ELEMENTS POUR LE DISCOURS D’OUVERTURE
PAR LE VICE-PRESIDENT CASTANER
CONFERENCE « OPEN DATA GARAGE » - LIFT –
6 JUILLET 2011, Palais du Pharo, Marseille
1/ Contexte sur la manifestation « Open Data Garage »
- C’est une conférence de niveau international organisée par la FING et Items
International ; Environ 200 participants sont attendus (de niveau européen, national
et régional).
- Elle se tient dans le contexte de la manifestation internationale « LIFT France » dont
le thème sera pour l’édition 2011 « l’innovation de rupture » (« Be radical ») et pour
laquelle 400 participants sont inscrits.
- L’Open Data Garage bénéficie du parrainage de la Commission européenne, et du
soutien de la Région et de MPM.
- La FING a fait de l’ouverture des données publiques un de ses chantiers prioritaires
au niveau national ; elle apparaît comme l’un des acteurs de référence sur le sujet au
niveau national (elle anime un groupe de travail national avec tous les acteurs clefs
sur ce sujet).
- Pour la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, c’est l’opportunité d’apparaître comme
l’une des Régions françaises en pointe dans le domaine de l’innovation numérique et
de l’ouverture des données publiques et d’annoncer son plan d’action dans ce
domaine.
2/ Contexte et enjeux de l’ouverture des données publiques
L’ « open data » ou « ouverture des données publiques » est un mouvement de fond, né il y
a quinze ans avec l’appropriation des données numériques. Il ne relève pas d’un simple
choix, mais d’une obligation réglementaire pour les administrations publiques.
Les collectivités locales, l’Etat et les établissements publics administratifs doivent donner la
possibilité d’utiliser les données qu’ils produisent à tout le monde, par l’ordonnance du 06
juin 2005 du chapitre II de la loi du 17 juillet 1978.
Par données publiques, on entend toutes les informations, études, fichiers (non nominatifs)
que les administrations utilisent pour mettre en œuvre leurs politiques. Seules les données
culturelles et les données nominatives bénéficient d’un statut particulier. La même loi oblige
à la création d’un catalogue des données, qui doit être publié en ligne. La licence fixe les
conditions de réutilisation.
Cette loi a dans les faits été assez peu ou mal appliquée. Elle pose des problèmes de mise
en œuvre et les collectivités se sentent parfois « dépossédées » de leur métier en
permettant la réutilisation de leurs informations.
Cependant, depuis 2010, plusieurs collectivités ont décidé de « libérer » leurs données,
profitant des opportunités nouvelles en matière de développement de services numériques
qui découlent des innovations du monde de l’internet.
L’explosion des « smart phones » et l’appropriation du web par les citoyens (« Web 2.0 »)
font de l’ouverture des données publiques une opportunité à saisir par les collectivités sur le
chemin de l’innovation territoriale.
Plusieurs Etats dans le monde ont également décidé de faire de ce projet un des axes
essentiels de leur politique. Les Etats-Unis ont d’ailleurs été les pionniers en lançant en 2009
le premier portail Open Data suite à l’investiture de Barack Obama et à son plan pour des
services publics rénovés au service des citoyens (« L’information détenue par le
gouvernement fédéral est un bien national »). Les objectifs étaient de :
- renforcer la transparence des services publics,
- améliorer l’efficience des agences gouvernementales.
Certaines Régions européennes (Piémont, Catalogne notamment) développent également
des programmes ambitieux dans ce domaine.
En France, les villes et les agglomérations ont été les premières à s’emparer du sujet :
Rennes Métropole, Paris, puis plus récemment Montpellier et Bordeaux. Depuis certaines
Régions comme la Bretagne et l’Aquitaine, ainsi que notre région, travaillent sur ce sujet.
L’Etat par la toute récente circulaire du 26 mai 2011 se lance lui aussi dans la libération des
données publiques avec la création de la mission « Etatlab » et la mise ne place d’un portail
des informations publiques de l’Etat. Le Premier ministre y énonce sa stratégie d’ouverture
des données publiques à travers la poursuite de 3 objectifs :
- favoriser la réutilisation des informations publiques,
- « encourager l’innovation par toute la communauté des développeurs et des
entrepreneurs pour soutenir le développement de l’économie numérique »,
- « renforcer la transparence de l’action de l’Etat, mettre en valeur le travail des
administrations et éclairer le débat public ».
3/ Enjeux pour la Région et possibilités d’actions : un chantier stratégique
Si plusieurs collectivités et l’Etat s’engagent en France aujourd’hui politiquement pour la
libération de leurs données, c’est que les enjeux, au-delà du strict respect de la loi sont
stratégiques comme le démontrent les objectifs de la mission Etatlab.
Libérer ses données, c’est d’abord répondre à une demande de transparence et de
lisibilité de l’action publique. Sans tomber dans une « idéologie de la transparence »
malsaine et destructrice, la collectivité qui ouvre l’accès à ses données, publications, études,
statistiques peut bénéficier d’un « capital-confiance » important de la population et
dynamiser la démocratie locale.
L’impact de la libération des données est aussi extrêmement important pour la mise en
œuvre de nouveaux services à la population, en particulier dans le champ de l’information
numérique. La libération des données doit donc avoir comme objectif la dynamisation de
l’innovation. Libérer des données sur les transports (cartographie des lignes et arrêts,
horaires et situation du trafic) permet par exemple de réaliser ou de faire réaliser de
nouveaux services d’information sur les transports. A Nice est à l’étude l’information en
temps réel du trafic du réseau de transports en commun via les « smartphones ».
Les citoyens et les entreprises qui se saisissent des données font en général preuve d’un
remarquable dynamisme et produisent des services très innovants.
Ceci peut donc avoir un impact important pour le dynamisme de la filière de l’économie
numérique dans la Région. Il est à noter qu’en quelques mois, Rennes Métropole a vu la
naissance de plus d’une vingtaine d’applications concrètes utiles aux habitants.
« La puissance publique réalise que l’information n’est pas un pouvoir mais une ressource,
au même titre que l’énergie » (JL Missika, adjoint au Maire de Paris).
La libération des données publiques concoure donc directement à l’attractivité des
territoires, au dynamisme de la démocratie locale et à l’innovation.
Et comme le dit le philosophe Bernard Stiegler, « L’intelligence collective est devenue la
principale valeur économique. Les meilleures idées naissent dans ces terreaux fertiles qui
n’ont pas nécessairement de modèle immédiatement rentable. C’est le rôle de la puissance
publique de favoriser, pourquoi pas dans le cadre de partenariats public-privé, la création
d’espaces capables de les valoriser ».
Ce chantier de l’ouverture des données publiques nous apparaît donc comme un
chantier stratégique en forte cohérence avec la Stratégie régionale de l’innovation
(SRI) et de son objectif de promouvoir une logique d’ « innovation ouverte » (open
innovation »).
Par contre, cela implique de mettre en œuvre un chantier transversal en interne à
l’institution régionale afin que la Région s’applique d’abord à elle-même ce principe même
de l’ouverture des données publiques.
Au sein des Régions, chaque compétence s’appuie sur de nombreuses informations :
adresses des lycées, nombre de lycéens, horaires et réseaux des lignes régionales de
transports, études déplacements, bases de données sur l’énergie, l’environnement et sur la
biodiversité, les équipements culturels, le tourisme, données issues des systèmes
d‘information géographique, etc. Le champ des données produites ou utilisées par les
Régions est relativement vaste.
De plus, et de manière concomitante, l’association Marseille Provence 2013 et ses
partenaires ont décidé de mettre les données publiques au cœur de la stratégie numérique
de la « capitale européenne de la culture » via le projet de « cadre numérique territorial
commun » (CNTC) : l’information et les services numériques forment une condition de
réussite essentielle de l’événement et un fort levier d’attractivité. Son objectif est de voir
naître sur le territoire d’ici 2013 plus d’une cinquantaine de services numériques innovants
touchant au transport, à la culture et au tourisme : conscient que les acteurs publics ne
peuvent les réaliser en si peu de temps, l’ouverture des données publiques est un levier
indispensable à cet objectif. Marseille Provence 2013 a d’ailleurs bénéficié d’un financement
de la Région et du FEDER pour la mise en œuvre d’une AMO. La Région et les organismes
régionaux qu’elle soutient (ARCADE pour les données culturelles ; CRT pour le tourisme,
CRIGE pour l’information géographique) seront des partenaires actifs de ce projet structurant
et fédérateur aux côtés des autres partenaires et collectivités impliqués (Ville de Marseille,
d’Aix en Provence, d’Arles, Communauté urbaine, CG 13, CDT 13, Syndicat mixte des
transports, etc.) La mécanique de libération des données touristiques et culturelles ainsi que
celles liés aux transports pourrait être ensuite prolongée et déclinée à l’échelle de la Région.
Au-delà du projet de Marseille-Provence 2013, notre région possède des atouts
particulièrement pertinents et utiles pour un tel projet :
- un tissu d’innovateurs dense et structuré, des PME innovantes (PRIDES SCS et
PRIMI sur les contenus numériques, réseau PACA Innovation),
- des réseaux régionaux de terrain dans l’animation sociale et culturelle numérique
(réseau associatif des ERIC),
- une tradition de manifestations liées au numérique et à l’innovation (Carrefours des
possibles, Lift, etc.).
- des démarches d’expérimentations déjà amorcées dans le cadre d’appels à projets
sur les services numériques dans le domaine du patrimoine et d‘opérations pilotes
avec le monde de l’université et de la recherche.
La Région s’avère donc légitime pour coordonner et fédérer le projet de libération des
données publiques en Provence-Alpes-Côte d’Azur, en facilitant le partage et l’accès aux
ressources, en favorisant la rencontre entre les producteurs et les utilisateurs de données et
en développant les partenariats entre les différents acteurs. Par ailleurs, notre région en
menant ce chantier stratégique, pourrait apparaître comme une région en pointe en matière
d’innovation numérique au niveau national.
4/ Plan d’action proposé pour la Région : « Données libres en Provence-Alpes-Côte
d'Azur »
Engager la Région sur la voie de la libération des données impose une démarche
pragmatique en plusieurs étapes ; c’est à la fois un projet interne à l’administration,
transversal et un projet relevant de l’action stratégique de la Région en matière de
démocratie, d’innovation et de soutien à l’écosystème numérique.
Ce projet pourrait se dérouler, par étape, de la manière suivante:
- Proposer une délibération de principe à l’Assemble plénière d’octobre ou de
décembre 2011 sur le chantier régional « Données libres en Provence Alpes Côte
d’Azur » ;
- Participer activement au projet de libération des données publiques au sein de
Marseille Provence 2013 sur les thèmes du tourisme, de la culture et des transports.
En ce qui concerne la mise en œuvre du projet de « cadre numérique territorial
commun » (CNTC) porté collectivement au sein de MP2013, une décision sera
prochainement prise par les partenaires sur la gouvernance et le portage
opérationnel de la plateforme technique concernant les données publiques libérées
dans ce cadre. Il s’agit d’abord de porter la dynamique installée jusqu’à fin 2013 et de
permettre l’ouverture des premiers jeux de données dès le début 2012.
- Mener, en interne au Conseil régional et dans les organismes régionaux associés, un
travail systématique de recensement des données disponibles et à ouvrir. Ce travail
pourrait déboucher sur la constitution d’un catalogue de données régionales, en
étudiant les conditions techniques et juridiques de leur publication et en mettant en
œuvre un travail spécifique d’animation. Ce premier catalogue pourrait comprendre
notamment les données de l’inventaire du patrimoine, les horaires des LER, des
chiffres et études du SEOP, les données touristiques, l’information géographique, les
données culturelles de l’ARCADE, etc. : des données produites par la Région elle-
même et par ses partenaires de premier rang.
- Lancer au niveau régional dans le courant du 1er semestre 2012, dans le cadre de
ses dispositifs existants sur les services et l’innovation numériques (eServices,
PACALabs, etc.) un appel à projets et un « concours régional des applications et
services numériques innovants » réalisés à partir des jeux de données ouverts au
niveau régional et dans le cadre du projet de Marseille Provence 2013 ; ce concours
régional serait ouvert aux PME innovantes de la filière régionale numérique (PRIDES
SCS, PRIDES PMI), aux universités et chercheurs, aux collectivités, aux citoyens et
aux associations (notamment le réseau des ERIC).
- Enfin, à l’échelle euro-méditerranéenne, dans le cadre du programme MED, la
Région Provence-Alpes-Côte d’Azur pourrait envisager de participer comme
partenaire associé à un projet inter-régional sur l’open data avec plusieurs régions
euro-méditerranéennes notamment la Région Piémont, l’Andalousie et la Corse.
Conclusion : c’est un chantier stratégique et passionnant dont la réussite passe par la
mobilisation, la coopération et l’intelligence collective des différents acteurs – collectivités
publiques et innovateurs de terrain, associations comme PME innovantes, chercheurs
comme citoyens.
Nous sommes convaincus que ce chantier de l’ouverture des données publiques participera
également à l’innovation dans le secteur public et à la rénovation de l’action publique.
Documents Annexes :
- (1) programme de la manifestation « Open data Garage » du 6 juillet ;
- (2) note d’opportunité interne sur un chantier régional dans ce domaine ;
- (3) Dossier « Libérons les données publiques » publié dans la revue territoriale
« Techni.cités» (avril 2011) ;
- (4) Dossier « Libérez les données publiques » publié dans la lettre « Aquitaine
numérique » (décembre 2010) ;
- (5) Articles récents paru dans « Les Echos » ;
- (6) Dossier « L’Open Data et nous, et nous, et nous ? » publié dans la revue RSLN
(premier trimestre 2011).