2. La tentation de l’import direct
...
moyenne, secondés d'assistantes
locales, tentent de convaincre au
quotidien les jaloux restés en France
qu'à défaut d’être obligatoire, il est
financièrement plus intéressant de
passer par eux.
Envie
Certains ont en leur temps pensé
qu'il suffisait de racheter des chalutiers à des pêcheurs étranglés par
les crédits et en dépendance économique pour prendre une bordée
d'avance ou d'acheter des usines de
fleurs pour résoudre le problème de
la composition de bouquets frais à
la demande. L'intégration verticale
totale a toujours fait envie au distributeur, surtout sur un marché ou le
juteux développement de la MDD
est compliqué voire impossible
hors produits conditionnés non 1e
gamme. Elle est considérée alors
comme l’arme absolue pour supprimer les intermédiaires censés
s’enrichir aux différents niveaux de
la filière. Cette intégration verticale
commence par l’import direct mais
n’a finalement que peu d’intérêt si
elle s'arrête là.
Paresse
L'import direct induit par essence
une prise de risque à laquelle la GD
n'est habituée que pour quelques
rares rayons (textile, jouets,...) et
qu'elle a coutume de reporter en
grande partie sur ses fournisseurs
à grand renfort de pénalités en tous
genres (défaut de service, retard, non
conformité totale ou partielle, couverture du risque de change...).
En FL, il est beaucoup plus simple
d'attendre tranquillement que le produit soit à Rotterdam ou à Rungis
pour demander régulièrement des
cotations et mettre en compétition
les différents importateurs d'une
espèce pour lesquels le temps est
un mauvais allié. En complément,
l'acheteur peut décider de faire appel
aux fossoyeurs hollandais et de vivre
des à-coups du marché en croyant
faire des économies. Mais fait-il vraiment son métier ? Assurément, le
métier n'est pas de livrer aux magasins et aux clients ce qu'il trouve
mais de planifier à l'avance pour
livrer aux magasins et aux clients ce
qu'ils veulent.
Se lancer dans l'import direct est
donc assez légitime pour la GD mais
doit être fait en prenant des précautions. Voila 10 conseils pour bien
l’appréhender :
1 Faire de la Direction Générale
l'initiateur et 1er porteur du projet.
2 Faire les choses avec de vrais
moyens ou ne rien faire du tout.
3 Au moment de rassembler une
équipe, embaucher plutôt en externe
de vrais spécialistes plutôt que de
tenter de recycler en interne des
novices.
4 Plutôt que de faire se déplacer
des « voltigeurs », implanter un vrai
bureau sur place, capable d'agréer au
départ, de s'assurer du chargement à
l'heure et en respectant la chaine du
froid, de mettre un peu d'huile en
cas de grève...
5 Si l'enseigne n'est pas intégrée,
l'éclatement des lots à l'arrivage doit
être acté avant, sans possibilité de
refus interne car il s'agit de toute
façon de marchandise qui appartient
à l'enseigne.
6 Ne pas accepter, ou pire, imposer d'exclusivité débouchés client
au Bureau Import, pour réduire
le risque du client unique. Nous
sommes dans l'univers des produits
frais et, si les magasins de l'enseigne
ont moins de besoins que les quantités importées, il faut pouvoir les
vendre à d'autres clients, et éviter
à tout prix les flux poussés générateurs de casse magasin pouvant tuer
la démarche dans l'œuf.
7 Démarrer avec des espèces
« solides », volumétriques, d'origines sures et pouvant être commercialisées en l'état (sans murissage
ou reconditionnement) : agrumes,
pommes, poires... plutôt que banane
ou avocat !
8 Démarrer avec une partie seulement des volumes de l'enseigne.
Ils seront pré-vendus et l'enseigne
pourra comparer avec ses achats
traditionnels.
9 Attention aux structures trop
lourdes qui, finalement, couteraient plus cher qu'un importateur,
qui l'amortit lui sur de nombreux
clients.
10 Mesurer régulièrement les gains
réels, financiers mais aussi commerciaux : démarrage des campagnes,
Première et dernière fois
« J’en veux pas de tes cerises,
mon grossiste me les fait
moins cher ! »
J
e me souviens du début de ma carrière et d'un jeune
collègue acheteur qui, plein d'enthousiasme un peu candide,
avait importé en direct de la cerise du Chili pour les fêtes
de fin d'année. Logistique avion capricieuse, produit cher au
kilo et extrêmement fragile, risque élevé de litige qualité au
déchargement ou de tenue entrepôt si l'éclatement plateformes
puis magasins n'est pas immédiat... En d'autres termes, il avait
décidé crânement de démarrer son concours de saut à la perche
avec une première barre à 5,80 m ! C'était un bon acheteur
et pas simplement une machine à répéter « trop cher ! ».
Volumes prévus finement sur la base des sorties caisses n-1,
avance d'une partie du règlement, camions attendant à l'arrivée
de l'avion, produit de qualité impeccable... tout s'est passe à
merveille jusqu'a la livraison en plateformes. Après, une bonne
partie du lot a tout simplement pourri sur place, nouvelle
victime de la sacro-sainte liberté des magasins d'acheter à la
Centrale ou ailleurs. Il avait beau s'épuiser à expliquer que
« Chili par avion », que « variété noble et gustative Bing », que
« calibre vendeur 26/28+ », que « produit sous poche et donc
frais et croquant »... il se voyait rétorquer le bon vieux « une
cherise, ch'est une cherise min garchon ! Et min grossiste l'est
moins cher ! ».
Il n'a jamais plus essayé l'import direct. Importer directement
dans une enseigne non intégrée est souvent suicidaire car le
débouché produit n'est pas garanti et tributaire du bon vouloir
de chaque magasin.
sécurisation de l'approvisionnement, linéarité du prix, capacité de
ne pas compter les coûts et de communiquer sur un prix très agressif
déconnecté du marche dont certains
mousquetaires se sont fait une spécialité à la rentrée des classes...
Bonus
Découvrez un autre
encadré sur le thème
de l’import sur
www.vegetable.fr
Rubrique distribution/
regard d’expert
Côté fournisseurs, il est vain de lutter
frontalement contre cette tendance
mais astucieux de se positionner en
complément pour le murissage, l'affinage, le conditionnement, la prise
de risque pour les produits fragiles
et/ou chers....et les volumes complémentaires que ne manqueront pas de
vous commander humblement les
importateurs en herbe au premier
contre temps...
Le mois prochain
La relation
avec le fournisseur
no 305 / novembre 2013 • vegetable.fr • 29
VG305_Assemblage_Interieur.indd 29
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