La permanence des déficits publics ne crée plus de croissance mais seulement de la dette. Pour maintenir plus de confort que nous ne créons de richesses, nous confisquons aux générations futures ou à certains de nos contemporains, des richesses dont ils ont eux même besoin. Il est temps que cela change et que l'on revoie notre modèle de progrès.
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Octobre
2012
Octobre 2012
Dette publique sur PIB : zone orange ou zone rouge
La présentation classique de la dette publique par rapport au PIB plutôt
que par rapport aux ressources publiques est déjà un artifice, mais elle
contribue à masquer une illusion depuis les années 80 qui serait celle de
la croissance. Notre pays, comme le monde occidental en général, ne
serait-il pas en fait en décroissance depuis plusieurs décennies, sans que
personne ne veuille réellement l’assumer. A défaut de poser le bon
diagnostic, peut-on trouver les bonnes solutions ?
Ce graphique est constitué à partir des séries longues publiées par l’INSEE, comptes nationaux base 2005
Ainsi, à partir des statistiques habituelles, on peut observer qu’en 1986, la dette
publique représentait 31,1% du PIB pour atteindre 86 % fin 2011. Est-ce 54,9 % de
plus sur 25 ans, ce qui inconsciemment pourrait nous faire penser à une inflation
quasi normale, ou plutôt un multiplicateur de 2,76 sur un pourcentage du PIB qui lui
même a officiellement évolué de façon significative ?
En valeur la dette publique est passée de 249,3 milliards en 1986 à 1 717 milliards
en 2011 ce qui fait ressortir un multiplicateur de 6,89 : ça ne donne pas tout à fait la
même impression, mais heureusement, ce chiffre là n’est pas exact non plus, car en
25 ans, même si elle a été maitrisée, il y a eu effectivement une inflation moyenne
des biens de consommation, de 1,85% par an.
Pour avoir une vision plus exacte des choses il faut donc comparer l’évolution de la
dette en pourcentage du PIB et l’évolution du PIB en volume, net d’inflation.
Stéphane Théophile Saint Maxent
Un curieux de la chose économique
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Graphique toujours extrait des séries longues de l’INSEE, échelle de gauche croissance cumulée, droite croissance annuelle
La croissance apparente du PIB est en moyenne de 1,85 % par an sur 25 ans,
exactement comme l’inflation, ce qui correspond au bout de la période à une
augmentation de 58%. Cette augmentation avait déjà été obtenue en 2007 mais
perdue en 2009, année de « crise » très relative par rapport à 1929.
Si on superpose une dette qui a déjà été multipliée par 2,76 en pourcentage du PIB
et un PIB qui a été multiplié par 1,58 : cela donne un multiplicateur de 4,36 en 25
ans soit une progression moyenne annuelle de 6,07%.
Quelle peut être la réalité de la croissance quand chaque point de croissance du PIB
officiellement gagné, se paye plus du triple en augmentation de l’endettement
public ? Ce n’est pas le principe de l’endettement lui même qui est en cause, il a
jusqu’à un certain point des effets réels sur la croissance, c’est le fait que son
augmentation régulière sans remboursement et sa déconnection totale de la richesse
produite semblent s’affranchir de toute limite. A minima se pose la question de
l’efficacité de la dépense publique, a maxima celle de la réalité de la croissance.
Que risque-t-il de se passer si l’on stoppe la progression de la dette sans même
parler de remboursement ? Il est probable que l’on assiste à une « décroissance » de
l’ordre de 1,85 %. Et alors ? Est-ce un nouveau problème ou est-ce la mise en
lumière d’un problème qui existe déjà depuis au moins 25 ans ?
On peut douter concrètement de la réalité de notre croissance en constatant
l’ampleur du chômage et l’accumulation des fermetures d’usines autour de nous. On
peut douter de l’efficacité de la dépense publique quand la collectivité finance des
formations qui ne mènent à rien ou quand les primes de rentrée scolaire servent à
acheter des biens dont l’essentiel de la valeur vient d’ailleurs.
Stéphane Théophile Saint Maxent
Un curieux de la chose économique
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Le propos est-il pessimiste et sommes-nous au bord du précipice ? Constater qu’il
pleut n’a rien de pessimiste, quant au précipice, le pire n’est jamais sûr, par contre
nous sommes dans la descente et il y a des précipices qu’il n’est pas interdit d’éviter.
Nous avons encore des talents, des ressources et des besoins à satisfaire qui nous
donnent encore des perspectives positives.
Il peut être intéressant de se demander comment nous avons pu aller si loin sans en
payer vraiment le prix. Plusieurs raisons sont envisageables parmi lesquelles la baisse
continue des taux d’intérêt, l’existence de liquidités considérables sur la planète et
l’existence également de plus mauvais élèves que nous (PIIGS, USA…) sur certains
desquels les angoisses se sont focalisées.
Depuis plusieurs décennies et après le pic du début des années 80 lié à l’angoisse
des marchés face à l’arrivée du « communisme » en France, la tendance des taux à
long terme est à la baisse. En clair quand l’Etat dépensait 1 milliard d’intérêts pour
10 milliards d’emprunts en 1988, le même milliard d’intérêts lui permet d’en
emprunter 33 en 2011. On pourrait penser que la marge de baisse est désormais
limitée. Paradoxalement mais mathématiquement, il n’en est rien. Une nouvelle
baisse d’un point par rapport à 3% permettrait d’emprunter 50 % de plus sans
incidence sur le budget soit 50 milliards, et une autre baisse d’un point permettrait
d’emprunter 100 milliards. Et ainsi de suite à l’infini quand les taux tendent vers zéro.
Ça n’a rien d’impossible : l’Agence France Trésor a procédé à une adjudication de
plus de 5 milliards à 6 ans au taux réel de 1,29 % le 4 octobre 2012 et elle a déjà
obtenu sur de plus courtes échéances des taux négatifs.
Stéphane Théophile Saint Maxent
Un curieux de la chose économique
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C’est en revanche de plus en plus dangereux car la durée moyenne de la dette est
relativement courte (de l’ordre de 7 ans) ce qui impose de se confronter très
régulièrement à la confiance des marchés qui n’est pas toujours rationnelle, la
preuve : on emprunte encore à des taux anormalement bas. La pérennité de cette
confiance n’est pas acquise et a minima, notre dépendance est importante, a fortiori
quand plus de 60 % de notre dette est détenue par des non résidents.
La profusion de liquidités sur la planète est sans doute le deuxième facteur
d’explication : accumulation de richesses par les producteurs de matières premières,
pétrole en tête, excédents commerciaux de la Chine, multiples Quantitative Easing
qui consistent à racheter sur le marché secondaire des dettes d’Etat et aboutissent à
remettre en circulation des milliards en quête du meilleur rapport rémunération sur
risques. Sur un autre plan, et même si c’est une réalité, on peut trouver indécent le
fait de financer le maintien de notre confort par des pays qui auraient bien besoin de
leurs ressources pour financer leur propre système social, par exemple.
Enfin, si les finances publiques françaises ont cédé à la facilité, les français eux
mêmes sont relativement peu endettés, grâce sans doute à la précieuse règle
bancaire qui leur interdit de s’engager dans des crédits qui absorberaient plus de
33% de leurs revenus, par opposition aux fameux crédits hypothécaires américains.
Ainsi, le cumul de l’endettement public et privé français serait-il plus flatteur que
celui d’autres grands pays occidentaux, USA en tête, justifiant un temps encore une
relative bienveillance à notre égard. Jusque quand ?
L’État ne rembourse pas ses dettes, il les remplace par d’autres. Il n’est même plus
en mesure de payer les intérêts puisqu’il y a déjà un déficit avant même inscription
de la charge de la dette. Cela s’appelle de la cavalerie : dans d’autres
environnements, cela relève du pénal. Ici, ce n’est plus raisonnable.
Il est temps de réviser notre modèle de progrès plutôt que de croissance, et de
donner une vision à notre pays. Cette vision passera sans doute par l’Europe, pas
celle qui permet à des travailleurs polonais ou roumains, sans malveillance à leur
égard, de concurrencer des entreprises locales qui paient leurs charges sociales ici,
pas celle qui n’a plus les moyens de contrôler la conformité des marchandises qui
rentrent sur son territoire, pas celle non plus qui subit sans moyens les mouvements
spéculatifs engagés par des forces plus importantes pour l’instant que les siennes,
pas celle qui se résigne à voir disparaitre toutes ses productions au profit de pays qui
pratiquent le dumping social, fiscal ou environnemental.
Il est temps de construire une Europe politique, fiscale, sociale et environnementale
qui se fixe des règles communes et les moyens de les faire appliquer sur la base de
valeurs incontestables qui respectent à long terme l’intérêt de ses populations, celui
de ses contemporains et enfin, celui des générations futures.
Cette Europe là serait naturellement plus forte et aurait les moyens d’orienter le
progrès sur l’ensemble de la planète.
Nous n’avons globalement pas besoin d’être plus riches, nous avons besoin de plus
de sens et avons encore beaucoup de progrès à faire pour améliorer notre qualité de
vie plutôt que notre quantité de consommation
Stéphane Théophile Saint Maxent
Un curieux de la chose économique