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ISTR/ DERRE
Session Mars 2014
Symboles, rites et mythes
Christian Salenson
ISTR/ Marseille
Cette session a pour but de mieux appréhender ce qu’est le symbole et la
logique propre de la symbolique afin de permettre à des enfants et à des jeunes
d’entrer dans cette dimension de la réalité qui permet une autre compréhension du
monde que la seule logique scientifique, rationnelle, technicienne et qui ouvre le
champ de la compréhension de la religion et du langage religieux ainsi que des
arts et du langage des arts. Mais pour commencer cette session nous devons dire
de quoi nous parlons lorsque nous parlons de symbole et de symbolique. Cet
exposé aura donc une finalité introductive.
Le terme de symbole est dévalué dans le langage courant. Ainsi pour dire
de quelque chose que ce n’est pas tout à fait la réalité, on dira facilement : ce n’est
qu’un symbole. Ainsi le symbole dans cette expression coutumière et révélatrice
n’est qu’une figure, une image qui ne rend pas compte et ne permet pas
d’appréhender la réalité. Or, au sens où nous allons en parler, nous allons dire au
contraire que par le symbole nous pouvons entrer dans des niveaux de la réalité
qui sans lui sont inabordables. Nous ne percevons pas le symbole comme une
déperdition du sens des choses mais au contraire il se présente comme une
saturation de sens, une saturation de présence, un accès au réel qui sans le
symbole demeurerait inaccessible. Nous allons donc dans un premier temps
définir ce qu’est le symbole.
Cet exposé a pour titre : symbole, rites et mythes. Un lien étroit unit ces
trois termes. Le symbole est comme l’unité de base par lequel et au moyen duquel
vont se constituer des rites et des mythes. Les rites sont des actions sacrées. Ils
utilisent des symboles et toutes sortes de symboles dans leur architecture. Nous
reviendrons dans un deuxième temps sur les rites qui ont tellement été décriés et
soupçonnés à la période moderne alors que paradoxalement nous en cessons de
ritualiser notre vie personnelle ou collective.
Les mythes à la différence des rites ne sont pas des actions sacrées mais
des discours sacrés. Ils racontent des grandes épopées comme dans le mythe de
Gilgamesh par exemple, ou bien ils sont constitués de récits plus courts mais
hautement significatifs. Toutes les cultures et toutes les religions ont développés
des mythes, y compris les sociétés sécularisées. Le terme de mythe est donc le
moyen de désigner en anthropologie religieuse les textes sacrés. La modernité
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s’interrogera longuement sur la vérité des mythes et cela ne se fera pas sans
difficultés particulièrement à propos les textes bibliques. Dans une troisième
partie nous essayerons de faire quelques remarques sur la question.
Au terme de cette introduction, permettez moi juste d’ajouter que le
langage religieux est de bout en bout un langage symbolique et que pour initier au
fait religieux, il convient d’en avoir compris le fonctionnement. Il en va de même
pour les arts qui utilisent le même langage et dont l‘oubli ou l’ignorance de ce
mode propre de langage confine à une histoire des arts scientifique et inerte, dans
laquelle on accumule des connaissances périphériques sans jamais entrer dans
l’oeuvre.
Le symbole
De la catégorie du signe
Le symbole relève du domaine du signe car le propre d’un symbole est de
faire signe. On pourrait appliquer au symbole ce qu’Augustin disait des
sacrements : le symbole est un « signe visible ». Ce qui appelle une première
remarque. Tout d’abord on est dans un mode de langage. Le symbole parle. Il
signifie. Il désigne. Il est parlant. Il appartient donc au langage. Il appartient au
langage comme le mot et le concept. Il y a une langue des symboles. Il y a un
langage du symbole. Le feu est un symbole. Il délivre un message. Nous nous
réunissons autour d‘un feu de cheminée. Le feu parle à tous ceux qui sont là. Je
dessine un cœur tout le monde peut lire ce symbole. Si en plus je le transperce
avec une flèche tout le monde comprend combien celui qui a dessiné ce symbole
est atteint ! Pour le dire autrement le symbole ne répond pas à cette question que
notre époque aime trop et dans laquelle elle prétend tout enfermer : A quoi ça
sert ? Mais il répond à la question : qu’est-ce que cela dit ? Qu’est-ce que cela me
dit ?
Polysémique
Cette question se pose immédiatement : qu’est-ce qu’il dit ? Que dit le
symbole du feu ? Et là nous entrons dans l’originalité de ce langage. En effet un
même symbole peut dire des choses diverses. Le symbole du feu peut exprimer de
la convivialité pour ceux qui sont réunis autour de la cheminée. Mais pour ceux
qui sont rassemblés dans un crématorium, il va exprimer plutôt de la destruction.
Et en effet un même symbole a la capacité à dire des choses différentes. Le feu
parce qu’il réchauffe peut renvoyer à la convivialité, à la chaleur d’être ensemble.
Mais parce qu’il détruit, il peut aussi renvoyer vers l’élimination, la purification.
On pourrait encore évoquer bien d’autres symboliques du feu. Il consume
lentement en dégageant de la chaleur et peut évoquer l’amour. Il évoquera aussi le
foyer, le même mot renvoyant d’ailleurs à l’âtre et à la maison voire le couple etc.
Il est donc polysémique.
Le signe et le symbole
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Un même symbole peut signifier des choses très différentes, comme nous
venons de le suggérer à travers le symbole du feu. Nous pouvons maintenant faire
une distinction classique entre le symbole et le signe. Dans le signe, je vois le
signe et je connais sa signification. Je vois un panneau de sens interdit et j’en
connais la signification. Je l’ai apprise. Elle est arbitraire et univoque. Il en va
différemment pour le symbole. Je vois un symbole, je n’en connais pas la
signification car la signification est multiple, diverse, extrêmement variée. Je vois
le signifiant : du feu. Je ne connais pas le signifié : une multiplicité de sens. Telle
est l’originalité fondamentale du symbole. Ce qui pose plusieurs questions et en
particulier : comment fait-on pour lire, pour interpréter un symbole ? Que peut-on
en dire ?
Le langage de la religion et des arts
Remarquons déjà que le langage du symbole est le langage privilégié de la
religion et des arts. En effet pour exprimer des choses mystérieuses, les religions
font appel à de nombreux symboles : du pain et vin par exemple. Mais malheur a
celui qui croit que ce pain est un simple pain et ce vin un simple vin. Ce sont du
pain et du vin symboliques et donc gorgés de significations. Les arts comme les
religions feront appel à ce langage du symbole. La couleur que le peintre va
utiliser ne sera pas une simple couleur. Les formes, les lignes, les couleurs, tout va
concourir à délivrer du sens… car il renvoie toujours le sujet ailleurs…
Signe visible d’une réalité invisible
Je peux maintenant dire non seulement que le symbole est un signe
visible : de l’eau, du feu, du vin, de la couleur. Mais je peux dire que c’est « un
signe visible d’une réalité invisible ». Et cela même pour un symbole banalisé
comme celui de cœur. Si je dessine un cœur, je dessine un signe visible. Tout le
monde peut le voir. Mais la réalité elle est invisible : l’amour que j’ai pour une
personne, car l’amour personne ne l’a jamais vu. On n’en voit jamais que des
signes. Des signes qui sont suffisamment forts, assez parlants pour croire que
réellement l’amour est là. Le symbole est le signe visible d’une réalité invisible.
Un symbole n’est jamais une preuve. Il n’est toujours qu’un signe qui demande à
être reçu, à être interprété, d’une certaine manière à être cru. Il n’est pas
uniquement un signe visible. Il est « le signe visible d’une réalité invisible ».
L’invisible dans le visible
Quel est le rapport qu’il y a entre le signe visible et la réalité invisible. La
réalité invisible est rendue d’une certaine manière présente dans le signe visible.
Ainsi l’amour que j’ai pour quelqu’un est rendu visible dans le baiser que je lui
donne. Le baiser « représente » l’amour ; il rend présent l’amour. Il l’épiphanise.
Il manifeste ce qui est caché. Quand Picasso peint Guernica, toute l’horreur du
bombardement est rendue présente dans le tableau, alors même que le signifiant
n’est qu’un tableau, si je puis dire. La grotte de Lourdes n’est pas qu’une
excavation mais au moyen de la capacité signifiante de la grotte, elle donne accès
à un Au-delà pour le pèlerin. Donc d’une certaine manière l’invisible est rendu
présent dans le visible par le symbole qui le représente. En même temps, toute la
réalité n’est pas contenue, enfermée dans le symbole. Le baiser représente
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l’amour que j’ai pour mon ami. Il ne dit pas tout. Il n’épuise pas la réalité invisible
de l‘amour que je lui porte. La sexualité exprime et rend présent l’amour de deux
personnes mais l’amour ne se limite pas à la sexualité, sans quoi on serait à
proprement parler dans de l’idolâtrie. Ce sera particulièrement vrai dans la
religion. Le symbole qui rend réellement présent l’invisible, le pain consacré par
exemple dans la religion catholique, n’enferme pas le divin dans le pain ni dans le
tabernacle. Si le divin se manifeste réellement dans le symbole, il le transcende.
La matérialité détermine la signification
Chaque symbole délimite un champ propre de signification. Le symbole de
l’eau n’est pas celui du feu, un Requiem n’est pas un Te Deum et une visitation
n’est pas une crucifixion. Cette délimitation se fait par les formes même du
signifiant. Le symbole de la croix commence dans sa matérialité elle-même. Ainsi
la croix est constituée de deux axes : un vertical et un horizontal et d’un point de
jonction des deux. Là commence sa signification. Celui qui veut apprendre à lire
les symboles doit toujours revenir à leur matérialité. Celui qui, par une trop grande
familiarité, n’y verra plus qu’un emblème religieux verra le sens symbolique
s’atténuer jusqu’à l’insignifiance.
Cette matérialité détermine un champ de signification : un cyprès dans un
cimetière est un index pointé vers le ciel, disait Bachelard nous invitant à lever la
tête en ce lieu symbolique où le regard se porte plus spontanément vers le trou qui
est creusé en terre.
Symbolique des espaces
Il y a une symbolique des espaces et des temps. Certains espaces sont des
espaces sacrés, dans les religions par exemple. Ainsi les temples, synagogues,
Mosquée, Eglise à des degrés divers sont des espaces sacrés et donc symboliques.
Ce ne sont pas n’importe quels lieux : par leurs dimensions, leurs formes, les
couleurs, les jeux de lumière comme par le mobilier et les objets qui sont utilisés,
ils déterminent des jeux de signification différents. Mais que comprend l’élève à
qui on apprend les noms de lieux : le clocher, le portail, le cloître mais à qui l’on
n’ouvre pas l’espace de sens ?
Certains espaces ne sont pas sacrés/saints mais il y a une signification
symbolique des espaces dont il vaut mieux avoir une certaine conscience. L’école
n’est pas un espace sacré même si certains laïques veulent la sanctuariser !
L’école est un espace symbolique. Observez votre établissement scolaire, vous
verrez si la symbolique des espaces fonctionne. Où est le bureau du directeur ? Où
est la chapelle ? Où est la salle des professeurs ou les espaces du personnel
d’entretien ? Les symboles mentent moins que les mots et souvent dénoncent le
mensonge des discours.
Le symbole dans l’éducation
L’éducation de l’enfant se fait en l’initiant aux symboliques des espaces et
des temps. Une ritualisation du coucher est nécessaire pour exorciser ce moment
délicat et un peu angoissant pour le jeune enfant… et pour les adultes !
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Une difficile frustration
Le problème difficile à concevoir, à accepter et à vivre pour les hommes et
femmes de la modernité réside dans le fait que l’on ne peut pas définir une fois
pour tout le sens d’un symbole. Tout d’abord parce qu’il peut y en avoir plusieurs,
voire contradictoires parfois, que cela va dépendre aussi du contexte dans lequel
on se trouve et de la capacité de ceux qui sont là à se laisser toucher par le
symbole. Car on n’explique pas un symbole, on commence par l’éprouver, le
ressentir, parfois même à son insu. Il faudra parfois longtemps entre ce qui a été
éprouvé plus ou moins consciemment à un moment donné et le moment où on
parviendra à dire une parole qui partiellement au moins tente d’en rendre compte.
On accède au monde des symboles moins par l’enseignement que par l’initiation.
Conclusion
En terminant cette première partie, je voudrais dire le caractère nécessaire
de ce langage symbolique. Il nous permet d’exprimer ce que nous ne pourrions
pas dire sans lui. Ainsi l’amour porté à quelqu’un ne peut s’exprimer uniquement
dans les mots. Il a besoin que l’on fasse appel au langage symbolique du corps, le
baiser, la caresse, la sexualité. L’homme a besoin de la musique pour exprimer ses
sentiments, la tristesse, la joie. L’homme religieux a besoin de symbole pour
exprimer son ouverture sur l’au-delà. Les arts …
Les rites
Les rites sont des actions symboliques dans lesquelles, les hommes
s’expriment, construisent leur représentation du monde, de leurs relations
mutuelles, donnent du sens à leur existence. Pour cela les rites utilisent les
symboles divers et variés.
Les rites de la vie quotidienne
Tout le monde ritualise. Il suffit de penser à quelques séquences de la vie
quotidienne telles que le repas familial. S’il s’agissait uniquement de se nourrir, il
suffirait d’absorber quelques pilules énergisantes. Nous y gagnerions beaucoup de
temps car la ritualité absorbe beaucoup de notre énergie. Il faudra se mettre à table,
selon des places souvent ritualisées elles aussi. Le seul fait de vouloir manger dit
notre désir de vivre. Il faudra partager de la nourriture. Les participants en
consommant un mets commun disent leur unité et le partageant de manière
équitable exprime la reconnaissance qu’ils ont les uns pour les autres. La table
familiale va dire aussi la manière dont sont vécus les rôles au sein de la famille, y
compris la construction sociale des genres qui est de fait vécue quelques soient par
ailleurs les discours tenus !
Les rites aux grands moments de la vie
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Les rites permettent de vivre les grands moments de la vie. Certains sont
des rites de passage, comme ceux de l’adolescence à l’âge adulte ou encore le
mariage. On joue dans des rites des réalités qui ne peuvent pas se dire dans des
mots. Les rites établissent chacun dans son rôle et sa place et servent à marquer
les changements de place. Les examens fonctionnent souvent comme des rites de
passage dans notre société. Les rites garantissent à chacun une certaine légitimité
et permettent d’assumer les changements de place et de fonction.
Les rites religieux laïcs
Le République met en œuvre des rites : fête nationale, défilé du 14 juillet.
Prochainement, on a annoncé l’entrée au Panthéon de quatre nouvelles
personnalités. Le caractère religieux républicain est clairement énoncé puisqu’il
s’agit du Panthéon. On va donc avoir droit à une apothéose, nom que l’on donnait
aux empereurs lorsqu’ils étaient divinisés après leur mort. Parmi elles, deux
femmes. Le symbole est clair et il est voulu.
Les rites des religions
Les grands rites religieux jouent des aspects essentiels de la vie et du sens
qu’on lui donne. Ainsi le baptême par exemple qui symbolise que toute vie est un
passage de l’Egypte à la terre promise ; la circoncision qui marque dans la chair
une appartenance à Dieu. Le mariage qui a travers des symboles expriment en fait
l’ensemble de la vie du couple à venir : l’alliance passée au doigt. Vous voyez la
symbolique sexuelle. Puisque le mariage est consommé, conclu dans la relation
sexuelle, et que l’on ne peut pas copuler publiquement, on le joue à travers la
bague au doigt. Le symbole donne à voir ce qui ne se laisse pas voir !
Les rites comme mise en scène de l’existence
Les rites se construisent en faisant appel à une grande diversité de
symboles. Ainsi un pèlerinage qui est un rite majeur dans toutes les religions fait
appel à la symbolique des espaces et du temps mais aussi de l’eau, de la lumière,
du feu. Le rite ne fait pas nécessairement appel à la foi confessée dans une
religion donnée. Il agit par lui-même. Ceux qui font le chemin de saint Jacques
sont transformés par le chemin, même s’ils ne l’investissent pas subjectivement
comme un pèlerinage. On ne maitrise pas les effets du rite.
Dans un pèlerinage, on joue symboliquement la vie, avec ses joies et ses
épreuves surmontées. La procession est une forme de pèlerinage raccourci. On
parcourt un espace qui évidemment est symbolique de la vie. On trace au sol un
espace sacré en zigzaguant ce qui évoque le labyrinthe présent dans toutes les
grandes mythologies. On parcourt ce chemin symbolique avec une lumière à la
main. On entre dans l’intelligence d’un rite en entrant dans l’intelligence des
symboles qui le constituent.
La modernité
La modernité a beaucoup critiqué le rite, ne voyant souvent en lui que les
formes pathologiques : ritualisme, obsessionalité du rite etc. Il aurait fallu même
supprimer les rites. La Réforme protestante n’en a gardé que le baptême et la Cène
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et encore ce fut grâce au combat de Luther. Elle a bien failli n’avoir que des
Ecritures. La modernité fait plus confiance aux discours qu’aux gestes et
pourtant… cela ne nous a pas empêché ces dernières années de développer
certains rites comme l’apéro… presque jusqu’à l’obsessionalité parfois !
Les rites et la constitution des personnes
Les rites participent à la constitution de la personne. Ainsi il y a des rites
pour les différents âges de la vie : des rites ne naissance, de puberté, de mariage,
de procréation, autour de la maladie, des rites autour de la mort, etc. Notre société
voit disparaître des rites mais d’autres prennent de l’importance. Je pense aux
anniversaires pour les enfants. Cette ritualisation de la date de naissance ponctue
la croissance de l’enfant et l’aide à se situer dans le temps et dans son propre
temps. Il en ira différemment pour l’adulte à qui sans le lui exprimer directement
on vérifie s’il lui reste encore un peu de souffle… Probablement que nous sommes
en déficit de rite pour le passage de l’enfance à l’âge adulte.
Les rites et l’Ecole
Les rites participent à la constitution des groupes. Le bizutage par exemple.
Le salut aux couleurs dans l’armée devant le symbole de la nation qu’est le
drapeau, qu’il faudra défendre au prix de sa vie sur le champ de bataille.
L’école a ses rites : les rites de passage. L’entrée à l’école est déjà un rite,
l’entrée en 6eme, l’agrégation, le doctorat… sans parler des innombrables rites de
la vie quotidienne par lesquels on organise le temps et l’espace. Certains rites ont
disparu : ainsi la distribution des prix. Dans la distribution des prix, on valorisait
une certaine réussite et on n’a probablement pas envie de continuer de cette façon.
Tous ces rites méritent une grande attention car le sujet et l’institution se
construisent à travers ces signaux. Nous sommes en déficit de rites, y compris à
l’école et que nous manquons d’imagination pour inventer des formes diverses à
propos d’un départ de l’école en fin de scolarité par exemple, ou bien pour
marquer les réussites de chacun. etc.
Les mythes
Par le terme de « mythes » on désigne les récits écrits ou parfois oraux qui
sont constitutif d’un groupe, d’une nation, d’une religion. Certains récits ont eu
une importance extraordinaire telle l’épopée de Gilgamesh. Elle aura une
extension dans le temps et dans l’espace invraisemblable. Si des hommes ont
répété ces récits, en les enrichissant, en les amendant, en les réécrivant, ce n’était
pas uniquement parce qu’il s’agissait là d’une belle histoire mais parce qu’ils se
retrouvaient dans ces récits.
Les mythes pour ceux qui les vivent délivrent plus ou moins
consciemment une représentation du monde, une représentation de l’homme et de
la femme, de leurs relations, une représentation de la vie. Tout cela ne se fait pas
au travers de discours idéologiques mais à travers ces mises en scène.
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La question n’est pas de savoir si les grecs croyaient à leurs mythes. D’une
certaine façon la réponse est évidente. Oui ils y croyaient. Mais est-ce qu’ils
croyaient que Prométhée avait descendu le feu du ciel dans une branche de fenouil.
Probablement pas ! Ils croyaient surtout au message que véhiculaient leurs mythes
sans quoi ils s’en seraient désintéressés, ce qu’ils ont fait d’ailleurs quand cela n’a
plus correspondu à leur vision du monde. Peu importe s’ils croyaient à la lettre
des récits, ils croyaient aux représentations qu’ils véhiculaient.
Et les jeunes générations d’aujourd’hui ? Est-ce qu’ils y croient à la guerre
des étoiles ? A la superficialité du récit, probablement pas ! Ces récits sont de
vrais mythes, c’est-à-dire des récits symboliques qui au-delà de la superficialité du
récit racontent la vie, développent une théologie, donnent une représentation du
monde, de la réussite et de l’échec, de vrais récits de salut !
Là encore, comme pour le symbole, et précisément parce qu’on est dans un
langage symbolique, celui qui s’arrête au premier degré s’interdit définitivement
de comprendre. Il ne comprendra pas le texte biblique, celui qui comptera les
côtes de l’homme pour vérifier s’il lui manque réellement celle avec qui Eve a été
faite ! Ni d’ailleurs s’il essaie d’expliquer par quel phénomène Jésus pouvait bien
marcher sur les eaux !
La vérité d’un mythe ne se trouve pas dans le rapport que le récit
entretiendrait avec un événement qui se serait passé mais la vérité se trouve dans
la capacité d’un mythe de révéler un sens du monde, de la vie, de la relation, du
divin etc. La question n’est pas de savoir si Marie a rendu visite à Elisabeth, mais
ce que cela révèle du sens divin de la rencontre. La question n’est pas de savoir si
Gilgamesch a existé mais ce que sa quête de l’immortalité révèle de l’être humain
et de sa manière d’être-au-monde. La question n’est pas de savoir si Prométhée a
inventé le sacrifice mais ce que le sacrifice signifie de la relation au divin et aux
autres.
Conclusion
Durant cette session nous ne pourrons pas tout aborder mais peu importe !
Il suffit de se laisser conduire dans une diversité d’approches. Le symbole se
laisse approcher et délivre les saveurs, la pluralité de sens dont il est porteur quand
on l’habite … en le savourant car le symbole contrairement au concept ne parle
pas d’abord à la raison. Il parle au corps. Il parle aux sens et c’est ainsi qu’il fait
sens. C’est pourquoi nous avons quelques peines à nous laisser entrainer sur ses
traces et conduire en des lieux où nous ne maitrisons pas tout.
Le symbole est à la base du langage religieux. Sa nature est symbolique et
celui qui le lit comme un énoncé scientifique se barre définitivement l’accès. Il ne
comprendra pas un récit de création mais plus grave alors il ne se comprendra pas
lui-même car ce récit lui parle de lui en lui parlant du monde…
Le symbole est à la base du langage artistique. Il crée une profonde
similitude entre les arts et le religieux. Mais là aussi la condition s’impose. Le
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sujet doit accepter de lâcher ses connaissances, ses techniques, ses discours
rationnels pour éprouver une œuvre, se laisser saisir par elle…
Et puis nous continuerons à initier des plus jeunes au monde des arts ou au
fait religieux mais en leur entre baillant le rideau et en les invitant à entrer… Pour
cela nul n’est besoin que nous ayons tout compris. Il ne le faut pas car on initie en
se laissant initier soi-même.