Les réseaux sociaux pour promouvoir les territoires
1. MERCREDI
28 AOÛT 2019
4 RÉGION À LA UNE
L
’internet a rendu plein de
choses possibles, dont celle
de faire circuler autour du
monde une image en très peu
de temps. C’est pour de nombreux
territoires une occasion de se faire
connaître au-delà de ses fron-
tières et d’atteindre un public
qu’ils auraient eu autrement
toutes les peines du monde à tou-
cher. Mais l’internet a également
changé la manière dont les habi-
tants d’un territoire interagissent
avec celui-ci. Et c’est, pour aller
vite, à l’intersection de ces deux
points qu’œuvrent les réseaux so-
ciaux des collectivités territo-
riales. Fin 2018, 92 % d’entre elles
ont un compte Facebook, 38 % un
compte Twitter, 21 % une chaîne
YouTube et 18 % un compte Insta-
gram, d’après l’Observatoire so-
cialmedia des territoires.
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“En janvier 2015, nous
avions 4 000 abonnés
sur Facebook et plus
de 50 000 aujourd’hui”
Karine Puyo, directrice
de la communication du Grand Reims
« L’objectif c’est de promouvoir les
collectivités territoriales, attirer
plus de monde et faire en sorte que
l’on soit plus lu. Ça, et répondre aux
nombreuses interrogations et ques-
tions des habitants », résume le
service communication de Charle-
ville-Mézières et d’Ardenne Mé-
tropole. « Il y a aussi un côté place
du village, ajoute-t-il. Lorsqu’un
lampadaire tombe en panne, c’est
bien souvent par les réseaux so-
ciaux que nous sommes alertés. » En
termes d’agilité sur les réseaux
sociaux, la communauté d’agglo-
mération Saint-Dizier, Der et
Blaise, aux confins de la Marne, de
la Meuse et de la Haute-Marne,
fait office de référence (lire par
ailleurs). Pierre Renaud, le com-
munity manager, explique cette
performance par le fait « d’avoir
une personne presque exclusive-
ment dédiée à cette activité, avec le
renfort d’un graphiste et d’un pho-
tographe. Nous avons aussi été des
précurseurs avec une présence sur
Facebook dès 2010 et Twitter l’an-
née suivante ». Ils ont aussi profité
du lancement tardif des réseaux
sociaux d’autres villes, pourtant
plus grosses. « Reims et Troyes ont
longtemps été à la traîne sur ces
questions », exemplifie celui qui a
contribué à lancer l’Observatoire
socialmedia des territoires. Une
déclaration que ne contestera sans
doute pas Karine Puyo, la direc-
trice de la communication de
Reims et du Grand Reims. « En jan-
vier 2015, nous avions 4 000 abon-
nés sur Facebook et plus de 50 000
aujourd’hui », commente-t-elle.
« Cela nous donne une force de
frappe tout autre. » Désormais, son
service de communication compte
cinq personnes. « Le service est
monté en puissance avec les ré-
seaux sociaux, avant on ne s’occu-
pait essentiellement que du site in-
ternet, à deux personnes. » Depuis,
un webmaster puis un community
manager ont renforcé ce service.
LES RÉSEAUX
SOCIAUX
POUR PROMOUVOIR
LES TERRITOIRESL’avènement des réseaux sociaux a modifié
la manière dont les territoires s’affichent,
se mettent en valeur et présentent leurs atouts pour
attirer touristes, entreprises et nouveaux habitants.
NOUVELLES TECHNOLOGIES
Placé dans un endroit propice aux selfies que les visiteurs vont s’empresser de partager, cette structure est un bon exemple de marketing territorial par les réseaux sociaux. Antoine Lasprèses
2. MERCREDI
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5RÉGION À LA UNE
L’usage des réseaux sociaux est-il adapté au
marketing territorial ?
C’est d’abord une bonne stratégie
qui doit être co-construite,
planifiée, évaluée et partagée avec
les agents. Il faut aussi avoir des
objectifs précis - attractivité
économique ou touristique ? - des
publics cibles et des professionnels
formés. Parce qu’un community
manager seul dans son coin, ce
n’est pas efficace. Ça peut faire du
bruit, des petits buzz, mais
globalement sans stratégie, il n’y
aucun bénéfice. Une stratégie
claire permet aussi de redonner du
sens à ceux qui animent les
réseaux sociaux. Donc il faut
diffuser cette stratégie en interne
mais aussi la confronter aux
citoyens, avec des gens qui vont
aider à l’améliorer et permettre de
l’évaluer.
Que permet une communication digitale ?
Par exemple, « J’aime l’Aisne », ça
veut dire quoi ? Donc, il faut
confronter cette notion à un panel
d’habitants qui eux vont pouvoir le
dire. Cela permet aussi de mettre
en place des ambassadeurs
externes. Car si c’est le
département qui dit « l’Aisne, c’est
trop bien », c’est de la pub. Mais si
c’est un habitant qui le dit, « un
ambassadeur », le message est
beaucoup plus fort, plus vrai et
authentique. Et un ambassadeur,
c’est vraiment le quidam qui vante
son territoire. C’est une
communication plus horizontale.
Et si on a un ambassadeur qui est
un influenceur, là c’est le Graal.
Quelles sont les différences entre les mul-
tiples réseaux ?
Il faut tirer parti des atouts et des
fonctionnalités des réseaux
sociaux qui ne sont pas les mêmes.
C’est bien de se déployer sur
différents supports, mais il faut y
intégrer des objectifs différents.
Chaque réseau social à sa cible et
son usage, adaptés à une stratégie.
Par exemple, un territoire en mal
de médecin peut les cibler sur
linkedIn. Sur Instagram, ce sont
plutôt les touristes...
3 QUESTIONS À...
“Si c’est un habitant
qui le dit, le message
est beaucoup plus fort”
FRANCK CONFINO
OBSERVATOIRE
SOCIALMEDIA
DES TERRITOIRES
Des réseaux sociaux
au service du
marketing territorial
Le marketing territorial est la façon par
laquelle les pouvoirs publics mobilisent
des techniques venues de la publicité et
de la communication d’entreprise pour
promouvoir leurs territoires. Naturelle-
ment, les collectivités territoriales n’ont
pas attendu les réseaux sociaux pour
déployer cette stratégie. La ville de New
York, avec son slogan et le visuel « I love
New York », que tout le monde connaît, a
été pionnière dans sa forme contemporaine. C’était en 1977, bien
avant l’internet. En France, c’est la métropole lyonnaise qui s’est enga-
gée la première dans cette voie en créant l’identité visuelle « Only
Lyon » et en la diffusant à l’international. Mais chaque ville, région ou
département possède son identité visuelle venant souvent compléter
un slogan, comme « Ardennes, Avec vue sur l’Avenir », ou encore
« Aisne, it’s open », avec des fortunes diverses selon l’agilité communi-
cationnelle. Mais les réseaux sociaux ont permis de donner une autre
dimension à ce marketing. C’est en effet un formidable outil à la dispo-
sition des pouvoirs publics qui permet aux internautes de ne plus
seulement être passif devant une communication territoriale mais d’en
devenir acteur, voire ambassadeur en s’impliquant dans la promotion
de son territoire.
Hashtags d’or : l’agglomération
de Saint-Dizier, Der et Blaise au top
Lancés pour la première fois en 2018 par Cap’Com, une association qui
accompagne élus et collectivités dans leur communication, les Hash-
tags d’or récompensent les collectivités les plus agiles sur les réseaux
sociaux. L’an passé, la communauté d’agglomération de Saint-Dizier,
Der et Blaise, s’était distinguée par l’octroi d’un hashtag d’or dans la
catégorie des intercommunalités. Nos départements n’avaient, en
revanche, obtenu aucune récompense, pas même un petit trophée en
bronze mais la région Grand Est se plaçait au premier rang. Au niveau
communal, les villes axonaises de Saint-Quentin et Soissons se
voyaient décerner un titre en argent, dans la catégorie des villes
moyennes. Cette année, cette cérémonie se déroulera le 26 septembre.
Une concurrence économique
entre territoires
Au travers du marketing territorial, c’est une concurrence que les collec-
tivités se livrent entre elles afin de développer leurs économies.
L’agence « Invest In Reims », créée en 2003, s’inscrit absolument dans
cette démarche et connaît quelques succès. Il faut dire que Reims a de
sérieux atouts à faire valoir, notamment une position géographique
qui la place avantageusement à quarante minutes de Paris et à trente
minutes de l’aéroport Roissy-CDG. Et pour inciter les candidats suscep-
tibles de s’installer, Invest In Reims déploie le tapis rouge et ouvre son
portefeuille. Elle promet ainsi aux entreprises « une réponse sous 48
heures adaptée aux besoins immobiliers, fonciers, humains, financiers
et fiscaux ». Depuis sa création, Invest In Reims revendique l’accompa-
gnement de plus de 270 entreprises qui auraient créé 10 000 emplois
« en proposant la prise en charge jusqu’à 100 % des coûts de formation
et d’embauche, et l’obtention d’une prime jusqu’à 3 000 euros par
emploi créé ».
LES AUTRES POINTS
Si Karine Puyo dit « ne pas encore
utiliser les réseaux sociaux pour
faire du marketing territorial », il y
a bien « eu la campagne “je suis ré-
mois”, qui est une première amorce
d’un projet d’envergure que l’on va
mettre en place. Mais pour l’heure
on le fait plutôt par des canaux plus
traditionnels comme des insertions
presse, papier et internet. »
Car voilà bien un des nerfs de la
guerre auquel se livrent les diffé-
rents services de communication
des territoires de par le monde :
attirer investisseurs, touristes,
nouveaux habitants et autres en-
trepreneurs. En somme, gagner en
importance dans le jeu mondial
des flux humains et économiques
toujours plus rapide. Et pour cela,
dynamiser son territoire ne suffit
pas ; encore faut-il le faire savoir
et parvenir à le montrer désirable
et attractif. Dans cette tâche, les
réseaux sociaux sont d’une aide
capitale. C’est ce qu’ont visible-
ment compris les Ardennes en
choyant ses instagramers, le ré-
seau social « qui monte très fort »,
indique Pierre Renaud.
Instagram permet de partager des
photos accompagnées d’un texte
et d’un certain nombre de mots-
clefs que les autres utilisateurs
vont pouvoir rechercher.
AUX PETITS SOINS DES INSTAGRAMERS
Après des visites privilégiées des
sites de La Cassine et du Parc Ar-
gonne Découverte en juillet, l’of-
fice du tourisme commun à Char-
leville et à Sedan emmène les
trois filles qui animent le compte
Igers_Charleville dans les cou-
lisses du stade Louis-Dugauguez
le 7 septembre, puis dans les rues
de Sedan le 14. Avec 1 200 follo-
wers en tout juste une année
d’existence, « ce compte est celui
qui connaît en France la plus forte
progression dans la famille des
Igers, une association mondiale
d’instagramers », explique Marion.
Car, à vrai dire, c’est là que réside
la clef d’un marketing territorial
réussi : faire connaître son terri-
toire par des ambassadeurs, des
personnes, non-affiliés aux pou-
voirs publics. « On met des fonds
qui vont servir aux internautes. Et
c’est beaucoup plus efficace lors-
qu’un touriste ou un Rémois diffuse
l’image de la ville », a bien compris
Karine Puyo.
« Les résultats, on les mesure aussi
aux nouveaux habitants », estime
Pierre Renaud. « J’ai des histoires de
personnes venues s’installer à
Saint-Dizier qui hésitaient entre
deux postes et qui ont dit “j’ai vu
que ça bougeait plus Saint-Dizier”.
C’est peut-être vrai, mais il y a aussi
un effet loupe produit par les ré-
seaux sociaux », conclut-il.
ALEXANDRE VELLA
GRANDES AFFICHES ET PETITES IDÉES
Dans le cadre du pacte Ardennes, un million d’euros, financé pour moitié
par des partenaires locaux et pour l’autre par l’Agence régionale du tou-
risme Grand Est, a été consacré à l’affichage du patrimoine ardennais dans
les grandes métropoles et villes intermédiaires du nord-est de la France et
de la Belgique. Paris, Lille, Bruxelles, Liège ont habillé leur mobilier urbain,
gares, métros et trams jusqu’à la mi-août avec l’idée d’attirer le chaland en
visite. Mais il n’est pas toujours nécessaire de sortir de grande affiche en
4x3 dans le métro et les gares parisiennes pour faire parler de son terri-
toire. Ce qu’illustre l’initiative de la ville de Reims menée au printemps qui
consistait à colorer les pavés de la rue de Tambour avec huit teintes diffé-
rentes. En termes de communication, les retombées positives se sont immé-
diatement fait sentir : large couverture par la presse et les télévisions lo-
cales et reprise dans certains médias nationaux comme dans le JT de France
Info du 4 mai 2019. Une action qui a donc permis de montrer à la France
entière la cité des sacres à peu de frais, et sous un bon jour. L’occasion aussi
pour les locaux comme pour les touristes de faire de jolis selfies qui ont
irrigué les réseaux sociaux.