ < 0100/10100/100 ;;;; qppPqppPpp LL (( (1.a.6.7) Propriété miroir de la précédente. Ces deux propriétés de monotonie découlent directement de la propriété de croissance du produit scalaire de deux vecteurs positifs. Enfin, on montre facilement que les indices de Laspeyres et de Paasche sont bornés par les évolutions de prix extrêmes : Bornes de l’indice de Laspeyres [ ] [ ]Nii i L Nii i p p P p p ;1 0 1 0/1 ;1 0 1 maxmin ∈∈         ≤≤        ( (1.a.6.8) 1.a.7 LA OU LE BAT BLESSE… En revanche, comme dit précédemment, les indices de Laspeyres et de Paasche ne vérifient ni la propriété de circularité, ni la propriété de réversibilité temporelle. En effet, la question formelle de la réversibilité revient à la question du test de factorité. Comme on peut écrire : 1 0 0/1 11 00 00 01 11 01 1/0 V V Q pq pq pq pq pq pq P LL (( = ⊗ ⊗ ⊗ ⊗ = ⊗ ⊗ =
  • 18. 18 On a alors : 0 1 0/10/10/11/0 1 V V PQPP LLLL =⇔= (((( Comme la seconde équation est fausse dans le cas général, la première l’est également. Ce qui prouve que l’indice de Laspeyres n’est pas réversible, et donc pas circulaire non plus. Illustrons ce problème à l’aide de quelques chiffres : Considérons une économie à 3 produits a, b et c, observée pendant 3 périodes 0, 1 et 2. On suppose dans un premier temps que les quantités consommées sont constantes sur les trois périodes de temps. Les produits a et b représentent des produits de consommation courante alors que le produit c est consommé rarement. Faisons les hypothèses suivantes sur les prix : Le prix du produit a croît tendanciellement, tandis que le produit b connaît une période de soldes en période 1 avant de revenir à son niveau initial de prix en période 2. Enfin, le produit « cher » de l’économie, le produit c, a un prix stable sur les trois périodes considérées. Quantités consommées Prix en 0 Prix en 1 Prix en 2 Produit a 10 1 1,5 2 Produit b 10 2 0,5 2 Produit c 1 8 8 8 1/0 0/1 1/0 * 0/1 2/1 2/0 2/1 * 1/0 Laspeyres 0,74 1,36 1 1,71 1,26 1,26 Paasche 0,74 1,36 1 1,71 1,26 1,26 Avec l’hypothèse de quantités constantes, les propriétés de réversibilité et de circularité sont vérifiées. De plus, les indices de Laspeyres et de Paasche sont égaux. Supposons maintenant qu’il y ait des effets de substitution entre les produits a et b en fonction de leurs évolutions de prix et que les quantités consommées se modifient comme suit : En période 1, la totalité de la consommation du produit a se reporte sur le produit b en soldes ; en période 2, la moitié de la consommation du produit a se reporte sur le produit b en raison de la trop grande inflation sur le produit a. La consommation du produit c ne change pas. Qté en 0 Qté en 1 Qté en 2 Produit a 10 0 5 Produit b 10 20 15 Produit c 1 1 1
  • 19. 19 1/0 0/1 1/0 * 0/1 2/1 2/0 2/1 * 1/0 Laspeyres 0,74 2,67 1,96 2,67 1,26 1,96 Paasche 0,37 1,36 0,51 2,09 1,12 0,78 Sans l’hypothèse de quantités constantes, les propriétés de réversibilité et de circularité ne sont plus vérifiées, et loin s’en faut. L’exemple pris est volontairement extrême (quoique tout à fait réaliste) et met bien en exergue la dépendance des indices de Laspeyres et Paasche à la période de référence. De plus, on remarque que les indices de Laspeyres et de Paasche peuvent être très différents l’un de l’autre. On remarque que l’indice de Paasche est systématiquement inférieur à l’indice de Laspeyres. C’est une propriété générale qui est partout vraie sous certaines hypothèses et peut être mathématiquement démontrée. Le fait que l’indice de Laspeyres va certainement surestimer l’inflation peut se comprendre intuitivement par le fait que le choix de prendre les pondérations de la période de référence implique que l’on ignore justement les effets de substitution entre produits résultant de la variation des prix. En conservant les pondérations de la période de référence, on surpondère les produits à plus forte inflation (sous l’hypothèse que les quantités relatives consommées varient en sens inverse des prix relatifs des produits, ce qui est une hypothèse souvent raisonnable pour les produits de consommation courante comme dans l’exemple présenté). On peut montrer en effet la relation suivante entre les indices de Laspeyres et de Paasche : Différence entre les indices de Laspeyres et de Paasche ( ) 0/1 0/10/1 0/10/1 ;cov L PL Q qp PP ( (((( −=− (1.a.7.1) Démonstration A partir de la définition habituelle de la covariance et en remarquant que l’indice de Laspeyres peut être vu comme l’espérance de la variable aléatoire « rapport de prix entre les périodes 0 et 1 », on peut définir comme suit une « covariance » entre les vecteurs de rapports de prix et de rapports de quantités : ( ) ( )( )∑= −−= N i LiLii QqPpwqp 1 0/10/10/10/100/10/1 ;cov (((((( En développant, on obtient : ( ) ∑∑∑∑ ==== +−−= N i iLL N i iiL N i iiL N i iii wQPpwQqwPqpwqp 1 00/10/1 1 0/100/1 1 0/100/1 1 0/10/100/10/1 ;cov (((((((((( ( ) 0/10/10/10/10/10/1 1 0/10/100/10/1 ;cov LLLLLL N i iii QPPQQPqpwqp (((((((((( +−−= ∑=
  • 20. 20 ( ) 0/10/1 1 0/10/100/10/1 ;cov LL N i iii QPqpwqp (((((( −= ∑= Pour obtenir l’égalité désirée, il suffit par conséquent de prouver que : ∑= = N i iiiLP qpwQP 1 0/10/100/10/1 (((( Or avec la formule (1.a.5.4) on sait que : 0 1 0/10/1 V V QP LP = (( d’où : ∑∑ ∑ ∑ ∑∑ ∑ == = = == = ==== N i iii N i i i i i N j jj ii N i iiN j jj N i ii N i ii LP qpw q q p p qp qp qp qpqp qp QP 1 0/10/10 1 0 1 0 1 1 00 00 1 11 1 00 1 00 1 11 0/10/1 1 (((( Pour reprendre la discussion précédente : lorsque les vecteurs de prix et de quantité sont anticorrélés, on a donc bien 0/10/1 PL PP (( ≥ . Ces deux remarques : L’absence de réversibilité temporelle, et Les différences substantielles qui peuvent séparer les deux mesures, ont conduit les théoriciens des prix du début du XX ème siècle à rechercher des formules plus pertinentes. On peut par exemple envisager, au lieu de prendre les quantités de la période 0 ou celles de la période 1, d’utiliser des quantités résultant d’une moyenne des deux périodes. En appliquant une moyenne symétrique (c’est-à-dire équipondérée en 0 et en 1) avec une formule soit arithmétique soit géométrique, on obtient les indices présentés dans le tableau suivant. On ajoute également le résultat de la moyenne géométrique entre les indices de Laspeyres et Paasche. 1/0 0/1 1/0 * 0/1 2/1 2/0 2/1 * 1/0 Laspeyres 0,74 2,67 1,96 2,67 1,26 1,96 Paasche 0,37 1,36 0,51 2,09 1,12 0,78 Lowe avec moy. ari. simple des quantités 0,53 1,87 1 2,34 1,19 1,25 Lowe avec moy. géo. simple des quantités 0,42 2,35 1 2,54 1,18 1,08 Moy. géo. simple de L et P 0,53 1,90 1 2,36 1,19 1,24
  • 21. 21 On remarque que les trois nouveaux indices vérifient la propriété de réversibilité. Ils ne vérifient pas la propriété de circularité, mais en sont moins loin que Laspeyres et Paasche. Leurs valeurs sont toujours situées entre la valeur de Paasche et celle de Laspeyres. Leurs valeurs sont très proches des unes des autres, à une exception : l’indice de Lowe avec moyenne géométrique simple des quantités s’écarte des autres lorsqu’une des deux périodes comparées est la période 1. Cela s’explique en fait par la nature des données choisies, et en particulier la présence d’une quantité égale à 0 pour le produit a en période 1. La moyenne géométrique est alors aberrante (pour calculer l’indice, il a fallu imputer une valeur positive quoique très proche de 0, ici on a choisi 0,01 – il reste que de cette manière la moyenne géométrique s’écarte beaucoup de la moyenne arithmétique, d’où les valeurs un peu atypiques de cet indice à cet endroit). L’indice de Lowe avec moyenne arithmétique simple des quantités a été proposé pour la première fois en 1887 par Marshall, puis repris en 1925 par Edgeworth, et porte donc le nom de ces deux économistes. Sa variante avec moyenne géométrique a été défendue par Walsh, un des contributeurs principaux à l’approche axiomatique de la théorie des indices, que l’on examine dans le § 1.b. Ses deux ouvrages majeurs sont The Measurement of General exchange value, paru en 1901, et The Problem of estimation, paru en 1921. Enfin, la moyenne géométrique des indices de Laspeyres et de Paasche constituait l’indice préféré de l’économiste américain Irving Fisher, père de la théorie quantitative de la monnaie qui s’est également intéressé de près à la théorie des indices, notamment à travers son ouvrage The Making of index numbers : A study of their varieties, tests and reliability, paru en 1922, soit trente ans après son premier titre, Mathematical investigations in the theory of value and prices. On verra que ces trois indices présentent en effet les bonnes propriétés qu’ils semblent avoir dans l’exemple présent, et en particulier celle de réversibilité temporelle. L’indice de Fisher, nous y reviendrons, est quant à lui souvent considéré comme l’indice le « meilleur », et ce quelle que soit l’approche adoptée. 1.b L’approche axiomatique Cette approche, qui fut celle de Fisher et de Walsh, est également appelée approche par les tests (dans un sens non statistique du terme), dans la mesure où il s’agit de « tester » tel indice candidat selon une liste de bonnes propriétés établies a priori. Certaines de ces propriétés sont assez universellement admises, alors que d’autres sont sujettes à controverse. Parmi ces propriétés, on retrouve évidemment celles vérifiées précédemment par les indices de Laspeyres et de Paasche. Par ailleurs, certaines approches associent étroitement indices des prix et indices des quantités : on attendra de l’indice des quantités dual de l’indice des prix « test » qu’il vérifie lui aussi une batterie de
  • 22. 22 bonnes propriétés, souvent miroir des propriétés émises pour l’indice des prix. D’autres auteurs préfèrent se concentrer sur les propriétés de l’indice des prix. On supposera que tous les prix et toutes les quantités sont strictement positifs. On considèrera que dans le cas général les indices de prix et de quantités sont des fonctions des 4 vecteurs 0 p , 1 p , 0 q et 1 q . 1.b.1 TESTS GENERAUX Ces propriétés n’ont pas été énoncées plus haut pour les indices de Laspeyres et de Paasche, mais ceux-ci les vérifient trivialement. G1 Positivité ( ) 0,,, 1010 >qqppP ( (1.b.1.1) G2 Continuité ( )1010 ,,, qqppP ( est une fonction continue de ses arguments (1.b.1.2) G3 Test des prix constants (ou test d’identité) ( ) 1,,, 1000 =qqppP ( (1.b.1.3) Si les prix ne changent pas, l’indice des prix vaut 1. G4 Test des quantités constantes (ou test de panier-type) ( ) ( )0100/1 00 01 0010 ,,,,, qppP qp qp qqppP Lowe (( = ⊗ ⊗ = (1.b.1.4) Si les quantités ne changent pas, l’indice coïncide avec l’indice de panier-type. G5 Invariance à la permutation des produits Pour toute fonction de permutation σ , ( ) ( ) ( ) ( )( ) ( )10101010 ,,,,,, qqppPqqppP (( =σσσσ (1.b.1.5) G6 Invariance à la modification des unités de mesure (test de commensurabilité) En notant × la multiplication terme à terme de deux vecteurs a et b, c’est-à-dire ( ) iii baba =× , et en notant 1/a le vecteur composé des inverses des composantes de a, c’est-à-dire ii aa 11 =      , On doit avoir :
  • 23. 23 ( )10101010 ,,, 1 , 1 ,, qqppPqqppP (( =      ×××× αα αα (1.b.1.6) Ce qui signifie que l’indice doit être insensible aux unités de mesure choisies pour les produits, à condition que ces unités restent les mêmes aux périodes 0 et 1. 1.b.2 TESTS D’HOMOGENEITE On retrouve ici les propriétés énoncées au § 1.a.6 pour les indices de Laspeyres et de Paasche (propriétés H1 à H3 correspondant aux formules 1.a.6.3 à 1.a.6.5). H1 Proportionnalité par rapport aux prix courants ( ) ( )10101010 ,,,,,,,0 qqppPqqppP (( λλλ =>∀ (1.b.2.1) H2 Proportionnalité inverse par rapport aux prix de référence ( ) ( )101011010 ,,,,,,,0 qqppPqqppP (( − =>∀ λλλ (1.b.2.2) H3 Invariance lors d’une modification proportionnelle des quantités de référence ( ) ( )10101010 ,,,,,,,0 qqppPqqppP (( =>∀ λλ (1.b.2.3) H4 Invariance lors d’une modification proportionnelle des quantités courantes ( ) ( )10101010 ,,,,,,,0 qqppPqqppP (( =>∀ λλ (1.b.2.4) 1.b.3 TESTS DE MONOTONIE On retrouve là encore des propriétés énoncées au § 1.a.6 pour les indices de Laspeyres et de Paasche (propriétés M1 et M2 correspondant aux formules 1.a.6.6 et 1.a.6.7). M1 Croissance par rapport aux prix courants ( )       ′ <⇒ ′ < 1010101011 ,,,,,, qqppPqqppPpp (( (1.b.3.1) M2 Décroissance par rapport aux prix de référence ( )       ′ >⇒ ′ < 1010101000 ,,,,,, qqppPqqppPpp (( (1.b.3.2) 1.b.4 TESTS DE SYMETRIE Les deux propriétés qui suivent ne sont pas vérifiées par les indices de Laspeyres et de Paasche mais constituent cependant deux bonnes propriétés attendues d’un indice des prix.
  • 24. 24 S1 Symétrie des arguments de quantité ( ) ( )10100110 ,,,,,, qqppPqqppP (( = (1.b.4.1) Cette propriété impose que les périodes 0 et 1 entrent de manière symétrique dans la détermination des pondérations de l’indice. Elle est assez controversée car non nécessairement compatible avec l’approche économique. Toutefois, un certain nombre d’indices la vérifient, parmi lesquels les trois indices introduits au § 1.a.7, de Fisher, Walsh et Marshall-Edgeworth. S2 Réversibilité temporelle ( ) ( )( ) 110100101 ,,,,,, − = qqppPqqppP (( (1.b.4.2) Contrairement à la précédente, cette propriété-ci semble essentielle pour tous les théoriciens des prix. Elle est, comme évoqué au § 1.a.7, également partagée par les indices de Fisher, Walsh et Marshall- Edgeworth. 1.b.5 TESTS DE BORNES B1 Bornes par les évolutions de prix extrêmes [ ] ( ) [ ]Nii i Nii i p p qqppP p p ;1 0 1 1010 ;1 0 1 max,,,min ∈∈         ≤≤        ( (1.b.5.1) Il s’agit de la dernière propriété énoncée au § 1.a.6 pour les indices de Laspeyres et de Paasche (formule 1.a.6.8). Il semble naturel, pour un indice mesurant une sorte de moyenne des évolutions de prix, d’être situé à l’intérieur des évolutions les plus extrêmes. B2 Bornes par les indices de Laspeyres et Paasche ( ) ( ) ( )0101010110 ,,,,,,, qppPqqppPqppP LP ((( ≤≤ (1.b.5.2) Bien que non énoncée précédemment, cette propriété est trivialement vérifiée par les indices de Laspeyres et de Paasche. 1.b.6 TESTS POUR L’INDICE DES QUANTITES DUAL On n’énonce que les propriétés qu’il est nécessaire de tester si on veut qu’elles soient vérifiées, c’est- à-dire seulement celles qui ne sont pas directement impliquées par les propriétés portant sur l’indice des prix dual. M1’ Croissance par rapport aux quantités courantes ( )       ′ <⇒ ′ < 1010101011 ,,,,,, qqppQqqppQqq (( (1.b.6.1) M2’ Décroissance par rapport aux quantités de référence ( )       ′ >⇒ ′ < 1010101000 ,,,,,, qqppQqqppQqq (( (1.b.6.2)
  • 25. 25 S1’ Symétrie des arguments de prix ( ) ( )10101001 ,,,,,, qqppQqqppQ (( = (1.b.6.3) B1’ Bornes par les évolutions de quantités extrêmes [ ] ( ) [ ]Nii i Nii i q q qqppQ q q ;1 0 1 1010 ;1 0 1 max,,,min ∈∈         ≤≤        ( (1.b.6.4) 1.b.7 QUELS INDICES VERIFIENT CES TESTS ? On entend montrer dans ce paragraphe que l’unique indice vérifiant l’ensemble des propriétés énoncées ci-dessus est l’indice de Fisher. Indice de Fisher ( ) ( ) ( )11001010100/1 ,,,,,,, qppPqppPqqppPP PLFF (((( == (1.b.7.1) 1.b.7.i L’indice de Fisher vérifie les 20 propriétés énoncées Pour les propriétés G, on admet que les indices de Laspeyres et Paasche les vérifient (démonstration immédiate en revenant à la définition). G1 0/1 FP ( est positive en tant que composée de fonctions qui le sont (fonction racine carrée d’une part, produit des fonctions indices de Laspeyres et Paasche d’autre part). G2 0/1 FP ( est continue en tant que composée de fonctions qui le sont. G3 ( ) ( ) ( ) 11.1,,,,,,, 1000001000 === qppPqppPqqppP PLF ((( G4 ( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( )010010010 0100100010 ,,,,,, ,,,,,,, qppPqppPqppP qppPqppPqqppP LLL PLF ((( ((( == = est bien un indice de panier-type. G5 découle immédiatement du fait que les indices de Laspeyres et de Paasche la vérifient G6 idem
  • 26. 26 H1 ,0>∀λ ( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( )1010 110010 110010 1100101010 ,,, ,,,, ,,,, ,,,,,,, qqppP qppPqppP qppPqppP qppPqppPqqppP F PL PL PLF ( (( (( ((( λ λ λλ λλλ = = = = Les autres propriétés H se montrent exactement de la même manière. Les propriétés M découlent immédiatement du fait que Laspeyres et Paasche vérifient ces propriétés ainsi que la propriété de positivité, et que la fonction racine carrée est croissante. De la même manière, les propriétés B découlent immédiatement du fait que Laspeyres et Paasche vérifient ces propriétés, de la positivité de tous les termes comparés, et de la croissance de la fonction racine carrée. Les propriétés S sont les seules pour lesquelles on ne peut pas utiliser des résultats équivalents pour Laspeyres et Paasche. La démonstration de ces propriétés pour l’indice de Fisher doit dont repartir des définitions des indices de Laspeyres et Paasche. S1 ( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( )1010 010110 00 01 10 11 010110 0110 ,,, ,,,, ,,,, ,,, qqppP qppPqppP qp qp qp qp qppPqppP qqppP F LP PL F ( (( (( ( = = ⊗ ⊗ ⊗ ⊗ = = S2 ( ) ( ) ( ) ( ) ( )( ) ( )( ) 11010 1 110010 1 10 11 00 01 01 00 11 10 001101 0101 ,,, ,,,, ,,,, ,,, − − − = =         ⊗ ⊗ ⊗ ⊗ = ⊗ ⊗ ⊗ ⊗ = = qqppP qppPqppP qp qp qp qp qp qp qp qp qppPqppP qqppP F PL PL F ( (( (( ( S1’ Démonstration analogue à celle de S1.
  • 27. 27 De plus, l’indice de Fisher satisfait au test de factorité. Test de factorité pour l’indice de Fisher ( ) ( )10101010 0 1 ,,,,,, qqppQqqppP V V FF (( = (1.b.7.2) Démonstration 0 1 0 1 0 1 0/10/10/10/1 0/10/10/10/1 0/10/1 . . . V V V V V V QPQP QQPP QP LPPL PLPL FF = = = = (((( (((( (( 1.b.7.ii L’indice de Fisher est l’unique indice vérifiant l’ensemble des 20 propriétés énoncées En fait, les propriétés G1, S1, S2 et S1’ suffisent à déterminer la forme fonctionnelle de l’indice de manière univoque. Partons de la formule (1.b.6.3) correspondant à la propriété S1’ sur l’indice des quantités : ( ) ( )10101001 ,,,,,, qqppQqqppQ (( = Et réécrivons-la en fonction des indices de prix, en utilisant pour cela la formule de factorité (1.a.1.1) : ( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( )101000 11 100101 10 ,,, 1 , , ,,, 1 , , qqppPqpV qpV qqppPqpV qpV (( = Mais grâce à la propriété S1, on a : ( ) ( )01011001 ,,,,,, qqppPqqppP (( = Et grâce à la propriété S2, on a : ( ) ( )1010 0101 ,,, ,,, 1 qqppP qqppP ( ( = Donc la propriété S1’ se réécrit : ( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( )101000 11 1010 01 10 ,,, 1 , , ,,, , , qqppPqpV qpV qqppP qpV qpV ( ( = Donc : ( )( ) ( ) ( ) ( ) ( )10 01 00 11 21010 , , , , ,,, qpV qpV qpV qpV qqppP = ( Et, en développant les fonctions de valeur :
  • 28. 28 ( )( ) 10 11 00 01 10 01 00 11 21010 ,,, qp qp qp qp qp qp qp qp qqppP ⊗ ⊗ ⊗ ⊗ = ⊗ ⊗ ⊗ ⊗ = ( Où l’on reconnaît la définition des indices de Laspeyres et de Paasche. Pour conclure, on doit enfin invoquer la propriété G1 de positivité stricte de l’indice, qui nous permet de passer à la racine carrée et d’écrire : ( ) ( ) ( )1100101010 ,,,,,,, qppPqppPqqppP PL ((( = 1.b.8 UNE APPROCHE ALTERNATIVE Les développements précédents amenèrent Fisher à conclure que la moyenne géométrique des indices de Laspeyres et de Paasche constituait l’indice « idéal ». Cette conclusion, toutefois, est étroitement dépendante de la liste des propriétés fixées a priori comme souhaitables pour l’indice. Cette liste de propriétés repose elle-même sur un cadre théorique dans lequel, par exemple, on suppose que les variables d’intérêt sont les vecteurs de prix et les vecteurs de quantités. Mais si, comme Walsh, on considère au contraire que les variables d’intérêt sont le vecteur des rapports de prix d’une part, et les vecteurs de dépenses en valeur d’autre part, alors on est conduit à reformuler les propriétés précédentes, à en laisser certaines de côté et à en introduire de nouvelles. Considérons par conséquent le nouveau jeu de propriétés suivant : G1 Positivité ( ) 0,, 100/1 >vvpP (( (1.b.8.1) G2 Continuité ( )100/1 ,, vvpP (( est une fonction continue de ses arguments (1.b.8.2) G3 Test des prix constants (ou test d’identité) ( ) 1,,1 10 =vvP ( (1.b.8.3) Si les prix ne changent pas, l’indice des prix vaut 1. G5 Invariance à la permutation des produits Pour toute fonction de permutation σ , ( ) ( ) ( )( ) ( )100/1100/1 ,,,, vvpPvvpP (((( =σσσ (1.b.8.4) H1 Proportionnalité par rapport aux rapports de prix ( ) ( )100/1100/1 ,,,,,0 vvpPvvpP (((( λλλ =>∀ (1.b.8.5) H3 Invariance lors d’une modification proportionnelle des valeurs de référence ( ) ( )100/1100/1 ,,,,,0 vvpPvvpP (((( =>∀ λλ (1.b.8.6)
  • 29. 29 H4 Invariance lors d’une modification proportionnelle des valeurs courantes ( ) ( )100/1100/1 ,,,,,0 vvpPvvpP (((( =>∀ λλ (1.b.8.7) M1 Croissance par rapport aux rapports de prix ( )       ′ <⇒ ′ < 100/1100/10/10/1 ,,,, vvpPvvpPpp (((((( (1.b.8.8) S1 Symétrie des arguments de valeurs ( ) ( )100/1010/1 ,,,, vvpPvvpP (((( = (1.b.8.9) S2 Réversibilité temporelle ( ) ( )( ) 1100/1011/0 ,,,, − = vvpPvvpP (((( (1.b.8.10) S3 Transitivité (sous condition de pondérations fixes) ( ) ( ) ( )vvpPvvpPvvpP ′=′′ ,,,,,, 0/20/11/2 (((((( (1.b.8.11) B1 Bornes par les évolutions de prix extrêmes ( ) [ ] ( ) ( ) [ ]NiiNii pvvpPp ;1 0/1100/1 ;1 0/1 max,,min ∈∈ ≤≤ (((( (1.b.8.12) Quelques remarques : 1) Les équations d’invariance H3 et H4 impliquent qu’il est équivalent, dans la formule d’indice, d’utiliser les vecteurs de dépenses en valeur 0 v et 1 v ou bien les vecteurs de parts de dépense 0 w et 1 w . Dans la suite, on considèrera donc qu’on cherche une formule d’indice qui est une fonction des rapports de prix ainsi que des parts de dépense aux périodes 0 et 1. 2) On a laissé de côté les propriétés G4 et B2 qui ne sont pas universellement admises. Le test de limitation par les indices de Laspeyres et de Paasche, notamment, n’est pas vérifié par l’indice de Walsh, qui par ailleurs vérifie toutes les propriétés émises aux § 1.b.1 à 1.b.5 sur les indices de prix. La propriété G4 est évidemment vérifiée par tous les indices de panier- type et donc en particulier par l’indice de Walsh, mais on verra que lorsqu’on se place dans une approche axiomatique différente, on peut être amené à définir des indices de prix géométriques, qui ne sont pas des indices de panier-type mais qui pourtant vérifient de nombreuses bonnes propriétés. 3) Les propriétés G6, H2, M2 sont rendues implicites par le fait qu’on ne considère plus de manière séparée les arguments 0 p et 1 p . 4) Enfin, on introduit une propriété S3 de transitivité des indices de prix par rapport aux rapports de prix, les pondérations en valeur étant prises constantes sur les trois périodes considérées. Il s’agit d’une variante (non équivalente) du test de transitivité de Fisher que l’on a évoquée au § 1.a.
  • 30. 30 Test de transitivité de Fisher ( ) ( ) ( )202021211010 ,,,,,,,,, qqppPqqppPqqppP ((( = Cette propriété n’est vérifiée ni par les indices de panier-type, ni par l’indice de Fisher (voir contre-exemple au § 1.a.7). En fait, on peut montrer que les seuls indices satisfaisant au test de transitivité de Fisher ainsi qu’aux propriétés G1, G2, G3, G6, H1 et H3 s’écrivent sous la forme d’une moyenne géométrique pondérée des rapports de prix, avec pondérations non dépendantes du temps. On voit bien que des indices de cette forme vont également satisfaire le test de transitivité tel qu’exprimé sous la forme (1.b.8.11). 5) Laissons de côté le test de transitivité de Fisher et revenons aux propriétés exprimées ci- dessus dans le cadre axiomatique alternatif proposé. Il peut être démontré que les indices satisfaisant aux propriétés énoncées ont la forme de moyennes géométriques pondérées des rapports de prix : Indice géométrique pondéré ( ) ( ) ( ) ∏= = N i ww iG ii pwwpP 1 ,0/1100/1 10 ,, µ((( (1.b.8.13) Les pondérations sont des fonctions continues positives des vecteurs de parts de dépense 0 w et 1 w . Il existe alors une infinité de solutions au problème. On peut en particulier prendre une moyenne symétrique de ces parts de dépense. Avec une moyenne arithmétique simple la formule coïncide avec l’indice proposé par Törnqvist, tandis qu’avec une moyenne géométrique simple on tombe sur l’indice géométrique de Walsh, variante de l’indice de Walsh introduite par lui-même. Indice de Törnqvist ( ) ( ) ( ) ∏= + = N i ww iT ii pwwpP 1 2 1 0/1100/1 10 ,, ((( (1.b.8.14) Si l’on ajoute les deux hypothèses suivantes sur les pondérations, on se retrouve dans un cas de détermination univoque de la forme fonctionnelle de l’indice. P1 Séparabilité des pondérations ( )( ) ( )100/1100/1 ,,,,1,...,,...,1 iiii wwpfvvpP ((( = (1.b.8.15) Cette propriété signifie que si seul le prix du produit i a changé entre les périodes 0 et 1, alors l’indice ne dépend pas des dépenses effectuées pour les autres produits. Un tel indice n’est plus une fonction que de 3 paramètres : le rapport des prix du produit i entre les périodes 0 et 1 et les parts de dépense en produit i aux périodes 0 et 1. P2 Invariance de l’indice aux évolutions de prix des produits non pondérés ( )( )( )( ) 1,...,0,...,,,...,0,...,,1,...,,...,1 11 1 00 1 0/1 =NNi vvvvpP (( (1.b.8.16)
  • 31. 31 Alors on peut montrer (mais on ne le fera pas ici) que l’indice de Törnqvist est l’unique indice vérifiant l’ensemble des 14 propriétés énoncées dans ce § 1.b.8. Cette approche peut sembler purement théorique et non directement utile pour l’établissement d’un indice de prix. On pourrait penser qu’il est tout à fait possible de se contenter des indices de panier-type, surtout lorsque comme l’indice de Walsh, ils vérifient la propriété de réversibilité temporelle. On pourrait également se contenter de la démonstration d’optimalité de l’indice de Fisher dans la première approche axiomatique. La suite va faire réapparaître l’indice de Törnqvist sur le devant de la scène et donner du sens à la présente approche. 1.c L’approche stochastique 1.c.1 APPROCHE NON PONDEREE En 1863, l’économiste britannique William Stanley Jevons est le premier à proposer une approche statistique des indices de prix. Cette approche repose sur l’hypothèse que les rapports de prix oscillent autour d’un taux d’inflation général commun. Modèle stochastique logarithmique ( ) i i i p p εα +=      lnln 0 1 (1.c.1.1) Les ( ) [ ]Nii ;1∈ ε étant des variables aléatoires indépendantes, identiquement distribuées et centrées, que l’on appelle « résidus » du modèle. On peut résoudre ce modèle en prenant par exemple l’estimateur des moindres carrés ordinaires (MCO). On rappelle que cette méthode consiste à minimiser l’erreur quadratique des résidus, c’est-à-dire, comme ceux-ci sont supposés centrés, minimiser la quantité suivante : ( ) ( )∑∑ ==         −        = N i i i N i i p p NN 1 2 0 1 1 2 lnln 11 αε On dérive cette expression par rapport à α : ( )∑=         −       − N i i i p p N 1 0 1 lnln 12 α α Et on cherche le α tel que cette dérivée soit nulle. Sous les hypothèses du modèle (1.c.1.1), l’estimateur des MCO du paramètre ( )αln est alors : ( ) ∑=       = N i i i p p N 1 0 1 ln 1 ln α
  • 32. 32 On peut choisir de prendre l’exponentielle de cet estimateur comme estimateur du taux d’inflation α , même si celui-ci ne sera pas sans biais dans le cas général. C’est l’estimateur proposé par Jevons : Indice de Jevons N N i iJ pP ∏= = 1 0/10/1 (( (1.c.1.2) Il s’agit de la moyenne géométrique non pondérée des rapports de prix. En spécifiant un modèle différent, on aboutirait évidemment à une autre solution. Par exemple, en posant un modèle stochastique linéaire (et non plus logarithmique), l’estimateur des MCO coïncide avec la moyenne arithmétique des rapports de prix (et non plus géométrique). L’indice qui en découle est nommé d’après l’économiste italien qui l’a proposé en 1764, un siècle avant le développement de l’approche stochastique par Jevons, pour mesurer l’impact de la découverte de l’Amérique sur l’augmentation des prix. Indice de Carli ∑= = N i iC p N P 1 0/10/1 1 (( (1.c.1.3) L’indice de Carli est un estimateur sans biais du taux d’inflation, ce que n’est pas l’indice de Jevons. Mais il présente le gros inconvénient de ne pas satisfaire au test de réversibilité, alors que l’indice de Jevons, si (la démonstration de ce point est immédiate avec la forme multiplicative de l’indice de Jevons et la réversibilité des indices élémentaires). L’approche stochastique de Jevons fut reprise et appuyée par Edgeworth, mais critiquée violemment par Keynes, qui ne croit pas à l’existence d’un taux d’inflation unique autour duquel graviteraient de manière aléatoire tous les rapports de prix. De plus, il réfute l’hypothèse du bruit blanc, c’est-à-dire qu’il ne croit pas que les écarts entre les rapports de prix et le taux d’inflation général soient indépendants les uns des autres. Au contraire, il affirme qu’ils sont corrélés, et que cette corrélation dépend du niveau relatif des dépenses dédiées aux différents produits, ce qui oblige, a minima, à prendre en considération les pondérations des différents produits. Les « erreurs d’observation », la conception de l’indice des prix comme « des tentatives manquées d’atteindre le centre d’une seule et même cible », la « variation moyenne objective des prix généraux » d’Edgeworth, tout cela résulte d’une confusion de pensées. Il n’y a pas de centre de la cible. Il n’y a pas de centre mouvant mais unique, qu’on appelle niveau général des prix ou variation moyenne objective des prix généraux, autour duquel sont dispersés les niveaux de prix mouvants des différentes choses. Il existe toutes les conceptions diverses, assez définies, des niveaux de prix
  • 33. 33 de produits composites adaptées à la diversité des objectifs (…). Il n’y a rien d’autre. Jevons poursuivait un mirage. (…) dans le cas des prix, le mouvement du prix d’un produit influe forcément sur les mouvements des prix d’autres produits, et l’ampleur de ces mouvements compensatoires dépend de l’ampleur de la variation des dépenses consacrées au premier produit, comparée à celle des dépenses consacrées aux produits touchés en second lieu. C’est pourquoi, plutôt qu’une « indépendance », il existe entre les « erreurs » commises dans des « observations » successives ce que certains spécialistes des probabilités ont appelé « corrélation » (…). Nous ne pouvons donc pas aller plus loin avant d’avoir énoncé la loi de corrélation requise. Mais celle-ci ne peut être énoncée sans faire référence à l’importance relative des produits touchés. Keynes, A Treatise on Money in Two Volumes: 1:The Pure Theory of Money, 1930 1.c.2 APPROCHES STOCHASTIQUES PONDEREES 1.c.2.i L’estimateur pondéré de Theil Keynes n’est pas le premier à formuler des critiques sur l’approche stochastique non pondérée. En 1901, Walsh exprimait déjà qu’il était toujours meilleur de pondérer les produits avec des pondérations imprécises plutôt que de ne pas pondérer du tout. Mais il faudra attendre les travaux de Theil dans les années 1960 pour que soit développée une approche stochastique pondérée. Theil reprend une spécification logarithmique du modèle et propose d’améliorer l’estimateur en pondérant les observations par des poids individuels iw bien choisis. Theil recommande d’utiliser comme poids une moyenne symétrique des parts de dépense en produit i aux périodes 0 et 1 : Poids de Theil 2 10 ii i ww w + = (1.c.2.1) Avec les poids de Theil, l’estimateur tiré des moindres carrés pondérés (MCP) coïncide avec la formule de Törnqvist énoncée au § 1.b.8.14. En effet, l’estimateur des MCP pour le paramètre ( )αln s’écrit dans le cas général : ( ) ∑=       = N i i i i p p w 1 0 1 lnln α D’où on tire l’estimateur suivant pour le paramètre α : ∏=         = N i w i i i p p 1 0 1 ˆα L’estimateur tiré des MCP coïncide donc avec la formule d’indice géométrique pondéré introduite par (1.b.8.13). Avec les poids de Theil, on retrouve donc bien la formule de Törnqvist.
  • 34. 34 Depuis Theil et surtout dans les années 1980 à 2000, plusieurs statisticiens se sont essayés à l’approche stochastique pondérée des indices de prix 1 . On trace ci-après les grandes lignes de leurs recherches, les avantages qu’elles proposent, ainsi que leurs limites. 1.c.2.ii Un cadre formel commun Réécrivons les deux modèles envisagés au § 1.c.1 précédent, en y ajoutant explicitement la dimension temporelle. Modèle stochastique linéaire itt i t i p p εα +=0 (1.c.2.2) Modèle stochastique logarithmique ( ) itt i t i p p εα +=      lnln 0 (1.c.2.3) On peut justifier la spécification logarithmique en remarquant que les rapports de prix sont forcément bornés inférieurement par 0 et que, par conséquent, leur loi de distribution n’est pas symétrique autour de 0, comme ce que l’on suppose dans (1.c.2.2). L’approche non pondérée pose comme hypothèse que les erreurs itε sont indépendantes entre elles et normalement distribuées autour de 0, c’est-à-dire que tε est un bruit blanc : Hypothèse de bruit blanc ( ) ( ) 2 var;0 tititE σεε == (1.c.2.4) Lorsque Keynes dit que les variations de prix d’un produit ont un impact sur les variations de prix des autres produits, il revient à dire que les résidus du modèle précédent sont en fait autocorrélés. Il faut alors changer l’hypothèse (1.c.2.4) comme suit : Hypothèse d’autocorrélation des résidus ( ) ( ) i t itit w E 2 var;0 σ εε == (1.c.2.5) 1 Voir pour une synthèse de ces approches l’article « On the stochastic approach to index numbers » proposé par WE Diewert à la 1 ère réunion du groupe d’Ottawa, 1995.
  • 35. 35 1.c.2.iii L’estimateur des moindres carrés pondérés La résolution du modèle avec hypothèse d’autocorrélation des résidus (1.c.2.5) conduit aux estimateurs des MCP. Avec la spécification linéaire (1.c.2.2) l’estimateur des MCP du paramètre tα est un indice de Lowe : Estimateur linéaire pondéré ∑= = N i i t i it p p w 1 0 ˆα (1.c.2.6) C’est une version pondérée de l’indice de Carli (1.c.1.3). Avec la spécification logarithmique (1.c.2.3) l’estimateur du paramètre tα obtenu en prenant l’exponentielle de l’estimateur des MCP du paramètre ( )tαln est un indice géométrique pondéré : Estimateur logarithmique pondéré ∏=       = N i w i t i t i p p 1 0 ˆα (1.c.2.7) C’est une version pondérée de l’indice de Jevons (1.c.1.2). 1.c.2.iv Ce qu’apporte l’approche pondérée En prenant comme pondérations les parts de dépense en produit i à la période 0 : 0 ii ww = , l’estimateur linéaire pondéré coïncide avec l’indice de Laspeyres. Ce résultat permet de justifier statistiquement la formule de Laspeyres (l’indice de Laspeyres est un estimateur sans biais du taux d’inflation général), et de déterminer pour cette formule une formule simple de calcul d’intervalles de confiance. Avec la spécification logarithmique et en prenant comme pondérations une moyenne symétrique des parts de dépense en produit i aux périodes 0 et t : ( )t iii www += 0 2 1 , l’estimateur logarithmique pondéré coïncide avec la formule d’indice de Theil (et donc de Törnqvist). Ce choix permet de combiner la justification statistique avec les bonnes propriétés de la formule de Törnqvist. Là encore on peut dorénavant produire des intervalles de confiance pour l’indice. 1.c.2.v Ajout d’une tendance individuelle au modèle L’approche pondérée précédente ne répond qu’à la seconde objection de Keynes (celle qui porte sur l’autocorrélation des résidus).
  • 36. 36 Pour répondre à la première (il n’existe pas d’inflation générale commune à tous les produits), on peut aussi envisager d’ajouter au modèle une variable explicative de l’effet individuel. Ainsi l’inflation propre à un produit-type donné sera la somme de l’inflation générale et de l’effet individuel. Modèle logarithmique avec tendance individuelle ( ) itit i t i p p εβα ++=      lnln 0 (1.c.2.8) On se place toujours dans l’hypothèse hétéroscédastique (1.c.2.5). Et on ajoute l’hypothèse que les effets individuels pondérés se compensent : Hypothèse de colinéarité des effets individuels 0 1 =∑= n i iiw β (1.c.2.9) Alors on peut montrer que sous cette hypothèse, la résolution du modèle (1.c.2.8) conduit au même estimateur du maximum de vraisemblance pour ( )tαln que le modèle (1.c.2.3). Donc l’indice géométrique pondéré par les iw est là encore un estimateur recevable du taux d’inflation général. 1.c.2.vi Critique de l’approche pondérée La faiblesse principale des approches stochastiques pondérées précédemment décrites réside dans les hypothèses faites sur les iw . Traduite en termes économiques, l’approche consistant à pondérer les observations par leurs parts de dépense revient à dire que plus un produit représente une part importante du budget, moins ses prix relatifs sont dispersés autour de la moyenne. Or rien ne permet d’affirmer cela, et on peut même prouver empiriquement que l’hypothèse est grossièrement fausse. Cette faiblesse est évidemment aggravée dans le cas du modèle avec tendance individuelle, puisqu’on y suppose en plus que ces mêmes iw sont ceux qui lient ensemble les tendances individuelles. En outre, dans ce modèle, l’inflation portée par un produit i est la somme entre l’inflation générale et la tendance individuelle ; or l’estimateur issu des MCP pour le paramètre iβ présente le gros inconvénient de dépendre du nombre de périodes considérées dans le modèle 2 . L’approche stochastique semble donc échouer dans son ensemble. Toutefois il existe une perspective dans laquelle elle conserve sa légitimité entière : c’est celle dans laquelle les prix suivis ne constituent pas la population des prix disponibles, mais seulement un échantillon de ceux-ci. 2 Pour plus de détails sur ces aspects, voir l’article de Diewert précité.
  • 37. 37 1.c.3 REHABILITATION DE L’APPROCHE STOCHASTIQUE : UNE PERSPECTIVE PUREMENT STATISTIQUE Edgeworth défendait l’approche pondérée avec un argument statistique : un produit représentatif dont le prix est très variable est un indicateur moins fiable de la tendance générale de l’inflation, donc devrait être moins pondéré dans l’estimateur de cette tendance. Mais, au-delà, la véritable justification de l’approche stochastique pondérée se trouve dans l’approche par échantillonnage. Dans cette approche, on suppose que les N rapports de prix observés constituent un échantillon dont chaque élément i a une probabilité d’inclusion égale à iw . Si l’on suppose que les rapports de prix sont tirés aléatoirement et proportionnellement aux parts de dépense de chaque produit dans la période de référence, alors l’estimateur des MCP, dans le modèle linéaire, coïncide avec l’indice de Laspeyres, tandis que si on suppose les rapports de prix tirés proportionnellement aux parts de dépense des produits dans la période courante, l’estimateur des MCP est l’indice de Paasche. Les deux mesures étant également recevables mais donnant des estimations potentiellement très différentes, une solution peut être de prendre une moyenne symétrique des pondérations, et ainsi d’estimer l’inflation générale commune par une formule de Walsh ou encore de Marshall-Edgeworth. Si l’on suppose toujours que les rapports de prix sont tirés aléatoirement et proportionnellement aux parts de dépense de chaque produit dans la période de référence, et que l’on se place cette fois dans le modèle logarithmique, alors l’estimateur issu des MCP coïncide avec l’indice géométrique de Laspeyres. En supposant les rapports de prix tirés proportionnellement aux parts de dépense des produits dans la période courante, on retombe sur l’indice géométrique de Paasche. Henri Theil, pour sa part, retient la moyenne arithmétique simple des parts de dépense comme pondérations des observations. L’hypothèse sous-jacente peut s’interpréter comme suit : dans le tirage aléatoire des rapports de prix observés, on donne d’abord des chances égales à chacune des deux périodes considérées d’être tirée, puis en seconde étape on donne des chances égales à chaque euro dépensé d’être tiré. On se place donc dans un équivalent de tirage aléatoire simple à deux degrés. Le premier degré (tirage aléatoire de la période) peut sembler étrange. Il l’est moins lorsqu’au lieu de considérer que l’on cherche à établir un indice de prix temporel, on se place dans le cadre des indices de prix spatiaux. On peut en effet appliquer la théorie des indices de prix à la comparaison spatiale. Dans un tel cas, on se place à un temps t fixe et on compare une région R1 à une région de référence R0. Il semble alors naturel de donner aux paniers de produits de chaque région des probabilités égales d’inclusion dans l’échantillon de produits servant à calculer l’indice. De même, la propriété de réversibilité semble encore plus cruciale dans le cas de la comparaison spatiale, qu’elle ne l’est dans le cadre des séries temporelles qui, par nature, sont à sens unique.
  • 38. 38 Il existe une conséquence pratique à cette hypothèse stochastique, c’est que pour que l’indice correspondant soit un bon estimateur du « vrai » indice des prix, il faut que l’échantillonnage des produits suivis respectent l’hypothèse de proportionnalité des probabilités d’inclusion et des parts de dépense considérées. Nous reviendrons sur ce point lorsque nous aborderons les conditions de réalisation pratique des indices de prix. On notera que, sous l’hypothèse que les rapports de prix sont tirés aléatoirement et proportionnellement aux parts de dépense de chaque produit dans la période de référence, l’indice de Carli est un estimateur de Horvitz-Thompson de l’indice de Laspeyres. Si on accepte que la formule de Laspeyres soit un bon estimateur à son tour du « véritable » indice des prix, le cadre de la théorie des sondages permet alors de justifier l’emploi de la formule de Carli au niveau élémentaire. Néanmoins, dans le cadre de la théorie des indices, le comportement de la série temporelle au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la période de référence est tout aussi voire plus important que le comportement ponctuel de l’estimateur à une date donnée. Ainsi, la non réversibilité de la formule de Carli l’emportera et on préfèrera généralement d’autres formules d’agrégation au niveau élémentaire, ainsi qu’on le verra au § 2.b. 1.d L’approche économique 1.d.1 LES INDICES A UTILITE CONSTANTE On se place ici dans le cadre microéconomique de la théorie du consommateur. On suppose qu’il existe un ménage unique et autant de marchés qu’il existe de produits dans l’économie. Sur ce marché, le ménage est un « price taker » c’est-à-dire que ses décisions de consommation n’influent pas sur les prix offerts par les entreprises. On suppose en outre que le ménage a un comportement d’optimisation de son utilité sous contrainte de revenu, que l’on peut formuler de manière équivalente comme la minimisation du coût sous contrainte d’atteinte d’un certain niveau d’utilité. Par convention, on note f la fonction de préférences qui à un certain vecteur de quantités consommées q associe un niveau d’utilité u . On note ( )tt qfu = le niveau d’utilité atteint à la période t . Et ttt qpR ⊗= le revenu nécessaire pour atteindre ce niveau d’utilité. Les choix de consommation t q à chaque période t sont issus du programme d’optimisation suivant : Programme de maximisation de l’utilité sous contrainte de revenu ( ){ }tt q Rqpqf ≤⊗max (1.d.1.1)
  • 39. 39 Programme de minimisation du coût sous contrainte de niveau d’utilité ( ) ( ){ }tt q uqfqp ≥⊗min (1.d.1.2) Ces deux programmes d’optimisation sont strictement équivalents. On note enfin ( )tt puC , la fonction de coût minimal associée à la résolution de ce programme. On notera que par rapport aux approches précédentes, on suppose ici que les vecteurs de quantités consommées sont des fonctions des prix de marché. C’est pourquoi les tenants de l’approche économique remettent en cause certains éléments de l’approche axiomatique, par exemple la propriété G3 qui sous-tend que les vecteurs de prix puissent être égaux sans que les vecteurs de quantité le soient. Dans ce cadre, il est possible de définir une famille d’indices des prix possibles comme le ratio des deux fonctions de coût minimal, le niveau d’utilité étant fixé et égal pour les deux périodes. Famille des indices du coût de la vie véritable (ou indices à utilité constante) ( ) ( )( ) ( )( )0 1 10 , , ,, pqfC pqfC qppPKonüs = ( (1.d.1.3) Cette approche a été développée pour la première fois en 1924 par l’économiste russe Konüs. La famille des indices du coût de la vie véritable définie dans ce cadre porte par conséquent son nom. Il existe autant d’indices possibles que de niveaux d’utilité fixés comme référence. On peut ainsi par exemple fixer ce niveau à sa valeur à la période de référence (et on peut, par analogie avec les approches précédentes, appeler cet indice, indice de Laspeyres-Konüs) ou bien à sa valeur à la période courante (indice de Paasche-Konüs). Aucun de ces indices n’est observable, puisque les préférences des consommateurs sont par essence inobservables. 1.d.2 LES INDICES DE LASPEYRES ET DE PAASCHE VUS COMME DES CAS-LIMITES DE KONÜS Borne supérieure de l’indice de Laspeyres-Konüs ( ) 0/1010 ,, LKonüs PqppP (( ≤ (1.d.2.1) Démonstration Par définition de la fonction de coût minimal, on a à la période 0 : ( )( ) 0000 , qppqfC ⊗= Et à la période 1 : ( )( ) ( ) ( ) ( ){ } 010110 min, qpqfqfqppqfC q ⊗≤=⊗=
  • 40. 40 Comme toutes les valeurs sont strictement positives, on peut écrire : ( )( ) ( )( ) 0/1 00 01 00 10 , , LP qp qp pqfC pqfC ( = ⊗ ⊗ ≤ Borne inférieure de l’indice de Paasche-Konüs ( ) 0/1110 ,, PKonüs PqppP (( ≥ (1.d.2.2) Illustrons ces deux inégalités dans le cas où l’économie est constituée de 2 produits. On représente les courbes d’iso-utilité (ou courbes d’indifférence) dans un plan ( )21 ,qq : à gauche pour la période 0, à droite pour la période 1. Ces courbes ont pour équation ( ) ( )tt qqfqqf 2121 ,, = . La forme décroissante et concave des courbes d’iso-utilité signifie que l’on a supposé que les produits sont substituables (l’augmentation de la quantité consommée d’un produit induit la diminution de la quantité consommée de l’autre) avec taux marginal de substitution négatif (l’utilité marginale du produit 1 diminue lorsque sa quantité consommée augmente, on dit alors que la substitution est imparfaite). Sur chaque courbe, l’optimum ( )tt qq 21 , est atteint au point de tangence avec la droite (en traits pleins) représentant la contrainte budgétaire, ayant pour équation tttttt qpqpqpqp 22112211 +=+ , c’est-à-dire t tttt t t p qpqp q p p q 2 2211 1 2 1 2 + +−= . A gauche, les droites en pointillés représentent les droites d’iso-coût permettant de satisfaire la contrainte budgétaire de la période 1, c’est-à-dire qu’il s’agit des droites de coût dans lesquelles sont fixés des niveaux de prix égaux aux prix de la période 1. Le point de tangence entre une de ces droites et la courbe d’iso-utilité de la période 0 donne donc un point hypothétique minimisant le coût de la période 1 avec le niveau d’utilité de la période 0. Il s’agit donc du panier de biens ( )*0 2 0 1 ,qq tel que l’indice de Laspeyres-Konüs égale 00 *01 qp qp ⊗ ⊗ .
  • 41. 41 Par ailleurs, la droite d’iso-coût qui passe par le point ( )0 2 0 1 ,qq correspond à la droite de coût dans l’hypothèse où on a les prix de la période 1 avec les quantités de la période 0, ce qui correspond au cadre de l’indice de Laspeyres. Le fait que la droite d’iso-coût passant par *0 q soit située en-dessous de la droite d’iso-coût parallèle passant par 0 q traduit donc sous forme graphique l’inégalité (1.d.2.1). 1.d.3 HYPOTHESE DE COMPLEMENTARITE DES PRODUITS ET INDICE ASSOCIE On reprend le graphique précédent et on suppose cette fois que les deux produits ne sont pas substituables mais complémentaires. La forme des courbes d’iso-utilité change et devient « en L ». Le taux marginal de substitution d’une unité de produit 1 contre une unité de produit 2 est nul lorsque la quantité consommée de produit 1 est au moins égale à la quantité consommée du produit 2, c’est-à- dire qu’à partir du moment où le consommateur peut constituer le panier complémentaire idéal (où chaque produit est consommé en quantités identiques), il n’a aucun intérêt à substituer une unité d’un produit par une unité de l’autre. On voit bien sur le graphique que le consommateur n’a pas intérêt à modifier son panier de biens, même si les prix relatifs changent (sauf à changer son utilité). Si l’utilité est maintenue constante à son niveau de la période 0, modifier la contrainte budgétaire amène à choisir un panier optimal *0 q qui coïncide exactement avec le panier 0 q choisi sous la contrainte budgétaire de la période 0. Dans ce cas, l’indice du coût de la vie véritable de Laspeyres-Konüs coïncide exactement avec l’indice de Laspeyres. Il s’agit là cependant d’un cas-limite qui a beaucoup moins de probabilités d’être réalisé que l’hypothèse de substituabilité imparfaite. Traduisons ce résultat sous forme mathématique et dans un espace de N produits. La fonction d’utilité associée à l’hypothèse de complémentarité des biens est la suivante :
  • 42. 42 Fonction d’utilité de Léontief ( )       = N Nqq qf αα ,...,min 1 1 (1.d.3.1) Pour simplifier la présentation des calculs, nous supposons dans la suite la forme suivante : ( ) { }Nqqqf ,...,min 1= Toutes les démonstrations qui suivent sont évidemment généralisables à la forme (1.d.3.1), puisqu’il ne s’agit que d’un artifice d’écriture par changement d’unité de mesure des quantités consommées. Avec cette fonction de préférences, pour un niveau d’utilité donné et un vecteur de prix donné, le seul choix qui minimise le coût est celui qui conduit à prendre tous les iq égaux. En effet, supposons que l’un des produits sont consommés en quantité supérieure strictement aux autres, c’est-à-dire : qqk k >∃ , où on note q la valeur commune de tous les autres iq : qqki i =≠∀ , . Les deux paniers { }qq,..., et { }qqq k ,...,,..., apportent la même utilité ( ) qqf = . Mais le coût du second panier est strictement supérieur au coût du panier dans lequel on prend une quantité identique de tous les produits : ∑∑∑ =≠= >+= N i ikk ki ii N i ii qpqpqpqp 11 Avec une fonction de préférence de Léontief, la minimisation du coût implique donc de prendre un panier constitué de quantités égales pour tous les produits. Si maintenant on cherche le panier qui maintienne constante l’utilité de la période de référence, alors ce panier unique est déterminé par la quantité commune de produits consommée à la période 0, 00 1 0 ... Nqqq === . Ainsi on a : ( )( ) ∑∑ == == N i ii N i i qpqppqfC 1 00 1 0000 , ( )( ) ∑∑ == == N i ii N i i qpqppqfC 1 01 1 0110 , En faisant le ratio de ces deux valeurs, on obtient le résultat suivant : Valeur de l’indice de Laspeyres-Konüs dans le cas de biens complémentaires Avec une fonction de préférences de Léontief, ( ) 0/1010 ,, LKonüs PqppP (( = (1.d.3.2) On retrouve ainsi le résultat précédent d’égalité entre l’indice du coût de la vie véritable de Laspeyres- Konüs avec l’indice des prix de Laspeyres, dans le cas d’une fonction d’utilité de Léontief, c’est-à-dire de biens parfaitement complémentaires.
  • 43. 43 L’indice de Laspeyres trouve donc une justification économique dans un cas-limite qui ne correspond pas à la réalité du marché pour la plupart des produits. 1.d.4 HYPOTHESE DE SUBSTITUABILITE CONSTANTE DES PRODUITS ET INDICE ASSOCIE On lève dans la suite l’hypothèse peu réaliste de complémentarité des produits et on suppose à l’inverse que les produits sont substituables. Pour simplifier, on suppose dans un premier temps que l’élasticité de substitution est constante dans le temps. Examinons tout d’abord le cas dans lequel cette élasticité est égale à 1. On a alors la forme suivante pour la fonction d’utilité (à un facteur multiplicatif près que l’on néglige car il ne change rien aux calculs ni au résultat final) : Fonction d’utilité de Cobb-Douglas ( ) ( )∏= = N i i i qqf 1 α (1.d.4.1) Dans cette fonction d’utilité, les pondérations iα des produits dans le panier sont stables dans le temps. Cette fonction étant continue de ses arguments, le programme de maximisation sous contrainte peut se résoudre à l’aide des équations du Lagrangien. Rappel : Le programme (1.d.1.2) est équivalent au programme d’optimisation de la fonction de Lagrange définie comme suit : ( ) ( )( )tt uqfqpqL −+⊗= λ Les conditions du premier ordre s’expriment donc sous la forme du système d’équations suivant : ( )       = ∂ ∂ =⇔       = ∂ ∂ = ∂ ∂ qfu q f p L q L t i t i i ;0;0 λ λ Résolvons un cas simplifié avec la fonction d’utilité de Cobb-Douglas, dans une économie à deux produits, où l’on souhaite maintenir le niveau d’utilité de la période de référence. Alors les équations du Lagrangien s’écrivent : ( ) ( ) ( ) ( ) ( )( ) ( ) ( ) ( ) ( )             == − = − = ∂ ∂ ∂ ∂ = − − −− αα αα αα α α α α 1 21 0 1 2 21 1 2 1 1 2 1 1 2 1 1 ; 11 qqqfu q q qq qq q q f q q f p p La première équation correspond graphiquement à la condition de tangence entre la courbe d’iso- utilité et la droite de contrainte budgétaire (voir § 1.d.2). De cette première équation, on tire :
  • 44. 44 11 2 1 1 2 1 q p p q α α− = que l’on injecte dans la seconde équation pour obtenir : ( ) 1 1 2 1 1010 1 1 , −       − = α α α p p upuq d’où : ( ) α α α       − = 1 2 1 1010 2 1 , p p upuq Et alors la fonction de coût minimale pour le niveau d’utilité 0 u et les prix 1 p coïncide avec la dépense associée aux prix 1 p et aux quantités optimales ci-dessus : ( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( ) αα αα α αα α αα αα κ κ α α α α α α α α − − −− − − = =       − +      − =       − +      − = += 11 2 0 2 1 1 0 1 11 2 1 1 0 11 2 1 10 11 2 1 1 1 0 1 2 1 101 2 1 1 2 1 101 1 10 2 1 2 10 1 1 1 10 . . 11 11 ,, , pqpq ppu p p u p p u p p up p p up puqppuqp puC Par ailleurs, la même résolution amène : ( ) ( ) ( ) αα κ − = 10 2 0 2 0 1 0 1 00 ., pqpqpuC D’où la forme suivante pour l’indice du coût de la vie véritable de Laspeyres-Konüs : ( ) ( ) αα −             = 1 0 2 1 2 0 1 1 1 00 10 , , p p p p puC puC On peut facilement montrer que cette propriété se généralise au cas où on a 2>N produits (les calculs sont seulement un peu moins lisibles). On remarque également que ce résultat ne dépend pas de la valeur de l’utilité fixée comme référence et que, par conséquent, tous les indices de la famille de Konüs prennent ici la même valeur. Valeur des indices de Konüs dans le cas de biens substituables avec élasticité de substitution unitaire Avec une fonction de préférences de Cobb-Douglas, l’indice du coût de la vie véritable est un indice géométrique pondéré. ( ) ∏=       = N i i i Konüs i p p qppP 1 0 1 10 ,, α ( (1.d.4.2)
  • 45. 45 Quelques remarques sur ce résultat : 1. On retrouve la forme générique de l’estimateur des moindres carrés pondérés dans l’approche stochastique. 2. Si tous les produits sont équipondérés, l’indice de Konüs coïncide avec l’indice de Jevons. L’indice de Jevons trouve donc dans ce cadre une justification économique, qui toutefois repose sur des hypothèses fortes (élasticité de substitution unitaire entre les produits et parts de dépense fixes dans le temps et égales pour tous les produits). 3. On remarque que l’indice des prix de Konüs dans ce cadre est indépendant du vecteur de quantités pris comme référence. Il y a, avec l’hypothèse d’une fonction de Cobb-Douglas, une séparabilité parfaite entre les composantes de prix et de quantité. 4. Si l’on résout le programme d’optimisation dual (1.d.1.1), on obient les formes suivantes des fonctions de demande : ( ) t t p R pRq 1 0 0 1 , α= ( ) ( ) t t p R pRq 2 0 0 2 1, α−= Ce qui signifie que les parts budgétaires des deux biens sont constantes dans le temps et proportionnelles au revenu, c’est-à-dire que lorsque le revenu augmente d’une unité, cette unité est répartie dans la consommation de bien 1 et de bien 2 toujours dans les proportions α et 1-α (en valeur). De plus, l’élasticité-prix croisée est nulle, c’est-à-dire que la variation du prix du produit 2 n’a aucune incidence sur la quantité consommée du produit 1, et réciproquement. On peut lever l’hypothèse d’élasticité de substitution unitaire et considérer par exemple la fonction d’utilité suivante : Fonction d’utilité CES (Constant Elasticity Substitution) ( ) ( ) 1 1 1 − = −       = ∑ σ σ σ σ α N i ii qqf (1.d.4.3) Alors on peut montrer (mais on ne le fera pas ici) que l’indice de Laspeyres-Konüs prend la forme suivante : Valeur des indices de Laspeyres-Konüs dans le cas de biens substituables avec élasticité de substitution constante σσσσ Avec une fonction de préférences CES, ( ) σσ − = −               = ∑ 1 1 1 1 0 1 0010 ,, N i i i iKonüs p p wqppP ( (1.d.4.4)
  • 46. 46 On a le lien suivant entre les parts budgétaires et les coefficients iα : ( ) ( )∑= − − = N k kk ii i p p w 1 10 10 0 σ σ α α Cet indice porte le nom des deux théoriciens qui l’ont défendu, Lloyd en 1975 et Moulton en 1996. 1.d.5 INDICE A UTILITE CONSTANTE SOUS HYPOTHESE DE PREFERENCES HOMOTHETIQUES Les fonctions d’utilité à élasticité de substitution constante sont des cas particuliers de préférences homothétiques, c’est-à-dire que ce sont des fonctions linéaires homogènes, ce qui se traduit par la propriété suivante : Hypothèse de préférences homothétiques ( ) ( )qfqfq λλλ =∀>∀ ,,0 (1.d.5.1) Sous cette hypothèse, la fonction de dépense est séparable en un terme qui n’est fonction que des prix et un terme qui n’est fonction que des quantités. Séparabilité de la fonction de dépense sous hypothèse de préférences homothétiques ( )( ) ( ) ( )qfpcpqfC =, (1.d.5.2) avec ( ) ( )pCpc ,1= fonction de coût unitaire Démonstration ( ) ( ) ( ) ( ) ( )puC qfqpu q u f u q pu q u fqp qf u qp uqfqp puC N i iiq N i i iq N i iiq N i iiq N i iiq ,1 1min 1 1 min 1 1 min 1 1 min min , 1 1 1 1 1 =       ≥′′=       ≥      ×=       ≥      ×=       ≥=       ≥= ∑ ∑ ∑ ∑ ∑ = ′ = = = =
  • 47. 47 La démonstration utilise, dans l’ordre : la propriété de conservation des inégalités lors de la multiplication par un scalaire strictement positif, la propriété d’homogénéité linéaire de la fonction d’utilité, la propriété d’homogénéité linéaire de la fonction min, et enfin un changement de variable. De cette propriété, il découle immédiatement que l’expression de l’indice à utilité constante se simplifie et devient indépendante du vecteur des quantités pris comme référence (ainsi qu’on l’avait observé au § 1.d.4 dans le cas particulier de la fonction d’utilité de Cobb-Douglas). Indice des prix de Konüs sous hypothèse de préférences homothétiques ( ) ( ) ( )0 1 10 ,, pc pc qppPKonüs = ( (1.d.5.3) On en déduit pour l’indice des quantités dual la forme suivante, qui ne dépend pas des vecteurs de prix : Indice des quantités de Konüs sous hypothèse de préférences homothétiques ( ) ( ) ( )0 1 1010* ,,, qf qf qqppQKonüs = ( (1.d.5.4) Démonstration ( ) ( ) ( ) ( ) ( )( ) ( ) ( ) ( )( ) ( ) ( )0 1 00 0 1 11 1 0 00 11 1010*0 1 1010* , , ,,, ,,, qf qf pqfC pc pc pqfC pc pc qp qp qqppPV V qqppQ Konüs Konüs = = ⊗ ⊗ = = ( ( où on utilise uniquement la définition par test de factorité puis la propriété de séparabilité de la fonction de dépense (1.d.5.2). Dans la suite, on aura besoin de deux résultats issus de la théorie du consommateur, qui permettent de relier les prix aux utilités marginales d’une part, et de manière miroir, les quantités optimales aux coûts marginaux. Il s’agit de déclinaisons de l’identité de Wold et du lemme de Shephard. Identité de Wold sous hypothèse de préférences homothétiques ( ) ( )t t i tt t i qf q q f qp p i ∂ ∂ = ⊗ ∀ , (1.d.5.5)
  • 48. 48 Démonstration Les équations du Lagrangien sont : ( ) ( )       = ∂ ∂ =∀ ttt i t i qfuq q f pi ;, λ Par ailleurs, en dérivant par rapport à iq la formule de la propriété de séparabilité (1.d.5.2) et en l’évaluant au point t q , on a : ( ) ( )t i tt i q q f pcp ∂ ∂ = , d’où : ( ) ( )t tt t qf qp pc ⊗ ==λ En réinjectant cette formule dans les équations du Lagrangien, on obtient la propriété désirée. Lemme de Shephard sous hypothèse de préférences homothétiques ( ) ( )t t i tt t i pc p p c qp q i ∂ ∂ = ⊗ ∀ , (1.d.5.6) 1.d.6 LE RETOUR DE L’INDICE DE FISHER… 1.d.6.i Expression de l’indice de Fisher sous hypothèse de préférences homothétiques On utilise le lemme de Shephard dans sa forme simplifiée (1.d.5.6) et pour 0=t . En multipliant les deux termes de l’équation par 1 ip et en sommant sur i , on obtient : ( ) ( )∑= ∂ ∂ = N i i iL p p c p pc P 1 01 0 0/1 1( Et de manière miroir, en prenant le lemme de Shephard pour 1=t , en multipliant les deux termes de l’équation par 0 ip et en sommant sur i , on obtient : ( ) ( ) 1 1 10 1 0/1 1 − =       ∂ ∂ = ∑ N i i iP p p c p pc P ( Ce qui nous conduit à la forme suivante pour l’indice de Fisher : Indice de Fisher sous hypothèse de préférences homothétiques ( ) ( ) ( ) ( )10 01 0 1 0/1 pcp pcp pc pc PF ∇⊗ ∇⊗ = ( (1.d.6.1) On ne peut évidemment pas aller plus loin sans expliciter une fonction de coût, ou de manière duale, une fonction d’utilité.
  • 49. 49 1.d.6.ii Expression de l’indice de Fisher sous hypothèse de préférences quadratiques On se place toujours sous hypothèse de préférences homothétiques, et plus précisément on suppose une fonction d’utilité quadratique de la forme suivante : Fonction d’utilité quadratique ( ) ∑∑= = = N i N j jiij qqqf 1 1 α (1.d.6.2) où les coefficients ijα sont symétriques, c’est-à-dire jiij αα = . Comme la forme fonctionnelle de la fonction de coût unitaire n’est pas explicitée, on ne peut pas utiliser directement le résultat (1.d.6.1). Il faut nous ramener à une expression dépendante de la fonction d’utilité. Une manière simple de faire cela est d’utiliser le test de factorité (1.b.7.2), et donc de déterminer la forme de 0/1 FP ( à partir de celle de 0/1 FQ ( . On part cette fois de l’identité de Wold et en applique la même démarche que dans le § 1.d.6.i. On montre que : ( ) ( ) ( ) ( )10 01 0 1 0/1 qfq qfq qf qf QF ∇⊗ ∇⊗ = ( Calculons donc les dérivées partielles de f par rapport aux iq . On commence par calculer les dérivées partielles de 2 f en réorganisant les sommes de manière à isoler le terme en iq . Tous les termes en iq étant symétrique, pour plus de lisibilité on conduit le calcul par rapport à 1q . ( ) csteqqqqq N j jj N i N j jiij +        += ∑∑∑ == = 1 2 1 2 111 1 1 2 ααα d’où ( ) ∑∑ == =+= ∂ ∂ N j jj N j jj qqqq q f 1 1 2 1111 1 2 222 ααα et donc par application des règles de dérivation sur les composées de fonctions, on a : ( ) ( )[ ] ( ) ( ) ( )qf q qf q qfq q f q q f N j jj N j jj ∑∑ ==− == ∂ ∂ = ∂ ∂ 1 1 1 1 1 2 1 2 1 2 1 2 2 1 2 1 αα Formule que l’on peut généraliser à tous les i , si bien que : ( ) ( ) ( ) ( )∑ ∑ ∑∑ ∑ = = = = = == ∂ ∂ =∇⊗ N i N i N i N j jiij N j jij i i i qq qfqf q qq q f qqfq 1 1 1 1 01 00 1 0 10101 1 α α Et de façon analogue : ( ) ( )∑∑= = =∇⊗ N i N j jiij qq qf qfq 1 1 10 1 10 1 α
  • 50. 50 que l’on peut réécrire, en inversant les deux sommes et en utilisant la symétrie des ijα , ( ) ( )∑∑= = =∇⊗ N i N j jiij qq qf qfq 1 1 01 1 10 1 α d’où il vient le ratio suivant : ( ) ( ) ( ) ( )0 1 10 01 qf qf qfq qfq = ∇⊗ ∇⊗ et pour finir : ( ) ( ) ( )1010* 0 1 0/1 ,,, qqppQ qf qf Q KonüsF (( == Avec le test de factorité, on conclut donc immédiatement que sous l’hypothèse de préférences quadratiques, et avec un comportement optimisateur de la part du consommateur, l’indice du coût de la vie véritable de Konüs, ou indice à utilité constante, coïncide avec l’indice de Fisher. Valeur des indices de Konüs sous hypothèse de préférences quadratiques ( ) 0/110 ,, FKonüs PqppP (( = (1.d.6.3) On dira que l’indice des prix de Fisher est « exact » pour la fonction de coût unitaire c duale de la fonction de préférences quadratique définie au (1.d.6.2). Ce terme « exact » signifie simplement que l’indice en question coïncide exactement avec le ratio constituant l’indice du coût de la vie véritable, ( ) ( )0 1 pc pc . 1.d.7 LES INDICES SUPERLATIFS Les économistes appellent « forme fonctionnelle souple » une fonction qui approche au second ordre (au sens du développement limité de Taylor) une fonction linéairement homogène arbitraire. Lorsqu’un indice est exact pour une forme fonctionnelle souple, on dira à la suite de Diewert (1976) qu’il s’agit d’un « indice superlatif ». Comme la fonction quadratique est une forme fonctionnelle souple, (et que par conséquent la fonction de coût unitaire duale l’est aussi), les indices des prix et des quantités de Fisher sont des indices superlatifs. Il existe d’autres indices superlatifs que l’indice de Fisher. En considérant la fonction d’utilité quadratique d’ordre r suivante : ( ) ( ) ( )r N i N j r j r iijr qqqf ∑∑= = = 1 1 22α On peut mettre en évidence une classe d’indices superlatifs * rP ( exacts pour la fonction de coût unitaire duale de rf . Pour 2=r , on retrouve évidemment l’indice de Fisher. On peut également montrer que lorsque 1=r , cet indice coïncide avec l’indice de Walsh.
  • 51. 51 Par ailleurs, on peut fixer une forme quadratique d’ordre r directement pour la fonction de coût unitaire. La famille d’indices rP ( exacts pour cette fonction constitue alors également, par définition, une famille d’indices superlatifs. Malheureusement, rr PP (( ≠* , ce qui signifie que ces indices ne vérifient pas le test de factorité (sauf pour 2=r puisqu’on retrouve l’indice de Fisher). Enfin, il existe des formes fonctionnelles souples qui ne sont pas elles-mêmes linéairement homogènes, comme par exemple la fonction translog : ( ) ( )∑ ∑∑∑ = === +++++= N i N i ii N j jiij N i ii ubupbubppapaapuC 1 2 00 1 0 11 0 ln 2 1 lnlnlnlnln 2 1 ln,ln Or cette fonction barbare possède la propriété merveilleuse de rendre l’indice de Törnqvist exact (la démonstration en fut faite par Diewert en 1976), ce qui fait de l’indice de Törnqvist un indice superlatif au même titre que les indices de Fisher et de Walsh. Or Diewert a également montré que les indices superlatifs donnent les uns des autres une approximation au second ordre autour d’un point d’égalité { }1010 ; qqpp == , ce qui signifie qu’en ce point, non seulement les valeurs des indices superlatifs se rejoignent, mais également les valeurs de leurs dérivées premières et secondes. Ceci, toutefois, n’assure pas que les valeurs prises par ces indices seront toujours proches les unes des autres. En réalité, elles peuvent s’éloigner de beaucoup, surtout dans la classe des indices « quadratiques d’ordre r » vus ci-dessus, lorsque r devient très grand. Des études empiriques sur données de laboratoire permettent cependant de valider la proximité effective des valeurs prises par les indices de Fisher, Walsh et Törnqvist. 1.d.8 INDICES PLOUTOCRATIQUES ET INDICES DEMOCRATIQUES L’approche économique développée jusqu’ici suppose l’existence d’une fonction de préférences et de vecteurs de prix identiques pour tous les consommateurs du territoire étudié. Dans la réalité, il existe plusieurs types de ménages et plusieurs marchés pour un même produit, en fonction du lieu d’achat par exemple, ou du réseau de distribution. On devrait donc situer le problème dans un cadre étendu dans lequel on suppose l’existence de H types de ménages distincts, chacun ayant une fonction de préférence h f et une fonction de dépense associée h C , et faisant face à chaque période t au vecteur de prix th p , . Le niveau d’utilité de référence considéré pour calculer l’indice des prix dépend du ménage et sera noté h u . Par ailleurs, on suppose également que chaque ménage a accès à un ensemble de biens publics (ou variables d’environnement) h e qui entre comme paramètre dans la décision de consommation des produits i . Le vecteur de consommation ( )th N thth qqq ,, 1 , ,...,= est donc le résultat du programme d’optimisation suivant, pour toute période t et tout ménage h :
  • 52. 52 Programme de minimisation du coût sous contrainte de niveau d’utilité, conditionnellement à l’environnement ( ) ( ){ }thhhth q ueqfqp ,, ,min ≥⊗ (1.d.8.1) A partir de la résolution de ce programme, il est possible de définir deux sortes d’indices à utilité constante, selon la manière dont on souhaite pondérer les ménages. Indice du coût de la vie ploutocratique conditionnel ( ) [ ] ( ) [ ] ( ) [ ] ( ) [ ]( ) ( ) ( )∑ ∑ = = ∈∈∈∈ = H h hhhh H h hhhh Hh h Hh h Hh h Hh h plouto peuC peuC euppP 1 0, 1 1, ;1;1;1 1, ;1 0, ,, ,, ,,, ( (1.d.8.2) On évalue donc le coût minimal total pour la population conditionnellement aux variables d’environnement, et en autorisant les niveaux d’utilité atteints par les différents ménages à être différents. Les variables d’environnement et les niveaux d’utilité étant fixés, l’indice des prix est le rapport du coût minimal total atteint à la période 1 sur le coût minimal total atteint à la période 0. Seuls les prix changent entre le numérateur et le dénominateur, ce qui correspond bien à une estimation de l’impact seul de la variation des prix sur la dépense totale. Les indices ainsi définis forment une famille, c’est-à-dire qu’il y a autant d’indices possibles que de vecteurs h e et de niveau d’utilité h u pris comme références. Si l’on prend par exemple pour ces paramètres leurs niveaux en période 0, on définit un indice de Laspeyres ploutocratique, tandis que si l’on prend les niveaux de la période 1, on définit un indice de Paasche ploutocratique. La moyenne géométrique simple de ces deux indices définit un indice de Fisher ploutocratique. Indice du coût de la vie de Laspeyres ploutocratique conditionnel ( ) ( )∑ ∑ = = − = H h hhhh H h hhhh ploutoL peuC peuC P 1 0,0,0, 1 1,0,0, 0/1 ,, ,, ( (1.d.8.3) Borne supérieure de l’indice de Laspeyres ploutocratique conditionnel ∑ ∑ = = − ⊗ ⊗ ≤ H h hh H h hh ploutoL qp qp P 1 0,0, 1 0,1, 0/1 ( (1.d.8.4)