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UNIVERSITÉ DE DROIT, D’ÉCONOMIE ET DES SCIENCES
D’AIX-MARSEILLE
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D’AIX-MARSEILLE
Centre de Droit Maritime et des Transports
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire
du navire en droit russe
Mémoire pour le MASTER 2 Droit Maritime et des Transports
Présenté par Anastasia Toporkova
Sous la direction de M. Christian SCAPEL
Année de soutenance : 2006
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
2
SOMMAIRE
INTRODUCTION…………………………………………………….……p.4
CHAPITRE I : LE STATUT DU NAVIRE EN DROIT RUSSE
CHAPITRE II : LES DROITS REELS ACCESSOIRES SUR LE NAVIRE
SECTION I : L’hypothèque maritime…………………………………p.20
SECTION II : Le gage maritime ………………………………………
CHAPITRE III : LA MISE EN ŒUVRES DES SURETES : LA SAISIE DU
NAVIRE
ANNEXES………………………………………………………………..p.81
BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………..p.122
TABLE DES MATIERES…………………………………………….p.123
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
3
« C’est que le navire est un lieu de travail, un lieu de vie, parfois un lieu de
mort. Et dire qu’un navire souffre, qu’il est français ou étranger, qu’il est pirate
ou flibustier, n’a pas d’autre signification que celle de projeter nos fantasmes sur
une chose qui fait rêver autant qu’elle fait craindre le pire ».
Captain Cobet What’s a ship?,
series extracted from Seaways 1986-1987
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
4
PRESENTATION
La présente étude a pour but d’exposer les principes généraux du droit russe
régissant trois institutions qui ont fait la preuve de leur grande importance dans la
pratique maritime mondiale. Il s’agira des sûretés maritimes telles que l’hypothèque
et les privilèges maritimes ainsi que de leur exercice dans le cadre de la saisie
conservatoire du navire. Les changements économiques et politiques que la Russie
a connu au cours de ces quinze dernières années ont eu indiscutablement une
influence majeure sur la vie juridique du pays. Le passage à l’économie de marché
n’a pas laissé le droit maritime à l’écart. L’hypothèque maritime, jusque-là inconnue
en droit russe, a été introduite dans le Code de la navigation maritime commerciale,
tandis que le régime juridique des créances maritimes privilégiées et l’institution de
la saisie conservatoire ont connu des changement profonds. L’évolution et
l’historique de chaque institution, ainsi que leur base juridique et doctrinale, vont
être présentées.
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
5
INTRODUCTION
Le transport maritime constitue une des plus importantes branches de l’économie
de la Russie. Cela s’explique par des considérations d’ordre économique et
géographique. La flotte a toujours été une ressource stratégique du pays. L’activité
de la flotte marchande, internationale par définition, a toujours été plus ou moins
fondée sur les principes de l’économie de marché, indépendamment du modèle
économique choisi et du régime politique.
Malgré le fait que l’activité de transport a un caractère en quelque sorte accessoire,
on peut constater, à l’heure actuelle, que les services de transport maritime
constituent un acteur indispensable de l’échange économique.
La seconde moitié des années quatre-vingt-dix s’est caractérisée par des réformes
législatives importantes dans le domaine du droit civil et plus spécifiquement du
droit maritime. En 1994, le nouveau Code civil a été adopté. A la différence de son
prédécesseur, il est orienté vers l’économie de marché. Au début de 1999, la
Fédération de Russie est devenue partie à un nombre important de conventions
internationales dans le domaine du droit maritime, y compris la Convention de
Bruxelles de 1924 et ses protocoles. Une étape décisive dans la réforme du droit
maritime russe a été sans doute l’adoption le 30 avril 1999 du nouveau Code de
navigation maritime commerciale (Code maritime). Il est évident que les mesures
visant à réformer la flotte maritime russe doivent être transversales, dans le sens où
elles ne doivent pas se limiter au perfectionnement de la réglementation technique.
En Russie, le droit maritime a vu sa naissance à l’époque de Pierre le Grand, au
18ème siècle. Pierre le Grand a personnellement dirigé les travaux préparatoires du
Code maritime qui a été adopté le 13 janvier 1720. Certaines dispositions de ce
Code, qui régissaient le pavillon et le statut du capitaine, intéressaient directement
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
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la navigation commerciale. En 1781 le Code de la navigation commerciale
intérieure a été adopté. Le code maritime de Pierre le Grand de 1720 a été
complété par la Loi de 1846 sur l’assurance maritime et par la Loi de 1867 sur
l’immatriculation des navires. En 1911, une commission spéciale a été créée par
Nicolas II pour réformer les lois sur la navigation maritime. La commission a
présenté projet de nouveau code de navigation maritime commerciale. La première
Guerre Mondiale, qui a éclatée en 1914, n’a pas permis à ce code de voir le jour1.
A l’époque soviétique, c’était l’Etat qui finançait la construction des navires. Le
changement de régime politique et le passage à l’économie de marché a mis les
propriétaires des navires devant la nécessité de chercher eux-mêmes le financement
pour les besoins de leurs flottes. Pour ce faire, les propriétaires ont eu recours aux
emprunts bancaires. La pratique mondiale montre qu’il est courant de recourir à ce
type de financement pour la construction des nouveaux navires ou pour la
maintenance de la flotte existante. Il va de soi que les banques, qui prêtent des
sommes considérables, veuillent se protéger contre les risques de non paiement de
la part des propriétaires ou des exploitants. La sûreté la plus populaire en matière
de financement de construction de navires est sans doute l’hypothèque maritime,
déjà connue du droit romain et largement reconnue par la communauté maritime
internationale comme étant une institution juridique très efficace. L’hypothèque a
été introduite en droit maritime russe seulement en 1998. Le Code de la
navigation maritime commerciale de l’URSS de 1929 ainsi que son successeur, le
Code de 1968, ignoraient cette institution juridique importante en droit maritime.
Nonobstant le fait que le Code maritime de 1968 a été élaboré par des spécialistes
reconnus du droit maritime, il a été adopté à une époque où la navigation
commerciale était presque entièrement menée par les entreprises étatiques dans le
cadre de l’économie planifiée et où de nombreux concepts juridiques n’étaient
guère acceptés en droit interne.
1
Kniga 1929
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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7
Après la chute du régime communiste en 1991, le passage à l’économie de marché
est devenu inévitable. La majorité des entreprises d’armement s’est retrouvée entre
des mains privées et les pratiques telles que le changement de pavillon ou les
affrètements coque nue sont devenues très courantes. Dans ce contexte nouveau,
la discordance entre le Code maritime de 1968 et la réalité économique devenait de
plus en plus criante. En outre, depuis l’adoption du nouveau Code civil en 1995, le
Code maritime de 1968 était en contradiction avec les dispositions fondamentales
en matière civile et commerciale, et plus particulièrement avec le régime juridique
des contrats de transport. L’adoption en 1999 du nouveau Code maritime a
marqué une étape décisive dans l’évolution du droit maritime russe.
Le Code de 1999 contient pour la première fois des dispositions sur l’hypothèque
de navire ou de navire en construction. Ces dispositions sont largement inspirées
de principes généraux du droit des sûretés consacrés dans le Code civil de 1995. Le
Code maritime de 1999 consacre un chapitre entier aux catégories de créances
privilégiées de l’armateur. Le Code donne une liste des créances maritimes en
quelque sorte de premier rang qui priment sur les hypothèques. Cette liste est
identique à celle donnée par la Convention internationale de 19932 sur les
hypothèques et les privilèges maritimes, non encore en vigueur mais ratifiée par la
Fédération de Russie.
La réalisation des hypothèques et des privilèges maritimes s’effectuent très souvent
dans le cadre de la saisie du navire. On sait que, dans la pratique maritime, ce sont
trois institutions juridiques qui sont étroitement liées. A titre d’exemple, selon la
doctrine maritimiste majoritaire, la saisie à titre conservatoire interrompt seule la
prescription des privilèges maritimes. Les dispositions concernant la saisie
conservatoire du navire constituent une autre innovation du Code maritime de
1999. Il convient de mentionner que, avant l’entrée en vigueur du Code maritime
de 1999, les huissiers de justice appliquaient par analogie les règles générales du
2
Annexe VII, le texte de la Convention de 1993.
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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Code civil de 1995 sur la saisie des biens immobiliers, dont le caractère lacunaire et
peu adapté aux pratiques maritimes créaient beaucoup de difficultés et contribuait à
l’insécurité juridique totale mettant les créanciers du navires dans l’impossibilité
pratique de faire valoir leurs droits.3 Depuis 1999 la Fédération de Russie est partie
à la Convention de 1952 sur la saisie conservatoire des navires qui a largement
inspiré les dispositions relatives à la saisie conservatoire du Code maritime de 1999.
Le nouveau Code maritime donne désormais la liste des créances limitativement
énumérées qui sont susceptible de donner lieu à la saisie conservatoire du navire.
Un organe juridictionnel est compétent pour ordonner la saisie conservatoire du
navire, même si les parties ont convenu d’une clause attributive de juridiction ou
d’une clause compromissoire disposant qu’un organe juridictionnel d’un autre Etat
est compétent pour trancher le différend opposant les parties.
3
Le Nouveau Code de la navigation commerciale de la Fédération de Russie par Dmitri Litvinski, DMF
2000, N 601, page 153.
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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CHAPITRE I :
LE STATUT DU NAVIRE EN DROIT RUSSE
§ 1 La définition du navire en droit maritime russe
Le Code de la navigation maritime de l’URSS de 1929 ne définissait pas la notion
de navire. L’article 1 du Code de 1929 classait les navires selon leur fonction. Il
disposait : « Au sens du présent code sont considérés comme navires :
a) les vaisseaux de mer transportant les cargaisons ou les passagers,
exploitant les ressources naturelles de la pêche en mer ou autres
ressources maritimes, apportant le secours aux autres navires en
détresse, effectuant les opérations de renflouement des biens
sombrés en mer ou le remorquage des autres navires ;
b) les navires de mer exerçant un service spécial gouvernemental (les
brises glaces, les installations portuaires flottantes, les navires
destinés exclusivement à porter secours à la vie humaine en mer,
les navires de douane, etc.
c) les navires exploités exclusivement pour des objectifs
scientifiques ;
d) les navires de mer destinés aux activités sportives et autres
fonctions non prévues dans les alinéas a), b) et c) du présent
article.
Or, le Code de navigation maritime ne donnait pas une définition du navire mais
seulement la classification des navires de mer.
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
10
Le Code de navigation de URSS de 1968 comporte la définition suivante du
navire : « Il faut entendre par navire toute installation flottante dotée ou non d’un
mécanisme d’autopropulsion et exploitée pour :
1) le transport des marchandises, des passagers, des bagages, du courrier, pour
la pêche et toute autre industrie liée à la pêche, pour l’extraction des
minerais, pour porter secours aux autres navires en détresse, pour le
remorquage des autres navires et autres objets flottants, pour les travaux
hydrotechniques ou le sauvetage des biens coulés ;
2) pour les services spéciaux (la protection des industries maritimes, les
services sanitaires et quarantaines), pour les objectifs scientifiques, culturels
et pour les besoin de la formation ;
3) pour le sport ;
4) pour tout autre objectif ».
Le nouveau Code maritime entré en vigueur le 1er mai 1999 dispose, dans son
article 7, qu’il faut entendre par navire toute installation flottante dotée ou non
d’un système de propulsion et exploitée pour les besoins de la navigation maritime
commerciale4. Or, un des critères principaux permettant de qualifier une
installation flottante de navire est son exploitation pour la navigation maritime
commerciale. La notion de besoins de la navigation maritime commerciale est
assez large ainsi que la notion de la navigation maritime commerciale.
L’article 25 du Code de la navigation maritime dispose que la notion de navigation
maritime commerciale comprend l’activité liée à l’exploitation des navires pour le
transport des marchandises, des passagers et de leurs bagages, l’exploitation des
ressources biologique de l’eau, l’exploration des ressources en minerais des fonds
marins.
4
Annexe IV : article 7 du Code maritime de 1999.
5
Annexe III : article 2 du Code maritime de 1999.
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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Il convient de mentionner que le droit maritime français ne donne pas non plus la
définition du navire. Selon P. Chauveau, le navire est « une entité qui est
composée de plusieurs éléments ».6 Il comprend la coque, les agrès, les appareils et
accessoires, « c’est à dire toutes les machines et tous les instruments qui servent à
sa propulsion, à sa manœuvre et à sa conduite »7. Du point de vue juridique, les
choses sont plus compliquées car le navire en droit français aussi bien qu’en droit
russe est un bien fortement individualisé soumis à un statut juridique original et
dérogatoire du droit commun.
§ 2 Le navire en tant que bien immobilier particulier
L’alinéa 1 de l’article 130 du Code civil dispose que les biens immobiliers
comprennent les terrains et tout ce qui est solidement lié au sol, c'est-à-dire des
objets dont le déplacement est impossible sans causer un dommage à leur finalité
même, y compris les forêts, les plantations, les bâtiments et d’autres installations.
Le Code civil considère comme des immeubles les bateaux de mer, les aéronefs, les
bateaux de navigation intérieure et les objets spatiaux. Compte tenu de la spécificité
de ces objets et de la nécessité de contrôler ces biens, le législateur les considère
comme des immeubles. Le fait de considérer ces biens comme des immeubles a
pour seul et unique objectif d’appliquer à ces biens le régime juridique prévu pour
les immeubles. Il s’agit donc d’une fiction juridique.
La raison pour laquelle le législateur a fait un tel choix est évidente. Les biens tels
que les navires ont une grande valeur et les dommages qu’ils peuvent subir peut
être causé non par la rupture de leur lien avec la terre mais par la rupture avec le
milieu habituel de leur exploitation. En ce sens on peut songer à l’immobilisation
6
P. Chaveau, Droit maritime, N156
7
P.Bonassies, Cours du droit maritime (2005-2006) pour le Master II Droit maritime et des Transports
(Aix-Marseille III), N 145, page 98.
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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faisant courir les surestaries à l’affréteur au voyage, le manque à gagner etc. Une
telle vision, en quelque sorte « virtuelle », des choses a été exposée au début du
siècle dernier par Zvonitski qui remarquait : « Ainsi les navires et les bateaux de
pêche occupent une place particulière dans le régime juridique du gage. Alors que
des bâtiments qui sont en principe des biens immobiliers sont considérés comme
mobiliers sous certaines conditions, les navires qui sont en principe des meubles
possèdent certaines caractéristiques des immeubles. »8 Un autre auteur éminent
russe, Shershenevitch, écrivait au début du 20ème siècle que « …du point de vue
économique, les navires se rapprochent plus des biens mobiliers, du point de vue
juridique ce sont plutôt des biens immobiliers, du point de vue politique ce sont
des prolongements du territoire de l’Etat dont ils battent le pavillon ».9 Le
Professeur A. Sergeev considère que le choix du législateur s’explique par la valeur
considérable des navires qui nécessite un contrôle renforcé sur leur vie juridique.10
Le Professeur M. Braginski considère que tout simplement le législateur a étendu le
régime des immeubles aux navires car de la même manière que les immeubles les
navires ont besoin de faire objet d’une publicité.11 M. Erdelevsky considère que les
navires et les bateaux de navigation intérieure doivent être considérés comme des
immeubles dérogeant au droit commun.12 M. Nemets propose une autre analyse.
Selon cet auteur, la caractéristique la plus importante permettant de distinguer les
biens mobiliers des biens immobiliers est le fait que les biens mobiliers peuvent
être des biens individualisés et des biens de genre, alors que les biens immobiliers
sont toujours individualisés.13
On sait qu’en droit français, à la différence du droit russe, les navires sont des biens
mobiliers. Selon l’expression du Professeur Pierre Bonassies, le navire est « à mi-
8
A. Zvonitski, Le gage en droit russe, Kiev, 1912, page 401
9
G. Shershenevitch, Cour du droit commercial, SPB, 1909, tome III, page 252.
10
Droit civil, U. Tolstoî , A.Sergeev, édition Teisse, 1996, partie I , page 381.
11
M. Braginski, V.Vitrianski, Principes généraux du droit des contrats, Moscou, édition Statut, 1998,
page 152.
12
A. Erdelevski, La publicité des droits réels sur les immeubles, revue Legalité, Moscou, 1997, N11,
pages 20-24.
13
U. Nemets, Les biens mobiliers et immobiliers, revue « Economie et Dtoit » 1998, N6, page 102.
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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13
chemin des meubles et des immeubles »14 . Selon cet auteur le navire comme
l’immeuble, mais plus encore peut-être que l’immeuble, échappe largement au
principe de l’unité du patrimoine. « C’est un meuble fortement individualisé par
son nom, son port d’attache, son immatriculation. »15. Le Professeur Antoine
Vialard remarque également que « le navire, incontestablement meuble, ne se
trouve cependant pas soumis au statut mobilier ordinaire, tel qu’élaboré par le droit
civil, voir commercial »16.
Meuble ou immeuble, de toute manière, le navire est un bien particulier qui
échappe aux caractéristiques classiques des biens mobiliers et immobiliers aussi
bien en droit français qu’en droit russe. C’est un bien « quelque peu unique en son
genre » selon l’expression du Professeur Antoine Vialard. En droit maritime
français, on compte quatre éléments d’individualisation du navire : le nom, le port
d’attache, la nationalité, le tonnage. Telle est également la solution du droit
maritime russe.
§ 4 L’incertitude quant à l’immatriculation
Certains auteurs russes considèrent que la caractéristique majeure des navires,
conformément à l’alinéa 1 de l’article 13017 du Code civil, est le fait que ces biens
sont individualisés du fait de leur publicité au registre national. Le fait que l’on
considère les biens mobiliers comme des immeubles a pour but d’appliquer à ces
biens le régime juridique des immeubles. L’article 130 du Code civil dispose
14
P.Bonassies, Cours du droit maritime de 2005-2006 pour le Master II Droit maritime et des
Transports (Aix-Marseille III), N 147, page 99.
15
P.Bonassies, Cours du droit maritime de 2005-2006 pour le Master II Droit maritime et des
Transports (Aix-Marseille III), N 148, page 100.
16
Droit maritime, Antoine Vialard, PUF 1997, N 295, page 257.
17
Annexe IX: les articles 130 et 131 du nouveau Code civil de 1995.
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
14
clairement dans son alinéa premier que les navires sont des biens immobiliers qui
doivent être immatriculés au registre national. Le même article du Code civil
prévoit que le droit de propriété et tous les autres droits réels sur les immeubles, les
restrictions, ainsi que le changement du titulaire et l’extinction de ces droits,
doivent faire l’objet d’une publicité au registre unique national. L’alinéa 2 de
l’article 131 dispose que dans les cas prévus par la loi pour un certain nombre de
biens, l’immatriculation au registre national peut être complétée par une publicité
spéciale.
Conformément à la Loi Fédérale sur la publicité au registre unique national des
droits réels sur les biens immobiliers et des contrats en rapport avec lesdits biens
du 21 juillet 1997, le droit de propriété sur les biens immobiliers ainsi que tout
autre droit réel sur ces biens doivent faire l’objet d’une publicité au registre
national, à l’exception de droit de propriété et de droits réels sur les aéronefs,
navires, bateaux de navigation intérieure et objets spatiaux. A l’heure actuelle, la
procédure d’immatriculation des navires et des droits réels sur les navires est régie
par le Chapitre III du Code maritime. Conformément à l’article 33 du Code
maritime18, ce ne sont pas seulement les navires qui doivent faire objet d’une
immatriculation au registre national. Il faut également y mentionner tout droit de
propriété et tout autre droit réel, toute hypothèque et tout contrat en rapport avec
le navire. Une telle immatriculation nationale s’effectue sur tout le territoire de la
Russie, auprès des ports maritimes et fluviaux, conformément aux règles édictées
par le Ministère de transport.
Or, la question qui se pose est de savoir si une telle immatriculation, conforme aux
dispositions du Code maritime, est la publicité nationale des biens immobiliers
dont parle l’article 131 du Code civile ou s’il s’agit de la publicité « spéciale » dont
parle l’alinéa 2 du même article. Pour Mme Abramova, l’immatriculation dont
parle le Code maritime est une publicité spéciale et non pas une publicité au
18
Annexe V: Article 33 du Code maritime
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
15
registre national unique d’auprès des organes du Ministère de la Justice
conformément à l’alinéa 1 de l’article 131 du Code civil. Cet auteur pense que le
législateur n’est pas cohérent en l’espèce. Il est plus logique de prévoir clairement
que l’immatriculation des navires s’effectue uniquement selon les dispositions du
Code maritime par les capitaines des ports maritimes ou les organes de contrôle
technique pour les bateaux de plaisance, et non par les organes du Ministère de la
Justice au registre national unique des biens immobiliers.19
Comme on l’a indiqué précédemment, les navires font l’objet d’une
immatriculation au registre national des navires, au registre des navires affrétés
coque nue, et dans le journal de bord pour les navires de petites dimensions.
L’immatriculation des navires est effectuée par le capitaine d’un port maritime
commercial. Le registre national tenu par les capitaines des ports font parties du
registre national unique. L’immatriculation comporte l’attribution d’un numéro
national qui reste valable tant que le navire reste attaché à un port donné. La
mention correspondante est portée au registre national des navires ou dans le
journal de bord pour les navires de petites dimensions. Le propriétaire du navire se
voit délivrer un certificat attestant de son droit de propriété sur le navire ainsi
qu’un certificat lui donnant le droit de battre le pavillon de la Fédération de Russie
(l’équivalent de l’acte de francisation en droit maritime français).
On sait qu’en droit français le navire peut parfaitement être rattaché à deux
administrations différentes (douane et affaires maritimes), dont les bureaux
peuvent se situer dans des ports différents : le port d’attache douanier, d’une part,
et le port d’immatriculation (affaires maritimes), d’autre part. La coïncidence n’est
pas une obligation mais au regard du droit international, la notion de port
d’immatriculation se confond habituellement avec celle de port d’attache
douanier20. En droit russe, il s’agit toujours du même et unique port.
19
L’hypothèque des navires, aéronefs et objets spatiaux, thèse, M. Abramova, Moscou, 2003, page 68.
20
Droit maritime, Antoine Vialard, PUF 1997, N 299, page 260.
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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CHAPITRE II :
LES DROITS REELS ACCESSOIRES SUR LE NAVIRE
Section I : L’hypothèque maritime
Comme on l’a déjà indiqué précédemment, l’institution de l’hypothèque est une
nouveauté en droit russe. Elle a été introduite dans l’ordre juridique national par la
Loi fédérale sur l’hypothèque des biens immobiliers du 22 juillet 1998.
Une des caractéristiques importantes de l’hypothèque maritime consiste dans le
privilège du créancier hypothécaire, lui permettant d’être payé sur le prix de vente
du navire hypothéqué avant tout autre créancier21.
En droit russe, l’hypothèque des navires est une variante du gage qui a ses propres
particularités juridiques, qui la distinguent du gage en général et qui doivent être
pris en compte dans la pratique.
Il est intéressant de noter que l’hypothèque maritime est une institution juridique
ancienne qui trouve son origine dans le contrat de prêt à la grosse aventure22 (ou
« prêt à la grosse » tout court), lequel avait reçu une large application en Europe.
En effet, dans tous les pays européens, l’hypothèque maritime tire son origine
première dans cette ancienne institution elle-même influencée par le droit romain à
travers le nauticum foenus, qui était un contrat de financement aléatoire des
21
A l’exception, bien entendu, des créanciers qui ont des privilèges maritimes sur le navres (voir
Section II du présent Chapitre).
22
« …Ce prêt est un contrat aléatoire aux termes duquel un capitaliste met de l’argent dans une
expédition maritime avec l’espoir, en cas de succès de cette expédition, d’être remboursé et de recevoir
un profit important, la prime de grosse ou le profit maritime ». Ce prêt a une triple fonction : c’est un
contrat d’association, de crédit et d’assurance. Rodière, René et du Pontavice, Emmanuel, Droit
Maritime, Précis Dalloz, 12ème
édition, 1997, § 91, page 93.
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
17
expéditions maritimes23. La France connaît l’institution de l’hypothèque maritime
depuis la loi du 10 septembre 1894 qui l’avait introduite dans l’ordre juridique
français pour un meilleur financement des expéditions maritimes. A l’heure
actuelle, l’hypothèque est régie en France par la loi du 3 janvier 1967 sur le statut
des navires et autres bâtiments de mer.
Il convient de mentionner que dans la Russie impériale d’avant 1917, les juristes
russes s’intéressaient également à la question de l’hypothèque maritime. Il faut
souligner que le régime juridique du gage des biens mobiliers s’appliquait aux
navires de mer et aux bateaux de navigation intérieure. Le principe selon lequel les
biens gagés passaient aux mains du créancier gagiste rendait difficile l’application
de cette institution en matière maritime. En même temps, le contrat de prêt à la
grosse existait en vertu des articles 1057 à 1062 du Code de commerce de l’époque,
lequel présentait un intérêt pratique en cas d’avarie commune. La pratique maritime
russe a ensuite développé un autre système de financement de l’expédition
maritime, selon lequel le préteur vendait son navire à une personne qui, en vertu
d’un contrat particulier, louait ensuite ce navire au préteur. Cetteopération était très
complexe dans la pratique.24
§ 1 L’hypothèque maritime au travers des conventions internationales
sur l’hypothèque et les privilèges maritimes de 1926 et 1967
La Convention de 1926 sur les hypothèques et privilèges maritimes a rencontré des
appréciations différentes dès son apparition. Elle n’a été ratifiée que par un petit
nombre d’Etats, parmi lesquels on ne trouvait pas certaines grandes puissances
maritimes comme l’Allemagne, les Etats-Unis, le Japon, les Pays-Bas, le Royaume
Uni et la Russie. La raison majeure de l’opposition de ces pays résidait dans le fait
23
Droits maritimes, 2006, Dalloz, N 334.09, page 279
24
L’hypothèque des navires, aéronefs et objets spatiaux, thèse, M. Abramova, Moscou, 2003, page 78.
Supprimé : -
Supprimé :
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
18
que les chantiers navals de ces pays étaient méfiants à l’égard de la Convention
laquelle n’était pas assez protectrice des prêteurs. En énonçant une longue liste des
privilèges maritimes qui anéantissait les droits des créanciers hypothécaires, la
Convention réduisait, en réalité, l’efficacité de l’hypothèque25.
La Convention de 1967, qui a succédé à la Convention de 1926, a limité le nombre
des privilèges maritimes mais pour les titulaires des hypothèques, la Convention ne
réserve pas beaucoup de droits, notamment, en ce qui concerne l’indemnité
d’assurance. Cette dernière est vitale pour les créanciers hypothécaires qui devaient
subir purement et simplement la subrogation, dans les indemnités d’assurance, du
propriétaire du navire. En outre, dans cette Convention, les privilèges maritimes
restent des droits réels occultes. Il s’ensuit que le créancier hypothécaire reste
toujours dans l’incertitude quant à savoir s’il n’y a pas d’autres privilèges grevant le
navire avec un meilleur rang. Cette nouvelle convention n’a donc pas suscité un
enthousiasme exceptionnel parmi les Etats. Elle nécessitait cinq ratifications
seulement pour entrer en vigueur mais elle ne les a jamais obtenues.
§ 2 La Convention de 1993 ratifiée par la Russie
Cette convention n’a pas apporté de changements considérables dans le domaine
des hypothèques maritimes, alors que son but ultime était d’augmenter la
protection des hypothèques pour faciliter le financement des flottes. Le classement
entre hypothèques et privilèges reste le même, avec le maintien de la traditionnelle
prédominance des privilèges sur les hypothèques. Parmi les innovations, on
compte la disparition de deux privilèges : le privilège pour l’enlèvement d’une
épave et le privilège pour les avaries communes. On peut uniquement se féliciter
25
L’hypothèque maritime en France et aux Etats-Unis par Mlle Irène Zanetos, mémoire CDMT, 1999,
page 40.
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
19
du fait que l’hypothèque maritime ait gagné deux places dans l’ordre de passage de
créanciers.
Il convient, toutefois, de souligner que la nouvelle convention donne une
définition plus large des hypothèques. Elle précise qu’elle s’applique aux
« hypothèques, ‘mortgages’ et droits réels de même nature, susceptibles d’être
inscrits ». De même, la Convention définit les conditions devant nécessairement
être remplies pour qu’une hypothèque soit internationalement reconnue. Ensuite,
il y a des conditions très détaillées pour assurer la validité du changement de
l’immatriculation du navire hypothéquée. Les conditions et les effets de la vente
forcée du navire sont également scrupuleusement détaillés.26
En revanche, le danger pour les créanciers hypothécaires réside dans le fait qu’avec
cette nouvelle Convention, le constructeur du navire et son réparateur priment sur
le créancier hypothécaire. Cette disposition est nouvelle par rapport à la
Convention de 1926. Cette même règle existe également en droit français, dans la
loi du 3 janvier 1967.
S’agissant des assurances, le problème semble avoir été résolu en faveur des
créanciers hypothécaires. La Convention interdit à toute personne, ayant droit sur
le navire en raison d’un privilège, d’être « subrogé dans les droits du propriétaire du
navire pour ce qui est des indemnités dues à celui-ci en vertu d’un contrat
d’assurance ».
Il convient de mentionner les dispositions nouvelles par rapport aux Conventions
de 1926 et 1967. La convention impose un certain nombre d’obligations aux
autorités responsables de l’Etat dans lequel la vente forcée aura lieu, et notamment
l’obligation de notification de « tous les titulaires d’hypothèques, de ‘mortgages’ ou
des droits inscrits constitués ou non au porteur ». Cette obligation peut être
26
Pierre Bonassies, Le Droit Positif Français en 1993, DMF 1994, pages 3-7.
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
20
considérée comme une vraie innovation étant donné que la Convention de 1926
renvoyait aux droits internes pour ces formalités.
Une autre innovation importante concerne l’introduction par la Convention d’une
obligation qui incombe désormais à l’autorité compétente de délivrer à la demande
de l’acquéreur un certificat constatant que le navire est vendu libre de toute
hypothèque, de tout « mortgage » et de tout droit inscrit. L’effet d’un tel certificat est
assez radical – la radiation de la totalité des hypothèques et des privilèges maritimes
par l’autorité compétente. Toutefois, la notification mentionnée ci-dessus permet
de protéger les intérêts des créanciers.
En outre, contrairement aux Convention de 1926 et 1967, la Convention de 1993
oblige les Etats contractants à recevoir des informations sur toutes les hypothèques
prises sur le navire avant de procéder à la nouvelle immatriculation.
S’agissant du changement temporaire de pavillon, l’article 16 de la Convention de
1993 dispose que les lois de l’Etat du pavillon sont applicables aux hypothèques,
« mortgages » et droits inscrits. L’Etat d’immatriculation ne peut autoriser le
changement temporaire de pavillon, à moins que lesdits droits ne soient
préalablement purgés ou que les titulaires de ces droits n’aient donné leur
consentement par écrit.
Cependant, il convient de noter que la Convention n’a pas non plus suscité
beaucoup d’optimisme de la part des Etats. Elle ne répond pas à toutes les
questions qui distinguent la situation maritime d’aujourd’hui de la situation de
1926. Elle offre aux hypothèques maritimes une meilleure méthode
d’immatriculation et plus de sécurité. Du point de vue rédactionnel, elle est
préférable à la Convention de 1926. Ces dispositions répondent mieux à l’évolution
continue du marché maritime moderne. Mais un équilibre satisfaisant entre les
deux enjeux, à savoir la nécessité de financer les flottes marchandes et les exigences
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
21
de l’industrie maritime, n’a pas, toutefois, été atteint. La Convention n’est pas
encore en vigueur. Elle n’est pas ratifiée par la France.
Les dispositions du droit français sont conformes à celles de la Convention de
Bruxelles du 10 avril 1926 sur les privilèges et les hypothèques maritimes. La
Russie n’a jamais adhéré à cette convention. En revanche, elle a ratifié la
Convention de 1993 en 1999. Le Chapitre XX du Code maritime consacré aux
hypothèques et privilèges maritimes est largement inspiré de Convention27.
§ 3 Objet de l’hypothèque
Comme on l’a déjà évoqué précédemment, les navires peuvent faire l’objet d’une
l’hypothèque, comme les aéronefs, les bateaux de navigation intérieure et les objets
spatiaux. Selon M. Braginski, le législateur les considère comme des immeubles car
ils doivent faire objet d’une publicité au registre national28.
Il convient de rappeler que lorsque c’est un navire qui fait l’objet de l’hypothèque ,
il faut se référer au Code maritime et à la Loi Fédérale sur l’hypothèque. En ce qui
concerne les bateaux de navigation fluviale, les dispositions du Code maritime ne
leur sont pas applicables. Dans ce cas, il faut appliquer directement la Loi Fédérale
sur l’hypothèque de 1998. Il arrive parfois qu’un bateau de navigation dite mixte
soit immatriculé dans un port et exploité exclusivement pour la navigation
maritime. Les dispositions du Code maritime de 1999 et celles de la Loi Fédérale
sur l’hypothèque sont donc applicables conformément à l’article 3 du Code
maritime.29
27
Annexe II : Chapitre XX du Code maritime de 1999.
28
Braginski, Commentaire de la partie I du Code civil pour les commerçants, Moscou 1995, page 173.
29
Annexe IV : article 3 du Code maritime de 1999.
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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22
La loi permet l’hypothèque sur un navire en construction mais seulement après que
ce navire ait été immatriculé au registre des navires en construction. Les registres
des navires en construction sont tenus par les autorités des ports situés à
proximité des chantiers navals.
Si le contrat d’hypothèque n’en dispose autrement, l’hypothèque s’étend à tous les
accessoires du navire ainsi qu’à l’indemnité d’assurance.30
L’hypothèque d’un navire en construction s’étend à tous les matériaux et
équipements qui sont destinés à sa construction lorsqu’ils sont facilement
identifiables, par marquage ou par tout autre moyen, et qu’ils se trouvent dans les
locaux du chantier naval en question, ainsi qu’à l’indemnité d’assurance résultant
d’une police d’assurance ayant pour l’objet le navire en construction.
Plusieurs navires peuvent faire objet d’une hypothèque lorsqu’ils garantissent la
même créance.
§ 4 Le contrat d’hypothèque maritime
Comme on l’a déjà évoqué précédemment, le droit russe, à la différence des droits
de la majorité des pays européens, considère les navires comme des biens
immobiliers obéissant au régime juridique de l’hypothèque.
L’article 374 du Code maritime dispose que le débiteur hypothécaire ne peut être
que le propriétaire du navire ou la personne ayant le droit de direction commerciale
sur le navire31.
30
G. Ivanov, Le régime juridique de la navigation maritime en Fédération de Russie, édition Spark,
Moscou, 2002, page 425.
31
La direction commerciale signifie selon l’article du Code civil que
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23
L’hypothèque du navire n’est possible qu’en vertu d’un contrat entre le propriétaire
du navire ou la personne ayant le droit de direction commerciale sur le navire et
avec l’accord du propriétaire. La personne qui détient le droit de direction
commerciale doit être créancier débiteur de l’obligation garantie par l’hypothèque.
Il faut mentionner que, de la même façon qu’en droit français, l’hypothèque en
vertu de la loi est exclue en droit russe.
L’article 29 de la Loi Fédérale sur l’hypothèque dispose que le débiteur
hypothécaire conserve le droit d’exploiter le bien, objet de l’hypothèque,
conformément à sa finalité, étant entendu que toute disposition qui limiterait ce
droit est réputée non écrite. La nouvelle hypothèque du navire déjà grevé d’une
hypothèque n’est possible que si elle n’est pas interdite par le contrat de
l’hypothèque d’origine.
Le contrat d’hypothèque obéit aux règles générales de la Loi Fédérale sur
l’hypothèque et du Code civil. En outre, la Loi Fédérale sur l’hypothèque dispose
que les règles générales du régime juridique du gage sont applicables à l’hypothèque
si elles ne contredisent pas ladite loi. Le Code maritime contient seulement les
règles concernant la publicité de l’hypothèque et l’objet de l’hypothèque. Les
dispositions de la Loi Fédérale sur l’hypothèque sur les conditions de forme et de
fond sont applicables en la matière (articles 8 à 12 de la Loi). Le Chapitre 9 du
Code civil sur les contrats bipartites et multipartites ainsi que les dispositions
générales du droit des obligations sont également applicables (articles 307 à 419 du
Code civil).
L’article 9 de la Loi sur l’hypothèque dispose que le contrat d’hypothèque du navire
doit prévoir l’objet de l’hypothèque, le navire ou le navire en construction
concerné, avec les indications nécessaires à l’identification du navire, ainsi que son
montant, le contenu de l’obligation garantie par l’hypothèque, son montant, la date
limite d’exécution de l’obligation. Dans les cas où une telle obligation provient d’un
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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contrat, il faut mentionner les parties au contrat, la date et le lieu de la conclusion.
Le contrat doit mentionner le titre en vertu duquel le débiteur dispose du navire en
question ainsi que l’organe qui a effectué la publicité de son titre. L’hypothèque
d’un navire en construction n’est possible que si ledit navire a été régulièrement
immatriculé au registre spécial des navires en construction.
S’agissant de l’objet du contrat de l’hypothèque du navire, il convient de
mentionner que l’hypothèque s’étend aux accessoires du navire ainsi qu’à la prime
d’assurance due en vertu de la police d’assurance en cas de dommage causé au
navire. La doctrine considère que la règle classique selon laquelle l’accessoire suit
le principal est applicable dans la matière. En droit français, l’article 46 de la loi de
1967 dispose que l’hypothèque du navire s’étend à ces accessoires et engins mais
non au fret.
S’agissant de la forme de contrat d’hypothèque, il convient de mentionner que la
forme notariée est requise ad validatem. En outre, le contrat doit faire l’objet d’une
publicité au même registre que le navire. Le non respect de ces conditions rend le
contrat nul de plein droit.
§ 4 L’identification du navire
Le principe dit de spécialité implique la nécessité d’identifier clairement l’objet de
l’hypothèque. Celle-ci n’est possible que sur un navire immatriculé au registre
maritime.
L’hypothèque du navire en copropriété est également prévue par le droit russe
(article 7 de la Loi sur l’hypothèque). L’article 244 du Code civil dispose que les
biens appartenant à deux ou plusieurs personnes constituent une copropriété. Le
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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25
navire ou le navire en construction peuvent être en copropriété avec ou
sans identification des parts de chacun des copropriétaires. Le consentement de
tous les copropriétaires est requis pour constituer une hypothèque sur le navire ou
le navire en construction. Un des copropriétaires peut également hypothéquer sa
part sans demander l’accord des autres copropriétaires.
Nonobstant le fait que le navire en droit russe est un bien immobilier, il est
souvent difficile d’identifier le lieu où il se trouve à un moment donné. Par
conséquent, le seul moyen d’identifier le navire pour les besoins de l’hypothèque
est de connaître son nom (actuel et tous les anciens), son type, sa finalité, sa zone
de navigation habituelle, l’année et le chantier de construction, ses principales
caractéristique (le tonnage, la puissance, l’année de la construction de l’engin), le
numéro IMO, le nom et l’adresse du propriétaire, le port d’immatriculation, y
compris des informations sur une ancienne immatriculation et la date de sa
radiation. Toutes ces informations permettent au créancier hypothécaire
d’identifier le navire en cas de réalisation de l’hypothèque. En outre, le Présidium
de la Cour suprême arbitrale a affirmé dans la Lettre d’Information32 du 15 janvier
1998 N26 qu’en absence d’information permettant d’identifier les biens gagés, le
contrat de gage ne peut pas être considéré comme valable33.
Le régime juridique des biens immobiliers suppose l’obligation de publication du
droit de propriété. L’hypothèque du navire doit être publiée au registre
d’immatriculation du navire. A l’heure actuelle, une telle publicité s’effectue,
comme on l’a déjà évoqué précédemment, par les capitaines des ports de
32
Il convient d’expliquer que la Cour Suprême Arbitrale est la juridiction supérieure qui statue sur les
pourvois formés contre les décisions des cours arbitrales régionales d’appel. Par analogie avec la Cour
de cassation, mais uniquement pour les litiges d’ordre économique entre des personnes morales ou entre
la personne morale et l’entrepreneur indépendant. Il ne faut pas confondre avec les tribunaux arbitraux
au sens du droit français. C’est comme si existait en France le Tribunal Suprême de Commerce. La
Cour Suprême Arbitrale émet régulièrement les Lettres d’Information destinées aux juridictions
inférieures dans lesquelles elle explique la manière dont il faut appliquer telle ou telle disposition de la
loi.
33
L’hypothèque des navires, aéronefs et objets spatiaux, thèse, M. Abramova, Moscou, 2003, page 126.
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
26
commerce ou des ports maritimes de pêche au registre national des navires ou par
les organes de contrôle technique dans le livre des navires de petites dimensions.
La pratique des pays étrangers en la matière démontre que seule l’hypothèque des
biens immobiliers doit faire l’objet d’une publication. Cependant, dans les pays qui
considèrent les navires comme des biens mobiliers, une procédure de publicité est
prévue pour les navires. En règle générale une telle publicité est effectuée dans des
registres spéciaux de trois types : pour les navires, pour les bateaux de pêche et
pour les navires en construction. Dans certains pays la procédure incombe aux
autorités portuaires (Espagne et Italie), en France, ce sont les organes de la douane
qui sont compétents.
§ 5 L’hypothèque des navires étrangers
Il existe des règles spéciales concernant l’hypothèque des navires étrangers.
Conformément à l’article 376 du Code maritime l’hypothèque du navire doit être
publiée au même registre que le navire lui-même. Ce même article prévoit que
l’hypothèque d’un navire battant pavillon étranger qui s’est vu attribuer le droit de
battre temporairement pavillon russe ainsi que d’un navire en construction destiné
à un l’acheteur étranger, ne peut pas être publiée en Russie. Par ailleurs, l’article 425
du Code maritime dispose que l’hypothèque d’un navire est régie par la loi de son
pavillon. Il s’ensuit logiquement que l’hypothèque d’un navire étranger (même s’il
peut battre temporairement pavillon russe) ne peut en aucun cas être effectuée en
Russie. Telle est également la solution du droit français en la matière.
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
27
§ 6 La protection des intérêts du créancier hypothécaire
L’article 378 du Code maritime dispose que l’hypothèque inscrite au Registre
national des navires, dans le journal de bord ou au registre des navires en
construction, bénéficie d’une présomption de vérité en faveur du créancier
hypothécaire qui l’a inscrite. En vertu de l’alinéa 3 de l’article 33 du Code
maritime, l’inscription au registre national des navires ou dans le journal de bord du
navire du droit de propriété et autres droits réels sur le navire, ainsi que de toutes
les restrictions grevant le navire, constitue une preuve quasiment irréfragable qui ne
peut être contestée que devant le juge.
Il convient de mentionner que, conformément à l’article 1 de la Convention de
1993, les Etats signataires se sont mis d’accord sur la reconnaissance réciproque
des hypothèques et autres privilèges grevant les navires à la condition que de telles
hypothèques soient régulièrement publiées au même registre que le navire34.
Comme il a déjà évoqué précédemment, aucune créance, à l’exception des créances
garanties par les privilèges maritimes, ne saurait être payée avant une créance
garantie par une hypothèque du navire ou du navire en construction (à l’exceptions
les créances des autorités portuaires liées à l’enlèvement du navire, de la créance du
réparateur du navire qui le détient et de la créance d’un chantier naval sur le navire
en construction qui ses trouve dans les locaux du chantier).
Le créancier hypothécaire sera payé du prix du navire. L’article 380 du Code
maritime dispose que lorsque deux hypothèques ou plus sont inscrites sur le même
navire ou sur le même navire en construction, l’ordre de passage des créanciers
hypothécaires dépend de la date d’inscription. Or, le créancier qui, le premier, a
34
G. Ivanov, Le régime juridique de la navigation maritime en Fédération de Russie, édition Spark,
Moscou, 2002, page 429.
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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28
publié son droit est préféré aux autres. Les hypothèques inscrites le même jour ont
la même valeur. Le droit maritime français contient une disposition identique.
La cession de l’hypothèque s’effectue conformément aux dispositions des articles
382, 384-386, 388 et 390 du Code civil35. La cession de la créance garantie par
l’hypothèque du navire fera l’objet d’une mention au registre où ladite hypothèque
est inscrite avec l’adresse du cessionnaire. La forme notariée du contrat de cession
doit être respectée.
Le Code maritime oblige le débiteur hypothécaire à prendre les mesures
nécessaires à l’entretien et à la conservation du navire/navire en construction
(article 382). La Loi Fédérale sur l’hypothèque de 1998 y consacre un chapitre
entier. La Loi prévoit dans son article 30 que si le contrat n’en dispose pas
autrement, il incombe au débiteur hypothécaire d’assurer l’entretien nécessaire du
navire ainsi que sa maintenance, d’effectuer les réparations courantes et
occasionnelles. Conformément aux dispositions du contrat d’hypothèque, le
débiteur hypothécaire doit souscrire une police d’assurance contre les risques
d’avarie et de perte du navire. En outre, le débiteur hypothécaire doit prendre
toute mesure nécessaire pour préserver les droits du créancier hypothécaire.
L’article 52 de la loi dispose qu’en cas de danger de perte ou d’avarie du navire
hypothéqué, le débiteur doit en aviser le créancier hypothécaire. Bien entendu, le
créancier hypothécaire a le droit de contrôler les conditions d’exploitation du
navire. Il conserve ce droit même lorsque le navire est affrété coque nue par un
tiers, étant entendu que les mesures de contrôle du créancier hypothécaire ne
doivent pas entraver l’exploitation normale du navire. En cas de défaillance grave
du débiteur à remplir ses obligations contractuelles, notamment, lorsque la manière
dont le navire est exploité crée un risque d’avarie ou de perte du navire ou de
diminution de sa valeur, le créancier hypothécaire a le droit de procéder à la
35
Annexe XII : les articles 382, 384 à 386, 388 et 390 du Code civil.
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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réalisation forcée de l’hypothèque avant même la date d’exigibilité de la créance
garantie par l’hypothèque36.
§ 7 La fin de l’hypothèque
Conformément à l’article 387 du Code maritime l’hypothèque du navire, y compris
du navire en construction, prend fin dans les cas suivants :
• paiement de la dette garantie par l’hypothèque ;
• extinction de l’obligation du débiteur autrement que par le paiement de la dette (vente
forcée, par exemple) ;
• perte du navire, sauf les cas où le créancier hypothécaire du navire peut se faire payer du
montant de l’indemnité d’assurance due en cas de perte du navire conformément au contrat
d’assurance maritime.
La Loi Fédérale de 1998 ne contient pas de dispositions sur l’extinction de
l’hypothèque. Il en résulte que conformément à l’article 334 du Code civil les
dispositions générales régissant le contrat de gage sont applicables, et plus
particulièrement l’article 352 du Code civil37. L’hypothèque du navire est ainsi
éteinte en cas de danger de perte ou de dommage au navire ou lorsque la vente du
navire aux enchères s’est révélée impossible.
36
G. Ivanov, Le régime juridique de la navigation maritime en Fédération de Russie, édition Spark,
Moscou, 2002, page 427.
37
Annexe XII : Article 352 du Code civil.
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
30
§ 8 La vente forcée du navire/navire en construction
En cas de non paiement de la part du débiteur de la dette garantie par
l’hypothèque, le créancier hypothécaire du navire peut vendre le navire,
conformément à la décision de justice rendue par le tribunal compétent, au lieu où
se trouve le navire ou le navire en construction (l’article 384 du Code maritime). La
réalisation des biens est régie par le Chapitre X de la loi de 1998 sur l’hypothèque
ainsi que par les articles 384 – 386 du Code maritime, lesquels sont inspirés de la
Convention de 1993.
L’article 56 de la loi sur l’hypothèque dispose que le navire, objet de l’hypothèque
sera vendu aux enchères, à l’exception de cas expressément prévus par la loi. La
vente forcée du navire emporte l’extinction de tous les privilèges et tous les gages
grevant le navire (article 12 de la Convention de 1993, article 386 du Code
maritime).
Section II : Le gage maritime
Nonobstant le fait que le chapitre XVII du Code de navigation maritime de l’URSS
de 1968 comprenait les dispositions régissant les privilèges maritimes, le nouveau
Code maritime de 1999 a choisi une approche différente sur plusieurs points, ce
qui permet de constater que les privilèges maritime sont une institution
potentiellement nouvelle en droit maritime russe. L’analyse des réglementations des
pays étrangers permet d’affirmer qu’à l’heure actuelle il n’existe pas d’uniformité
dans la conception des privilèges maritimes sur le plan international. Il est
intéressant de noter que les différences persistent non seulement entre les pays de
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
31
droit continental et les pays de common law, mais également à l’intérieur de ces
familles. L’unification internationale de la réglementation des privilèges maritimes
se heurte à des difficultés insurmontables malgré l’adoption de trois conventions
dans ce domaine (en 1926, 1967, 1993). Le nombre des pays qui ont signé les deux
premières est limité. La Convention de 1993 n’est pas encore entrée en vigueur.
Il convient de constater que l’institution des privilèges maritimes n’a pas eu
beaucoup de succès quant à son utilisation par les participants de la vie maritime
juridique russe.
§ 1 La notion de gage maritime38
Il convient de se poser la question de savoir ce qu’il faut entendre par gage
maritime en droit russe. Est-ce la même chose que les privilèges maritimes en droit
français ou est-ce une institution appelée à garantir ces privilèges ?
Le chapitre XVII du Code maritime de 1968 traitait les créances privilégiées. Il faut
préciser qu’à la différence de la version russe des Convention de 1926 et 1967, la
notion de «créance privilégiée » reflétait bien la réalité juridique des choses. Le
Code maritime de 1968 disposait que certaines créances maritimes devaient être
satisfaites avant toutes autre créance sur les biens spécialement définis par la loi. Le
concept des créances privilégiées ne contenait pas l’idée de droit de suite. En cas
de vente du navire, la personne qui détenait une créance privilégiée ne pouvait plus
prétendre obtenir une satisfaction sur le prix d’un navire qui avait changé de
propriétaire. Telle n’est pas la position actuelle du droit positif russe en la matière.
38
Le « gage maritime » est le terme choisi par les rédacteurs du Code maritime de 1999 pour
l’institution juridique de « privilèges maritimes ».
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
32
Dans la version russe de la Convention sur l’assistance en mer de 1989 (article 20),
on utilise le terme de « gage maritime » comme l’équivalent du « maritime lien » en
common law. Ceci jette une certaine confusion dans l’esprit d’un juriste car on sait
que le texte français parle des privilèges maritimes, le texte anglais des maritimes liens
et le texte russe du gage maritime. D’où la nécessité de préciser que ces trois
définitions reflètent la même réalité juridique. La Convention de 1993 (le texte
russe) parle de créances maritimes en tant que fondement du régime juridique du
« gage maritime ».
Le Code maritime de 1999 comprend au Chapitre XXII les dispositions régissant le
gage maritime, qui sont essentiellement fondées sur la Convention de 1993. De la
même manière que la Convention de 1993, le Code maritime ne définit pas la
notion de gage maritime mais introduit seulement la liste des créances contre le
propriétaire du navire qui sont garanties par le gage maritime. En réalité, il faut
préciser que la majorité de dispositions du Chapitre XXII du Code maritime parle
de la notion de créance maritime déclenchant le régime juridique du « gage
maritime ». Le Code maritime de 1999 n’utilise plus la notion de créance
privilégiée, à la différence du Code maritime de 1968. M. Lipavsky considère que
la créance et le droit de gage sont deux définitions distinctes. La créance en elle-
même ne constitue pas un privilège, elle devient « privilégiée » grâce au régime
juridique du gage maritime qui commande la satisfaction prioritaire des personnes
qui font valoir leurs créances maritimes39.
§ 2 L’histoire du gage maritime en droit russe
Le contrat de bodmerei ou bottomry40 a donné naissance aux créances maritimes
privilégiées en droit russe. Il ne faut pas le confondre avec le foenus nauticum, même
si ces deux institutions du droit maritime ancien ont beaucoup de traits communs.
39
Vladimir Lipavski, « Le gage maritime », édition Juriste, Moscou, 2004, pages 5-6.
40
Le term bodmerei / bottomry provient du mot anglais « bottom » ou « bodem » qui signifient le quille
du navire ou le navire lui-même.
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
33
Comme on a déjà invoqué précédemment foenus nauticum était connu des navigants
de la Grèce Antique. C’était un contrat en vertu duquel une partie prêtait une
somme d’argent à un taux élevé et son remboursement était conditionné par le
succès de l’expédition. En cas de perte du navire, le créancier perdait le droit
d’exiger du débiteur le remboursement de l’emprunt. C’est le prêt à la grosse
aventure qui a donné naissance en droit français à l’hypothèque maritime.
S’agissant du contrat de bodmerei, ce contrat était dépourvu d’aspect spéculatif.
Selon M. Lipavski, le contrat était causé par la nécessité absolue du navire de se
procurer de l’argent au cour de l’expédition maritime loin de son port d’attache41.
Dans le droit russe d’avant 1917, ce contrat de bodmerei avait ses particularités. La
Charte de la navigation commerciale de l’époque prévoyait les cas de recours au
crédit « d’urgence » par le capitaine, dans un pays étranger, qui n’avait rien d’autre
pour garantir le remboursement du crédit que le navire et la cargaison. Dans de
telles circonstances le droit russe permettait au capitaine de souscrire un emprunt
contre le gage de ces biens.
La Charte de navigation commerciale donnait la définition suivante du contrat de
bodmerei : « Bodmerei est un contrat d’emprunt d’une somme d’argent contre le
gage du navire ou d’un navire avec sa cargaison à bord ». En premier lieu, c’était
un contrat d’emprunt d’une somme d’argent et non des choses. En deuxième lieu,
l’emprunt devait être garanti par le gage, ce qui reflète la spécificité d’un tel contrat.
Shershenevitch considérait qu’« un simple crédit contracté par le capitaine en cours
de route, en dehors d’un cas d’extrême nécessité, dans l’hypothèse où une
personne serait prête à lui consentir un tel crédit – ne sera pas considéré comme un
bodmerei »42. La Charte de la navigation commerciale excluait le fret de l’objet du
gage. Toutefois, Shershenevitch considérait que le fret devait être compris dans
l’objet du gage. Il soulignait que l’objet du gage pouvait comprendre le navire, la
cargaison, le fret pris ensemble ou séparément.
41
Vladimir Lipavski « Le gage maritime », édition Juriste, Moscou, 2004, pages 10-11.
42
G. F. Shershenevitch « Cours du droit commercial », Tome 3, SPB, 1909, page 388.
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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Un des critères importants du contrat de bodmerei était le fait que le contrat devait
être passé par le capitaine en absence de délégation quelconque de la part du
propriétaire du navire. En droit russe de l’époque, un emprunt passé par le
propriétaire du navire avant le départ de celui-ci et ayant pour but le financement
de l’expédition maritime n’était pas considéré comme un contrat de bodmerei. Le
contrat de crédit conclu par le capitaine sous la demande du propriétaire du navire
n’était pas un bodmerei non plus car la particularité du bodmerei était bel et bien le fait
que le capitaine agissait sans l’accord du propriétaire du navire mais le contrat ainsi
passé engageait ce dernier. Cela trouvait son explication dans le fait que le navire se
trouvait loin de ses côtes, sans aucune possibilité de se mettre en contact avec le
propriétaire, en éprouvant une nécessité extrême de se procurer de l’argent pour
terminer l’expédition commencée.
Il convient de souligner que les droits étrangers de l’époque permettaient au
créancier d’agir directement contre le propriétaire, alors qu’en droit russe, le
créancier non payé ne pouvait agir contre le propriétaire que subsidiairement après
avoir exercé son recours contre le capitaine.
On sait qu’une des caractéristiques importantes du contrat de bodmerei est que la
prétention du créancier se limitait à l’objet du gage : le navire, la cargaison ou le fret
(ou les trois). La prétention du créancier ne pouvait pas être dirigée contre les
autres biens du débiteur. Néanmoins, la Charte de la navigation commerciale de
l’époque contenait la disposition suivante en son article 1062 : « Les créanciers gagistes
sont payés conformément aux règles générales concernant le gage ». Le même article ajoute
qu’il n’y a pas en matière de contrat de gage de règles particulières régissant le
contrat de bodmerei.
Par conséquent, la question de la réalisation de droits réels dans le cadre de bodmerei
était, selon l’expression de Shershenevitch, plus que controversée. La jurisprudence
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de l’époque considérait que le créancier, en cas de gage des biens immobiliers,
devait limiter sa prétention à la valeur des biens faisant l’objet du gage, alors qu’en
cas de gage sur les biens mobiliers, le créancier pouvait obtenir la satisfaction de sa
créance de n’importe quel bien du débiteur.
Il convient de rappeler ici que le droit positif russe, à la différence du droit français,
considère les navires, les bateaux, les objets spatiaux et les aéronefs comme des
biens immobiliers en vertu de l’article 130 du Code civil de 1995. Le législateur a
ainsi recouru à la fiction juridique pour appliquer à ces biens le régime juridique des
biens immobiliers, ce qui s’explique par la très grande valeur de ce type des biens.
Toutefois, avant 1917, le droit russe ne comportait pas une telle disposition
expresse, et par conséquent les navires étaient considérés comme des biens
mobiliers. Il s’ensuivait qu’en Russie tsariste, le créancier du contrat de bodmerei
ne limitait pas son action seulement au navire, à la cargaison et au fret mais pouvait
obtenir la satisfaction de sa créance sur tous les biens du débiteur. On peut donc
en déduire qu’en Russie, en matière de contrat de bodmerei, à la différence de tous
les autres pays, la limitation de la prétention du créancier uniquement à l’objet du
gage n’était pas connue. Une telle particularité, selon M. Lipavsky, n’était pas le
résultat de la volonté du législateur de l’époque mais était plutôt due aux lacunes
dans la réglementation de l’institution du bodmerei en droit maritime russe43. Les
autres pays considéraient le brodmerei comme un contrat sui generis, alors qu’en droit
russe, c’était un crédit de somme d’argent ordinaire garanti par le gage.
Au 19ème siècle, le rôle du bodmerei comme moyen de financement de la navigation
avait connuv son déclin. L’apparition des navires d’acier a considérablement
diminué les risques de naufrage, la concentration des capitaux des grandes
compagnies de navigation leur permettait de disposer d’un réseau d’agent dans tous
les ports du monde qui procuraient les sommes d’argents nécessaires aux
capitaines. Tous cela a diminué le besoin de recourir, comme autrefois, au
43
Vladimir Lipavski « Le gage maritime », édition Juriste, Moscou, 2004, pages 20.
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financement dicté par l’urgence. Une autre raison ayant contribué au déclin du
bodmerei a été l’apparition des lois sur l’hypothèque maritime : les créanciers
hypothécaires étaient mécontents de voir leur créances être primées par les
créances basées sur le contrat de bodmerei. Le développement juridique du gage
maritime s’effectuait en constante « lutte » contre l’hypothèque maritime.
Cependant, le bodmerei n’est pas tombée en désuétude juridique. On retrouve
aujourd’hui ses traces dans la Convention de 1926 sur les hypothèques et privilèges
maritimes, en son article 2 qui énumère les créances maritimes privilégiés.
§ 3 Le gage maritime en droit soviétique
Les dispositions concernant les privilèges maritimes sont apparues pour la
première fois en droit soviétique dans le Chapitre XI du Code maritime de l’URSS
de 1929. Les rédacteurs n’ont pas utilisé la notion de gage maritime. Le Chapitre
XI régissait les créances contre le propriétaire du navire et contre le propriétaire de
la cargaison. L’article 183 du Code maritime de 1929 prévoyait cinq catégories de
créances contre le propriétaire, qui devaient être satisfaites prioritairement à toutes
les autres créances, y compris celles qui étaient garanties par le gage. De façon
synthétique, la liste des créances était la suivante :
1. Les créances salariales.
2. Les droits portuaires.
3. Les créances découlant de la rémunération des services apportés au navire en cas d’avarie
commune.
4. Les créances liées au préjudice subi ainsi que les créances liées à la perte ou au dommage
causé à la cargaison ou aux bagages.
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5. Les créances concernant les actions entreprises par le capitaine pour satisfaire aux besoins
réels du navire ayant pour but la sauvegarde du navire ou la continuation de l’expédition.
V.B. Lipavsky considère que cette liste reflète parfaitement l’esprit du bodmerei.44
L’article 182 du Code maritime de 1929 disposait que ces créances s’exerçaient sur :
le prix du navire ;
le fret, le prix des billets de transport des passagers et le prix de
transport de leurs bagages se rapportant à l’expédition en question ;
la prime due au propriétaire du navire dans le cadre de l’avarie
commune, pour le dommage causé au navire ou due à la perte du
fret ;
l’indemnisation due au propriétaire pour l’aide apportée, à
l’exception des sommes dues au capitaine et aux autres personnes au
service du navire.
Conformément à l’article 189, le créancier conservait le droit d’être payé
prioritairement sur le prix du navire même en cas de changement du propriétaire.
Cet article établit ainsi un véritable droit de suite des privilèges maritimes, ce qui les
rapproche du gage. Comme on l’a déjà mentionné, ce droit de suite n’existait pas
dans cette matière en droit russe avant la révolution.
Le Code maritime de 1968 parlait également des privilèges maritimes dans son
Chapitre XVII. Comme son prédécesseur le Code maritime de 1929, il n’utilisait
pas la notion de gage maritime. Le Code de 1968 parlait de privilèges maritimes
contre le navire ainsi que contre la cargaison. Ces deux groupes de privilèges
étaient traités dans le même article. Les privilèges maritimes eux-mêmes ainsi que
les biens sur lesquels les privilèges s’exerçaient n’ont subi aucune modification
considérable.
44
Vladimir Lipavski « Le gage maritime », édition Juriste, Moscou, 2004, page 25.
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Une nouveauté du Code maritime de 1968 par rapport au Code de 1929 était
l’exclusion de la règle prévoyant que les privilèges maritimes suivent le navire en
cas de vente.
§ 4 Le droit positif
Comme on l’a précisé précédemment, le Code maritime de 1968 ignorait la notion
de gage maritime. Il utilisait la notion de « privilèges maritimes » qui, en droit
maritime positif, est remplacée par la notion de gage maritime.
La Fédération de Russie a adhéré à la Convention de 1993 sur les hypothèques et
privilèges maritimes et la majorité des articles du chapitre XXII du Code maritime
de 1999 correspond aux dispositions de ladite convention. L’adhésion de la Russie
à cette Convention a eu pour résultat des changements significatifs dans la
réglementation de cette institution juridique.
En premier lieu, avant la ratification de la Convention, le droit maritime russe (qui
était sous l’empire du Code de 1968) ne connaissait pas le principe de droit de suite
du gage (privilège) maritime sur le navire. A l’heure actuelle, ce principe est
directement prévu à l’article 370 du Code maritime.
En deuxième lieu, sous l’empire de la réglementation ancienne, le régime juridique
des créances garanties par le gage maritime relevait en quelque sorte des règles de
procédure. Ainsi, l’article 14 du Code maritime de 1968 disposait que les règles
régissant les créances privilégiées étaient applicables si un des tribunaux de l’URSS
était saisi. Conformément à l’article 424 du Code maritime de 1968, il fallait
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appliquer la loi du pays du tribunal devant lequel le litige est porté (loi du for) aux
questions sur la nature de la créance et l’ordre de passage des créanciers.
En troisième lieu, le nouveau Code maritime de 1999 a changé les règles de
réalisation des droits des créanciers détenteurs d’un gage maritime sur les navires
(autrement dit, les créanciers ayant un privilège maritime).
En dernier lieu, avec le nouveau Code maritime de 1999, le gage maritime est
appelé à garantir les créances maritime non seulement sur le navire du propriétaire
mais de manière générale sur le navire de tout exploitant qui l’exploite même en
n’étant pas son propriétaire, ou sur le navire de toute autre personne qui l’exploite
de manière légitime.
§ 5 Le fondement du gage maritime : les créances garanties par le
gage maritime
Le gage maritime n’existe qu’en vertu de la loi. L’article 334 dispose dans son alinéa
3 que le gage maritime a pour fondement la loi si les conditions définies par cette
dernière sont réunies. La liste des créances maritimes constitue le problème le plus
délicat pour l’unification des dispositions sur le gage maritime. Le gage maritime
affaiblit l’institution de l’hypothèque maritime car les créances garanties par le gage
maritime sont satisfaites en priorité par rapport aux créances garanties par
l’hypothèque. D’où la recherche éternelle d’un compromis entre ceux qui veulent
étendre la liste des créances maritimes et ceux qui sont partisans de la stabilité et de
la prévisibilité des relations juridiques entre les créanciers et les débiteurs dans le
domaine maritime.45
45
G. Ivanov, Le régime juridique de la navigation maritime en Fédération de Russie, édition Spark,
Moscou, 2002, page 419.
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L’article 367 du Code maritime de 1999 donne la liste des créances qui sont
garanties par le gage maritime. Ainsi, le gage maritime garantit les créances
suivantes :
1) les créances résultant du contrat d’engagement du capitaine et des autres membres de
l’équipage pour leur travail à bord du navire, y compris les frais de leur rapatriement et
les cotisations d’assurance sociale payable pour leur compte ;
2) les créances du chef de mort ou de lésion corporelle survenant, sur terre ou sur eau, en
relation directe avec l’exploitation du navire ;
Il convient de souligner l’importance de ces deux privilèges qui trouvent leur
consécration aux articles 64 et 855 du Code civil46.
3) les créances exigibles pour assistance et sauvetage du navire ;
Cette disposition est très importante car grâce aux opérations de sauvetage le
navire « reste en vie », ce qui permet l’exercice de tous les autres privilèges
maritimes.
4) les créances du chef des droits de port, de canal et d’autres voies navigables ainsi que des
frais de pilotage ;
Leur signification est considérable étant donné que le capitaine du port peut
refuser l’autorisation de quitter le port en cas de non paiement des droits de port.
46
Annexe XIII : Article 64 et 855 du Code civil de 1995.
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41
5) les créances en raison de perte ou de dommages matériels causés par l’exploitation du
navire, autres que ceux occasionnés à la cargaison, aux conteneurs et aux effets personnels
des passagers transportés à bord du navire.
On voit que la liste des créances correspond à l’identique à celle de la Convention
de 1993 ratifiée par la Russie.
Le paragraphe 2 du même article ajoute que les créances visées aux alinéas 2) et 5)
ne sont pas garanties par le gage maritime si elles découlent d’un dommage causé
par une pollution par des hydrocarbures ou autres substances dangereuses ou
nocives ou radioactives. Cette exclusion s’explique par l’existence d’un régime
spécial pour ce type de préjudice, impliquant la création due fonds de limitation de
responsabilité dont parle le chapitre XVIII du Code maritime de 1999.
§ 6 L’exercice des droits garantis par le gage maritime
1. La loi applicable à l’exercice du privilège maritime. - La première question
à se poser en matière d’exercice des privilèges est de savoir quelle est la loi
applicable à l’exercice du gage maritime. A l’heure actuelle il n’existe
malheureusement pas de jurisprudence russe dans la matière. D’où la nécessité
d’étudier l’expérience des juges étrangers, notamment des juges français.
L’exercice du privilège ressortit à la procédure d’exécution forcée qui rend
applicables les règles de procédure de la loi du juge saisi. En réalité la question est
plus nuancée.
S’agissant de la loi applicable, la Cour d’appel de Rennes dans un arrêt de 24
octobre de 1989 (navire « Adriana ») a affirmé que le privilège du fréteur consistant
en une sûreté réelle c’est la loi du lieu de situation de la chose sur laquelle porte le
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privilège qui est applicable. En l’espèce, le fréteur italien a obtenu en France un
secours que ni la loi italienne, ni la loi de contrat qu’il a conclu à l’étranger ne lui
accordaient.
Cet arrêt confirme en matière maritime l’arrêt de principe de la Cour de cassation
« DIAC » du 8 juillet 1969 (publié dans les Grands arrêts de la jurisprudence
française du droit international privé) qui a retenu lex rei sitae en tant que loi
applicable aux droits réels dont sont l’objet les biens mobiliers situés en France.
En revanche, dans l’affaire « Nobility » jugée par la Cour d’appel de Rouen le 14
mars 2000 qui a statué sur renvoi de la Cour de cassation, les magistrats ont jugé
que « la loi anglaise (loi de contrat, en l’espèce) ne comportant pas de privilège tel
que celui édicté par la loi française, ni aucun droit au profit du fréteur sur la
cargaison au préjudice des tiers porteurs du connaissement auxquels ladite
cargaison appartient, le juge ne pouvait pas ordonner la consignation de la
cargaison en mains tierces ». Le fréteur qui veut exercer devant une juridiction
française le privilège accordé par la loi française doit en même temps et
cumulativement justifier qu’il bénéficie de droits équivalents selon la loi applicable
au contrat d’affrètement (lex causae).
Une partie de la doctrine (Batoffol, Lagarde, le Professeur Pierre Mayer) sont
favorables à cette théorie du cumul : le privilège doit être connu de la loi de la
créance et de la loi lex rei sitae. En outre, selon les Professeurs MM. Bonassies et
Vialard il n’existe aucune raison pour qu’un tribunal français accorde un privilège à
un créancier qui n’était titulaire d’aucun droit réel de cette nature au moment et au
lieu où sa créance est née. Ce principe doit s’appliquer à tous les privilèges. Selon
ces auteurs, un privilège ne peut être mis en œuvre par un tribunal français, selon la
loi française, que s’il est d’abord reconnu par la loi de la créance. Toute autre
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43
solution, selon le Professeur Pierre Bonassies, serait contraire à la logique et à
l’équité et, de surcroît, aurait l’inconvénient d’encourager le forum shopping47.
2. Règles de procédure. - L’article 371 du Code maritime laisse entendre qu’en
cas de non exécution des obligations garanties par le gage maritime, le créancier a
le droit de saisir le navire et de les soumettre à une vente forcée. M. Lipavski
considère que la saisie du navire est une forme commune d’exercice de tous les
privilèges garantis par le gage maritime. La saisie a beaucoup en commun avec les
mesures garantissant l’exécution des obligations dont parle l’article 99 du Nouveau
code de procédure arbitrale48.
Les dispositions régissant la vente forcée du navire se trouvent au paragraphe 2 du
chapitre XXII du Code maritime consacré à l’hypothèque du navire. Les mêmes
règles doivent être appliquées, selon M. Lipavski, à la vente forcée du navire dans
le cadre de l’exercice des créances maritimes garanties par le gage. Les dispositions
du Code maritime en la matière s’inspirent largement des dispositions
correspondantes de la Convention de 1993.
L’article 384 du Code maritime dispose qu’en cas de non exécution par le débiteur
de son obligation garantie par l’hypothèque maritime, le navire comme le navire en
construction peuvent être vendus conformément à la décision du juge du lieu de
saisie autorisant une telle vente. Cet article laisse entendre que le seul moyen pour
le créancier hypothécaire d’exercer ses droits sur le navire est de saisir le juge. Le
principe posé par cet article doit être étendu, selon M. Lipavski, au créancier
détenteur d’un privilège sur le navire garanti par le gage maritime.
La Convention de 1993 ainsi que le Code maritime imposent une notification
comme condition de la vente forcée du navire. La liste des personnes auxquelles la
47
DMF, page
48
Vladimir Lipavski, « Le gage maritime », édition Juriste, Moscou, 2004, pages 62.
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44
notification doit être envoyée est définie à l’alinéa 1 de l’article 385 du Code
maritime. La notification de la vente forcée du navire doit être envoyée au plus
tard 30 jours avant la date de la vente aux personnes suivantes :
l’organisme d’immatriculation du navire ou le registre du droit de propriété
sur le navire en construction ;
tous les créanciers hypothécaires et tous les créanciers détenteurs du gage
s’ils ont informé le tribunal de l’existence de leurs sûretés ;
le propriétaire du navire ;
l’organe d’immatriculation du navire de l’Etat dont le navire bat
temporairement pavillon.
Conformément à l’alinéa 3 de l’article 385, la notification doit comprendre :
les renseignement sur la date et le lieu de la vente forcée, ainsi que les
renseignements sur les mesures et les procédures en rapport avec une telle
vente que les personnes à qui la notification est faîte doivent connaître afin
de protéger leurs intérêts ;
si la date et l’endroit de la vente forcée ne peuvent pas être définis, les
renseignements sur la date et le lieu possibles de la vente forcée ainsi que
tout autre renseignement doivent être suffisants pour protéger les intérêts
des personnes notifiées. Dans ce cas, la notification supplémentaire sur la
date et le lieu de la vente forcée doit être envoyée au plus tard sept jours
avant la date de la vente.
L’article 386 prévoit une disposition protectrice des intérêts du chantier de
construction du navire. Lorsqu’au moment de la vente forcée, le navire est détenu
par un chantier naval ou un chantier de réparation qui dispose d’un droit de
rétention sur le navire, ces chantiers doivent renoncer à leur droit en faveur de
l’acheteur. En revanche, le chantier conserve le droit d’obtenir la satisfaction sur le
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45
prix du navire obtenu à l’issue de la vente forcée. Une telle créance est, toutefois,
primée par les créanciers disposant de privilèges maritimes (gages maritimes).
Le Code maritime ne contint pas les règles de déroulement de la vente forcée. M.
Lipavsky considère que le législateur l’a fait exprès49. La description détaillée de la
procédure de notification des personnes intéressées est appelée à garantir
l’équilibre des intérêts des créanciers hypothécaires, des créanciers ayant des
privilèges maritimes, ainsi que de tous les autres créanciers. Une telle nécessité
s’explique par le caractère hiérarchisé des créances sur le navire, qui distingue le
droit maritime du droit commun. En revanche, dans la procédure de vente forcée
du navire, il n’existe aucune spécificité, et, par conséquent, le législateur a omis de
mettre en place des dispositions sur le déroulement de la procédure. Il s’ensuit que
le régime juridique instauré par le droit commun est applicable en la matière.
La vente forcée du navire emporte la purge de toutes les hypothèques (à
l’exception des celles acceptées par l’acheteur avec le consentement des créanciers
hypothécaires), des gages et de tous les autres droits sur le navire.
Il va de soi que le régime juridique ainsi exposé est très proche des règles du droit
français en la matière. De même, en droit anglais, la créancier hypothécaire ou le
créancier qui a un « maritime lien » sur le navire exerce une action in rem devant la
Admiralty Court. Il est à noter que la logique des sûretés maritimes est la même
pour ces trois pays : le navire est en quelque sorte personnalisé et répond lui-même
de ses dettes.
49
Vladimir Lipavski, « Le gage maritime », édition Juriste, Moscou, 2004, page 64.
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46
§ 7 Le gage maritime en cas de faillite du propriétaire du navire
Dans le cadre d’une procédure de faillite, on entend par créance maritime tous les
gages maritimes, les hypothèques des navires, les créances des chantiers de
construction et de réparation fondées sur leur droit de rétention, les créances liées
aux dépenses engagées pour remonter le navire coulé pour sa vente subséquente
ainsi que les dépenses liées à la procédure de saisie et de vente du navire. Le cœur
du problème consiste à définir l’ordre de passage des créanciers, et notamment de
concilier l’ordre de passage des créanciers tel qu’il est défini par la réglementation
sur la procédure collective et l’ordre de passage des créanciers prévu par le Code
maritime. Le Code maritime dispose qu’aucune créance ne peut être satisfaite
prioritairement par rapport aux créances indiquées dans le Code maritime (les
articles 368, 379, 386).
M. Babkine considère que les dispositions de la Loi sur la faillite de 1998 doivent
faire objet de modifications compte tenu de règles posées par la Convention de
1993 et le CNMC de 199950. Cet auteur propose la solution suivante :
1) le navire lorsqu’il fait objet d’au moins un gage maritime ou d’une
hypothèque doit être exclu de la masse totale de biens ;
2) l’ordre de passage des créanciers, pour ce qui concerne la répartition du prix
de vente du navire, ne doit pas être celui prévu par la Loi sur la faillite, c'est-
à-dire que toutes les créances maritimes doivent être éteintes
prioritairement, dans l’ordre prévu par le Code maritime . Ensuite, on
procède au paiement des créances dans l’ordre prévu par le Code civil et la
Loi sur la faillite.
50
S.A. Babkine, L’hypothèque des navires : la Convention internationale sur les hypothèques et les
privilèges maritimes de 1993 et son incorporation dans le droit russe, revue « Droit des Transports »,
Moscou, Juriste, 2001, N1, pages 9 à 12.
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47
M. Lipavski soutient la proposition de M. Babkine. Par ailleurs, il considère que ces
deux propositions ne sont pas cumulatives : chacune d’elles constitue la solution.
La Loi Fédérale sur la faillite de 26 octobre 2002 a changé l’ordre de passage des
créanciers. Les biens faisant l’objet du gage maritime sont compris dans la masse.
En revanche, dans la masse des biens, ils sont individualisés. Les créances des
créanciers gagistes sont payées prioritairement du montant des biens gagés.
Néanmoins, les créances garanties par le gage maritime sont payées après le
paiement des créances super privilégiés (alinéa 1 de l’article 134 de la Loi sur la
faillite) ainsi qu’après le paiement des créances de 1er et de 2ème rang, qui n’ont pas
été modifiés par la Loi de 2002.
• 1er rang : les créances liées au dommage causé à la vie ou à la santé
• 2ème rang : les créances des salaires et les indemnités de licenciement ainsi
que les honoraires d’auteurs.
M. Lipavsky considère, néanmoins, que les problèmes liés à la faillite du
propriétaire du navire doivent être résolus de la façon suivante : il faut déterminer
avant tout le titre de la personne faisant objet de la procédure de faillite. Si ce n’est
pas un droit de propriété (par exemple, la personne est un affréteur coque nue),
alors le navire doit rester en dehors de la procédure de faillite : les privilèges
maritimes sont payés sur le prix du navire, le reliquat est rendu au propriétaire.
Lorsque la personne faisant l’objet de la procédure de faillite est le propriétaire du
navire, il faut avant tout distinguer les créances se rapportant au navire en tant que
tel et les créances à l’encontre du propriétaire du navire en général. Ainsi les
créances salariales des salariés engagés dans le travail à terre et ceux des membres
de l’équipage ne seront pas payés de la même façon.
Lorsque le navire est grevé des gages maritimes ou s’il a fait l’objet d’une
hypothèque, il doit être compris dans la masse des actifs mais il doit être
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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48
individualisé dans la masse des biens gagés. Sur le prix du navire, il faut payer les
créances maritimes dans l’ordre prévu par le Code maritime. Ces créances doivent
être payées prioritairement par rapport à toutes les créances prévues par l’article
134 de la Loi sur la faillite, y compris les créances non soumises à l’ordre de
passage. Après le paiement des créances maritimes, les créances de l’article 134 de
la Loi sur la faillite sont payées sur le reliquat du prix de vente du navire.
§ 8 L’extinction du gage maritime
L’article 371 du Code maritime dispose que les privilèges maritimes s’éteignent à
l’expiration d’un délai d’un an à compter de la constitution de ces privilèges sauf si
le navire a fait l’objet d’une saisie. Cette disposition est conforme à l’article 9 de la
Convention de 1993.
Il est à noter qu’en droit français la solution est identique. La saisie seule peut
interrompre le délai d’un an. S’agissant de la suspension ou de l’interruption de la
prescription, la loi ne prévoit aucune cause d’interruption. Néanmoins, le
jurisprudence considère que ce n’est pas un délai préfix. En revanche, en silence de
la loi la doctrine majoritaire (notamment, les professeurs MM. Bonassies et Vialard)
considère que l’assignation en justice interrompe la prescription du principale (la
créance) mais non de l’accessoire (le privilège). La jurisprudence va dans le même
sens : seule la saisie du navire peut interrompre la prescription (T. com. Marseille, 5
février 1957). Cela correspond à l’esprit de l’action in rem qui personnalise le navire.
C’est à dire l’action se dirige contre le navire lui-même qui répond en quelque sorte
« tout seul » de ses propres dettes.51.
Revenant au droit russe, le privilège sur le navire doit être exercé par le créancier
dans les limites temporaires posées par cet article. Le but du législateur était de
51
DMF,
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49
diminuer autant que possible l’impact négatif des créances privilégiées garanties par
le gage maritime sur les droits des créanciers hypothécaires. A l’expiration d’un an,
le créancier perd son droit de faire valoir le caractère privilégié de sa créance. Le
professeur G. Ivanov considère qu’un tel délai n’est pas susceptible d’une
prolongation conventionnelle52. Il est intéressant de mentionner que la doctrine
maritimiste française va dans ce sens. Les auteurs pensent que la possibilité d’une
telle prolongation va également à l’encontre de l’esprit de l’action contre le navire.
Ils considèrent que toute prolongation ou interruption par un moyen autre que la
saisie risque de conduire à une accumulation des privilèges puisque le navire reste
en circulation. L’accumulation met en péril le droit réel des créanciers
hypothécaires53.
52
G. Ivanov, Le régime juridique de la navigation maritime en Fédération de Russie, édition Spark,
Moscou, 2002, page 429.
53
Le logiciel LexisNexis, rubrique « Privilèges maritimes ».
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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50
CONCLUSION SUR LE CHAPITRE II
Il convient de mentionner que la deuxième partie des années quatre-vingt-dix a été
marquée par des réformes importantes en droit privé russe, et notamment, en droit
maritime. L’adoption du nouveau Code civil en 1995, inspiré des principes de
l’économie de marché, a été décisive à tout point de vue. Au début de l’année 1999,
la Russie a adhéré à un nombre considérable de conventions internationales
relatives au transport maritime, telles que la Convention de Bruxelles de 1924 avec
ses protocoles, la Convention de 1952 sur la saisie conservatoire des navires, la
Convention de 1993 sur les hypothèques et les privilèges maritimes. Le Code de la
navigation maritime commerciale a été adopté en avril 1999. L’intégration de ces
nouvelles institutions dans l’ordre interne russe ne se passe pas toujours en
douceur car il n’existe très peu de jurisprudence en la matière et les juges du fond
n’ont pas souvent assez de connaissance en droit maritime post-soviétique, d’où
l’impression générale de méfiance à l’égard des nouvelles dispositions régissant les
droits réels accessoires sur le navires ainsi qu’à l’égard de la récente réglementation
sur la saisie conservatoire.
L’hypothèque maritime constitue une institution d’une extrême importance pour le
financement de la construction et des opérations des navire compte tenu de leur
valeur considérable. On sait que les fournisseurs et les banques sont avides de
garanties de paiement. Dans l’ordre juridique russe, cette institution est d’autant
plus importante à l’heure actuelle que les entreprises d’armement doivent
désormais se soucier eux-mêmes de se procurer les financements, à la différence de
l’époque soviétique où l’Etat finançait l’activité de sa flotte. Dans l’ensemble, les
dispositions régissant l’hypothèque maritime sont satisfaisantes et conformes à la
réglementation internationale. Toutefois, un certain nombre d’auteurs et de
praticiens déplore qu’à l’heure actuelle un créancier hypothécaire aurait quand
même du mal à faire valoir sa créance sur le navire dans le cadre de la saisie de
celui-ci. Cette dernière institution est également issue des réformes récentes en
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
51
droit maritime russe et, par conséquent, n’est pas très bien maîtrisée par les juges
du fond, voire pas du tout.
En ce qui concerne le gage maritime, il semblerait qu’à l’heure actuelle, le Code
maritime donne une réglementation très détaillée de cette sûreté importante dans la
pratique maritime. En outre, cette réglementation est conforme presque à
l’identique à la Convention de 1993 et aux tendances juridiques mondiales
modernes en la matière. On constate, toutefois, qu’à l’heure actuelle, il n’y a
quasiment pas de jurisprudence pertinente dans cette matière, ce qui peut
s’expliquer par la jeunesse du droit maritime russe post-soviétique. Nonobstant le
fait que presque sept ans se sont écoulés depuis l’entrée en vigueur du nouveau
Code maritime, le gage maritime n’a pas encore gagné la confiance des opérateurs
du transport maritime. Selon M. Lipavski la faible efficacité de cette institution
s’explique par la mauvaise compréhension de sa nature et de sa place parmi les
autres outils du droit civil et maritime, d’autant plus que pour la bonne assimilation
de cet instrument juridique, il est nécessaire parfois de recourir à l’analyse
comparative de la réglementation des privilèges maritimes dans des pays différents,
la réglementation n’étant nullement uniforme. Comme on l’a déjà évoqué
précédemment, les difficultés surviennent même au niveau des définitions :
« maritime lien » en droit anglais, « privilège maritime » en droit français, « gage
maritime » en droit russe, qui correspondent plus ou moins à la même réalité
juridique. Par conséquent, M. Lypavski remarque qu’il est primordial que les juges
et les juristes comprennent bien l’esprit juridique du fonctionnement des privilèges
maritime pour une meilleure efficacité d’application des dispositions récentes en la
matière54. En outre, comme pour l’hypothèque maritime, il existe des difficultés
pratiques pour exercer les privilèges maritimes devant les juridictions russes dans le
cadre de la saisie conservatoire, problème qui sera étudié dans le troisième chapitre
du mémoire.
54
Vladimir Lipavski « Le gage maritime », édition Juriste, Moscou, 2004, pages 70-71.
  Sûretés maritimes russe
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  • 1. UNIVERSITÉ DE DROIT, D’ÉCONOMIE ET DES SCIENCES D’AIX-MARSEILLE FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D’AIX-MARSEILLE Centre de Droit Maritime et des Transports Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Mémoire pour le MASTER 2 Droit Maritime et des Transports Présenté par Anastasia Toporkova Sous la direction de M. Christian SCAPEL Année de soutenance : 2006
  • 2. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 2 SOMMAIRE INTRODUCTION…………………………………………………….……p.4 CHAPITRE I : LE STATUT DU NAVIRE EN DROIT RUSSE CHAPITRE II : LES DROITS REELS ACCESSOIRES SUR LE NAVIRE SECTION I : L’hypothèque maritime…………………………………p.20 SECTION II : Le gage maritime ……………………………………… CHAPITRE III : LA MISE EN ŒUVRES DES SURETES : LA SAISIE DU NAVIRE ANNEXES………………………………………………………………..p.81 BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………..p.122 TABLE DES MATIERES…………………………………………….p.123
  • 3. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 3 « C’est que le navire est un lieu de travail, un lieu de vie, parfois un lieu de mort. Et dire qu’un navire souffre, qu’il est français ou étranger, qu’il est pirate ou flibustier, n’a pas d’autre signification que celle de projeter nos fantasmes sur une chose qui fait rêver autant qu’elle fait craindre le pire ». Captain Cobet What’s a ship?, series extracted from Seaways 1986-1987
  • 4. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 4 PRESENTATION La présente étude a pour but d’exposer les principes généraux du droit russe régissant trois institutions qui ont fait la preuve de leur grande importance dans la pratique maritime mondiale. Il s’agira des sûretés maritimes telles que l’hypothèque et les privilèges maritimes ainsi que de leur exercice dans le cadre de la saisie conservatoire du navire. Les changements économiques et politiques que la Russie a connu au cours de ces quinze dernières années ont eu indiscutablement une influence majeure sur la vie juridique du pays. Le passage à l’économie de marché n’a pas laissé le droit maritime à l’écart. L’hypothèque maritime, jusque-là inconnue en droit russe, a été introduite dans le Code de la navigation maritime commerciale, tandis que le régime juridique des créances maritimes privilégiées et l’institution de la saisie conservatoire ont connu des changement profonds. L’évolution et l’historique de chaque institution, ainsi que leur base juridique et doctrinale, vont être présentées.
  • 5. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 5 INTRODUCTION Le transport maritime constitue une des plus importantes branches de l’économie de la Russie. Cela s’explique par des considérations d’ordre économique et géographique. La flotte a toujours été une ressource stratégique du pays. L’activité de la flotte marchande, internationale par définition, a toujours été plus ou moins fondée sur les principes de l’économie de marché, indépendamment du modèle économique choisi et du régime politique. Malgré le fait que l’activité de transport a un caractère en quelque sorte accessoire, on peut constater, à l’heure actuelle, que les services de transport maritime constituent un acteur indispensable de l’échange économique. La seconde moitié des années quatre-vingt-dix s’est caractérisée par des réformes législatives importantes dans le domaine du droit civil et plus spécifiquement du droit maritime. En 1994, le nouveau Code civil a été adopté. A la différence de son prédécesseur, il est orienté vers l’économie de marché. Au début de 1999, la Fédération de Russie est devenue partie à un nombre important de conventions internationales dans le domaine du droit maritime, y compris la Convention de Bruxelles de 1924 et ses protocoles. Une étape décisive dans la réforme du droit maritime russe a été sans doute l’adoption le 30 avril 1999 du nouveau Code de navigation maritime commerciale (Code maritime). Il est évident que les mesures visant à réformer la flotte maritime russe doivent être transversales, dans le sens où elles ne doivent pas se limiter au perfectionnement de la réglementation technique. En Russie, le droit maritime a vu sa naissance à l’époque de Pierre le Grand, au 18ème siècle. Pierre le Grand a personnellement dirigé les travaux préparatoires du Code maritime qui a été adopté le 13 janvier 1720. Certaines dispositions de ce Code, qui régissaient le pavillon et le statut du capitaine, intéressaient directement
  • 6. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 6 la navigation commerciale. En 1781 le Code de la navigation commerciale intérieure a été adopté. Le code maritime de Pierre le Grand de 1720 a été complété par la Loi de 1846 sur l’assurance maritime et par la Loi de 1867 sur l’immatriculation des navires. En 1911, une commission spéciale a été créée par Nicolas II pour réformer les lois sur la navigation maritime. La commission a présenté projet de nouveau code de navigation maritime commerciale. La première Guerre Mondiale, qui a éclatée en 1914, n’a pas permis à ce code de voir le jour1. A l’époque soviétique, c’était l’Etat qui finançait la construction des navires. Le changement de régime politique et le passage à l’économie de marché a mis les propriétaires des navires devant la nécessité de chercher eux-mêmes le financement pour les besoins de leurs flottes. Pour ce faire, les propriétaires ont eu recours aux emprunts bancaires. La pratique mondiale montre qu’il est courant de recourir à ce type de financement pour la construction des nouveaux navires ou pour la maintenance de la flotte existante. Il va de soi que les banques, qui prêtent des sommes considérables, veuillent se protéger contre les risques de non paiement de la part des propriétaires ou des exploitants. La sûreté la plus populaire en matière de financement de construction de navires est sans doute l’hypothèque maritime, déjà connue du droit romain et largement reconnue par la communauté maritime internationale comme étant une institution juridique très efficace. L’hypothèque a été introduite en droit maritime russe seulement en 1998. Le Code de la navigation maritime commerciale de l’URSS de 1929 ainsi que son successeur, le Code de 1968, ignoraient cette institution juridique importante en droit maritime. Nonobstant le fait que le Code maritime de 1968 a été élaboré par des spécialistes reconnus du droit maritime, il a été adopté à une époque où la navigation commerciale était presque entièrement menée par les entreprises étatiques dans le cadre de l’économie planifiée et où de nombreux concepts juridiques n’étaient guère acceptés en droit interne. 1 Kniga 1929
  • 7. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 7 Après la chute du régime communiste en 1991, le passage à l’économie de marché est devenu inévitable. La majorité des entreprises d’armement s’est retrouvée entre des mains privées et les pratiques telles que le changement de pavillon ou les affrètements coque nue sont devenues très courantes. Dans ce contexte nouveau, la discordance entre le Code maritime de 1968 et la réalité économique devenait de plus en plus criante. En outre, depuis l’adoption du nouveau Code civil en 1995, le Code maritime de 1968 était en contradiction avec les dispositions fondamentales en matière civile et commerciale, et plus particulièrement avec le régime juridique des contrats de transport. L’adoption en 1999 du nouveau Code maritime a marqué une étape décisive dans l’évolution du droit maritime russe. Le Code de 1999 contient pour la première fois des dispositions sur l’hypothèque de navire ou de navire en construction. Ces dispositions sont largement inspirées de principes généraux du droit des sûretés consacrés dans le Code civil de 1995. Le Code maritime de 1999 consacre un chapitre entier aux catégories de créances privilégiées de l’armateur. Le Code donne une liste des créances maritimes en quelque sorte de premier rang qui priment sur les hypothèques. Cette liste est identique à celle donnée par la Convention internationale de 19932 sur les hypothèques et les privilèges maritimes, non encore en vigueur mais ratifiée par la Fédération de Russie. La réalisation des hypothèques et des privilèges maritimes s’effectuent très souvent dans le cadre de la saisie du navire. On sait que, dans la pratique maritime, ce sont trois institutions juridiques qui sont étroitement liées. A titre d’exemple, selon la doctrine maritimiste majoritaire, la saisie à titre conservatoire interrompt seule la prescription des privilèges maritimes. Les dispositions concernant la saisie conservatoire du navire constituent une autre innovation du Code maritime de 1999. Il convient de mentionner que, avant l’entrée en vigueur du Code maritime de 1999, les huissiers de justice appliquaient par analogie les règles générales du 2 Annexe VII, le texte de la Convention de 1993.
  • 8. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 8 Code civil de 1995 sur la saisie des biens immobiliers, dont le caractère lacunaire et peu adapté aux pratiques maritimes créaient beaucoup de difficultés et contribuait à l’insécurité juridique totale mettant les créanciers du navires dans l’impossibilité pratique de faire valoir leurs droits.3 Depuis 1999 la Fédération de Russie est partie à la Convention de 1952 sur la saisie conservatoire des navires qui a largement inspiré les dispositions relatives à la saisie conservatoire du Code maritime de 1999. Le nouveau Code maritime donne désormais la liste des créances limitativement énumérées qui sont susceptible de donner lieu à la saisie conservatoire du navire. Un organe juridictionnel est compétent pour ordonner la saisie conservatoire du navire, même si les parties ont convenu d’une clause attributive de juridiction ou d’une clause compromissoire disposant qu’un organe juridictionnel d’un autre Etat est compétent pour trancher le différend opposant les parties. 3 Le Nouveau Code de la navigation commerciale de la Fédération de Russie par Dmitri Litvinski, DMF 2000, N 601, page 153.
  • 9. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 9 CHAPITRE I : LE STATUT DU NAVIRE EN DROIT RUSSE § 1 La définition du navire en droit maritime russe Le Code de la navigation maritime de l’URSS de 1929 ne définissait pas la notion de navire. L’article 1 du Code de 1929 classait les navires selon leur fonction. Il disposait : « Au sens du présent code sont considérés comme navires : a) les vaisseaux de mer transportant les cargaisons ou les passagers, exploitant les ressources naturelles de la pêche en mer ou autres ressources maritimes, apportant le secours aux autres navires en détresse, effectuant les opérations de renflouement des biens sombrés en mer ou le remorquage des autres navires ; b) les navires de mer exerçant un service spécial gouvernemental (les brises glaces, les installations portuaires flottantes, les navires destinés exclusivement à porter secours à la vie humaine en mer, les navires de douane, etc. c) les navires exploités exclusivement pour des objectifs scientifiques ; d) les navires de mer destinés aux activités sportives et autres fonctions non prévues dans les alinéas a), b) et c) du présent article. Or, le Code de navigation maritime ne donnait pas une définition du navire mais seulement la classification des navires de mer.
  • 10. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 10 Le Code de navigation de URSS de 1968 comporte la définition suivante du navire : « Il faut entendre par navire toute installation flottante dotée ou non d’un mécanisme d’autopropulsion et exploitée pour : 1) le transport des marchandises, des passagers, des bagages, du courrier, pour la pêche et toute autre industrie liée à la pêche, pour l’extraction des minerais, pour porter secours aux autres navires en détresse, pour le remorquage des autres navires et autres objets flottants, pour les travaux hydrotechniques ou le sauvetage des biens coulés ; 2) pour les services spéciaux (la protection des industries maritimes, les services sanitaires et quarantaines), pour les objectifs scientifiques, culturels et pour les besoin de la formation ; 3) pour le sport ; 4) pour tout autre objectif ». Le nouveau Code maritime entré en vigueur le 1er mai 1999 dispose, dans son article 7, qu’il faut entendre par navire toute installation flottante dotée ou non d’un système de propulsion et exploitée pour les besoins de la navigation maritime commerciale4. Or, un des critères principaux permettant de qualifier une installation flottante de navire est son exploitation pour la navigation maritime commerciale. La notion de besoins de la navigation maritime commerciale est assez large ainsi que la notion de la navigation maritime commerciale. L’article 25 du Code de la navigation maritime dispose que la notion de navigation maritime commerciale comprend l’activité liée à l’exploitation des navires pour le transport des marchandises, des passagers et de leurs bagages, l’exploitation des ressources biologique de l’eau, l’exploration des ressources en minerais des fonds marins. 4 Annexe IV : article 7 du Code maritime de 1999. 5 Annexe III : article 2 du Code maritime de 1999.
  • 11. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 11 Il convient de mentionner que le droit maritime français ne donne pas non plus la définition du navire. Selon P. Chauveau, le navire est « une entité qui est composée de plusieurs éléments ».6 Il comprend la coque, les agrès, les appareils et accessoires, « c’est à dire toutes les machines et tous les instruments qui servent à sa propulsion, à sa manœuvre et à sa conduite »7. Du point de vue juridique, les choses sont plus compliquées car le navire en droit français aussi bien qu’en droit russe est un bien fortement individualisé soumis à un statut juridique original et dérogatoire du droit commun. § 2 Le navire en tant que bien immobilier particulier L’alinéa 1 de l’article 130 du Code civil dispose que les biens immobiliers comprennent les terrains et tout ce qui est solidement lié au sol, c'est-à-dire des objets dont le déplacement est impossible sans causer un dommage à leur finalité même, y compris les forêts, les plantations, les bâtiments et d’autres installations. Le Code civil considère comme des immeubles les bateaux de mer, les aéronefs, les bateaux de navigation intérieure et les objets spatiaux. Compte tenu de la spécificité de ces objets et de la nécessité de contrôler ces biens, le législateur les considère comme des immeubles. Le fait de considérer ces biens comme des immeubles a pour seul et unique objectif d’appliquer à ces biens le régime juridique prévu pour les immeubles. Il s’agit donc d’une fiction juridique. La raison pour laquelle le législateur a fait un tel choix est évidente. Les biens tels que les navires ont une grande valeur et les dommages qu’ils peuvent subir peut être causé non par la rupture de leur lien avec la terre mais par la rupture avec le milieu habituel de leur exploitation. En ce sens on peut songer à l’immobilisation 6 P. Chaveau, Droit maritime, N156 7 P.Bonassies, Cours du droit maritime (2005-2006) pour le Master II Droit maritime et des Transports (Aix-Marseille III), N 145, page 98.
  • 12. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 12 faisant courir les surestaries à l’affréteur au voyage, le manque à gagner etc. Une telle vision, en quelque sorte « virtuelle », des choses a été exposée au début du siècle dernier par Zvonitski qui remarquait : « Ainsi les navires et les bateaux de pêche occupent une place particulière dans le régime juridique du gage. Alors que des bâtiments qui sont en principe des biens immobiliers sont considérés comme mobiliers sous certaines conditions, les navires qui sont en principe des meubles possèdent certaines caractéristiques des immeubles. »8 Un autre auteur éminent russe, Shershenevitch, écrivait au début du 20ème siècle que « …du point de vue économique, les navires se rapprochent plus des biens mobiliers, du point de vue juridique ce sont plutôt des biens immobiliers, du point de vue politique ce sont des prolongements du territoire de l’Etat dont ils battent le pavillon ».9 Le Professeur A. Sergeev considère que le choix du législateur s’explique par la valeur considérable des navires qui nécessite un contrôle renforcé sur leur vie juridique.10 Le Professeur M. Braginski considère que tout simplement le législateur a étendu le régime des immeubles aux navires car de la même manière que les immeubles les navires ont besoin de faire objet d’une publicité.11 M. Erdelevsky considère que les navires et les bateaux de navigation intérieure doivent être considérés comme des immeubles dérogeant au droit commun.12 M. Nemets propose une autre analyse. Selon cet auteur, la caractéristique la plus importante permettant de distinguer les biens mobiliers des biens immobiliers est le fait que les biens mobiliers peuvent être des biens individualisés et des biens de genre, alors que les biens immobiliers sont toujours individualisés.13 On sait qu’en droit français, à la différence du droit russe, les navires sont des biens mobiliers. Selon l’expression du Professeur Pierre Bonassies, le navire est « à mi- 8 A. Zvonitski, Le gage en droit russe, Kiev, 1912, page 401 9 G. Shershenevitch, Cour du droit commercial, SPB, 1909, tome III, page 252. 10 Droit civil, U. Tolstoî , A.Sergeev, édition Teisse, 1996, partie I , page 381. 11 M. Braginski, V.Vitrianski, Principes généraux du droit des contrats, Moscou, édition Statut, 1998, page 152. 12 A. Erdelevski, La publicité des droits réels sur les immeubles, revue Legalité, Moscou, 1997, N11, pages 20-24. 13 U. Nemets, Les biens mobiliers et immobiliers, revue « Economie et Dtoit » 1998, N6, page 102.
  • 13. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 13 chemin des meubles et des immeubles »14 . Selon cet auteur le navire comme l’immeuble, mais plus encore peut-être que l’immeuble, échappe largement au principe de l’unité du patrimoine. « C’est un meuble fortement individualisé par son nom, son port d’attache, son immatriculation. »15. Le Professeur Antoine Vialard remarque également que « le navire, incontestablement meuble, ne se trouve cependant pas soumis au statut mobilier ordinaire, tel qu’élaboré par le droit civil, voir commercial »16. Meuble ou immeuble, de toute manière, le navire est un bien particulier qui échappe aux caractéristiques classiques des biens mobiliers et immobiliers aussi bien en droit français qu’en droit russe. C’est un bien « quelque peu unique en son genre » selon l’expression du Professeur Antoine Vialard. En droit maritime français, on compte quatre éléments d’individualisation du navire : le nom, le port d’attache, la nationalité, le tonnage. Telle est également la solution du droit maritime russe. § 4 L’incertitude quant à l’immatriculation Certains auteurs russes considèrent que la caractéristique majeure des navires, conformément à l’alinéa 1 de l’article 13017 du Code civil, est le fait que ces biens sont individualisés du fait de leur publicité au registre national. Le fait que l’on considère les biens mobiliers comme des immeubles a pour but d’appliquer à ces biens le régime juridique des immeubles. L’article 130 du Code civil dispose 14 P.Bonassies, Cours du droit maritime de 2005-2006 pour le Master II Droit maritime et des Transports (Aix-Marseille III), N 147, page 99. 15 P.Bonassies, Cours du droit maritime de 2005-2006 pour le Master II Droit maritime et des Transports (Aix-Marseille III), N 148, page 100. 16 Droit maritime, Antoine Vialard, PUF 1997, N 295, page 257. 17 Annexe IX: les articles 130 et 131 du nouveau Code civil de 1995.
  • 14. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 14 clairement dans son alinéa premier que les navires sont des biens immobiliers qui doivent être immatriculés au registre national. Le même article du Code civil prévoit que le droit de propriété et tous les autres droits réels sur les immeubles, les restrictions, ainsi que le changement du titulaire et l’extinction de ces droits, doivent faire l’objet d’une publicité au registre unique national. L’alinéa 2 de l’article 131 dispose que dans les cas prévus par la loi pour un certain nombre de biens, l’immatriculation au registre national peut être complétée par une publicité spéciale. Conformément à la Loi Fédérale sur la publicité au registre unique national des droits réels sur les biens immobiliers et des contrats en rapport avec lesdits biens du 21 juillet 1997, le droit de propriété sur les biens immobiliers ainsi que tout autre droit réel sur ces biens doivent faire l’objet d’une publicité au registre national, à l’exception de droit de propriété et de droits réels sur les aéronefs, navires, bateaux de navigation intérieure et objets spatiaux. A l’heure actuelle, la procédure d’immatriculation des navires et des droits réels sur les navires est régie par le Chapitre III du Code maritime. Conformément à l’article 33 du Code maritime18, ce ne sont pas seulement les navires qui doivent faire objet d’une immatriculation au registre national. Il faut également y mentionner tout droit de propriété et tout autre droit réel, toute hypothèque et tout contrat en rapport avec le navire. Une telle immatriculation nationale s’effectue sur tout le territoire de la Russie, auprès des ports maritimes et fluviaux, conformément aux règles édictées par le Ministère de transport. Or, la question qui se pose est de savoir si une telle immatriculation, conforme aux dispositions du Code maritime, est la publicité nationale des biens immobiliers dont parle l’article 131 du Code civile ou s’il s’agit de la publicité « spéciale » dont parle l’alinéa 2 du même article. Pour Mme Abramova, l’immatriculation dont parle le Code maritime est une publicité spéciale et non pas une publicité au 18 Annexe V: Article 33 du Code maritime
  • 15. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 15 registre national unique d’auprès des organes du Ministère de la Justice conformément à l’alinéa 1 de l’article 131 du Code civil. Cet auteur pense que le législateur n’est pas cohérent en l’espèce. Il est plus logique de prévoir clairement que l’immatriculation des navires s’effectue uniquement selon les dispositions du Code maritime par les capitaines des ports maritimes ou les organes de contrôle technique pour les bateaux de plaisance, et non par les organes du Ministère de la Justice au registre national unique des biens immobiliers.19 Comme on l’a indiqué précédemment, les navires font l’objet d’une immatriculation au registre national des navires, au registre des navires affrétés coque nue, et dans le journal de bord pour les navires de petites dimensions. L’immatriculation des navires est effectuée par le capitaine d’un port maritime commercial. Le registre national tenu par les capitaines des ports font parties du registre national unique. L’immatriculation comporte l’attribution d’un numéro national qui reste valable tant que le navire reste attaché à un port donné. La mention correspondante est portée au registre national des navires ou dans le journal de bord pour les navires de petites dimensions. Le propriétaire du navire se voit délivrer un certificat attestant de son droit de propriété sur le navire ainsi qu’un certificat lui donnant le droit de battre le pavillon de la Fédération de Russie (l’équivalent de l’acte de francisation en droit maritime français). On sait qu’en droit français le navire peut parfaitement être rattaché à deux administrations différentes (douane et affaires maritimes), dont les bureaux peuvent se situer dans des ports différents : le port d’attache douanier, d’une part, et le port d’immatriculation (affaires maritimes), d’autre part. La coïncidence n’est pas une obligation mais au regard du droit international, la notion de port d’immatriculation se confond habituellement avec celle de port d’attache douanier20. En droit russe, il s’agit toujours du même et unique port. 19 L’hypothèque des navires, aéronefs et objets spatiaux, thèse, M. Abramova, Moscou, 2003, page 68. 20 Droit maritime, Antoine Vialard, PUF 1997, N 299, page 260.
  • 16. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 16 CHAPITRE II : LES DROITS REELS ACCESSOIRES SUR LE NAVIRE Section I : L’hypothèque maritime Comme on l’a déjà indiqué précédemment, l’institution de l’hypothèque est une nouveauté en droit russe. Elle a été introduite dans l’ordre juridique national par la Loi fédérale sur l’hypothèque des biens immobiliers du 22 juillet 1998. Une des caractéristiques importantes de l’hypothèque maritime consiste dans le privilège du créancier hypothécaire, lui permettant d’être payé sur le prix de vente du navire hypothéqué avant tout autre créancier21. En droit russe, l’hypothèque des navires est une variante du gage qui a ses propres particularités juridiques, qui la distinguent du gage en général et qui doivent être pris en compte dans la pratique. Il est intéressant de noter que l’hypothèque maritime est une institution juridique ancienne qui trouve son origine dans le contrat de prêt à la grosse aventure22 (ou « prêt à la grosse » tout court), lequel avait reçu une large application en Europe. En effet, dans tous les pays européens, l’hypothèque maritime tire son origine première dans cette ancienne institution elle-même influencée par le droit romain à travers le nauticum foenus, qui était un contrat de financement aléatoire des 21 A l’exception, bien entendu, des créanciers qui ont des privilèges maritimes sur le navres (voir Section II du présent Chapitre). 22 « …Ce prêt est un contrat aléatoire aux termes duquel un capitaliste met de l’argent dans une expédition maritime avec l’espoir, en cas de succès de cette expédition, d’être remboursé et de recevoir un profit important, la prime de grosse ou le profit maritime ». Ce prêt a une triple fonction : c’est un contrat d’association, de crédit et d’assurance. Rodière, René et du Pontavice, Emmanuel, Droit Maritime, Précis Dalloz, 12ème édition, 1997, § 91, page 93.
  • 17. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 17 expéditions maritimes23. La France connaît l’institution de l’hypothèque maritime depuis la loi du 10 septembre 1894 qui l’avait introduite dans l’ordre juridique français pour un meilleur financement des expéditions maritimes. A l’heure actuelle, l’hypothèque est régie en France par la loi du 3 janvier 1967 sur le statut des navires et autres bâtiments de mer. Il convient de mentionner que dans la Russie impériale d’avant 1917, les juristes russes s’intéressaient également à la question de l’hypothèque maritime. Il faut souligner que le régime juridique du gage des biens mobiliers s’appliquait aux navires de mer et aux bateaux de navigation intérieure. Le principe selon lequel les biens gagés passaient aux mains du créancier gagiste rendait difficile l’application de cette institution en matière maritime. En même temps, le contrat de prêt à la grosse existait en vertu des articles 1057 à 1062 du Code de commerce de l’époque, lequel présentait un intérêt pratique en cas d’avarie commune. La pratique maritime russe a ensuite développé un autre système de financement de l’expédition maritime, selon lequel le préteur vendait son navire à une personne qui, en vertu d’un contrat particulier, louait ensuite ce navire au préteur. Cetteopération était très complexe dans la pratique.24 § 1 L’hypothèque maritime au travers des conventions internationales sur l’hypothèque et les privilèges maritimes de 1926 et 1967 La Convention de 1926 sur les hypothèques et privilèges maritimes a rencontré des appréciations différentes dès son apparition. Elle n’a été ratifiée que par un petit nombre d’Etats, parmi lesquels on ne trouvait pas certaines grandes puissances maritimes comme l’Allemagne, les Etats-Unis, le Japon, les Pays-Bas, le Royaume Uni et la Russie. La raison majeure de l’opposition de ces pays résidait dans le fait 23 Droits maritimes, 2006, Dalloz, N 334.09, page 279 24 L’hypothèque des navires, aéronefs et objets spatiaux, thèse, M. Abramova, Moscou, 2003, page 78. Supprimé : - Supprimé :
  • 18. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 18 que les chantiers navals de ces pays étaient méfiants à l’égard de la Convention laquelle n’était pas assez protectrice des prêteurs. En énonçant une longue liste des privilèges maritimes qui anéantissait les droits des créanciers hypothécaires, la Convention réduisait, en réalité, l’efficacité de l’hypothèque25. La Convention de 1967, qui a succédé à la Convention de 1926, a limité le nombre des privilèges maritimes mais pour les titulaires des hypothèques, la Convention ne réserve pas beaucoup de droits, notamment, en ce qui concerne l’indemnité d’assurance. Cette dernière est vitale pour les créanciers hypothécaires qui devaient subir purement et simplement la subrogation, dans les indemnités d’assurance, du propriétaire du navire. En outre, dans cette Convention, les privilèges maritimes restent des droits réels occultes. Il s’ensuit que le créancier hypothécaire reste toujours dans l’incertitude quant à savoir s’il n’y a pas d’autres privilèges grevant le navire avec un meilleur rang. Cette nouvelle convention n’a donc pas suscité un enthousiasme exceptionnel parmi les Etats. Elle nécessitait cinq ratifications seulement pour entrer en vigueur mais elle ne les a jamais obtenues. § 2 La Convention de 1993 ratifiée par la Russie Cette convention n’a pas apporté de changements considérables dans le domaine des hypothèques maritimes, alors que son but ultime était d’augmenter la protection des hypothèques pour faciliter le financement des flottes. Le classement entre hypothèques et privilèges reste le même, avec le maintien de la traditionnelle prédominance des privilèges sur les hypothèques. Parmi les innovations, on compte la disparition de deux privilèges : le privilège pour l’enlèvement d’une épave et le privilège pour les avaries communes. On peut uniquement se féliciter 25 L’hypothèque maritime en France et aux Etats-Unis par Mlle Irène Zanetos, mémoire CDMT, 1999, page 40.
  • 19. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 19 du fait que l’hypothèque maritime ait gagné deux places dans l’ordre de passage de créanciers. Il convient, toutefois, de souligner que la nouvelle convention donne une définition plus large des hypothèques. Elle précise qu’elle s’applique aux « hypothèques, ‘mortgages’ et droits réels de même nature, susceptibles d’être inscrits ». De même, la Convention définit les conditions devant nécessairement être remplies pour qu’une hypothèque soit internationalement reconnue. Ensuite, il y a des conditions très détaillées pour assurer la validité du changement de l’immatriculation du navire hypothéquée. Les conditions et les effets de la vente forcée du navire sont également scrupuleusement détaillés.26 En revanche, le danger pour les créanciers hypothécaires réside dans le fait qu’avec cette nouvelle Convention, le constructeur du navire et son réparateur priment sur le créancier hypothécaire. Cette disposition est nouvelle par rapport à la Convention de 1926. Cette même règle existe également en droit français, dans la loi du 3 janvier 1967. S’agissant des assurances, le problème semble avoir été résolu en faveur des créanciers hypothécaires. La Convention interdit à toute personne, ayant droit sur le navire en raison d’un privilège, d’être « subrogé dans les droits du propriétaire du navire pour ce qui est des indemnités dues à celui-ci en vertu d’un contrat d’assurance ». Il convient de mentionner les dispositions nouvelles par rapport aux Conventions de 1926 et 1967. La convention impose un certain nombre d’obligations aux autorités responsables de l’Etat dans lequel la vente forcée aura lieu, et notamment l’obligation de notification de « tous les titulaires d’hypothèques, de ‘mortgages’ ou des droits inscrits constitués ou non au porteur ». Cette obligation peut être 26 Pierre Bonassies, Le Droit Positif Français en 1993, DMF 1994, pages 3-7.
  • 20. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 20 considérée comme une vraie innovation étant donné que la Convention de 1926 renvoyait aux droits internes pour ces formalités. Une autre innovation importante concerne l’introduction par la Convention d’une obligation qui incombe désormais à l’autorité compétente de délivrer à la demande de l’acquéreur un certificat constatant que le navire est vendu libre de toute hypothèque, de tout « mortgage » et de tout droit inscrit. L’effet d’un tel certificat est assez radical – la radiation de la totalité des hypothèques et des privilèges maritimes par l’autorité compétente. Toutefois, la notification mentionnée ci-dessus permet de protéger les intérêts des créanciers. En outre, contrairement aux Convention de 1926 et 1967, la Convention de 1993 oblige les Etats contractants à recevoir des informations sur toutes les hypothèques prises sur le navire avant de procéder à la nouvelle immatriculation. S’agissant du changement temporaire de pavillon, l’article 16 de la Convention de 1993 dispose que les lois de l’Etat du pavillon sont applicables aux hypothèques, « mortgages » et droits inscrits. L’Etat d’immatriculation ne peut autoriser le changement temporaire de pavillon, à moins que lesdits droits ne soient préalablement purgés ou que les titulaires de ces droits n’aient donné leur consentement par écrit. Cependant, il convient de noter que la Convention n’a pas non plus suscité beaucoup d’optimisme de la part des Etats. Elle ne répond pas à toutes les questions qui distinguent la situation maritime d’aujourd’hui de la situation de 1926. Elle offre aux hypothèques maritimes une meilleure méthode d’immatriculation et plus de sécurité. Du point de vue rédactionnel, elle est préférable à la Convention de 1926. Ces dispositions répondent mieux à l’évolution continue du marché maritime moderne. Mais un équilibre satisfaisant entre les deux enjeux, à savoir la nécessité de financer les flottes marchandes et les exigences
  • 21. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 21 de l’industrie maritime, n’a pas, toutefois, été atteint. La Convention n’est pas encore en vigueur. Elle n’est pas ratifiée par la France. Les dispositions du droit français sont conformes à celles de la Convention de Bruxelles du 10 avril 1926 sur les privilèges et les hypothèques maritimes. La Russie n’a jamais adhéré à cette convention. En revanche, elle a ratifié la Convention de 1993 en 1999. Le Chapitre XX du Code maritime consacré aux hypothèques et privilèges maritimes est largement inspiré de Convention27. § 3 Objet de l’hypothèque Comme on l’a déjà évoqué précédemment, les navires peuvent faire l’objet d’une l’hypothèque, comme les aéronefs, les bateaux de navigation intérieure et les objets spatiaux. Selon M. Braginski, le législateur les considère comme des immeubles car ils doivent faire objet d’une publicité au registre national28. Il convient de rappeler que lorsque c’est un navire qui fait l’objet de l’hypothèque , il faut se référer au Code maritime et à la Loi Fédérale sur l’hypothèque. En ce qui concerne les bateaux de navigation fluviale, les dispositions du Code maritime ne leur sont pas applicables. Dans ce cas, il faut appliquer directement la Loi Fédérale sur l’hypothèque de 1998. Il arrive parfois qu’un bateau de navigation dite mixte soit immatriculé dans un port et exploité exclusivement pour la navigation maritime. Les dispositions du Code maritime de 1999 et celles de la Loi Fédérale sur l’hypothèque sont donc applicables conformément à l’article 3 du Code maritime.29 27 Annexe II : Chapitre XX du Code maritime de 1999. 28 Braginski, Commentaire de la partie I du Code civil pour les commerçants, Moscou 1995, page 173. 29 Annexe IV : article 3 du Code maritime de 1999.
  • 22. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 22 La loi permet l’hypothèque sur un navire en construction mais seulement après que ce navire ait été immatriculé au registre des navires en construction. Les registres des navires en construction sont tenus par les autorités des ports situés à proximité des chantiers navals. Si le contrat d’hypothèque n’en dispose autrement, l’hypothèque s’étend à tous les accessoires du navire ainsi qu’à l’indemnité d’assurance.30 L’hypothèque d’un navire en construction s’étend à tous les matériaux et équipements qui sont destinés à sa construction lorsqu’ils sont facilement identifiables, par marquage ou par tout autre moyen, et qu’ils se trouvent dans les locaux du chantier naval en question, ainsi qu’à l’indemnité d’assurance résultant d’une police d’assurance ayant pour l’objet le navire en construction. Plusieurs navires peuvent faire objet d’une hypothèque lorsqu’ils garantissent la même créance. § 4 Le contrat d’hypothèque maritime Comme on l’a déjà évoqué précédemment, le droit russe, à la différence des droits de la majorité des pays européens, considère les navires comme des biens immobiliers obéissant au régime juridique de l’hypothèque. L’article 374 du Code maritime dispose que le débiteur hypothécaire ne peut être que le propriétaire du navire ou la personne ayant le droit de direction commerciale sur le navire31. 30 G. Ivanov, Le régime juridique de la navigation maritime en Fédération de Russie, édition Spark, Moscou, 2002, page 425. 31 La direction commerciale signifie selon l’article du Code civil que
  • 23. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 23 L’hypothèque du navire n’est possible qu’en vertu d’un contrat entre le propriétaire du navire ou la personne ayant le droit de direction commerciale sur le navire et avec l’accord du propriétaire. La personne qui détient le droit de direction commerciale doit être créancier débiteur de l’obligation garantie par l’hypothèque. Il faut mentionner que, de la même façon qu’en droit français, l’hypothèque en vertu de la loi est exclue en droit russe. L’article 29 de la Loi Fédérale sur l’hypothèque dispose que le débiteur hypothécaire conserve le droit d’exploiter le bien, objet de l’hypothèque, conformément à sa finalité, étant entendu que toute disposition qui limiterait ce droit est réputée non écrite. La nouvelle hypothèque du navire déjà grevé d’une hypothèque n’est possible que si elle n’est pas interdite par le contrat de l’hypothèque d’origine. Le contrat d’hypothèque obéit aux règles générales de la Loi Fédérale sur l’hypothèque et du Code civil. En outre, la Loi Fédérale sur l’hypothèque dispose que les règles générales du régime juridique du gage sont applicables à l’hypothèque si elles ne contredisent pas ladite loi. Le Code maritime contient seulement les règles concernant la publicité de l’hypothèque et l’objet de l’hypothèque. Les dispositions de la Loi Fédérale sur l’hypothèque sur les conditions de forme et de fond sont applicables en la matière (articles 8 à 12 de la Loi). Le Chapitre 9 du Code civil sur les contrats bipartites et multipartites ainsi que les dispositions générales du droit des obligations sont également applicables (articles 307 à 419 du Code civil). L’article 9 de la Loi sur l’hypothèque dispose que le contrat d’hypothèque du navire doit prévoir l’objet de l’hypothèque, le navire ou le navire en construction concerné, avec les indications nécessaires à l’identification du navire, ainsi que son montant, le contenu de l’obligation garantie par l’hypothèque, son montant, la date limite d’exécution de l’obligation. Dans les cas où une telle obligation provient d’un
  • 24. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 24 contrat, il faut mentionner les parties au contrat, la date et le lieu de la conclusion. Le contrat doit mentionner le titre en vertu duquel le débiteur dispose du navire en question ainsi que l’organe qui a effectué la publicité de son titre. L’hypothèque d’un navire en construction n’est possible que si ledit navire a été régulièrement immatriculé au registre spécial des navires en construction. S’agissant de l’objet du contrat de l’hypothèque du navire, il convient de mentionner que l’hypothèque s’étend aux accessoires du navire ainsi qu’à la prime d’assurance due en vertu de la police d’assurance en cas de dommage causé au navire. La doctrine considère que la règle classique selon laquelle l’accessoire suit le principal est applicable dans la matière. En droit français, l’article 46 de la loi de 1967 dispose que l’hypothèque du navire s’étend à ces accessoires et engins mais non au fret. S’agissant de la forme de contrat d’hypothèque, il convient de mentionner que la forme notariée est requise ad validatem. En outre, le contrat doit faire l’objet d’une publicité au même registre que le navire. Le non respect de ces conditions rend le contrat nul de plein droit. § 4 L’identification du navire Le principe dit de spécialité implique la nécessité d’identifier clairement l’objet de l’hypothèque. Celle-ci n’est possible que sur un navire immatriculé au registre maritime. L’hypothèque du navire en copropriété est également prévue par le droit russe (article 7 de la Loi sur l’hypothèque). L’article 244 du Code civil dispose que les biens appartenant à deux ou plusieurs personnes constituent une copropriété. Le
  • 25. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 25 navire ou le navire en construction peuvent être en copropriété avec ou sans identification des parts de chacun des copropriétaires. Le consentement de tous les copropriétaires est requis pour constituer une hypothèque sur le navire ou le navire en construction. Un des copropriétaires peut également hypothéquer sa part sans demander l’accord des autres copropriétaires. Nonobstant le fait que le navire en droit russe est un bien immobilier, il est souvent difficile d’identifier le lieu où il se trouve à un moment donné. Par conséquent, le seul moyen d’identifier le navire pour les besoins de l’hypothèque est de connaître son nom (actuel et tous les anciens), son type, sa finalité, sa zone de navigation habituelle, l’année et le chantier de construction, ses principales caractéristique (le tonnage, la puissance, l’année de la construction de l’engin), le numéro IMO, le nom et l’adresse du propriétaire, le port d’immatriculation, y compris des informations sur une ancienne immatriculation et la date de sa radiation. Toutes ces informations permettent au créancier hypothécaire d’identifier le navire en cas de réalisation de l’hypothèque. En outre, le Présidium de la Cour suprême arbitrale a affirmé dans la Lettre d’Information32 du 15 janvier 1998 N26 qu’en absence d’information permettant d’identifier les biens gagés, le contrat de gage ne peut pas être considéré comme valable33. Le régime juridique des biens immobiliers suppose l’obligation de publication du droit de propriété. L’hypothèque du navire doit être publiée au registre d’immatriculation du navire. A l’heure actuelle, une telle publicité s’effectue, comme on l’a déjà évoqué précédemment, par les capitaines des ports de 32 Il convient d’expliquer que la Cour Suprême Arbitrale est la juridiction supérieure qui statue sur les pourvois formés contre les décisions des cours arbitrales régionales d’appel. Par analogie avec la Cour de cassation, mais uniquement pour les litiges d’ordre économique entre des personnes morales ou entre la personne morale et l’entrepreneur indépendant. Il ne faut pas confondre avec les tribunaux arbitraux au sens du droit français. C’est comme si existait en France le Tribunal Suprême de Commerce. La Cour Suprême Arbitrale émet régulièrement les Lettres d’Information destinées aux juridictions inférieures dans lesquelles elle explique la manière dont il faut appliquer telle ou telle disposition de la loi. 33 L’hypothèque des navires, aéronefs et objets spatiaux, thèse, M. Abramova, Moscou, 2003, page 126.
  • 26. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 26 commerce ou des ports maritimes de pêche au registre national des navires ou par les organes de contrôle technique dans le livre des navires de petites dimensions. La pratique des pays étrangers en la matière démontre que seule l’hypothèque des biens immobiliers doit faire l’objet d’une publication. Cependant, dans les pays qui considèrent les navires comme des biens mobiliers, une procédure de publicité est prévue pour les navires. En règle générale une telle publicité est effectuée dans des registres spéciaux de trois types : pour les navires, pour les bateaux de pêche et pour les navires en construction. Dans certains pays la procédure incombe aux autorités portuaires (Espagne et Italie), en France, ce sont les organes de la douane qui sont compétents. § 5 L’hypothèque des navires étrangers Il existe des règles spéciales concernant l’hypothèque des navires étrangers. Conformément à l’article 376 du Code maritime l’hypothèque du navire doit être publiée au même registre que le navire lui-même. Ce même article prévoit que l’hypothèque d’un navire battant pavillon étranger qui s’est vu attribuer le droit de battre temporairement pavillon russe ainsi que d’un navire en construction destiné à un l’acheteur étranger, ne peut pas être publiée en Russie. Par ailleurs, l’article 425 du Code maritime dispose que l’hypothèque d’un navire est régie par la loi de son pavillon. Il s’ensuit logiquement que l’hypothèque d’un navire étranger (même s’il peut battre temporairement pavillon russe) ne peut en aucun cas être effectuée en Russie. Telle est également la solution du droit français en la matière.
  • 27. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 27 § 6 La protection des intérêts du créancier hypothécaire L’article 378 du Code maritime dispose que l’hypothèque inscrite au Registre national des navires, dans le journal de bord ou au registre des navires en construction, bénéficie d’une présomption de vérité en faveur du créancier hypothécaire qui l’a inscrite. En vertu de l’alinéa 3 de l’article 33 du Code maritime, l’inscription au registre national des navires ou dans le journal de bord du navire du droit de propriété et autres droits réels sur le navire, ainsi que de toutes les restrictions grevant le navire, constitue une preuve quasiment irréfragable qui ne peut être contestée que devant le juge. Il convient de mentionner que, conformément à l’article 1 de la Convention de 1993, les Etats signataires se sont mis d’accord sur la reconnaissance réciproque des hypothèques et autres privilèges grevant les navires à la condition que de telles hypothèques soient régulièrement publiées au même registre que le navire34. Comme il a déjà évoqué précédemment, aucune créance, à l’exception des créances garanties par les privilèges maritimes, ne saurait être payée avant une créance garantie par une hypothèque du navire ou du navire en construction (à l’exceptions les créances des autorités portuaires liées à l’enlèvement du navire, de la créance du réparateur du navire qui le détient et de la créance d’un chantier naval sur le navire en construction qui ses trouve dans les locaux du chantier). Le créancier hypothécaire sera payé du prix du navire. L’article 380 du Code maritime dispose que lorsque deux hypothèques ou plus sont inscrites sur le même navire ou sur le même navire en construction, l’ordre de passage des créanciers hypothécaires dépend de la date d’inscription. Or, le créancier qui, le premier, a 34 G. Ivanov, Le régime juridique de la navigation maritime en Fédération de Russie, édition Spark, Moscou, 2002, page 429.
  • 28. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 28 publié son droit est préféré aux autres. Les hypothèques inscrites le même jour ont la même valeur. Le droit maritime français contient une disposition identique. La cession de l’hypothèque s’effectue conformément aux dispositions des articles 382, 384-386, 388 et 390 du Code civil35. La cession de la créance garantie par l’hypothèque du navire fera l’objet d’une mention au registre où ladite hypothèque est inscrite avec l’adresse du cessionnaire. La forme notariée du contrat de cession doit être respectée. Le Code maritime oblige le débiteur hypothécaire à prendre les mesures nécessaires à l’entretien et à la conservation du navire/navire en construction (article 382). La Loi Fédérale sur l’hypothèque de 1998 y consacre un chapitre entier. La Loi prévoit dans son article 30 que si le contrat n’en dispose pas autrement, il incombe au débiteur hypothécaire d’assurer l’entretien nécessaire du navire ainsi que sa maintenance, d’effectuer les réparations courantes et occasionnelles. Conformément aux dispositions du contrat d’hypothèque, le débiteur hypothécaire doit souscrire une police d’assurance contre les risques d’avarie et de perte du navire. En outre, le débiteur hypothécaire doit prendre toute mesure nécessaire pour préserver les droits du créancier hypothécaire. L’article 52 de la loi dispose qu’en cas de danger de perte ou d’avarie du navire hypothéqué, le débiteur doit en aviser le créancier hypothécaire. Bien entendu, le créancier hypothécaire a le droit de contrôler les conditions d’exploitation du navire. Il conserve ce droit même lorsque le navire est affrété coque nue par un tiers, étant entendu que les mesures de contrôle du créancier hypothécaire ne doivent pas entraver l’exploitation normale du navire. En cas de défaillance grave du débiteur à remplir ses obligations contractuelles, notamment, lorsque la manière dont le navire est exploité crée un risque d’avarie ou de perte du navire ou de diminution de sa valeur, le créancier hypothécaire a le droit de procéder à la 35 Annexe XII : les articles 382, 384 à 386, 388 et 390 du Code civil.
  • 29. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 29 réalisation forcée de l’hypothèque avant même la date d’exigibilité de la créance garantie par l’hypothèque36. § 7 La fin de l’hypothèque Conformément à l’article 387 du Code maritime l’hypothèque du navire, y compris du navire en construction, prend fin dans les cas suivants : • paiement de la dette garantie par l’hypothèque ; • extinction de l’obligation du débiteur autrement que par le paiement de la dette (vente forcée, par exemple) ; • perte du navire, sauf les cas où le créancier hypothécaire du navire peut se faire payer du montant de l’indemnité d’assurance due en cas de perte du navire conformément au contrat d’assurance maritime. La Loi Fédérale de 1998 ne contient pas de dispositions sur l’extinction de l’hypothèque. Il en résulte que conformément à l’article 334 du Code civil les dispositions générales régissant le contrat de gage sont applicables, et plus particulièrement l’article 352 du Code civil37. L’hypothèque du navire est ainsi éteinte en cas de danger de perte ou de dommage au navire ou lorsque la vente du navire aux enchères s’est révélée impossible. 36 G. Ivanov, Le régime juridique de la navigation maritime en Fédération de Russie, édition Spark, Moscou, 2002, page 427. 37 Annexe XII : Article 352 du Code civil.
  • 30. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 30 § 8 La vente forcée du navire/navire en construction En cas de non paiement de la part du débiteur de la dette garantie par l’hypothèque, le créancier hypothécaire du navire peut vendre le navire, conformément à la décision de justice rendue par le tribunal compétent, au lieu où se trouve le navire ou le navire en construction (l’article 384 du Code maritime). La réalisation des biens est régie par le Chapitre X de la loi de 1998 sur l’hypothèque ainsi que par les articles 384 – 386 du Code maritime, lesquels sont inspirés de la Convention de 1993. L’article 56 de la loi sur l’hypothèque dispose que le navire, objet de l’hypothèque sera vendu aux enchères, à l’exception de cas expressément prévus par la loi. La vente forcée du navire emporte l’extinction de tous les privilèges et tous les gages grevant le navire (article 12 de la Convention de 1993, article 386 du Code maritime). Section II : Le gage maritime Nonobstant le fait que le chapitre XVII du Code de navigation maritime de l’URSS de 1968 comprenait les dispositions régissant les privilèges maritimes, le nouveau Code maritime de 1999 a choisi une approche différente sur plusieurs points, ce qui permet de constater que les privilèges maritime sont une institution potentiellement nouvelle en droit maritime russe. L’analyse des réglementations des pays étrangers permet d’affirmer qu’à l’heure actuelle il n’existe pas d’uniformité dans la conception des privilèges maritimes sur le plan international. Il est intéressant de noter que les différences persistent non seulement entre les pays de
  • 31. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 31 droit continental et les pays de common law, mais également à l’intérieur de ces familles. L’unification internationale de la réglementation des privilèges maritimes se heurte à des difficultés insurmontables malgré l’adoption de trois conventions dans ce domaine (en 1926, 1967, 1993). Le nombre des pays qui ont signé les deux premières est limité. La Convention de 1993 n’est pas encore entrée en vigueur. Il convient de constater que l’institution des privilèges maritimes n’a pas eu beaucoup de succès quant à son utilisation par les participants de la vie maritime juridique russe. § 1 La notion de gage maritime38 Il convient de se poser la question de savoir ce qu’il faut entendre par gage maritime en droit russe. Est-ce la même chose que les privilèges maritimes en droit français ou est-ce une institution appelée à garantir ces privilèges ? Le chapitre XVII du Code maritime de 1968 traitait les créances privilégiées. Il faut préciser qu’à la différence de la version russe des Convention de 1926 et 1967, la notion de «créance privilégiée » reflétait bien la réalité juridique des choses. Le Code maritime de 1968 disposait que certaines créances maritimes devaient être satisfaites avant toutes autre créance sur les biens spécialement définis par la loi. Le concept des créances privilégiées ne contenait pas l’idée de droit de suite. En cas de vente du navire, la personne qui détenait une créance privilégiée ne pouvait plus prétendre obtenir une satisfaction sur le prix d’un navire qui avait changé de propriétaire. Telle n’est pas la position actuelle du droit positif russe en la matière. 38 Le « gage maritime » est le terme choisi par les rédacteurs du Code maritime de 1999 pour l’institution juridique de « privilèges maritimes ».
  • 32. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 32 Dans la version russe de la Convention sur l’assistance en mer de 1989 (article 20), on utilise le terme de « gage maritime » comme l’équivalent du « maritime lien » en common law. Ceci jette une certaine confusion dans l’esprit d’un juriste car on sait que le texte français parle des privilèges maritimes, le texte anglais des maritimes liens et le texte russe du gage maritime. D’où la nécessité de préciser que ces trois définitions reflètent la même réalité juridique. La Convention de 1993 (le texte russe) parle de créances maritimes en tant que fondement du régime juridique du « gage maritime ». Le Code maritime de 1999 comprend au Chapitre XXII les dispositions régissant le gage maritime, qui sont essentiellement fondées sur la Convention de 1993. De la même manière que la Convention de 1993, le Code maritime ne définit pas la notion de gage maritime mais introduit seulement la liste des créances contre le propriétaire du navire qui sont garanties par le gage maritime. En réalité, il faut préciser que la majorité de dispositions du Chapitre XXII du Code maritime parle de la notion de créance maritime déclenchant le régime juridique du « gage maritime ». Le Code maritime de 1999 n’utilise plus la notion de créance privilégiée, à la différence du Code maritime de 1968. M. Lipavsky considère que la créance et le droit de gage sont deux définitions distinctes. La créance en elle- même ne constitue pas un privilège, elle devient « privilégiée » grâce au régime juridique du gage maritime qui commande la satisfaction prioritaire des personnes qui font valoir leurs créances maritimes39. § 2 L’histoire du gage maritime en droit russe Le contrat de bodmerei ou bottomry40 a donné naissance aux créances maritimes privilégiées en droit russe. Il ne faut pas le confondre avec le foenus nauticum, même si ces deux institutions du droit maritime ancien ont beaucoup de traits communs. 39 Vladimir Lipavski, « Le gage maritime », édition Juriste, Moscou, 2004, pages 5-6. 40 Le term bodmerei / bottomry provient du mot anglais « bottom » ou « bodem » qui signifient le quille du navire ou le navire lui-même.
  • 33. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 33 Comme on a déjà invoqué précédemment foenus nauticum était connu des navigants de la Grèce Antique. C’était un contrat en vertu duquel une partie prêtait une somme d’argent à un taux élevé et son remboursement était conditionné par le succès de l’expédition. En cas de perte du navire, le créancier perdait le droit d’exiger du débiteur le remboursement de l’emprunt. C’est le prêt à la grosse aventure qui a donné naissance en droit français à l’hypothèque maritime. S’agissant du contrat de bodmerei, ce contrat était dépourvu d’aspect spéculatif. Selon M. Lipavski, le contrat était causé par la nécessité absolue du navire de se procurer de l’argent au cour de l’expédition maritime loin de son port d’attache41. Dans le droit russe d’avant 1917, ce contrat de bodmerei avait ses particularités. La Charte de la navigation commerciale de l’époque prévoyait les cas de recours au crédit « d’urgence » par le capitaine, dans un pays étranger, qui n’avait rien d’autre pour garantir le remboursement du crédit que le navire et la cargaison. Dans de telles circonstances le droit russe permettait au capitaine de souscrire un emprunt contre le gage de ces biens. La Charte de navigation commerciale donnait la définition suivante du contrat de bodmerei : « Bodmerei est un contrat d’emprunt d’une somme d’argent contre le gage du navire ou d’un navire avec sa cargaison à bord ». En premier lieu, c’était un contrat d’emprunt d’une somme d’argent et non des choses. En deuxième lieu, l’emprunt devait être garanti par le gage, ce qui reflète la spécificité d’un tel contrat. Shershenevitch considérait qu’« un simple crédit contracté par le capitaine en cours de route, en dehors d’un cas d’extrême nécessité, dans l’hypothèse où une personne serait prête à lui consentir un tel crédit – ne sera pas considéré comme un bodmerei »42. La Charte de la navigation commerciale excluait le fret de l’objet du gage. Toutefois, Shershenevitch considérait que le fret devait être compris dans l’objet du gage. Il soulignait que l’objet du gage pouvait comprendre le navire, la cargaison, le fret pris ensemble ou séparément. 41 Vladimir Lipavski « Le gage maritime », édition Juriste, Moscou, 2004, pages 10-11. 42 G. F. Shershenevitch « Cours du droit commercial », Tome 3, SPB, 1909, page 388.
  • 34. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 34 Un des critères importants du contrat de bodmerei était le fait que le contrat devait être passé par le capitaine en absence de délégation quelconque de la part du propriétaire du navire. En droit russe de l’époque, un emprunt passé par le propriétaire du navire avant le départ de celui-ci et ayant pour but le financement de l’expédition maritime n’était pas considéré comme un contrat de bodmerei. Le contrat de crédit conclu par le capitaine sous la demande du propriétaire du navire n’était pas un bodmerei non plus car la particularité du bodmerei était bel et bien le fait que le capitaine agissait sans l’accord du propriétaire du navire mais le contrat ainsi passé engageait ce dernier. Cela trouvait son explication dans le fait que le navire se trouvait loin de ses côtes, sans aucune possibilité de se mettre en contact avec le propriétaire, en éprouvant une nécessité extrême de se procurer de l’argent pour terminer l’expédition commencée. Il convient de souligner que les droits étrangers de l’époque permettaient au créancier d’agir directement contre le propriétaire, alors qu’en droit russe, le créancier non payé ne pouvait agir contre le propriétaire que subsidiairement après avoir exercé son recours contre le capitaine. On sait qu’une des caractéristiques importantes du contrat de bodmerei est que la prétention du créancier se limitait à l’objet du gage : le navire, la cargaison ou le fret (ou les trois). La prétention du créancier ne pouvait pas être dirigée contre les autres biens du débiteur. Néanmoins, la Charte de la navigation commerciale de l’époque contenait la disposition suivante en son article 1062 : « Les créanciers gagistes sont payés conformément aux règles générales concernant le gage ». Le même article ajoute qu’il n’y a pas en matière de contrat de gage de règles particulières régissant le contrat de bodmerei. Par conséquent, la question de la réalisation de droits réels dans le cadre de bodmerei était, selon l’expression de Shershenevitch, plus que controversée. La jurisprudence
  • 35. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 35 de l’époque considérait que le créancier, en cas de gage des biens immobiliers, devait limiter sa prétention à la valeur des biens faisant l’objet du gage, alors qu’en cas de gage sur les biens mobiliers, le créancier pouvait obtenir la satisfaction de sa créance de n’importe quel bien du débiteur. Il convient de rappeler ici que le droit positif russe, à la différence du droit français, considère les navires, les bateaux, les objets spatiaux et les aéronefs comme des biens immobiliers en vertu de l’article 130 du Code civil de 1995. Le législateur a ainsi recouru à la fiction juridique pour appliquer à ces biens le régime juridique des biens immobiliers, ce qui s’explique par la très grande valeur de ce type des biens. Toutefois, avant 1917, le droit russe ne comportait pas une telle disposition expresse, et par conséquent les navires étaient considérés comme des biens mobiliers. Il s’ensuivait qu’en Russie tsariste, le créancier du contrat de bodmerei ne limitait pas son action seulement au navire, à la cargaison et au fret mais pouvait obtenir la satisfaction de sa créance sur tous les biens du débiteur. On peut donc en déduire qu’en Russie, en matière de contrat de bodmerei, à la différence de tous les autres pays, la limitation de la prétention du créancier uniquement à l’objet du gage n’était pas connue. Une telle particularité, selon M. Lipavsky, n’était pas le résultat de la volonté du législateur de l’époque mais était plutôt due aux lacunes dans la réglementation de l’institution du bodmerei en droit maritime russe43. Les autres pays considéraient le brodmerei comme un contrat sui generis, alors qu’en droit russe, c’était un crédit de somme d’argent ordinaire garanti par le gage. Au 19ème siècle, le rôle du bodmerei comme moyen de financement de la navigation avait connuv son déclin. L’apparition des navires d’acier a considérablement diminué les risques de naufrage, la concentration des capitaux des grandes compagnies de navigation leur permettait de disposer d’un réseau d’agent dans tous les ports du monde qui procuraient les sommes d’argents nécessaires aux capitaines. Tous cela a diminué le besoin de recourir, comme autrefois, au 43 Vladimir Lipavski « Le gage maritime », édition Juriste, Moscou, 2004, pages 20.
  • 36. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 36 financement dicté par l’urgence. Une autre raison ayant contribué au déclin du bodmerei a été l’apparition des lois sur l’hypothèque maritime : les créanciers hypothécaires étaient mécontents de voir leur créances être primées par les créances basées sur le contrat de bodmerei. Le développement juridique du gage maritime s’effectuait en constante « lutte » contre l’hypothèque maritime. Cependant, le bodmerei n’est pas tombée en désuétude juridique. On retrouve aujourd’hui ses traces dans la Convention de 1926 sur les hypothèques et privilèges maritimes, en son article 2 qui énumère les créances maritimes privilégiés. § 3 Le gage maritime en droit soviétique Les dispositions concernant les privilèges maritimes sont apparues pour la première fois en droit soviétique dans le Chapitre XI du Code maritime de l’URSS de 1929. Les rédacteurs n’ont pas utilisé la notion de gage maritime. Le Chapitre XI régissait les créances contre le propriétaire du navire et contre le propriétaire de la cargaison. L’article 183 du Code maritime de 1929 prévoyait cinq catégories de créances contre le propriétaire, qui devaient être satisfaites prioritairement à toutes les autres créances, y compris celles qui étaient garanties par le gage. De façon synthétique, la liste des créances était la suivante : 1. Les créances salariales. 2. Les droits portuaires. 3. Les créances découlant de la rémunération des services apportés au navire en cas d’avarie commune. 4. Les créances liées au préjudice subi ainsi que les créances liées à la perte ou au dommage causé à la cargaison ou aux bagages.
  • 37. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 37 5. Les créances concernant les actions entreprises par le capitaine pour satisfaire aux besoins réels du navire ayant pour but la sauvegarde du navire ou la continuation de l’expédition. V.B. Lipavsky considère que cette liste reflète parfaitement l’esprit du bodmerei.44 L’article 182 du Code maritime de 1929 disposait que ces créances s’exerçaient sur : le prix du navire ; le fret, le prix des billets de transport des passagers et le prix de transport de leurs bagages se rapportant à l’expédition en question ; la prime due au propriétaire du navire dans le cadre de l’avarie commune, pour le dommage causé au navire ou due à la perte du fret ; l’indemnisation due au propriétaire pour l’aide apportée, à l’exception des sommes dues au capitaine et aux autres personnes au service du navire. Conformément à l’article 189, le créancier conservait le droit d’être payé prioritairement sur le prix du navire même en cas de changement du propriétaire. Cet article établit ainsi un véritable droit de suite des privilèges maritimes, ce qui les rapproche du gage. Comme on l’a déjà mentionné, ce droit de suite n’existait pas dans cette matière en droit russe avant la révolution. Le Code maritime de 1968 parlait également des privilèges maritimes dans son Chapitre XVII. Comme son prédécesseur le Code maritime de 1929, il n’utilisait pas la notion de gage maritime. Le Code de 1968 parlait de privilèges maritimes contre le navire ainsi que contre la cargaison. Ces deux groupes de privilèges étaient traités dans le même article. Les privilèges maritimes eux-mêmes ainsi que les biens sur lesquels les privilèges s’exerçaient n’ont subi aucune modification considérable. 44 Vladimir Lipavski « Le gage maritime », édition Juriste, Moscou, 2004, page 25.
  • 38. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 38 Une nouveauté du Code maritime de 1968 par rapport au Code de 1929 était l’exclusion de la règle prévoyant que les privilèges maritimes suivent le navire en cas de vente. § 4 Le droit positif Comme on l’a précisé précédemment, le Code maritime de 1968 ignorait la notion de gage maritime. Il utilisait la notion de « privilèges maritimes » qui, en droit maritime positif, est remplacée par la notion de gage maritime. La Fédération de Russie a adhéré à la Convention de 1993 sur les hypothèques et privilèges maritimes et la majorité des articles du chapitre XXII du Code maritime de 1999 correspond aux dispositions de ladite convention. L’adhésion de la Russie à cette Convention a eu pour résultat des changements significatifs dans la réglementation de cette institution juridique. En premier lieu, avant la ratification de la Convention, le droit maritime russe (qui était sous l’empire du Code de 1968) ne connaissait pas le principe de droit de suite du gage (privilège) maritime sur le navire. A l’heure actuelle, ce principe est directement prévu à l’article 370 du Code maritime. En deuxième lieu, sous l’empire de la réglementation ancienne, le régime juridique des créances garanties par le gage maritime relevait en quelque sorte des règles de procédure. Ainsi, l’article 14 du Code maritime de 1968 disposait que les règles régissant les créances privilégiées étaient applicables si un des tribunaux de l’URSS était saisi. Conformément à l’article 424 du Code maritime de 1968, il fallait
  • 39. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 39 appliquer la loi du pays du tribunal devant lequel le litige est porté (loi du for) aux questions sur la nature de la créance et l’ordre de passage des créanciers. En troisième lieu, le nouveau Code maritime de 1999 a changé les règles de réalisation des droits des créanciers détenteurs d’un gage maritime sur les navires (autrement dit, les créanciers ayant un privilège maritime). En dernier lieu, avec le nouveau Code maritime de 1999, le gage maritime est appelé à garantir les créances maritime non seulement sur le navire du propriétaire mais de manière générale sur le navire de tout exploitant qui l’exploite même en n’étant pas son propriétaire, ou sur le navire de toute autre personne qui l’exploite de manière légitime. § 5 Le fondement du gage maritime : les créances garanties par le gage maritime Le gage maritime n’existe qu’en vertu de la loi. L’article 334 dispose dans son alinéa 3 que le gage maritime a pour fondement la loi si les conditions définies par cette dernière sont réunies. La liste des créances maritimes constitue le problème le plus délicat pour l’unification des dispositions sur le gage maritime. Le gage maritime affaiblit l’institution de l’hypothèque maritime car les créances garanties par le gage maritime sont satisfaites en priorité par rapport aux créances garanties par l’hypothèque. D’où la recherche éternelle d’un compromis entre ceux qui veulent étendre la liste des créances maritimes et ceux qui sont partisans de la stabilité et de la prévisibilité des relations juridiques entre les créanciers et les débiteurs dans le domaine maritime.45 45 G. Ivanov, Le régime juridique de la navigation maritime en Fédération de Russie, édition Spark, Moscou, 2002, page 419.
  • 40. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 40 L’article 367 du Code maritime de 1999 donne la liste des créances qui sont garanties par le gage maritime. Ainsi, le gage maritime garantit les créances suivantes : 1) les créances résultant du contrat d’engagement du capitaine et des autres membres de l’équipage pour leur travail à bord du navire, y compris les frais de leur rapatriement et les cotisations d’assurance sociale payable pour leur compte ; 2) les créances du chef de mort ou de lésion corporelle survenant, sur terre ou sur eau, en relation directe avec l’exploitation du navire ; Il convient de souligner l’importance de ces deux privilèges qui trouvent leur consécration aux articles 64 et 855 du Code civil46. 3) les créances exigibles pour assistance et sauvetage du navire ; Cette disposition est très importante car grâce aux opérations de sauvetage le navire « reste en vie », ce qui permet l’exercice de tous les autres privilèges maritimes. 4) les créances du chef des droits de port, de canal et d’autres voies navigables ainsi que des frais de pilotage ; Leur signification est considérable étant donné que le capitaine du port peut refuser l’autorisation de quitter le port en cas de non paiement des droits de port. 46 Annexe XIII : Article 64 et 855 du Code civil de 1995.
  • 41. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 41 5) les créances en raison de perte ou de dommages matériels causés par l’exploitation du navire, autres que ceux occasionnés à la cargaison, aux conteneurs et aux effets personnels des passagers transportés à bord du navire. On voit que la liste des créances correspond à l’identique à celle de la Convention de 1993 ratifiée par la Russie. Le paragraphe 2 du même article ajoute que les créances visées aux alinéas 2) et 5) ne sont pas garanties par le gage maritime si elles découlent d’un dommage causé par une pollution par des hydrocarbures ou autres substances dangereuses ou nocives ou radioactives. Cette exclusion s’explique par l’existence d’un régime spécial pour ce type de préjudice, impliquant la création due fonds de limitation de responsabilité dont parle le chapitre XVIII du Code maritime de 1999. § 6 L’exercice des droits garantis par le gage maritime 1. La loi applicable à l’exercice du privilège maritime. - La première question à se poser en matière d’exercice des privilèges est de savoir quelle est la loi applicable à l’exercice du gage maritime. A l’heure actuelle il n’existe malheureusement pas de jurisprudence russe dans la matière. D’où la nécessité d’étudier l’expérience des juges étrangers, notamment des juges français. L’exercice du privilège ressortit à la procédure d’exécution forcée qui rend applicables les règles de procédure de la loi du juge saisi. En réalité la question est plus nuancée. S’agissant de la loi applicable, la Cour d’appel de Rennes dans un arrêt de 24 octobre de 1989 (navire « Adriana ») a affirmé que le privilège du fréteur consistant en une sûreté réelle c’est la loi du lieu de situation de la chose sur laquelle porte le
  • 42. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 42 privilège qui est applicable. En l’espèce, le fréteur italien a obtenu en France un secours que ni la loi italienne, ni la loi de contrat qu’il a conclu à l’étranger ne lui accordaient. Cet arrêt confirme en matière maritime l’arrêt de principe de la Cour de cassation « DIAC » du 8 juillet 1969 (publié dans les Grands arrêts de la jurisprudence française du droit international privé) qui a retenu lex rei sitae en tant que loi applicable aux droits réels dont sont l’objet les biens mobiliers situés en France. En revanche, dans l’affaire « Nobility » jugée par la Cour d’appel de Rouen le 14 mars 2000 qui a statué sur renvoi de la Cour de cassation, les magistrats ont jugé que « la loi anglaise (loi de contrat, en l’espèce) ne comportant pas de privilège tel que celui édicté par la loi française, ni aucun droit au profit du fréteur sur la cargaison au préjudice des tiers porteurs du connaissement auxquels ladite cargaison appartient, le juge ne pouvait pas ordonner la consignation de la cargaison en mains tierces ». Le fréteur qui veut exercer devant une juridiction française le privilège accordé par la loi française doit en même temps et cumulativement justifier qu’il bénéficie de droits équivalents selon la loi applicable au contrat d’affrètement (lex causae). Une partie de la doctrine (Batoffol, Lagarde, le Professeur Pierre Mayer) sont favorables à cette théorie du cumul : le privilège doit être connu de la loi de la créance et de la loi lex rei sitae. En outre, selon les Professeurs MM. Bonassies et Vialard il n’existe aucune raison pour qu’un tribunal français accorde un privilège à un créancier qui n’était titulaire d’aucun droit réel de cette nature au moment et au lieu où sa créance est née. Ce principe doit s’appliquer à tous les privilèges. Selon ces auteurs, un privilège ne peut être mis en œuvre par un tribunal français, selon la loi française, que s’il est d’abord reconnu par la loi de la créance. Toute autre
  • 43. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 43 solution, selon le Professeur Pierre Bonassies, serait contraire à la logique et à l’équité et, de surcroît, aurait l’inconvénient d’encourager le forum shopping47. 2. Règles de procédure. - L’article 371 du Code maritime laisse entendre qu’en cas de non exécution des obligations garanties par le gage maritime, le créancier a le droit de saisir le navire et de les soumettre à une vente forcée. M. Lipavski considère que la saisie du navire est une forme commune d’exercice de tous les privilèges garantis par le gage maritime. La saisie a beaucoup en commun avec les mesures garantissant l’exécution des obligations dont parle l’article 99 du Nouveau code de procédure arbitrale48. Les dispositions régissant la vente forcée du navire se trouvent au paragraphe 2 du chapitre XXII du Code maritime consacré à l’hypothèque du navire. Les mêmes règles doivent être appliquées, selon M. Lipavski, à la vente forcée du navire dans le cadre de l’exercice des créances maritimes garanties par le gage. Les dispositions du Code maritime en la matière s’inspirent largement des dispositions correspondantes de la Convention de 1993. L’article 384 du Code maritime dispose qu’en cas de non exécution par le débiteur de son obligation garantie par l’hypothèque maritime, le navire comme le navire en construction peuvent être vendus conformément à la décision du juge du lieu de saisie autorisant une telle vente. Cet article laisse entendre que le seul moyen pour le créancier hypothécaire d’exercer ses droits sur le navire est de saisir le juge. Le principe posé par cet article doit être étendu, selon M. Lipavski, au créancier détenteur d’un privilège sur le navire garanti par le gage maritime. La Convention de 1993 ainsi que le Code maritime imposent une notification comme condition de la vente forcée du navire. La liste des personnes auxquelles la 47 DMF, page 48 Vladimir Lipavski, « Le gage maritime », édition Juriste, Moscou, 2004, pages 62.
  • 44. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 44 notification doit être envoyée est définie à l’alinéa 1 de l’article 385 du Code maritime. La notification de la vente forcée du navire doit être envoyée au plus tard 30 jours avant la date de la vente aux personnes suivantes : l’organisme d’immatriculation du navire ou le registre du droit de propriété sur le navire en construction ; tous les créanciers hypothécaires et tous les créanciers détenteurs du gage s’ils ont informé le tribunal de l’existence de leurs sûretés ; le propriétaire du navire ; l’organe d’immatriculation du navire de l’Etat dont le navire bat temporairement pavillon. Conformément à l’alinéa 3 de l’article 385, la notification doit comprendre : les renseignement sur la date et le lieu de la vente forcée, ainsi que les renseignements sur les mesures et les procédures en rapport avec une telle vente que les personnes à qui la notification est faîte doivent connaître afin de protéger leurs intérêts ; si la date et l’endroit de la vente forcée ne peuvent pas être définis, les renseignements sur la date et le lieu possibles de la vente forcée ainsi que tout autre renseignement doivent être suffisants pour protéger les intérêts des personnes notifiées. Dans ce cas, la notification supplémentaire sur la date et le lieu de la vente forcée doit être envoyée au plus tard sept jours avant la date de la vente. L’article 386 prévoit une disposition protectrice des intérêts du chantier de construction du navire. Lorsqu’au moment de la vente forcée, le navire est détenu par un chantier naval ou un chantier de réparation qui dispose d’un droit de rétention sur le navire, ces chantiers doivent renoncer à leur droit en faveur de l’acheteur. En revanche, le chantier conserve le droit d’obtenir la satisfaction sur le
  • 45. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 45 prix du navire obtenu à l’issue de la vente forcée. Une telle créance est, toutefois, primée par les créanciers disposant de privilèges maritimes (gages maritimes). Le Code maritime ne contint pas les règles de déroulement de la vente forcée. M. Lipavsky considère que le législateur l’a fait exprès49. La description détaillée de la procédure de notification des personnes intéressées est appelée à garantir l’équilibre des intérêts des créanciers hypothécaires, des créanciers ayant des privilèges maritimes, ainsi que de tous les autres créanciers. Une telle nécessité s’explique par le caractère hiérarchisé des créances sur le navire, qui distingue le droit maritime du droit commun. En revanche, dans la procédure de vente forcée du navire, il n’existe aucune spécificité, et, par conséquent, le législateur a omis de mettre en place des dispositions sur le déroulement de la procédure. Il s’ensuit que le régime juridique instauré par le droit commun est applicable en la matière. La vente forcée du navire emporte la purge de toutes les hypothèques (à l’exception des celles acceptées par l’acheteur avec le consentement des créanciers hypothécaires), des gages et de tous les autres droits sur le navire. Il va de soi que le régime juridique ainsi exposé est très proche des règles du droit français en la matière. De même, en droit anglais, la créancier hypothécaire ou le créancier qui a un « maritime lien » sur le navire exerce une action in rem devant la Admiralty Court. Il est à noter que la logique des sûretés maritimes est la même pour ces trois pays : le navire est en quelque sorte personnalisé et répond lui-même de ses dettes. 49 Vladimir Lipavski, « Le gage maritime », édition Juriste, Moscou, 2004, page 64.
  • 46. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 46 § 7 Le gage maritime en cas de faillite du propriétaire du navire Dans le cadre d’une procédure de faillite, on entend par créance maritime tous les gages maritimes, les hypothèques des navires, les créances des chantiers de construction et de réparation fondées sur leur droit de rétention, les créances liées aux dépenses engagées pour remonter le navire coulé pour sa vente subséquente ainsi que les dépenses liées à la procédure de saisie et de vente du navire. Le cœur du problème consiste à définir l’ordre de passage des créanciers, et notamment de concilier l’ordre de passage des créanciers tel qu’il est défini par la réglementation sur la procédure collective et l’ordre de passage des créanciers prévu par le Code maritime. Le Code maritime dispose qu’aucune créance ne peut être satisfaite prioritairement par rapport aux créances indiquées dans le Code maritime (les articles 368, 379, 386). M. Babkine considère que les dispositions de la Loi sur la faillite de 1998 doivent faire objet de modifications compte tenu de règles posées par la Convention de 1993 et le CNMC de 199950. Cet auteur propose la solution suivante : 1) le navire lorsqu’il fait objet d’au moins un gage maritime ou d’une hypothèque doit être exclu de la masse totale de biens ; 2) l’ordre de passage des créanciers, pour ce qui concerne la répartition du prix de vente du navire, ne doit pas être celui prévu par la Loi sur la faillite, c'est- à-dire que toutes les créances maritimes doivent être éteintes prioritairement, dans l’ordre prévu par le Code maritime . Ensuite, on procède au paiement des créances dans l’ordre prévu par le Code civil et la Loi sur la faillite. 50 S.A. Babkine, L’hypothèque des navires : la Convention internationale sur les hypothèques et les privilèges maritimes de 1993 et son incorporation dans le droit russe, revue « Droit des Transports », Moscou, Juriste, 2001, N1, pages 9 à 12.
  • 47. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 47 M. Lipavski soutient la proposition de M. Babkine. Par ailleurs, il considère que ces deux propositions ne sont pas cumulatives : chacune d’elles constitue la solution. La Loi Fédérale sur la faillite de 26 octobre 2002 a changé l’ordre de passage des créanciers. Les biens faisant l’objet du gage maritime sont compris dans la masse. En revanche, dans la masse des biens, ils sont individualisés. Les créances des créanciers gagistes sont payées prioritairement du montant des biens gagés. Néanmoins, les créances garanties par le gage maritime sont payées après le paiement des créances super privilégiés (alinéa 1 de l’article 134 de la Loi sur la faillite) ainsi qu’après le paiement des créances de 1er et de 2ème rang, qui n’ont pas été modifiés par la Loi de 2002. • 1er rang : les créances liées au dommage causé à la vie ou à la santé • 2ème rang : les créances des salaires et les indemnités de licenciement ainsi que les honoraires d’auteurs. M. Lipavsky considère, néanmoins, que les problèmes liés à la faillite du propriétaire du navire doivent être résolus de la façon suivante : il faut déterminer avant tout le titre de la personne faisant objet de la procédure de faillite. Si ce n’est pas un droit de propriété (par exemple, la personne est un affréteur coque nue), alors le navire doit rester en dehors de la procédure de faillite : les privilèges maritimes sont payés sur le prix du navire, le reliquat est rendu au propriétaire. Lorsque la personne faisant l’objet de la procédure de faillite est le propriétaire du navire, il faut avant tout distinguer les créances se rapportant au navire en tant que tel et les créances à l’encontre du propriétaire du navire en général. Ainsi les créances salariales des salariés engagés dans le travail à terre et ceux des membres de l’équipage ne seront pas payés de la même façon. Lorsque le navire est grevé des gages maritimes ou s’il a fait l’objet d’une hypothèque, il doit être compris dans la masse des actifs mais il doit être
  • 48. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 48 individualisé dans la masse des biens gagés. Sur le prix du navire, il faut payer les créances maritimes dans l’ordre prévu par le Code maritime. Ces créances doivent être payées prioritairement par rapport à toutes les créances prévues par l’article 134 de la Loi sur la faillite, y compris les créances non soumises à l’ordre de passage. Après le paiement des créances maritimes, les créances de l’article 134 de la Loi sur la faillite sont payées sur le reliquat du prix de vente du navire. § 8 L’extinction du gage maritime L’article 371 du Code maritime dispose que les privilèges maritimes s’éteignent à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la constitution de ces privilèges sauf si le navire a fait l’objet d’une saisie. Cette disposition est conforme à l’article 9 de la Convention de 1993. Il est à noter qu’en droit français la solution est identique. La saisie seule peut interrompre le délai d’un an. S’agissant de la suspension ou de l’interruption de la prescription, la loi ne prévoit aucune cause d’interruption. Néanmoins, le jurisprudence considère que ce n’est pas un délai préfix. En revanche, en silence de la loi la doctrine majoritaire (notamment, les professeurs MM. Bonassies et Vialard) considère que l’assignation en justice interrompe la prescription du principale (la créance) mais non de l’accessoire (le privilège). La jurisprudence va dans le même sens : seule la saisie du navire peut interrompre la prescription (T. com. Marseille, 5 février 1957). Cela correspond à l’esprit de l’action in rem qui personnalise le navire. C’est à dire l’action se dirige contre le navire lui-même qui répond en quelque sorte « tout seul » de ses propres dettes.51. Revenant au droit russe, le privilège sur le navire doit être exercé par le créancier dans les limites temporaires posées par cet article. Le but du législateur était de 51 DMF,
  • 49. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 49 diminuer autant que possible l’impact négatif des créances privilégiées garanties par le gage maritime sur les droits des créanciers hypothécaires. A l’expiration d’un an, le créancier perd son droit de faire valoir le caractère privilégié de sa créance. Le professeur G. Ivanov considère qu’un tel délai n’est pas susceptible d’une prolongation conventionnelle52. Il est intéressant de mentionner que la doctrine maritimiste française va dans ce sens. Les auteurs pensent que la possibilité d’une telle prolongation va également à l’encontre de l’esprit de l’action contre le navire. Ils considèrent que toute prolongation ou interruption par un moyen autre que la saisie risque de conduire à une accumulation des privilèges puisque le navire reste en circulation. L’accumulation met en péril le droit réel des créanciers hypothécaires53. 52 G. Ivanov, Le régime juridique de la navigation maritime en Fédération de Russie, édition Spark, Moscou, 2002, page 429. 53 Le logiciel LexisNexis, rubrique « Privilèges maritimes ».
  • 50. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 50 CONCLUSION SUR LE CHAPITRE II Il convient de mentionner que la deuxième partie des années quatre-vingt-dix a été marquée par des réformes importantes en droit privé russe, et notamment, en droit maritime. L’adoption du nouveau Code civil en 1995, inspiré des principes de l’économie de marché, a été décisive à tout point de vue. Au début de l’année 1999, la Russie a adhéré à un nombre considérable de conventions internationales relatives au transport maritime, telles que la Convention de Bruxelles de 1924 avec ses protocoles, la Convention de 1952 sur la saisie conservatoire des navires, la Convention de 1993 sur les hypothèques et les privilèges maritimes. Le Code de la navigation maritime commerciale a été adopté en avril 1999. L’intégration de ces nouvelles institutions dans l’ordre interne russe ne se passe pas toujours en douceur car il n’existe très peu de jurisprudence en la matière et les juges du fond n’ont pas souvent assez de connaissance en droit maritime post-soviétique, d’où l’impression générale de méfiance à l’égard des nouvelles dispositions régissant les droits réels accessoires sur le navires ainsi qu’à l’égard de la récente réglementation sur la saisie conservatoire. L’hypothèque maritime constitue une institution d’une extrême importance pour le financement de la construction et des opérations des navire compte tenu de leur valeur considérable. On sait que les fournisseurs et les banques sont avides de garanties de paiement. Dans l’ordre juridique russe, cette institution est d’autant plus importante à l’heure actuelle que les entreprises d’armement doivent désormais se soucier eux-mêmes de se procurer les financements, à la différence de l’époque soviétique où l’Etat finançait l’activité de sa flotte. Dans l’ensemble, les dispositions régissant l’hypothèque maritime sont satisfaisantes et conformes à la réglementation internationale. Toutefois, un certain nombre d’auteurs et de praticiens déplore qu’à l’heure actuelle un créancier hypothécaire aurait quand même du mal à faire valoir sa créance sur le navire dans le cadre de la saisie de celui-ci. Cette dernière institution est également issue des réformes récentes en
  • 51. Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova 2006 51 droit maritime russe et, par conséquent, n’est pas très bien maîtrisée par les juges du fond, voire pas du tout. En ce qui concerne le gage maritime, il semblerait qu’à l’heure actuelle, le Code maritime donne une réglementation très détaillée de cette sûreté importante dans la pratique maritime. En outre, cette réglementation est conforme presque à l’identique à la Convention de 1993 et aux tendances juridiques mondiales modernes en la matière. On constate, toutefois, qu’à l’heure actuelle, il n’y a quasiment pas de jurisprudence pertinente dans cette matière, ce qui peut s’expliquer par la jeunesse du droit maritime russe post-soviétique. Nonobstant le fait que presque sept ans se sont écoulés depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code maritime, le gage maritime n’a pas encore gagné la confiance des opérateurs du transport maritime. Selon M. Lipavski la faible efficacité de cette institution s’explique par la mauvaise compréhension de sa nature et de sa place parmi les autres outils du droit civil et maritime, d’autant plus que pour la bonne assimilation de cet instrument juridique, il est nécessaire parfois de recourir à l’analyse comparative de la réglementation des privilèges maritimes dans des pays différents, la réglementation n’étant nullement uniforme. Comme on l’a déjà évoqué précédemment, les difficultés surviennent même au niveau des définitions : « maritime lien » en droit anglais, « privilège maritime » en droit français, « gage maritime » en droit russe, qui correspondent plus ou moins à la même réalité juridique. Par conséquent, M. Lypavski remarque qu’il est primordial que les juges et les juristes comprennent bien l’esprit juridique du fonctionnement des privilèges maritime pour une meilleure efficacité d’application des dispositions récentes en la matière54. En outre, comme pour l’hypothèque maritime, il existe des difficultés pratiques pour exercer les privilèges maritimes devant les juridictions russes dans le cadre de la saisie conservatoire, problème qui sera étudié dans le troisième chapitre du mémoire. 54 Vladimir Lipavski « Le gage maritime », édition Juriste, Moscou, 2004, pages 70-71.