1. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
1
INTRODUCTION GENERALE
La généralisation des risques dans la société actuelle, les grandes catastrophes
maritimes, imposent d’accorder une attention particulière aux marchandises qui font l’objet
d’un transport maritime dans le but de les protéger des dommages mais aussi de préserver
l’environnement. Les échanges, notamment commerciaux ont permis d’accélérer le processus
de la mondialisation1
qui a favorisé à son tour la croissance mondiale. A la fin du XXe siècle,
l’impulsion donnée par ces échanges est due en grande partie au développement des
transports. Les transports2
, entendus comme les déplacements des hommes et des choses sont
la base même du commerce international. En effet, le commerce international et le transport
plus précisément le transport par voie maritime sont intrinsèquement liés. 90%3
du commerce
international s’effectuent par voie maritime. Le transport par voie de mer bénéficiant du fait
que la planète soit recouverte au trois quart par des océans et des mers a été le premier
système de transport. Au regard de ce constat, la rupture de tout trafic maritime signifie non
seulement la faillite immédiate de nombreuses industries mais également à moyen terme,
l’asphyxie de l’économie internationale4
. La place prépondérante du transport maritime dans
l’économie et dans le commerce ne constitue pas un phénomène récent, son origine se situe
loin dans l’histoire.
Pour certains, l’histoire de la marine marchande remonte au milieu du dix-neuvième
siècle et à la révolution industrielle génératrice du capitalisme. Cette époque marque sans
doute une mutation, mais non un commencement. La navigation maritime remonte aux
activités des phéniciens, ils assuraient le transport de marchandise sur leurs propres navires. Il
n’y avait pas d’armateurs de métier, c’est-à-dire de commerçant en état d’offre permanente de
fret ; les armateurs étaient des marchands ou plutôt c’étaient les marchands qui se faisaient
armateurs pour transporter outre-mer leurs produits5
. Vers la fin du XVIIe
siècle survient une
1
« La mondialisation est un processus historique qui est le fruit de l’innovation humaine et du progrès technique.
Elle évoque l’intégration croissante des économies dans le monde entier, au moyen surtout des courants
d’échanges commerciaux et des flux financiers », La mondialisation : faut-il s’en réjouir ou la redouter ? préparé
par les services du FMI, www.imf.org.
2
Il existe plusieurs types de transport : le transport aérien, le transport maritime, le transport routier
3
Pour les pays africains ce chiffre se situe à au moins 95% du commerce extérieur des Etats
4
Martine Remond-Gouilloud, Droit Maritime, 2e
édition, Pedone, paris, 1993,avant-propos
5
René RODIERE, Emmanuel du PONTAVICE, Droit Maritime, 12e
éd., précis Dalloz, n°7, p 9.
2. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
2
modification majeure des données économiques internationales : certains pays6
suffisamment
développés commencent à disposer d’une production agricole ou industrielle excédentaire,
qu’ils entreprennent d’exporter. Dès lors l’expédition maritime, fondée sur le transport de
fret7
à l’aller comme au retour devient une opération fructueuse en soi. Désormais le transport
maritime cesse d’être l’accessoire d’une opération commerciale pour devenir une opération à
part entière. En effet, les navires voyageaient au gré des demandes de fret, des itinéraires que
chaque nouveau contrat façonnait ; ils faisaient des transports « à la commande »,
du « tramping »8
En même temps la capacité et la rapidité des navires s’accroissent. De la marine à
vapeur hier aux nouveaux systèmes de navigation des temps modernes, cette évolution
technologique a des incidences sur le plan juridique, financier et politique. Sur le plan
juridique, alors que les navires à voile tributaire des conditions climatiques, ne pouvaient
prévoir la date exacte de leurs escales, l’évolution a permis de prédire le jour d’arriver avec
plus ou moins de précision. De plus les commerçants de part et d’autres des mers peuvent
organiser leurs affaires en fonction de ces dates d’escales et peuvent prendre des commandes.
En ce qui concerne l’incidence sur le plan financier, la marine marchande devient une
industrie autonome et florissante. Le commerce maritime cesse d’être l’apanage des gros
industriels capables d’affréter un navire entier. Sur le plan politique, la puissance d’un Etat se
mesure à l’importance de sa flotte maritime9
. L’importance de la flotte maritime est justement
ce qui à l’origine de ce qu’on peut appeler « la bipolarisation du monde en droit maritime ».
D’un côté il y a les grands pays d’armateurs généralement du Nord et d’un autre côté les pays
du Sud qualifiés de pays de chargeurs. L’opposition entre ces deux blocs de pays tourne
essentiellement autour de la question des obligations et responsabilités des différentes parties
au contrat de transport.
6
Notamment la France, l’Espagne, l’Angleterre
7
Le terme fret, équivoque peut revêtir trois sens : soit il désigne le prix du transport de marchandises par mer,
soit comme ici, la cargaison transportée, laquelle donne lieu au versement d’un fret, soit enfin, il désigne le prix
d’affrètement d’un navire. Dans ce dernier sens on parle de l’évolution des taux de fret, du courtage de fret
8
Tramping du mot anglais « tramp » qui signifie vagabond ; le navire tramp n’a pas de destination fixé à
l’avance, il va d’un port à l’autre là où le hasard des contrats l’appelle
9
Au 19e
siècle par exemple la suprématie de l’Angleterre était essentiellement basée sur l’importance de flotte
marchande ; pour illustrer le rôle important de la mer rappelons cette phrase de Disraeli « ceci est salé donc ceci
est à nous »
3. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
3
La convention internationale10
pour l’unification de certaines règles en matière de
connaissement, adoptée le 25 août 1924 à Bruxelles qui avait pour but d’établir un régime
juridique international uniforme à suscité avec le temps un vent d’insatisfaction dû en parti au
sentiment que la répartition globale des responsabilités et des risques favorisent largement le
transporteur au détriment du chargeur. La question de la révision du droit relatif au transport
de marchandise par mer a ainsi été soulevée et on a abouti à l’adoption d’une nouvelle
convention le 31 mars 1978 en Allemagne, dite Règles de Hambourg11
. Notons que le Code
de la marine marchande de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale
reprend en son chapitre deux sur le contrat de transport de marchandises par mer les
dispositions des Règles de Hambourg12
. Pour autant les polémiques et les controverses n’ont
pas cessé autour du système de responsabilité du transporteur. La division des pays a plus que
jamais été effective.
Dans le souci d’aboutir à une « ré-unification »13
des règles, l’assemblée générale des
Nations Unies a adoptée en 2008 une nouvelle convention appelée « Règles de Rotterdam »14
.
Cette convention à été soumise à la signature des Etats le 23 septembre 2009 à Rotterdam au
Pays-Bas. Cette nouvelle convention a pour ambition de rallier tous les Etats et d’être la seule
qui régisse le domaine du droit de transport maritime. Les Nations Unies sont entrain de tout
mettre en œuvre pour attirer et convaincre le plus grand d’Etats et surtout écarter les
réticences des pays africains. Sa vulgarisation se fait par l’intermédiaire des séminaires
internationaux comme celui de Yaoundé qui s’est déroulé les 18 et 19 mars 201015
.
10
Le terme convention au sens générique vise tous les accords internationaux tout comme le mot traité qui est
défini par la convention de vienne de 1969 sur le droit des traités entre Etats en son art. 2 comme étant un
« accord international conclu par écrit entre Etat et régi par le droit international, qu’il soit consigné dans un
instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle soit sa dénomination particulière »
11
Pour une étude approfondie de cette convention lire G. Auchter, « La convention sur le transport de
marchandises par mer » (Règles de Hambourg 1978), Droit Européen des transports, 1979, vol. XIV, n°1,2 et 3,
p.3 et s et 215 et s ; Bonassies, Les Règles de Hambourg une avancée certaine, mais modeste, JMM 1988. 1341
et s ; Makouta, La protection du chargeur à travers la convention du 25 aout 1924 et les Règles de Hambourg,
JMM 1988.821 et s, cités par R . Rodière et E. du Pontavice, Droit Maritime, 12e
édition, précis Dalloz, p385 n°
394
12
Art. 395 al 4 « Les dispositions du présent chapitre découlent de celles de la convention de Hambourg, 1978,
sur le transport de marchandises par mer, à laquelle il est fait référence et qui est appliquée à titre supplétif. »
13
L’expression est empruntée au Pr Delebecque
14
On doit cette dénomination au Pr Gertjan van der ZIEL, I. K. DIALLO, communication sur « Les obligations
et responsabilités du chargeur envers le transporteur », Règles de Rotterdam 11 décembre 2008- colloque du 21
septembre 2009 à Rotterdam, www.rotterdamrules2009.com.
15
Le séminaire international sur la convention des Nations Unies sur le contrat de transport International des
marchandises, effectué entièrement ou partiellement par mer avait pour thème ‘’Les Règles de Rotterdam : Quel
apport pour l’Afrique ?’’, organisé par le Conseil National des Chargeurs du Cameroun ( CNCC) en
collaboration avec la Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International ( CNUDCI), le
Comité Maritime International ( CMI) et l’Union des Conseils des Chargeurs Africains (UCCA) avait pour
intervenants plusieurs chefs de délégation au groupe de travail n°3 de la CNUDCI, experts maritimes et
4. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
4
La place prépondérante qu’occupe le problème de la recherche d’un équilibre entre
transporteurs et chargeurs relègue au second plan certaines autres préoccupations non moins
importantes comme celle de la protection des marchandises.
Les marchandises objet du contrat de transport par mer, celui-ci étant défini comme
tout contrat par lequel un transporteur s’engage contre paiement d‘un fret à déplacer les
marchandises d’un port à un autre ; lors de leur acheminement peuvent subir des dommages,
qui seront dans la plus part des cas à l’origine du contentieux sur la responsabilité de l’une ou
l’autre partie. De plus, richesse ou créatrice de richesse, les marchandises ont un rôle
important à jouer sur le plan économique et même sur le plan social, elles constituent
également un indicateur de choix en ce qui concerne la santé de l’économie d’un pays et
même de l’économie mondiale. Il n’est donc pas superflu de s’intéresser à leur sécurisation
d’autant plus que le nombre de naufrages et pertes de navires de marchandises est très élevé.
En effet, ces dernières années, plusieurs navires ont chaviré causant des pertes énormes, parmi
ces catastrophes on peut citer le naufrage du m/S Joola, navire transportant des marchandises
et des passagers le 26 septembre 2002 ; la perte du Zonobia en 1980, la perte de l’Espresso
Sardegna en 1973 et plus récemment la collision dans la nuit du 26 au 27 janvier 2010 à
l’entrée du chenal du port de Douala du navire cargo « Jupiter Ace » et du navire « Alexandra
Express » entraînant le naufrage de ce dernier ainsi que la perte et les dommages
considérables des cargaisons qu’il transportait. Contrairement à d’autres secteurs d’activités
qui ont connu après des catastrophes majeures, pour le transport des marchandises
dangereuses parmi les plus importantes, l’échouement de l’Amoco Cadiz le 16 mars 1978 qui
déversa près de 277000 tonnes de pétrole brut, l’échouement de l’Exxon Valdez le 23 mars
1989, la catastrophe de l’Erika le 11 décembre 1999, une réglementation tendant à prévenir
ces dernières et l’institution de dommages spécifique comme le dommage écologique, le
transport maritime de marchandises ordinaires a mollement réagi.
Le transport maritime s’inscrit dans une perspective plus large qui est celle du droit du
commerce international entendu comme étant l’ensemble de règles qui régule le flux des
marchandises et des services entre les espaces économiques nationaux. En plus, le droit des
enseignants d’université. Pour une synthèse des travaux, L. le rapport de synthèse du séminaire présenté par le
Pr Martin NDENDE, ainsi que toute la documentation mise à la disposition des participants par le CNCC et
disponible au centre de documentation de cette structure, rappelons que ce séminaire était le premier du genre en
Afrique subsaharienne. Le Cameroun a signé cette convention le 29 septembre 2009 au siège des Nations Unies
à New-York (USA), pour une liste des pays signataires des Règles de Rotterdam consulter le site de la CNUDCI
www.uncitral.org
5. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
5
transports maritimes est une discipline qui se situe à la charnière du droit public16
et du droit
privé, intéresse également le droit international public17
. Toutefois, malgré ces ramifications,
le droit maritime est une discipline autonome. D’essence purement internationale, le droit
maritime oblige toute étude à être mené sur le même plan. Cette nature internationale découle
de ce que la mer à l’inverse des frontières terrestres qui divisent les systèmes juridiques et les
peuples, a toujours été un trait d’union entre les cultures juridiques, un lieu de rencontre entre
les hommes.
Le thème de la protection des marchandises en droit des transports maritimes fait
ressortir deux éléments principaux à savoir, marchandises et protection.
En droit des transports maritimes, est considéré comme marchandises tout bien de nature
quelconque qu’un transporteur s’engage à déplacer en vertu d’un contrat de transport18
.
Certaines conventions internationales19
considèrent également comme étant des marchandises
les animaux vivants, l’emballage et tout équipement et conteneur qui ne sont pas fournis par
le transporteur ou pour son compte. Dans le transport maritime et dans les transports en
général ont distingue les marchandises dangereuses des marchandises ordinaires. Les
premières faisant l’objet d’une réglementation minutieuse20
quant à ce qui concerne les
modalités de transport et les méthodes de protection tant de l’environnement que des
personnes et même de la cargaison seront exclues de cette étude. Littéralement, le terme
protection est entendu comme l’action ou le fait de protéger quelque chose, c’est une action
de sauvegarde. En droit, le terme protection recouvre plusieurs réalités : elle peut être
diplomatique21
, fonctionnelle22
ou juridictionnelle provisoire. En droit des transports, le mot
protection vise généralement la sécurisation, la sauvegarde de la cargaison d’une part et
d’autre part, dans des cas particuliers, elle peut être préventive ou répressive. La protection
des marchandises ordinaires désigne le fait de mettre en œuvre des mécanismes de
sécurisation de la cargaison contre les risques, les dommages pendant le transport.
16
L’Etat ne peut se désintéresser du développement de sa marine marchande ni des relations établies par la mer.
Les nécessités du commerce d’importation et d’exportation, le désir d’une influence internationale par des
relations régulières le poussent à encourager la marine marchande par différents moyens.
17
Ceci pourrait s’expliquer par le caractère international de ce droit
18
Il ressort de cette définition qu’à l’exception des immeubles, tout bien peut faire l’objet d’un contrat de
transport.
19
Les Règles de Hambourg notamment, art 1 et les Règles de Rotterdam.
20
Il s’agit notamment du Code IMDG (International Maritime Dangerous Goods), code maritime international
des marchandises dangereuses.
21
La protection diplomatique est celle que l’Etat peut assurer à ses nationaux lorsqu’ils ont été lésés par des
actes contraires au Droit international commis par un Etat étranger et qu’ils n’ont pu obtenir réparation par les
droit interne de cet Etat. Lexique des termes juridiques 13e
éd, Dalloz.
22
Cette protection est assurée par une organisation internationale à ses agents ou à ses ayants droits victimes
d’un dommage causé par un Etat en violation du Droit international. Lexique des termes juridiques, 13e
éd, D.
6. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
6
Faire une étude sur la protection des marchandises conduit à inventorier puis à évaluer
les mécanismes de protection existants. La question étant alors de savoir dans quelle mesure
le droit positif assure-t-il ou sécurise-t-il la cargaison, face aux risques d’avaries et de perte
des marchandises ?
Se pencher sur la protection des marchandises permet d’abord de recentrer le débat sur
un thème qui est généralement exclu des grandes discussions au profit de l’équilibre entre les
parties. Autant il a été signalé que la résolution de ce dernier problème est primordiale pour
une question de bonne entente entre différents Etats, autant la thématique de la protection des
marchandises a un impact sur le plan économique. Car les marchandises transportées par voie
de mer constituent les premiers échanges commerciaux mondiaux et sont coûteuses malgré
leur faible valeur unitaire et elles sont considérées comme élémentaires dans la vie
quotidienne.
D’un autre point de vue l’absence d’une réglementation précise et adaptée sur ce
thème est la première cause d’un abondant contentieux maritime. Une étude sur la question
serait un point de départ non seulement pour des règles claires mais aussi pour les
professionnels qui trouveraient en ces règles un outil efficace pour la gestion de leurs affaires.
Le législateur s’est depuis longtemps attelé à préciser très clairement les obligations et la part
des responsabilités des différents acteurs du contrat de transport, il est temps de se pencher sur
les marchandises.
Le droit de transport s’est construit autour de la notion de risque de mer23
en raison
des aléas que l’on peut rencontrer durant une phase de transport et pouvant avoir d’important
enjeux financier sur une expédition de marchandise, notamment en cas de perte ou de retard.
L’étude de la protection des marchandises en droit des transports maritimes permet de
mettre au premier plan une préoccupation généralement occultée. Le droit des transports
maritimes offre une variété de moyens de protection des marchandises qui s’appuie sur les
mécanismes issus des conventions internationales (première partie). Mais les règles résultant
de ces conventions ne garantissant pas toujours un résultat efficace, le recours à une assurance
des marchandises est nécessaire (seconde partie).
23
D. Schadée, la mer comme mère du droit, p. 513, in Etudes offertes à René Rodière, 1981
8. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
8
Les transports maritimes s’inscrivent dans un cadre juridique et un contexte politique
et économique spécifiques dont les influences réciproques expliquent l’évolution de la
codification de la matière. L’activité de transport maritime a toujours, même aux époques les
plus anciennes, présenté un caractère éminemment international et est ainsi voué à un
développement dans une dimension dépassant les Etats. Mais ce sont généralement des
particuliers qui ont recours à ce mode de transport pour des besoins de leur commerce à
travers le contrat de transport maritime. Acheminer des marchandises d’un port à un autre
sans dommage, tel est l’objet du contrat de transport maritime. Pour atteindre ce but, le
contrat et les usages du milieu mettent à la charge des différentes parties des obligations. La
spécificité des risques, l’importance de la cargaison transportée impose certaines mesures qui
doivent être prises afin de garantir aux marchandises une sécurité. Les différentes conventions
internationales en vigueur qui régissent la matière, organisent de façon plus ou moins précise
les rôles du chargeur et du transporteur, parties principales du contrat de transport. Les
conventions permettent à ces deux parties dans des proportions différentes d’avoir des
moyens de protection, les marchandises doivent également faire l’objet d’une protection
précise. En raison de la valeur de la cargaison transportée et de son importance pour
l’économie internationale, l’objectif de la protection est double : d’abord éviter que les
marchandises soient endommagées et ensuite, en cas d’échec de cette prévention, engager la
responsabilité des parties. Parce que ces deux objectifs s’appuient sur le contrat de transport
qui lui- même découle des conventions internationales, il est nécessaire de se pencher sur les
mécanismes issus de ces conventions internationales (chapitre I). Malgré cela les
marchandises ne sont pas toujours à l’abri de certains risques. Ceci en raison des insuffisances
de la protection accordée. Ces insuffisances qui ont plusieurs sources doivent faire l’objet
d’une étude approfondie dans le but de pouvoir trouver des solutions et ainsi améliorer la
sécurité de la cargaison (chapitre II).
9. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
9
CHAPITRE 1 :
L’APPLICATION PAR LES PARTIES DES REGLES
CONVENTIONNELLES
La convention est un accord de volonté destiné à produire un effet de droit
quelconque24
, elle s’entend plus largement que le contrat. Le contrat de transport maritime de
marchandises a pour finalité l’acheminement des marchandises. Comme toutes les parties à un
contrat, le transporteur et le chargeur bénéficient de certaines mesures qui ont pour but de les
mettre à l’abri de certains désagréments, il doit en être de même en ce qui concerne les
marchandises, objet du contrat. Les mécanismes de protection issus des conventions
internationales s’organisent en deux étapes : d’abord en amont de l’opération de transport,
celle-ci consiste à éviter les dommages ensuite en aval par la mise en œuvre de la
responsabilité. Le contrat de transport découle des conventions internationales et de ce fait
chargeur et transporteur sont soumis aux règles de ces dernières. Ainsi, afin de garantir un
minimum de sécurité aux marchandises ou cargaisons quelque soit la situation, le droit des
transports maritimes des marchandises a d’abord privilégié la réparation des dommages
(section 2). Les différentes parties peuvent ainsi engager leur responsabilité en cas de
dommages de la marchandise. Mais face à certaines difficultés liées notamment à la mise en
œuvre de l’action en responsabilité et à la longue procédure, les conventions internationales
insistent de plus en plus sur l’importance de la prévention des dommages (section1).
SECTION 1 : LA PREVENTION DES DOMMAGES
Prévenir c’est éviter. La prévention de manière générale a pour but d’éviter la
survenance ou la réalisation de dommages. Les mesures préventives de protection en transport
maritime visent donc une protection en amont des marchandises. Elles peuvent se décliner en
mesures unilatérales de protection physique (paragraphe 1) ou alors prendre la forme
d’obligations contractuelles (paragraphe 2).
24
Guillien (R), Vincent (J), Lexique des termes juridiques, 13éme édition, Dalloz, 2001
10. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
10
Paragraphe 1 : les mesures unilatérales de protection physique des marchandises
La protection physique a pour but de sécuriser la marchandise pendant son transport,
lors des manutentions et au cours des étapes préliminaires, intermédiaires et terminales. En
effet, au cours du transport, les marchandises supportent une très dangereuse accumulation de
risques. Les mesures unilatérales consistent donc pour l’une des parties à l’opération de
transport à préserver la marchandise et à l’isoler de l’extérieur. Elles sont constituées par des
opérations d’emballage et de marquage de la marchandise (A) et de conditionnement (B).
A- L’EMBALLAGE ET LE MARQUAGE DE LA MARCHANDISE
L’emballage est de manière générale tout objet, quelle que soit la nature des matériaux
dont il est constitué, destiné à contenir et à protéger des marchandises, à permettre leur
manutention et leur acheminement25
.
En transport maritime, il n’existe pas de réglementation spéciale précisant les
caractéristiques des emballages maritimes. Il convient donc d’apprécier dans chaque cas la
qualité de l’emballage, et cette appréciation au cas par cas s’appuiera sur les usages du
commerce qui constituent en l’absence de toute normalisation un critère essentiel. C’est donc
en s’appuyant sur ce critère que l’on peut déterminer les caractéristiques et les précautions à
prendre pour les emballages et le conditionnement. L’emballage et le marquage sont ainsi le
point de départ de la protection des marchandises
1) Les procédés d’emballage des marchandises
L’incidence de l’emballage sur la protection des marchandises est considérable. Ainsi,
un emballage mal conçu est cause d’avarie et provoque l’échec de l’opération de transport.
L’emballage maritime26
présente des caractéristiques particulières et doit être effectué selon
certaines techniques.
25
Directive européenne 94 /62/CE (décret français n° 98-638)
26
L’emballage a une importance primordiale dans la protection et cette importance a des répercussions qui vont
jusque sur le plan commercial, D. CHEVALIER et DUPHIL, Le transport, les éditions Foucher, collection défi
export, 2004, P. 61
11. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
11
La détermination du type d’emballage à utiliser est généralement fonction de plusieurs
critères notamment la nature des marchandises, la longueur du trajet entre autre. L’estimation
des risques encourus entre également dans la détermination du type d’emballage. Ici il faut
prendre en compte la nature des risques : casses dues à des chocs, rouille, pourrissement, aléas
climatiques, vols ainsi que, le nombre et les lieux des ruptures de charges, les manutentions27
.
L’emballage doit tenir compte de la marchandise. Contrairement à ce que l’on pourrait croire,
l’emballage le plus lourd, le plus robuste d’apparence ou le plus cher n’est pas forcément le
meilleur. Le bon emballage est celui qui est effectivement adapté à la nature de la
marchandise, qui la protège et surtout qui est capable de supporter les contraintes normales du
voyage28
. Il est souvent conseillé de faire tester les emballages29
.
Les emballages les plus utilisés sont faits à partir de matériaux tels le métal, le bois, le
carton, la matière plastique, le papier, le verre. Il existe aussi des composites appelés ainsi car
ils sont issus de l’association de 02 ou plusieurs matériaux distincts, par exemple caisse-
carton munie d’une autre souple en plastique. L’emballage offre une protection physico-
chimique contre la corrosion, le stockage … une protection mécanique contre les contraintes
dues à la superposition des colis. Cette dernière protection sera obtenue non seulement par
l’emballage lui-même mais aussi par un calage à l’intérieur rendant la marchandise solidaire
du contenant et l’immobilisant contre le vol, l’emballage soustrayant ainsi la marchandise aux
convoitises. La loi ne réglemente minutieusement que l’emballage des marchandises dites
dangereuses30
. L’obligation d’emballer résulte de l’économie de certaines dispositions de
présenter convenablement au transporteur, les marchandises emballées31
.
Si toute marchandise doit être correctement emballée, elle doit également faire l’objet
d’un marquage.32
2) Le marquage des marchandises
L’opération de marquage est essentielle car elle assure l’identification de chaque
partie de la cargaison. Elle est étroitement liée à celle d’emballage et tout comme cette
dernière, ne fait l’objet d’aucune réglementation internationale spéciale.
27
C’est en effet au cours des manutentions que le risque d’avarie est le plus élevé et le risque de vol est le plus
grand
28
CA Paris, 23 Mai 1997, DMF 1978 Som. P.120 CA Paris, 5è ch. B, 19 Mars 1985, Colber son inter c/ Jean
COUTURIER parfum et autres
29
Dans certains pays, il existe des laboratoires en France par exemple il s’agit du Laboratoire National d’essai
30
Le code IMDG, régit le transport des marchandises dangereuses
31
Art. 3 Convention de Bruxelles, Règles de Rotterdam
32
Organisation Internationale de Normalisation
12. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
12
L’obligation d’inscrire des marques sur les marchandises est elle aussi implicitement
consacrée par certaines conventions33
. Certaines règles simples font l’objet des
recommandations ISO. D’après celles-ci, tous les colis et caisses doivent porter un numéro
constitué par une fraction dont le numérateur indique le numéro d’ordre et le dénominateur le
nombre total de caisses ou de colis. Les dimensions sont indiquées exclusivement en
centimètre, et les poids en kilogrammes. L’ISO propose également des pictogrammes. Toute
expédition doit faire l’objet d’un marquage sous peine de ne pas arriver à destination. En
général et d’après les usages, les marques doivent être apposées sur les flancs ou sur la partie
supérieure de l’emballage. Le marquage se fait par des symboles graphiques internationaux
relatifs à la manutention des marchandises. Il doit être lisible, indélébile, suffisant, bien placé
et surtout discret sur le contenu34
. La liste de colisage, aboutissement de l’emballage et du
marquage énumère pour chaque colis ses caractéristiques. L’emballage et le marquage35
adaptés à la nature de la cargaison sont d’une importance capitale dans le mécanisme
préventif de protection des marchandises. Il faudrait également mettre en exergue le rôle du
conditionnement dans cet objectif de protection.
B- LE CONDITIONNEMENT DE LA MARCHANDISE
Le conditionnement des marchandises consiste dans leur préparation et mise en état
d’effectuer le voyage maritime dans des conditions telles qu’elles puissent résister aux périls
de l’expédition maritime36
.
Conditionnement et emballage font généralement l’objet d’une confusion malheureuse
même de la part des professionnels du transport maritime de marchandises pourtant, ce sont
deux notions fondamentalement différentes. Alors que l’emballage a essentiellement pour but,
comme nous l’avons évoqué plus haut, de protéger la marchandise pendant son déplacement,
le conditionnement quant à lui, a pour fonction principale de faire vendre le produit37
; sa
fonction de protection de la marchandise lors du transport n’étant que secondaire. Le
conditionnement s’entend comme étant l’habillage du produit pour la vente, il est toujours
33
Convention de Bruxelles, art 3
34
Lamy Transport1997, Tome 2, N°425, Duphil et Chevalier, Le transport, les éditions Foucher, 2004, p73
35
Il existe également certaines structures dont l’objectif est de systématiser et publier un certain nombre de
règles concernant le marquage en France, il s’agit de l’AFNOR
36
Ibrahima Khalil Diallo, Communication sur « Obligations et responsabilités du chargeur envers le
transporteur », colloque du 21 septembre 2009 à Rotterdam, www.rotterdamrules2009.com.
37
D. Chevalier ; F. Duphil, op. cit., P. 62
13. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
13
solidaire du produit38
. L’évolution technologique a imposé de nouvelles méthodes de
conditionnement de la marchandise.
De même que l’emballage, le conditionnement n’est pas régi spécifiquement par
certaines règles. C’est en fonction des usages et pratiques des ports que la marchandise sera
conditionnée ou alors ce sont les législations nationales qui s’appliqueront. Il existe par
exemple dans certains ports, des règles qui imposent la palettisation.
Le conditionnement doit également prendre en compte la spécificité des
marchandises : à chaque type de marchandise, un conditionnement approprié.
Il existe plusieurs types de conditionnement, par conteneurisation (1) ou par palettisation (2).
1- La conteneurisation de la marchandise
La conteneurisation est l’un des aspects visibles de la croissance et de la globalisation
des échanges internationaux. Pour répondre à la demande et réaliser des économies
d’exploitation, les armements pratiquent une massification navale de plus en plus importante.
De nos jours, l’utilisation du conteneur est presque devenue indispensable dans le transport
maritime de marchandises. La protection préventive des marchandises qui sont logées en
conteneur obéit à des règles particulières. Mais avant d’étudier l’empotage particulier des
marchandises, il est nécessaire de se pencher de manière générale sur la notion de conteneur.
Le transport maritime conteneurisé est né sous l’impulsion d’un entrepreneur
américain Malcom Mac Lean39
. En cinquante années, la conteneurisation est devenue l’épine
dorsale de la mondialisation. Un conteneur, c’est une « boîte » rectangulaire de dimension
universelle, la clé de son succès réside dans sa standardisation40
; plus spécifiquement, les
conteneurs sont des cadres fixes munis d’ouvertures que l’on charge de marchandises
diverses, individualisées ou en vrac et que l’on remet préalablement fermés et même scellés
aux transporteurs41
. Quelque soit le pays, les conteneurs sont identiques dans leur
conception42
. C’est un outil intermodal qui présente des avantages indéniables. Parmi les
principaux avantages, on cite l’efficacité fournie par le conteneur. En effet, le conteneur offre
38
D. Chevalier, F. Duphil, p 62, op. cit
39
En 1956, il adapta des navires pour transporter des remorques des camions par voie maritime. Paul
TOURRET, note de synthèse n° 49-Nov. 2002, La révolution du conteneur www.isemar.asso.fr.
40
P. TOURRET, La révolution du conteneur, note de synthèse, n°48, novembre 2002 www.isemar.asso.fr.
41
RODIERE, affrètements et transports n°513 ; aussi, le conteneur est un récipient destiné à recevoir des
marchandises, M. REMOND-GOUILLOUD, Droit Maritime, 2e
édition, Paris 1993, n°574, p 371
42
Le texte de référence en matière de transport maritime en conteneurs est la Convention Internationale sur la
sécurité des conteneurs (CSC) de 1972.
14. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
14
une manutention plus efficace et surtout une réduction des coûts de transport43
. Ensuite
comme on l’a dit c’est un outil intermodal qui permet des prestations de porte-à-porte. Le
transport multimodal prend ainsi tout son sens et toute son importance. L’intermodalité
permet le développement par les armateurs de lignes régulières de réseaux hub and spoke44
.
Le transport ne se perd plus sur le seul segment port à port mais s’élargit à la prestation porte
à porte.
Il existe deux possibilités d’expédier des marchandises par conteneurs : soit par
conteneurs complets (FCL) pour Full Container Load, c’est la solution la plus répandue où
toute la marchandise appartient à un même client qui loue la boîte ; soit par groupe maritime
(LCL) pour Less Than container, Cette méthode est utilisée pour les petits envois (1 à 10 m3).
Dans ce cas, on groupe les lots afin d’obtenir un conteneur complet.
A L’origine, n’étaient que des conteneurs « dry » (sec) de 20 à 40 pieds de long45
qui
servaient au transport de marchandises dites sèches et conditionnées en caisse, carton, balles,
ballettes mais d’autres conteneurs plus spécifiques ont été crées : les conteneurs –citernes
(tank conteneurs) les pleins ciels (open top), les réfrigérés (refeer). Le conteneur standard de
20 pieds sert de conteneur de référence pour estimer les capacités d’un navire et évaluer les
flux. On parle alors en EVP (équivalent 20 pieds) ce qui correspond à un volume utile de 33
m3. Chaque conteneur est identifié par une série d’inscription permanente sur ses parois46
.
L’évolution technologique liée à la conteneurisation de plus en plus croissante des transports
est la modification des navires et de la configuration des ports. Les navires ont dû s’adapter,
d’abord en termes de capacité ils sont de plus en plus gros et ensuite, par le nombre de marins
qui a diminué et enfin par le niveau de la résistance. Les ports ont dû se moderniser et se
spécialiser. Les conditions de travail moins nombreuses, plus spécialisées ont fait émergé les
«mains ports » ou ports principaux47
les « hubs »48
où les conteneurs ne font que transiter. La
conteneurisation a aussi obligé à mettre en œuvre des méthodes particulières de chargement
des marchandises. Il s’agit de l’empotage du conteneur. Deux termes définissent le
chargement et le déchargement de la marchandise d’un conteneur : l’empotage et le dépotage.
43
P. ex. un transport entre Taïwan et le Havre coûte 3000 euros environ. Le prix de ce transport aurait coûté au
moins 3 fois plus cher dans les années 60
44
Forum international des transports, doc de référence n°299-1, janv 2009 P 8
45
6,05 et 12,19 mètres
46
Propriétaire, n°d’immatriculation, masse brute maximale, charge
47
Los Angeles, Rotterdam, Hong Kong …
48
Algésiras (Espagne) ; Givia Tauro (Italie), Kingston (Jamaïque)
15. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
15
Presque toutes les marchandises peuvent faire l’objet d’un transport par conteneur. Il s’agit
essentiellement de biens d’équipement et de consommations plus ou moins élaborés qui
empruntent cette voie. Mais le conteneur s’ouvre également aux produits en vrac.
Avant d’être empoté dans un conteneur, les marchandises doivent être emballées et
conditionnées selon les usages ou les règles issues des conventions applicables49
. En effet,
bien que les conteneurs offrent une protection contre les dangers extérieurs, il est important
d’isoler les marchandises entre-elles.
Les difficultés apparaissent au moment de leur empotage. Tout ou presque peut se
côtoyer dans un conteneur : les bouteilles de champagne avec des planches à voile, des tétines
de biberon avec es caméras vidéo par exemple. Toutefois, le bon sens interdira l’empotage de
produits dangereux avec les denrées alimentaires. Mais il existe des cas moins évidents,
comme un chargement de carottes contaminées par l’odeur des oignons présents dans le
même conteneur. Dans ces hypothèses, il faut s’assurer que les premiers emballages soient
appropriés et résistants.
En plus, l’empotage du conteneur nécessite des soins à apporter lors du collage et de la
disposition des marchandises, la charge doit être équilibrée. L’emballage et la
conteneurisation des marchandises constituent la première étape des mesures préventives de
protection. En plus de la conteneurisation, la palettisation est également un mode de
conditionnement de la marchandise.
2- La palettisation
Comme autre mode de conditionnement, on peut citer la palettisation. Il est à noter que
la palettisation ne fait l’objet d’aucune réglementation internationale, tout ou presque est issu
des usages ou recommandations de certaines organisations. La palettisation est un
regroupement des articles individuels qui se fait sur une plateforme de dimensions
compatibles avec une manutention par chariot élévateur. Dans certains cas, il est effectué
directement en sortie de production et la charge unitaire n’est dissociée que chez le
consommateur final. La palette doit présenter des qualités de résistances permettant une
manutention appropriée et un stockage correct. En fonction de leur destination et surtout de
leur durée de vie escomptée, les palettes sont réalisées dans des matériaux divers, tel l’acier
qui est résistant et de longue durée, les alliages d’aluminium qui sont inoxydables et légers,
les plastiques, le bois (bois lamellé-collé, contreplaqué), les composites. Concrètement, la
49
Voir paragraphe 1
16. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
16
palette commune comprend un plateau supérieur sur lequel repose la marchandise, des plots
intermédiaires permettant la prise sur deux ou quatre côtés. Dans certains cas, la palette est
remplacée par une simple feuille de carton ou de plastique résistant assurant « la palettisation
sans palette ». Ce dispositif exige toutefois des matériels de manutention spécialement
équipés tout au long de la chaîne. L’emballage et le conditionnement des marchandises
constituent la première étape des mesures préventives de protection. Celles-ci prennent encore
tout leur sens lorsque les parties au contrat sont soumises à des obligations.
Paragraphe 2 : Les obligations contractuelles relatives à la protection des marchandises
La conclusion du contrat de transport n’appelle pas de remarques particulières en ce
qui concerne la protection des marchandises. D’une manière générale, la seule difficulté
sérieuse tient à l’identification des parties. Ceci étant, c’est au niveau de l’exécution du
contrat que les intérêts de la marchandise sont en jeu. Comme tout contrat, le contrat de
transport des marchandises par voie maritime met à la charge de toutes les parties des
obligations dont le but est d’assurer une exécution efficace du transport. Outre l’exécution
efficace du transport ces obligations ont également pour objectif d’assurer la sécurité de la
cargaison. Ainsi, les textes et les usages ont soumis le chargeur (A) et le transporteur maritime
à des obligations contractuelles particulières (B).
A- LES OBLIGATIONS DU CHARGEUR ET DES INTERMEDIAIRES DE
TRANSPORT
Le chargeur est une partie essentielle du contrat de transport. Le terme "chargeur"
désigne « toute personne par laquelle ou au nom de laquelle ou pour le compte de laquelle un
contrat de transport de marchandises par mer est conclu avec un transporteur et doit s'entendre
également de toute personne par laquelle ou au nom de laquelle ou pour le compte de laquelle
les marchandises sont effectivement remises au transporteur en relation avec le contrat de
transport par mer »50
. Il lui incombe certaines obligations relatives à la marchandise. Mais il
peut décider de confier l’exécution de ces dernières à un intermédiaire. Le chargeur (1) et les
intermédiaires de transport (2) sont les deux premiers intervenants dans le contrat de transport
et les premiers à déclencher la mise en œuvre de la protection des marchandises.
50
Art. 1 Règles de Hambourg, la convention de Bruxelles du 25 août 1924 ne contient aucune définition du
terme chargeur, les Règles de Rotterdam définissent le chargeur comme « la personne qui conclut un contrat de
transport avec le transporteur » art. 1 al. 8
17. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
17
1) Les obligations du chargeur
Il s’agira d’étudier les obligations qui sont en rapport avec la protection des
marchandises. Mais il faudrait noter que le chargeur doit en principe payer le prix du
transport et doit retirer la marchandise. On pourrait parler ici des obligations des ayants droits.
Dans cette hypothèse par ayant droit à la marchandise, il faut entendre principalement le
chargeur 51
mais le destinataire52
encourt lui aussi des obligations dès lors qu’il s’intègre au
contrat de transport. Plus précisément, les ayant droits à la marchandise supportent deux
obligations dans le cadre de la protection des marchandises. Il s’agit de l’obligation de
présenter la marchandise et l’obligation de sincérité dans les déclarations à fournir au
transporteur. La présentation concerne l’extérieur, elle suppose que la marchandise réponde
aux exigences légales ou propres aux offres des transporteurs. Il s’agit des règles concernant
l’emballage, le conditionnement et le marquage des marchandises.
La présentation de la marchandise doit se faire aux temps et lieu fixés par la
convention des parties ou selon l’usage du port de chargement. Le chargeur doit présenter les
marchandises pour embarquement convenablement emballées et marquées53
et le
conditionnement doit respecter les usages du commerce. Les obligations d’emballer
correctement et de marquer qui incombent au chargeur ne sont pas directement prescrites par
les textes. Mais elles résultent indiscutablement de l’économie du système de la Convention
de Bruxelles du 25 août 1924. En effet, les articles 3 et 4 de la dite Convention consacrent
implicitement les obligations d’emballage, marquage et conditionnement à la charge du
chargeur. Les Règles de Hambourg ne contiennent aucune disposition explicite allant dans ce
sens.
L’article 3 alinéa 3 pose l’obligation de marquer les marchandises et l’article 4
exonère le transporteur de toute responsabilité pour le dommage résultant des insuffisances et
des fautes d’emballage ainsi que de l’insuffisance ou de l’imperfection des marques apposées
par le chargeur. De même, le transporteur ne peut invoquer une insuffisance de l’emballage
lorsqu’il est conforme aux usages du commerce54
. L’absence totale d’emballage peut alléger
la responsabilité du transporteur qui n’a pas apporté tous les soins à la cargaison55
.
51
Bonassies et Scapel, Droit Maritime, 1e
édition, 2006, LGDJ, p. 665, n° 1039.
52
Il est une partie adhérente au contrat de transport.
53
Bonassies, Scapel, op. cit.
54
Cass., 15 mars 1983 n°79-14.318, n°271, lexis.
55
Lamy transport, 2007, t. 2, n°609
18. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
18
A cause du fait qu’il n’existe pas de réglementation sur les emballages, c’est à la
jurisprudence et à la pratique que reviennent la tâche de trancher si tel ou tel emballage est
suffisant pour les marchandises. Ainsi il a par exemple été reconnu suffisant, pour des flocons
de pommes de terres, des sacs en papier kraft trois plis, plus un fil de polyvinyle interne, les
fonds et les bouches de chaque sac étant soudé en continu56
, pour des feuilles de tôle : des
caisses en bois normalement agencées dans lesquelles se trouvent placées les différentes
feuilles, enveloppées par paquet dans du papier du genre kraft et séparé entre elle par une
feuille de papier fin.
Dans le sens contraire, ont été jugés insuffisants pour des fruits, des emballages sans
ouvertures ne permettant pas de bons échanges thermique et gazeux et susceptibles
d’entraîner une condensation de pourritures et moisissures, pour des meubles un emballage
sous papier goudronné est inadapté, pour des marchandises diverses, un simple emballage en
carton.
En ce qui concerne l’obligation de sincérité, le chargeur a l’obligation de déclarer avec
sincérité la nature et la valeur des marchandises dans le but de permettre au transporteur
d’exécuter correctement ses obligations. Il s’agit selon les professeurs BONASSIES et
SCAPEL d’une obligation de sincérité et non de véracité de la déclaration57
. La fausse
déclaration résultant d’une erreur ne doit pas donner lieu à sanction58
. L’obligation de
sincérité est d’une double importance d’abord, une méconnaissance de la nature de la
marchandise peut être source de danger pour le navire et l’expédition. Le péril peut résulter ici
de l’embarquement de marchandises dangereuses à bord du navire, sans que les mesures de
sécurité nécessaires aient pu être prises. L’obligation de sincérité concernant de telles
marchandises, « de nature inflammable, explosive ou dangereuse » sont d’ailleurs renforcées
par l’article 4 alinéa 6 de la convention de Bruxelles. Cet article module les sanctions selon
que la nature de ces marchandises a été déclarée au capitaine qui les a acceptées en
connaissance de cause, ou qu’au contraire, elle lui a été dissimulée.
Ensuite la fausse déclaration de la nature de la marchandise peut causer un préjudice
commercial en rapport avec la protection dans la mesure où, lorsque le chargeur, pour réaliser
une économie recherche dans la nomenclature tarifaire, une rubrique faiblement tarifée plutôt
que celle qui correspond exactement à la nature de la marchandise embarquée, le chargeur
s’expose à se voir priver de tout recours en indemnisation à l’encontre du transporteur si les
56
CA Rouen, 2 déc. 1982, BT 1983, p 210
57
Bonasies et Scapel, Droit maritime, LGDJ, p 666, n°1041
58
Bonassies et Scapel, op. cit.
19. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
19
marchandises font l’objet d’avarie ou de manquant. Il arrive très souvent que le chargeur face
appel à des professionnels pour l’exécution des obligations qui lui incombe et se met ainsi à
l’abri. Son choix de ses attentes c’est-à-dire en fonction de ce qu’il souhaiterait ou non garder
une main mise sur les opérations de transport.
2- Les obligations des intermédiaires
Les intermédiaires de transport sont des personnes qui interviennent à la demande de
l’une des parties au contrat de transport. Ce sont des professionnels du transport qui sont
utiles et parfois même indispensables. Les intermédiaires sont présents sur toute la chaîne du
transport. Dans le cadre de notre étude il sera question de mettre en exergue principalement
les obligations de deux types d’intermédiaires qui interviennent à la demande du chargeur, il
s’agit du commissionnaire et du transitaire.
Le chargeur peut tout d’abord faire appel à un commissionnaire de transport. Le code
de la marine marchande de la communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale
résume très bien le rôle du commissionnaire en son article 45359
. La jurisprudence française a
défini la commission de transport comme étant « la convention par laquelle le
commissionnaire s’engage envers le commettant à accomplir pour le compte de celui-ci les
actes juridiques nécessaires au déplacement d’une marchandise d’un lieu à un a autre ; elle se
caractérise non seulement par la latitude laissée au commissionnaire (…) mais aussi par le fait
que cette convention porte sur le transport de bout en bout »60
. Le commissionnaire de
transport est un organisateur de transport traitant sous sa responsabilité l’exécution complète
du transport d’une marchandise. Il procède en son nom, au transport des marchandises qui lui
sont confiées par un chargeur en choisissant lui-même les différents transporteurs et
intermédiaires dont il a besoin. Il a une obligation de résultat envers son client61
. Selon le
doyen Rodière, même si le commissionnaire doit rendre compte en cas de difficultés il est
aussi mandataire, il est « plus que cela ».
59
« Le commissionnaire de transport est investi d’une mission relative à l’organisation du transport dans son
ensemble. Il s’engage à faire exécuter le transport d’une marchandise d’un lieu à un autre. Il a une obligation de
résultat. », V. aussi l’acte n°4/96-UDEAC-611.CE du 11juillet 1996 portant convention Inter Etats
60
Cass. Com. 16 févr. 1988, D. 1988.IR.60
61
Lexique des termes maritimes du port de Rouen, art. 453 code de la marine marchande CEMAC
20. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
20
Le commissionnaire de transport a une très grande marge de manœuvre, homme-
orchestre, opérateur en chef, il est considéré comme un ensemblier62
. Il a la maîtrise du
transport de bout en bout. Dans sa tâche d’organisation de transport, le commissionnaire doit
surtout s’atteler à rechercher un consignataire de marchandises et s’assurer que les magasins
de celui-ci sont adaptés à la conservation de la marchandise. En plus, dans ce cas il appartient
au commissionnaire de transport de s’occuper de la protection des marchandises en respectant
les instructions de son commettant. Il doit choisir un transporteur compétent, un matériel
adapté aux spécificités de la marchandise. Il sera toujours bénéfique au chargeur de faire
appel à un commissionnaire. Pour pouvoir se consacrer à d’autres activités. Il est un
intermédiaire précieux qui économise à l’expéditeur du temps, des tracas et même de
l’argent63
.
Dans le cas où le chargeur aimerait garder une main mise sur toutes les opérations, il
devra faire appel à un transitaire64
. De manière stricte, le transitaire est un intermédiaire
spécialisé dont la mission essentielle consiste à assurer la continuité entre deux modes de
transports distincts. Ce dernier ne doit agir que dans le strict respect des instructions de son
commettant, parce qu’il n’a pas la liberté des voies et moyens. Son rôle se limite à conclure
les actes juridiques nécessaires au transport. C’est un agent de liaison, un professionnel du
passage65
. Mais depuis quelques années, le transitaire ne s’occupe plus que des fonctions
juridiques il effectue également des tâches physiques telles que la consignation de la
marchandise. On les appelle les NVOCC (Non Vessel Operating Carrier).
Cependant la distinction entre les deux professionnels est loin d’être aussi clair. En
effet, bien souvent la même entreprise porte la double casquette de transitaire et de
commissionnaire et elle peut avoir la double qualité au cours d’une même opération de
transport. Ce qui permettra à cette entreprise de changer de qualité en fonction de ses intérêts.
Il reviendra alors au chargeur de bien définir contractuellement la notion d’intermédiaire avec
l’autre partie, car ce seront les clauses du contrat qui commanderont la solution du litige. Les
différentes obligations du chargeur et des intermédiaires, quand on a fait appel à eux, sont des
62
Ngamkan, G., « Quelques conseils juridiques et pratiques aux chargeurs et réceptionnaires africains afin de
leur permettre de tire le meilleur parti de leurs activités commerciales », Etudes et dossiers, Juridis périodique,
n°28 oct-nov-déc 1996
63
Josserand, « Les transports », Librairie Arthur Rousseau, cité par B. MERCADAL, Droit des transports
terrestres et aériens, précis Dalloz, 1996.
64
Le mot transitaire est souvent employé à tort par un abus de langage des professionnels, généralement ils
parlent de transitaire quand il faut parler de commissionnaire de transport en affirmant qu’ils ont confié
l’organisation de leurs opérations de transports
65
Etymologiquement, le mot transit signifie passage. V. Julien, M., « Un métier de la chaîne des transports : du
transitaire à l’OTM » Annales IMTM, 1986, p133
21. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
21
obligations préalables à l’opération de transport proprement dite. Pour la réaliser dans de
bonnes conditions, le transporteur maritime est lui aussi soumis à des obligations.
B- LES OBLIGATIONS DU TRANSPORTEUR
Le transporteur désigne toute personne par laquelle ou au nom de laquelle un contrat
de transport de marchandises par mer est conclu avec un chargeur. Dans le cadre de
l’exécution du contrat de transport des marchandises, le transporteur est soumis à une
obligation générale : celle d’acheminer au port convenu les marchandises qui lui on été
confiées par le chargeur. Il s’agit d’une obligation qui résulte des textes. En effet, les Règles
de Hambourg disposent que le contrat de transport par mer « désigne tout contrat par lequel le
transporteur s’engage contre paiement d’un fret, à transporter des marchandises par mer d’un
port à un autre »66
. Au-delà de cette « obligation d’évidence »67
, les textes font peser sur le
transporteur des obligations de deux ordres allant dans le sens de la protection des
marchandises. Il s’agit notamment des obligations relatives au navire (1) et celles qui
concernent directement les marchandises (2).
1) Les obligations du transporteur relatives au navire
Les obligations relatives au navire résultent de l’idée que le transporteur devant
acheminer les marchandises, doit s’assurer du bon état de son navire. Elles sont issues des
différentes conventions internationales68
. Ainsi dans le but d’assurer aux marchandises une
certaine sécurité, Le transporteur a d’abord au début du voyage l’obligation de faire diligence
pour « mettre le navire en état de navigabilité dans tous ses éléments ». C’est une obligation
de moyen69
qui permettra l’exécution de l’obligation de résultat relativement à
l’acheminement de la cargaison. Le domaine de l’obligation de diligence est très large. Elle
concerne tout ce qui touche à la navigabilité du navire. Non seulement le navire doit-il être
apte à affronter les périls de la mer mais encore être armé par un capitaine et un équipage
compétents.
66
Art.1al. 6,
67
Bonassies et Scapel, Droit maritime, LDGJ, 2006, p 637, n°1001
68
Art. 3§1 Convention de Bruxelles de 1924, art. 14 Règles de Rotterdam, les Règles de Hambourg ne prévoyant
aucune disposition explicite dans ce sens
69
Michel ALTER, Droit des transports terrestres, aériens et maritimes internes et internationaux, 3è édition,
Dalloz, 1996.
22. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
22
Le contenu précis de l’obligation de diligence peut donner lieu à débat70
. La
convention de Bruxelles de 1924 et plus récemment, les Règles de Rotterdam parlent d’une
« obligation de diligence raisonnable ». Par diligence raisonnable, il faudrait entendre
l’examen vigilent que doit tout professionnel compétent à ses cocontractants71
. L’obligation
de diligence a non seulement un caractère exigeant mais aussi un caractère personnel. Les
tribunaux sanctionnent le transporteur maritime qui se décharge de son obligation sur les sous
traitants72
.
La notion de navigabilité comporte un triple aspect nautique, commercial et
administratif. La navigabilité nautique s’apprécie en fonction de l’état de la coque du navire
(étanchéité et solidité des moyens de propulsion et de l’approvisionnement des soutes, ainsi
que la capacité de l’équipage). La navigabilité commerciale concerne les aménagements
intérieurs du navire destinés à recevoir les marchandises et à assurer sa conservation : cales,
citernes, appareils frigorifiques, thermomètres, systèmes de refroidissement. La navigabilité
administrative fait référence aux documents administratifs que doit posséder le transporteur
Après avoir fait diligence pour assurer la navigabilité de son navire, il doit prendre soin des
marchandises.
2) Les obligations relatives à la marchandise
Ayant pris en charge la marchandise pour un acheminement, le transporteur leur doit
des soins. Les soins dus sont relatifs à deux phases précises de l’exécution du contrat. Ils
concernent d’abord le chargement de la marchandise ensuite l’accomplissement du voyage.
Le chargement de la marchandise commence avec sa prise en charge73
. Le
transporteur a l’obligation de prendre en charge la marchandise. La notion de prise en charge
n’étant pas définie par les textes, ne doit pas se confondre avec le chargement de la
marchandise. Elle est selon le doyen RODIERE « l’acte juridique par lequel le transporteur
accepte la marchandise au transport74
». Le chargement c’est l’opération matérielle qui
70
Lire Bonassies et Scapel, Droit Maritime, LDGJ, 2006.
71
Le doyen Rodière évoquait « le personnage moyennement bon », ce qui d’après le Pr Bonassies n’était pas
suffisant
72
V. affaire du Muncaster castle, Lloyd’s law reports 1961.457, DMF 1963.246. n. Bonassies
73
Le moment de la prise en charge varie en fonction des conventions internationales
74
Rodière, Traité Général de droit maritime, affrètement et transport, tome II, Dalloz, 1968, p 554,
23. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
23
t l’arrimage76
.
consiste à mettre les marchandises à bord du navire75
. Il comporte deux opérations qui se
succèdent sans interruption : le saisissage e
Le saisissage de la marchandise est entendu comme le fait de rapprocher la
marchandise du navire, lui faire franchir la muraille du bâtiment et la déposer sur le port ou
dans les cales77
. L’arrimage est l’opération qui consiste à disposer méthodiquement les
marchandises et à assurer solidement le chargement en assujettissant chaque marchandise par
le jeu de câbles, cordages ou étais divers78
. L’arrimage et le saisissage sont des opérations
essentielles dans la sécurisation de la cargaison. On comprend pourquoi les conventions
internationales obligent le transporteur à procéder de façon « appropriée et soigneuse ».
En ce qui concerne le cas particulier des marchandises logées en conteneur, le
transporteur doit s’assurer du positionnement adéquat des conteneurs en fonction de leurs
spécificités. L’arrimage des conteneurs doit être équilibré et stable, la compétence du
shipplaner79
doit être avérée pour cela. La possibilité pour le transporteur d’arrimer certaines
marchandises en pontée ne le dispense pas de le faire de façon appropriée et soigneuse.
Lorsque la pontée n’est pas interdite les informations du chargeur seront cruciales pour la
sécurité du navire, de la cargaison et de l’environnement marin.
La marchandise prise en charge doit être transportée jusqu’au port de destination80
.
C’est l’obligation essentielle du contrat. Pendant le déplacement, la marchandise doit être
conservée par le transporteur. L’accomplissement du voyage a également son importance
dans le régime de protection des marchandises.
Le voyage doit se faire en « droiture »81
. Cependant, c’est l’un des points sur lesquels
le transporteur conserve une large marge d’initiative afin de prendre en compte les aléas de la
navigation maritime82
.
La diligence du transporteur s’étend également aux soins qu’il doit à la cargaison en
cours de route. Cette règle est le corollaire de l’obligation d’assurer de façon appropriée et
75
Bonassies, Scapel, Droit Maritime, LDGJ, 2006, n°1010, p 643
76
Lire, le saisissage et l’arrimage des marchandises, Cissé Baye, mémoire DESS, 2002-2003 ; CDMT
77
Dictionnaire, Gruss de marine
78
Bonassies ,Scapel, préc, 1011 ; p 643 ; Rodière, 517, P 152
79
Personne chargée d’organiser le plan de chargement des conteneurs et attribuer à chacun un emplacement
précis à bord du navire, note de synthèse, N°49, Novembre 2007, La révolution du conteneur, Paul Tourret,
www.isemar.asso.fr.
80
Toujours de façon appropriée et soigneuse, Bonassies et Scapel, Droit Maritime, Dalloz, p 654, n° 1024 ; art 3
al 2 Convention de Bruxelles 1924 ; art 445 al 2 code CEMAC de la marine marchande
81
C’est-à-dire en route directe et sans escale, M. Remond-Gouilloud, Droit maritime, 2e
édition, Paris 1993,
p364 n°561, art 3al 2 Convention de Bruxelles 1924 ; et art 445 Code CEMAC.
82
Le connaissement comporte systématiquement des clauses accordant toute liberté au transporteur quant à la
détermination de la route à suivre
24. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
24
soigneuse le transport. Pour comprendre la portée de cette obligation, il faut avoir présente à
l’esprit la règle de responsabilité qui pèse sur le transporteur.
L’obligation de soin s’étend à partir du moment où il prend il charge les marchandises
jusqu’à leur livraison. Il s’agit de soins ordinaires par opposition aux soins exceptionnels83
.
Les soins ordinaires s’entendent des soins généraux que la cargaison requiert non des soins
particuliers que peut appeler tel ou tel élément de la cargaison84
. Les soins sont fonction de la
nature de la marchandise. Les soins extraordinaires sont des diligences spéciales qui résultent
d’accords exprès85
.
A côté de ces différentes obligations, il existe une obligation particulière qui est celle
de transborder les marchandises en cas d’empêchement au transport86
.
Prévu généralement par les clauses du connaissement, le transbordement doit être effectué
dans un souci de protection de marchandise sinon il perd son caractère licite. Enfin, la
cargaison doit être livrée au port de destination convenu entre les parties87
.
SECTION II : LA REPARATION DES DOMMAGES
Le contrat ayant force obligatoire, son inexécution, fait contraire au droit, appelle
normalement une sanction88
. L’inexécution qui est une violation du lien contractuel fait
référence, en matière de transport maritime à la survenance d’un dommage ou alors du retard
à la livraison. La protection dans ce cas prend la forme d’une réparation en dommages-
intérêts. Il s’agit d’une satisfaction par équivalent parce qu’ici, l’inexécution est
définitivement consommée89
. Pour cela il faut que le transporteur engage sa responsabilité
(paragraphe 1), le chargeur et l’intermédiaire aussi (paragraphe 2).
83
La distinction de soins ordinaires et extraordinaires a été empruntée à la jurisprudence ferme de la cour de
cassation, civ. cass . , 15 juillet 1891, s, 1892. 1. 591
84
Rodière,Traité Général de droit maritime, Affrètement et transport, tome 2, Dalloz, 1968 ,n°532, p169
85
Michel Alter, Droit des transports et terrestres aériens et maritimes internes et internationaux, 3ème éd, p. 143
86
En cas d’innavigabilité du navire, Michel Alter, op. cit. p143
87
Cette règle est rappelée par un arrêt de la cour de Cassation française du 13 nov 2002, DMF 2002. 242, obs.
R, Achard. , sur la notion de livraison, L., Bonassies , Scapel.,Droit Maritime, LGDJ, 2006., et Rodière, Traité
Général de droit maritime, affrètement et transport, Dalloz, 1968.
88
F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil, Les Obligations, précis Dalloz, 8éd, 2002, p538, n°558
89
ibid. p. 558
25. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
25
Paragraphe 1 : La responsabilité du transporteur
La responsabilité est la censure de la défaillance injustifiée d’un débiteur lorsque les
faits de l’inexécution sont établis. Il s’agit de prouver qu’elle est fautive, or le débiteur est à
priori en faute. Tel est le fondement général de la responsabilité contractuelle pour faute qui
tire sa source du code civil90
. On parle de responsabilité à base subjective ce qui suppose,
selon le Professeur Alain SERIAUX, la réunion de deux causes : l’inexécution et la faute du
débiteur91
.
A côté de ce système de responsabilité dite à base subjective s’est développé le
système de présomption de responsabilité, d’ailleurs nettement objectif qui ignore toute
référence à la faute. Le débiteur y est responsable de plein droit cela signifie qu’il est tenu de
réparer le dommage sur la seule constatation matérielle de l’inexécution de ses obligations. Le
droit des transports s’est spontanément porté vers un tel système de responsabilité de plein
droit. Le transporteur est responsable parce qu’il a promis un résultat : la saine arrivée des
marchandises à destination. Tout problème de responsabilité se décompose en deux questions
de fond : d’abord à quelles conditions la responsabilité est-elle engagée (A) ensuite,
lorsqu’elle est engagée, quelle est la réparation due (B) ?
A- LES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITE
En règle générale, Pour engager la responsabilité d’une partie qui n’a pas exécuté la
prestation promise, il faut réunir trois conditions : un préjudice éprouvé, une faute du
défendeur et la relation de cause à effet qui fait de ce préjudice une conséquence de cette
faute. En matière de transport maritime, s’il est nécessaire que les marchandises aient subi un
dommage, la faute du transporteur n’a pas à être nécessairement établi. La relation causale,
quant à elle se déduit de la concomitance du dommage et du transport. Parce que le
transporteur s’est engagé à acheminer les marchandises dans l’état où il les a prises et dans un
délai déterminé, il engage logiquement sa responsabilité en cas de dommage (1) et doit une
réparation (2).
90
Art. 1147 code civil
91
A. Sériaux, la faute du transporteur, n°2.
26. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
26
1) La variété des dommages
Les marchandises peuvent subir trois catégories de dommages en transport maritime :
il s’agit de la perte des marchandises, des avaries et des dommages dus au retard à la
livraison. Toutes les conventions ne reconnaissent pas ces trois types de dommages. La
Convention de Bruxelles 1924 ne sanctionne que les dommages dus aux pertes et aux avaries
alors que les Règles de Hambourg en plus de cela traitent du retard à la livraison. Le Code
CEMAC de la marine marchande quant à lui va dans le même sens que les Règles de
Hambourg92
.
Le transporteur ayant reçu une quantité déterminée de marchandises a l’obligation de
livrer la même quantité au destinataire. Dans le cas contraire, on considérera qu’il y a perte de
marchandise. Il est important de distinguer la perte totale de la perte partielle de
marchandises. D’après la doctrine, il y a perte totale « quand à destination, le transporteur
n’est à même de délivrer à l’ayant droit aucun élément de la marchandise qu’il a prise en
charge »93
. Autrement dit, la marchandise est égarée, dans tout les cas elle n’est pas retrouvée
et présentée au réceptionnaire dans un certain délai.
Les pertes partielles de marchandises s’assimilent à des manquants. Ici, le transporteur
livre les marchandises en bon état. Mais il ne les livre pas en totalité et le destinataire constate
qu’il y a des manquants en poids ou en nombre94
. La présentation par le transporteur de
l’emballage vide qui contenait la marchandise fait qu’il n’y a pas perte totale. Il y a juste un
manquant.95
De même, la perte d’un ou plusieurs colis composant un lot unique n’est pas une
perte totale. Ces problèmes trouvent généralement leur origine dans les conditions de
transport. Le transporteur ne s’étant pas acquitté de façon appropriée et soigneuse à ses
obligations de garde et de soin de la cargaison.
Quand le connaissement ne contient pas de réserve sur l’état de la marchandise, le
transporteur est réputé l’avoir reçue en bon état. La constatation à l’arrivée de son mauvais
état établira l’avarie dont le transporteur doit répondre96
. Il y a donc avarie lorsque le
92
Art 452 Code Cemac de la marine marchande
93
R.Rodière, Traité Général de droit maritime, affrètement et transport, Dalloz, n°598, p240
94
CA. Litt. Arrêt n°029/C du 20 févr 2009 GRIMALDI LINES c/ STE STAR NATIONALE SA, STE
ALLIANZ MARINE & AVIATION.
95
R. Rodière, ibid., La solution est raisonnable, puisque le réceptionnaire recevant quelque chose est à même de
vérifier la perte qu’il subit, V. aussi en matière d’assurance maritime, Ripert,3 ;n°2623-1
96
L’absence de réserve du transporteur ne l’empêche cependant pas d’établir qu’il avait pris en charge une
marchandise en mauvais état, V. Affaire Apsara
27. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
27
transporteur livre la marchandise mais celle-ci ne correspond plus à ses caractéristiques97
. Les
différentes Conventions opèrent une distinction entre les dommages apparents et les
dommages non apparents sans toutefois les définir. En l’absence des critères objectifs, il est
donc revenu à la jurisprudence le soin de proposer des définitions. On peut retenir qu’un
dommage est apparent lorsque, au moment de la délivrance, le réceptionnaire peut s’en rendre
compte par un examen rapide mais suffisant à l’aide des sens dont chacun dispose98
.
La troisième catégorie de dommage que peut subir les marchandises est constituée du
retard à la livraison. Au sens de la doctrine, le retard ne suffit pas en lui-même en tant que
dommage, il faut qu’il ait causé un préjudice99
. Autrement dit, ce sont les conséquences
dommageables du retard qui sont incriminées. Celles-ci peuvent se manifester en perte ou en
avarie. Il y a retard lorsque le délai convenu ou à défaut le délai raisonnable100
a été dépassé
par le transporteur. Le retard ne s’assimile pas à la perte des marchandises, rappelons-le, il y a
perte totale de la marchandise si celle-ci n’est pas retrouvée et présentée au réceptionnaire
dans un certain délai. S’il est évident que les marchandises ont subi des dommages il faut
aussi que le réceptionnaire ait une attitude exemplaire. Il doit automatiquement faire des
réserves 101
dès qu’il reçoit la marchandise. C’est à ce prix qu’il pourra facilement se mettre à
l’abri de certaines déconvenues si la responsabilité de plein droit du transporteur n’est pas
engagée.
2) Le système de responsabilité du transporteur
L’importance d’une responsabilité de plein droit du transporteur pour la protection des
marchandises découle de ce que ce dernier étant soumis à une obligation générale
d’acheminement et de soins doit répondre des dommages subis par les marchandises. En
instaurant un système de responsabilité objective la protection des marchandises est plus
accrue et efficace. Il est à noter que le domaine de la responsabilité varie d’une convention à
une autre. La convention de Bruxelles ne traite que de la partie strictement maritime du
97
CA. Litt. Arrêt n°028/C du 20 févr 2009 Sté MAERSK CAMEROUN SA c/ Ets KOUANTCHIPE J-M
98
CA Paris, 9 Juillet 1959, DMF 1959, p680
99
Rodière préc., n° 608 p248, CA Litt. Arrêt n° 161/C du 18 déc. 2009 CAMSHIP LINES SA c/ ELEVAGE
PROMOTION AFRIQUE.
100
Contrairement aux transports ferroviaire et routier où les délais sont établis avec rigueur, on considère que le
transport maritime est une expédition à risque qui ne pourrait faire l’objet d’un délai donné rigoureusement.
101
Art. 21 Règles de Hambourg, L.,Akam Akam, les réserves à la livraison. Etude des diligences des
réceptionnaires dans le transport maritime, thèse, Aix-Marseille, 1988.
28. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
28
transport et exclue le retard. Par contre, les Règles de Hambourg et les Règles de Rotterdam
ont un domaine d’application plus étendu allant de la prise en charge à la livraison102
.
Certains auteurs103
estiment cependant que la responsabilité du transporteur tel que
prévue par les Règles de Hambourg n’est pas de nature à fournir une protection efficace parce
qu’en réalité, il s’agirait plutôt d’un système de présomption de faute. Système moins sévère
que celui de la responsabilité de plein droit. Affirmer la responsabilité de plein droit du
transporteur implique que la faute est indifférente à l’attribution de cette responsabilité. La
portée juridique d’un tel système est que lorsque les marchandises ont subi un dommage, il
dispense l’ayant droit de faire la preuve que le dommage est dû à la faute du transporteur ou
des agents dont il répond. Il revient donc à ce dernier d’établir la cause du dommage et de
démontrer qu’elle ne lui est pas imputable. En pareil cas, quand la lumière n’est pas
entièrement faite, l’ombre profite au bénéficiaire de la présomption c’est-à-dire à l’ayant droit
aux marchandises104
. Le transporteur ne saurait s’exonérer par avance de cette responsabilité
de plein droit par une clause dans le contrat de transport. Les différentes conventions régissant
les transports maritimes réputent nulle pareille clause. Cependant, la présomption de
responsabilité qui pèse sur le transporteur n’est pas irréfragable, elle n’est qu’une présomption
simple que celui-ci peut faire tomber par une double preuve. D’abord la preuve positive et
formelle de l‘existence d’une cause d’exonération, ensuite la preuve d’un lien de causalité
entre la cause d’exonération invoquée et le dommage. Quoiqu’il en soit lorsque la
responsabilité du transporteur est établie ou du moins lorsqu’il n’a pas pu prouver que le
dommage n’était pas dû à son fait, il doit réparer les dommages subis par les marchandises.
Toutefois, la réparation due par lui est limitée par les conventions internationales.
B- LA REPARATION DUE PAR LE TRANSPORTEUR
Tenu d’une obligation de résultat en ce qui concerne l’acheminement des
marchandises, le transporteur maritime voit sa responsabilité engagée par le simple fait que
des avaries, des manquants ont affecté les biens transportés ou lorsqu’il y a eu retard à la
livraison. En contrepartie de cette responsabilité de plein doit, il existe en faveur du
transporteur des mécanismes sophistiqués de cas exceptés qui pourront l’exonérer de sa
102
Art. 4 Règles de Hambourg
103
Lire I. Khalil Diallo, Les Règles de Hambourg : un leurre pour les chargeurs ?, Etude et document de
l’association sénégalaise de droit maritime, fév.1993 ; M. Alter, droit des transports terrestres aériens et
maritimes, internes et internationaux, P146
104
Rodière, Traité Général de droit maritime, affrètement et transport, n°253
29. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
29
responsabilité. Mais lorsque celle-ci est admise, il doit une réparation. La réparation c’est la
somme due à titre d’indemnisation. Elle est plafonnée (1) mais dans certaines situations ce
plafonnement saute (2).
1- Le plafonnement des réparations
Pour les marchandises ayant été endommagées pendant qu’elles étaient sous la charge
du transporteur, ce dernier doit verser une indemnité afin de réparer le préjudice. La loi
moderne ne tolère que la réparation du dommage par équivalent105
. L’indemnité qui sera
versée par le transporteur pour la réparation des dommages représente l’obligation que le
débiteur, ici le transporteur, n’a pas exécuté ou qu’il a mal exécuté. Elle sera calculée par
référence à la valeur de la marchandise au jour et au lieu du déchargement. Il est interdit au
transporteur d’insérer des clauses limitatives de responsabilité à l’instar des clauses
d’exonération. En contrepartie, il bénéficie des limitations légales de réparations106
énumérées
par les conventions. Ces différentes conventions prévoient des plafonnements en fonction de
celle qui sera applicable. La convention de Bruxelles de 1924 modifiée par les protocoles
1968 et 1979 prévoit une indemnisation de 666,67 DTS par colis ou unité ou 2 DTS par
kilogramme de poids brut de marchandises perdues ou avariées. Les Règles de Hambourg de
1978 apportent de légères modifications. En effet, cette convention prévoit des taux un peu
plus élevés notamment 835 DTS par colis ou unité ou 2,5 DTS par kilogramme de poids
brut107
. En matière de retard, la convention de Bruxelles n’en fait pas mention alors que les
Règles de Hambourg instaurent une limitation à deux fois et demi le prix du fret payable pour
la marchandise ayant subi le retard108
. La nouvelle convention des Nations Unies, les Règles
de Rotterdam prévoient une indemnité de 875 unités de compte par colis ou autre unité de
chargement ou à trois unités de compte par kilo de poids brut de marchandises. En matière de
retard, ladite convention distingue selon qu’il y a eu perte ou dommage subi par les
marchandises à raison du retard et le préjudice économique résultant d’un retard. Dans le
premier cas, la réparation due est fonction de la valeur de la marchandise. Dans le second cas,
l’indemnité due est limitée à un montant équivalent à deux fois et demie le fret payable pour
105
Ibid. n°683
106
Certains auteurs parlent de limitations de responsabilité, il s’agit bien évidemment d’une limitation de
réparation car c’est le montant de l’indemnité qui est limitée.
107
Art.6 al 1(a)
108
Art.6 al 1(b)
30. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
30
les marchandises ayant subies un préjudicie. Il faut retenir que quelque soit la convention
applicable, la limite la plus élevée sera applicable.
L’unité de compte qui est le DTS ou Droit de Tirage Spécial est une monnaie
internationale fictive dont les pays membres du Fond Monétaire International peuvent
disposer pour solder les déficits de leur balance de payement. Il est constitué à partir d’un
panier de cinq (5) monnaies nationales : le dollar américain (40%), la livre sterling (11%), le
yen japonais (17%), l’euro (32% ; Allemagne 21%, France 11%)109
. La base de calcul est
constituée par les « colis » ou « unités ». Le colis désigne selon la cour d’appel de Paris dans
le langage des professionnels du transport maritime « non pas seulement une petite charge,
mais toute charge individualisée, telle qu’elle est remise au transporteur et ainsi acceptée par
celui-ci, quel que soit son poids ou son volume »110
. Parce que ces différents plafonnements
sont prévus par des conventions internationales, ils ont un caractère impératif et s’appliquent à
la totalité du préjudice sans exclusion. Toute clause qui tendrait à limiter la réparation à une
somme inférieure est nulle. Cependant, cette limitation de réparation n’opère pas dans tous les
cas. Ainsi en cas de dommage subi par les marchandises lorsque le transporteur aura commis
une faute intentionnelle ou inexcusable, soit la loi soit la convention des parties va retenir un
système de réparation plus avantageux pour les marchandises.
2- Le déplafonnement dans des cas particuliers
Dans certaines situations exceptionnelles, la réparation du transporteur n’est plus
limitée. Il est dans l’obligation de fournir une réparation intégrale. La plupart des textes
régissant le transport maritime de marchandises prévoient des dispositions au cas où le
transporteur aurait commis certaines fautes. Il s’agit de la faute intentionnelle ou de la faute
inexcusable du transporteur111
.
En effet, dans des termes à peu près identiques la convention de Bruxelles de 1924
modifiée par le protocole de 1968, les Règles de Hambourg, les Règles de Rotterdam
disposent que le transporteur perd le droit de se prévaloir de la limitation de réparation s’il est
prouvé que la perte, les avaries ou le retard à la livraison résultent d’un acte ou d’une
109
Lamy transport2007, tome 2, n°593.
110
CA Paris, 24 oct. 1966, BT 1967, P47, l’arrêt décide en conséquence qu’une pièce pesant 9,5 tonnes et une
voiture doivent être considérés comme des colis
111
La convention de Bruxelles de 1924 originelle ne l’avait pas prévu, c’est le protocole de 1968, s’alignant sur
une position de la jurisprudence française qui a remédié à un pareil manque
31. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
31
omission de sa part commis soit intentionnellement soit de façon téméraire112
. De manière
plus explicite, la faute inexcusable est considérée par la doctrine, comme une faute commise
avec témérité et avec conscience qu’un dommage en résulterait probablement. C’est une faute
d’une gravité exceptionnelle qui suppose une volonté consciente que son auteur devrait
avoir113
.C’est par exemple le cas d’un transporteur qui décide de lever l’ancre dans une
grande tempête avec des vents de 300km/h et qui fait couler le navire après quelque nœuds,
d’où la perte de la marchandise114
. En l’espèce il va de soi que le transporteur avait
conscience d’un dommage probable compte tenu de la puissance de la tempête même s’il ne
l’a pas volontairement causé. En pareil cas, il ne bénéficiera plus de la limitation de réparation
et devra alors verser une indemnisation intégrale car « nul ne peut se prévaloir de sa propre
turpitude ».
Quant à la faute intentionnelle, elle implique d’après la doctrine, la volonté du
transporteur de causer le dommage c’est-à-dire l’intention de nuire aux marchandises et à son
propriétaire. Elle suppose au moins la connaissance du tort que l’on causera, ce qui constitue
une mauvaise foi115
.C’est le cas d’un transporteur qui jette délibérément à l’eau une
marchandise lors de la navigation alors qu’aucune circonstance ne justifiait ce geste. Il a en
l’espèce comme on le constate, la volonté de causer la perte de la marchandise.
La faute inexcusable et la faute intentionnelle sont considérées comme des cas où la
limitation de réparation est écartée par la loi. Il existe un autre cas où c’est la convention des
parties qui écarte cette limitation, il s’agit de la déclaration de valeur. Ainsi toutes les fois que
le chargeur aura déclaré avant l’embarquement, la nature et la valeur des marchandises et que
cette mention est insérée au connaissement, la limitation de réparation ne s’applique pas. Pour
être valable, la déclaration de valeur doit être explicite et insérée dans le connaissement116
. A
propos de ces conditions de validité l’on a pu justement critiquer la jurisprudence d’avoir
admis une fois que l’indication par le chargeur dans le connaissement, qu’il avait l’intention
d’assurer la marchandise pût équivaloir à une déclaration de valeur dans les rapports du
chargeur et du transporteur117
.
Parce que la déclaration de valeur est acceptée, elle lie les parties et en cas de
dommage, la marchandise est réputée valoir ce qui a été déclaré. En cas de dommage partiel,
112
Art. 8 Règles de Hambourg, art. 2 (c) protocole de 1968
113
F. TERRE, Y. LEQUETTE, P. SIMLER, Droit civil, Les obligations, précis Dalloz, 8e
édition, 2002, P551-
553, n°575
114
V. en ce sens, CA paris, 26 mai 1973, D. 1974. 48, note j. Cabannes (erreur grave de navigation)
115
Terré, Simler et Lequette, op. cit., n°595
116
Lamy transport, n° 595 ; Rodière, op ; cit.,p 313 n°680
117
Com.cass., 25 juin 1958, D.1958,748
32. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
32
la réparation sera proportionnelle au pourcentage de dépréciation de la chose. Il n’y a pas
plafond mais valeur conventionnelle. Le transporteur maritime n’ayant pas exécuté ses
prestations ou les ayant mal exécuté est donc tenu de réparer les dommages. Il en est de même
pour les autres parties au contrat de transport.
Paragraphe 2 : La responsabilité du chargeur et des intermédiaires de transport
Outre le transporteur maritime, le chargeur peut également engager sa responsabilité en
cas de dommage causé aux marchandises. Dans l’hypothèse où le chargeur a fait appel à des
intermédiaires de transport, ceux-ci peuvent voir leur responsabilité engagée. Généralement,
la responsabilité du chargeur et des intermédiaires de transport n’est pas toujours présentée de
manière claire, explicite et automatique parce qu’en ce qui concerne les seconds ils ne sont
pas forcément présents dans le contrat de transport. Toutefois, lorsqu’ils interviennent ils sont
susceptibles de causer des dommages aux marchandises et seront alors tenus de réparer. Une
étude de leur responsabilité (B) n’est donc pas superflue après avoir envisagé celle du
chargeur (A)
A- LA RESPONSABILITE DU CHARGEUR
La responsabilité du chargeur en général n’a jamais été abordée par la doctrine de
manière directe, mais seulement en tant que cas excepté bénéficiant au transporteur118
. La
responsabilité du chargeur119
découle de ce qu’il aurait pu commettre des fautes lors de
l’exécution de ses obligations. Ces fautes auraient ainsi été à l’origine des dommages. En
conséquence, il est responsable et doit réparation. A la différence du transporteur, le chargeur
ne bénéficie pas de limitation de réparation. Le chargeur est susceptible de commettre
plusieurs types de fautes (1) qui doivent être sanctionnées (2)
1) La faute du chargeur
Le chargeur peut commettre dans l’accomplissement de ses obligations des fautes qui
causent des dommages aux marchandises. La faute du chargeur a plusieurs origines. Le
chargeur peut d’abord commettre des fautes lors de l’emballage et du conditionnement de la
118
Marlyse FOLLIN, DMF 2008, n°689 p 106.
119
L. la communication du Pr Ibrahima Khalil Diallo, communication sur « les obligations du chargeur envers le
transporteur », Règles de Rotterdam, colloque du 21 septembre 2009 à Rotterdam,
www.rotterdamrules2009.com.
33. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
33
marchandise. Il peut s’agir d’une absence d’emballage. Selon la jurisprudence, le défaut
d’emballage s’entend de l’insuffisance d’emballage, mais non de son absence totale120
. C’est
par exemple le cas d’un emballage sous papier goudronné pour un transport de fauteuils de
France sur le Cameroun121
. Le chargeur peut aussi omettre d’effectuer un étiquetage et un
marquage adéquat. En ce qui concerne le cas des marchandises logées en conteneur, le
chargeur peut faire un mauvais empotage puisque rappelons-le, l’empotage est réalisé par le
chargeur. Bien qu’offrant une protection remarquable à la cargaison qu’il contient, le
conteneur, lorsqu’il a été mal empoté ne peut lui épargner les violents efforts qui s’exercent
longitudinalement et transversalement lors de la traversée maritime ou des manutentions. Les
dommages peuvent également être liés à une mauvaise température, à l’absence de calage ou
d’un placement défectueux de la marchandise à l’intérieur du conteneur.
Le chargeur peut ensuite commettre une faute lors des déclarations ou informations
qu’il donne au transporteur pour établir le connaissement. Pour la doctrine, l’obligation de
sincérité du chargeur ne doit pas se confondre avec l’obligation de véracité122
.Mais il demeure
que si le chargeur a sciemment fait des déclarations mensongères ou fausses, il devra répondre
des conséquences. Il peut par exemple s’agir pour le chargeur de ne pas préciser au
transporteur que la marchandise est de nature dangereuse afin que celui-ci puisse prendre des
mesures de sécurité nécessaire ou alors de déclarer la marchandise comme étant de la ferraille
alors qu’il s’agit des pièces de rechanges automobile. La faute ainsi constitué, le chargeur doit
une réparation intégrale.
2) La sanction de la faute du chargeur
Lorsque la responsabilité du chargeur est avérée, la sanction qui intervient est sévère.
Ne bénéficiant pas des faveurs accordées au transporteur, le chargeur doit verser une
réparation intégrale en fonction des dommages occasionnés. A l’égard de l’ayant droit aux
marchandises123
, le chargeur doit réparer intégralement le dommage subi par les
marchandises. Les autres propriétaires de marchandises pourront également réclamer une
réparation au chargeur des marchandises causes de l’évènement qui a endommagé leur
cargaison. Ceux-ci pourront fonder leur action contre le chargeur fautif sur les dispositions de
L’article 1382 du code civil voire sur celles de l’article 1384 alinéa 1 du code civil sauf à
120
CA. Aix-en-provence, 24 févr. 1960, BT 1960, p. 295
121
CA Paris, 13 déc. 1976, BT 1977, p143
122
Bonassies et Scapel., Droit Maritime, p 666, n°1041
123
Quand le chargeur n’est pas en même temps propriétaire des marchandises
34. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
34
prouver la faute du chargeur en cas d’incendie né dans les marchandises en cause124
. Lorsque,
et c’est le cas le plus fréquent, le chargeur s’expédie à lui-même les marchandises125
et qu’il
commet des fautes préjudiciables envers les marchandises, il les supportera seul. Afin d’éviter
pareilles déconvenues, le chargeur fait généralement appel à des intermédiaires dont la
responsabilité varie en fonction de son statut.
B- LA RESPONSABILITE DES INTERMEDIAIRES DE TRANSPORT
En confiant à un professionnel averti la charge des opérations de transport, le chargeur
se met un peu à l’abri de certaines tribulations. L’intermédiaire doit donc s’assurer de la
bonne exécution des ses obligations sinon il verra sa responsabilité engagée. Toutefois, cette
responsabilité sera fonction de la marge de manœuvre que lui aura laissé son donneur d’ordre.
Ainsi sa responsabilité varie en fonction du fait qu’il agit en son nom propre (1) ou selon les
ordres du chargeur (2)
1- La responsabilité de l’intermédiaire agissant selon les ordres du
chargeur
Si le chargeur souhaite garder une main mise sur les opérations de transport,
l’intermédiaire de transport qui ne sera alors dans ce cas qu’un transitaire agira dans le cadre
des ordres du chargeur. A cet effet, les dommages qu’auront subis les marchandises ne
relèveront pas de sa responsabilité. Donc il n’est pas responsable des pertes, avaries et retard à
la livraison quand il a suivi scrupuleusement les instructions du chargeur. Aucune
présomption ne pèse sur lui, le transitaire n’est responsable que de sa faute personnelle
prouvée126
. Cette faute peut résider dans une violation des obligations générales ou
particulières qui sont mises à sa charge127
. Dans cette hypothèse, l’action contre le transitaire
se prescrit dans un délai de deux ans. Il doit verser une réparation intégrale correspondant à
l’intégralité du dommage. Toutefois, le transitaire peut limiter sa responsabilité à une somme
déterminée à condition qu’une pareille clause ait été connue et acceptée par le mandant128
.
Mais cette limitation cesse en cas de faute lourde du transitaire. Constitue une telle faute, le
fait d’avoir loué un engin qui ne comportait pas les équipements nécessaires, de stocker à l’air
124
Bonasies et Scapel, op. cit..
125
C’est le cas par exemple d’une société mère qui expédie des marchandises à une de ses représentations
126
Rodière, traité général de droit maritime, t. III, n°919.
127
V., lamy transport , t. 2, n°265 et s.
128
Cass. Com., 29 févr.2000, n°95-17.400, lamyline.
35. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
35
libre, en période de pluie, une marchandise particulière sensible à l’humidité simplement
bâchée et en contact direct avec le sol, de perdre des documents essentiels à l’exécution de sa
mission reçus de son mandant.
Il arrive également qu’un transitaire fasse appel à des tiers pour l’exécution de tout ou
partie de sa mission. En tant que mandataire, le transitaire répond des fautes de ces tiers
chaque fois qu’il apparaît que la substitution a été opérée sans l’autorisation, tacite ou
implicite, de son mandant129
. Lorsqu’il ressort au contraire des documents de la cause ou des
circonstances de fait qu’il avait reçu pouvoir de ne pas accomplir lui-même les opérations
objet de son mandat, le transitaire ne répond pas des fautes de ses substitués, à moins que
celui dont il avait fait le choix soit notoirement incapable ou insolvable130
. La portée de la
responsabilité de l’intermédiaire est différente lorsqu’il agit en son nom propre.
2- La responsabilité de l’intermédiaire agissant en son nom propre
Lorsqu’il agit en son nom propre, l’intermédiaire est un commissionnaire de transport.
Tenu d’une obligation de résultat, sa responsabilité est donc à la base identique à celle du
transporteur131
. Dans la cadre de cette obligation de résultat, le commissionnaire assure une
double responsabilité : de son fait personnel et du fait des ses substitués.
Le commissionnaire répond de tout dommage subi par la marchandise ayant pour
origine directe soit une faute matérielle personnelle, un manquement à l’un de ses devoirs
généraux, soit une absence totale de faute ce qui est par exemple le cas, lorsque l’origine du
dommage est inconnue132
. Il engage également sa responsabilité pour n’avoir pas sauvé le
commettant de la forclusion ou tout simplement, pour n’avoir pas fait suffisamment diligence
dans l’exécution de sa mission. Il ne peut s’exonérer par avance, mais la validité d’une telle
clause n’est pas contestée sauf s’il s’est rendu coupable d’un dol ou d’une faute lourde.
Le commissionnaire répond de toute la chaîne de transport, ainsi est-il responsable du
fait de ses substitués. Il est garant de tous les intermédiaires et prestataires de services
auxquels il fait appel pour réaliser le déplacement de la marchandise133
. Cependant, il ne peut
être plus responsable que ses substitués ne le sont légalement. C’est un principe fondamental.
En plus, lorsque ses suivants lui ont été imposés par le donneur d’ordre, il ne peut plus
129
CA Paris, 6 févr.1986, lamyline.
130
Lamy transport, t. 2, 2007, n° 275.
131
Lamy, tome 2, 2007, n°98 et 1132 et s.
132
Le doute joue donc contre lui, Alter, M., préc., p163.
133
MERCADAL, B., Droit des transports terrestres et aériens, p 34, n°45
36. La protection des marchandises en droit des transports maritimes
36
endosser leur responsabilité134
. En ce qui concerne l’indemnité due par l’intermédiaire, le
principe est celui de la réparation intégrale de l’ensemble des éléments du dommage. Ces
éléments englobent aussi bien le dommage matériel que le trouble commercial, le bénéfice
manqué, le préjudice moral. Mais ce principe de réparation intégrale se trouve tempéré par un
certain nombre de limitations légales d’indemnités applicables à ses substitués, il lui est, en
outre loisible de circonscrire conventionnellement sa responsabilité. Cette limite
conventionnelle, pour être valable doit toutefois être connue par le cocontractant du
commissionnaire135
. Malgré toutes les précautions prises de manière préventives et curatives,
des lacunes encore nombreuses subsistent et ne permettent pas aux marchandises de
bénéficier d’une protection efficace.
134
CA Riom, 11 mars 1998, La Routière c/Michelin, BTL 1998 p. 362
135
Cependant, en 1996 un arrêt de la cour de cassation française arrêt Banchereau c /Chronopost , a décidé qu’en
matière de retard lorsqu’il y a manquement à l’obligation essentielle de l’intermédiaire la limitation
conventionnelle était réputée non écrite