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Melanie Laurent
1. RR e n c o n t r e
Mélanie Laurent
« Je suis très gâtée »
Une année en or massif au Inutile de vous demander à vous si le cinéma français est
généreux envers ses actrices. Quelle année !
Oui. Ces deux dernières années, en fait, ont été très
box-office, des débuts au théâtre, riches. D’une manière générale, je trouve que le cinéma
français nous traite plutôt bien. Moi, en tout cas, je suis
un film à l’affiche, La Rafle, un très gâtée.
Deux millions d’entrées pour une petite production comme
album en route, et une nouvelle Le Concert, c’est énorme. Le succès du film vous a-t-il surprise ?
J’étais aux Etats-Unis au moment de la sortie, mais mon
maison à Paris : Mélanie Laurent père m’envoyait des photos des affiches apposées sur les
kiosques avec le nombre de spectateurs. En fait, je l’avais
méritait d’ouvrir ce numéro pressenti… J’aime bien défendre les films en province et
j’avais vu le public se lever pour applaudir, parfois en
larmes. Depuis Je vais bien, ne t’en fais pas [de Philippe
spécial Césars consacré aux Lioret], je n’avais pas vécu ça. C’était un bon présage.
Quelle est, pour vous, l’image la plus forte des deux années
comédiennes. Une déclaration qui viennent de s’écouler ?
Le moment le plus intense, c’est peut-être la fin du
d’amour aux belles et drôles tournage du Concert : le dernier jour, au théâtre du
Châtelet, je m’évanouissais, au milieu des violons. La
de dames du cinéma français. veille, je rencontrais Quentin Tarantino pour Inglourious
Basterds. Quatre jours après, j’apprenais que j’étais prise
pour le film, et deux jours plus tard je m’envolais pour
Los Angeles. C’était fou ! Il y a eu aussi Cannes, le tour-
nage formidable de La Rafle, la préparation de mon al-
bum, la tournée mondiale du Tarantino, le tournage de
P. SCHMIDT POUR L’EXPRESS STYLES / RÉALISATION : B. LOISON
Beginners à Los Angeles avec Ewan McGregor, l’écriture
de mon long-métrage… J’ai pris cinq jours de vacances
DR - STÉPHANE RUET PROD / STORYBOX
en deux ans, je quitte un appartement où j’ai dû passer
au maximum deux mois. Mais bon, je ne me plains pas.
Je mène exactement la vie dont j’ai envie.
Diane Kruger, votre partenaire dans Inglorious Basterds, confiait
récemment avoir un peu souffert sur le plan personnel durant
cette année très riche pour elle aussi. Cela n’a pas été votre cas ?
Premiers pas sur les planches Mélanie Laurent Bizarrement, non. Je dirais même que, dans ce tour-
et Jérôme Kircher, à l’affiche de la nouvelle pièce de Nicolas Bedos. billon, j’ai réussi à me trouver. Le vrai déclic a eu lieu GGG
28 G 18/2/2010
3. La Rafle,
de Rose Bosch
(sortie le 10 mars).
L’actrice y incarne
aux côtés
de Gad Elmaleh
et de Jean Reno
LÉGENDE FILMS / BRUNO CALVO
une infirmière
aux prises
avec l’Histoire.
GGG au moment de la rencontre avec Damien [NDLR : le
musicien Damien Rice, qui collabore à l’album de la
comédienne]. Damien est le musicien que je respecte le
plus au monde. Avant, je papillonnais de soirée en soirée.
Et puis j’ai rencontré un homme qui m’a accueillie chez
lui, en Irlande, m’a préparé du jus de concombre le matin,
m’a emmenée en promenade en forêt ou face à la mer.
Ça m’a posée d’un coup ! C’est si rare de croiser quelqu’un
qui vous veut du bien. Damien m’aide à savoir ce que
signifie être artiste, car je fais beaucoup de choses à côté
PROD DB GUY FERRANDIS - PRODUCTIONS DU TRÉSOR / DR
de mon travail d’actrice.
Il y a beaucoup de gens qui vous veulent du mal ?
Non, pas dans le métier. Je parlais dans ma vie per-
sonnelle. Je n’ai pas toujours croisé des personnes saines,
simples et généreuses. Aujourd’hui, autour de moi, il n’y
Le Concert, a que des gens qui me veulent du bien.
du cinéaste roumain Radu
Mihaileanu. Le triomphe Alors, cela signifie quoi, être artiste ?
surprise de l’automne dernier. Se poser des questions, aller au bout de ses envies,
refuser le confort, se confronter à l’inconnu… Damien
m’a fait comprendre que, si je veux faire de la musique,
c’est parce que j’ai envie de faire de la scène, et qu’il
faut donc que je me remette au piano et que je compose.
De cette rencontre sont nées une très belle amitié et
beaucoup de sérénité.
Inglourious A quoi ressemble la nouvelle Mélanie ?
Basterds, Elle est consciente de l’immense chance qu’elle a de
de Quentin faire ce métier. Elle ne râle plus toutes les deux minutes,
Tarantino. rit beaucoup plus qu’avant, se couche tôt, continue de
Mélanie et son rêver intensément, mais sans faire de cauchemars. Même
réalisateur
au Festival
si en ce moment je dors très mal à cause du théâtre.
de Cannes 2009. Le théâtre, où vous faites vos débuts dans la pièce de Nicolas
Bedos, Promenade de santé. Vous angoissez ?
A mort. Autant je n’ai jamais flippé dans ce métier
– je n’ai même pas peur de mettre en scène mon premier
film – autant là, j’ai un trac fou. Le soir, je visualise tout,
je me couche avec des cahiers, des stylos… Je me réveille
brusquement pour noter des idées.
C’est la confrontation avec le public que vous craignez ?
Le regard de la critique ?
Pas la rencontre avec le public. Au contraire, je pense
qu’elle va me libérer. C’est davantage l’appropriation du
L. VENANCE / AFP
rôle pendant les répétitions qui me fout la trouille. En
tout cas, pas les critiques. Depuis le César [NDLR : en
2007, pour Je vais bien, ne t’en fais pas], qui m’a donné
4. une certaine légitimité dans ce métier, je ne les lis plus.
Je ne sais pas ce que l’on dit de moi. C’est ma manière de
me protéger.
En général, elles disent plutôt du bien.
THE KOBAL COLLECTION / AFP
Pas sur le Tarantino. Je l’ai ressenti immédiatement.
J’ai reçu beaucoup de messages pour Le Concert, prati-
quement aucun pour le Tarantino. Mais ce n’est pas grave.
Je trouve juste un peu dommage que l’on n’ait pas com-
pris ce que j’ai voulu faire dans ce film, que mon propre
pays ne m’ait pas soutenue alors que je vis et travaille ici. Partenaires Avec Justin Bartha dans Jusqu’à toi, de Jennifer Devoldère (2009),
Tarantino voulait une héroïne très soft, très froide. J’ai et Fabrice Luchini dans Paris, de Cédric Klapisch (2008).
essayé de respecter son désir.
Vous avez été tentée de partir pour de bon
pour les Etats-Unis ?
Non. Le théâtre, mon film, c’était une
manière de rester à Paris. Je viens de
m’acheter une maison ici. Une maison
de poupée que j’adore, avec une cham-
bre d’amis et un jardin. Je vais pouvoir
faire mon compost, c’est génial. [Rires.]
J’ai envie d’une déco écolo, de grands
dîners avec des amis venus du monde
entier. Ce sera mon cocon.
Que pouvez-vous nous dire sur votre film ?
Très peu… A part que je le tourne en
octobre et qu’il s’agit d’une réflexion
autour de l’adoption. Les deux rôles fé-
minins principaux sont tenus par Marie
Denarnaud, une actrice que j’adore et
qui a joué dans Les Corps impatients, de Le sacre
En 2007, l’actrice reçoit le césar
Xavier Giannoli, et moi-même. Pour le du meilleur espoir féminin pour
premier rôle masculin, rien n’est encore Je vais bien, ne t’en fais pas,
F. GUILLOT / AFP
sûr, mais je croise les doigts. J’ai quelqu’un de Philippe Lioret. A ses côtés,
en tête qui serait formidable. Pour jouer Kad Merad, son partenaire dans le film.
le rôle de ma mère aussi.
A qui pensez-vous ?
A Isabelle Adjani. Je l’adore ! Je rêve de la rencontrer. Mon idole
On se parle par messagerie, mais je suis sûre que l’on va « Isabelle Adjani,
finir par faire connaissance. je l’adore. J’aimerais
Où en sont vos relations avec Daniel Auteuil, dont le premier tellement qu’elle
accepte de jouer
long-métrage, La Fille du puisatier, va finalement se tourner
dans mon premier
sans vous ? long-métrage. »
Me désengager de La Fille du puisatier a été très
M. BUREAU / AFP
douloureux et très frustrant. J’avais dit oui à la pièce de
Nicolas [Bedos] avant et, comme celle-ci a été décalée,
je ne pouvais plus partir dans le Sud. Et pourtant, j’adore
Daniel, j’étais très honorée de participer à son film. Je ne
pouvais tout simplement pas faire les deux. J’espère qu’il Mon amie
a bien eu le message que je lui ai laissé. la plus
De tous les messages que vous avez reçus pour Le Concert, quel proche
est celui qui vous a le plus émue ? L’actrice Marion
Cotillard.
Le plus incongru, c’est celui de Gérard Depardieu, dont « Nos carrières
P. LE SEGRETAIN / GETTY IMAGES / AFP
je n’avais pas entendu la voix depuis douze ans. J’étais à nous éloignent,
Los Angeles, je décroche le téléphone et, tout d’un coup, mais à chaque fois
j’entends [elle prend une grosse voix] : « Allô, mon petit que nous nous
retrouvons, c’est
chat, comment ça va ? C’est Gérard. C’est pas parce qu’on comme si nous
ne se voit plus que je ne suis pas ta carrière. Je suis fier ne nous étions
de toi ! » [Rires.] G Propos recueillis par Géraldine Catalano jamais quittées. »