1. Essai clinique de Rennes : le décryptage de
Vincent Genet, d'Alcimed
Innovation| Santé| Avis d'expert| Matériaux & Chimie| Pharmacie Par
Philippe Passebon publié le 28/01/2016 à 09h47
Industrie & Technologies : Quelles sont aujourd'hui les explications possibles du drame qui s'est
produit à Rennes ?
Vincent Genet : Je n’ai pas la réponse précise sur la cause de cet accident. Mais plusieurs
hypothèses peuvent être avancées. Tout d’abord, le médicament est-il identique à celui testé au
préalable en phase préclinique sur les animaux, qu’il s’agisse de son dosage ou de sa nature ? Une
première hypothèse porte sur un défaut de fabrication du lot clinique. Une deuxième hypothèse
porte sur la définition du protocole suivi pour l’essai. Une troisième hypothèse porte sur le suivi
effectif de ce protocole. Enfin, pour des raisons physiologiques, une toxicité particulière non
observée chez l’animal aurait-elle pu être observée chez l’Homme ?
I&T : Les risques encourus lors d'essais cliniques sont-ils plus importants aujourd’hui qu'ils ne
l'étaient il y a quelques années ?
V.G. : Pour traiter les pathologies qui ne sont pas traitées par les premières générations de
médicaments, on se doit de s’intéresser aux origines plus intrinsèques des maladies.
Aujourd’hui, la plupart des pathologies pour lesquelles le progrès thérapeutique reste possible
nécessitent d’aller toucher plus « profondément » l’organisme humain, la cascade d’évènements
induisant le développement d’une pathologie. N’oublions pas qu’il n’y pas d’efficacité sans
toxicité. Le ratio bénéfice / risque doit en revanche être favorable.
I&T : Le rapport au risque des français lié aux médicaments a-t-il évolué ?
V.G. : D’un côté, les experts mettent en relation le nombre de vies sauvées au regard du nombre
d’effets indésirables, démontrant ainsi une valeur pour la Société. Mais les quelques individus qui
malheureusement subissent des effets indésirables tiennent de fait un raisonnement différent. On
est toujours prêt à prendre un médicament pour le bénéfice personnel que l’on va en tirer, même
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2. s’il existe un risque statistique. La conscience collective a évolué concernant son rapport au
risque, du fait d’un accès accru à l’information instantanée. Le risque n’est de fait plus pris dans
sa globalité, mais est considéré au niveau individuel. En conséquence, on se raccroche du principe
de précaution et cela risque de créer une résistance accrue à l’innovation, et un nouveau
rapport au danger. Aujourd’hui, le risque est perçu comme une menace.
I&T : Le drame survenu à Rennes risque-t-il d'avoir des impacts négatifs sur la recherche
pharmaceutique en France ?
V.G. : Ce qui est certain, c’est que les impacts ne peuvent pas être positifs. Il sera important qu’il
y ait des relais médiatiques sur l’explication, une fois celle-ci tirée au clair, aussi importants que
l’a été la couverture de l’accident lui-même. Avoir des essais cliniques en France, c’est aussi la
possibilité d’avoir un accès plus rapide au médicament, ce qui a évidemment une valeur
incontestable pour des patients sans solution thérapeutique.
I&T : Les tests cliniques doivent-ils évoluer ?
V.G. : Il faut mettre en parallèle le nombre d’essais cliniques et le nombre d’accidents. Chaque
jour, plusieurs milliers de Français sont impliqués dans des essais cliniques. Ces essais cliniques
ont permis la mise à disposition de traitements améliorant la qualité de vie de millions de
personnes. A mon sens, avant d’imposer un cadre général plus contraignant sur les essais
cliniques, il convient d’identifier précisément le problème. Une fois le problème identifié, il
conviendra de mettre en place les conditions pour que ce problème ne se reproduise pas.
I&T : Des technologies pourraient-elles permettre de se passer des essais cliniques ?
V.G. : Des technologies, de modélisation « in silico », offrent des perspectives de remplacement
des essais cliniques sur l’Homme, mais pas de façon satisfaisante aujourd’hui. Si tel était le cas,
ce serait déjà fait ! Dans le futur, on peut imaginer modéliser le corps dans sa globalité, rentrer le
patrimoine génétique de l’individu, modéliser l’administration du médicament pour anticiper ses
effets. Mais nous parlons bien ici de futur, car cette modélisation dite « in silico » n’est pas prête
de pouvoir garantir le même niveau de prédictibilité qu’un essai « in vivo ». Même si
l’on pourrait désormais considérer disposer de la puissance informatique nécessaire, pour que de
telles techniques se substituent à des essais sur l’homme, il manque des banques de données et
une compréhension suffisamment fine de la mécanique si complexe du corps humain.
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