Dossier en 3 parties : l’alimentation dite naturelle, saine, biologique, vivante, slow-food, paléolithique, etc., au-delà de sa variété d’expression (et de ses contradictions d’école !) remet sainement en cause nos dysfonctionnements alimentaires actuels : malbouffe, uniformisation des goûts, perte du lien social, pollution, grignotage… A-t-elle tort, a-t-elle raison ? Regardons à travers les leçons d’une riche histoire passée et présente de l’acte de manger, et, riches de la mémoire des peuples imaginons un futur désirable vers où tendre. 1re partie : les leçons du passé.
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Alimentation naturelle :
les leçons du passé (1/3)
L ’alimentation dite naturelle, saine, bio, vivante, slow-food, paléolithique, etc., au delà de sa variété d’expression
(et de ses contradictions d’école !) remet sainement en cause nos dysfonctionnements alimentaires actuels :
malbou e, uniformisation des goûts, perte du lien social, pollution, grignotage… À t’elle tort, à t’elle raison ?
Regardons à travers les leçons d’une riche histoire passée et présente de l’acte de manger, et, riches de la mémoire des
peuples imaginons un futur désirable vers où tendre. 1re partie : les leçons du passé.
M. Sauveu
r Fernande
z
1 – La viande, honnie… et si désirée de peurs et doutes sur le risque sanitaire alimentaire, qui tarau-
De tous temps et en tous lieux la viande fut rarement rejetée, dent toutes les époques : par exemple, la Charte de Mirepoix
mais plutôt « canalisée » en une consommation raisonnable, de 1303 réglemente déjà la vente urbaine de viande avec com-
par des réglementations, des rites, des interdits culturels, car me souci principal la santé publique et la sécurité alimentaire.
elle était autant désirée que suspectée. De plus, à contre-courant de l’image idyllique actuelle du
En Afrique, les Massaïs, guerriers-vachers à la haute stature, lien « authentique » avec son commerçant de quartier, les
consomment rarement la viande de leur élevage, hautement acheteurs urbains d’antan se mé aient paradoxalement des
respecté par ailleurs. produits de marché et de proximité, comme l’attestent les
L’occident fut une exception notable en ce sens, que la viande nombreux statuts urbains réglementant la vente alimentaire,
dictés dès le moyen-âge ! La peur a toujours été liée au plaisir
gr était déjà la nourriture principale des le haut moyen-âge puis
sa consommation déclina et repris fortement avec l’arrivée de de manger.
l’élevage industriel. Ses tabous et interdits furent levés progres-
sivement dés le moyen-âge (voir tableau) 3 –Terroir et agro-industrie : le bien contre le mal ?
Aujourd’hui cette fascination s’inverse : sa consommation L’alimentation de terroir, chantre de l’identité locale et de «
baisse régulièrement en Occident : ce retour à un équilibre ali- l’authentique » est souvent perçue comme un passé désirable
mentaire ancestral est à tempérer par la fascination de plus en vers qui tendre, un must alimentaire naturel ancestral en lutte
plus grande que l’aliment carné exerce sur les pays émergents. contre une agro-industrie déshumanisée. Qu’en est-il vrai-
Le tableau suivant illustre les préceptes communément admis ment ? La réalité est plus complexe :
en Europe du moyen-âge à la renaissance, et qui plaçaient les La richesse « authentique » de nos terroirs, manifestée symbo-
animaux comme étant plus nobles et plus « divin » que les vé- liquement par nos 365 variétés de fromages existait bien, mais
gétaux, favorisant leur consommation… c’était surtout au XIXe siècle une nourriture noble réservée aux
bourgeois ou riches fermiers, et qui pro tait de l’arrivée moder-
ne du train pour s’étendre ! Le petit peuple quand à lui avalait
au quotidien, bouillies et galettes perçues comme « pauvres »
par les élites de par l’origine locale des ingrédients. Le cidre ne
fut longtemps qu’une a reuse piquette avant de pro ter no-
tamment de l’agronomie moderne et de l’industrialisation des
transports modernes pour se développer. Rappelons aussi que
l’emblématique boite ronde en bois léger de nos fromages est
une invention industrielle de la n du XIXe siècle.
4 – World food ou production locale ?
L’ailleurs a toujours fasciné les peuples civilisés, au détriment
souvent de l’origine locale des aliments. Le café, le sucre, le
cacao, les épices, désormais courants sont la démocratisation
d’aliments exotiques de la première heure importés pour cer-
tains dès le XIIe siècle. Aujourd’hui, le vin, le soja, la bière, la
pizza et même le sandwich reprennent le ambeau.
En réaction, ce mélange planétaire des genres favorise
aujourd’hui les gastronomies identitaires des mondes, inquiè-
tes d’une banalisation planétaire des goûts et saveurs.
Le terroir symbole des identités s’est en fait toujours nourrit de
2 – Les vaches folles du passé l’ailleurs : nombre de légumes du bon vieux potager - tomate,
Les crises alimentaires de ces dernières décennies ont fait le lit aubergine, betterave, pomme de terre, haricot - tous nés hors
de l’alimentation naturelle, qui brandit en contre-valeur les ver- d’Europe, ont vus naitre le cassoulet du sud-ouest, la ratatouille
tus de l’alimentation saine d’antan et du « boucher du coin ». provençale…
Cependant, au delà de la peur permanente de ne pas manger Cette tension permanente entre le « moi » et le « toi » est en
à sa faim, l’histoire occidentale de l’alimentation est émaillée fait nécessaire et utile en permettant un juste milieu entre be-
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soin d’a rmation de soi et désir positif et paci que de
l’autre.
L ‘alimentation naturelle n’échappe pas à cette friction
éternelle en n’hésitant pas à mettre une plante asiati-
que, le soja, à toute les sauces, négligeant en passant
nos légumineuses bien de chez nous (lentilles…), et
promulguant dans le même temps le retour à un ap-
provisionnement local, avec les AMAPS…
5 – L’art diététique oublié du passé
Le passé est surtout perçu comme un réservoir de tradi- accusés de multiples maux: contribution à l’obésité, perte du
tions gastronomiques, soucieuses d’abord de manger avec plaisir. lien social, déstructuration des repas… Si ces critiques sont
Manger sain et diététique restant la chasse gardée de la science une réalité à prendre en compte (on mange de plus en plus
diététique « civilisée » actuelle qui dicte ses recommandations « mal, à son envie et seul devant sa télé), il ne faut pas jeter l’eau
modernes » (moins de sel, plus de fruits et légumes…). du bain et le bébé :
Hors, pour les chinois, les antillais, l’Inde, et même l’occident la En e et, le grignotage et l’alimentation rapide, loin d’être des
cuisine était avant tout l’art d’équilibrer le chaud, le froid, le sec, inventions modernes ont toujours existés : l’Asie et l’orient pra-
l’humide, la salé le sucré pour rester en bonne santé. La cuisine tiquent par exemple depuis des lustres une prise alimentaire
en tant qu’art unique des saveurs est en fait une « invention » spontanée non codi ée et individualisée : Les vietnamiens ap-
récente datant du XVIIe siècle, à l‘époque ou l’essor de la scien- pellent cela « manger pour s’amuser ». Les rues sont animées
ce moderne la libérait progressivement de préoccupations de vendeurs ambulants et d‘échoppes minuscules (tachigui,
purement diététiques. D’ou la guerre actuelle entre plaisir de « manger debout » au japon). Contrairement à nos fast-foods
manger suivant ses envies et e orts pour manger sain. et nos plateaux télé, ces pratiques incitent en majorité à des
rencontres amicales et spontanées et aux échanges avec des
Que valaient ces savoirs universels, en apparence empiriques
inconnus, et sont diététiques : les indiens des Andes grap-
? Les médecins de la dynastie des Song (960-1279), traitaient
pillent au passage des végétaux, qui se révèlent une source
le diabète l’œdème, etc, par l’alimentation. Fait remarquable,
essentielle de vitamines et d’oligo-éléments qui complètent
les céréales complètes et les légumineuses réhabilitées de-
les repas.
puis peu par la science, ont depuis le néolithique constituées
l’alimentation principale de tous les peuples civilisés de la pla-
nète. 8 – Conclusion, qui a tort qui a raison ?
L’étude du passé nous apprend qu’il ne faut pas opposer trop
6 – L’alimentation moderne tueuse de lien social ? vite et sans nuances l’alimentation supposée naturelle d’an-
tan, souvent idéalisée, avec les excès connus de l’agro-alimen-
L’alimentation moderne n’est pas seulement accusée de dé-
taire d’aujourd’hui. C’est paradoxalement l’accompagnement
naturer les aliments, elle individualise et déstructure les repas
« tendu », en frères ennemis de deux modes de pensées en
(chacun mange quand et ou il veut) : en clair la famille parle de
apparence contradictoire qui est source de vrais progrès.
moins en moins à table.
L’alimentation industrielle, en quelques sorte millénaire (l’éle-
C’est oublier un peu vite que, hors banquets, les repas bour-
vage et l’agriculture, le pain, la bière, le fromage, sont les pre-
geois familiaux au XIXe, étaient rigides et très codi és : on dis-
mières réalisations technologiques alimentaires de l’homme)
cutait peu, les enfants devaient demander la permission avant
s’est vu toujours accompagnée d’un imaginaire naturel de
de parler. Dans le milieu rural, on se tournait quelquefois le dos,
sens et de bon sens qui relie l’homme et la nature, limitant les
le silence était courant. Le souci du repas en tant que stimula-
excès de l’un (pollution, santé amoindrie…), et de l’autre (l’in-
teur lien social date surtout des années 1900-1950, époque à
dividu étou é par la collectivité et les institutions). Beaucoup
laquelle les contraintes de la vie moderne (les hommes man-
d’approches actuelles réunissent le meilleur des 2 mondes.
gent dehors), et les facilités du nouvel équipement ménager
(frigo…), encouragent à une nouvelle quête du lien social. Suite au prochain article : les leçons du présent.
En fait l’alimentation du troisième millénaire est à la recher-
che permanente d’un nouveau contrat relationnel alimentaire,
coincée qu’elle est par le désir très moderne et contradictoire
d’être Soi et de vivre le Nous. De nouvelle habitude sociales
émergent ainsi : l’enfant participe aux conversations, désor-
mais recherchées, la vie relationnelle s’émancipe à nouveau du
repas familial et se poursuit dans les restaurants, les cafeterias
d’entreprises… M. Sauveur Fernandez est consultant expert en marketing
L’alimentation naturelle quand à elle insiste surtout sur le lien vert et innovation responsable. Fondateur de l’Éconovateur
social élargi entre le consommateur le commerçant artisan et en 2001, pionnier français des principes de la communication
le producteur local avec des circuits courts de distribution. responsable, il décrypte les tendances à venir, et aide les
entreprises à la création de produits et services éthiques.
4 rue de Chaffoy - 30 000 Nîmes
7 – Grignotage et fast food, nouveaux fléaux Tél. : 06 11 40 19 91
alimentaires ? Mail : fsauveur@econovateur.com
Malgré leur popularité croissante, le grignotage (snacking) et www.econovateur.com
la nourriture rapide, pratiqués souvent avec culpabilité, sont
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