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L’ATTRAIT
du MONDE
Textes, poèmes et photos
De 2012 à 2019
Maryse DURAND
Résidant à, Navas(Gard)
2
A ma fille ADOUR…
3
AVANT-PROPOS
Je suis née à Dijon, dans un milieu modeste. Irrésistiblement attirée par la magie que
semblaient contenir les livres qui m’environnaient, j’ai su lire à 4 ans.
C’est vers l’âge de 7 ans que je fis une « rencontre » décisive. La maîtresse nous avait
fait apprendre une petite poésie « Le noël des orphelines ». C’était en fait un extrait d’un
poème « Les étrennes des orphelines » qu’Arthur Rimbaud a écrit lorsqu’il était très jeune.
Ce petit poème a eu un impact considérable sur mon subconscient, ça m’a marquée à vie !
J’ai eu un autre coup de foudre littéraire à la lecture de textes de Colette, des extraits
des « Vrilles de la vigne » surtout. Lus et relus, comme les poésies de Rimbaud que j’ai
amenées partout, dans le train, le bus, le métro ou en auto-stop, dans la valise ou le sac-à-
dos…
Depuis, j’ai rencontré bien d’autres écrivains et poètes qui m’ont suivie de très près, à
diverses époques de ma vie : Baudelaire, Verlaine, Prévert et plus tard François Villon, sans
oublier d’autres, moins connus, mais tout aussi proches de moi.
Toutes ces rencontres réunies m’ont poussée à prendre la plume, à coucher amoureusement
des mots sur le papier. Mais peu de gens comprennent que l’on puisse se passionner
tellement pour l’écriture. A ceux qui, encore et toujours, me demandent : « Pourquoi tu
écris ? Tu veux sortir un roman ? Je réponds :
POURQUOI ECRIRE
Ecrire pour laisser une trace,
Pour retenir le temps qui passe ;
Ecrire pour planter le décor,
Pour conjurer le mauvais sort ;
Ecrire pour décrire la misère,
Pour repousser les frontières ;
Ecrire dans les moments de doute,
Pour pouvoir continuer la route ;
Ecrire pour tendre la main,
4
Pour ensoleiller des lendemains ;
Ecrire pour éviter le pire,
Pour faire naître un sourire ;
Ecrire pour passer le relais,
Pour dévoiler quelque secret ;
Ecrire pour jeter des ponts,
Pour inscrire quelque part son nom ;
Ecrire pour les générations futures,
Ou pour panser quelque blessure…
Ecrire pour rester en vie,
Malgré les souffrances et les cris !
Dans cet ouvrage, j’ai voulu présenter uniquement des textes et poèmes qui expriment
ma soif de voyages, mes rencontres avec d’autres peuplades, mon attrait pour l’autre, pour
l’ailleurs, pour d’autres cultures. Tellement enrichissant ! Merci à l’association IDEA’NIM, pour son
appui technique à la réalisation de cet ouvrage. Maryse Durand.
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1. L’attrait du monde
Préparer un nouveau voyage,
Répondre à l’attrait du monde,
N’emporter dans ses bagages
Qu’un soupçon d’humeur
vagabonde.
S’élancer avec la fougue de
la jeunesse
Sans but précis, porté par
le vent,
Emplir son être, avec ivresse,
De l’intensité de chaque
instant.
Traverser, tous sens en
éveil
Des matins noyés de flou
évanescent,
Des après-midi gorgés de
soleil,
Des crépuscules étincelants.
Et de forêts tropicales
En déserts chimériques,
D’aurores boréales
En mirages elliptiques,
Vivre au rythme nonchalant
Des caravanes traversant les dunes,
Ou des barques évoluant
Silencieusement sous la lune.
Mai 2017
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2. COMME SUR UN TAPIS VOLANT
O comme odeur : l’une d’elles vient à passer, et c’est tout un monde qui ressurgit !
La dernière fois, c’était en octobre dernier. J’arpentais à nouveau un dédale que j’apprécie tout
particulièrement, celui des souks. C’était en Espagne, à Grenade, mais je me revoyais à
Marrakech, portée par toutes ces odeurs, ces couleurs. Les mêmes alignements de plateaux en
cuivre, de narguilés, les mêmes tapis étendus à perte de vue,
les sacs et bourses en cuir. Odeurs de teinture, odeurs de
laine, odeurs de cuir. Les sempiternels empilages de
babouches, pour monsieur, pour madame, pour enfants,
ouvertes ou fermées, avec ou sans semelles ou talons.
Odeurs, odeurs…
Les bracelets, les boucles d’oreilles, les mains de Fatima, les
colliers, jolis scintillements… Les miroirs, sertis d’os ou de
métal, objets de pacotille ou reflétant un savoir-faire
ancestral, tissus chatoyants, coffrets en bois sertis de nacre,
instruments pour musique orientale…
La foule me porte ici, et puis là, j’arrive au quartier des
épices, entassées en forme de cône : safran, curcuma, cumin
oriental, paprika, curry, roses séchées, il y en a pour tous les
goûts, pour le nez, mais aussi pour les yeux. Quel régal !
Toutes et tous s’affairent, les marchands promettent la bonne affaire, il va falloir encore et
toujours marchander ; et repartir avec l’illusion d’avoir eu un bon prix, alors que le marchand,
lui, se frotte les mains derrière son dos.
Eh oui ! C’est tout un petit monde, avec son folklore, son rituel. J’oubliais le principal :
l’odeur qui règne par-dessus tout ce petit monde là, universelle, reconnaissable de suite : celle
de l’encens qui brûle un peu partout, mêlée à celle du musc. Dès que cette odeur croise mon
chemin, je me revois…
Avril 2012
Mes yeux
s’emplissent de tout
cela ! Chaque
échoppe propose à
peu de choses près
les mêmes choses
que les autres
échoppes, alors
comment choisir ?
Pourquoi achète-t-on
ici plutôt qu’à côté ou
en face ? Les souks
sont pleins de
mystères.
8
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3. DESTINATION AILLEURS
Allez, viens, je t’emmène
Vers une destination lointaine.
Ni boussole, ni compas ou sextant,
Sans GPS, juste au gré du vent.
Laissons-nous doucement dériver,
Entre terre et mer emportés.
Ecouter le brame de l’orignal
Au cœur des forêts boréales,
Et la mélopée des baleines
Qui ressemble au chant des sirènes.
Volontaires naufragés,
A nous seuls abandonnés.
Respirer mille exotiques parfums,
Eclaboussés par les embruns
D’une mer qui nous bercerait
Et saurait garder nos secrets.
Naufragés volontaires,
Seuls enfants sur la Terre.
Allez, viens, je t’emmène
Pour un voyage au long cours,
Prenons dès cette semaine,
Un départ, sans date de retour.
Mai 2016
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M on ami, mon frère, laissons-nous emporter
Sur l’aile d’un parfum, au jardin des délices.
Laissons la brise nous bercer,
Allongés, alanguis, sans le moindre artifice.
Glissons-nous dans cet espace hors du temps.
Restons blottis au creux d’une ombre complice,
A l’abri des tourmentes et des vents
Porteurs de sombres maléfices.
Et rêvons ! A de lointains rivages,
A des lendemains rieurs,
A des ciels sans nuages,
A des collines aux mille senteurs !
Approchons-nous du bassin
Qui, plus loin, chuchote et babille,
Et écoutons l’éternel refrain
De l’eau aux reflets qui scintillent.
Là-bas, dehors, tout n’est que bruit et fureur,
Alors goûtons encore, pour quelques heures,
Le ravissement d’un ilot enchanteur,
L’illusion d’un monde meilleur.
juin 2016
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5. VALLEE DES ROSES
De canyons en champs de blé,
Au long d’une rivière serpentine,
Bordée de rochers colorés,
La Vallée des Roses se décline.
Ruisseaux traversés à gué,
Au rythme du pas des mules ;
Un bivouac sous un ciel étoilé,
Après le feu du crépuscule.
Villages aux kasbahs majestueuses,
Accueil de femmes en leur logis
Jalonnant des ruelles tortueuses,
Elles déroulent pour nous leur tapis.
De thés en thés partagés,
L’amitié tisse sa toile ;
De gestes en sourires échangés,
Un charme ancestral se dévoile.
Je pars, mais j’emporte avec moi
Des chants, des danses, des sourires ;
Je les retrouverai chaque fois
Que j’explorerai mes souvenirs.
mai 2016
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6. ESSAOUIRA
Essaouira,
Tu te la joues nana,
Tout au long de tes skalas,
Dans ta secrète médina.
On peut tout le jour
Suivre le guide,
Arpenter ton pourtour
Dans une douceur languide.
Essaouira,
Tu laisses au compte-gouttes tes délices
Nous secouer de haut en bas,
Tu fais de nous tes complices.
Dans ton port claquent les voiles,
Et ils s’en vont les chalutiers,
Partent sans la moindre escale
Sur la route des baleiniers.
Essaouira,
On voudrait toujours refaire le film,
Un nouveau Casablanca
Qui nous mène à la dérive.
Et l’on n’oubliera pas le chant
Encré dans nos souvenirs,
Des mouettes et des goélands
Qui nous invitent à revenir.
novembre 2017
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7. L’appel de l’Orient
Un parfum de musc qui flânait par là
M’a soudain propulsée au loin, là-bas.
J’évoluais lentement dans un dédale
Parmi les marchands et leurs étals,
Profusion de fruits, de fleurs, de légumes,
Sur un tissu posé à même le bitume.
Le souk me happait, empli de mystère,
De cris, d’échos, de vive lumière.
Ici règnent l’opulence et la démesure :
Etoffes couleur de feu côtoyant les dorures
De mille lanternes, étoiles mutines,
Chemin lumineux qui fascine.
On se sent saisi de langueur,
Le temps s’abolit dans les senteurs
Chaudes et envoutantes des épices,
Et l’on se laisse dériver avec délice
Au gré des ruelles serpentines,
Chèches indigo, tapisseries sanguines.
Instants dorés, par un fil suspendus,
Dissouts dans le flot ininterrompu
De la foule affairée, aspirée par vague,
Remplacée aussitôt par une autre vague
Qui me pousse malgré moi dans une rue,
Changement de décor, visages inconnus.
Mais à peine s’était éloigné le parfum
Que s’inscrivait dans mon rêve le mot : fin !
Que me reste-t-il de l’orient aperçu ?
L’ombre d’un parfum et d’un coin de rue…
Mai 2017
14
8. TERRE des MAURES
Dans le brouillard ocre semblent se détacher
Sur fond de collines roses tremblotantes,
Les ombres bleues des Maures, silhouettes animées
Aux gestes lents, amples, empreints de majesté.
Après le rituel du repas, la cérémonie du thé,
Suivie de chants, étranges mais beaux
Qui montent à l’assaut des dunes
Et retombent, majestueux, dans la poussière dorée.
Alors que le ciel vire du mauve à l’indigo,
Le paysage se précise. Un univers minéral :
Roches acérées, tumulus, édifices fragiles,
Châteaux rongés de ruine, tours fantomatiques
Qui connurent des temps meilleurs.
Mais le sable recouvre tout d’un velouté trompeur.
Partout, alentour, on sent la présence diffuse des bêtes.
Parfois, un cri assourdi évoquant leur quête de pluie
Nous plonge brusquement dans une profonde nostalgie,
Loin de cette terre aux frontières incertaines.
Mais déjà la caravane s’organise et quitte le camp
Dans le frémissement visible de l’air.
Et l’on perçoit longtemps dans un halo blanc
Une bande bleue qui s’étire, lointaine,
Comme un pointillé géant.
Les dunes semblent dériver sous la lune,
Des oiseaux nocturnes glissent dans un bruit de soie,
Ode à cette terre des songes,
Comme une fugue saharienne,
Que nous retrouverons au gré de nos errances
Juillet 2016
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9. PORTEUSES D’EAU
Elles vont, légères et pleines d’allant,
Dans le crissement soyeux des saris,
Les lainages bruts des plateaux afghans,
Ou dans des cotonnades chamarrées du Mali.
Silhouettes sculpturales au port altier,
Ondulation des corps allant d’un pas léger,
Gestes ancestraux, postures bibliques,
Réincarnation de prêtresses antiques,
Dans le calme suprême et l’harmonie tranquille,
Elles se meuvent dans des décors d’argile.
Du logis jusqu’au puits,
Du puits jusqu’au logis,
Acheminer l’eau, tâche répétée
De nombreuses fois dans la journée,
Depuis des siècles. Poids des eaux,
Des jarres, des calebasses, des seaux,
Poids des ans. Mais bientôt, à nouveau,
Une autre viendra, reprendra le flambeau ;
Emanation de légèreté et de grâce,
Au fil des jours s’inscrira la trace
De ces femmes à la démarche dansante,
Telles des ombres doucement mouvantes.
Février 2017
16
10. PEUPLES des DUNES
Ils se déplacent au rythme des troupeaux,
D’un point d’eau à un autre point d’eau.
Ils n’ont pour horizon que les ors des sables
Se détachant sur un ciel saharien.
La tente en peaux de bêtes pour décor
quotidien,
Avec, entre les êtres, une tendresse palpable.
Les femmes ont pris des roses la grâce ;
Leur pas léger fait tinter leurs bracelets,
Bijoux soulignant leur finesse et leur beauté.
Leurs voilages laissent derrière elles une trace
A peine perceptible. Un charme ancestral
Emane de leur silhouette au port royal.
Les hommes ont pris des fauves la force,
Et des arbres tortueux la rudesse de l’écorce.
Ils connaissent les routes qui mènent aux puits,
Et savent lire le ciel étoilé de minuit.
Il leur faut, chaque jour, guider la caravane,
Repartir, très tôt, dans la petite aube diaphane.
Leurs langages, à la fois doux et gutturaux
Sonnent comme des chants, étranges et
pourtant beaux,
Leurs gestes sont empreints de solennité,
Après le rituel du repas, la cérémonie du thé.
Ils vivent en osmose avec leur pays, le désert,
Ignorant toute frontière,
Et traversent la vie, auréolée de mystère.
Février 2017
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11. L’ADIEU AU DESERT
Nous quittons à présent cette terre,
Aride, immense, cruelle,
Et pourtant belle,
Celle que l’on nomme désert.
Nous n’entendrons plus
Ces langages, doux et gutturaux,
Qui sonnent comme des chants,
Etranges et pourtant beaux.
Nous ne sentirons plus
La présence diffuse des bêtes
A l’allure fière et hautaine,
En quête de présence humaine.
Au loin les caravanes s’étireront,
Bandes bleues dans un halo blanc,
Traversant lentement l’horizon
Comme un pointillé géant.
Le corbeau, une dernière fois,
Virera de bord sur son aile,
Comme pour un dernier clin-d’œil,
Et s’éloignera à tire-d’ailes,
Nous laissant brusquement un peu
seuls.
février 2017
18
12. LA PARENTHESE TANT
ATTENDUE
Les cris des marchands se sont tus,
Le silence a envahi les rues,
Et l’on perçoit seulement
Le bruit des vagues se fracassant
Inlassablement.
Vivre un autre décembre,
Dans les parfums du musc, de l’ambre,
Loin des froidures et des frimas,
Arpenter la plage d’Essaouira,
Une dernière fois.
Boire encore un thé au safran,
Auréolée de tissus chatoyants
Débordants de coffres sertis de nacre,
Oublier un instant l’odeur âcre
Du proche océan.
Couleurs déclinées à l’infini,
Bleu indigo, lapis-lazuli :
Lanternes allumées dans la nuit
Comme autant d’étoiles mutines,
Chemin lumineux qui fascine.
La parenthèse tant attendue
Se referme sur l’orient entr’aperçu.
L’avion s’élève au-dessus des nuages,
Il est temps de tourner la page,
Mais mon cœur erre sur la plage.
Décembre 2015
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13. LE SUD
On dirait le Sud… un enfant joue sur une terrasse qui sert de toit à la maison du dessous. On entend l’appel
déchirant d’un âne qui s’exprime dans le lointain. Les champs sont baignés de lumière, écrasés de chaleur, et des
chemins, monte une poussière dorée qui se perd dans l’azur implacable de ce ciel d’été.
C’est dans ce décor de carte postale que j’ai échoué, navigatrice sans cap ni voile. J’ai envie de flâner par ces
champs, emplis de milliers d’insectes bourdonnants, m’immerger dans le paysage, dans le sillage d’un labeur
ancestral : travailler la terre, récolter les fruits, nourrir sa famille, semer du bonheur… J’avance parmi les
chants d’oiseaux, parmi les senteurs qui montent de la terre, je ferme les yeux pour mieux m’en pénétrer, juste avec
le cœur…
On dirait le Sud, le temps dure longtemps, et qui sait ? L’aventure est peut-être à deux pas, à portée de main…
Un chemin, lumineux prélude à la découverte… rien ne me retient ! L’âne s’est tu. Le concert des cigales comme
toile de fond, j’avance, sans voile ni cap, j’avance vers mon destin.
Juillet 2017
20
21
14. LES FEUILLETS DU SUD
Ils nous conduisent, de terrasse en terrasse, parmi la poussière et les rumeurs de la ville : marchands clamant
leurs marchandises, tintement des clochettes de quelques troupeaux se hâtant parmi les ruelles vers leur bergerie
respective…
Ou dans les champs emplis de senteurs épicées : thym sauvage, origan, fenouil, romarin, autour desquels
virevoltent des myriades de papillons dans un ballet silencieux, ou bien quelques abeilles bourdonnantes, affairées,
en quête de nectar.
Par-ci par-là, on entend un âne braire, ou, au loin, l’appel du muezzin à la prière. Le soleil nous réchauffe ou nous
écrase, mais quelques pages plus loin, nous goûtons la délicieuse fraîcheur dispensée par un figuier au feuillage
odorant, ou un olivier tortueux planté à la croisée des chemins…
Chemins qu’empruntent des personnages attachants, façonnés par la rudesse de ces paysages parmi lesquels ils
évoluent, travaillent, luttent, prient, espèrent, se réjouissent… Parfois ils peinent, parfois ils dansent, au son
d’instruments typiques de leur pays, rythmes méditerranéens ou orientaux. Et nous peinons, et nous dansons avec
eux, force de l’évocation par les mots d’atmosphères, de lieux, de situations.
Merci à tous ces gens de plume, écrivains, poètes, flammes de l’esprit, esprits pleins de flammes, de nous
transporter là-bas, où que ce soit. On dirait le Sud…
juillet 2017
22
15. LE TOUR DU MONDE
Et si nous entrions dans la ronde,
Celle qui mène aux confins,
Au bout du bout de la mappemonde,
Qu’en garderions-nous à la fin ?
« Faire » le tour du monde,
Partir, sans penser au lendemain,
S’embarquer dans la nuit profonde
Pour mieux s’ensoleiller demain.
« Si tous les gars du monde
Voulaient se donner la main »
La vie deviendrait plus féconde,
Nous ne connaîtrions plus la faim.
L’humeur buissonnière et vagabonde
Nous sauterions à pieds-joints
Dans les flaques pour qu’elles inondent
Les prés et les champs des voisins.
Les déserts changés en prairies blondes,
Nous verrions dans le sourire des gamins
Une joie de vivre profonde,
Un bonheur universel certain.
Enrichis d’autres cultures,
De visages, de gestes, de sourires,
Prêts à repartir à l’aventure,
Pour emmagasiner d’autres souvenirs.
avril 2017
23
16. Engouement éphémère
Au royaume de la lumière,
Loin des villes et leur tapage,
Ignorant toute frontière,
Le vent sculpte le paysage.
J’ai tracé ton nom sur le sable
Et je l’ai remis au vent,
Au vent chaud, insaisissable,
Qui erre inlassablement.
Mais l’empreinte de tes pas
A disparu dans l’instant ;
La piste ne retient pas
Le souvenir des passants.
Au loin, par-dessus les dunes,
J’ai crié, scandé ton nom,
Mais je n’ai reçu pour fortune
Qu’un silence profond.
Je ne fus pour toi
Qu’un engouement éphémère,
Et l’écho de ma voix
S’estompe dans le désert.
Comme le sable coule de mes doigts,
S’efface le souvenir !
O toi que j’eusse aimé
Et que je n’ai pas su retenir !
mars 2016Participation au concours de poésies organisée
par le Sentier des Poètes », de St Saturnin,
2016.
Hérault, (34)
24
17. REVERIE SUR LES DUNES
Me voici à nouveau dans cet univers qui me correspond si bien, univers purement minéral,
émaillé de ci-de là de quelques petites plantes, de traces laissées innocemment par la faune
locale, symbole de la lutte pour la survie.
Je suis encore et toujours subjuguée par l’immensité de ce paysage, par les formes
féminines, douces, des dunes. Le graphisme des ondulations sculptées par le vent, celui de la
rare végétation, me laissent face à l’émerveillement de la création ; l’élégance de la ligne de
crête des dunes suscite immédiatement mon admiration et me bouleverse au plus profond.
Tous sens exacerbés, je me tourne vers l’horizon moutonné au loin. Loin, on voit loin, on
respire ! Je respire, je hume et m’imprègne de la grandeur des lieux. Oui, ici, on respire
« grand », avec l’impression au début que ça fait mal. Puis ça laisse la place au souffle…
Souffle de l’homme en prière, souffle de la vie !
Le vent joue dans le chèche du chamelier, assis sur ses talons, impassible. Le temps semble
arrêté. Je repense à tous ces gens que j’ai croisés, rencontrés de près, aperçus de loin. Aux
soins qu’ils me demandaient, confiants : un peu de collyre accompagné de conseils traduits
par le guide berbère. A ces méharées qui nous dépassaient, lentes mais déterminées, brefs
regards, sourires, gestes esquissés… avant de disparaître dans un dernier nuage de
poussière et laisser de nouveau place au silence… A leur vie, si différente de la mienne. Et
j’écris, je me sens poète. Quel autre moyen que la poésie pour évoquer ce peuple
majestueux, le peuple des dunes :
Ils se déplacent au rythme des troupeaux, d’un point d’eau à un autre point d’eau. Ils n’ont
pour horizon que les ors des sables se détachant sur un ciel saharien. La tente en peau de
bêtes pour décor quotidien, avec, entre les êtres, une tendresse palpable.
Les femmes ont pris des roses la grâce ; leur pas léger fait tinter leurs bracelets, bijoux
soulignant leur finesse et leur beauté. Leurs voilages laissent derrière elles une trace à peine
perceptible. Un charme ancestral émane de leur silhouette au port royal.
Les hommes ont pris des fauves la force et des arbres la rudesse de l’écorce. Ils connaissent
les routes qui mènent aux puits, et savent lire le ciel étoilé de minuit. Il leur faut, chaque
jour, guider la caravane, repartir, très tôt, dans la petite aube diaphane.
Leurs gestes sont empreints de solennité, après le rituel du repas, la cérémonie du thé. Ils
vivent en osmose avec leur pays, le désert, ignorant toute frontière, et traversent la vie,
auréolés de mystère.
Mon crayon glisse sur le papier pour tenter de ne pas oublier. Demain, il faudra dire adieu
au désert. Et je quitterai cette terre, aride, immense, presque cruelle, Et pourtant belle. Je
n’entendrai plus ces langages, à la fois doux et gutturaux, qui sonnent comme des chants,
étranges et pourtant beaux. Je ne sentirai plus la présence diffuse des bêtes, à l’allure fière
et hautaine, en quête de présence humaine.
25
Au loin les caravanes s’étireront, bandes bleues dans un halo blanc, traversant lentement
l’horizon, comme un pointillé géant.
Le corbeau qui accompagnait de près, de loin, notre progression, virera une dernière fois de
bord sur son aile, comme pour un ultime clin d’œil, et s’éloignera à tire d’ailes, me laissant
brusquement un peu seule.
Les dunes à présent semblent dériver sous la lune, des oiseaux nocturnes glissent dans un
bruit de soie. Dernier bivouac ! J’aimerais adresser une ode à cette terre des songes, comme
une fugue saharienne, que j’aurai plaisir à retrouver au gré de mes errances.
Juin 2019
Concours de récits de voyages, organisé par la Médiathèque du Vigan (Gard, 30) et par
l’association HASTA SIEMPRE, dans le cadre du Festival « La bas, vue D’Ici » 2019
26
18. VOYAGE, VOYAGE
Non, ce n’est pas tout-à-fait le Népal,
Mais les pentes abruptes du Toubkal,
Qui pourrait croire qu’en quelques secondes
On peur tutoyer le toit du Monde ?
C’est par ses ruelles, en flânant,
Que l’on découvre le mieux Taroudant,
Douillettement lovée au creux de ses remparts,
Laborieuse cité qui s’agite jusqu’au soir.
Mais déjà nous reprenons la route,
Celle qui nous mènera jusqu’à Tafraout,
Odeur de cuir dans toute la vallée,
Rochers tourmentés par le vent façonnés.
Sous un soleil de feu nous atteignons l’Atlantique,
Grenades, bananes, dattes, emplissent les boutiques.
Les surfeurs glissent sur les vagues inlassablement,
Imsouane, petit bout de terre indolent.
Nous roulons sur les traces des heureux hippies
Qui trouvèrent à leur goût ce coin de paradis,
Courant nus à l’ombre des palmiers géants,
Vivant de peu, comme à contre-courant.
Et nous voici dans la dernière ligne droite,
Retour à Marrakech, mais rien encore ne presse,
Traçons l’itinéraire d’une main maladroite,
Et enclenchons plutôt la petite vitesse.
Laissons-nous surprendre au détour d’un chemin,
L’aventure de la dernière chance n’est peut-être pas loin,
Une musique en tête, sur les lèvres un refrain,
« Voyage, voyage, et jamais ne reviens. »
Octobre 2016
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19. ON THE ROAD AGAIN
Pour endiguer la fuite des jours
Et faire de ma vie un jardin lumineux,
J’ai pris pour demain un billet sans retour,
J’ai semé les graines d’un avenir radieux :
Partir au hasard des routes
Avec l’horizon pour seule frontière,
Ne laisser aucune place au moindre doute,
Faire pour toujours l’école buissonnière.
Partager un repas à l’arrière d’une autoroute
Avec des voyageurs qu’on ne reverra plus,
Emprunter un chemin fuyant sous la voûte
Du ciel étoilé d’un pays inconnu.
Repartir au petit jour,
Ouvert aux rencontres de hasard,
Echanger, raconter son parcours,
Se comprendre d’un seul regard.
Errer au gré des carrefours
Poussé par l’envie du plus loin,
Avec une âme de troubadour,
Visiter le monde dans le moindre recoin.
Et d’aurores automnales
En crépuscules crépitants,
Danser voluptueusement au bal
De la vie, éternellement.
juin 2017
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20. TROPIQUES
Un mot qui fait rêver !
«O combien de marins, combien de capitaines »
Souvenirs de romans échevelés,
De contes enchanteurs, de rengaines,
Chants au doux parfum d’aventure,
Qui fascinaient, tenaient en haleine
L’enfant que j’étais, voyant son futur
Comme une course vers l’avant,
Chevaux crinières au vent,
Bateau filant de tout son gréement,
Pour accoster au rivage lointain
D’un pays radieux au climat tropical,
- Prisme trompeur, image d’Epinal ? –
Où l’on se déplacerait sur un tapis volant.
.
Octobre 2017
Combien donnerais-je, les
jours de grisaille
Pour me trouver là-bas,
pays étincelant,
Cancer ou Capricorne,
pourvu qu’il ne me faille
Refaire en sens inverse ce
long cheminement
29
TABLE
Avant-propos
- 1 L’attrait du Monde
- 2 Comme sur un tapis volant
- 3 Destination ailleurs
- 4 Au jardin des délices
- 5 Vallée des Roses
- 6 Essaouira
- 7 L’appel de l’Orient
- 8 Terre des Maures
- 9 Porteuses d’eau
- 10 Peuple des Dunes
- 11 L’adieu au désert
- 12 La parenthèse tant attendue
- 13 Le Sud
- 14 Les feuillets du sud
- 15 Le tour du Monde
- 16 Engouement éphémère
- 17 Rêverie sur les Dunes
- 18 Voyage, voyage
- 19 On the road again
- 20 Tropiques
Cet ouvrage a été réalisé avec le concours de l’association © IDEA’NIM
dans le cadre de ses actions« Dialogues interculturels et médiation»

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L attrait du monde

  • 1. 1 L’ATTRAIT du MONDE Textes, poèmes et photos De 2012 à 2019 Maryse DURAND Résidant à, Navas(Gard)
  • 2. 2 A ma fille ADOUR…
  • 3. 3 AVANT-PROPOS Je suis née à Dijon, dans un milieu modeste. Irrésistiblement attirée par la magie que semblaient contenir les livres qui m’environnaient, j’ai su lire à 4 ans. C’est vers l’âge de 7 ans que je fis une « rencontre » décisive. La maîtresse nous avait fait apprendre une petite poésie « Le noël des orphelines ». C’était en fait un extrait d’un poème « Les étrennes des orphelines » qu’Arthur Rimbaud a écrit lorsqu’il était très jeune. Ce petit poème a eu un impact considérable sur mon subconscient, ça m’a marquée à vie ! J’ai eu un autre coup de foudre littéraire à la lecture de textes de Colette, des extraits des « Vrilles de la vigne » surtout. Lus et relus, comme les poésies de Rimbaud que j’ai amenées partout, dans le train, le bus, le métro ou en auto-stop, dans la valise ou le sac-à- dos… Depuis, j’ai rencontré bien d’autres écrivains et poètes qui m’ont suivie de très près, à diverses époques de ma vie : Baudelaire, Verlaine, Prévert et plus tard François Villon, sans oublier d’autres, moins connus, mais tout aussi proches de moi. Toutes ces rencontres réunies m’ont poussée à prendre la plume, à coucher amoureusement des mots sur le papier. Mais peu de gens comprennent que l’on puisse se passionner tellement pour l’écriture. A ceux qui, encore et toujours, me demandent : « Pourquoi tu écris ? Tu veux sortir un roman ? Je réponds : POURQUOI ECRIRE Ecrire pour laisser une trace, Pour retenir le temps qui passe ; Ecrire pour planter le décor, Pour conjurer le mauvais sort ; Ecrire pour décrire la misère, Pour repousser les frontières ; Ecrire dans les moments de doute, Pour pouvoir continuer la route ; Ecrire pour tendre la main,
  • 4. 4 Pour ensoleiller des lendemains ; Ecrire pour éviter le pire, Pour faire naître un sourire ; Ecrire pour passer le relais, Pour dévoiler quelque secret ; Ecrire pour jeter des ponts, Pour inscrire quelque part son nom ; Ecrire pour les générations futures, Ou pour panser quelque blessure… Ecrire pour rester en vie, Malgré les souffrances et les cris ! Dans cet ouvrage, j’ai voulu présenter uniquement des textes et poèmes qui expriment ma soif de voyages, mes rencontres avec d’autres peuplades, mon attrait pour l’autre, pour l’ailleurs, pour d’autres cultures. Tellement enrichissant ! Merci à l’association IDEA’NIM, pour son appui technique à la réalisation de cet ouvrage. Maryse Durand.
  • 5. 5 1. L’attrait du monde Préparer un nouveau voyage, Répondre à l’attrait du monde, N’emporter dans ses bagages Qu’un soupçon d’humeur vagabonde. S’élancer avec la fougue de la jeunesse Sans but précis, porté par le vent, Emplir son être, avec ivresse, De l’intensité de chaque instant. Traverser, tous sens en éveil Des matins noyés de flou évanescent, Des après-midi gorgés de soleil, Des crépuscules étincelants. Et de forêts tropicales En déserts chimériques, D’aurores boréales En mirages elliptiques, Vivre au rythme nonchalant Des caravanes traversant les dunes, Ou des barques évoluant Silencieusement sous la lune. Mai 2017
  • 6. 6
  • 7. 7 2. COMME SUR UN TAPIS VOLANT O comme odeur : l’une d’elles vient à passer, et c’est tout un monde qui ressurgit ! La dernière fois, c’était en octobre dernier. J’arpentais à nouveau un dédale que j’apprécie tout particulièrement, celui des souks. C’était en Espagne, à Grenade, mais je me revoyais à Marrakech, portée par toutes ces odeurs, ces couleurs. Les mêmes alignements de plateaux en cuivre, de narguilés, les mêmes tapis étendus à perte de vue, les sacs et bourses en cuir. Odeurs de teinture, odeurs de laine, odeurs de cuir. Les sempiternels empilages de babouches, pour monsieur, pour madame, pour enfants, ouvertes ou fermées, avec ou sans semelles ou talons. Odeurs, odeurs… Les bracelets, les boucles d’oreilles, les mains de Fatima, les colliers, jolis scintillements… Les miroirs, sertis d’os ou de métal, objets de pacotille ou reflétant un savoir-faire ancestral, tissus chatoyants, coffrets en bois sertis de nacre, instruments pour musique orientale… La foule me porte ici, et puis là, j’arrive au quartier des épices, entassées en forme de cône : safran, curcuma, cumin oriental, paprika, curry, roses séchées, il y en a pour tous les goûts, pour le nez, mais aussi pour les yeux. Quel régal ! Toutes et tous s’affairent, les marchands promettent la bonne affaire, il va falloir encore et toujours marchander ; et repartir avec l’illusion d’avoir eu un bon prix, alors que le marchand, lui, se frotte les mains derrière son dos. Eh oui ! C’est tout un petit monde, avec son folklore, son rituel. J’oubliais le principal : l’odeur qui règne par-dessus tout ce petit monde là, universelle, reconnaissable de suite : celle de l’encens qui brûle un peu partout, mêlée à celle du musc. Dès que cette odeur croise mon chemin, je me revois… Avril 2012 Mes yeux s’emplissent de tout cela ! Chaque échoppe propose à peu de choses près les mêmes choses que les autres échoppes, alors comment choisir ? Pourquoi achète-t-on ici plutôt qu’à côté ou en face ? Les souks sont pleins de mystères.
  • 8. 8
  • 9. 9 3. DESTINATION AILLEURS Allez, viens, je t’emmène Vers une destination lointaine. Ni boussole, ni compas ou sextant, Sans GPS, juste au gré du vent. Laissons-nous doucement dériver, Entre terre et mer emportés. Ecouter le brame de l’orignal Au cœur des forêts boréales, Et la mélopée des baleines Qui ressemble au chant des sirènes. Volontaires naufragés, A nous seuls abandonnés. Respirer mille exotiques parfums, Eclaboussés par les embruns D’une mer qui nous bercerait Et saurait garder nos secrets. Naufragés volontaires, Seuls enfants sur la Terre. Allez, viens, je t’emmène Pour un voyage au long cours, Prenons dès cette semaine, Un départ, sans date de retour. Mai 2016
  • 10. 10 M on ami, mon frère, laissons-nous emporter Sur l’aile d’un parfum, au jardin des délices. Laissons la brise nous bercer, Allongés, alanguis, sans le moindre artifice. Glissons-nous dans cet espace hors du temps. Restons blottis au creux d’une ombre complice, A l’abri des tourmentes et des vents Porteurs de sombres maléfices. Et rêvons ! A de lointains rivages, A des lendemains rieurs, A des ciels sans nuages, A des collines aux mille senteurs ! Approchons-nous du bassin Qui, plus loin, chuchote et babille, Et écoutons l’éternel refrain De l’eau aux reflets qui scintillent. Là-bas, dehors, tout n’est que bruit et fureur, Alors goûtons encore, pour quelques heures, Le ravissement d’un ilot enchanteur, L’illusion d’un monde meilleur. juin 2016
  • 11. 11 5. VALLEE DES ROSES De canyons en champs de blé, Au long d’une rivière serpentine, Bordée de rochers colorés, La Vallée des Roses se décline. Ruisseaux traversés à gué, Au rythme du pas des mules ; Un bivouac sous un ciel étoilé, Après le feu du crépuscule. Villages aux kasbahs majestueuses, Accueil de femmes en leur logis Jalonnant des ruelles tortueuses, Elles déroulent pour nous leur tapis. De thés en thés partagés, L’amitié tisse sa toile ; De gestes en sourires échangés, Un charme ancestral se dévoile. Je pars, mais j’emporte avec moi Des chants, des danses, des sourires ; Je les retrouverai chaque fois Que j’explorerai mes souvenirs. mai 2016
  • 12. 12 6. ESSAOUIRA Essaouira, Tu te la joues nana, Tout au long de tes skalas, Dans ta secrète médina. On peut tout le jour Suivre le guide, Arpenter ton pourtour Dans une douceur languide. Essaouira, Tu laisses au compte-gouttes tes délices Nous secouer de haut en bas, Tu fais de nous tes complices. Dans ton port claquent les voiles, Et ils s’en vont les chalutiers, Partent sans la moindre escale Sur la route des baleiniers. Essaouira, On voudrait toujours refaire le film, Un nouveau Casablanca Qui nous mène à la dérive. Et l’on n’oubliera pas le chant Encré dans nos souvenirs, Des mouettes et des goélands Qui nous invitent à revenir. novembre 2017
  • 13. 13 7. L’appel de l’Orient Un parfum de musc qui flânait par là M’a soudain propulsée au loin, là-bas. J’évoluais lentement dans un dédale Parmi les marchands et leurs étals, Profusion de fruits, de fleurs, de légumes, Sur un tissu posé à même le bitume. Le souk me happait, empli de mystère, De cris, d’échos, de vive lumière. Ici règnent l’opulence et la démesure : Etoffes couleur de feu côtoyant les dorures De mille lanternes, étoiles mutines, Chemin lumineux qui fascine. On se sent saisi de langueur, Le temps s’abolit dans les senteurs Chaudes et envoutantes des épices, Et l’on se laisse dériver avec délice Au gré des ruelles serpentines, Chèches indigo, tapisseries sanguines. Instants dorés, par un fil suspendus, Dissouts dans le flot ininterrompu De la foule affairée, aspirée par vague, Remplacée aussitôt par une autre vague Qui me pousse malgré moi dans une rue, Changement de décor, visages inconnus. Mais à peine s’était éloigné le parfum Que s’inscrivait dans mon rêve le mot : fin ! Que me reste-t-il de l’orient aperçu ? L’ombre d’un parfum et d’un coin de rue… Mai 2017
  • 14. 14 8. TERRE des MAURES Dans le brouillard ocre semblent se détacher Sur fond de collines roses tremblotantes, Les ombres bleues des Maures, silhouettes animées Aux gestes lents, amples, empreints de majesté. Après le rituel du repas, la cérémonie du thé, Suivie de chants, étranges mais beaux Qui montent à l’assaut des dunes Et retombent, majestueux, dans la poussière dorée. Alors que le ciel vire du mauve à l’indigo, Le paysage se précise. Un univers minéral : Roches acérées, tumulus, édifices fragiles, Châteaux rongés de ruine, tours fantomatiques Qui connurent des temps meilleurs. Mais le sable recouvre tout d’un velouté trompeur. Partout, alentour, on sent la présence diffuse des bêtes. Parfois, un cri assourdi évoquant leur quête de pluie Nous plonge brusquement dans une profonde nostalgie, Loin de cette terre aux frontières incertaines. Mais déjà la caravane s’organise et quitte le camp Dans le frémissement visible de l’air. Et l’on perçoit longtemps dans un halo blanc Une bande bleue qui s’étire, lointaine, Comme un pointillé géant. Les dunes semblent dériver sous la lune, Des oiseaux nocturnes glissent dans un bruit de soie, Ode à cette terre des songes, Comme une fugue saharienne, Que nous retrouverons au gré de nos errances Juillet 2016
  • 15. 15 9. PORTEUSES D’EAU Elles vont, légères et pleines d’allant, Dans le crissement soyeux des saris, Les lainages bruts des plateaux afghans, Ou dans des cotonnades chamarrées du Mali. Silhouettes sculpturales au port altier, Ondulation des corps allant d’un pas léger, Gestes ancestraux, postures bibliques, Réincarnation de prêtresses antiques, Dans le calme suprême et l’harmonie tranquille, Elles se meuvent dans des décors d’argile. Du logis jusqu’au puits, Du puits jusqu’au logis, Acheminer l’eau, tâche répétée De nombreuses fois dans la journée, Depuis des siècles. Poids des eaux, Des jarres, des calebasses, des seaux, Poids des ans. Mais bientôt, à nouveau, Une autre viendra, reprendra le flambeau ; Emanation de légèreté et de grâce, Au fil des jours s’inscrira la trace De ces femmes à la démarche dansante, Telles des ombres doucement mouvantes. Février 2017
  • 16. 16 10. PEUPLES des DUNES Ils se déplacent au rythme des troupeaux, D’un point d’eau à un autre point d’eau. Ils n’ont pour horizon que les ors des sables Se détachant sur un ciel saharien. La tente en peaux de bêtes pour décor quotidien, Avec, entre les êtres, une tendresse palpable. Les femmes ont pris des roses la grâce ; Leur pas léger fait tinter leurs bracelets, Bijoux soulignant leur finesse et leur beauté. Leurs voilages laissent derrière elles une trace A peine perceptible. Un charme ancestral Emane de leur silhouette au port royal. Les hommes ont pris des fauves la force, Et des arbres tortueux la rudesse de l’écorce. Ils connaissent les routes qui mènent aux puits, Et savent lire le ciel étoilé de minuit. Il leur faut, chaque jour, guider la caravane, Repartir, très tôt, dans la petite aube diaphane. Leurs langages, à la fois doux et gutturaux Sonnent comme des chants, étranges et pourtant beaux, Leurs gestes sont empreints de solennité, Après le rituel du repas, la cérémonie du thé. Ils vivent en osmose avec leur pays, le désert, Ignorant toute frontière, Et traversent la vie, auréolée de mystère. Février 2017
  • 17. 17 11. L’ADIEU AU DESERT Nous quittons à présent cette terre, Aride, immense, cruelle, Et pourtant belle, Celle que l’on nomme désert. Nous n’entendrons plus Ces langages, doux et gutturaux, Qui sonnent comme des chants, Etranges et pourtant beaux. Nous ne sentirons plus La présence diffuse des bêtes A l’allure fière et hautaine, En quête de présence humaine. Au loin les caravanes s’étireront, Bandes bleues dans un halo blanc, Traversant lentement l’horizon Comme un pointillé géant. Le corbeau, une dernière fois, Virera de bord sur son aile, Comme pour un dernier clin-d’œil, Et s’éloignera à tire-d’ailes, Nous laissant brusquement un peu seuls. février 2017
  • 18. 18 12. LA PARENTHESE TANT ATTENDUE Les cris des marchands se sont tus, Le silence a envahi les rues, Et l’on perçoit seulement Le bruit des vagues se fracassant Inlassablement. Vivre un autre décembre, Dans les parfums du musc, de l’ambre, Loin des froidures et des frimas, Arpenter la plage d’Essaouira, Une dernière fois. Boire encore un thé au safran, Auréolée de tissus chatoyants Débordants de coffres sertis de nacre, Oublier un instant l’odeur âcre Du proche océan. Couleurs déclinées à l’infini, Bleu indigo, lapis-lazuli : Lanternes allumées dans la nuit Comme autant d’étoiles mutines, Chemin lumineux qui fascine. La parenthèse tant attendue Se referme sur l’orient entr’aperçu. L’avion s’élève au-dessus des nuages, Il est temps de tourner la page, Mais mon cœur erre sur la plage. Décembre 2015
  • 19. 19 13. LE SUD On dirait le Sud… un enfant joue sur une terrasse qui sert de toit à la maison du dessous. On entend l’appel déchirant d’un âne qui s’exprime dans le lointain. Les champs sont baignés de lumière, écrasés de chaleur, et des chemins, monte une poussière dorée qui se perd dans l’azur implacable de ce ciel d’été. C’est dans ce décor de carte postale que j’ai échoué, navigatrice sans cap ni voile. J’ai envie de flâner par ces champs, emplis de milliers d’insectes bourdonnants, m’immerger dans le paysage, dans le sillage d’un labeur ancestral : travailler la terre, récolter les fruits, nourrir sa famille, semer du bonheur… J’avance parmi les chants d’oiseaux, parmi les senteurs qui montent de la terre, je ferme les yeux pour mieux m’en pénétrer, juste avec le cœur… On dirait le Sud, le temps dure longtemps, et qui sait ? L’aventure est peut-être à deux pas, à portée de main… Un chemin, lumineux prélude à la découverte… rien ne me retient ! L’âne s’est tu. Le concert des cigales comme toile de fond, j’avance, sans voile ni cap, j’avance vers mon destin. Juillet 2017
  • 20. 20
  • 21. 21 14. LES FEUILLETS DU SUD Ils nous conduisent, de terrasse en terrasse, parmi la poussière et les rumeurs de la ville : marchands clamant leurs marchandises, tintement des clochettes de quelques troupeaux se hâtant parmi les ruelles vers leur bergerie respective… Ou dans les champs emplis de senteurs épicées : thym sauvage, origan, fenouil, romarin, autour desquels virevoltent des myriades de papillons dans un ballet silencieux, ou bien quelques abeilles bourdonnantes, affairées, en quête de nectar. Par-ci par-là, on entend un âne braire, ou, au loin, l’appel du muezzin à la prière. Le soleil nous réchauffe ou nous écrase, mais quelques pages plus loin, nous goûtons la délicieuse fraîcheur dispensée par un figuier au feuillage odorant, ou un olivier tortueux planté à la croisée des chemins… Chemins qu’empruntent des personnages attachants, façonnés par la rudesse de ces paysages parmi lesquels ils évoluent, travaillent, luttent, prient, espèrent, se réjouissent… Parfois ils peinent, parfois ils dansent, au son d’instruments typiques de leur pays, rythmes méditerranéens ou orientaux. Et nous peinons, et nous dansons avec eux, force de l’évocation par les mots d’atmosphères, de lieux, de situations. Merci à tous ces gens de plume, écrivains, poètes, flammes de l’esprit, esprits pleins de flammes, de nous transporter là-bas, où que ce soit. On dirait le Sud… juillet 2017
  • 22. 22 15. LE TOUR DU MONDE Et si nous entrions dans la ronde, Celle qui mène aux confins, Au bout du bout de la mappemonde, Qu’en garderions-nous à la fin ? « Faire » le tour du monde, Partir, sans penser au lendemain, S’embarquer dans la nuit profonde Pour mieux s’ensoleiller demain. « Si tous les gars du monde Voulaient se donner la main » La vie deviendrait plus féconde, Nous ne connaîtrions plus la faim. L’humeur buissonnière et vagabonde Nous sauterions à pieds-joints Dans les flaques pour qu’elles inondent Les prés et les champs des voisins. Les déserts changés en prairies blondes, Nous verrions dans le sourire des gamins Une joie de vivre profonde, Un bonheur universel certain. Enrichis d’autres cultures, De visages, de gestes, de sourires, Prêts à repartir à l’aventure, Pour emmagasiner d’autres souvenirs. avril 2017
  • 23. 23 16. Engouement éphémère Au royaume de la lumière, Loin des villes et leur tapage, Ignorant toute frontière, Le vent sculpte le paysage. J’ai tracé ton nom sur le sable Et je l’ai remis au vent, Au vent chaud, insaisissable, Qui erre inlassablement. Mais l’empreinte de tes pas A disparu dans l’instant ; La piste ne retient pas Le souvenir des passants. Au loin, par-dessus les dunes, J’ai crié, scandé ton nom, Mais je n’ai reçu pour fortune Qu’un silence profond. Je ne fus pour toi Qu’un engouement éphémère, Et l’écho de ma voix S’estompe dans le désert. Comme le sable coule de mes doigts, S’efface le souvenir ! O toi que j’eusse aimé Et que je n’ai pas su retenir ! mars 2016Participation au concours de poésies organisée par le Sentier des Poètes », de St Saturnin, 2016. Hérault, (34)
  • 24. 24 17. REVERIE SUR LES DUNES Me voici à nouveau dans cet univers qui me correspond si bien, univers purement minéral, émaillé de ci-de là de quelques petites plantes, de traces laissées innocemment par la faune locale, symbole de la lutte pour la survie. Je suis encore et toujours subjuguée par l’immensité de ce paysage, par les formes féminines, douces, des dunes. Le graphisme des ondulations sculptées par le vent, celui de la rare végétation, me laissent face à l’émerveillement de la création ; l’élégance de la ligne de crête des dunes suscite immédiatement mon admiration et me bouleverse au plus profond. Tous sens exacerbés, je me tourne vers l’horizon moutonné au loin. Loin, on voit loin, on respire ! Je respire, je hume et m’imprègne de la grandeur des lieux. Oui, ici, on respire « grand », avec l’impression au début que ça fait mal. Puis ça laisse la place au souffle… Souffle de l’homme en prière, souffle de la vie ! Le vent joue dans le chèche du chamelier, assis sur ses talons, impassible. Le temps semble arrêté. Je repense à tous ces gens que j’ai croisés, rencontrés de près, aperçus de loin. Aux soins qu’ils me demandaient, confiants : un peu de collyre accompagné de conseils traduits par le guide berbère. A ces méharées qui nous dépassaient, lentes mais déterminées, brefs regards, sourires, gestes esquissés… avant de disparaître dans un dernier nuage de poussière et laisser de nouveau place au silence… A leur vie, si différente de la mienne. Et j’écris, je me sens poète. Quel autre moyen que la poésie pour évoquer ce peuple majestueux, le peuple des dunes : Ils se déplacent au rythme des troupeaux, d’un point d’eau à un autre point d’eau. Ils n’ont pour horizon que les ors des sables se détachant sur un ciel saharien. La tente en peau de bêtes pour décor quotidien, avec, entre les êtres, une tendresse palpable. Les femmes ont pris des roses la grâce ; leur pas léger fait tinter leurs bracelets, bijoux soulignant leur finesse et leur beauté. Leurs voilages laissent derrière elles une trace à peine perceptible. Un charme ancestral émane de leur silhouette au port royal. Les hommes ont pris des fauves la force et des arbres la rudesse de l’écorce. Ils connaissent les routes qui mènent aux puits, et savent lire le ciel étoilé de minuit. Il leur faut, chaque jour, guider la caravane, repartir, très tôt, dans la petite aube diaphane. Leurs gestes sont empreints de solennité, après le rituel du repas, la cérémonie du thé. Ils vivent en osmose avec leur pays, le désert, ignorant toute frontière, et traversent la vie, auréolés de mystère. Mon crayon glisse sur le papier pour tenter de ne pas oublier. Demain, il faudra dire adieu au désert. Et je quitterai cette terre, aride, immense, presque cruelle, Et pourtant belle. Je n’entendrai plus ces langages, à la fois doux et gutturaux, qui sonnent comme des chants, étranges et pourtant beaux. Je ne sentirai plus la présence diffuse des bêtes, à l’allure fière et hautaine, en quête de présence humaine.
  • 25. 25 Au loin les caravanes s’étireront, bandes bleues dans un halo blanc, traversant lentement l’horizon, comme un pointillé géant. Le corbeau qui accompagnait de près, de loin, notre progression, virera une dernière fois de bord sur son aile, comme pour un ultime clin d’œil, et s’éloignera à tire d’ailes, me laissant brusquement un peu seule. Les dunes à présent semblent dériver sous la lune, des oiseaux nocturnes glissent dans un bruit de soie. Dernier bivouac ! J’aimerais adresser une ode à cette terre des songes, comme une fugue saharienne, que j’aurai plaisir à retrouver au gré de mes errances. Juin 2019 Concours de récits de voyages, organisé par la Médiathèque du Vigan (Gard, 30) et par l’association HASTA SIEMPRE, dans le cadre du Festival « La bas, vue D’Ici » 2019
  • 26. 26 18. VOYAGE, VOYAGE Non, ce n’est pas tout-à-fait le Népal, Mais les pentes abruptes du Toubkal, Qui pourrait croire qu’en quelques secondes On peur tutoyer le toit du Monde ? C’est par ses ruelles, en flânant, Que l’on découvre le mieux Taroudant, Douillettement lovée au creux de ses remparts, Laborieuse cité qui s’agite jusqu’au soir. Mais déjà nous reprenons la route, Celle qui nous mènera jusqu’à Tafraout, Odeur de cuir dans toute la vallée, Rochers tourmentés par le vent façonnés. Sous un soleil de feu nous atteignons l’Atlantique, Grenades, bananes, dattes, emplissent les boutiques. Les surfeurs glissent sur les vagues inlassablement, Imsouane, petit bout de terre indolent. Nous roulons sur les traces des heureux hippies Qui trouvèrent à leur goût ce coin de paradis, Courant nus à l’ombre des palmiers géants, Vivant de peu, comme à contre-courant. Et nous voici dans la dernière ligne droite, Retour à Marrakech, mais rien encore ne presse, Traçons l’itinéraire d’une main maladroite, Et enclenchons plutôt la petite vitesse. Laissons-nous surprendre au détour d’un chemin, L’aventure de la dernière chance n’est peut-être pas loin, Une musique en tête, sur les lèvres un refrain, « Voyage, voyage, et jamais ne reviens. » Octobre 2016
  • 27. 27 19. ON THE ROAD AGAIN Pour endiguer la fuite des jours Et faire de ma vie un jardin lumineux, J’ai pris pour demain un billet sans retour, J’ai semé les graines d’un avenir radieux : Partir au hasard des routes Avec l’horizon pour seule frontière, Ne laisser aucune place au moindre doute, Faire pour toujours l’école buissonnière. Partager un repas à l’arrière d’une autoroute Avec des voyageurs qu’on ne reverra plus, Emprunter un chemin fuyant sous la voûte Du ciel étoilé d’un pays inconnu. Repartir au petit jour, Ouvert aux rencontres de hasard, Echanger, raconter son parcours, Se comprendre d’un seul regard. Errer au gré des carrefours Poussé par l’envie du plus loin, Avec une âme de troubadour, Visiter le monde dans le moindre recoin. Et d’aurores automnales En crépuscules crépitants, Danser voluptueusement au bal De la vie, éternellement. juin 2017
  • 28. 28 20. TROPIQUES Un mot qui fait rêver ! «O combien de marins, combien de capitaines » Souvenirs de romans échevelés, De contes enchanteurs, de rengaines, Chants au doux parfum d’aventure, Qui fascinaient, tenaient en haleine L’enfant que j’étais, voyant son futur Comme une course vers l’avant, Chevaux crinières au vent, Bateau filant de tout son gréement, Pour accoster au rivage lointain D’un pays radieux au climat tropical, - Prisme trompeur, image d’Epinal ? – Où l’on se déplacerait sur un tapis volant. . Octobre 2017 Combien donnerais-je, les jours de grisaille Pour me trouver là-bas, pays étincelant, Cancer ou Capricorne, pourvu qu’il ne me faille Refaire en sens inverse ce long cheminement
  • 29. 29 TABLE Avant-propos - 1 L’attrait du Monde - 2 Comme sur un tapis volant - 3 Destination ailleurs - 4 Au jardin des délices - 5 Vallée des Roses - 6 Essaouira - 7 L’appel de l’Orient - 8 Terre des Maures - 9 Porteuses d’eau - 10 Peuple des Dunes - 11 L’adieu au désert - 12 La parenthèse tant attendue - 13 Le Sud - 14 Les feuillets du sud - 15 Le tour du Monde - 16 Engouement éphémère - 17 Rêverie sur les Dunes - 18 Voyage, voyage - 19 On the road again - 20 Tropiques Cet ouvrage a été réalisé avec le concours de l’association © IDEA’NIM dans le cadre de ses actions« Dialogues interculturels et médiation»