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Université Libre de Bruxelles
                                Faculté des Sciences
                         Services de chimie des polymères




Synthèse et caractérisation de pyrènes
           4,9 disubstitués




Directeur mémoire :                             Mémoire présenté par Etienne Josseaux en
Professeur Yves Geerts                           vue de l’obtention du grade de Master en
                                                                       Sciences Chimiques




                         Année académique 2009 - 2010
Remerciements


  Je remercie l’ensemble des chimistes de la future promotion 2009-2010, ainsi que nos bien-aimés
gravitons, pour ces cinq années. Trop nombreux pour les citer tous, mais trop importants pour ne pas
                                       figurer en tête de liste.



 Je remercie Yves et Christian pour leur aide et leur investissement, chacun à sa manière ; et merci à
   tous ceux du laboratoire de chimie des polymères (colons y compris) pour avoir fait du travail un
                                       plaisir de tout les jours.

                    Merci à Nicolas pour m’avoir distrait quand j’en avais besoin,
                    Merci à Adeline pour m’avoir fait rire quand j’en avais besoin,
                        Merci à Maud, pour tout, dès que j’en ai eu besoin,
                                    Merci à Toi, pour avoir été là.



 Merci à tous ceux qui, de près ou de loin, ont rendu possible l’un de mes premiers rêves d’enfant ;
         merci à moi et à mes quatre benzènes, sans qui tout ceci n’aurait pas été possible.




                                                                                                       2
Résumé

Dans ce mémoire, la synthèse de quatre molécules dérivées du pyrène disubstitué en ses positions 4
et 9 a été investiguée. Issues d’un design d’ingénierie cristalline, ces molécules sont susceptibles de
former à l’état cristallin des arrangements type mur de brique qui réduisent la sensibilité du
transport de charges aux défauts structuraux et qui permettent d’éviter une perte de fluorescence
due à la formation d’agrégats H. La synthèse partira du 1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène et utilisera
entre autre les réactions de couplage au palladium de Sonogashira-Hagihara, de Suzuki-Miyaura, de
Stille et de Buchwald Hartwig pour former les quatre molécules cibles : le 4,9-
bis((triméthylsilyl)éthynyl)pyrène, le 4,9-bis(4-tert-butylphényl)pyrène, le 4,9-di(pipéridin-1-yl)pyrène
et le 4,9-bis(9,9-didodécyl-9H-fluorèn-2-yl)pyrène.

Au terme de ce travail nous sommes parvenus à synthétiser et purifier deux des quatre molécules
cibles, le 4,9-bis((triméthylsilyl)éthynyl)pyrène et le 4,9-bis(4-tert-butylphényl)pyrène, à les
caractériser en solution et à obtenir des cristaux analysables par diffraction aux rayons X pour le 4,9-
bis((triméthylsilyl)éthynyl)pyrène. La caractérisation du 4,9-bis(9,9-didodécyl-9H-fluorèn-2-yl)pyrène
s’est révélée plus compliquée que prévue et doit encore être approfondie tandis qu’une voie de
synthèse différente et prometteuse a été initiée pour obtenir le 4,9-di(pipéridin-1-yl)pyrène.




                                                                                                       3
Table des matières

 REMERCIEMENTS                                                2



 RESUME                                                       3



 TABLE DES MATIERES                                           4



PREMIERE PARTIE : INTRODUCTION                                7

1. Ingénierie cristalline                                     8
    1.1. Transport de charges                                 8
        1.1.1.La théorie de Marcus                            8
        1.1.2.Les systèmes cristallins π-conjugués            9
    1.2. Fluorescence                                         12
        1.2.1.Agrégats J et agrégats H                        13
        1.2.2.Recherche de cristaux organiques fluorescents   14
        1.2.3.Recherche de cristaux liquides fluorescents     15

2. Le pyrène                                                  16
    2.1. Excimères                                            17
    2.2. Le pyrène à l’état solide                            19
    2.3. Quelques composés pyrèniques                         19
    2.4. Objectif du mémoire                                  20
    2.5. Rétrosynthèse                                        23

3. Les réactions de couplage au palladium                     24
    3.1. Les cycles catalytiques                              24
    3.2. Les substrats                                        25
    3.3. Les couplages utilisés                               26



DEUXIEME PARTIE : RESULTATS ET DISCUSSION                     28

1. Synthèse                                                   28

                                                                   4
1.1. La bromation en position 4,9                                          29
       1.1.1.Le système de départ : le 1,2,3, 6,7,8-hexahydropyrène           29
       1.1.2.Bromation Br2/FeCl3                                              30
       1.1.3.Structure du composé dibromé                                     31
   1.2. Oxydation ou couplage ?                                               36
       1.2.1.4,9-bis ((triméthylsilyl) éthynyl)-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène   36
       1.2.2.Oxydation du 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène             37
           1.2.2.1.      Oxydation par le p-chloranil                         38
           1.2.2.2.      Oxydation par le DDQ                                 38
           1.2.2.3.      Caractérisation                                      39
   1.3. Les réactions de couplage                                             41
       1.3.1. 4,9-bis((triméthylsilyl)éthynyl)pyrène                          41
           1.3.1.1.      Le couplage de Sonogashira-Hagihara                  41
           1.3.1.2.      Caractérisation                                      42
           1.3.1.3.      Cristallisation du produit                           44
       1.3.2. 4,9-bis(4-tert-buthylphényl)pyrène                              45
           1.3.2.1.      Le couplage de Suzuki-Miyaura                        45
           1.3.2.2.      Caractérisation                                      46
           1.3.2.3.      Cristallisation du produit                           48
       1.3.3. 4,9-bis(9,9-didodécyl-9H-fluorèn-2-yl)pyrène                    48
           1.3.3.1.      Formation du précurseur stannique                    49
           1.3.3.2.      Le couplage de Stille                                49
           1.3.3.3.      Caractérisation : la difficulté des fluorènes        50
       1.3.4. 4,9-di(pipéridin-1-yl)pyrène                                    52
           1.3.4.1.      Le couplage de Buchwald-Hartwig sur Ic               52
           1.3.4.2.      Le couplage de Buchwald-Hartwig sur Ib               53
           1.3.4.3.      Caractérisation                                      54
           1.3.4.4.      Oxydation par le DDQ                                 55
   1.4. Conclusion de la synthèse                                             56

2. Propriétés optiques des composés                                           56
   2.1. Absorption                                                            57
   2.2. Emission                                                              59
   2.3. Excimères                                                             60
   2.4. Conclusion des mesures d’absorption et de fluorescence                61



TROISIEME PARTIE : CLONCLUSIONS ET PERSPECTIVES                               63



ANNEXES

1. Partie expérimentale                                                       65

2. Bibliographie                                                              67

                                                                                   5
Première partie :
  Introduction




                    6
Les préoccupations énergétiques sont omniprésentes en ce début de 21ième siècle. Dans tous les pays,
des scientifiques sont à la recherche de nouvelles sources d’énergie ou de nouveaux matériaux
permettant une meilleure utilisation de celle-ci. Les matériaux organiques (molécules ou
macromolécules) peuvent transporter des charges électriques et interagir efficacement avec la
lumière lorsqu’ils possèdent une structure π-conjuguée. Les semi-conducteurs organiques ont un
potentiel important, que ce soit dans le développement de nouveaux systèmes d’éclairage (OLED
pour Organic Light Emitting Diodes) ou de cellules photovoltaïques1. En effet, les techniques de
synthèse actuelles regorgent de méthodes de fonctionnalisations efficaces pour des molécules ou
des polymères, permettant une grande diversité de structure et de propriétés. Ceci permet la mise
au point de matériaux spécifiques aux propriétés choisies. De plus, la synthèse des matériaux
organiques requière des conditions plus douces que celle des matériaux inorganiques, ce qui se
traduit par des économies d’énergie. Le replacement des semi-conducteurs inorganiques par des
matériaux organiques réduit le coût de production* et permet la fabrication de plus larges dispositifs,
ou encore de travailler sur des substrats plus légers et plus flexibles2,3.



Malgré le potentiel des semi-conducteurs organiques et la liberté exploratoire offerte par les
nouvelles techniques de synthèse, les chimistes travaillant sur les matériaux organiques font face à
de nombreux défis scientifiques et technologiques. Dans ce travail nous avons essayé d’apporter une
modeste pierre à l’édifice de ces matériaux. Plus précisément nous présentons la synthèse et la
caractérisation de nouvelles molécules, dérivées du pyrène, en vue d’obtenir des cristaux combinant
un transport de charges efficace et une fluorescence intense. Nous envisageons que ces matériaux
nouveaux puissent être utilisés dans divers dispositifs opto-électriques.

Les propriétés physiques des semi-conducteurs organiques dépendent de leur structure chimique,
mais aussi énormément de leur organisation supramoléculaire à l’état solide. Cet aspect fait l’objet
du chapitre suivant où seront exposées brièvement les relations qui existent entre la structure à
l’état solide des matériaux et le transport de charges ainsi qu’avec la fluorescence. Nous parlerons
ensuite du pyrène et ferons un bref état de l’avancement de quelques recherches basées sur ses
dérivés. Le troisième chapitre de cette introduction servira de rappel sur les techniques de couplage,
largement utilisées durant le travail de synthèse.




*                                                    2
 Par exemple : la production d’une cellule solaire d’1m à base de silicium induit le dégagement d’environ
400Kg de CO2 alors que celle d’une cellule solaire à base de polymères conjugués tombe aux environs de 4Kg
de CO2.

                                                                                                             7
1. Ingénierie cristalline

L’ingénierie cristalline est une discipline scientifique récente qui s’attache à relier les propriétés
physico-chimiques d’un cristal à la structure des molécules qui le composent. Sur base des
interactions intermoléculaires qui existent entre les molécules, on recherche l’arrangement cristallin
qui minimiserait l’énergie libre de formation du cristal tout en maximisant une ou plusieurs
propriétés.

Les propriétés d’un cristal vont dépendre pour une certaine part des molécules qui le forment. Les
interactions intermoléculaires dans un cristal organique sont des interactions faibles qui ne sont pas
capables d’altérer certaines propriétés moléculaires comme la dimension et structure moléculaire ou
encore les fréquences vibrationnelles. Il est donc logique que certaines caractéristiques physico-
chimiques des molécules se transmettent au système cristallin.

Néanmoins, d’autres propriétés seront modifiées en raison de la proximité des molécules. Ces
propriétés dont font partie le transport de charges et la fluorescence vont grandement dépendre de
l’arrangement cristallin adopté. En comprenant les mécanismes qui définissent l’arrangement des
molécules à l’état solide, on peut prévoir des structures de molécules dont les formations cristallines
se trouveraient pourvues de propriétés particulières. Ce travail s’inscrit dans cette lignée : il a pour
objet de trouver des matériaux solides alliant une fluorescence intense et un transport de charges
efficace.

Les sections suivantes expliquent les conditions nécessaires à un transport de charges rapide et une
fluorescence intense dans un réseau cristallin. Nous verrons que certains arrangements sont plus
propices que d’autres à l’optimisation de ces deux propriétés physiques. Le design des molécules qui
feront l’objet de la synthèse tentera de combiner les structures nécessaires aux deux phénomènes.




    1.1. Transport de charges :

        1.1.1.La théorie de Marcus

Le transfert† de charges électriques dans les matériaux π-conjugués est décrit à l’échelle
microscopique par l’équation de Marcus simplifiée car les réactifs et les produits ont la même
énergie. L’équation (1) permet de calculer le taux de transfert, kET (s-1), c'est-à-dire la constante
cinétique de la réaction5.




                                                                                                         (1)



†
 Le terme « transport de charges » est réservé à la description du transport de charges électriques sur des
distances macroscopiques. Le terme « transfert de charges » s’applique aux déplacements d’électrons entre
molécules voisines.


                                                                                                               8
kET est aussi l’inverse de Δt, le temps de résidence d’une charge sur une molécule. Cette grandeur
peut être reliée à la mobilité des charges μ (m²/Vs) via l’équation :


                                                                                                  (2)
                                                 Δ

Où d (m) est la distance entre molécules et F (V/m) est l’amplitude du champ électrique.

L’équation de Marcus (1) contient deux paramètres importants que sont l’intégrale de transfert t
(proportionnelle au recouvrement orbitalaire des molécules adjacentes) et l’énergie de
réorganisation λ (associée à la variation de la structure moléculaire en présence et en absence de
charge). Pour obtenir une mobilité élevée et donc un transfert de charges efficace, il faut maximiser
kET ; t doit donc être grand et λ petit. Les systèmes cristallins π-conjugués affichent généralement de
bons recouvrements des orbitales frontières et sont donc de bons candidats pour des systèmes
organiques semi-conducteurs69.

Les charges positives, appelées aussi trous ou h+, sont transportées par les orbitales HOMO et les
charges négatives, les électrons ou e-, sont transportées par les LUMO.

Dans la section suivante nous présentons l’arrangement cristallin des molécules π-conjuguées et le
lien entre cet arrangement et la mobilité des charges.



        1.1.2.Les systèmes cristallins π-conjugués10, 59, 60

La théorie de Marcus s’applique au mouvement des charges à l’échelle moléculaire, tandis que le
transport de charges implique leurs déplacements sur des distances macroscopiques. Dès lors les
impuretés du matériau π-conjugué et la présence de défauts structuraux seront deux facteurs
néfastes au transport de charges.

L’influence de ces défauts peut cependant être modulée en fonction de la structure cristalline.
Voyons deux extrêmes que l’on peut rencontrer selon la forme des molécules qui vont former le
cristal : l’empilement cofacial et l’empilement sous forme de mur de brique.

Les molécules en forme de disques, comme les phtalocyanines, s’organisent sous forme de colonnes
de molécules empilées de manière cofaciale11. Ceci est représenté sur la figure 1 :




                                                                                                        9
Figure 1 : a) Structure moléculaire des phtalocyanines, où M = un métal ou un hydrogène. b) Organisation
en colonne des phtalocyanines, où α est l'angle de glissement. c) Rassemblement des colonnes dans la
structure cristalline.

Le recouvrement orbitalaire d’une molécule se fait essentiellement avec les orbitales de ses deux
premières voisines au sein d’une colonne. Ce recouvrement est très efficace et le transport de
charges vertical dans la colonne est très rapide, ce qui est favorable aux dispositifs photovoltaïques
par exemple. A l’inverse, il n’y a pratiquement pas d’interactions du point de vue électronique entre
les molécules des colonnes adjacentes.

Notons que l’empilement n’est pas totalement cofacial car les molécules se
décalent légèrement l’une par rapport à l’autre (figure 2). Ce décalage latéral
propre aux molécules aromatiques est imposé par les interactions π-π
répulsives12, 13.

Le transport de charges au sein des colonnes est rapide car le recouvrement Figure 2 : Décalage
orbitalaire est grand, mais il est très sensible à la présence de défauts‡ et latéral des molécules
                                                                                       π-conjuguées
d’impuretés§. On peut réussir, avec difficulté cependant, à obtenir un cristal sans
impuretés, mais les défauts font partie intégrante des systèmes cristallins : ils sont
intrinsèques à la thermodynamique des cristaux.

Puisqu’obtenir un cristal sans défaut est impossible, il faut rendre le transfert des électrons plus
tolérant à leur présence. Une solution serait d’imposer, par l’encombrement stérique des molécules,
un autre motif que la formation de colonnes. Un nombre élevé de premiers voisins permet de
réduire plus efficacement l’influence d’un défaut ou d’une impureté.




‡
  Les défauts sont par exemple des molécules manquantes dans le réseau (des vides, aussi appelés défauts de
Schottky), des molécules en plus qui s’ajoutent au réseau sans y avoir de place (défauts de Frenkel) ou des
molécules mal orientées par rapport au réseau.
§
  Le transport de charges sur une distance de 3μm requière des colonnes d’environ 10 000 molécules. Une
seule impureté dans la colonne suffit à bloquer le transport de charges, car le passage d’une colonne à une
autre est empêché par l’absence d’interactions électroniques. Le matériau doit donc contenir moins d’une
impureté pour 10 000 molécules, ce qui revient à demander une pureté supérieure à 99.99% soit un produit
100 fois plus pur que les produits synthétisés au laboratoire.

                                                                                                           10
Cet autre empilement peut être l’empilement de type mur de brique (figure 3). Dans cet
arrangement, le recouvrement entre orbitales π est toujours significatif, mais il se répartit sur quatre
premiers voisins au lieu de deux dans un arrangement cofacial. L’empilement est aussi plus efficace :
les molécules sont plus proches les unes des autres. Cela améliore encore les recouvrements et donc
le transfert de charges.



Le transport de charges sera à nouveau orienté
verticalement car les molécules auront, comme
dans l’arrangement en colonnes, très peu
d’interactions électroniques avec leurs voisines
« horizontales ». Le transport de charges aura
cette fois la possibilité d’emprunter plusieurs
chemins différents : c’est grâce à cela que la
présence d’un défaut dans la figure 3 ne bloque
pas le transport d’électrons dans le solide comme
cela aurait été le cas dans un arrangement
cofacial15, 16.



                                                           Figure 3 : Transport de charge vertical dans un cristal en
                                                           "mur de brique" sans défaut (a) et avec un défaut de
                                                           type Schottky (b)

Le TIPS-pentacène est une molécule qui adopte un empilement en mur de brique14 : l’encombrement
stérique des deux groupements triisopropylsilyles permet d’induire le décalage nécessaire entre deux
molécules pour éviter l’arrangement cofacial (figure 4).




Figure 4 : a) structure moléculaire du TIPS-pentacène ; b) le positionnement relatif de deux molécules et c)
l'agencement de ces molécules dans un réseau cristallin.

Nous retrouvons ici le concept d’ingénierie cristalline. Les chimistes des matériaux ont obtenu, après
de nombreux efforts de synthèse pour modifier l’encombrement stérique des groupes trialkylsilyles
latéraux, l’organisation structurale désirée maximisant une propriété spécifique, en l’occurrence la
mobilité des charges électriques**.

Le paragraphe suivant est consacré à l’influence de l’organisation supramoléculaire sur la
fluorescence à l’état solide.

** Les mobilités électroniques les plus élevées pour des composés organiques ont été mesurées sur des
                                                                                 -2 2         2  2
cristaux de naphtalène, anthracène et de périlène avec des mobilités allant de 10 cm /V s à 10 cm /V s aux
basses températures.

                                                                                                                   11
1.2. Fluorescence58-61

Fluorescence et phosphorescence correspondent à une émission d’énergie sous forme de lumière
suite à la désactivation radiative d’un état excité vers l’état électronique fondamental. L’état excité
est un état singulet dans le cas de la fluorescence et un état triplet pour la phosphorescence.
On peut utiliser le diagramme de Jablonski pour représenter les phénomènes de photo-excitation et
de désexcitation :




                 Figure 5 : Diagramme de Jablonski représentant les phénomènes d'absorption et d'émission
                 sous forme de fluorescence et de phosphorescence selon les états électroniques.

Les composés π-conjugués présentent la particularité d’absorber intensément la lumière UV-visible††.
Certains de ces composés fluorescent d’ailleurs avec un rendement quantique‡‡ proche de l’unité,
c'est-à-dire que pour chaque photon de longueur d’onde λ1 absorbé par les molécules sera réémis, à
une longueur d’onde λ2, un autre photon (λ1 > λ2). Néanmoins l’intensité de la fluorescence diminue
fortement en augmentant la concentration d’une solution de fluorophore. Ce phénomène, appelé
« concentration quenching » en anglais, provient des interactions des molécules π-conjuguées. La
distance et l’orientation des molécules entre elles en solution sont évidemment impossible à prédire,
c’est pourquoi on étudie souvent la fluorescence des molécules π-conjuguées dans des cristaux
organiques.

La section suivante est consacrée aux agrégats J et H et à la théorie de l’exciton.




††                                                                                5     -1    -1
   Le coefficient d’absorption molaire peut atteindre des valeurs environnant 10 l.mol .cm dans les cas les
plus favorables.
‡‡
   Le rendement quantique est une valeur utilisée pour caractériser le rendement de la fluorescence par
rapport à l'ensemble des phénomènes de désactivation.

                                                                                                              12
1.2.1.Agrégat J et agrégat H17

Lorsque deux ou plusieurs molécules s’associent à l’état solide ou cristal liquide, l’entité formée est
appelée agrégat. Les agrégats organiques ont été largement étudiés pour les changements qu’ils
induisent, notamment dans les spectres d’absorption/émission. En effet, les spectres caractérisant
les molécules individuelles (les monomères) peuvent être fort différents des spectres reliés aux
agrégats. On utilise le terme de déplacement bathochromique (ou de déplacement dans le rouge)
pour un déplacement des bandes spectrales d’absorption ou d’émission d’une molécule vers des
longueurs d’onde plus élevées. A l’inverse, un déplacement des bandes spectrales vers des longueurs
d’onde plus faibles est appelé un déplacement hypsochromique (ou déplacement dans le bleu). Il
existe un nombre varié de termes pour qualifier un déplacement de bande spectrale selon certaines
conditions : le solvatochromisme est ainsi la capacité d’une substance chimique à changer de couleur
suite à un changement de polarité du solvant qui l’entoure.

Les agrégats qui présentent un déplacement bathochromique par rapport aux monomères sont
appelés agrégats J et ceux qui présentent un déplacement hypsochromique agrégats H. Les
déplacements des bandes spectrales ont pu être expliqués par la théorie de l’exciton dont une
version simplifiée est présentée ici.

Pour qu’une molécule puisse interagir avec un champ électromagnétique, et absorber ou émettre un
photon de longueur d’onde λ, elle doit posséder, au moins de manière transitoire, un dipôle oscillant
à cette fréquence. La taille du dipôle de transition peut être vue comme une mesure de la
redistribution de charges qui accompagne la transition. L’intensité de cette dernière est
proportionnelle au carré du moment de transition dipolaire61.

Selon la théorie de l’exciton18, lorsque deux molécules forment un dimère, l’excitation génère la
création de deux niveaux d’excitation dus aux orientations relatives des dipôles (figure 6). Parmi ces
niveaux d’excitation, certains ne sont pas accessibles pour une transition électronique radiative en
raison du dipôle global du dimère qui s’annule. Ceci implique immédiatement que les spectres
d’absorption et d’émission pour les dimères seront différents de ceux des monomères.

                                                            Au niveau de l’absorption, les agrégats H
                                                            ont l’état de plus basse énergie avec un
                                                            dipôle nul. La transition permise est donc
                                                            celle de plus haute énergie et l’effet sur le
                                                            spectre d’absorption consistera en un
                                                            déplacement de la bande vers les basses
                                                            longueurs d’onde, soit vers le bleu. Les
                                                            agrégats J au contraire montrent un
                                                            déplacement des bandes d’absorption
                                                            vers le rouge : l’état excitonique
                                                            accessible étant celui de plus basse
                                                            énergie que celui du monomère.

                                                      Figure 6 : Transitions permises pour l'absorption des
                                                      agrégats J et H.




                                                                                                              13
On peut appliquer le même raisonnement à l’émission des agrégats (figure 7), mais il faut aussi
prendre en compte la loi de Kasha selon laquelle c’est l’état excité de plus basse énergie qui est
responsable de l’émission. Dans l’agrégat H, c’est l’état électronique supérieur qui est peuplé par
l’absorption. La molécule se désexcite de
manière non radiative pour atteindre son état
excité le plus bas. Cependant cet état ne possède
aucun dipôle de transition : en se désexcitant, il
libérera de l’énergie de manière non radiative,
par collision ou sous forme de chaleur. Les
agrégats H ont par conséquent une faible
fluorescence par rapport au monomère.
L’agrégat J en revanche a vu son état excité de
plus basse énergie se peupler suite à l’absorption
d’un photon, et il possède un dipôle de transition
deux fois plus grand que celui du monomère. Les
agrégats J ont une bonne fluorescence, qui est
déplacée vers les grandes longueurs d’onde sur
le spectre d’émission.                             Figure 7 : Transitions permises pour l'émission des agrégats J et H.




Nous avions déjà rencontré l’angle de glissement α formé par la droite reliant les deux centres
dipolaires et les plans contenant les molécules (voir figure 2). Cet angle permet de différencier les
agrégats J et H selon un critère structural :

        - un angle de glissement compris entre 0 et 54.7° engendre un déplacement bathochromique
        (et donc un agrégat J)
        - un angle de glissement compris entre 54.7° et 90° engendre un déplacement
        hypsochromique (et donc un agrégat H)

Il est toutefois important de se rappeler que les agrégats H et J tiennent leurs noms du
comportement de leurs spectres d’absorption et d’émission par rapport à ceux des monomères : en
plus des déplacements de bandes, les agrégats H possèdent une faible fluorescence et un large
déplacement de Stokes§§ tandis que les agrégats J ont une intense fluorescence et un déplacement
de Stokes très faible.



         1.2.2.Les cristaux organiques fluorescents

L’influence de la structure à l’état cristallin, et plus particulièrement de l’orientation des molécules
les unes par rapport aux autres, a pu être confirmée par les nombreux progrès qui ont été faits dans
la recherche de cristaux organiques fluorescents.

L’exemple le plus marquant est celui des 1,4-bis(alkényl)-2,5-dipipéridinobenzènes (figure 8) qui ne
possèdent comme noyau aromatique qu’un simple benzène, mais qui sont de très bons fluorophores
émettant dans le visible à l’état solide avec d’excellents rendements quantiques.


§§
  Le déplacement de Stokes est la différence, pour une même transition électronique, entre la longueur d’onde
de la transition 0’-0 (du spectre d’absorption) et celle de la transition 0-0’ (du spectre de luminescence).

                                                                                                               14
Dans ces composés la fluorescence est
                                 1 (R 1 =   Me, R 2 = Me)       modulée par les groupements alkyles fixés.
                                 2 (R 1 =   H, R2 = H)
             N                   3 (R 1 =   CF3 , R 2 = H)
                                                                Ainsi à l’état cristallin*** :
 R1                              4 (R 1 =   CO 2Et, R 2 = H)    - 1 émet intensément dans le bleu (λem =
                        R2       5 (R 1 =   COMe, R 2 = COMe)   441 nm)
     R2
                            R1                                  - 2 émet dans le vert-bleu (λem = 486 nm),
             N                                                  - 3 possède une émission très intense dans
                                                                le vert (λem = 523 et 526 nm),
                                                                - 4 émet dans l’orange (λem = 596 nm),
Figure 8 : 1,4-bis(alkényl)-2,5-dipipéridinobenzènes développés - 5 émet dans le rouge (λem = 638 nm).
dans le cadre de recherches sur des cristaux organiques
fluorescents


Les composés émettent avec de bons voire parfois d’excellents rendements quantiques (φ = 0.94 et
0.98 pour les cristaux de 2 et de 3 respectivement), autant à l’état cristallin qu’en solution ou en film
mince.

L’influence des différents groupements sur la fluorescence, combinée aux excellents rendements
quantiques, rappelle fortement la formation d’agrégats J dont l’angle de glissement est modifié dans
chaque composé par l’encombrement stérique des groupements alkyles. Cela modifie l’amplitude du
dipôle de l’agrégat excité et donc l’énergie des niveaux excités ainsi que la couleur de l’émission.



           1.2.3.Cristaux liquides fluorescents.

Les figures 6 et 7 pourraient suggérer que les arrangements en colonnes conduisent forcément à des
agrégats H : il n’en n’est évidemment rien ! Des colonnes peuvent être formées dans lesquelles les
dipôles ne seraient pas parallèles. Dans ces cas-là, la fluorescence serait moins, voire pas du tout,
diminuée (figure 9).



                                                                        Des molécules de pyrènes tétra substitués
                                                                        ont été mises au point pour réaliser ce type
                                                                        de déphasage entre les molécules et éviter
                                                                        le quenching de la fluorescence des
                                                                        arrangements cofaciaux avec dipôles
                                                                        parallèles.




Figure 9 : Influence de l'orientions des dipôles coplanaires non
parallèles sur la séparation énergétique des états excités du dimère.




***
      Les longueurs d’ondes ici notées λem sont les longueurs correspondant aux maximums d’émission.

                                                                                                                 15
Le TDPEPy (figure 10), a été conçu et synthétisé par Véronique
                                                                                       OR                       OR
de Halleux au laboratoire de chimie des polymères20. Les                         RO                                  OR
fonctionnalisations visent en réalité deux objectifs :
                                                                                 RO                                  OR

         - Les quatre phényles aux positions 1, 3, 6 et 8
permettent d’induire un déphasage entre des molécules
directement voisines et on évite ainsi de perdre la fluorescence
du pyrène malgré l’arrangement en colonnes caractéristiques de
                                                                                 RO                                  OR
ce type de molécule (voir chapitres précédents).
         - Les chaînes alkyles en C12 ajoutées aux phényles ont                  RO                                  OR
                                                                                       OR                       OR
pour effet de former des phases cristal-liquide sur une gamme
                                                                                      Figure10 : 1,3,6,8-tetrakis-(3,4,5-
satisfaisante de températures (entre 40 et 90°C).                                tris(dodécyloxy)phényl)pyrène (R=C12H25)


Le design de TDPEPy s’est révélé efficace puisque la molécule présente une fluorescence intense
autant en solution qu’en phase cristalline ou cristal-liquide. Le rendement quantique en phase
cristalline s’élève aux environs de 62%, un rendement plus que satisfaisant à l’état condensé.

La formation de phases cristal-liquides offre par ailleurs une réponse intéressante au problème de
sensibilité du transport de charges vis-à-vis des défauts structuraux : en effet ces phases tendent à
les corriger spontanément par autoréparation. Cela n’évite pas complètement les défauts, mais cela
en réduit efficacement l’influence. De plus les applications des phases cristal-liquides en film mince
sont particulièrement attractives pour l’industrie.




2. Le pyrène

Le pyrène est souvent considéré comme l’archétype de l’hydrocarbure polycyclique aromatique
fluorescent23. De très nombreuses recherches ont été menées dans le but d’étudier et de moduler
son rendement quantique dans des environnements variés ou à l’aide de groupements fonctionnels
divers. De plus, étant un polycycle aromatique, il est potentiellement attractif pour des dispositifs de
transport de charges si on arrive à lui donner à l’état cristallin ou cristal-liquide un arrangement qui
convient.
                              2                                 2                               2
                         1        3                       1         3                       1       3

                    10                 4             10                  4            10                4
                     9                 5              9                  5             9                5

                         8         6                      8          6                      8    6
                             7                                    7                           7
                                                              py rène          1,2,3,6,7,8 hexahydropyrène
               4,5,9,10-tétrahydropyrène
                                                                                            (Ia)
         Figure 11 : Le pyrène (au centre) et les deux composés majoritaires obtenus lors de sa réduction :
         le 4,6,9,10-tétrahydropyrène et le 1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (Ia).




                                                                                                                     16
Un des avantages majeurs du pyrène est sa fonctionnalisation relativement aisée sur les positions 1,
3, 6 et 8†††. Pour placer des substituants à d’autres positions, il est plus facile de partir de précurseurs
du pyrène : les hydropyrènes qui sont obtenus par réduction.

Un autre intérêt du pyrène est la formation d’excimères dans les solutions concentrées et à l’état
cristallin.



      2.1. Excimères21,60

On considère généralement les spectres d’absorption et d’émission pour des molécules isolées.
Cependant il arrive que deux (ou plus rarement plus de deux) molécules forment des complexes en
solution qui affectent les spectres. Ces complexes sont des associations différentes des agrégats de la
section 1.2.1. parce qu’ils sont formés aussi en solution : il ne s’agit pas d’une formation entrainant
un état solide. Deux types de complexes peuvent être différenciés, selon l’effet qu’ils auront sur les
spectres d’absorption et d’émission :

         - Un complexe d’absorption est un complexe dans lequel les deux molécules coopèrent pour
         absorber un photon
         - Un exciplexe est un complexe dans lequel deux molécules s’associent pour émettre un
         photon.

Nous allons nous intéresser davantage aux exciplexes car les excimères en sont un cas particulier. Un
exciplexe est un complexe bimoléculaire associatif à l’état électronique excité et dissociatif à l’état
fondamental. Lorsque les deux molécules qui forment le complexe sont de la même espèce, on
parlera d’excimère.

A l’état électronique excité, certaines molécules peuvent être extrêmement polarisables, à cause des
orbitales à moitié remplies HOMO (qui revêtent un caractère électrophile) et LUMO (plutôt
nucléophiles). Ces espèces excitées peuvent mettre en place des transferts de charges et se stabiliser
en interagissant avec une autre espèce polarisable. C’est ainsi que nait un exciplexe : une molécule
isolée M est excitée à son état électronique M*. Par collision, M* va pouvoir former un complexe
stabilisé par transfert de charge avec une molécule à l’état fondamentale. Dans la grande majorité
des exciplexes, et c’est le cas des excimères que forment le pyrène, le complexe aura un
arrangement cofacial.
                                                                        exciplexe

                                                                         excimère



Si les exciplexes se forment par collision d’espèces, il est évident que plus la concentration sera
élevée plus on formera de complexes en solution, et plus leur effet sur le spectre sera important.
Dans le spectre d’émission, les excimères provoquent deux changements :


†††
   La nomenclature du pyrène est une exception à la règle IUPAC qui voudrait que l’on numérote les positions
des groupements de manière à obtenir la combinaison de nombres la plus petite possible. Avant de respecter
cette règle, les numéros 1,2 et 3 sont toujours placés conformément à la figure 11.

                                                                                                          17
- l’apparition d’un nouveau pic d’émission, dans les zones de plus grandes longueurs d’onde
         (de plus faibles énergies) par rapport au pic d’émission des molécules individuelles ;
         - la disparition progressive des pics initiaux avec la concentration au profit du pic
         d’excimère‡‡‡.

Au niveau du spectre d’absorption, les exciplexes ne génèrent aucun changement puisqu’ils
n’existent pas à l’état fondamental. L’absorption sera toujours celle des molécules individuelles et
c’est seulement lorsqu’elles seront excitées que les exciplexes se formeront.

Le pyrène est l’exemple le plus classique de la formation d’excimères : pour des concentrations
jusqu’à 10-5M, le spectre d’émission est indépendant de la concentration. Lorsque la concentration
augmente on perd progressivement les signaux caractérisant le pyrène en même temps qu’apparait
un large pic correspondant à la désexcitation des excimères. On peut représenter le phénomène par
un diagramme reprenant l’énergie du couple formé par deux molécules de pyrène en fonction de la
distance r les séparant (figure 12).




                                                                           Figure 12 : Représentation par un
                                                                           diagramme d'énergie en fonction de la
                                                                           distance intermoléculaire de la formation
                                                                           d'excimères de pyrène et de son influence
                                                                           sur la fluorescence




Aux faibles concentrations (cas de droite) le monomère, lorsqu’il est excité, ne formera pas
d’excimères et se désexcitera en produisant le spectre d’émission qui caractérise le pyrène. A
concentration supérieure (cas de gauche), des excimères se forment. Comme le complexe est
stabilisé par rapport au monomère excité, sa désexcitation radiative libèrera moins d’énergie et c’est
pour cette raison que les émissions d’exciplexes sont dans le rouge par rapport à celles des
monomères. De plus, l’état fondamental du complexe est de plus haute énergie que pour les
monomères séparés parce que les molécules sont plus proches et qu’en l’absence de transfert de
charges, elles se repoussent. Cela explique aussi l’instabilité du complexe à l’état fondamental.




‡‡‡
   On ne parle pas ici de la diminution de l’intensité de fluorescence due à la concentration, il s’agit dans le cas
des excimères d’un autre phénomène qui plutôt que d’annuler totalement la fluorescence, la déplace vers
d’autres longueurs d’ondes.

                                                                                                                 18
2.2. Le pyrène à l’état solide22

A l’état cristallin, le pyrène adopte un arrangement particulier : les molécules de pyrène forment des
dimères qui eux-mêmes s’assemblent dans une structure cristalline régulière (figure 13). Cette
structure s’apparente un peu à la formation d’excimères en solution et les spectres d’émission du
cristal et du pyrène en solution concentrée présenteront sans surprise des similitudes. Le spectre
d’absorption sera celui du pyrène seul comme on s’y attend de la part des excimères.

                                                               En raison de leur proximité, une molécule qui aura
                                                               absorbé un photon s’associera directement avec sa
                                                               voisine et formera immédiatement l’excimère. Le
                                                               spectre d’émission sera donc uniquement celui de
                                                               l’excimère.

                                                               La formation d’excimères est ici un avantage car
                                                               s’ils déstructurent l’émission, les excimères ont
                                                               l’avantage de fixer les excitons dans l’espace : ceux-
                                                               ci ne risquent plus de diffuser librement jusqu’à
                                                               une impureté et d’y perdre leur énergie
                                                               d’excitation. La longueur de diffusion de l’exciton
                                                               dans des cristaux de pyrène est de l’ordre de 0.35
Figure 13 : Représentation de la structure du cristal de       nm, soit la distance séparant la molécule excitée de
pyrène. La distance entre deux molécules dans un dimère        sa première voisine. En comparaison, la longueur
est de 3.53 A° et les molécules sont décalées dans le sens     de diffusion de l’exciton peut atteindre 10 à 100
de la grande diagonale de manière à ne générer aucune          nm dans les cristaux des composés conjugués qui
répulsion π-π mais bien de l’attraction entre les structures
             +                      -
carbonées (δ ) et les orbitales p (δ ).                        ne forment pas d’excimères.




     2.3. Quelques composés pyrèniques

Les recherches impliquant le pyrène sont nombreuses et variées. Ses différentes caractéristiques
physiques et chimiques en font un composé se prêtant potentiellement à de nombreuses
applications et les secteurs comme le secteur photovoltaïque, ou celui des OLEDs sont les premiers à
être intéressés.

A cause de la meilleure réactivité du pyrène à ces positions, il a été plus souvent investigué en
porteur de groupements aux positions 1, 3, 6 et/ou 8. Nous avons déjà abordé à la section 1.2.3. le
TDPEPy qui était substitué à ces positions et qui formait des arrangements en colonnes en phase
cristal-liquide. Les paragraphes suivants décrivent deux recherches menées sur d’autres types de
dérivés du pyrène.




                                                                                                                  19
Une voie de recherche sur les dérivés du pyrène autre que la simple fonctionnalisation est celle qui
construit des dimères de manière à éviter la formation d’excimères. Le design des deux composés
suivants a été réalisé dans cette optique.

                                          La figure 14 montre le composé cible d’une recherche24, composé
                                          qui ne semble pas former d’excimère même à des concentrations
                                          importantes. La molécule possède par ailleurs une fluorescence
                                          intense et des propriétés photochimiques ressemblant davantage
                                          à celles d’un nouveau composé plutôt qu’à un dimère de pyrène.
                                          Une autre constatation importante est le fait que le rendement
                                          quantique de fluorescence et la durée de vie des états excités ne
                                          sont plus affectés par la polarité du solvant ou par la présence
 Figure 14 : 1,4-di(pyrèn-1-yl)buta-1,3-
 diyne                                   d’oxygène. Cette nouvelle stabilité est un élément important pour
                                         son utilisation dans des dispositifs photoélectriques. La molécule
possède encore trois positions facilement fonctionnalisables sur chaque pyrène et des recherches
sont menées pour les doter de nouvelles fonctionnalités, comme par exemple des groupements
hydrosolubles. D’autre part la formation de ce dimère totalement différent du pyrène individuel et
de l’excimère a ouvert la porte à l’étude d’autres dimères comme des dimères de pérylène.

                  F               Un dimère de pyrène a aussi été réalisé dans un complexe borique25
                     F
                O B               (figure 15) suite aux recherches sur ce type de composé avec des
                    N
                                  fluorènes : les dimères de fluorènes avaient une fluorescence intense et
                         N  F     des fréquences d’émission modulables, mais ils affichaient une perte de
                          B       fluorescence due à un déplacement de Stokes trop faible et une
                         O F
                                  fluorescence très fortement réduite à l’état solide.
                                  Par contrôle stéréochimique, les pyrènes sont reliés en trans sur le
                                  cyclohexane, ce qui défavorise des interactions π-π fortes entre les
Figure 15 : bis-[(1-hydroxy-2-   pyrènes dans une même molécule et la forme des molécules rend
pyrènylidène)-(1'R, 2’R)-        l’empilement moins efficace. De nouveau la formation de dimères de
cyclohexane-1',2'-
diamine]difluorobor-chelat       pyrène permet d’éviter la formation d’excimères et le composé synthétisé
                                 ici possède lui aussi une fluorescence très intense.



     2.4. Objectif du mémoire

En rassemblant les informations que nous avons sur le transport de charges dans un cristal et sur la
fluorescence, nous pouvons effectuer le design des molécules qui mèneront à l’obtention d’un solide
organique cristallin qui combinera un transport de charge efficace et une bonne fluorescence. Les
arrangements en colonnes doivent être évités dans les deux cas : le transport de charge y est
localement efficace mais trop sensible aux défauts sur des distances macroscopiques. Ces structures
peuvent, de plus, donner lieu à des agrégats H à très faible fluorescence.

Les structures en murs de brique sont par contre intéressantes pour les deux phénomènes, et
l’exemple du TIPS-pentacène illustre bien que cette configuration est propice au transport de
charges, bien qu’il ne présente qu’une fluorescence modérée.




                                                                                                        20
L’objectif de ce mémoire est donc de synthétiser une famille de dérivés du pyrène substitués aux
positions 4 et 9 par des groupements encombrants afin de forcer un empilement cristallin en mur
de brique (figure 16).

Pour induire le décalage dans le pyrène de la même
manière qu’il a été induit dans le pentacène, il faut
placer des groupements stériques qui empêcheront
l’arrangement cofacial. Des recherches ont déjà été
menées sur des fonctionnalisations des positions 1 et
6, et d’autres sont menées actuellement les positions
2 et 7. Dans le cadre de ce mémoire, nous essayerons
de synthétiser des composés fonctionnalisés aux
                                                      Figure 16 : a) Représentation schématique du pyrène substitué en
positions 4 et 9.                                     positions 4 et 9 par des groupements encombrants. b)
                                                                    Arrangement désiré pour l'état cristallin.




Voici les quatre composés qui constituent les cibles de synthèse§§§ :




        Figure 17 : 4,9-bis((triméthylsilyl)éthynyl)pyrène (IIIa)




          Figure 18 : 4,9-bis(4-tert-butylphényl)pyrène (IIIb)




§§§
   Les structures en trois dimensions ont été modélisées à l’aide du programme de modélisation
Chem3D Ultra sur base d’une minimisation de l’énergie des molécules. Elles ne représentent pas
forcément la structure adoptée par les composés en phase cristalline.


                                                                                                                 21
Figure 19 : 4,9-bis(9,9-didodécyl-9H-fluorèn-2-yl)pyrène (IIIc)




        Figure 20 : 4,9-di(pipéridin-1-yl)pyrène (IIId)



Le paragraphe suivant expose la rétrosynthèse sur laquelle nous nous sommes basée pour obtenir
ces composés.




                                                                                                 22
2.5. Rétrosynthèse



Pour obtenir les composés IIIa, IIIb, IIIc et IIId, le passage par le 1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène est un
                                                            passage obligé pour réagir sélectivement aux
                                                            positions 4 et 9.


                     R

                                    R

                                                           Pour obtenir des composés du pyrène 4,9
                                                           disubstitués, deux réactions sont possibles :
                                                           - réaliser un couplage sur un pyrène
         X                         R
                                                           fonctionnalisé aux positions 4 et 9 pour
                                                           placer les groupements stériques, et cette
                         X                        R
                                                           étape suivrait directement l’aromatisation de
                                                           l’hexahydropyrène activé en 4 et 9.
                                                           - aromatiser l’hexahydropyrène déjà
                                                           substitué avec les groupements que l’on
                                                           souhaite fixer, auquel cas les réactions de
                                                           couplage        sont      effectuées       sur
                         X                                 l’hexahydropyrène activé.

                                        X




                                                           Quelle que soit la voie que l’on suit, il faut
                                                           donc nécessairement passer par un
                                                           hexahydropyrène substitué en 4 et 9. Les
                                                           substitutions pour les réactions de couplages
                                                           sont très généralement des halogénations,
                                                           qui fonctionnent assez bien avec les
                                                           composés aromatiques.

                                                            Le 1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène est un
                                                           composé disponible commercialement, il
                                                           n’est donc pas nécessaire de partir du pyrène
                                                           et de faire sa réduction mais cela aurait dû
                                                           être fait si le pyrène avait été choisi comme
                                                           composé de départ.



                                            Schéma 1 : Rétrosynthèse générale des dérivés du pyrène
                                            4,9 disubstitués.




                                                                                                      23
3. Les réactions de couplages au palladium2632

Les réactions de couplage sont devenues un outil standard et indispensable pour le chimiste de
synthèse. Durant les vingt dernières années, le nombre de réactions de couplage n’a cessé
d’augmenter, et leur domaine d’application de s’agrandir. Leur énorme avantage est la formation
facile et sélective de liens C-C sur des molécules aromatiques. Cela permet d’aborder la synthèse
d’une nouvelle manière : au lieu de faire des synthèses linéaires, on peut synthétiser séparément des
morceaux clés de molécule et utiliser les couplages pour les lier entre eux. La bonne sélectivité de ces
réactions permet de contrôler sans trop de difficultés les liens à former.

    3.1. Les cycles catalytiques

D’une manière générale, les réactions de couplage impliquent des carbones nucléophiles comme des
dérivés aryles, vinyles ou alkyles : dérivés magnésiens pour les réactions de Kumada, dérivés
boroniques pour les réactions de Suzuki ou encore des dérivés stanniques pour les couplages de
Stille.

En réalité c’est le récent développement des catalyseurs qui a permis la découverte et l’utilisation de
toutes ces réactions ; catalyseurs qui sont le plus souvent des composés au palladium ou au nickel.
Ces métaux de transition forment des complexes avec des molécules organiques ce qui permet de les
stabiliser à un degré d’oxydation particulier. Ces catalyseurs restent malgré tout très sensibles à
certaines conditions. Il sera par exemple nécessaire de toujours dégazer le plus possible les milieux
réactionnels avant d’ajouter le catalyseur : l’oxygène les dégrade facilement et rapidement.

La stabilisation particulière apportée par les ligands organiques permet l’établissement d’un cycle
catalytique, durant lequel le degré d’oxydation du métal variera. L’importance du ligand pour la
réaction est capitale, mais son rôle n’est pas encore toujours entièrement compris. Les ligands
affectent chaque étape mais pas nécessairement de la même manière ; c’est pourquoi leurs effets
sont compliqués à comprendre et à prévoir. Néanmoins des progrès sont faits dans ce domaine et on
peut étudier les effets des ligands sur chaque étape prise individuellement.

Les couplages au palladium suivent un cycle catalytique selon les mêmes grandes étapes (schéma 2) :

         - Activation du catalyseur : le catalyseur ne peut pas être stocké sous sa forme active car
celle-ci serait beaucoup trop instable. Au moindre contact avec l’air ambiant, le catalyseur se
dégraderait. Il est donc nécessaire de conserver le catalyseur sous une forme moins réactive et
certains auront besoin d’être activés en solution. D’autres s’activeront d’eux-mêmes dans le milieu
par la perte d’un ou plusieurs ligands : le milieu aura une grande influence, ainsi que le
conditionnement initial du catalyseur.

         - Addition oxydative : l’addition oxydative voit un des réactifs, un halogénure en général, se
fixer sur le palladium. Une liaison covalente est brisée et le palladium « s’insère » entre l’halogène et
le reste de la molécule. La force du lien covalent est importante pour cette étape et c’est souvent elle
qui limitera la vitesse du cycle. Les ligands jouent un rôle peu compris mais qui peut être décisif : il
suffit parfois d’opter pour d’autres ligands pour faire fonctionner un couplage qui ne donnait lieu à
aucune réaction. Des ligands qui donnent facilement des électrons au centre métallique
permettraient d’accélérer cette étape, cela explique l’essor particulier des catalyseurs palladiés avec
des phosphines comme ligands. Ces composés sont riches en électrons et on peut les fonctionnaliser

                                                                                                      24
différemment pour faire varier l’encombrement stérique autour du noyau. Ils ont comme
désavantages d’être très toxiques, non-récupérables et parfois gênants lors de l’isolation du produit
désiré.




          Schéma 2 : Cycle catalytique général pour les réactions de couplage au palladium



          - Suit ensuite une étape de transmétalation qui voit se fixer sur le palladium le groupement
que l’on désire greffer au cycle aromatique. Le groupement arrive sur le complexe avec un
comportement nucléophile. La tans-cis isomérisation rapproche ce nucléophile du noyau aromatique
et la liaison sera établie lors de l’élimination réductrice qui régénère le catalyseur sous la forme du
Palladium (0) et de ces deux ligands.


    3.2. Les substrats 31.

Pour fonctionner, les réactions de couplage ont besoin que les sites de réaction soient activés au
préalable. Les halogénations sont des méthodes efficaces pour y parvenir et la plupart des réactions
de couplage ont été développées sur des substrats halogénés. Le choix de l’halogène est important :
la force du lien C-X va jouer un rôle crucial : les liens C-X fort permettent de fixer efficacement
l’halogène et sont généralement plus faciles à établir, mais ils sont aussi plus difficiles à briser lors du
couplage. Un lien C-X plus faible est idéal pour le couplage mais beaucoup plus difficile à établir lors
de l’halogénation.


                                                                                                         25
Les halogènes utilisés traditionnellement sont l’iode, le brome ou le chlore, et l’intensité du lien C-X
   va comme suit : C-I < C-Br < C-Cl (respectivement 65, 81 et 96 kcal/mol). Les composés chlorés
   offrent une plus grande diversité de substrats mais ceux-ci sont beaucoup moins réactifs lors de
   l’addition oxydative, justement à cause de l’énergie élevée du lien C-Cl. Récemment des recherches
   sur les catalyseurs ont permis de réaliser certains couplages sur des composés chlorés, en utilisant
   des groupements électro-attracteurs sur le substrat et des phosphines plus basiques comme ligands
   pour le catalyseur. Ces réactions de couplage restent, comparativement aux réactions sur les
   composés iodés ou bromés, des réactions difficiles. Les iodures sont plus efficaces en couplage, mais
   l’iodation est difficile à réaliser avec de hauts rendements ce qui fait que le nombre de substrats
   disponibles peut être réduit. Les composés bromés offrent un bon compromis entre diversité de
   substrats et efficacité des réactions de couplages.



        3.3. Les couplages utilisés

   Dans le cadre de ce mémoire, nous avons utilisé les couplages de Sonogashira-Hagihara, de Suzuki-
   Miyaura, de Stille et de Buchwald-Hartwig.




Schéma 3: Reprise des différents couplages utilisés dans ce travail. a) Le couplage de Stille; b) Le couplage de Suzuki-
Miyaura; c) Le couplage de Sonogashira-Hagihara et d) Le couplage de Buchwald-Hartwig




   Ce dernier chapitre clôt l’introduction pour ce travail. L’objectif de la recherche a été fixé et le design
   des molécules a été réalisé de manière à générer des arrangements cristallins potentiellement
   transporteurs de charges et fluorescents. Les groupements à fixer ont été choisis et la rétrosynthèse
   générale à été présentée ainsi que les réactions de couplage qui seront utilisées.

   Le déroulement de la synthèse des quatre dérivés choisis et les résultats obtenus seront présentés
   dans le chapitre suivant.




                                                                                                                           26
Deuxième partie :
Résultats et discussions




                           27
Le but du mémoire étant fixé, cette partie du travail sera consacrée aux manipulations qui ont été
effectuées en laboratoire pour obtenir les quatre composés voulus, ainsi qu’aux résultats obtenus et
aux caractérisations des molécules cibles. Ceci sera l’objet du premier chapitre.

Brièvement nous aborderons dans le second chapitre les modifications des spectres d’absorption et
d’émission en solution que les groupements ont générées par rapport au pyrène.




1. Synthèse

Nous cherchons à obtenir des composés du pyrène disubstitué aux positions 4 et 9. La synthèse a été
imaginée à partir du 1, 2, 3, 6, 7,8 hexahydropyrène (Ia) en suivant la rétrosynthèse développée en
1.3.5 dans l’introduction (schéma 1). Une double bromation permet de placer des atomes de brome
en position 4 et 9, pour amorcer la fonctionnalisation de ces carbones. A partir du 4,9-dibromo-1, 2,
3, 6, 7,8-hexahydropyrène (Ia) deux voies d’accès sont envisageables : soit l’aromatisation pour
former le 4,9-dibromopyrène (Ic) suivie des réactions de couplage ; soit réaliser les réactions de
couplage d’abord et aromatiser ensuite les hydropyrènes disubstitués IIa-d.



                                                                         Br   Aromatisation                   Br
                                             Bromation

                                                         Br                                    Br


                          Ia                                  Ib                                        Ic


                                                              Couplage
                                                                                                         Couplage


      IIa et IIIa : R =        Si


                                                                         R                                      R
      IIb et IIIb : R =                                                        Aromatisation

                                C12 H25                  R                                          R
                                          C12 H25
                                                                   IIa                                       IIIa
                                                                   IIb                                       IIIb
      IIc et IIIc : R =                                            IIc                                       IIIc
                                                                   IId                                       IIId
      IId et IIId : R =             N




                    Schéma 4 : Schéma de synthèse général et nomination des composés de synthèse.




                                                                                                                    28
1.1. La bromation en position 4,9


        1.1.1.Le système de départ : 1, 2, 3, 6, 7,8 hexahydropyrène (Ia).

Pour synthétiser des pyrènes substitués aux positions 4 et 9, nous avons utilisé du 1,2,3,6,7,8-
hexahydropyrène (Ia) disponible commercialement comme réactif de départ. La réactivité de Ia
s’apparente à celle d’un noyau naphtalène tétra substitué en ses quatre positions α.

                        2                          2
                  1         3                  1       3

             10                  4        10               4
              9                  5         9               5

                  8          6                 8       6
                          7                         7
                      py rène        1,2,3,6,7,8 hexahydropyrène
                                                  (Ia)
             Figure 21 : Respectivement le pyrène (à gauche) et le
             1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (à droite) avec la
             numérotation conventionnelle des carbones



Ia peut se présenter sous la forme « chaise » ou « bateau » de Figure 22 : Représentations des
manière un peu comparable au cyclohexane (figure 22). conformations chaise (en haut) et bateau (en
Néanmoins, nous n’imaginons pas qu’une conformation soit bas) du 1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (Ia)
plus réactive qu’une autre vis-à-vis d’un électrophile.

La RMN du proton montre d’ailleurs que les deux conformères sont en interconversion rapide en
solution à température ambiante. Si cela n’avait pas été le cas, les signaux des protons situés aux
carbones 1, 3, 6 et 8 (triplet à δ=3.05 ppm) auraient été découplés. On peut voir ce découplage en
RMN du proton sur le cyclohexane lorsque la température est assez basse : à ce moment
l’interconversion devient plus lente et les protons vicinaux et équatoriaux ne sont plus équivalents.




                                                                                                  29
2
                                     1        3

                                10                4
                                9                 5

                                     8        6
                                         7

                                         Ia




                       1
Figure 23 : Spectre RMN H (300Mhz, CD2Cl2)de Ia




               1.1.2.Bromation Br2/FeCl3

      La bromation est connue pour être une méthode de choix pour débuter la fonctionnalisation d’un cycle
      aromatique.


                                                              Br            Br Br            Br              Br
                                                  Br2

                                                              Br                             Br              Br


                           Ia                                        Ib


                     Schéma 5 : Représentation des sous-produits possibles pour une double bromation de Ia


      Dans la littérature, une double bromation a été répertoriée sur Ia pour former avec 48% de rendement le
                                                                                             34,35
      composé Ib en utilisant comme agent de bromation la N-bromosuccinimide (NBS) . Cette réaction a été
      tentée en laboratoire mais n’a pu être reproduite. L’autre méthode de bromation utilise le brome pur et un
                     61
      acide de Lewis . Des chercheurs ont ainsi pu réaliser des monobromations de Ia, ainsi que des bromations sur
      d’autres composés pyrèniques : le 4,5,9,10-tétrahydropyrène et le 2,7-di-tert-butylpyrène Elles sont décrites
                                                          36                              37
      avec les même réactifs (FeCl3 et Br2) dans l’eau et dans le dichlorométhane . Les deux conditions sont
      extrêmement différentes puisque Ia et ses dérivés sont insolubles dans l’eau, on aura donc une réaction
      hétérogène, alors qu’ils se dissolvent souvent très bien dans la plupart des phases organiques.



                                                                                                                  30
Nous avons essayé en parallèle les deux conditions et constaté qu’elles n’ont pas une réelle influence sur le
rendement de la réaction (35% pour des réactions à l’échelle de 100 mg de Ia). Nous avons décidé de garder la
réaction en phase aqueuse car le traitement du brut réactionnel est plus facile : il suffit de filtrer le milieu et de
rincer le solide abondamment à l’eau pour récupérer les produits organiques formés.

Ces réactions utilisent un acide de Lewis comme catalyseur, nous avons utilisé du chlorure de fer (III) comme
mentionné dans la littérature.

                         Br Br     Fe Cl3                                               HBr

                                                                                          Fe
                                                                                               Cl3
                                                        H           Fe
                             Br   Fe Cl3                         Br   Cl3
                        Br                                  Br                            Br
                                                       H




              Schéma 6 : Mécanisme de la bromation de Ia assistée par un acide de Lewis (FeCl3)


La quantité de brome est un paramètre important : utiliser 2.5 équivalents semble être le meilleur rapport pour
                                            ****
obtenir le plus de Ib pur possible. En CCM , le brut réactionnel obtenu avec 2.5 équivalent ne montre que
deux taches, très proches l’une de l’autre (RF = 0.91 et 0.85 en élution avec de l’hexane). L’élution au toluène
ne permet pas de les distinguer. Ces deux produits ne sont pas séparables par chromatographie, cependant ils
ont une solubilité différente dans l’hexane et plusieurs précipitations dans l’hexane froid permettent d’obtenir
sous forme solide le produit qui sera identifié comme Ib pur. Le composé le plus soluble n’a pas pu être
identifié formellement car non isolé d’autres sous-produits de réactions, mais les spectres RMN du proton
suggèrent le produit monobromé. Des quantités supérieures de brome ont mené à de nouveaux signaux
d’impureté dans les spectres RMN, mais aucune nouvelle tache en CCM. L’analyse par spectrométrie de masse
a permis de relever des masses compatibles avec le produit monobromé (m/z=287), dibromé (m/z=366) et
tribromé (m/z=444).

La réaction a été portée avec succès sur un gramme et le rendement a pu être optimisé à 75% de Ib, mais il
convient de signaler que cette purification est rendue difficile par le fait que le nombre de filtrations à l’hexane
n’a pu être fixé pour l’obtention de tout le composé Ib pur. Il n’est pas totalement insoluble dans l’hexane, ce
qui signifie qu’une partie du produit demeure dans les filtrats sauf en cas d’utilisation d’un minimum d’hexane
mais on risque alors de ne plus dissoudre entièrement les autres produits secondaires.

Si nécessaire, il est possible de purifier davantage le produit en réalisant une recristallisation à froid dans
l’acétate d’éthyle. Ce procédé diminue grandement la quantité de produit obtenu, aussi il a seulement été
utilisé pour obtenir le composé sous une forme cristalline très pure afin de caractériser la structure de la
molécule par diffraction aux rayons X.


           1.1.3.Structure du composé dibromé formé.

A première vue on pourrait penser que la dibromation donne lieu à deux isomères : le 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-
hexahydropyrène et le 4,10-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (figure 24).

Si les deux composés sont présents après la réaction, leurs comportements en chromatographie sur couche
mince sont exactement identiques car on ne distingue qu’un seul spot, quel que soit l’éluant. Une simple
prédiction des signaux en RMN du proton permet de se rendre compte que les spectres des deux isomères
seront très semblables :

Comme illustré sur la figure 24, la différence spectrale entre les deux isomères provient de la multiplicité des
protons des positions 2 et 7 : un triplet de triplet ou deux quintuplets. Sachant que pour le triplet de triplet, la


****
       Chromatographie sur Couche Mince.

                                                                                                                   31
différence entre le couplage avec le triplet 1 et le triplet 2 sera minime, cela risque de former un quintuplet;
   quant aux deux quintuplets, la différence de déplacement chimique entre les deux signaux peut ne pas être
   significative non plus. Les deux signaux vont donc probablement se chevaucher.
                                    Quintuplet 2                                         Triplet de triplet
                                              Triplet 2                                                 Triplet 2
                   Triplet 2
                                                                          Triplet 1


                               Br              Br                      Singulet 1                             Br

                                                          Singulet 1                                                   Singulet 1
                                                                                    Br
               Singulet 1


                     Triplet 1                      Triplet 1               Triplet 2
                                                                                                                   Triplet 1

                                    Quintuplet 1                                         Triplet de triplet

                   4,10-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène              4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène
                                      (Id)                                                 ( Ib )

Figure 24 : Les deux isomères pouvant être formés en dibromation de Ia : le 4,10-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (Id,
à gauche) et le 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (Ib, à droite); ainsi que la prévision de multiplicité des signaux
     1
RMN H.

                     1
   L’analyse RMN H du produit pur obtenu après recristallisation (figure 25) ne permet pas de déterminer
   clairement lequel des deux isomères nous obtenons, même si l’on peut supposer n’en avoir qu’un des deux. En
   l’absence de référence, les signaux que l’on obtient ne peuvent être attribués à l’un ou à l’autre isomère. Les
   spectres que nous obtenons pour notre produit final nous permettent de voir le singulet aromatique à δ=7.40




                               1
   Figure 25 : Spectre RMN H (300Mhz, CD2Cl2) du produit pur récupéré après la bromation
                                                                                                                                    32
ppm pour les protons en 5 et 10, les deux triplets aliphatiques à δ=3.08 et δ=2.99 ppm pour les protons en 1, 3,
 6,8, et un quintuplet à δ=2.03 ppm. Ce quintuplet ne permet pas de trancher entre les deux structures, mais
 c’est lui qui nous permet de penser qu’un seul isomère se soit formé : la superposition d’un triplet de triplet et
 de deux quintuplets aurait produit un massif plus important.

 Après la RMN du proton, nous avons essayé de différencier les deux structures par la RMN du carbone.

                        Prédiction du nombre de signaux différents maximums pour Ib :
                             Trois signaux de carbones aliphatiques :
                                      - carbones 12 et 15
                                      - carbones 13 et 16
                                      - carbones 11 et 14
                             Cinq signaux de carbones aromatiques :
                                      - carbones 2 et 9
                                      - carbones 8 et 1
                                      - carbones 7 et 6
                                      - carbones 3 et 10
Figure 26 : Composé Ib avec           - carbones 4 et 5
numérotation    complète     des
carbones pour la prédiction du
                          13
nombre de signaux en RMN C


                            Prédiction du nombre de signaux différents maximums pour Id :
                                 Quatre signaux de carbones aliphatiques :
                                          - carbones 11 et 13
                                          - carbones 14 et 16
                                          - carbone 12
                                          - carbone 15
                                 Six signaux de carbones aromatiques :
                                          - carbones 1 et 9
                                          - carbones 2 et 8
                                          - carbones 3 et 7
                                          - carbones 6 et 10
 Figure 27 : Composé Id avec
 numérotation complète des                - carbone 4
 carbones pour la prédiction du           - carbone 5
                           13
 nombre de signaux en RMN C




                                                                                                                33
13
         Figure 28 : Spectre RMN C (75Mhz, CD2Cl2) du produit pur récupéré après la bromation


                    13
Sur le spectre RMN C seuls trois signaux apparaissent en zone aliphatique contre quatre prévus pour Id. On
peut donc avancer avec plus de certitude que le produit formé est bel est bien Ib. On ne peut rien déduire des
signaux en zone aromatique, il n’y en a que quatre de visibles. Quelque soit le composé on attendait plus de
pics, mais les carbones quaternaires ont souvent des signaux plus faibles qui, ici, peuvent s’être perdus dans le
                                                         bruit.


                                                            Une preuve formelle de la structure du composé Ib
                                                            est fournie par la caractérisation en diffraction aux
                                                            rayons X du produit de bromation cristallisé. La
                                                                              ††††
                                                            structure de Ib , vue sous deux angles différents,
                                                            est donnée à la figure 29. Les deux traits plus
                                                            sombres correspondent aux atomes de brome, et ils
                                                            sont disposés en position 4 et 9 sur l’hydropyrène. Il
                                                            est aussi à noter que le composé Ib adopte, à l’état
                                                            cristallin, la conformation chaise.


                                                         Figure 29 : Structure moléculaire obtenue par analyse par
                                                         diffraction aux rayons X.




††††
   La structure cristallographique de Ib a été résolue par le professeur Christophe Vanden Velde de la Haute-
Ecole Karel de Grote. Nous lui sommes très reconnaissants pour son aide.

                                                                                                                 34
En parallèle de la caractérisation spectrale, nous nous sommes penchés plus en détail sur le mécanisme de la
réaction, pour voir si nous pouvions trouver un indice quant aux produits formés. La première bromation peut
avoir lieu à n’importe quel endroit sur l’hexahydropyrène : chaque position aromatique est identique. En
revanche, lors de deuxième bromation, les positions 5, 9 et 10 du 4-bromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène ne
sont plus équivalentes.

Sur le benzène, la présence d’un brome oriente les bromations suivantes en ortho et para par effet mésomère
donneur. D’autre part, par effet inductif capteur, le brome désactive la réactivité du cycle vis-à-vis de la
substitution électrophile. Cet effet inductif est un effet local qui agit davantage sur les positions ortho que sur
la position para. La double bromation fournit donc un mélange de o-dibromobenzène et de p-dibromobenzène
                                       39
avec une majorité de produit en para .


                                            Br                              Br                   Br
                                                                                     Br



                                                                                                 Br
               Schéma 7 : Double bromation sur le benzène et formation des deux isomère ortho (17%) et
               para (83%)


On peut supposer que les mêmes effets électroniques soient à l’œuvre dans le cas de l’hexahydropyrène et
qu’ils permettent d’obtenir comme produit de la dibromation le dérivé 4,9 uniquement :
         - la position 5 est désactivée par rapport aux deux autres par l’effet inductif capteur du brome qui
appauvrit la densité électronique du carbone et le rend moins réactif vis-à-vis des électrophiles.
         - La position 9 est activée par rapport à la position 10 par l’effet mésomère donneur du brome. En
délocalisant un de ses doublets, le brome stabilise l’intermédiaire de réaction et donc favorise l’attaque de
l’électrophile par la position 9 et pas par la position 10.
         - La position 10 possède une réactivité très semblable à celle de la position 4 lors de la première
bromation, un peu diminuée par l’effet inductif du brome en 4 mais à cette distance, l’effet est probablement
minime. Nous pensons qu’un effet cinétique privilégiera la substitution électrophile aromatique sur la position
activée dans les cas de concentration faible en brome, ce qui est atteint par l’addition au goutte à goutte d’une
solution diluée.



                                                            Br
                                       Br
                           Fe     Br
                        Cl3

                                                                     Position 5 désactivée par effet
                                                                     inductif par rapport à la position 9



                        Schéma 8 : Mécanisme de promotion de la position 9 pour la bromation sur le
                        4-bromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène


En conclusion, le composé Ib a pu être obtenu avec un rendement de 75% sans avoir recours à la
                                                                                                       1
chromatographie. Sa structure moléculaire est démontrée au-delà de tout doute par les techniques de RMN H,
     13
RMN C et par diffraction RX.

Nous pouvons maintenant synthétiser la série de molécules désirées à l’aide de plusieurs réactions de couplage
et de la réaction d’oxydation qui seront l’objet des paragraphes suivants.




                                                                                                                35
1.2. Oxydation ou couplage ?

Une fois le composé 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (Ib) obtenu, deux routes de synthèse
sont envisageables : la première réaliserait le couplage directement sur le pyrène hydrogéné tandis
que la seconde transformerait l’hydropyrène en pyrène et nous éviterait de réaliser la réaction
d’oxydation sur les produits de couplages, ce qui pourrait les altérer.

        1.2.1. 4,9-bis((triméthylsilyl)éthynyl)-1, 2, 3, 6, 7,8-hexahydropyrène (IIa)40,43

Nous avons d’abord essayé de réaliser un couplage sur le 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène.
Ce premier couplage est le couplage de Sonogashira utilisé pour greffer des groupements alcynes aux
positions occupées par les bromes. Il est aussi fort utilisé dans la synthèse de polymères conjugués.
Dans notre cas, le rôle de l’alcyne est tenu par l’éthynyltriméthylsilane (IVa).


                      Br                     Pd(PPh3 )2 Cl2                            Si
                                             CuI
        Br                    Si
                                             Et3N/THF (50/50)
                                             80°C
                               IVa                               Si
               Ib
                                                                            IIa
    Schéma 9 : réaction de couplage entre le 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (Ib) et
    l'éthynyltriméthylsilane (IVa)



Les conditions du couplage entre un halogénure d’aryle et un alcyne permettant ce type de réaction
à température ambiante ont été décrites par Sonogashira en 1975 : un catalyseur palladié,
typiquement le Pd(PPh3)2Cl2, utilisé avec de l’iodure de cuivre (I) et une amine basique.

La réaction a été réalisée sur 100 mg de 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène avec 2.5
équivalents d’éthynyltriméthylsilane dans un milieu formé de 10 mL de triéthylamine et de 10 mL de
THF. Par rapport au 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène, 5% de catalyseur palladié et 10%
d’iodure de cuivre ont été utilisés. La proportion d’iodure de cuivre est justifiée ici par la difficulté de
prélever une plus faible quantité (moins de 5 mg). L’évolution de la réaction n’a pu être suivie
efficacement par CCM car une seule tache d’élution apparait en front de solvant pour le brut
réactionnel ainsi que pour le mélange (brut/Ib). Dans le doute nous avons laissé réagir pendant 12h.

Les prédictions RMN 1H du produit final prévoient un important pic singulet aux alentours de 0 ppm
pour les méthyles rattachés aux siliciums, avec un ratio de 1 sur 9 par rapport aux protons
aromatiques, facilement identifiables. En évaporant le solvant du milieu, nous évacuons aussi le
réactif IVa qui possède un point d’ébullition relativement bas (54°C). L’analyse RMN nous permet de
voir les pics aliphatiques et aromatiques qui caractérisaient Ib mais aucun signal significatif
n’apparait près de 0 ppm, ce qui signifie que les éthynylsilanes ne se sont pas couplés avec Ib.

La voie de synthèse commençant par le couplage est donc mise de côté, aussi suite au succès de la
réaction d’oxydation et de la purification de son produit (voir paragraphe suivant).




                                                                                                         36
1.2.2.L’oxydation du 4,9-dibromo-1, 2, 3, 6, 7,8 hexahydropyrène (Ib)41,42

Pour réaliser une déshydrogénation, de nombreuses méthodes sont à disposition. La plus répandue
est bien entendu la déshydrogénation par palladium sur charbon, qui doit être réalisée à très hautes
températures. Comme méthode alternative, les quinones sont parfois utilisées pour l’aromatisation
de composés déshydrogénés. Parmi les quinones, la 2,3,5,6-tétrachloro-p-benzoquinone (p-chloranil)
et la 2,3-dichloro-5,6-dicyano-p-benzoquinone (DDQ) sont les plus utilisées. Les benzoquinones sont
extrêmement sensibles à l’eau en présence de laquelle elles se dégradent rapidement et forment les
hydroquinones ; leur utilisation nécessite des conditions totalement anhydres.


                                                        p-Chloranyl
                                             Br                                                               Br
                                                        ou DDQ

                     Br                                 Toluène anhydre                   Br
                                                        ref lux sous Argon
                                                        12h
                                   Ib                                                               Ic
                     Schéma 10 : Réaction d'aromatisation de 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-
                     hexahydropyrène (Ib) par le p-chloranil ou par le DDQ pour obtenir le 4,9-
                     dibromopyrène (Ic)


La réaction s’effectue via un transfert d’hydrure et fonctionnera d’autant mieux que le carbocation formé sera
stabilisé. Voici le mécanisme proposé pour l’aromatisation de Ic par le DDQ (il est le même pour la réaction au
p-chloranil) :

                                                                                     O                             OH
                                             O                                 H
                                                                                          CN             Cl             CN
                                        Cl         CN        + H+         Cl

                                                                          Cl              CN             Cl             CN
                           H            Cl         CN                                OH
                      H        H                                                                                   OH
                                   H         O
                                                   DDQ
                                       Br
                                                             H                                       H
                Br                                       H       H
                                                                                                          H

                                                                     Br            - H+                       Br
                          Ib
                                                  Br                                           Br




                      Schéma 11 : Mécanisme de la déshydrogénation par le DDQ.



Le transfert d’hydrure, thermodynamiquement très défavorable, est suivi d’un transfert de proton qui achève
de former la double liaison sur l’hydropyrène et d’un équilibre céto-énolique du phénol. Le carbocation formé
durant la réaction est efficacement stabilisé par conjugaison avec les deux cycles aromatiques de la molécule.




                                                                                                                             37
H                        H
                           H       H                H       H                  H                      H
                                                                           H       H              H       H
                                       Br                       Br
                                                                                       Br                     Br

                    Br                         Br
                                                                     Br                      Br




                                                                               H                      H
                                                                           H       H              H       H

                                                                                        Br                    Br

                                                                      Br                     Br




                    Schéma 12 : Stabilisation du carbocation formé par conjugaison avec les cycles aromatiques.


Il reste ensuite quatre protons à enlever pour former les deux dernières nouvelles doubles liaisons et récupérer
l’aromaticité du pyrène. Les réactions suivantes sont à nouveau tirées par l’aromaticité de l’hydroquinone mais
aussi par celle du pyrène. La réaction génère une double liaison par molécule de réactif (DDQ ou
chloranil) et comme trois doubles liaisons doivent être mises en place, il faudra utiliser au minimum
trois équivalents.



              1.2.2.1.             Oxydation par le p-chloranil

L’aromatisation de Ib par le p-chloranil a été inspirée d’une réaction d’oxydation décrite dans la
littérature sur un composé proche : le 4-bromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène41. Le réactif étant
disponible au laboratoire, c’est le premier que nous avons utilisé.


         O        La réaction avec le p-chloranil a été effectuée sur 100 mg de Ib dans 30 mL de
 Cl            Cl
                  toluène anhydre avec 3.5 équivalents de p-chloranil en suivant les indictions
                  rapportées dans le schéma 10.
 Cl            Cl
         O               Par CCM on contrôle l’avancement de la réaction jusqu’à consommation totale
Figure 30 : 2, 3,        d’hexahydropyrène. On effectue une colonne de chromatographie sur alumine avec
5,6-                     le toluène comme éluant et le solide récupéré est analysé par RMN 1H. Le spectre
tétrachlorobenzo-        montre des signaux dans la zone aromatique, mais encore de nombreux signaux
quinone
                         aliphatiques. Nous concluons à une aromatisation seulement partielle du produit de
                         départ.



              1.2.2.2.             Oxydation par le DDQ :

Le DDQ, ou 2,3-dichloro-5,6-dicyanobenzoquinone, est un oxydant plus fort que le p-chloranil et est
aussi largement utilisé. Comme le p-chloranil n’avait que partiellement réalisé l’oxydation, il semblait
         O          normal d’essayer avec un oxydant plus puissant.
  Cl            CN
                           Figure 31 : 2,3-dichloro- 5 ,6-
  Cl            CN         dicyanobenzoquinone
          O


                                                                                                                   38
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SynthèSe Et CaractéRisation De PyrèNes 4,9 DisubsituéSb

  • 1. Université Libre de Bruxelles Faculté des Sciences Services de chimie des polymères Synthèse et caractérisation de pyrènes 4,9 disubstitués Directeur mémoire : Mémoire présenté par Etienne Josseaux en Professeur Yves Geerts vue de l’obtention du grade de Master en Sciences Chimiques Année académique 2009 - 2010
  • 2. Remerciements Je remercie l’ensemble des chimistes de la future promotion 2009-2010, ainsi que nos bien-aimés gravitons, pour ces cinq années. Trop nombreux pour les citer tous, mais trop importants pour ne pas figurer en tête de liste. Je remercie Yves et Christian pour leur aide et leur investissement, chacun à sa manière ; et merci à tous ceux du laboratoire de chimie des polymères (colons y compris) pour avoir fait du travail un plaisir de tout les jours. Merci à Nicolas pour m’avoir distrait quand j’en avais besoin, Merci à Adeline pour m’avoir fait rire quand j’en avais besoin, Merci à Maud, pour tout, dès que j’en ai eu besoin, Merci à Toi, pour avoir été là. Merci à tous ceux qui, de près ou de loin, ont rendu possible l’un de mes premiers rêves d’enfant ; merci à moi et à mes quatre benzènes, sans qui tout ceci n’aurait pas été possible. 2
  • 3. Résumé Dans ce mémoire, la synthèse de quatre molécules dérivées du pyrène disubstitué en ses positions 4 et 9 a été investiguée. Issues d’un design d’ingénierie cristalline, ces molécules sont susceptibles de former à l’état cristallin des arrangements type mur de brique qui réduisent la sensibilité du transport de charges aux défauts structuraux et qui permettent d’éviter une perte de fluorescence due à la formation d’agrégats H. La synthèse partira du 1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène et utilisera entre autre les réactions de couplage au palladium de Sonogashira-Hagihara, de Suzuki-Miyaura, de Stille et de Buchwald Hartwig pour former les quatre molécules cibles : le 4,9- bis((triméthylsilyl)éthynyl)pyrène, le 4,9-bis(4-tert-butylphényl)pyrène, le 4,9-di(pipéridin-1-yl)pyrène et le 4,9-bis(9,9-didodécyl-9H-fluorèn-2-yl)pyrène. Au terme de ce travail nous sommes parvenus à synthétiser et purifier deux des quatre molécules cibles, le 4,9-bis((triméthylsilyl)éthynyl)pyrène et le 4,9-bis(4-tert-butylphényl)pyrène, à les caractériser en solution et à obtenir des cristaux analysables par diffraction aux rayons X pour le 4,9- bis((triméthylsilyl)éthynyl)pyrène. La caractérisation du 4,9-bis(9,9-didodécyl-9H-fluorèn-2-yl)pyrène s’est révélée plus compliquée que prévue et doit encore être approfondie tandis qu’une voie de synthèse différente et prometteuse a été initiée pour obtenir le 4,9-di(pipéridin-1-yl)pyrène. 3
  • 4. Table des matières REMERCIEMENTS 2 RESUME 3 TABLE DES MATIERES 4 PREMIERE PARTIE : INTRODUCTION 7 1. Ingénierie cristalline 8 1.1. Transport de charges 8 1.1.1.La théorie de Marcus 8 1.1.2.Les systèmes cristallins π-conjugués 9 1.2. Fluorescence 12 1.2.1.Agrégats J et agrégats H 13 1.2.2.Recherche de cristaux organiques fluorescents 14 1.2.3.Recherche de cristaux liquides fluorescents 15 2. Le pyrène 16 2.1. Excimères 17 2.2. Le pyrène à l’état solide 19 2.3. Quelques composés pyrèniques 19 2.4. Objectif du mémoire 20 2.5. Rétrosynthèse 23 3. Les réactions de couplage au palladium 24 3.1. Les cycles catalytiques 24 3.2. Les substrats 25 3.3. Les couplages utilisés 26 DEUXIEME PARTIE : RESULTATS ET DISCUSSION 28 1. Synthèse 28 4
  • 5. 1.1. La bromation en position 4,9 29 1.1.1.Le système de départ : le 1,2,3, 6,7,8-hexahydropyrène 29 1.1.2.Bromation Br2/FeCl3 30 1.1.3.Structure du composé dibromé 31 1.2. Oxydation ou couplage ? 36 1.2.1.4,9-bis ((triméthylsilyl) éthynyl)-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène 36 1.2.2.Oxydation du 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène 37 1.2.2.1. Oxydation par le p-chloranil 38 1.2.2.2. Oxydation par le DDQ 38 1.2.2.3. Caractérisation 39 1.3. Les réactions de couplage 41 1.3.1. 4,9-bis((triméthylsilyl)éthynyl)pyrène 41 1.3.1.1. Le couplage de Sonogashira-Hagihara 41 1.3.1.2. Caractérisation 42 1.3.1.3. Cristallisation du produit 44 1.3.2. 4,9-bis(4-tert-buthylphényl)pyrène 45 1.3.2.1. Le couplage de Suzuki-Miyaura 45 1.3.2.2. Caractérisation 46 1.3.2.3. Cristallisation du produit 48 1.3.3. 4,9-bis(9,9-didodécyl-9H-fluorèn-2-yl)pyrène 48 1.3.3.1. Formation du précurseur stannique 49 1.3.3.2. Le couplage de Stille 49 1.3.3.3. Caractérisation : la difficulté des fluorènes 50 1.3.4. 4,9-di(pipéridin-1-yl)pyrène 52 1.3.4.1. Le couplage de Buchwald-Hartwig sur Ic 52 1.3.4.2. Le couplage de Buchwald-Hartwig sur Ib 53 1.3.4.3. Caractérisation 54 1.3.4.4. Oxydation par le DDQ 55 1.4. Conclusion de la synthèse 56 2. Propriétés optiques des composés 56 2.1. Absorption 57 2.2. Emission 59 2.3. Excimères 60 2.4. Conclusion des mesures d’absorption et de fluorescence 61 TROISIEME PARTIE : CLONCLUSIONS ET PERSPECTIVES 63 ANNEXES 1. Partie expérimentale 65 2. Bibliographie 67 5
  • 6. Première partie : Introduction 6
  • 7. Les préoccupations énergétiques sont omniprésentes en ce début de 21ième siècle. Dans tous les pays, des scientifiques sont à la recherche de nouvelles sources d’énergie ou de nouveaux matériaux permettant une meilleure utilisation de celle-ci. Les matériaux organiques (molécules ou macromolécules) peuvent transporter des charges électriques et interagir efficacement avec la lumière lorsqu’ils possèdent une structure π-conjuguée. Les semi-conducteurs organiques ont un potentiel important, que ce soit dans le développement de nouveaux systèmes d’éclairage (OLED pour Organic Light Emitting Diodes) ou de cellules photovoltaïques1. En effet, les techniques de synthèse actuelles regorgent de méthodes de fonctionnalisations efficaces pour des molécules ou des polymères, permettant une grande diversité de structure et de propriétés. Ceci permet la mise au point de matériaux spécifiques aux propriétés choisies. De plus, la synthèse des matériaux organiques requière des conditions plus douces que celle des matériaux inorganiques, ce qui se traduit par des économies d’énergie. Le replacement des semi-conducteurs inorganiques par des matériaux organiques réduit le coût de production* et permet la fabrication de plus larges dispositifs, ou encore de travailler sur des substrats plus légers et plus flexibles2,3. Malgré le potentiel des semi-conducteurs organiques et la liberté exploratoire offerte par les nouvelles techniques de synthèse, les chimistes travaillant sur les matériaux organiques font face à de nombreux défis scientifiques et technologiques. Dans ce travail nous avons essayé d’apporter une modeste pierre à l’édifice de ces matériaux. Plus précisément nous présentons la synthèse et la caractérisation de nouvelles molécules, dérivées du pyrène, en vue d’obtenir des cristaux combinant un transport de charges efficace et une fluorescence intense. Nous envisageons que ces matériaux nouveaux puissent être utilisés dans divers dispositifs opto-électriques. Les propriétés physiques des semi-conducteurs organiques dépendent de leur structure chimique, mais aussi énormément de leur organisation supramoléculaire à l’état solide. Cet aspect fait l’objet du chapitre suivant où seront exposées brièvement les relations qui existent entre la structure à l’état solide des matériaux et le transport de charges ainsi qu’avec la fluorescence. Nous parlerons ensuite du pyrène et ferons un bref état de l’avancement de quelques recherches basées sur ses dérivés. Le troisième chapitre de cette introduction servira de rappel sur les techniques de couplage, largement utilisées durant le travail de synthèse. * 2 Par exemple : la production d’une cellule solaire d’1m à base de silicium induit le dégagement d’environ 400Kg de CO2 alors que celle d’une cellule solaire à base de polymères conjugués tombe aux environs de 4Kg de CO2. 7
  • 8. 1. Ingénierie cristalline L’ingénierie cristalline est une discipline scientifique récente qui s’attache à relier les propriétés physico-chimiques d’un cristal à la structure des molécules qui le composent. Sur base des interactions intermoléculaires qui existent entre les molécules, on recherche l’arrangement cristallin qui minimiserait l’énergie libre de formation du cristal tout en maximisant une ou plusieurs propriétés. Les propriétés d’un cristal vont dépendre pour une certaine part des molécules qui le forment. Les interactions intermoléculaires dans un cristal organique sont des interactions faibles qui ne sont pas capables d’altérer certaines propriétés moléculaires comme la dimension et structure moléculaire ou encore les fréquences vibrationnelles. Il est donc logique que certaines caractéristiques physico- chimiques des molécules se transmettent au système cristallin. Néanmoins, d’autres propriétés seront modifiées en raison de la proximité des molécules. Ces propriétés dont font partie le transport de charges et la fluorescence vont grandement dépendre de l’arrangement cristallin adopté. En comprenant les mécanismes qui définissent l’arrangement des molécules à l’état solide, on peut prévoir des structures de molécules dont les formations cristallines se trouveraient pourvues de propriétés particulières. Ce travail s’inscrit dans cette lignée : il a pour objet de trouver des matériaux solides alliant une fluorescence intense et un transport de charges efficace. Les sections suivantes expliquent les conditions nécessaires à un transport de charges rapide et une fluorescence intense dans un réseau cristallin. Nous verrons que certains arrangements sont plus propices que d’autres à l’optimisation de ces deux propriétés physiques. Le design des molécules qui feront l’objet de la synthèse tentera de combiner les structures nécessaires aux deux phénomènes. 1.1. Transport de charges : 1.1.1.La théorie de Marcus Le transfert† de charges électriques dans les matériaux π-conjugués est décrit à l’échelle microscopique par l’équation de Marcus simplifiée car les réactifs et les produits ont la même énergie. L’équation (1) permet de calculer le taux de transfert, kET (s-1), c'est-à-dire la constante cinétique de la réaction5. (1) † Le terme « transport de charges » est réservé à la description du transport de charges électriques sur des distances macroscopiques. Le terme « transfert de charges » s’applique aux déplacements d’électrons entre molécules voisines. 8
  • 9. kET est aussi l’inverse de Δt, le temps de résidence d’une charge sur une molécule. Cette grandeur peut être reliée à la mobilité des charges μ (m²/Vs) via l’équation : (2) Δ Où d (m) est la distance entre molécules et F (V/m) est l’amplitude du champ électrique. L’équation de Marcus (1) contient deux paramètres importants que sont l’intégrale de transfert t (proportionnelle au recouvrement orbitalaire des molécules adjacentes) et l’énergie de réorganisation λ (associée à la variation de la structure moléculaire en présence et en absence de charge). Pour obtenir une mobilité élevée et donc un transfert de charges efficace, il faut maximiser kET ; t doit donc être grand et λ petit. Les systèmes cristallins π-conjugués affichent généralement de bons recouvrements des orbitales frontières et sont donc de bons candidats pour des systèmes organiques semi-conducteurs69. Les charges positives, appelées aussi trous ou h+, sont transportées par les orbitales HOMO et les charges négatives, les électrons ou e-, sont transportées par les LUMO. Dans la section suivante nous présentons l’arrangement cristallin des molécules π-conjuguées et le lien entre cet arrangement et la mobilité des charges. 1.1.2.Les systèmes cristallins π-conjugués10, 59, 60 La théorie de Marcus s’applique au mouvement des charges à l’échelle moléculaire, tandis que le transport de charges implique leurs déplacements sur des distances macroscopiques. Dès lors les impuretés du matériau π-conjugué et la présence de défauts structuraux seront deux facteurs néfastes au transport de charges. L’influence de ces défauts peut cependant être modulée en fonction de la structure cristalline. Voyons deux extrêmes que l’on peut rencontrer selon la forme des molécules qui vont former le cristal : l’empilement cofacial et l’empilement sous forme de mur de brique. Les molécules en forme de disques, comme les phtalocyanines, s’organisent sous forme de colonnes de molécules empilées de manière cofaciale11. Ceci est représenté sur la figure 1 : 9
  • 10. Figure 1 : a) Structure moléculaire des phtalocyanines, où M = un métal ou un hydrogène. b) Organisation en colonne des phtalocyanines, où α est l'angle de glissement. c) Rassemblement des colonnes dans la structure cristalline. Le recouvrement orbitalaire d’une molécule se fait essentiellement avec les orbitales de ses deux premières voisines au sein d’une colonne. Ce recouvrement est très efficace et le transport de charges vertical dans la colonne est très rapide, ce qui est favorable aux dispositifs photovoltaïques par exemple. A l’inverse, il n’y a pratiquement pas d’interactions du point de vue électronique entre les molécules des colonnes adjacentes. Notons que l’empilement n’est pas totalement cofacial car les molécules se décalent légèrement l’une par rapport à l’autre (figure 2). Ce décalage latéral propre aux molécules aromatiques est imposé par les interactions π-π répulsives12, 13. Le transport de charges au sein des colonnes est rapide car le recouvrement Figure 2 : Décalage orbitalaire est grand, mais il est très sensible à la présence de défauts‡ et latéral des molécules π-conjuguées d’impuretés§. On peut réussir, avec difficulté cependant, à obtenir un cristal sans impuretés, mais les défauts font partie intégrante des systèmes cristallins : ils sont intrinsèques à la thermodynamique des cristaux. Puisqu’obtenir un cristal sans défaut est impossible, il faut rendre le transfert des électrons plus tolérant à leur présence. Une solution serait d’imposer, par l’encombrement stérique des molécules, un autre motif que la formation de colonnes. Un nombre élevé de premiers voisins permet de réduire plus efficacement l’influence d’un défaut ou d’une impureté. ‡ Les défauts sont par exemple des molécules manquantes dans le réseau (des vides, aussi appelés défauts de Schottky), des molécules en plus qui s’ajoutent au réseau sans y avoir de place (défauts de Frenkel) ou des molécules mal orientées par rapport au réseau. § Le transport de charges sur une distance de 3μm requière des colonnes d’environ 10 000 molécules. Une seule impureté dans la colonne suffit à bloquer le transport de charges, car le passage d’une colonne à une autre est empêché par l’absence d’interactions électroniques. Le matériau doit donc contenir moins d’une impureté pour 10 000 molécules, ce qui revient à demander une pureté supérieure à 99.99% soit un produit 100 fois plus pur que les produits synthétisés au laboratoire. 10
  • 11. Cet autre empilement peut être l’empilement de type mur de brique (figure 3). Dans cet arrangement, le recouvrement entre orbitales π est toujours significatif, mais il se répartit sur quatre premiers voisins au lieu de deux dans un arrangement cofacial. L’empilement est aussi plus efficace : les molécules sont plus proches les unes des autres. Cela améliore encore les recouvrements et donc le transfert de charges. Le transport de charges sera à nouveau orienté verticalement car les molécules auront, comme dans l’arrangement en colonnes, très peu d’interactions électroniques avec leurs voisines « horizontales ». Le transport de charges aura cette fois la possibilité d’emprunter plusieurs chemins différents : c’est grâce à cela que la présence d’un défaut dans la figure 3 ne bloque pas le transport d’électrons dans le solide comme cela aurait été le cas dans un arrangement cofacial15, 16. Figure 3 : Transport de charge vertical dans un cristal en "mur de brique" sans défaut (a) et avec un défaut de type Schottky (b) Le TIPS-pentacène est une molécule qui adopte un empilement en mur de brique14 : l’encombrement stérique des deux groupements triisopropylsilyles permet d’induire le décalage nécessaire entre deux molécules pour éviter l’arrangement cofacial (figure 4). Figure 4 : a) structure moléculaire du TIPS-pentacène ; b) le positionnement relatif de deux molécules et c) l'agencement de ces molécules dans un réseau cristallin. Nous retrouvons ici le concept d’ingénierie cristalline. Les chimistes des matériaux ont obtenu, après de nombreux efforts de synthèse pour modifier l’encombrement stérique des groupes trialkylsilyles latéraux, l’organisation structurale désirée maximisant une propriété spécifique, en l’occurrence la mobilité des charges électriques**. Le paragraphe suivant est consacré à l’influence de l’organisation supramoléculaire sur la fluorescence à l’état solide. ** Les mobilités électroniques les plus élevées pour des composés organiques ont été mesurées sur des -2 2 2 2 cristaux de naphtalène, anthracène et de périlène avec des mobilités allant de 10 cm /V s à 10 cm /V s aux basses températures. 11
  • 12. 1.2. Fluorescence58-61 Fluorescence et phosphorescence correspondent à une émission d’énergie sous forme de lumière suite à la désactivation radiative d’un état excité vers l’état électronique fondamental. L’état excité est un état singulet dans le cas de la fluorescence et un état triplet pour la phosphorescence. On peut utiliser le diagramme de Jablonski pour représenter les phénomènes de photo-excitation et de désexcitation : Figure 5 : Diagramme de Jablonski représentant les phénomènes d'absorption et d'émission sous forme de fluorescence et de phosphorescence selon les états électroniques. Les composés π-conjugués présentent la particularité d’absorber intensément la lumière UV-visible††. Certains de ces composés fluorescent d’ailleurs avec un rendement quantique‡‡ proche de l’unité, c'est-à-dire que pour chaque photon de longueur d’onde λ1 absorbé par les molécules sera réémis, à une longueur d’onde λ2, un autre photon (λ1 > λ2). Néanmoins l’intensité de la fluorescence diminue fortement en augmentant la concentration d’une solution de fluorophore. Ce phénomène, appelé « concentration quenching » en anglais, provient des interactions des molécules π-conjuguées. La distance et l’orientation des molécules entre elles en solution sont évidemment impossible à prédire, c’est pourquoi on étudie souvent la fluorescence des molécules π-conjuguées dans des cristaux organiques. La section suivante est consacrée aux agrégats J et H et à la théorie de l’exciton. †† 5 -1 -1 Le coefficient d’absorption molaire peut atteindre des valeurs environnant 10 l.mol .cm dans les cas les plus favorables. ‡‡ Le rendement quantique est une valeur utilisée pour caractériser le rendement de la fluorescence par rapport à l'ensemble des phénomènes de désactivation. 12
  • 13. 1.2.1.Agrégat J et agrégat H17 Lorsque deux ou plusieurs molécules s’associent à l’état solide ou cristal liquide, l’entité formée est appelée agrégat. Les agrégats organiques ont été largement étudiés pour les changements qu’ils induisent, notamment dans les spectres d’absorption/émission. En effet, les spectres caractérisant les molécules individuelles (les monomères) peuvent être fort différents des spectres reliés aux agrégats. On utilise le terme de déplacement bathochromique (ou de déplacement dans le rouge) pour un déplacement des bandes spectrales d’absorption ou d’émission d’une molécule vers des longueurs d’onde plus élevées. A l’inverse, un déplacement des bandes spectrales vers des longueurs d’onde plus faibles est appelé un déplacement hypsochromique (ou déplacement dans le bleu). Il existe un nombre varié de termes pour qualifier un déplacement de bande spectrale selon certaines conditions : le solvatochromisme est ainsi la capacité d’une substance chimique à changer de couleur suite à un changement de polarité du solvant qui l’entoure. Les agrégats qui présentent un déplacement bathochromique par rapport aux monomères sont appelés agrégats J et ceux qui présentent un déplacement hypsochromique agrégats H. Les déplacements des bandes spectrales ont pu être expliqués par la théorie de l’exciton dont une version simplifiée est présentée ici. Pour qu’une molécule puisse interagir avec un champ électromagnétique, et absorber ou émettre un photon de longueur d’onde λ, elle doit posséder, au moins de manière transitoire, un dipôle oscillant à cette fréquence. La taille du dipôle de transition peut être vue comme une mesure de la redistribution de charges qui accompagne la transition. L’intensité de cette dernière est proportionnelle au carré du moment de transition dipolaire61. Selon la théorie de l’exciton18, lorsque deux molécules forment un dimère, l’excitation génère la création de deux niveaux d’excitation dus aux orientations relatives des dipôles (figure 6). Parmi ces niveaux d’excitation, certains ne sont pas accessibles pour une transition électronique radiative en raison du dipôle global du dimère qui s’annule. Ceci implique immédiatement que les spectres d’absorption et d’émission pour les dimères seront différents de ceux des monomères. Au niveau de l’absorption, les agrégats H ont l’état de plus basse énergie avec un dipôle nul. La transition permise est donc celle de plus haute énergie et l’effet sur le spectre d’absorption consistera en un déplacement de la bande vers les basses longueurs d’onde, soit vers le bleu. Les agrégats J au contraire montrent un déplacement des bandes d’absorption vers le rouge : l’état excitonique accessible étant celui de plus basse énergie que celui du monomère. Figure 6 : Transitions permises pour l'absorption des agrégats J et H. 13
  • 14. On peut appliquer le même raisonnement à l’émission des agrégats (figure 7), mais il faut aussi prendre en compte la loi de Kasha selon laquelle c’est l’état excité de plus basse énergie qui est responsable de l’émission. Dans l’agrégat H, c’est l’état électronique supérieur qui est peuplé par l’absorption. La molécule se désexcite de manière non radiative pour atteindre son état excité le plus bas. Cependant cet état ne possède aucun dipôle de transition : en se désexcitant, il libérera de l’énergie de manière non radiative, par collision ou sous forme de chaleur. Les agrégats H ont par conséquent une faible fluorescence par rapport au monomère. L’agrégat J en revanche a vu son état excité de plus basse énergie se peupler suite à l’absorption d’un photon, et il possède un dipôle de transition deux fois plus grand que celui du monomère. Les agrégats J ont une bonne fluorescence, qui est déplacée vers les grandes longueurs d’onde sur le spectre d’émission. Figure 7 : Transitions permises pour l'émission des agrégats J et H. Nous avions déjà rencontré l’angle de glissement α formé par la droite reliant les deux centres dipolaires et les plans contenant les molécules (voir figure 2). Cet angle permet de différencier les agrégats J et H selon un critère structural : - un angle de glissement compris entre 0 et 54.7° engendre un déplacement bathochromique (et donc un agrégat J) - un angle de glissement compris entre 54.7° et 90° engendre un déplacement hypsochromique (et donc un agrégat H) Il est toutefois important de se rappeler que les agrégats H et J tiennent leurs noms du comportement de leurs spectres d’absorption et d’émission par rapport à ceux des monomères : en plus des déplacements de bandes, les agrégats H possèdent une faible fluorescence et un large déplacement de Stokes§§ tandis que les agrégats J ont une intense fluorescence et un déplacement de Stokes très faible. 1.2.2.Les cristaux organiques fluorescents L’influence de la structure à l’état cristallin, et plus particulièrement de l’orientation des molécules les unes par rapport aux autres, a pu être confirmée par les nombreux progrès qui ont été faits dans la recherche de cristaux organiques fluorescents. L’exemple le plus marquant est celui des 1,4-bis(alkényl)-2,5-dipipéridinobenzènes (figure 8) qui ne possèdent comme noyau aromatique qu’un simple benzène, mais qui sont de très bons fluorophores émettant dans le visible à l’état solide avec d’excellents rendements quantiques. §§ Le déplacement de Stokes est la différence, pour une même transition électronique, entre la longueur d’onde de la transition 0’-0 (du spectre d’absorption) et celle de la transition 0-0’ (du spectre de luminescence). 14
  • 15. Dans ces composés la fluorescence est 1 (R 1 = Me, R 2 = Me) modulée par les groupements alkyles fixés. 2 (R 1 = H, R2 = H) N 3 (R 1 = CF3 , R 2 = H) Ainsi à l’état cristallin*** : R1 4 (R 1 = CO 2Et, R 2 = H) - 1 émet intensément dans le bleu (λem = R2 5 (R 1 = COMe, R 2 = COMe) 441 nm) R2 R1 - 2 émet dans le vert-bleu (λem = 486 nm), N - 3 possède une émission très intense dans le vert (λem = 523 et 526 nm), - 4 émet dans l’orange (λem = 596 nm), Figure 8 : 1,4-bis(alkényl)-2,5-dipipéridinobenzènes développés - 5 émet dans le rouge (λem = 638 nm). dans le cadre de recherches sur des cristaux organiques fluorescents Les composés émettent avec de bons voire parfois d’excellents rendements quantiques (φ = 0.94 et 0.98 pour les cristaux de 2 et de 3 respectivement), autant à l’état cristallin qu’en solution ou en film mince. L’influence des différents groupements sur la fluorescence, combinée aux excellents rendements quantiques, rappelle fortement la formation d’agrégats J dont l’angle de glissement est modifié dans chaque composé par l’encombrement stérique des groupements alkyles. Cela modifie l’amplitude du dipôle de l’agrégat excité et donc l’énergie des niveaux excités ainsi que la couleur de l’émission. 1.2.3.Cristaux liquides fluorescents. Les figures 6 et 7 pourraient suggérer que les arrangements en colonnes conduisent forcément à des agrégats H : il n’en n’est évidemment rien ! Des colonnes peuvent être formées dans lesquelles les dipôles ne seraient pas parallèles. Dans ces cas-là, la fluorescence serait moins, voire pas du tout, diminuée (figure 9). Des molécules de pyrènes tétra substitués ont été mises au point pour réaliser ce type de déphasage entre les molécules et éviter le quenching de la fluorescence des arrangements cofaciaux avec dipôles parallèles. Figure 9 : Influence de l'orientions des dipôles coplanaires non parallèles sur la séparation énergétique des états excités du dimère. *** Les longueurs d’ondes ici notées λem sont les longueurs correspondant aux maximums d’émission. 15
  • 16. Le TDPEPy (figure 10), a été conçu et synthétisé par Véronique OR OR de Halleux au laboratoire de chimie des polymères20. Les RO OR fonctionnalisations visent en réalité deux objectifs : RO OR - Les quatre phényles aux positions 1, 3, 6 et 8 permettent d’induire un déphasage entre des molécules directement voisines et on évite ainsi de perdre la fluorescence du pyrène malgré l’arrangement en colonnes caractéristiques de RO OR ce type de molécule (voir chapitres précédents). - Les chaînes alkyles en C12 ajoutées aux phényles ont RO OR OR OR pour effet de former des phases cristal-liquide sur une gamme Figure10 : 1,3,6,8-tetrakis-(3,4,5- satisfaisante de températures (entre 40 et 90°C). tris(dodécyloxy)phényl)pyrène (R=C12H25) Le design de TDPEPy s’est révélé efficace puisque la molécule présente une fluorescence intense autant en solution qu’en phase cristalline ou cristal-liquide. Le rendement quantique en phase cristalline s’élève aux environs de 62%, un rendement plus que satisfaisant à l’état condensé. La formation de phases cristal-liquides offre par ailleurs une réponse intéressante au problème de sensibilité du transport de charges vis-à-vis des défauts structuraux : en effet ces phases tendent à les corriger spontanément par autoréparation. Cela n’évite pas complètement les défauts, mais cela en réduit efficacement l’influence. De plus les applications des phases cristal-liquides en film mince sont particulièrement attractives pour l’industrie. 2. Le pyrène Le pyrène est souvent considéré comme l’archétype de l’hydrocarbure polycyclique aromatique fluorescent23. De très nombreuses recherches ont été menées dans le but d’étudier et de moduler son rendement quantique dans des environnements variés ou à l’aide de groupements fonctionnels divers. De plus, étant un polycycle aromatique, il est potentiellement attractif pour des dispositifs de transport de charges si on arrive à lui donner à l’état cristallin ou cristal-liquide un arrangement qui convient. 2 2 2 1 3 1 3 1 3 10 4 10 4 10 4 9 5 9 5 9 5 8 6 8 6 8 6 7 7 7 py rène 1,2,3,6,7,8 hexahydropyrène 4,5,9,10-tétrahydropyrène (Ia) Figure 11 : Le pyrène (au centre) et les deux composés majoritaires obtenus lors de sa réduction : le 4,6,9,10-tétrahydropyrène et le 1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (Ia). 16
  • 17. Un des avantages majeurs du pyrène est sa fonctionnalisation relativement aisée sur les positions 1, 3, 6 et 8†††. Pour placer des substituants à d’autres positions, il est plus facile de partir de précurseurs du pyrène : les hydropyrènes qui sont obtenus par réduction. Un autre intérêt du pyrène est la formation d’excimères dans les solutions concentrées et à l’état cristallin. 2.1. Excimères21,60 On considère généralement les spectres d’absorption et d’émission pour des molécules isolées. Cependant il arrive que deux (ou plus rarement plus de deux) molécules forment des complexes en solution qui affectent les spectres. Ces complexes sont des associations différentes des agrégats de la section 1.2.1. parce qu’ils sont formés aussi en solution : il ne s’agit pas d’une formation entrainant un état solide. Deux types de complexes peuvent être différenciés, selon l’effet qu’ils auront sur les spectres d’absorption et d’émission : - Un complexe d’absorption est un complexe dans lequel les deux molécules coopèrent pour absorber un photon - Un exciplexe est un complexe dans lequel deux molécules s’associent pour émettre un photon. Nous allons nous intéresser davantage aux exciplexes car les excimères en sont un cas particulier. Un exciplexe est un complexe bimoléculaire associatif à l’état électronique excité et dissociatif à l’état fondamental. Lorsque les deux molécules qui forment le complexe sont de la même espèce, on parlera d’excimère. A l’état électronique excité, certaines molécules peuvent être extrêmement polarisables, à cause des orbitales à moitié remplies HOMO (qui revêtent un caractère électrophile) et LUMO (plutôt nucléophiles). Ces espèces excitées peuvent mettre en place des transferts de charges et se stabiliser en interagissant avec une autre espèce polarisable. C’est ainsi que nait un exciplexe : une molécule isolée M est excitée à son état électronique M*. Par collision, M* va pouvoir former un complexe stabilisé par transfert de charge avec une molécule à l’état fondamentale. Dans la grande majorité des exciplexes, et c’est le cas des excimères que forment le pyrène, le complexe aura un arrangement cofacial. exciplexe excimère Si les exciplexes se forment par collision d’espèces, il est évident que plus la concentration sera élevée plus on formera de complexes en solution, et plus leur effet sur le spectre sera important. Dans le spectre d’émission, les excimères provoquent deux changements : ††† La nomenclature du pyrène est une exception à la règle IUPAC qui voudrait que l’on numérote les positions des groupements de manière à obtenir la combinaison de nombres la plus petite possible. Avant de respecter cette règle, les numéros 1,2 et 3 sont toujours placés conformément à la figure 11. 17
  • 18. - l’apparition d’un nouveau pic d’émission, dans les zones de plus grandes longueurs d’onde (de plus faibles énergies) par rapport au pic d’émission des molécules individuelles ; - la disparition progressive des pics initiaux avec la concentration au profit du pic d’excimère‡‡‡. Au niveau du spectre d’absorption, les exciplexes ne génèrent aucun changement puisqu’ils n’existent pas à l’état fondamental. L’absorption sera toujours celle des molécules individuelles et c’est seulement lorsqu’elles seront excitées que les exciplexes se formeront. Le pyrène est l’exemple le plus classique de la formation d’excimères : pour des concentrations jusqu’à 10-5M, le spectre d’émission est indépendant de la concentration. Lorsque la concentration augmente on perd progressivement les signaux caractérisant le pyrène en même temps qu’apparait un large pic correspondant à la désexcitation des excimères. On peut représenter le phénomène par un diagramme reprenant l’énergie du couple formé par deux molécules de pyrène en fonction de la distance r les séparant (figure 12). Figure 12 : Représentation par un diagramme d'énergie en fonction de la distance intermoléculaire de la formation d'excimères de pyrène et de son influence sur la fluorescence Aux faibles concentrations (cas de droite) le monomère, lorsqu’il est excité, ne formera pas d’excimères et se désexcitera en produisant le spectre d’émission qui caractérise le pyrène. A concentration supérieure (cas de gauche), des excimères se forment. Comme le complexe est stabilisé par rapport au monomère excité, sa désexcitation radiative libèrera moins d’énergie et c’est pour cette raison que les émissions d’exciplexes sont dans le rouge par rapport à celles des monomères. De plus, l’état fondamental du complexe est de plus haute énergie que pour les monomères séparés parce que les molécules sont plus proches et qu’en l’absence de transfert de charges, elles se repoussent. Cela explique aussi l’instabilité du complexe à l’état fondamental. ‡‡‡ On ne parle pas ici de la diminution de l’intensité de fluorescence due à la concentration, il s’agit dans le cas des excimères d’un autre phénomène qui plutôt que d’annuler totalement la fluorescence, la déplace vers d’autres longueurs d’ondes. 18
  • 19. 2.2. Le pyrène à l’état solide22 A l’état cristallin, le pyrène adopte un arrangement particulier : les molécules de pyrène forment des dimères qui eux-mêmes s’assemblent dans une structure cristalline régulière (figure 13). Cette structure s’apparente un peu à la formation d’excimères en solution et les spectres d’émission du cristal et du pyrène en solution concentrée présenteront sans surprise des similitudes. Le spectre d’absorption sera celui du pyrène seul comme on s’y attend de la part des excimères. En raison de leur proximité, une molécule qui aura absorbé un photon s’associera directement avec sa voisine et formera immédiatement l’excimère. Le spectre d’émission sera donc uniquement celui de l’excimère. La formation d’excimères est ici un avantage car s’ils déstructurent l’émission, les excimères ont l’avantage de fixer les excitons dans l’espace : ceux- ci ne risquent plus de diffuser librement jusqu’à une impureté et d’y perdre leur énergie d’excitation. La longueur de diffusion de l’exciton dans des cristaux de pyrène est de l’ordre de 0.35 Figure 13 : Représentation de la structure du cristal de nm, soit la distance séparant la molécule excitée de pyrène. La distance entre deux molécules dans un dimère sa première voisine. En comparaison, la longueur est de 3.53 A° et les molécules sont décalées dans le sens de diffusion de l’exciton peut atteindre 10 à 100 de la grande diagonale de manière à ne générer aucune nm dans les cristaux des composés conjugués qui répulsion π-π mais bien de l’attraction entre les structures + - carbonées (δ ) et les orbitales p (δ ). ne forment pas d’excimères. 2.3. Quelques composés pyrèniques Les recherches impliquant le pyrène sont nombreuses et variées. Ses différentes caractéristiques physiques et chimiques en font un composé se prêtant potentiellement à de nombreuses applications et les secteurs comme le secteur photovoltaïque, ou celui des OLEDs sont les premiers à être intéressés. A cause de la meilleure réactivité du pyrène à ces positions, il a été plus souvent investigué en porteur de groupements aux positions 1, 3, 6 et/ou 8. Nous avons déjà abordé à la section 1.2.3. le TDPEPy qui était substitué à ces positions et qui formait des arrangements en colonnes en phase cristal-liquide. Les paragraphes suivants décrivent deux recherches menées sur d’autres types de dérivés du pyrène. 19
  • 20. Une voie de recherche sur les dérivés du pyrène autre que la simple fonctionnalisation est celle qui construit des dimères de manière à éviter la formation d’excimères. Le design des deux composés suivants a été réalisé dans cette optique. La figure 14 montre le composé cible d’une recherche24, composé qui ne semble pas former d’excimère même à des concentrations importantes. La molécule possède par ailleurs une fluorescence intense et des propriétés photochimiques ressemblant davantage à celles d’un nouveau composé plutôt qu’à un dimère de pyrène. Une autre constatation importante est le fait que le rendement quantique de fluorescence et la durée de vie des états excités ne sont plus affectés par la polarité du solvant ou par la présence Figure 14 : 1,4-di(pyrèn-1-yl)buta-1,3- diyne d’oxygène. Cette nouvelle stabilité est un élément important pour son utilisation dans des dispositifs photoélectriques. La molécule possède encore trois positions facilement fonctionnalisables sur chaque pyrène et des recherches sont menées pour les doter de nouvelles fonctionnalités, comme par exemple des groupements hydrosolubles. D’autre part la formation de ce dimère totalement différent du pyrène individuel et de l’excimère a ouvert la porte à l’étude d’autres dimères comme des dimères de pérylène. F Un dimère de pyrène a aussi été réalisé dans un complexe borique25 F O B (figure 15) suite aux recherches sur ce type de composé avec des N fluorènes : les dimères de fluorènes avaient une fluorescence intense et N F des fréquences d’émission modulables, mais ils affichaient une perte de B fluorescence due à un déplacement de Stokes trop faible et une O F fluorescence très fortement réduite à l’état solide. Par contrôle stéréochimique, les pyrènes sont reliés en trans sur le cyclohexane, ce qui défavorise des interactions π-π fortes entre les Figure 15 : bis-[(1-hydroxy-2- pyrènes dans une même molécule et la forme des molécules rend pyrènylidène)-(1'R, 2’R)- l’empilement moins efficace. De nouveau la formation de dimères de cyclohexane-1',2'- diamine]difluorobor-chelat pyrène permet d’éviter la formation d’excimères et le composé synthétisé ici possède lui aussi une fluorescence très intense. 2.4. Objectif du mémoire En rassemblant les informations que nous avons sur le transport de charges dans un cristal et sur la fluorescence, nous pouvons effectuer le design des molécules qui mèneront à l’obtention d’un solide organique cristallin qui combinera un transport de charge efficace et une bonne fluorescence. Les arrangements en colonnes doivent être évités dans les deux cas : le transport de charge y est localement efficace mais trop sensible aux défauts sur des distances macroscopiques. Ces structures peuvent, de plus, donner lieu à des agrégats H à très faible fluorescence. Les structures en murs de brique sont par contre intéressantes pour les deux phénomènes, et l’exemple du TIPS-pentacène illustre bien que cette configuration est propice au transport de charges, bien qu’il ne présente qu’une fluorescence modérée. 20
  • 21. L’objectif de ce mémoire est donc de synthétiser une famille de dérivés du pyrène substitués aux positions 4 et 9 par des groupements encombrants afin de forcer un empilement cristallin en mur de brique (figure 16). Pour induire le décalage dans le pyrène de la même manière qu’il a été induit dans le pentacène, il faut placer des groupements stériques qui empêcheront l’arrangement cofacial. Des recherches ont déjà été menées sur des fonctionnalisations des positions 1 et 6, et d’autres sont menées actuellement les positions 2 et 7. Dans le cadre de ce mémoire, nous essayerons de synthétiser des composés fonctionnalisés aux Figure 16 : a) Représentation schématique du pyrène substitué en positions 4 et 9. positions 4 et 9 par des groupements encombrants. b) Arrangement désiré pour l'état cristallin. Voici les quatre composés qui constituent les cibles de synthèse§§§ : Figure 17 : 4,9-bis((triméthylsilyl)éthynyl)pyrène (IIIa) Figure 18 : 4,9-bis(4-tert-butylphényl)pyrène (IIIb) §§§ Les structures en trois dimensions ont été modélisées à l’aide du programme de modélisation Chem3D Ultra sur base d’une minimisation de l’énergie des molécules. Elles ne représentent pas forcément la structure adoptée par les composés en phase cristalline. 21
  • 22. Figure 19 : 4,9-bis(9,9-didodécyl-9H-fluorèn-2-yl)pyrène (IIIc) Figure 20 : 4,9-di(pipéridin-1-yl)pyrène (IIId) Le paragraphe suivant expose la rétrosynthèse sur laquelle nous nous sommes basée pour obtenir ces composés. 22
  • 23. 2.5. Rétrosynthèse Pour obtenir les composés IIIa, IIIb, IIIc et IIId, le passage par le 1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène est un passage obligé pour réagir sélectivement aux positions 4 et 9. R R Pour obtenir des composés du pyrène 4,9 disubstitués, deux réactions sont possibles : - réaliser un couplage sur un pyrène X R fonctionnalisé aux positions 4 et 9 pour placer les groupements stériques, et cette X R étape suivrait directement l’aromatisation de l’hexahydropyrène activé en 4 et 9. - aromatiser l’hexahydropyrène déjà substitué avec les groupements que l’on souhaite fixer, auquel cas les réactions de couplage sont effectuées sur X l’hexahydropyrène activé. X Quelle que soit la voie que l’on suit, il faut donc nécessairement passer par un hexahydropyrène substitué en 4 et 9. Les substitutions pour les réactions de couplages sont très généralement des halogénations, qui fonctionnent assez bien avec les composés aromatiques. Le 1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène est un composé disponible commercialement, il n’est donc pas nécessaire de partir du pyrène et de faire sa réduction mais cela aurait dû être fait si le pyrène avait été choisi comme composé de départ. Schéma 1 : Rétrosynthèse générale des dérivés du pyrène 4,9 disubstitués. 23
  • 24. 3. Les réactions de couplages au palladium2632 Les réactions de couplage sont devenues un outil standard et indispensable pour le chimiste de synthèse. Durant les vingt dernières années, le nombre de réactions de couplage n’a cessé d’augmenter, et leur domaine d’application de s’agrandir. Leur énorme avantage est la formation facile et sélective de liens C-C sur des molécules aromatiques. Cela permet d’aborder la synthèse d’une nouvelle manière : au lieu de faire des synthèses linéaires, on peut synthétiser séparément des morceaux clés de molécule et utiliser les couplages pour les lier entre eux. La bonne sélectivité de ces réactions permet de contrôler sans trop de difficultés les liens à former. 3.1. Les cycles catalytiques D’une manière générale, les réactions de couplage impliquent des carbones nucléophiles comme des dérivés aryles, vinyles ou alkyles : dérivés magnésiens pour les réactions de Kumada, dérivés boroniques pour les réactions de Suzuki ou encore des dérivés stanniques pour les couplages de Stille. En réalité c’est le récent développement des catalyseurs qui a permis la découverte et l’utilisation de toutes ces réactions ; catalyseurs qui sont le plus souvent des composés au palladium ou au nickel. Ces métaux de transition forment des complexes avec des molécules organiques ce qui permet de les stabiliser à un degré d’oxydation particulier. Ces catalyseurs restent malgré tout très sensibles à certaines conditions. Il sera par exemple nécessaire de toujours dégazer le plus possible les milieux réactionnels avant d’ajouter le catalyseur : l’oxygène les dégrade facilement et rapidement. La stabilisation particulière apportée par les ligands organiques permet l’établissement d’un cycle catalytique, durant lequel le degré d’oxydation du métal variera. L’importance du ligand pour la réaction est capitale, mais son rôle n’est pas encore toujours entièrement compris. Les ligands affectent chaque étape mais pas nécessairement de la même manière ; c’est pourquoi leurs effets sont compliqués à comprendre et à prévoir. Néanmoins des progrès sont faits dans ce domaine et on peut étudier les effets des ligands sur chaque étape prise individuellement. Les couplages au palladium suivent un cycle catalytique selon les mêmes grandes étapes (schéma 2) : - Activation du catalyseur : le catalyseur ne peut pas être stocké sous sa forme active car celle-ci serait beaucoup trop instable. Au moindre contact avec l’air ambiant, le catalyseur se dégraderait. Il est donc nécessaire de conserver le catalyseur sous une forme moins réactive et certains auront besoin d’être activés en solution. D’autres s’activeront d’eux-mêmes dans le milieu par la perte d’un ou plusieurs ligands : le milieu aura une grande influence, ainsi que le conditionnement initial du catalyseur. - Addition oxydative : l’addition oxydative voit un des réactifs, un halogénure en général, se fixer sur le palladium. Une liaison covalente est brisée et le palladium « s’insère » entre l’halogène et le reste de la molécule. La force du lien covalent est importante pour cette étape et c’est souvent elle qui limitera la vitesse du cycle. Les ligands jouent un rôle peu compris mais qui peut être décisif : il suffit parfois d’opter pour d’autres ligands pour faire fonctionner un couplage qui ne donnait lieu à aucune réaction. Des ligands qui donnent facilement des électrons au centre métallique permettraient d’accélérer cette étape, cela explique l’essor particulier des catalyseurs palladiés avec des phosphines comme ligands. Ces composés sont riches en électrons et on peut les fonctionnaliser 24
  • 25. différemment pour faire varier l’encombrement stérique autour du noyau. Ils ont comme désavantages d’être très toxiques, non-récupérables et parfois gênants lors de l’isolation du produit désiré. Schéma 2 : Cycle catalytique général pour les réactions de couplage au palladium - Suit ensuite une étape de transmétalation qui voit se fixer sur le palladium le groupement que l’on désire greffer au cycle aromatique. Le groupement arrive sur le complexe avec un comportement nucléophile. La tans-cis isomérisation rapproche ce nucléophile du noyau aromatique et la liaison sera établie lors de l’élimination réductrice qui régénère le catalyseur sous la forme du Palladium (0) et de ces deux ligands. 3.2. Les substrats 31. Pour fonctionner, les réactions de couplage ont besoin que les sites de réaction soient activés au préalable. Les halogénations sont des méthodes efficaces pour y parvenir et la plupart des réactions de couplage ont été développées sur des substrats halogénés. Le choix de l’halogène est important : la force du lien C-X va jouer un rôle crucial : les liens C-X fort permettent de fixer efficacement l’halogène et sont généralement plus faciles à établir, mais ils sont aussi plus difficiles à briser lors du couplage. Un lien C-X plus faible est idéal pour le couplage mais beaucoup plus difficile à établir lors de l’halogénation. 25
  • 26. Les halogènes utilisés traditionnellement sont l’iode, le brome ou le chlore, et l’intensité du lien C-X va comme suit : C-I < C-Br < C-Cl (respectivement 65, 81 et 96 kcal/mol). Les composés chlorés offrent une plus grande diversité de substrats mais ceux-ci sont beaucoup moins réactifs lors de l’addition oxydative, justement à cause de l’énergie élevée du lien C-Cl. Récemment des recherches sur les catalyseurs ont permis de réaliser certains couplages sur des composés chlorés, en utilisant des groupements électro-attracteurs sur le substrat et des phosphines plus basiques comme ligands pour le catalyseur. Ces réactions de couplage restent, comparativement aux réactions sur les composés iodés ou bromés, des réactions difficiles. Les iodures sont plus efficaces en couplage, mais l’iodation est difficile à réaliser avec de hauts rendements ce qui fait que le nombre de substrats disponibles peut être réduit. Les composés bromés offrent un bon compromis entre diversité de substrats et efficacité des réactions de couplages. 3.3. Les couplages utilisés Dans le cadre de ce mémoire, nous avons utilisé les couplages de Sonogashira-Hagihara, de Suzuki- Miyaura, de Stille et de Buchwald-Hartwig. Schéma 3: Reprise des différents couplages utilisés dans ce travail. a) Le couplage de Stille; b) Le couplage de Suzuki- Miyaura; c) Le couplage de Sonogashira-Hagihara et d) Le couplage de Buchwald-Hartwig Ce dernier chapitre clôt l’introduction pour ce travail. L’objectif de la recherche a été fixé et le design des molécules a été réalisé de manière à générer des arrangements cristallins potentiellement transporteurs de charges et fluorescents. Les groupements à fixer ont été choisis et la rétrosynthèse générale à été présentée ainsi que les réactions de couplage qui seront utilisées. Le déroulement de la synthèse des quatre dérivés choisis et les résultats obtenus seront présentés dans le chapitre suivant. 26
  • 27. Deuxième partie : Résultats et discussions 27
  • 28. Le but du mémoire étant fixé, cette partie du travail sera consacrée aux manipulations qui ont été effectuées en laboratoire pour obtenir les quatre composés voulus, ainsi qu’aux résultats obtenus et aux caractérisations des molécules cibles. Ceci sera l’objet du premier chapitre. Brièvement nous aborderons dans le second chapitre les modifications des spectres d’absorption et d’émission en solution que les groupements ont générées par rapport au pyrène. 1. Synthèse Nous cherchons à obtenir des composés du pyrène disubstitué aux positions 4 et 9. La synthèse a été imaginée à partir du 1, 2, 3, 6, 7,8 hexahydropyrène (Ia) en suivant la rétrosynthèse développée en 1.3.5 dans l’introduction (schéma 1). Une double bromation permet de placer des atomes de brome en position 4 et 9, pour amorcer la fonctionnalisation de ces carbones. A partir du 4,9-dibromo-1, 2, 3, 6, 7,8-hexahydropyrène (Ia) deux voies d’accès sont envisageables : soit l’aromatisation pour former le 4,9-dibromopyrène (Ic) suivie des réactions de couplage ; soit réaliser les réactions de couplage d’abord et aromatiser ensuite les hydropyrènes disubstitués IIa-d. Br Aromatisation Br Bromation Br Br Ia Ib Ic Couplage Couplage IIa et IIIa : R = Si R R IIb et IIIb : R = Aromatisation C12 H25 R R C12 H25 IIa IIIa IIb IIIb IIc et IIIc : R = IIc IIIc IId IIId IId et IIId : R = N Schéma 4 : Schéma de synthèse général et nomination des composés de synthèse. 28
  • 29. 1.1. La bromation en position 4,9 1.1.1.Le système de départ : 1, 2, 3, 6, 7,8 hexahydropyrène (Ia). Pour synthétiser des pyrènes substitués aux positions 4 et 9, nous avons utilisé du 1,2,3,6,7,8- hexahydropyrène (Ia) disponible commercialement comme réactif de départ. La réactivité de Ia s’apparente à celle d’un noyau naphtalène tétra substitué en ses quatre positions α. 2 2 1 3 1 3 10 4 10 4 9 5 9 5 8 6 8 6 7 7 py rène 1,2,3,6,7,8 hexahydropyrène (Ia) Figure 21 : Respectivement le pyrène (à gauche) et le 1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (à droite) avec la numérotation conventionnelle des carbones Ia peut se présenter sous la forme « chaise » ou « bateau » de Figure 22 : Représentations des manière un peu comparable au cyclohexane (figure 22). conformations chaise (en haut) et bateau (en Néanmoins, nous n’imaginons pas qu’une conformation soit bas) du 1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (Ia) plus réactive qu’une autre vis-à-vis d’un électrophile. La RMN du proton montre d’ailleurs que les deux conformères sont en interconversion rapide en solution à température ambiante. Si cela n’avait pas été le cas, les signaux des protons situés aux carbones 1, 3, 6 et 8 (triplet à δ=3.05 ppm) auraient été découplés. On peut voir ce découplage en RMN du proton sur le cyclohexane lorsque la température est assez basse : à ce moment l’interconversion devient plus lente et les protons vicinaux et équatoriaux ne sont plus équivalents. 29
  • 30. 2 1 3 10 4 9 5 8 6 7 Ia 1 Figure 23 : Spectre RMN H (300Mhz, CD2Cl2)de Ia 1.1.2.Bromation Br2/FeCl3 La bromation est connue pour être une méthode de choix pour débuter la fonctionnalisation d’un cycle aromatique. Br Br Br Br Br Br2 Br Br Br Ia Ib Schéma 5 : Représentation des sous-produits possibles pour une double bromation de Ia Dans la littérature, une double bromation a été répertoriée sur Ia pour former avec 48% de rendement le 34,35 composé Ib en utilisant comme agent de bromation la N-bromosuccinimide (NBS) . Cette réaction a été tentée en laboratoire mais n’a pu être reproduite. L’autre méthode de bromation utilise le brome pur et un 61 acide de Lewis . Des chercheurs ont ainsi pu réaliser des monobromations de Ia, ainsi que des bromations sur d’autres composés pyrèniques : le 4,5,9,10-tétrahydropyrène et le 2,7-di-tert-butylpyrène Elles sont décrites 36 37 avec les même réactifs (FeCl3 et Br2) dans l’eau et dans le dichlorométhane . Les deux conditions sont extrêmement différentes puisque Ia et ses dérivés sont insolubles dans l’eau, on aura donc une réaction hétérogène, alors qu’ils se dissolvent souvent très bien dans la plupart des phases organiques. 30
  • 31. Nous avons essayé en parallèle les deux conditions et constaté qu’elles n’ont pas une réelle influence sur le rendement de la réaction (35% pour des réactions à l’échelle de 100 mg de Ia). Nous avons décidé de garder la réaction en phase aqueuse car le traitement du brut réactionnel est plus facile : il suffit de filtrer le milieu et de rincer le solide abondamment à l’eau pour récupérer les produits organiques formés. Ces réactions utilisent un acide de Lewis comme catalyseur, nous avons utilisé du chlorure de fer (III) comme mentionné dans la littérature. Br Br Fe Cl3 HBr Fe Cl3 H Fe Br Fe Cl3 Br Cl3 Br Br Br H Schéma 6 : Mécanisme de la bromation de Ia assistée par un acide de Lewis (FeCl3) La quantité de brome est un paramètre important : utiliser 2.5 équivalents semble être le meilleur rapport pour **** obtenir le plus de Ib pur possible. En CCM , le brut réactionnel obtenu avec 2.5 équivalent ne montre que deux taches, très proches l’une de l’autre (RF = 0.91 et 0.85 en élution avec de l’hexane). L’élution au toluène ne permet pas de les distinguer. Ces deux produits ne sont pas séparables par chromatographie, cependant ils ont une solubilité différente dans l’hexane et plusieurs précipitations dans l’hexane froid permettent d’obtenir sous forme solide le produit qui sera identifié comme Ib pur. Le composé le plus soluble n’a pas pu être identifié formellement car non isolé d’autres sous-produits de réactions, mais les spectres RMN du proton suggèrent le produit monobromé. Des quantités supérieures de brome ont mené à de nouveaux signaux d’impureté dans les spectres RMN, mais aucune nouvelle tache en CCM. L’analyse par spectrométrie de masse a permis de relever des masses compatibles avec le produit monobromé (m/z=287), dibromé (m/z=366) et tribromé (m/z=444). La réaction a été portée avec succès sur un gramme et le rendement a pu être optimisé à 75% de Ib, mais il convient de signaler que cette purification est rendue difficile par le fait que le nombre de filtrations à l’hexane n’a pu être fixé pour l’obtention de tout le composé Ib pur. Il n’est pas totalement insoluble dans l’hexane, ce qui signifie qu’une partie du produit demeure dans les filtrats sauf en cas d’utilisation d’un minimum d’hexane mais on risque alors de ne plus dissoudre entièrement les autres produits secondaires. Si nécessaire, il est possible de purifier davantage le produit en réalisant une recristallisation à froid dans l’acétate d’éthyle. Ce procédé diminue grandement la quantité de produit obtenu, aussi il a seulement été utilisé pour obtenir le composé sous une forme cristalline très pure afin de caractériser la structure de la molécule par diffraction aux rayons X. 1.1.3.Structure du composé dibromé formé. A première vue on pourrait penser que la dibromation donne lieu à deux isomères : le 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8- hexahydropyrène et le 4,10-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (figure 24). Si les deux composés sont présents après la réaction, leurs comportements en chromatographie sur couche mince sont exactement identiques car on ne distingue qu’un seul spot, quel que soit l’éluant. Une simple prédiction des signaux en RMN du proton permet de se rendre compte que les spectres des deux isomères seront très semblables : Comme illustré sur la figure 24, la différence spectrale entre les deux isomères provient de la multiplicité des protons des positions 2 et 7 : un triplet de triplet ou deux quintuplets. Sachant que pour le triplet de triplet, la **** Chromatographie sur Couche Mince. 31
  • 32. différence entre le couplage avec le triplet 1 et le triplet 2 sera minime, cela risque de former un quintuplet; quant aux deux quintuplets, la différence de déplacement chimique entre les deux signaux peut ne pas être significative non plus. Les deux signaux vont donc probablement se chevaucher. Quintuplet 2 Triplet de triplet Triplet 2 Triplet 2 Triplet 2 Triplet 1 Br Br Singulet 1 Br Singulet 1 Singulet 1 Br Singulet 1 Triplet 1 Triplet 1 Triplet 2 Triplet 1 Quintuplet 1 Triplet de triplet 4,10-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (Id) ( Ib ) Figure 24 : Les deux isomères pouvant être formés en dibromation de Ia : le 4,10-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (Id, à gauche) et le 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (Ib, à droite); ainsi que la prévision de multiplicité des signaux 1 RMN H. 1 L’analyse RMN H du produit pur obtenu après recristallisation (figure 25) ne permet pas de déterminer clairement lequel des deux isomères nous obtenons, même si l’on peut supposer n’en avoir qu’un des deux. En l’absence de référence, les signaux que l’on obtient ne peuvent être attribués à l’un ou à l’autre isomère. Les spectres que nous obtenons pour notre produit final nous permettent de voir le singulet aromatique à δ=7.40 1 Figure 25 : Spectre RMN H (300Mhz, CD2Cl2) du produit pur récupéré après la bromation 32
  • 33. ppm pour les protons en 5 et 10, les deux triplets aliphatiques à δ=3.08 et δ=2.99 ppm pour les protons en 1, 3, 6,8, et un quintuplet à δ=2.03 ppm. Ce quintuplet ne permet pas de trancher entre les deux structures, mais c’est lui qui nous permet de penser qu’un seul isomère se soit formé : la superposition d’un triplet de triplet et de deux quintuplets aurait produit un massif plus important. Après la RMN du proton, nous avons essayé de différencier les deux structures par la RMN du carbone. Prédiction du nombre de signaux différents maximums pour Ib : Trois signaux de carbones aliphatiques : - carbones 12 et 15 - carbones 13 et 16 - carbones 11 et 14 Cinq signaux de carbones aromatiques : - carbones 2 et 9 - carbones 8 et 1 - carbones 7 et 6 - carbones 3 et 10 Figure 26 : Composé Ib avec - carbones 4 et 5 numérotation complète des carbones pour la prédiction du 13 nombre de signaux en RMN C Prédiction du nombre de signaux différents maximums pour Id : Quatre signaux de carbones aliphatiques : - carbones 11 et 13 - carbones 14 et 16 - carbone 12 - carbone 15 Six signaux de carbones aromatiques : - carbones 1 et 9 - carbones 2 et 8 - carbones 3 et 7 - carbones 6 et 10 Figure 27 : Composé Id avec numérotation complète des - carbone 4 carbones pour la prédiction du - carbone 5 13 nombre de signaux en RMN C 33
  • 34. 13 Figure 28 : Spectre RMN C (75Mhz, CD2Cl2) du produit pur récupéré après la bromation 13 Sur le spectre RMN C seuls trois signaux apparaissent en zone aliphatique contre quatre prévus pour Id. On peut donc avancer avec plus de certitude que le produit formé est bel est bien Ib. On ne peut rien déduire des signaux en zone aromatique, il n’y en a que quatre de visibles. Quelque soit le composé on attendait plus de pics, mais les carbones quaternaires ont souvent des signaux plus faibles qui, ici, peuvent s’être perdus dans le bruit. Une preuve formelle de la structure du composé Ib est fournie par la caractérisation en diffraction aux rayons X du produit de bromation cristallisé. La †††† structure de Ib , vue sous deux angles différents, est donnée à la figure 29. Les deux traits plus sombres correspondent aux atomes de brome, et ils sont disposés en position 4 et 9 sur l’hydropyrène. Il est aussi à noter que le composé Ib adopte, à l’état cristallin, la conformation chaise. Figure 29 : Structure moléculaire obtenue par analyse par diffraction aux rayons X. †††† La structure cristallographique de Ib a été résolue par le professeur Christophe Vanden Velde de la Haute- Ecole Karel de Grote. Nous lui sommes très reconnaissants pour son aide. 34
  • 35. En parallèle de la caractérisation spectrale, nous nous sommes penchés plus en détail sur le mécanisme de la réaction, pour voir si nous pouvions trouver un indice quant aux produits formés. La première bromation peut avoir lieu à n’importe quel endroit sur l’hexahydropyrène : chaque position aromatique est identique. En revanche, lors de deuxième bromation, les positions 5, 9 et 10 du 4-bromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène ne sont plus équivalentes. Sur le benzène, la présence d’un brome oriente les bromations suivantes en ortho et para par effet mésomère donneur. D’autre part, par effet inductif capteur, le brome désactive la réactivité du cycle vis-à-vis de la substitution électrophile. Cet effet inductif est un effet local qui agit davantage sur les positions ortho que sur la position para. La double bromation fournit donc un mélange de o-dibromobenzène et de p-dibromobenzène 39 avec une majorité de produit en para . Br Br Br Br Br Schéma 7 : Double bromation sur le benzène et formation des deux isomère ortho (17%) et para (83%) On peut supposer que les mêmes effets électroniques soient à l’œuvre dans le cas de l’hexahydropyrène et qu’ils permettent d’obtenir comme produit de la dibromation le dérivé 4,9 uniquement : - la position 5 est désactivée par rapport aux deux autres par l’effet inductif capteur du brome qui appauvrit la densité électronique du carbone et le rend moins réactif vis-à-vis des électrophiles. - La position 9 est activée par rapport à la position 10 par l’effet mésomère donneur du brome. En délocalisant un de ses doublets, le brome stabilise l’intermédiaire de réaction et donc favorise l’attaque de l’électrophile par la position 9 et pas par la position 10. - La position 10 possède une réactivité très semblable à celle de la position 4 lors de la première bromation, un peu diminuée par l’effet inductif du brome en 4 mais à cette distance, l’effet est probablement minime. Nous pensons qu’un effet cinétique privilégiera la substitution électrophile aromatique sur la position activée dans les cas de concentration faible en brome, ce qui est atteint par l’addition au goutte à goutte d’une solution diluée. Br Br Fe Br Cl3 Position 5 désactivée par effet inductif par rapport à la position 9 Schéma 8 : Mécanisme de promotion de la position 9 pour la bromation sur le 4-bromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène En conclusion, le composé Ib a pu être obtenu avec un rendement de 75% sans avoir recours à la 1 chromatographie. Sa structure moléculaire est démontrée au-delà de tout doute par les techniques de RMN H, 13 RMN C et par diffraction RX. Nous pouvons maintenant synthétiser la série de molécules désirées à l’aide de plusieurs réactions de couplage et de la réaction d’oxydation qui seront l’objet des paragraphes suivants. 35
  • 36. 1.2. Oxydation ou couplage ? Une fois le composé 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (Ib) obtenu, deux routes de synthèse sont envisageables : la première réaliserait le couplage directement sur le pyrène hydrogéné tandis que la seconde transformerait l’hydropyrène en pyrène et nous éviterait de réaliser la réaction d’oxydation sur les produits de couplages, ce qui pourrait les altérer. 1.2.1. 4,9-bis((triméthylsilyl)éthynyl)-1, 2, 3, 6, 7,8-hexahydropyrène (IIa)40,43 Nous avons d’abord essayé de réaliser un couplage sur le 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène. Ce premier couplage est le couplage de Sonogashira utilisé pour greffer des groupements alcynes aux positions occupées par les bromes. Il est aussi fort utilisé dans la synthèse de polymères conjugués. Dans notre cas, le rôle de l’alcyne est tenu par l’éthynyltriméthylsilane (IVa). Br Pd(PPh3 )2 Cl2 Si CuI Br Si Et3N/THF (50/50) 80°C IVa Si Ib IIa Schéma 9 : réaction de couplage entre le 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène (Ib) et l'éthynyltriméthylsilane (IVa) Les conditions du couplage entre un halogénure d’aryle et un alcyne permettant ce type de réaction à température ambiante ont été décrites par Sonogashira en 1975 : un catalyseur palladié, typiquement le Pd(PPh3)2Cl2, utilisé avec de l’iodure de cuivre (I) et une amine basique. La réaction a été réalisée sur 100 mg de 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène avec 2.5 équivalents d’éthynyltriméthylsilane dans un milieu formé de 10 mL de triéthylamine et de 10 mL de THF. Par rapport au 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène, 5% de catalyseur palladié et 10% d’iodure de cuivre ont été utilisés. La proportion d’iodure de cuivre est justifiée ici par la difficulté de prélever une plus faible quantité (moins de 5 mg). L’évolution de la réaction n’a pu être suivie efficacement par CCM car une seule tache d’élution apparait en front de solvant pour le brut réactionnel ainsi que pour le mélange (brut/Ib). Dans le doute nous avons laissé réagir pendant 12h. Les prédictions RMN 1H du produit final prévoient un important pic singulet aux alentours de 0 ppm pour les méthyles rattachés aux siliciums, avec un ratio de 1 sur 9 par rapport aux protons aromatiques, facilement identifiables. En évaporant le solvant du milieu, nous évacuons aussi le réactif IVa qui possède un point d’ébullition relativement bas (54°C). L’analyse RMN nous permet de voir les pics aliphatiques et aromatiques qui caractérisaient Ib mais aucun signal significatif n’apparait près de 0 ppm, ce qui signifie que les éthynylsilanes ne se sont pas couplés avec Ib. La voie de synthèse commençant par le couplage est donc mise de côté, aussi suite au succès de la réaction d’oxydation et de la purification de son produit (voir paragraphe suivant). 36
  • 37. 1.2.2.L’oxydation du 4,9-dibromo-1, 2, 3, 6, 7,8 hexahydropyrène (Ib)41,42 Pour réaliser une déshydrogénation, de nombreuses méthodes sont à disposition. La plus répandue est bien entendu la déshydrogénation par palladium sur charbon, qui doit être réalisée à très hautes températures. Comme méthode alternative, les quinones sont parfois utilisées pour l’aromatisation de composés déshydrogénés. Parmi les quinones, la 2,3,5,6-tétrachloro-p-benzoquinone (p-chloranil) et la 2,3-dichloro-5,6-dicyano-p-benzoquinone (DDQ) sont les plus utilisées. Les benzoquinones sont extrêmement sensibles à l’eau en présence de laquelle elles se dégradent rapidement et forment les hydroquinones ; leur utilisation nécessite des conditions totalement anhydres. p-Chloranyl Br Br ou DDQ Br Toluène anhydre Br ref lux sous Argon 12h Ib Ic Schéma 10 : Réaction d'aromatisation de 4,9-dibromo-1,2,3,6,7,8- hexahydropyrène (Ib) par le p-chloranil ou par le DDQ pour obtenir le 4,9- dibromopyrène (Ic) La réaction s’effectue via un transfert d’hydrure et fonctionnera d’autant mieux que le carbocation formé sera stabilisé. Voici le mécanisme proposé pour l’aromatisation de Ic par le DDQ (il est le même pour la réaction au p-chloranil) : O OH O H CN Cl CN Cl CN + H+ Cl Cl CN Cl CN H Cl CN OH H H OH H O DDQ Br H H Br H H H Br - H+ Br Ib Br Br Schéma 11 : Mécanisme de la déshydrogénation par le DDQ. Le transfert d’hydrure, thermodynamiquement très défavorable, est suivi d’un transfert de proton qui achève de former la double liaison sur l’hydropyrène et d’un équilibre céto-énolique du phénol. Le carbocation formé durant la réaction est efficacement stabilisé par conjugaison avec les deux cycles aromatiques de la molécule. 37
  • 38. H H H H H H H H H H H H Br Br Br Br Br Br Br Br H H H H H H Br Br Br Br Schéma 12 : Stabilisation du carbocation formé par conjugaison avec les cycles aromatiques. Il reste ensuite quatre protons à enlever pour former les deux dernières nouvelles doubles liaisons et récupérer l’aromaticité du pyrène. Les réactions suivantes sont à nouveau tirées par l’aromaticité de l’hydroquinone mais aussi par celle du pyrène. La réaction génère une double liaison par molécule de réactif (DDQ ou chloranil) et comme trois doubles liaisons doivent être mises en place, il faudra utiliser au minimum trois équivalents. 1.2.2.1. Oxydation par le p-chloranil L’aromatisation de Ib par le p-chloranil a été inspirée d’une réaction d’oxydation décrite dans la littérature sur un composé proche : le 4-bromo-1,2,3,6,7,8-hexahydropyrène41. Le réactif étant disponible au laboratoire, c’est le premier que nous avons utilisé. O La réaction avec le p-chloranil a été effectuée sur 100 mg de Ib dans 30 mL de Cl Cl toluène anhydre avec 3.5 équivalents de p-chloranil en suivant les indictions rapportées dans le schéma 10. Cl Cl O Par CCM on contrôle l’avancement de la réaction jusqu’à consommation totale Figure 30 : 2, 3, d’hexahydropyrène. On effectue une colonne de chromatographie sur alumine avec 5,6- le toluène comme éluant et le solide récupéré est analysé par RMN 1H. Le spectre tétrachlorobenzo- montre des signaux dans la zone aromatique, mais encore de nombreux signaux quinone aliphatiques. Nous concluons à une aromatisation seulement partielle du produit de départ. 1.2.2.2. Oxydation par le DDQ : Le DDQ, ou 2,3-dichloro-5,6-dicyanobenzoquinone, est un oxydant plus fort que le p-chloranil et est aussi largement utilisé. Comme le p-chloranil n’avait que partiellement réalisé l’oxydation, il semblait O normal d’essayer avec un oxydant plus puissant. Cl CN Figure 31 : 2,3-dichloro- 5 ,6- Cl CN dicyanobenzoquinone O 38