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Kate
1. L'Anthropologie (Paris). 1911.
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2. SUR QUELQUES PEINTRES-ETHNOGRAPHES
DANS L'AMÉRIQUE DU SUD(,)
PAR
LE DP HERMAN TEN KATE
Personne n'a essayé jusqu'ici, autant que je sache, de faire un
travail d'ensemble sur une catégorie de voyageurs que je désigne
sous le nom général de peintres-voyageurs. J'appelle peintre-voya-
geur un voyageur plus ou moins instruit, voire scientifique, visi-
tant un pays lointain, qui, en dehors de son carnet déroute, porte
sur lui son album à dessiner et fait, avec plus ou moins de talent,
des croquis ou des études d'après nature. Il n'est pas absolument
nécessaire qu'il soit artiste de profession ou qu'il ait peint des
tableaux.
Chez l'un de ces voyageurs prédomine l'artiste, chez l'autre
l'homme de science ou l'écrivain. Tel s'occupe de préférence du
paysage et de la végétation, tel autre des hommes et des animaux.
L'un est surtout naturaliste et chasseur, l'autre géologue et bota-
niste, un troisième archéologue et ethnographe.
Je ne m'occuperai dans ce petit essai que de ceux des peintres-
voyageurs qui, au xixe siècle, par leur oeuvre artistique, scientifi-
que ou littéraire, ont contribué à l'étude de l'ethnographie et de
l'archéologie su d-américaines.
Seulement, faire une distinction nette n'est pas toujours possi-
ble. Je m'explique. Quand un voyageur est à la fois paysagiste et
ethnographe, j'aurai à parler de son travail d'ensemble, tout en
essayant do le considérer avant tout comme peintre-ethnographe.
Cet essai n'a nullement la prétention d'être complet. Avec la
douzaine de noms je mentionnerai ici, la liste pour l'Améri-
que
que méridionale n'est épuisée. Par exemple, en parlant de
point
Poeppig, j'aurais dû considérer également l'oeuvre de Robert
(1) Mémoire au XVIIe Congrès international des Américauistes à Buenos
présente
Aires, et publié ici avec l'autorisation du dit Congrès. Cf. Sumarios de los confèrent
cias y memorias Colecciôn compléta reunida por ROBERT LBHMANN-NITSGHE, Buenos
Aires, 1910. Resùmen n° 5.
L'ANTHROPOLOOIB. — T. XXII. — 1911. 1
3. 14 Dr HERMAN TEN KATE
Malheureusement, j'écris ce travail
Schomburgk et de d'Orbigny.
de ces deux voyageurs célèbres me
dans un endroit où les ouvrages
J'aurais aussi de Karl Appun et de
sont inaccessibles. pu parler
Anton et autres encore au-
Julius Platzmann; Goering quelques
être cités. Mais l'oeuvre des deux se rapporte de
raient pu premiers
à la celle du troisième au paysage. Quant
préférence végétation,
dû les omettre l'instant faute de données
aux autres, j'ai pour
suffisantes.
Les de l'Amérique du sud que
peintres-voyageurs-ethnographes
en revue sont d'un mérite très inégal. Sans vouloir pro-
je passerai
noncer un verdict qui, d'ailleurs, n'est pas toujours
catégorique
de ma tâcherai de faire ressortir les mérites et les
compétence, je
défauts de leurs travaux, disparates au double point de vue
parfois
déjà indiqué.
En traitant de l'oeuvre de ces peintres-ethnographes, j'ai suivi,
autant l'ordre chronologique. Il m'a paru préférable
que possible,
de comme règle la date de publication de leurs
cependant prendre
l'époque de leur séjour en Amérique. Toute-
ouvrages plutôt que
des raisons évidentes, cette règle n'a pas pu être suivie
fois, pour
à la lettre. Étant donnée la vie aventureuse et mouvemen-
toujours
tée de de ces voyageurs, j'ai cru qu'il serait intéressant
plusieurs
d'ajouter à mon exposé quelques renseignements biographiques.
On dire Alexandre de Humboldt a inauguré, au xixe
peut que
siècle, la série des peintres-voyageurs dans le sens que je donne à
ce mot. C'est lui, en effet, qui, pour rendre plus vivantes les des-
des parcourus, des sites visités, de la végétation, des
criptions pays
animaux et des habitants du Nouveau-Continent, se servait, et
non sans succès, du crayon et du pinceau. Dans les planches qui
illustrent l'atlas pittoresque de sa Relation historique et ses Vues
des Cordillères et des monuments des peuples indigènes de l'Améri-
Humboldt s'est évertué à donner ce qu'il y avait de mieux
que,
à cette époque. Plus tard, dans Kosmos (1), le grand voyageur, en
faisant l'historique de la peinture des paysages, préconisa cette
branche de l'art comme devant donner un appui à la description.
Tout en reconnaissant le grand mérite, sous ce rapport, de l'auteur
des Ansichten der Natur, Ton sait que son oeuvre est du do-
plutôt
maine de la géographie physique que du domaine de l'ethnogra-
phie.
(1) Vol. II, où il traite de la Landschaf tsmalerei in ihrem Einfluss auf die Bele-
bung des Nalurstudiums.
4. SUR QUELQUES PEINTRES-ETHNOGRAPHES DANS L'AMÉRIQUE DU SUD. 15
C'est Eduard Friedrich Poeppig qui mérite d'être signalé après
Humboldt. Poeppig, né à Plauen en 1798, mort à Wahlenberg près
Leipzig,en 1868, voyagea de 1827 à 1832 dans l'Amérique du sud;
il parcourut le Chili, le Pérou et le Brésil. S'il n'était pas artiste
dans le vrai sens du mot, il a néanmoins illustré ses voyages ; et si
ses illustrations ne valent en aucune façon son style et son talent
merveilleux de description, on ne saurait les passer sous silence.
Le récit de voyage de Poeppig, Reise in Chile, Peruund auf dem
Amazonemtrome (2 vol. 1835) est accompagné d'un Bilderallas
de 24 planches. La plupart se rapportent aux paysages et présen-
tent un grand intérêt pour la morphologie de l'écorce terrestre. Je
ne dirai un mot que des planches relatives à l'homme.
Les Pehuenches du Chili y sont largement représentés. Ainsi,
il s'y trouve une scène de rapt, lithographiée d'après un tableau
de Schubauer. Dans une de ces belles vallées de la Cordillère, un
guerrier pehuenche, aux cheveux flottants, à cheval, tient étendue
devant lui une jeune femme blanche qui se débat. Plusieurs cava-
liers chiliens, pittoresquement vêtus, poursuivent le ravisseur
audacieux. L'ensemble de cette composition est d'une exécution
très minutieuse, un peu conventionnelle, mais non sans mérite.
Signalons ensuite Wasserjagd bei Talcahuano et Pinnalow. Pinar
(sic, i. e. Pinal), où l'on voit quatre toldos en peau, dressés dans
un paysage montagneux, au milieu des araucarias. Quatre guer-
riers pehuenches, dont un à cheval, semblent attendre le retour de
leurs frères.
Les autres lithographies concernent des scènes du Pérou : une
vue de la Mission Sion, avec quelques Indiens au premier plan; der
Ruallaga anterhalb Sion, où l'un des Indiens presque nus est en
train de lancer la petite flèche dune sabarcane à quelque oiseau.
Dans la Saiina de Pilluana, nous voyons un bivouac d'Indiens au
bord de l'eau; au Pongo del HuaHaga enfin, un voyageur, proba-
blement Poeppig lui-même, est représenté dans un canot monté
par sept Indiens.
Quant au texte relatif aux indigènes, les renseignements que
notre voyageur donne sur les Pehuenches, dans le premier volume
de son Reise, ne sont pas non plus sans intérêt. Poeppig, évidem-
ment, a vécu dans leur proximité, mais ce qu'il dit au sujet des
idées de cette tribu n'a aucune valeur.
religieuses
Les données sur les Indiens Cholones, Xibitos et Lamistos, du
en précises, sortent à peine du
Haut-fluallaga, quoique général
5. 16 !)•• HERMAN TEN KAfE.
cadre des ordinaires. Mais j'insiste sur le
descriptions Poeppig,
était avant tout naturaliste et on ne vraiment pas lui
fait, peut
faire les Indiens les plantes, les ani-
reprocher de passer après
maux et les rochers. Et à ma connaissance,
cependant personne,
n'a mieux décrit lui le caractère des créoles sud-
que psychique
américains. Du reste, son comme naturaliste, le met au
oeuvre,
des anciens dans l'Amérique australe et
premier rang voyageurs
les actuelles ont tort de l'avoir un peu oublié.
générations
Je sous silence un autre ouvrage illustré par lui, Land-
passe
Ansichter und erlauterende Darstellungen aus dem
schaftliche
Gebiete der Erdkunde, comme ne traitant que de la géographie
physique.
Il est curieux de tous les pays de l'Amérique du sud, le Bré-
que,
sil soit celui dont les peintres-voyageurs se sont le plus occupés.
En laissant de côté les artistes du xvne et du xvme siècles, dont
Humboldt nous a parlé, ce sont Freireis, le compagnon de von
Eschwege, et Debret qui ouvrent la série; ce dernier était au
Brésil en même temps que Hercules Florence et Poeppig; une di-
zaine d'autres les suivent en ce pays merveilleux, au cours du siècle
passé. Je n'aurai pas l'occasion de parler de tous ces peintres-
voyageurs, mais Jean-Baptiste Debret (1) ne saurait être omis.
Né en 1768 à Paris, où il mourut en 1848, comme membre cor-
respondant de l'Institut de France, Debret fut élève de David, son
parent, qu'il accompagna fort jeune en Italie. En 1791, Debret
obtint le 2e grand prix de Rome. 11 exécuta ensuite « dans le style
et de la des élèves de David —
guindé emphatique plupart »,
comme dit l'un de ses —
biographes plusieurs tableaux se rappor-
tant à l'époque napoléonienne. Appelé vers 1816, avec d'autres
artistes, par la famille royale de Portugal, réfugiée à Rio de
Janeiro, pour former dans cette ville un institut des Beaux-Arts,
Debret séjourna au Brésil jusqu'en 1831. Ce n'est en effet cette
qu'à
date que l'établissement en question put être Pendant
inauguré.
cette longue attente, Debret ne perdit pas son Il fut
temps. appelé
par la cour à exécuter de nombreux travaux : tableaux officiels,
portraits de personnages royaux, etc. Il faisait il recueillait
plus;
les matériaux qui, après son retour en France, devaient le mettre
(1) Cf. Dictionnaire général des artistes de l'École frartçaise, de E. BELLIBR DE LA
CHAVIGNERIB ; Allgem. Lexicon der bildenden Kûnstler de THIEME et BECKER. Leipzig,
1909 et L. DUSSIEUX, Les Artistes français à l'étranger. 1856.
Paris,
6. SUR QUELQUES PEINTRES-ETHNOGRAPHES DANS L'AMÉRIQUE DU SUD. 17
à même de publier son grand ouvrage intitulé Voyage 'pittoresque
et historique au Brésil (3 vol. gr. in-folio, Paris, 1834-39).
Debret, en « historien fidèle », comme il lui-même, a
s'appelle
rendu « les points caractéristiques des objets » qui l'environnaient.
« Aussi », dit-il dans l'introduction de son ouvrage, « mes cro-
faits au Brésil retracent-ils spécialement les scènes natio-
quis
nales ou familières du peuple chez lequel je passai seize années ».
En jugeant le Voyage pittoresque d'après sa date, c'est certaine-
ment un recueil de mérite. Le texte consiste en une introduction
à l'étude du pays et de sa population, qui ne sort guère des géné-
ralités ; ensuite, viennent un court historique et les explications
détaillées des planches. Ces planches consistent en lithographies
soignées d'après les dessins de Debret. Plusieurs sont signées par
lui conjointement avec la vicomtesse Pauline de Portés. Dans ces
dessins, abondants en détails minutieux, il n'y a rien de vague ni
d'embrouillé.
Pour les Indiens du Brésil, le tome premier, renfermant 36 plan-
ches, a de l'intérêt. En dehors de types ethniques, de portraits et
d'objets ethnographiques, Debret a fait de véritables compositions.
Parmi celles-ci, je ne ferai mention que des suivantes : Intérieur
d'une station de Caôocles, le du combat et le de la
Signal Signal
retraite (chez les Goroados), une Charge de cavalerie des Guaycou-
ros et la Famille d'un chef camacan se préparant pour une fête.
La composition (pi. 20) intitulée Botocoudos, Puris, Patachos et
Macharis ou Canellas, représentant un festin sylvestre de ces
Indiens, est grotesque. Ce groupe grimaçant, se gorgeant autour
du feu, dévorant du gibier de toute nature, fait plutôt penser à
une réunion d'anthropopithèques en frénésie qu'à des sauvages.
Parmi les portraits d'Indiens, je citerai un chef Camacan Mon-
goyo et une femme de la même tribu, puis des types de Borore-
nos, Botocudos, Charruas (Charrous ou Chirous) du fleuve Uru-
guay, de Goyanas, Guaranis et Cabocles (nom générique de tout
Indien civilisé), un Jouri, un Maxuruna, un Jouripassé (1) et
d'autres, enfin une momie coroado dans une urne. En général,
Debret n'a pas commis la faute de tant d'autres peintres-voya-
geurs, ou de son temps, à savoir : de donner des
précédents
à ses sujets exotiques. S'il n'est pas
physionomies européennes
toujours dans le vrai au point de vue purement anthropologique,
(1) Je suis la nomenclature et l'orthographe de DEBRET.
L'ANTHROPOLOGIE. — T. xxu. — 1911. 2
7. 18 D' HERMAN TEN KATE.
on dire dans la des cas, on a vraiment affaire à
peut que, majorité
des indigènes sud-américains.
Les 26-36 sont fort intéressantes l'ethnographie : elles
pi. pour
différentes formes de huttes de sauvages, des
représentent
des des employées pour les colliers,
masques, coiffures, graines
des le des plantes nutritives, des orne-
végétaux pour tatouage,
ments en d'oiseaux, des instruments de musique, des cor-
plumes
des armes, des de la Serra do Anastabia et
beilles, pétroglyphes
des bords du Rio Yapurâ. Il y a en outre quelques planches
représentant la forêt vierge, des plantes et des arbres, toutes des-
sinées avec beaucoup de soin. Quant au paysage brésilien, deux
planches sont à signaler : Les bords du Parahiba et la Vallée da
Serra do Mar. En examinant les planches relatives aux Indiens et
en lisant le texte qui s'y rapporte, on a l'impression que Debret
a vu la plupart de ces Indiens à Rio de Janeiro et qu'il a peu
voyagé dans l'intérieur de l'empire. De plus, ses amis brésiliens
lui fournissaient des données. Ce qu'il a dit lui-même aux n
pp.
et ni de l'Introduction semble confirmer cette supposition.
Dans le tome II du Voyage pittoresque, Debret s'occupe des
Portugais, des Créoles et des Nègres. Il s'y trouve plusieurs
planches qui ont de l'intérêt puisqu'elles représentent des scènes
de la vie sociale au Brésil à cette On voit,
époque. y par exemple,
comment les prétendus civilisés d'alors traitaient leurs esclaves.
Les planches 22 et 36 sont particulièrement précieuses pour
la connaissance de africaine exacte des noirs. Debret
l'origine y
figure un certain nombre de négresses et de de
nègres, parés
leurs coiffures bizarres et variées. La des de ce
plupart planches
tome sont des tableaux de genre, il en est de fort
parmi lesquels
curieux.
Le tome III est le moins intéressant nous. Il ne se
pour rap-
porte en effet qu'à la vie civilisée, voire des villes brési-
élégante,
liennes.
Passons maintenant à un autre débuta
peintre qui également
au Brésil : Johann Moriz Rngendas.
Sa position parmi la petite phalange d'artistes-voyageurs qui
nous occupe est unique. n'a laissé de
Rugendas pas livres de voyage,
mais il a légué à la postérité une foule de documents sur
précieux
le Brésil et plusieurs pays hispano-américains, sous la forme de
croquis, de dessins et de peintures.
De tous les dans
voyageurs-peintres l'Amérique australe, per-
8. SUR QUELQUES PEINTRES-ETHNOGRAPHES DANS L'AMÉRIQUE DU SUD. 19
sonne n'a été plus productif. La vie d'un homme ne suffirait à
pas
utiliser ce qu'il a réuni. Le nom de Rugendas n'est cependant pas
connu en dehors d'un cercle très restreint de d'eth-
géographes,
nographes et de peintres. Pour donner une idée de l'oubli dans
lequel Rugendas est tombé, je dirai que le directeur de la Gra-
phische Sammlung (Alte Pinakothek) à Munich, où l'oeuvre de
Rugendas est conservée, M. le Dr Heinrich Pallmann, me disait
que, depuis quinze années qu'il est attaché à cet établissement,
j'étais la première personne qui lui ait demandé de voir ces des-
sins. Humboldt cependant le signale dans Kosmos Ratzel, au
(1).
contraire, par qui pourtant j'ai entendu parler pour la première
fois de Rugendas, il y a près de vingt ans, ne le cite dans
guère
son Ueber Naturschilderung.
Avant d'examiner l'oeuvre de Rugendas, je m'arrêterai un ins-
tant à l'histoire de la vie de cet artiste errant.
Moriz Rugendas, issu d'une famille de et de
peintres graveurs,
originaire de Catalogne, naquit, en 1802, à Augsbourg.il y fréquenta
d'abord l'école des Beaux-Arts dirigée par son conti-
père, pour
nuer ensuite ses études à l'Académie de Munich. Le jeune Rugen-
das s'inspira surtout des deux peintres : Lorenz et
Quaglio
Albrecht Adam. Mais son goût pour la vie errante de
l'empêcha
se perfectionner comme artiste. A l'âge de 19 ans il suit von
déjà,
Langsdorfï (2) au Brésil en qualité de dessinateur. L'insuffisance
de son sur lui sa vie durant. Plus
apprentissage pèsera tard,
revenu de ses illusions, il se l'avoua à lui-même. Les caractères
de Langsdorfï et de étaient, à ce
Rugendas qu'il paraît, incompa-
tibles. Le jeune artiste se sépara donc bientôt de son compagnon,
pour voyager seul, à ses frais, souffrant toutes sortes de priva-
tions. En 1825, Rugendas revenait en Europe. Il vendit une
y partie
de ses dessins, ceux-là mêmes furent réunis tard dans
qui plus
Das aus der malerischen Reise in Brasilien
Merhwûrdigste (Schaff-
hausen, 1836), ouvrage dont j'aurai l'occasion de parler encore.
Après avoir passé deux ans en France et en Italie, à Rome sur-
tout, Rugendas met de nouveau le cap sur l'Amérique. Par
voie de Haïti, il se rend au Mexique, dont il parcourt les régions
(1) Vol. n, p. 86.
(2) LANGSDORFF, qui d'abord prit part au voyage autourdu monde de Krusens-
tern (1803-06), était consul général de Russie, au Brésil, où il organisa une expédi-
tion dont l'issue fut malheureuse. Je revieos sur LMVUSDORFF au sujet de HERCULES
FLORENCE.
9. D' HERMAN TEN KATE.
20
la Californie et ensuite fait voile
centrales trois ans. Il visite
pendant
six ans, dont trois ans souffrant,
le Chili. y resta
vers Rugendas
à la main; il peut, il y
le et le pinceau quand
toujours crayon
Il traverse la Cordillère, fait
sa vie en faisant des portraits.
gagne
la à cette époque pleine
des chevauchées dans pampa argentine,
visite Buenos Aires. Il passe les
d'Indiens plus ou moins hostiles,
et en Bolivie, où il dessine des ruines
années 1841-44 au Pérou
de nouveau au Brésil. De là, enfin, il
indiennes, puis se rend
retourne en 1847 en Europe.
du étaient volumineux et son
Si les portefeuilles voyageur
la fortune restait un rêve. Le roi
cerveau rempli de souvenirs,
eut l'occasion de montrer sa
Louis I de Bavière, auquel Rugendas
de dessins acheta en 1848, contre une modeste
collection etc.,
la collection complète du voyageur. Elle
rente viagère, presque
3.025 numéros et fut déposée au Kgl. Kupferstich-
contient (1)
à Munich, nommé plus tard Graphische
und Handzeichnungscabinet
Du tous ses efforts, Rugendas ne put
Sammlung. reste, malgré
d'éditeur même une partie de ses études. Un
trouver pour publier
la découverte de que le roi Maximilien de
tableau, l'Amérique,
lui commanda en 1852, lui procura surtout du chagrin.
Bavière
son éducation artistique inachevée
C'est là, plus que jamais, que
fit cruellement sentir. Son talent inné d'artiste ne suffisait pas
se
à remédier à son d'habileté technique. De guerre lasse,
manque
s'assombrit. Il sentait sa vie brisée. Il était de ceux qui
Rugendas
suivant une n'errent pas impunément sous les
jolie expression,
Son voeu de retourner aux pays du soleil pour y finir ses
palmiers.
ne se réaliser. Et un jour de mai, en 1858, la mort le
jours put
lors d'une visite au village de Weilheim an der Teck, dans
surprit
le Comme son anonyme le dit si bien :
Wurtemberg. biographe
« er, dem zwei Welten zu klein gewesen, fand endlich im engsten
WinkelRuhe» (2).
Jetons maintenant un coup d'oeil rapide sur l'oeuvre de Moris
Rugendas.
Prise en bloc, cette oeuvre se divise en deux parties. La première
(1) D'après l'inventaire dressé par RUGENDAS lui-même en juin 1848. Selon deux
articles biographiques publiés sur lui, le nombre serait de 3353 feuilles. Un autre
en nomme 3339. LANGSDORFF aurait gardé « un grand nombre d'études » de RUGEN-
DAS, malgré leur séparation. RUGENDAS aurait laissé en outre « uoch eine grosse
anderer, theilweise nient weniger werthvoller Studien ».
Menge
(2) Pour plus de détails sur la vie de RUGENDAS, je renvoie à YAllgemeine Deutsche
Biographie, Bd. 29. Leipzig, 1889 et à Ylllustrirle Zeilung, n<> 781, du 31 juillet 1858.
10. SUR QUELQUES PEINTRES-ETHNOGRAPHES DANS L'AMÉRIQUE DU SUD. 21
partie comprend des paysages, des vues de ruines et de villes et
des tableaux de la végétation tropicale, se surtout au
rapportant
Mexique ; d'après une estimation globale, elle forme la grande
moitié de la collection étudiée par moi récemment à Munich.
L'autre partie se compose de types ethniques, de compositions
de figures, hommes, chevaux, etc., et d'études d'animaux et de
plantes. Au point de vue artistique, je suis d'avis les
que paysages
de Rugendas sont supérieurs à ses autres dessins et études. Ses
faiblesses y sautent moins aux yeux, l'effet est immédiat et
plus
plus satisfaisant. Il y a des sites, des vues de volcans du Mexique,
des vallées grandioses et mornes des Andes, sont d'une réelle
qui
valeur pour la géographie descriptive, la Landschaftskunde. L'im-
pression générale, que ces études peintes procurent, est assez
complexe et quelque peu contradictoire. Pour préciser : au pre-
mier abord, on croit avoir affaire à des chromolithographies un
peu criardes. Cela vient du romantisme de cette époque, dont
Rugendas était imprégné. Puis, en regardant de plus près, on y
découvre une certaine affinité avec les paysagistes modernes.
C'est le même inachevé, le même reflet dune impression indivi-
duelle. Mais, c'est surtout la partie ethnographique et anthropo-
logique de l'oeuvre qui nous intéresse ici.
Une partie infiniment minime seulement des dessins de
Rugendas fut publiée dans la Malerlsche Reise, déjà citée, et plus
tard dans le livre intitulé Mexico und die Mexicaner ; Landschafts-
bilder und Skizzenausdem Volksleben (Darmstadt, 1855), publié par
C. L. Sartorius. Les lithographies du premier ouvrage donnent
une bonne idée de ce que Rugendas a fait au Brésil, bien que je
préfère les dessins originaux du voyageur aux lithographies un
peu trop conventionnelles contenues dans le livre.
La partie ethnographique de la Reise représente des Indiens
et des Nègres, un peu à l'instar de Debret. On y trouve des
planches où des ethniques, des costumes et des scènes de la
types
vie des Indiens sont figurés. Les portraits de Botocudos, de
Camacanes, de Machacalis, de Puris, de Coroados et de Coropos,
hommes et ont aussi de la valeur anthropologique. Les
femmes,
relatives à leurs moeurs et coutumes sont fort curieuses.
planches
Il a en outre des études au crayon de têtes de Nègres brésiliens
y
offrent un intérêt Les tatouages dits à cicatrices,
qui particulier.
en effet, y. sont si soigneusement indiqués qu'on pourrait,
comme ceux de retrouver l'origine africaine exacte
pour Debret,
11. 22 D' HERMAN TEN KATE.
de ces esclaves. au texte de la Reise, nous ne perdons rien
Quant
en le passant sous silence.
mentionné sur le contient une série de
L'ouvrage Mexique
sur acier les dessins de Rugendas. Le titre
gravures d'après
assez le contenu de ce livre.
indique
En ce concerne le Chili et l'Argentine, je crois pouvoir
qui
affirmer les et les dessins se rapportant aux Indiens et
que croquis
aux créoles de ces deux représentent, avec une partie de
pays
ceux relatifs au Pérou, la plus grande valeur ethnographique de
l'oeuvre de Rugendas. Les types, la plupart des scènes qu'il fait
revivre devant nos yeux, appartiennent à tout jamais au passé.
La civilisation, on le sait, a passé comme un ouragan destructeur
sur les pays naguère araucans. Les ethnographes, malheureuse-
ment, y sont venus trop tard. Sachons donc gré à Rugendas
d'avoir laissé à la postérité, comme Poeppig et d'Orbigny, quel-
ques images araucaniennes d'antan.
Ainsi le cahier 18, contenant 100 feuilles, nous mène au milieu
des Araucans chiliens : des combats, des scènes de pillage et de
rapt, la traite des prisonniers; puis, des scènes aux campements,
des danses, des jeux, des chasses, des cavalcades, un peu enfin de
cette vie libre de la Cordillère et de la pampa, où figurent tour à
tour des Pehuenches, des Patagons et des gauchos. D'un autre
cahier, je ne signale que deux lanciers araucans et plusieurs jeunes
femmes, fort jolies, de la même nation. Je n'en nomme que Col-
mavidi, Chanquitiry et Boyel, d'après les indications du peintre.
Ce sont là de véritables études, où le type est bien saisi, où chaque
détail de la coiffure, des vêtements et des ornements différents est
dessiné avec grand soin.
Heureusement, il y a peu d'aquarelles. Les rares fois que Rugen-
das s'est essayé dans ce genre, il a échoué; évidemment, cela
n'était pas son affaire. La seule exception à cette me
règle, que je
rappelle avoir notée, est la tête d'un Néo-Zélandais, aquarelle
faite d'après nature en quelque port du Pacifique.
En ce qui concerne le Pérou, il faut mentionner les de
types
femmes de Lima, 80 environ, figurées de la tête aux dans leurs
pieds
costumes si pittoresques. Dessinée au d'un achevé tout
crayon, par-
ticulier, cette série constitue, à coup sûr, l'une des les
parties plus
précieuses de la collection. Un cahier contient les
spécial portraits
des vice-rois du Pérou, également dessinés au De il
crayon. plus,
y a des habitants de Cuzco, et d'ailleurs. Mais où m'ar-
d'Arequipa