2. BIOGRAPHIE
François Rabelais est né à La Devinière, près de Chinon
vers 1494.
Son père est avocat et sénéchal de Lerné. On ne sait rien
de son enfance ni de sa jeunesse. Il reçoit une éducation
qui le conduit, sans vocation, à l’état monastique et il
commence ses études à l’abbaye des bénédictins de
Seuilly. En 1510, il devient novice au couvent de la
Baumette, près d'Angers, puis prêtre et frère franciscain
(moine). Il étudie des langues anciennes : latin, grec et
hébreu. Rabelais constitue avec quelques érudits locaux un
petit groupe d’humanistes, qui lisent les textes anciens et
sont en correspondance avec Guillaume Budé.
3. Il publie Pantagruel, sous le pseudonyme d’Alcofribas
Nasier. En 1533, Pantagruel est condamné par la Sorbonne.
Sa réputation de médecin lui vaut la protection de l’évêque
de Paris, Jean Du Bellay, futur cardinal.
Rabelais quitte Lyon et il part pour Rome en 1534 avec
Jean du Bellay. Il fait des recherches en botanique, en
pharmaceutique, en archéologie.
De retour en France, il a publié, La Vie très horrifique du
grand Gargantua, père de Pantagruel. L’ouvrage est
condamné et Rabelais retourne en Italie en juillet 1535 avec
Jean du Bellay. Il parvient alors à faire régulariser sa
situation auprès du pape, ce qui lui permet de poursuivre en
même temps son activité de médecin et sa fonction de
prêtre. Il obtient l'affectation au monastère bénédictin de St-
Maur-des-Fossés.
5. En 1537 il est docteur en médecine. De 1539 à 1541 il
serait à Turin avec Guillaume du Bellay, seigneur de
Langeais ; il est à son service jusqu’à la mort de Du Bellay,
en 1543.
En 1546 il publie le Tiers Livre à Paris. En 1548 est publié la
première rédaction du Quart Livre ; Rabelais est à Rome au
début de cette même année.
En 1551 il obtient la cure de Meudon et cette même année
ses ouvrages figurent sur la liste des livres condamnés par
la Sorbonne.
Malade, Rabelais résigne ses deux cures, Saint Martin de
Meudon et Saint Christophe du Jambet (diocèse du Mans).
Il meurt le 9 avril 1553 à Paris et il est enterré au cimetière
Saint-Paul.
6. OEUVRE
Rabelais est un des grands écrivains français. Il est
également admiré comme légiste et médecin. Il a ainsi édité
les Aphorismes d’Hippocrate. Dans sa vie et dans son art, il
doit beaucoup à Érasme, à qu’il adresse une lettre célèbre.
Les livres de Gargantua et de Pantagruel ont inquiété les
censeurs, mais Rabelais avait de puissants protecteurs,
dont Jean du Bellay, évêque de Paris, le seigneur de
Langey, Marguerite de Navarre, ses deux rois et, enfin, le
cardinal Odet de Châtillon, futur anglican, qui a encouragé
Rabelais à écrire son Quart Livre, où il se montre
particulièrement anti-papiste.
7. Rabelais associe une profonde érudition humaniste avec
une joyeuse exploitation de la littérature « vulgaire »
appréciée à la cour et par un large public.
Lui qui avait, comme franciscain, traduit des ouvrages de
Lucien, devient le « Lucien français ».
En tant que médecin, il est sûr que le rire est thérapeutique.
LES APHORISMES
D’HIPPOCRATE, 1532
8. “PANTAGRUEL”
Pantagruel est le livre où nous rencontrons Panurge, (le
panourgos, le fourbe, l’inventeur d’innombrables tours de
Villon), des contes et la comédie des signes. Pantagruel est
présenté, avec un sourire, comme le successeur d’un livret
sans aucune prétention littéraire, Les Grandes et
inestimables Croniques de Gargantua, mais Rabelais
emprunte pour l’editio princeps la page de titre qui figure sur
des livres de droit publiés, comme Pantagruel, à Lyon. Des
scènes se passent dans l’Utopie de Thomas More. Le rire y
est en partie un rire de Mardi-gras, provoqué par une
parodie des Écritures saintes. Le premier chapitre, qui nous
montre l’ancêtre de Pantagruel assis à califourchon sur
l’arche de Noé, s’inspire de Lucien et des Pirkei de Rabbi
Eliezar ouvrage qui n’était pas encore traduit de l’hébreu.
L’humanisme y est représenté par la lettre de Gargantua.
L’évangélisme domine la prière de Pantagruel devant la
bataille contre Loupgarou
10. “GARGANTUA”
Guargantua (1535 ou 1534) est plus nettement humaniste :
il commence avec une allusion au Banquet de Platon et
s’adresse à un public éduqué vivant à la cour. Ce livre est
comme Socrate un silène, car son extérieur grotesque
cache un « divin » savoir. Gargantua, mal éduqué par un
père rustre et par deux théologiens de la Sorbonne, est
guéri de sa folie par « un sçavant médicin » et devient un
chevalier de la Renaissance. La guerre picrocholine,
influencée par Lucien et par des souvenirs d’enfance de
Rabelais à La Devinière, est un chef-d’oeuvre, tournant en
ridicule l’empereur Charles Quint. Nous y rencontrons « Le
Moyne » - Frère Jean, - parmi les plus réussis des
personnages comiques de tous les temps : il devient l’abbé
de Thélème (de l’Arbitre) où jeunes aristocrates humanistes
et évangélistes, des deux sexes, persévéreront, en dépit
des persécutions, « jusques à la fin ».
12. “LE TIERS LIVRE DE PANTAGRUEL”
Le Tiers Livre de Pantagruel (1546), dédié àl’esprit de
Marguerite de Navarre, est dominé par le Droit, et suit
Lucien en combinant discours philosophiques et comédie.
Sous le thème d’un mariage possible de Panurge,
Pantagruel, métamorphosé en un géant de l’esprit, aborde
le problème du vouloir et des décisions, surtout dans les
«cas perplexes», reconnus humainement insolubles par le
droit romain. Il s’agit du plus difficile de ses livres, qui atteint
le sommet de la comédie philosophique.
13. (Page de titre de la 1ère
édition du Tiers Livre, 1546,
avec la nouvelle présentation
"humaniste" des ouvrages de
Rabelais.
L'interdiction en bas de page
stipule que le livre ne doit pas
sortir de la bibliothèque,
conformément à la règle
cliché Bibliothèque nationale
de France)
14. “LE QUART LIVRE”
Dans le Quart Livre de 1551, Rabelais change de direction
sous l’influence des oeuvres de Celio Calcagnini et se fait
mythologue. S’inspirant de Plutarque, de Luther, des récits
des voyageurs, du Cratyle de Platon et, toujours, de Lucien,
Rabelais, dans un esprit « shakespearien » mélange
profondeurs religieuses et philosophiques avec la comédie
la plus pure. Sûr de la protection du cardinal de Châtillon et,
paraît-il, de Henri II, Rabelais se sent libre. Pantagruel, sage
doué d’un génie socratique, garde son rire pour la fin du
livre : dans la dernière page publiée par Rabelais avant sa
mort, Pantagruel, au nom de Dieu et de la pureté, rit aux
dépens d’un Panurge qui incarne la peur servile, la
superstition et la scatologie.
15. INFLUENCE DANS LA LITTÉRATURE
L’ Index du concile de Trente condamne Rabelais comme «
hérétique de la première classe » et, depuis sa mort jusqu’à
l’édition du Sphère de 1666, il ne sera publié en France que
sous de fausses adresses typographiques. Mais tout le
monde le lit, l’appréciant comme le Démocrite et le Lucien
français. Il est apprécié aussi pour les richesses de sa
langue qui puise dans le grec, l’italien, les patois français,
des langues techniques de la médecine, du droit, de
l’agriculture et des métiers.
16. Théodore de Bèze s’étonne de la profondeur du Rabelais
comique. Voltaire le juge « quand il est bon, [...] le premier
des bouffons ». Chateaubriand le range, avec Homère,
Dante et Shakespeare, parmi les « génies mères » qui «
semblent avoir enfanté et allaité tous les autres ». Rabelais
avait « créé les lettres françaises ; Montaigne, La Fontaine,
Molière viennent de sa descendance ». Flaubert le classe
avec Homère, Michel-Ange, Shakespeare et Goethe. On
ajoutera Honoré de Balzac, James Joyce et Alexandre
Soljenitsine.
17. Son influence est souvent discrète mais non moins
pénétrante. On la voit à l’oeuvre chez Francis Bacon,
Voltaire, Diderot, le Laurence Sterne de Tristram Shandy,
Jonathan Swift, le Charles Kingsley des Water Babies,
Anatole France et tant d’autres. Proust y fait allusion dans
Sodome et Gomorrhe. Georges Perec le mentionne dans le
« Postcriptum » de La Vie Mode d’emploi. Shakespeare
était capable d’écrire des scènes entières en français : il est
peu concevable qu’il ne l’ait pas lu. On compare le naufrage
de La Tempête à l’orage du Quart Livre.
SHAKESPEARE
18. Rabelais, traduit en plusieurs langues, dont l’allemand et le
russe, est lu partout dans le monde civilisé. Pour le
Canadien Robertson Davis, il est le meilleur des
Humanistes.
Le 8 mai 2002, le Guardian de Londres a dressé la liste des
cent meilleurs ouvrages littéraires de tous les temps.
Homère, Dante, Shakespeare, Montaigne et Cervantes y
figurent à côté, bien sûr, de Rabelais.