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L’Europe médiévale en 50 dates
(les Couronnes, la Tiare et le Turban) :
Cinquante événements – clés
qui ont infléchi le cours de l’histoire de l’Europe
au Moyen – âge.
L’histoire de l’Europe médiévale
( 2 de 2 )
L’Europe, c’est dix millions de kilomètres carrés (10 392 855 km2).
Le Moyen-âge, c’est mille ans (1016 ans, de 476 à 1492).
Se mouvoir dans ce gigantesque espace-temps qu’est « l’Europe médiévale » relève de
l’exploration hasardeuse. Quelques repères, situés à la fois dans l’espace et dans le temps, peuvent aider à
en rendre l’excursion moins aventureuse.
L’ouvrage :
L’Europe médiévale en 50 dates
Les Couronnes, la Tiare et le Turban
propose, en cinquante chapitres, une promenade historique qui débute en Italie en 476 et se
termine en Espagne en 1492, après avoir sillonné en tous sens le continent européen, de
l’Atlantique à l’Oural et de la Mer Blanche à la Mer Noire.
Deux étapes y sont distinguées : Le Haut Moyen-âge, de l’an 476 à l’an mil, et Le Bas Moyen-
âge, de l’an mil à l’an 1492.
Le fichier ci-après résume, en 22 écrans, la seconde partie (Bas Moyen-âge) de ce livre de 500 pages,
publié en septembre 2012, chaque écran donnant un court résumé du chapitre correspondant de l’ouvrage.
Le nombre placé à gauche des titres fait référence au numéro de chapitre de l’ouvrage.
Le nombre placé à droite des titres précise le nombre de pages que l’ouvrage consacre à l’événement.
Du même auteur :
L’Europe avant l’an mil (2 tomes, de la Préhistoire à Charlemagne - L’Harmattan),
et
Sentinelles de la Seine en Normandie médiévale (4 chateaux forts et 4 abbayes en vallée de Seine -
Editions Corlet)
sont présentés sur le site de l’auteur :
http://www.jacquesbloeme.fr
Seconde partie
Le bas Moyen-âge,
de l’an mil à l’année 1492
1066
1215
1139
1492
1042
11301309
Que s'est-il passé là en … ?
1066
1215
1139
1492
1042
11301309
Que s'est-il passé là en … ?
1236
1152
1346
1347
1415
1077
1245
1347
1356
1071
1204
1453
1096
1187
1291
(29) 1042, en Italie méridionale (6 p.)
Vers un royaume normand de Sicile
Le comté de Rouen, créé en 911, agrandi en fin de siècle pour devenir le duché de Normandie, ne
possédait pas suffisamment de terres nobles pour subvenir à l’entretien de la génération montante de
jeunes aristocrates en quête de gloire et de moyens de subsistance dignes de leur rang.
Loin de là, en Italie méridionale, les duchés de Spolète et de
Bénévent dépendaient de l’empereur de Germanie, tandis
que la Pouille et la Calabre étaient sous obédience de
l’empereur de Constantinople, et que la Sicile était, pour les
trois quarts, possession musulmane. Et la présence du pape à
Rome compliquait encore davantage une situation explosive
qu’envenimaient des escarmouches plus ou moins graves
entre les différentes autorités.
Des seigneurs normands se mirent au service, qui de
l’empereur germanique, qui du basileus, qui du pape,
pour faire la preuve de leur bravoure au combat et de leurs
talents d’administrateurs.
Tel est le cas de deux des fils de Tancrède de Hauteville. En remerciement de bons et loyaux
services, Guillaume, dit « bras de fer », et son frère Dreux, se voient accorder d’importants droits
féodaux. Guillaume meurt peu après, mais Dreux, d’abord comte de Melfi, puis duc d’Apulie, ne tarde
pas à devenir un puissant seigneur.
Désormais solidement implantée en Italie méridionale, la famille de Hauteville a l’honneur suprême de
devenir le protecteur et le défenseur du Saint Siège. Se prévalant de l’appui de cette haute autorité
spirituelle et temporelle, les seigneurs normands se disent alors les égaux de l’empereur germanique et
de l’empereur de Constantinople, et sont une force incontournable dans la péninsule. Différents
descendants directs de Tancrède de Hauteville franchissent les degrés de la puissance politique :
- Robert « Guiscard » (le rusé) est comte de Calabre ;
- Richard est duc d’Aversa,
- Bohémond est comte de Tarente …
Et en 1130, Roger dit « Bosso » sera le fondateur de la dynastie des rois de Sicile.
Rome
Pouille
Calabre
Sicile
suzeraineté :
Saint Empire
suzeraineté :
Byzance
suzeraineté :
Sarrasins
(30) 1066, en Angleterre (12 p.)
La bataille d’Hastings
En 837, la couronne d’Angleterre avait été dévolue au Saxon Egbert. Mais des navigateurs
scandinaves avaient, ultérieurement, pris pied dans une portion de l’île dénommée le Danelaw
(dan – law : « la loi danoise »). Et la couronne allait alternativement, au gré des circonstances,
d’un saxon à un danois. Au milieu du XIe siècle, c’est un Saxon, Edouard le Confesseur, qui est
investi de la fonction royale. Le roi de Norvège et de Danemark, Harald, souhaite s’en emparer.
Édouard, qui avait connu un long exil en Normandie avant d’accéder au trône d’Angleterre en
1042, avait promis au duc normand d’être son successeur.
En 1066, Édouard décède, après avoir changé
d’avis et désigné comme successeur un baron
anglais, Harold. Celui-ci monte donc sur le
trône d’Angleterre. Guillaume le Bâtard, duc
de Normandie, s’estime lésé, et veut faire
valoir ses droits. En même temps, Harald
Hardrada quitte les côtes de Norvège et fait
voile vers l’Angleterre pour mettre son dessein
à exécution.
Harold, le roi anglais, quitte Londres et fait
mouvement vers le nord pour contrer le
débarquement d’Harald, qui meurt au cours du
combat, à Stanford Bridge. Harold, dans
l’euphorie de sa victoire, vient de renvoyer
son armée lorsqu’on lui apprend que
Guillaume a débarqué sur la côte méridionale
de l’île. Tant bien que mal, il tente de
reconstituer une force et descend pour
s’opposer au Bâtard.
La rencontre a lieu à Hastings, sur la haute colline de Senlac, au sommet de laquelle les Anglais,
qui ont pris position, semblent inexpugnables. En effet, Guillaume est d’abord mis en difficulté.
Mais il tente une ruse de guerre vieille comme le monde : il simule une déroute et ordonne la
retraite. Les soldats anglais tombent dans le piège : ils quittent leur position dominante et
poursuivent les fuyards normands. Ceux-ci se retournent, et attaquent les Anglais désormais en
position de faiblesse. Harold est tué dans le combat, et les Anglais se débandent.
Guillaume « le Bâtard » devient Guillaume « le Conquérant ». Il se fera sacrer roi d’Angleterre à
Westminster dans la nuit de Noël 1066 … et la situation géopolitique sera totalement modifiée : le
duc de Normandie, désormais aussi roi d’Angleterre, est vassal du roi de Francie, mais beaucoup
plus puissant que son suzerain. L’antagonisme entre les deux nations ne fera que croître, pour
déboucher, dans deux siècles et demi, sur une guerre qui durera cent ans …
Trondjeim
Iles Shetland
Iles Orcades
Harald
Hardrada
Harold
Guillaume
Hastings
Stamford Bridge
12
(31) 1071, à Constantinople (5 p.)
L’empire byzantin amorce son déclin
Lorsqu’il mourut, en 1025, l’empereur Basile avait laissé un empire en assez bon état. Il avait,
notamment, résisté à la pression du khalife de Tunis, qui voulait s’emparer de la Syrie, possession
byzantine. Il avait également annexé l’empire bulgare, avec une férocité inouïe, ce qui lui avait
valu le surnom peu flatteur de « Basile le bulgaroctone », l’exterminateur des Bulgares.
Après lui accédèrent au trône des empereurs éphémères et incompétents, menant doucement
l’empire vers un déclin que rendait inéluctable des querelles de palais et des jalousies
successorales.
Entre temps, aux portes de l’empire était apparu, au IXe siècle,
un peuple originaire d’Asie centrale, les Turkmènes (ou
Turcomans). Au cours de leurs pérégrinations, ils étaient entrés
en contact avec les Arabes, et avaient adopté la religion
musulmane sunnite. En 1064, à l’issue de quelques autres
conquêtes territoriales, dont la Syrie, les « Turcs » ont, en
1064, une frontière commune avec l’empire byzantin, lequel,
rappelons-le, s’étend sur la péninsule hellénique et sur
l’Anatolie (l’Asie Mineure).
L’empereur Romain IV « Diogène » s’inquiète de la présence turque aux portes de son empire. Il
traverse l’Asie Mineure avec 60 000 hommes et se dirige vers la frontière gréco-turque pour
marquer sa volonté de d’opposer, par le force, à d’éventuelles attaques turques.
Alp Arslan, le sultan turc, prend conscience de la manœuvre
byzantine et pénètre, lui aussi, en Anatolie, à la tête d’une
armée considérable. La rencontre a lieu à Manzikert, en 1071.
Romain est battu et doit signer un accord de paix, relativement
modéré toutefois, avec le vainqueur.
Rentrant à Constantinople, Romain apprend qu’il est destitué : il se rebelle contre l’usurpateur, et
jeté dans un cul de basse fosse où il meurt rapidement. Le nouvel empereur, Michel VII, refuse de
respecter les termes de l’accord. Les Turcs pénètrent en Anatolie et l’annexent. Elle devient la
Turquie. L’empire grec est alors réduit à la portion congrue : il n’occupe plus que la péninsule
hellénique et ses alentours immédiats (les territoires des actuelles Grèce et Bulgarie).
Le déclin de Byzance se poursuivra d’autant plus inéluctablement que, dans moins d’un siècle,
Byzance sera occupée et saccagée … par les Croisés de la quatrième croisade, partis vers la
Palestine pour délivrer le tombeau du Christ, et qui se détourneront de leur objectif initial !
Indus
Oxus
(Amou Daria)
Tigre
Euphrate
Mer Noire
Perse
Bagdad
Péninsule arabique
Asie
Centrale
Transoxiane
Oghouz
Irak
Syrie
Mer Noire
Mer
Caspienne
Mer
d'Aral
Mer
Méditerranée
Mer
Rouge
Golfe
Persique
Lac de Van
Khelat
Constantinople
Romain
Tarchaniotès
Manzikert
(32) 1077, en Germanie (10 p.)
La querelle des Investitures : Canossa
Depuis le réveil de la fonction impériale, en 924 (écran 25), la couronne est allée à la Maison de
Saxe, puis à la Maison de Franconie. Les empereurs saxons Otton (I, II et III) avaient une
conception particulière de la gestion des hauts personnages de l’état, mélangeant le
temporel et le spirituel. Investis de la mission de « représenter Dieu dans l’empire », ils
nommaient non seulement les ducs et les comtes, mais aussi les évêques ! Pendant un
temps, les différents papes agréèrent, de plus ou moins bonne grâce, cet état de choses.
La situation se gâte quand un pontife moins malléable accède au Saint Siège. Grégoire VII, pape
de grande envergure, élu en 1073, lutte sans merci contre la simonie et la corruption, et il est le
promoteur de la grande « Réforme grégorienne ». Ce pontife sexagénaire revendique pour lui-
même la nomination des évêques. Il se heurte alors violemment au nouveau « roi des
Romains »(*), le jeune franconien Henri IV (il a 27 ans), qui applique la théorie de ses
prédécesseurs saxons, suivant laquelle un évêque est un serviteur de l’État, dont la nomination
ressort du domaine politique.
En 1076, Henri désigne un homme à lui pour prendre la tête de l’évêché de Milan (l’Italie du nord
étant alors « Terre d’Empire »). Le pape, qui vient d’interdire officiellement cette pratique, casse
la décision impériale. Henri refuse de plier. Le pape excommunie et dépose l’empereur, libérant
ainsi tous les vassaux du serment d’allégeance qu’ils avaient prêté.
La Querelle des Investitures prend une ampleur démesurée. Henri IV étant excommunié et
déchu, les Grands doivent procéder à une nouvelle élection … à moins que l’empereur n’obtienne
son pardon. Henri se rend à Canossa, pieds nus dans la neige, en janvier 1077. Après cette
humiliante démarche auprès de pape, Henri réunit, en 1080, un concile de prélats allemands qui
destituent Grégoire et élisent un « antipape », Clément, lequel élève officiellement Henri à la
dignité impériale …
Canossa et la querelle des investitures est l’un des moments clés de la vie politique en Germanie,
l’empereur et le pape se prétendant chacun supérieur à l’autre. La lutte se poursuivra : Henri V,
fils d’Henri IV, sera excommunié par le pape Gélase II, l’un des successeurs de Clément VII, pour
une raison identique.
La Querelle des Investitures prendra fin en 1122, avec le Concordat de Worms. Aux termes de ce
concordat, l’évêque sera élu par le clergé en présence d’un représentant de l’autorité politique, il
prêtera serment d’allégeance à l’empereur, et sera alors consacré par l’archevêque représentant
l’autorité papale. Ce n’est qu’à l’issue de cette procédure complexe que le nouvel évêque sera en
mesure d’exercer son ministère.
(*) « Roi des Romains » est le titre qui désigne le futur empereur, choisi pour occuper ce poste, mais avant qu’il ne soit
officiellement élevé par le pape à la dignité impériale : il est « empereur désigné ». L’utilisation, ici, du mot empereur à propos d’Henri
IV, allant à Canossa avant son élévation officielle à la dignité impériale, est un peu irrégulière, mais elle est pratique.
(33) 1096, au Proche Orient (8 p.)
Vers les « États latins d’Orient »
La terre d’Islam avait connu une période agitée. A Bagdad, capitale de l’Islam, le khalifat
abbasside, d’obédience sunnite avait été balayé et remplacé par un khalifat bouyide — les
descendants (chi’ites) de Buyeh. Le khalifat fatimide de Bizerte, d’obédience chi’ite, avait été
repoussé vers le Caire. Et l’Émirat de Cordoue était devenu, à son tour, un khalifat, d’obédience
sunnite. Alors vinrent les Turcs seldjoukides – descendants de Seldjuk –, récemment convertis à
l’Islam, et qui avaient adopté le sunnisme. En 1055, ils balayèrent le khalifat chi’ite de Bagdad et
y restaurèrent un khalifat abbasside sunnite. Commença alors un long épisode de conflits entre
Turcs seldjoukides sunnites et Fatimides chi’ites. La Palestine, et la ville de Jérusalem changèrent
de mains à plusieurs reprises, et les pèlerinages chrétiens vers le tombeau du Christ devenaient
problématiques.
Alors le pape Urbain II décida de faire reconquérir par la force le tombeau sacré. Une première
expédition, mal préparée et mal conduite, constituée de pauvres gens dépenaillés, se fit anéantir en
1096.
Une seconde expédition, faite par des
chevaliers, cette fois, et qui arborèrent un
signe de ralliement en forme de croix – ils
devinrent des « croisés », et l’expédition
devint la « croisade » – partit quelques
temps plus tard. Godefroy de Bouillon, duc
de Lorraine, Robert, duc de Normandie,
Raymond, comte de Toulouse, et les
Normands de Sicile, sous les ordres de
Bohémond, parvenus au but fixé, délivrent
Jérusalem en 1099 … et refusent de rentrer
en Occident.
Après avoir pillé Jérusalem et massacré la plupart de ses habitants, ils décident d’établir quatre
principautés dont les principaux chefs seront les princes : en 1097, Baudouin de Boulogne
devient comte d’Édesse ; en 1098, Bohémond de Tarente devient prince d’Antioche ; en 1099,
Godefroy de Bouillon devient « avoué » de Jérusalem, et son successeur prendra le titre de roi ;
en 1102, Raymond de Toulouse s’installe à la tête du comté de Tripoli.
Les bases des quatre États latins d’Orient sont jetées. Mais ces mini-royaumes dureront peu : à la
fin du XIIIe siècle, ils seront déjà rayés de la carte.
La disparition de ces états n’effacera pas le souvenir des horribles massacres perpétrés par les
Croisés lors de la prise de Jérusalem, et l’occupation de terres islamiques par des chrétiens, durant
un siècle. Une haine tenace creusera un fossé difficilement franchissable entre les deux
communautés, chrétienne et musulmane.
Bohémond
Godefroy
de Bouillon
Raymond
de Toulouse
Robert Courte Heuze
Jerusalem
Constantinople
Nicée
Edesse
Antioche
Dorylée
Maara
???
Sultanat de Roum
La croisade des Barons (1095 - 1099)
initiée par Urbain II
Distance à vol d'oiseau
de Boulogne et Rouen à Jérusalem :
environ 6500 km
Flandre
Normandie
Toulousain
Sicile
(34) 1130, en Italie méridionale (8 p.)
Le royaume normand de Sicile
L’Italie méridionale était désormais gouvernée par des Normands : l’un des fils de
Tancrède de Hauteville (écran 29), Robert Guiscard était duc d’Apulie. Il avait nommé son frère
cadet, Roger Bosso, comte de Sicile, avec mission de chasser de l’île les musulmans qui
l’occupaient depuis le IXe siècle. Cette mission fut menée à bien en 1096.
Mais ce domaine normand était l’objet des convoitises du pape, de l’empereur de
Germanie et du basileus de Constantinople. Une sourde hostilité régnait entre tous les
protagonistes.
Des difficultés successorales multiples dans la famille
Hauteville (décès prématuré du fils et du petit-fils de Robert
Guiscard) firent de Roger II, fils de Roger Bosso, le souverain
unique de l’Apulie et de la Sicile. La montée en puissance de
ce Normand fut très mal vue à Rome, où un pape et un
antipape coexistaient. Le duc d’Apulie Roger II prit le parti de
l’antipape (Anaclet), qui le nomma « roi de Sicile ». Roger II
d’Apulie changea sa titulature et devient dès lors Roger Ier de
Sicile. Mais il fut excommunié par le vrai pape, Innocent II,
réfugié à la cour de l’empereur.
Anaclet, décédé, est remplacé par un autre antipape, Victor III.
L’empereur de Germanie intervient alors : il descend en Italie
méridionale à la tête d’une puissante armée, démet Victor III et
réinstalle Innocent II sur le trône de Pierre, ce qui déplaît au roi
Roger !
La situation devient si confuse que les quatre parties (le pape, l’antipape, l’empereur et le
basileus) estiment urgent de rétablir l’ordre dans la péninsule. Un modus vivendi est alors élaboré.
Roger en profite pour envahir l’Afrique du nord, puis tente de prendre la place du basileus sur le
trône de Constantinople …
La situation finira par se décanter : le pape et le basileus accepteront, en 1158, de reconnaître les
droits du roi normand. Le royaume normand de Sicile comprendra alors la Sicile, la Calabre, la
Pouille et le duché de Naples. L’empereur Frédéric Barberousse se montrera particulièrement
réticent à cette reconnaissance. Mais en 1186, Henri de Hohenstaufen, fils de Barberousse,
épousera Constance de Hauteville, la fille du roi normand de Sicile.
Au début du XIIe siècle, la famille Hauteville n’ayant plus de représentants mâles, et Constance de
Hauteville étant devenue princesse Hohenstaufen, le « royaume normand de Sicile » entrera
définitivement dans la sphère germanique, sous le nom de « royaume de Naples ». Ce sera le début
de l’agonie du royaume de Naples.
Tancrède de Hauteville
Robert Guiscard
Roger Bosso
Roger Borsa
Guillaume
Roger II
(35) 1139, en Péninsule ibérique (8 p.)
Naissance du Portugal
Au début du XIe siècle (1009), la destitution de l’insignifiant khalife Hisham III entraîna Al
Andalus dans la désintégration du monolithique khalifat de Cordoue en une pléiade de mini-
royaumes indépendants, les Taïfas, gouvernés par des roitelets autoproclamés, les reies. Une
nouvelle dynastie, les Almoravides, venue du Maghreb, ne parvint pas à rétablir l’ordre.
Au nord de la péninsule, les chrétiens primitivement cantonnés entre le Douro et la côte
septentrionale de la péninsule, baignée par l’Atlantique, avaient réussi à s’étendre tout au long de
la chaîne des Pyrénées, jusqu’à déboucher sur la côte méditerranéenne. Cet étirement du royaume
des Asturies vit donc la naissance de quatre nouvelles entités géopolitiques : les royaumes de
Léon, de Castille, de Navarre et d’Aragon, chacun tentant d’imposer son autorité aux les trois
autres !
Cette extension vers l’est avait permis d’établir des contacts avec les grands féodaux francs qui se
trouvaient de l’autre côté des Pyrénées. Ceux-ci, au nombre desquel on distingue le comte de
Toulouse, pouvaient dès lors entreprendre des pèlerinages vers Saint Jacques de Compostelle, ou
participer, à titre individuel, à la Reconquista dont l’idée s’était réveillée dans l’esprit des rois
chrétiens, ou encore nouer des alliances matrimoniales flatteuses. C’est ainsi que Henri de
Bourgogne, fils du duc régnant Henri, avait épousé Thérèse, la fille du roi de Castille Alphonse
VI. Un fils, Alphonse-Henri, juxtaposition des prénoms du grand père paternel et du grand-père
maternel, naquit de cette union. Hispanisant ses prénoms, il devint Afonso Enriquez.
Le roi de Castille était déjà parvenu à étendre son royaume vers le sud,
jusqu’à l’ancienne ville côtière romaine de Portus Callensis, devenue
ultérieurement Portucallis. Il avait alors donné ce comté de Portucal en dot à
sa fille Thérèse. Devenu comte de Portucal au décès de son père, Afonso
Enriquez décide de repousser encore plus au sud les limites de son comté, en
tentant de reprendre d’autres terres à l’envahisseur almoravide. Afonso
Enriquez l’emporte lors de la bataille de l’Urique, en 1139. Ressuscitant une
antique coutume romaine, les troupes d’Enrique, réunies sur le champ de
bataille, acclament leur chef comme « roi de Portugal » : un nouveau
royaume vient de naître, immédiatement reconnu par les Cortès (Assemblées
des Grands) des autres royaumes chrétiens, à l’exception, toutefois, de
l’Aragon. Le Tage marquera la frontière méridionale du nouvel état. Ce
n’est qu’un siècle plus tard, durant le règne d’Alphonse III (1248 – 1279),
que le Portugal terminera son expansion avec le territoire de l’Algarve.
En Andalus, les Almoravides ne réussiront pas à rétablir l’ordre. Ils seront remplacés par les
Almohades, d’obédience chi’ite. Intransigeants et cruels, ils se feront rapidement détester. La
Reconquista trouvera un nouveau souffle, et le royaume de Cordoue ira en rétrécissant, allant
jusqu’à ne plus comporter que le petit royaume de Grenade. Après 1262, celui-ci subsistera encore
durant deux siècles, mais dans des conditions humiliantes : privé de ressources économiques, il ne
survivra qu’en reconnaissant la suzeraineté du roi de Castille. En 1492, ce dernier vestige de la
puissance musulmane en péninsule ibérique aura disparu.
Tage
Lisbonne
Algarve
Portugal
Galice
Porto
(36) 1152, en Francie (8 p.)
Louis VII répudie Aliénor d’Aquitaine
Un demi-siècle après l’établissement de princes chrétiens en terres musulmanes, les « États
Latins d’Orient » donnaient des signes de faiblesse. Le puissant comté d’Édesse, qui servait
en quelque sorte de « marche protectrice » aux trois autres, retomba aux mains des Turcs en
1145. La sécurité du pèlerinage au tombeau du Christ n’était plus assurée. Une seconde
croisade fut organisée. Le lugubre roi de Francie Louis VII décida d’y prendre part et d’y
entraîner son épouse, la sémillante Aliénor d’Aquitaine.
En Terre Sainte, Aliénor se conduit de façon quelque peu provocante. Dès leur retour de
croisade, en 1149, les relations se tendent entre le roi et la reine. En 1152, Louis VII, décide
de répudier son épouse. Celle-ci se remarie deux mois plus tard avec le duc poitevin Henri
Plantagenêt, arrière petit-fils de Guillaume le conquérant, et, en cette qualité, duc de
Normandie.
Entretemps, en Angleterre, des difficultés avaient surgi épisodiquement, au sein de la dynastie
normande, pour la dévolution de la couronne royale d’Angleterre et la couronne ducale de
Normandie. Tantôt, les deux couronnes étaient posées sur une même tête, comme tel était le
cas d’Henri Beauclerc, quatrième fils du Conquérant, tantôt elles coiffaient deux personnages
différents.
Tel est précisément le cas en 1152 : le comte de Blois Etienne Henri, petit-fils du Conquérant,
est roi d’Angleterre, tandis qu’Henri Plantagenêt, arrière-petit-fils du Conquérant, est duc de
Normandie.
Mais un nouveau séisme secoue la cour d’Angleterre : Etienne Henri perd son fils unique
Eustache en 1153, et reconnaît Henri Plantagenêt comme héritier de la couronne royale
anglaise. Mais il meurt, à son tour, en 1154.
Le roi de Francie Louis VII, qui a perdu le duché d’Aquitaine en
se séparant d’Aliénor, est désormais le suzerain d’un vassal
beaucoup plus puissant que lui : Henri Plantagenêt, duc d’Anjou
par hérédité, est aussi duc de Normandie en sa qualité d’héritier
de Guillaume le Conquérant ; il est devenu duc d’Aquitaine en
épousant Aliénor ; et il est maintenant roi d’Angleterre. Les
relations entre suzerain et vassal ne pourront qu’être
conflictuelles. Et elles le seront, en effet : après plusieurs
affrontements d’importance secondaire, une guerre éclatera entre
les deux puissances : elle durera cent ans …
Ecosse
hachures rouges :
possessions anglaises
.
Angleterre
Irlande
Galles
hachures bleues :
fiefs mouvant
de la couronne.
Bleu uni :
domaine royal.
(37) 1187, en Orient (6 p.)
Hattin : vers la fin des États Latins d’Orient
A la fin du XIIe siècle, des quatre États Latins créés un siècle plus tôt ne subsistaient que des
lambeaux. Édesse était retombée rapidement aux mains des Turcs, et les comtés d’Antioche et de
Tripoli n’étaient plus que des « couloirs », étroites bandes de terre côtières qu’empruntaient les
« Franji » (chevaliers francs) pour se rendre à Jérusalem. Quant au puissant royaume de
Jérusalem, il connaissait, en fin du XIIe siècle, des luttes de palais qui le fragilisaient
considérablement.
Dans les terres musulmanes, la situation n’est pourtant pas idyllique. Les sunnites de Bagdad et de
Damas et les chi’ites du Caire se livrent à une concurrence féroce, qui amoindrit les deux
pouvoirs. Un chef de guerre sunnite d’origine kurde, Salah-al-Din (Saladin), entre dans la mêlée,
s’empare du Caire, qui bascule dans la mouvance sunnite. Saladin, devenu sultan d’Égypte, voit
son appétit territorial croître en même temps que sa puissance. Il envisage de reprendre Jérusalem,
mais aussi d’étendre sa domination sur la Syrie et sur l’Irak. Pour ce faire, et pour n’avoir qu’un
seul ennemi à combattre à la fois, il signe, de temps à autres, des trêves avec les Franji.
C’est l’une de celles-ci qui est rompue en 1186 par l’un des barons de Jérusalem, Renaud de
Chatillon, à qui vient l’idée saugrenue de capturer une caravane reliant le Caire à Damas. Saladin
voit dans cette rupture de trêve un casus belli. Il rassemble une armée considérable de 30 000
guerriers, dont 12 000 cavaliers. Les Franji ne peuvent lui opposer qu’une armée de 20 000
hommes, dont 1 200 cavaliers.
Non content de sa suprématie numérique, Saladin tend un piège dans lequel ses ennemis se
précipitent : en ce mois de juillet 1187, où il fait une chaleur écrasante, un simulacre d’attaque
entraîne les Franji, cantonnés autour d’un point d’eau, à quitter leur position pour se retrouver en
pleine zone désertique. Une bataille sanglante se déroule alors à Hattin, près du Lac de Tibériade.
Les 1200 cavaliers chrétiens sont écrasés par les 12 000 cavaliers musulmans, tandis que les
fantassins chrétiens, que la soif épuise, ne peuvent résister aux assauts des guerriers musulmans en
pleine possession de leurs capacités physiques.
La déroute est totale. Le roi de Jérusalem, Guy de Lusignan, est fait prisonnier. En septembre
1187, Saladin entame le siège de Jérusalem, où il entre le 2 octobre.
Un coup fatal vient d’être porté aux possessions occidentales dans cette partie du monde
musulman. Une troisième croisade, à laquelle participeront le roi d’Angleterre, Richard-Cœur-de-
Lion, le roi « de Francie » (bientôt « de France ») Philippe-Auguste et l’empereur de Germanie
Frédéric-Barberousse, permettra de reconquérir temporairement la Ville Sainte. Mais à la fin du
XIIIe siècle, les « États Latins d’Orient » ne seront plus qu’un souvenir.
(38) 1204, à Constantinople (8 p.)
La quatrième croisade saccage Constantinople
Après les règnes brillants des trois premiers empereurs de la dynastie des Comnène, Alexis
(1082 – 1118), Jean II (1118 – 1142) et Manuel (1142 – 1180), de graves luttes intestines
ébranlèrent le trône. L’arrivée au pouvoir de la famille des Ange accrut encore les difficultés :
Alexis II déposa son frère Isaac et prit sa place. Alexis « le Jeune », fils d’Isaac, se rendit à la
cour du roi de Germanie (qui était son beau-frère) pour plaider la cause de son père.
Or, en Europe, une quatrième croisade est en cours d’organisation, Jérusalem étant tombée,
une nouvelle fois, entre les mains sarrasines. Mais il faut des navires pour le transport
maritime des 30 000 candidats à l’expédition. L’Occident, n’en possédant pas, loue, à prix
d’or, les navires marchands de la république de Venise. Lors du rendez-vous de départ, seuls
10 000 croisés se présentent, et l’argent à donner au Doge de Venise s’en trouve donc amputé
des deux tiers. Le marché ne tient plus, et la situation est bloquée.
Alors arrive à Venise Alexis le Jeune qui promet que son père Isaac, s’il est remis sur son
trône, paiera l’expédition.
Au lieu de faire voile vers la Terre Sainte, les
bateaux prennent la direction de Constantinople,
provoquant la fureur du pape ! Après quelques
semaines de siège, Isaac retrouve son trône,
mais il est, peu après, destitué et assassiné, ainsi
que son fils Alexis le Jeune, par un empereur
autoproclamé, Murzufle, qui refuse de payer la
location des navires. Les Croisés décident alors
de se payer directement en employant les grands
moyens. Ils entrent dans la ville non plus en
alliés mais en ennemis, la pillent, violent les
femmes, tuent les vieillards et les enfants, et
mettent le feu aux quartiers qu’ils occupent …
Puis les croisés déposent Murzufle et le remplacent par l’un des leurs, Beaudouin de
Flandre. L’empire grec est désormais gouverné par un Latin, qui inaugure ainsi « l’Empire
Latin d’Orient ».
Immédiatement fractionné en principautés pour satisfaire aux exigences d’autres barons
occidentaux qui veulent leur part du gâteau, l’empire latin d’Orient n’aura qu’une existence
éphémère : il ne durera qu’un demi-siècle, un grec, Constantin Lascaris rétablissant, en 1261,
son autorité sur l’empire grec. Mais les événements de 1204 auront créé l’irréparable entre
l’Orient et l’Occident. Les dégâts politiques seront multiples, et le fossé entre l’Église
catholique et l’Église orthodoxe sera désormais infranchissable.
Constantinople
Venise
Damiette
Trajet projeté
Le Caire
La quatrième croisade
Jerusalem
île de
Corfou
Zara
Trajet réalisé
(39) 1215, en Angleterre (10 p.)
La monarchie se « constitutionnalise »
Le roi de Francie Louis VII, marié pour la troisième fois, eut enfin l’héritier mâle qu’il attendait
depuis longtemps : Philippe, le futur Philippe Auguste. Entre temps, son ex-épouse, Aliénor
d’Aquitaine, avait donné à son nouveau mari, le roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt, huit
enfants, dont Henri et les célèbres Richard (Cœur de Lion) et Jean (sans Terre).
Pour une sordide raison familiale, Richard, second héritier dans l’ordre successoral derrière Henri,
se révolte contre son père. Philippe Auguste, devenu roi de Francie, trop heureux d’aggraver les
difficultés du roi d’Angleterre, se lia d’amitié avec Richard. Le problème, pour le roi de Francie,
était en effet le suivant : comment affaiblir le roi d’Angleterre, quel qu’il fut, pour récupérer ses
possessions continentales, et notamment la Normandie, le Poitou et l’Aquitaine ?
Richard et Philippe partirent donc ensemble pour la troisième
croisade, y accompagnant l’empereur germanique Frédéric
Barberousse. Mais des circonstances conjuguées (mort
d’Henri, frère aîné de Richard et primo-héritier du trône
d’Angleterre, puis décès du roi d’Angleterre Henri II) amènent
Richard à ceindre la couronne. Il devient aussitôt l’ennemi du
roi de Francie, lequel soutint désormais Jean sans Terre, en
lutte ouverte contre le roi son frère ! C’est dans cet
environnement conflictuel que fut notamment édifiée sur la
Seine, à la frontière orientale de la Normandie, la formidable
citadelle anglaise de Château-Gaillard.
Mais Jean sans Terre devient roi à son tour, en 1199, et la brouille s’installe immédiatement entre
Jean et Philippe ! Le niveau conflictuel s’élève encore d’un cran : Jean organise avec la Germanie
une coalition destinée à abattre le roi de France. Mais c’est ce dernier qui est le grand vainqueur, à
Bouvines, en 1214.
Jean sans Terre, battu et humilié, est désormais un roi sans gloire, contesté par les grands barons
de son royaume. En 1215, ils obligent le roi à signer la « Grande Charte », qui enlève au souverain
une grande partie de ses pouvoirs. Jean n’est plus « roi de droit divin », mais roi par consentement
de ses barons. La signature de la Grande Charte souligne un tournant capital de la monarchie
anglaise, qui devient « constitutionnelle ». Un document ultérieur, la « Confirmation des Chartes »
de 1297, gravera dans le marbre cette orientation définitive donnée par la Grande Charte, laquelle
avait déjà été précédée, en 1164, de la « Constitution de Clarendon » allant dans le même sens.
Philippe Auguste, grandi après la victoire de Bouvines, et qui a réussi à remettre sous son sceptre
l’essentiel des possessions continentales anglaises, verra sa suprématie incontestée sur l’ensemble
du royaume. Il cessera d’être le rex Francorum, le roi des Francs, pour porter la titulature
nouvelle de Rex Franciae, roi de France. L’ancienne « Francie » sort de l’histoire : elle y est
remplacée par « la France ».
Note – La photographie ©, ci-dessus, du donjon de Château-Gaillard n’est pas extraite de l’ouvrage « L’Europe médiévale en 50
dates », mais de l’ouvrage « Sentinelles de la Seine en Normandie médiévale », du même auteur.
Donjon de Château Gaillard
(40) 1236, en Russie (5 p.)
Disparition de l’État russe
La période de relative prospérité que Vladimir, le Grand Prince de Kiev, avait donnée au vaste
territoire qu’il régissait prit fin à sa mort, survenue en 1015. Ses onze fils s’étaient alors
partagé l’héritage paternel, et les onze mini-principautés ainsi créées vivaient en situation
permanente de conflit larvé. Temporairement réuni à nouveau entre les mains d’Iaroslav
Vladimirovitch, l’un des onze héritiers, le domaine se morcela à nouveau lors du Congrès de
Lioubetch de 1097, qui définit officiellement le morcellement du royaume en principautés
autonomes et héréditaires censée être sous l’autorité suzeraine, mais toute théorique, du Grand
Prince de Kiev. Mais la Grande Principauté n’était plus qu’un système économico-politique
cloisonné, donc compliqué à gérer, et d’autant plus difficile à défendre que la discorde était,
en permanence, installée entre les princes.
Cette faiblesse de la Russie fit le jeu des Mongols. Gengis Khan, guerrier asiatique, né en
1155 aux environs du Lac Baïkal, avait réussi à unifier sous son commandement les multiples
tribus nomades mongoles. Il conduisit alors une politique d’expansion territoriale vers l’ouest
qui, en 1227, l’avait mené sur les bords de la Mer Caspienne.
Ses enfants et petits-enfants poursuivirent l’expansion vers l’ouest. L’un d’eux, Batu, à la tête
d’une puissante armée de cavaliers (le chiffre de 150 000 fut avancé, mais sans qu’une
confirmation puisse en être donnée), franchit la Volga gelée et pénétra dans les principautés
russes. En 1237, il était à Riazan. En 1238, il pilla et incendia les villes de Moscou et de
Vladimir. Seule, Novgorod échappa au désastre.
En 1241, poursuivent leur avance et sont aux
portes de Vienne. Batu fonde alors le Khanat
de la Horde d’Or, qui s’étend de la Mer
Noire au fleuve Ienisseï, et incluant les
régions de Kiev, de Moscou et de Kazan …
La suprématie de la Horde d’Or durera
jusqu’en 1380, date à laquelle le sinistre chef
tartare Tamerlan, cruel et incompétent, fera
éclater le khanat en plusieurs principautés
(Kazan, Astrakan, Crimée …
En 1462, Ivan III le Grand, Grand Prince de Moscou, rassemblera sous son autorité tous les
territoires russes. Il deviendra alors « Grand Prince de Toutes les Russie » (Grande Russie,
Biélorussie, Russie Blanche …). Et c’est en 1547 qu’Ivan IV le Terrible érigera cet
ensemble au niveau d’un empire, prenant alors la titulature de « Tsar de Toutes les Russies ».
Volga
Dniepr
Caspienne
Mer Noire
Kiev
Moscou
Riazan
Kazan
Ienisseï
Ob
Altaï
La Horde d'Or
Lac BalkachAral
Le khanat de la Horde d'Or
de Kiev au fleuve Ienisseï
Corée
(41) 1245, dans le Saint Empire (14 p.)
La lutte du Sacerdoce et de l’Empire
L’histoire du Saint Empire, en cette période critique, est dominée par la lutte acharnée que se
font le pape et l’empereur, chacun ayant un parti qui lui est favorable : les Guelfes (Welfs)
étant du côté du pape, et les Gibelins (Waiblingen) étant du côté de l’empereur.
Les origines de ce conflit sont détaillées dans les huit premières pages de ce chapitre, qu’il est
impossible de résumer ici en quelques lignes.
Nous sommes donc un peu avant 1245. Les protagonistes du moment sont Frédéric de
Hohenstaufen, roi de Sicile et empereur de Germanie, et Honorius, pape. Le pape se dit
premier représentant de Dieu sur terre, et, par conséquent, seul habilité à choisir et couronner
l’empereur d’Allemagne, second représentant de Dieu sur terre. L’empereur, de son côté, est
la concrétisation de la théorie des « deux corps du roi (*)», l’un mortel et donc éphémère, et
l’autre immortel, car se réincarnant immédiatement dans le souverain suivant, selon la volonté
de Dieu. Partant de ce principe, l’empereur, souverain de droit divin, est seul habilité à
nommer le pape et les évêques. La querelle des investitures, qui a fait rage lors de l’épisode de
Canossa en 1077, est plus que jamais d’actualité.
« Le Sacerdoce et l’Empire » sont donc deux puissances antagonistes. Se greffe, là-dessus,
le refus de Frédéric de participer à la sixième croisade organisée par Grégoire IX, qui a
succédé à Honorius. L’empereur, qui avait fait vœu, en 1220, de participer à une éventuelle
expédition en Terre Sainte, invoque, pour ne pas partir, des difficultés d’ordre interne à
l’Empire. Grégoire IX ne tient pas compte de ces considérations et excommunie l’empereur
en 1227. Celui-ci consent enfin à se croiser, offrant ainsi le spectacle étrange d’un empereur
excommunié prenant la tête d’une armée de chevaliers chrétiens !
L’excommunication est levée. Mais d’autres frictions amènent le pape Innocent IV, qui a
succédé à Grégoire IX, à excommunier à nouveau l’empereur en 1241, puis à le destituer en
1245. La lutte entre les deux autorités devient tragique. Le pape désigne des anti empereurs,
Henri Raspe de Thuringe, puis Guillaume de Hollande, lesquels « co-règnent » avec Frédéric
refusant de reconnaître son éviction.
De 1250, date de la mort de Frédéric, à 1273, la Germanie vivra dans ce que l’histoire nomme
« le Grand Interrègne ». Les duchés (Saxe, Souabe, Bavière …) deviendront des quasi
royaumes indépendants, tandis que les villes italiennes tenteront de reprendre leur liberté.
C’est l’arrivée au pouvoir de Rodolphe de Habsbourg, inaugurant une nouvelle dynastie, qui
mettra fin à cette longue période de désordre.
(*) Théorie exposée par Ernst Kantorowicz dans son ouvrage « L’empereur Frédéric II ».
(42) 1291, en Orient (6 p.)
Fin du Royaume latin de Jérusalem
En 1228, Frédéric II de Hohenstaufen, « empereur d’Occident, roi de Germanie, roi de Bourgogne, roi
d’Italie et roi de Sicile », enfin parti en Terre Sainte, avait obtenu du sultan d’Égypte, par une savante
négociation, la restitution de Jérusalem. Il en avait profité pour ajouter, à toutes les titulatures qu’il
possédait déjà, celle de « Roi de Jérusalem ». Mais en 1244, la ville était à nouveau aux mains des
Sarrasins. C’est la ville d’Acre qui devint alors la capitale du « royaume de Jérusalem ».
Une septième croisade fut lancée par le pape Innocent IV. Frédéric II, excommunié pour la seconde
fois, refusa d’y participer. C’est le roi de France Louis IX (le futur saint Louis) qui en prit la tête avec,
pour objectif, la prise du Caire qu’il rétrocéderait ensuite en échange de Jérusalem. En 1247, le roi de
France débarqua à Damiette, à quelques kilomètres du Caire, mais ne put aller plus loin : à l’issue
d’une sévère bataille contre les Égyptiens, Louis IX fut fait prisonnier, et ne fut libéré qu’en 1251,
après versement d’une énorme rançon qui vida les coffres du royaume de France. Resté seul sur le sol
africain où il s’ingéniait à consolider du mieux qu’il le pouvait les défenses de la forteresse d’Acre,
Louis IX apprit, en 1254, le décès de sa mère, la reine Blanche du Castille, à qui il avait confié la
régence du royaume durant son absence. Le roi précipita son retour en France. La septième croisade
était, à nouveau, un échec !
En 1264, une huitième croisade fut lancée par le
nouveau pape Urbain IV. Louis IX repartit, en
direction de Tunis, cette fois, avec une curieuse
stratégie : convertir l’émir de Tunis qui, devenant
alors l’allié du roi de France, l’aiderait à s’emparer
de Jérusalem ! L’émir ne se convertit point, et
Louis IX mourut, frappé par la peste, dans les
faubourgs de Tunis. La huitième croisade était,
encore, un échec. Il n’y en eut plus d’autre.
Entretemps, une ethnie pauvre, les Mamelucks, avait fait son apparition au Moyen-Orient. L’un de ses
chefs, Baïbars, à l’issue d’un coup de force, parvient à devenir sultan d’Égypte. Il a une idée fixe :
supprimer le royaume de Jérusalem, et mettre un terme à la présence des Francs au Moyen Orient.
C’est son fils et successeur, Saïd Berké, qui mène à bien le projet : en avril 1291, il entame le siège
d’Acre qui, en proie aux incessantes mais habituelles luttes d’influence entre ses défenseurs, tombe
entre ses mains le 18 mai. C’en est fini du royaume latin, et de la présence chrétienne au moyen
Orient.
N’ayant plus rien à défendre, les ordres religieux militaires, Templiers, Hospitaliers et Chevaliers
Teutoniques, créés à cette fin un siècle plus tôt, rentrent en Europe. L’ordre des Templiers est dissous
peu après, par Philippe IV le Bel et le pape. Les deux autres subsisteront.
Aigues Mortes
Marseille
Chypre
JérusalemLes croisades avortées de Saint Louis
7 °
8 °
(43) 1309, au Saint Siège (8 p.)
Vers le Grand Schisme d’Occident
Du côté de la Germanie, des questions doctrinales empoisonnaient les relations entre le pape et
l’empereur. Du côté de la France, c’étaient de sordides questions d’argent qui empoisonnaient les
relations du pape et du roi Philippe IV le Bel.
Le roi ne pouvait plus se contenter du service féodal d’ost, qui ne lui procurait des soldats qu’à
titre temporaire, mais souhaitait disposer d’une armée de métier … qu’il fallait payer ! D’où
l’institution d’un lourd impôt frappant toutes les classes aisées de la société, y compris les
ecclésiastiques. Le pape s’opposa à cette imposition des clercs. Le roi réunit à Lyon un synode qui
démit le pape. Celui-ci excommunia le roi ! Un envoyé du roi alla voir le pape pour demander la
levée de l’excommunication. Le pape refusa. L’envoyé molesta le pape, qui mourut d’une crise
cardiaque. Ce fut « l’attentat d’Anagni » (1303). Il fallut désigner un nouveau pontife. Benoît XI
fut élu. Il mourut, en 1304, d’une indigestion de figues. La vacance du trône pontifical dura cinq
ans.
En 1309, le roi réussit à imposer l’élection d’un prélat
français, Clément V, qui refusa de s’installer à Rome, où
s’était déplacée la grande querelle des Guelfes et des
Gibelins. Il choisit « temporairement » Avignon, ville
appartenant au roi de Naples. La guerre Guelfes - Gibelins
durant plus longtemps qu’escompté, la papauté resta en
Avignon jusqu’en 1375.
En 1378, Grégoire XI décédé est remplacé par Urbain VI,
que reconnaissent l’Italie, l’Angleterre, le Saint Empire, la
Pologne et la Hongrie.
Quelques semaines plus tard, les cardinaux français,
mécontents de ce choix, organisent une seconde élection, qui
désigne Clément VII. Cet antipape, reconnu par la France, la
Castille, l’Aragon, le Portugal, l’Écosse et le royaume de
Sicile, ne peut siéger dans la même ville que le pape. Il
rouvre donc le palais d’Avignon.
La chrétienté est désormais gouvernée par deux pontifes :
c’est le début du Grand Schisme d’Occident. Il durera
quarante ans, avant de se terminer en farce : l’Église ne
pouvant tolérer une dualité de pontifes, un concile se réunira
en 1409, destituant les deux papes existants, Grégoire XII et
Benoît XIII, et en élisant un nouveau, Alexandre V. Mais
aucun des deux premiers n’acceptant leur destitution,
l’Église, durant une dizaine d’années, ne sera plus gérée par
deux papes, mais par trois ! Ce n’est qu’en 1417 qu’un
conclave, réuni à Rome, élira Martin V, mettant enfin un
terme à cette aventure.
Boniface VIII
Benoît XI
Clément V
Jean XXII
Benoît XII
Clément VI
Innocent VI
Urbain V
Grégire XI
Urbain VI
Clément VII
Benoît XIII
1394-1417
1300
Boniface IX
1389-1404
Innoct VII 1404-1406
Martin V
Jean XXIII 1410-1417
Alex. V 1409-1410
en Avignon à Rome
1378
1431
ci-dessous,en rose :
le grand schisme
d'Occident
de 1378 à 1417
Grég. XII
1406-1417
1400
(44) 1346, en France (12 p.)
Le début d’une longue guerre
En Angleterre, les différents successeurs de Jean sans Terre (Henri III, Édouard Ier, Édouard II) ne
cessaient de déplorer que leur possession aquitaine, autrefois opulente, fût réduite à la portion
congrue. Mais de nombreuses difficultés à l’intérieur du royaume (lutte contre les Écossais,
situation financière catastrophique, révolte des barons, difficultés matrimoniales consécutives à
l’homosexualité d’Édouard II …) fixaient ailleurs l’essentiel de leur attention. Ce ne fut plus le cas
du jeune Édouard III, fils d’Édouard II et d’Isabelle, donc petit-fils du roi de France Philippe IV le
Bel. Il forma le projet de reconquérir l’Aquitaine dans sa totalité, telle qu’Éléonore l’avait
apportée en dot à Henri Plantagenêt en 1152.
Or, en France, la malédiction de Jacques de Molay, grand maître de l’ordre du Temple, mort sur le
bûcher sur ordre de Philippe le Bel, semblait se réaliser : après les décès de Louis X le Hutin et de
Philippe V le Long, le dernier fils de Philippe IV, Charles IV, mourut sans héritier mâle en 1328.
Deux prétendants étaient sur les rangs : Philippe de Valois, cousin germain du roi défunt, et
Édouard III, petit-fils de Philippe le Bel. Le Valois fut choisi. Édouard ne se tint pas pour battu, et
résolut de faire valoir, quand l’occasion s’en présenterait, ses droits sur la couronne de France, ce
qui lui permettrait, en outre, de rétablir son autorité sur le bien de ses ancêtres, l’Aquitaine, terre
que Philippe VI continuait de grignoter petit à petit, au fil de diverses interventions armées.
En 1346, suite à un désaccord particulièrement
violent entre les deux souverains, Édouard
débarque dans le Cotentin, à Saint Vaast la
Hougue, et entame une « chevauchée » de pillage
qui l’enrichit au-delà de ses espoirs (tracé vert).
Évitant Paris, il remonte vers le nord et décide de
regagner l’Angleterre via l’un des deux ports
proches de la côte anglaise, Calais ou Boulogne.
Philippe VI, qui a réuni en urgence une troupe
armée, l’intercepte. La rencontre a lieu à Crécy en
Ponthieu. C’est un désastre pour la chevalerie
française.
Édouard III s’empare ensuite de Calais, qu’il
transforme en colonie de peuplement, en disant :
« elle est la clé et la serrure pour nous ouvrir la
France » .
La Guerre de Cent Ans vient de commencer. Elle
verra se multiplier les « chevauchées » anglaises
dévastant le territoire et y installant une psychose
d’insécurité.
Toulouse
1355
Prince Noir
1356
Prince Noir
1373
Lancastre
1370
Knowles
1380
Buckingham
1346
Edward III
1359
Edward III
Paris
Calais
Nantes
Bordeaux
Saint Vast
la Hougue
Les principales chevauchées anglaises
au XIV°siècle
(45) 1347, en Europe (8 p.)
La Peste Noire
Au milieu du XIVe siècle, les Mongols de la Horde d’Or étaient en conflit ouvert avec les
commerçants italiens, génois en majorité, qui avaient établi à Caffa, en Crimée, des comptoirs
commerciaux d’où ils faisaient entrer des marchandises orientales qu’ils revendaient ensuite à
l’Europe.
Or, vers 1330, un virus de peste apparut en Asie, dans la région du Lac Baïkal. Il y fit des millions
de morts. Les Mongols de la Horde d’Or, qui étaient restés en relations commerciales avec l’Asie,
n’échappèrent pas à la maladie et eurent, eux aussi, de nombreux décès. Ils en profitèrent pour
inventer une nouvelle arme de guerre : envoyant, à coups de balistes, leurs morts contaminés dans
la ville qu’ils assiégeaient, ils en contaminèrent les défenseurs. Les deux partis, ainsi affaiblis,
signent, en 1347, un cessez-le-feu, permettant aux navires génois de quitter le port de Caffa.
Les navires cabotent en Europe, de port en port :
Naples, Gènes, Marseille, Barcelone, Valence…
Mais en y débarquant leurs marchandises, ils
débarquent en même temps le virus de la peste,
que transportent sur eux les rats ayant trouvé asile
dans les cales des bateaux. Chaque port visité
devient un foyer d’épidémie.
La peste se développe alors avec une rapidité
foudroyante. En 1348, elle s’étend à la partie
orientale de l’Espagne, à la moitié méridionale de
la France, à l’Italie et la Grèce. En 1349, la France
entière, l’Allemagne et l’Autriche sont atteintes.
En 1350, c’est une majeure partie de l’Europe qui
est concernée par le fléau, à l’exception de
quelques zones qui en sont épargnées. Jean
Froissart, chroniqueur de l’époque et
contemporain de l’événement, évalue les victimes
au tiers de la population européenne. Les Français
passent de vingt à treize millions d’habitants, et les
Anglais de sept à deux millions.
Cette dépopulation dramatique entraîne une rareté de la main d’œuvre, et donc sa cherté. C’est le
recul de la production et la ruine de l’agriculture, les terres agricoles, non travaillées, tombant en
jachère. A la fin de la catastrophe, l’Europe aura, en cinq ans, régressé d’un siècle sur le plan
économique … ce qui n’empêche pas la Guerre de Cent Ans de se poursuivre … La conjonction
des deux événements laissera la France exsangue.
Caffa
Messine
Gênes
Marseille
Barcelone
Constantinople
Le trajet des navires importateurs de la peste noire
de Caffa à Valence
Valence Naples
1348
1349
1350
En hachures vertes :
zones plus ou moins épargnées
par la Peste noire.
(46) 1356, dans le Saint-Empire (13 p.)
La Bulle d’Or
Après la déposition de Frédéric II de Hohenstaufen, en 1245, la Germanie était entrée dans une
zone de fortes turbulences. Le fils de l’empereur, Conrad, du parti gibelin, vit s’élever contre lui
un anti roi, Guillaume, comte de Hollande, guelfe imposé par le pape. Les barons en profitèrent
pour s’émanciper de la main de fer centralisatrice des Hohenstaufen et en revenir au système
féodal. En 1256, une nouvelle difficulté s’éleva pour la désignation d’un successeur. Il n’y avait
plus de représentants de la « race royale ». Il fallut élire un « roi des Romains » (empereur putatif)
sur son mérite. Sept « grands Électeurs » désignèrent Richard de Cornouailles, frère du roi
d’Angleterre. Mais Richard, sitôt élu, vit s’élever devant lui Alphonse de Castille. L’un et l’autre
se souciaient d’ailleurs davantage de leurs pays d’origine que de l’Allemagne dont ils étaient les
deux « co-souverains » ! Ce fut, dans cet intervalle de vingt ans ((1254 – 1273) « le Grand
Interrègne », auquel mit fin l’élection à l’empire d’un représentant de petite noblesse, un « petit
comte », Rodolphe de Habsbourg (1273 – 1291). Lui succédèrent un autre « petit comte »,
Adolphe de Nassau (1292 – 1298), Albert de Habsbourg (1298 – 1308), Henri de Luxembourg
(1308 – 1313), enfin Louis IV de Bavière (1314 – 1346). Toutes ces élections se faisaient tantôt
avec l’aval du pape, tantôt contre sa volonté, ce qui déclenchait les foudres pontificales, voire des
excommunications (cas de Louis IV de Bavière) … Le pape était ainsi revenu au centre du jeu
politique intérieur de l’Empire, ce qui incommoda fortement les Grands de Germanie.
En 1356, le nouvel empereur Charles IV, roi de Bohême, veut mettre de l’ordre dans cet acte
majeur – à ses yeux – que représente, pour la Germanie en particulier, et pour le monde chrétien
en général, l’élection de l’empereur d’Occident.
Il promulgue le Kaisersliches Rechtsbuch (le livre des règles du droit
impérial) qui grave dans le marbre les plus petits détails de l’opération
élective : nombre de Grands Électeurs (sept, dont trois prélats, les
archevêques de Trêves, Cologne et Mayence, et le roi de Bohême, le
duc de Saxe, le comte Palatin et le duc de Bavière), ordre de
préséance, date et lieu de l’élection, ordre de dépôt du bulletin dans
l’urne, nom du scrutateur …). Ce document est rapidement appelé la
Bulle d’Or, eu égard au sceau doré qui ferme le parchemin (>>>>>).
L’un des points majeurs de ce document est l’absence de mention du pape, qui n’est, désormais,
plus rien dans le choix et l’élection impériale, et n’a plus que le rôle protocolaire de poser sur la
tête de l’empereur l’insigne de sa nouvelle dignité. La Germanie, désormais prémunie (en
principe) contre la pagaille qu’elle connaissait à chaque changement de souverain, est en route
vers la stabilité de la plus importante de ses institutions.
(47) 1415, en France (8 p.)
Le désastre d’Azincourt
En 1392, à la suite d’un accident de chasse, le brillant roi de France Charles VI était
malheureusement devenu Charles VI « le Fol ». Il était devenu incapable de gouverner. Deux
princes du sang se disputèrent la place de conseiller du roi : Louis, duc d’Orléans, soutenu par la
puissante famille d’Armagnac, et Jean sans Peur, duc de Bourgogne, l’un des plus puissants
barons du royaume. Le second assassina le premier. Cet acte marqua le début de la guerre civile
opposant « les Armagnac » et « les Bourguignons ».
En Angleterre, le roi Richard II, âgé de 29 ans, avait épousé la toute jeune (7 ans) Isabelle, fille de
Charles VI. La lutte entre l’Angleterre et la France connut un moment de répit. Mais Richard II, le
dernier des Plantagenêt, perdit son trône en 1399, déposé par Henri de Lancastre, qui régna sous
le nom d’Henri V.
Le nouveau roi reprit alors à son compte le vieux rêve d’Édouard III : récupérer
l’Aquitaine et, accessoirement, monter sur le trône de France. Mais Henri fit le
raisonnement inverse : devenir roi de France, ce qui lui permettrait de remettre
l’Aquitaine sous son autorité. Pour bien montrer sa détermination il commença
par écarteler ses armes, qui se lirent alors : « en 1 et 4 d’azur à trois fleurs de
lys d’or, et en 2 et 3 de gueules à trois léopards d’or ».
Voir, à ce sujet, dans la partie de ce site consacrée à l’ouvrage « Sentinelles de la
Seine en Normandie médiévale » l’écran proposant quelques notions d’héraldique.
En 1415, Henri met son projet à exécution. Il débarque à Harfleur, petit port normand situé sur
l’estuaire de la Seine. Charles VI, dans un instant de lucidité, rassemble une puissante armée, à
laquelle se joignent de nombreux de chevaliers du parti armagnac, et quelques chevaliers du parti
bourguignon. Les circonstances tactiques font que la rencontre se produit à Azincourt, à trente
kilomètres du funeste champ de bataille de Crécy. Et comme à Crécy en 1346, la chevalerie
française est écrasée. Les Armagnac ont perdu l’essentiel de leurs forces. Les Bourguignons
sortent presque indemnes de l’aventure. Devenus tout puissants, ils occupent Paris, signent la paix
avec l’Angleterre et convainquent Charles le Fol de signer l’ignominieux traité de Troyes, aux
termes duquel la couronne de France, à la mort de Charles, ira au roi d’Angleterre.
Les deux rois meurent en 1422, à quelques jours d’intervalle. Le nouveau roi d’Angleterre n’a que
9 mois. La France est donc administrée par le duc de Bedford, en attendant que le petit roi soit en
âge de régner. Le dauphin Charles, fils de Charles VI le Fol, a réussi à fuir Paris et à se réfugier
dans le centre de la France. Le futur Charles VII y est, pour l’instant, le « Petit Roi de Bourges ».
C’est là qu’en 1429 Jehanne d’Arc ira le persuader de reprendre la lutte avec confiance. La
Guerre de Cent Ans prendra fin le 17 juillet 1453, après la victoire française de Formigny. En
Angleterre, le roi Henri VI, petit-fils du roi de France Charles le Fol, deviendra fou comme son
grand-père maternel. Il sera déposé en 1461, et l’Angleterre entrera alors dans la « Guerre des
Deux Roses », à la suite de laquelle les Tudor succéderont aux Lancastre.
(48) 1453, à Constantinople (10 p.)
La fin de l’Empire grec
L’empire latin de Constantinople, à peine créé, avait été morcelé pour satisfaire les appétits des
uns et des autres, et n’avait duré qu’un demi-siècle, parce que géré en dépit du bon sens par
Beaudouin Ier et ses successeurs. Les sujets grecs s’étaient révoltés. Un général grec, Michel
Paléologue, avait alors repris Constantinople intra-muros et avait réussi à replacer sous son
autorité une partie – et une partie seulement – des anciens territoires impériaux. Mais deux cents
ans plus tard, la dynastie Paléologue avait vu fondre, à nouveau, un empire appauvri, affaibli et
entouré d’ennemis qui le grignotaient peu à peu.
L’un des plus dangereux de ces ennemis est le sultanat turc établi en Anatolie, (le « Sultanat de
Roum ») qui connaissait, lui aussi, quelques difficultés. En 1425, une intervention malencontreuse
de l’empereur Jean VIII Paléologue dans les affaires intérieures turques provoque la fureur du
sultan Mourad. Celui-ci décide de rayer l’empire grec du paysage géopolitique.
Jean VIII, qui ne règne pratiquement plus que sur la cité de Constantinople et quelques petits
territoires annexes, prend peur et demande l’appui des puissances européennes. La France et
l’Angleterre, trop prises par leur guerre de Cent ans, et le Saint Empire, en proie à des difficultés
intérieures, se récusent. Seules, de maigres troupes de Polonais, de Hongrois et de Serbes viennent
participer, en 1444, à la défense de l’empire, du moins de ce qu’il en reste. Une première bataille
se termine, cette année-là, par la victoire des Janissaires turcs.
En 1451, Mehmet succède à son père Mourad, décédé, et décide de poursuivre l’œuvre entamée.
Il rassemble une puissante armée de 80 000 hommes, dont 20 000 Bachi-Bouzouks (qui ne sont
donc pas une invention d’Hergé dans les insultes du Capitaine Haddock, mais de redoutables
cavaliers mercenaires !).
Constantin, qui a succédé à son frère Jean VIII décédé, ne peut opposer que de maigres troupes
dont le moral est au plus bas. L’assaut est donné le 28 mai 1453. Le lendemain, les Turcs
découvrent une faille dans la défense de la ville (une poterne ouverte). Ils s’y engouffrent.
Quelques heures plus tard, Mehmet fait hisser le drapeau ottoman sur le palais impérial des
Blachernes, transforme l’opulente cathédrale Sainte Sophie en mosquée et y installe un muezzin
qui appelle les musulmans à la prière.
L’empire grec, qui n’existait plus que dans la fiction
d’une « ville empire », a définitivement cessé
d’exister. Constantinople devient la capitale de
l’empire ottoman qui perdurera cinq siècles. En
1923, sous l’impulsion de Kemal Atatürk, il
deviendra la « République de Turquie ». Peu après,
la ville elle-même, dont le nom s’est contracté pour
s’appeler Istanbul, perdra sa fonction de capitale
d’empire au profit d’Ankara.
Vienne
Le Caire
Mer Noire
L'Empire ottoman
(49) 1492, en Péninsule ibérique (9 p.)
Fin de la Reconquista
A la fin du XVe siècle, la péninsule ibérique est divisée en
cinq entités politiques : la Castille, qui s’étend sur les deux
tiers de la péninsule ; le Portugal, dont la frontière terrestre
avec la Castille est désormais figée, et qui porte son regard
vers le grand large ; le royaume d’Aragon ; le petit
royaume de Navarre, dont le rôle géopolitique dans la
région est peu important, et qui est cité ici pour mémoire ;
enfin, l’Émirat de Grenade (en vert sur la carte), dernier vestige
de la présence musulmane.
La Castille sort de deux siècles d’une histoire dynastique compliquée, où les luttes pour la
couronne avaient fait régner une certaine anarchie. La Reconquista avait donc marqué le pas
durant ces deux siècles. En 1474, le roi Henri IV l’Impuissant décède sans autre héritier(e) qu’une
fille jugée, à tort ou à raison, adultérine. Les Cortès reconnaissent alors la jeune Isabelle (21 ans),
sœur cadette du roi, comme roi de Castille. Quatre ans auparavant, elle avait épousé son cousin
germain, l’Infant Ferdinand d’Aragon.
A Grenade, durant les deux siècles où la Reconquista avait été mise entre parenthèses par les
catholiques, la disparition des reies de Taïfas avait amené à l’érection du territoire en émirat. Mais
il vivotait tant bien que mal auprès de ses deux puissants voisins castillans et aragonais, toujours
opposés par des rivalités stériles. Les choses se gâtent pour Grenade, en 1470, lorsqu’Isabelle, roi
de Castille, épouse l’infant Ferdinand. Les deux royaumes, jusqu’ici rivaux, font désormais bloc.
Les choses se gâtent encore plus en 1479, lorsque l’Infant Ferdinand devient Ferdinand II, roi
d’Aragon.
En 1490, les « deux rois » (los reies : car si Isabelle est reine d’Aragon par son mariage, elle est
roi de Castille de son état) décident de mettre un point final à la présence musulmane. La
Reconquista reprend son avancée. Plusieurs villes (Malaga, Almeria, Cadix …) tombent
rapidement entre leurs mains. En avril 1491, les deux rois entament le siège de Grenade. Après six
mois de résistance, l’émir Boabdil signe l’acte de reddition le 25 novembre. Le 2 janvier 1492, les
« rois catholiques » font leur entrée dans la ville. La Reconquista est terminée.
Et cette année 1492 marque, pour les historiens, la sortie du Moyen-âge et l’entrée dans la
Renaissance.
La « Sainte Inquisition », qui avait été mise en sommeil après la disparition de l’hérésie cathare en
France, sera réintroduite en Espagne sous le nom de « Saint-Office ». Le redoutable moine Tomas
de Torquemada s’y illustrera de manière particulièrement sévère. De nombreux musulmans (on a
évoqué le nombre de 9 000) périront sur le bûcher. Les autres auront le choix entre le départ au
Maghreb et la conversion au catholicisme. Ceux, les plus nombreux, qui opteront pour la seconde
solution, seront les « Morissos ». Ils seront, de toute façon, expulsés en 1609. Les juifs ne seront
guère mieux traités : le même choix leur sera proposé. Quelques uns se convertiront : ils seront les
« Marranos » (les porcs, en vieil espagnol). Tous les autres s’exileront en Italie, au Portugal, au
Maroc ou en Turquie. Ils seront les Sefardim : les Sépharades (de S’Farad = l’Espagne, en langue
hébraïque).
Lisbonne
Emirat de Grenade
Portugal
Castille
Grenade
Aragon
Navarre
Caspe
Barcelone
Séville
Léon
Valence
Lisbonne
France
(50) 1500, en Europe (10 p.)
L’Europe à l’aube de la Renaissance
Ce dernier chapitre de l’ouvrage propose un bref aperçu du proche avenir de chacun des
principaux états évoqués antérieurement, qu’ils fussent anciens et touchant, pour certains, à
l’Antiquité (l’Italie, la Gaule …), ou récents, et ayant émergé au cours de ce millénaire médiéval,
y compris le tout jeune Empire Ottoman.
Ces quelques évocations concernent, « dans l’ordre de leur apparition à l’écran », selon la formule
consacrée :
L’Italie, qui deviendra un intense foyer d’effervescence intellectuelle (Machiavel, l’Arioste,
Michel-Ange, Léonard de Vinci …).
La Germanie et le Saint-Empire, au sein duquel sera enfin autorisée en 1499, la création
de la Confédération des Huit Cantons, ancêtre de la Confédération helvétique.
L’Angleterre, qui connaîtra le faste de la « période élisabéthaine ».
La France, qui se mettra à l’heure de la Renaissance et où les châteaux de ce style si
particulier y seront légion.
De la Péninsule ibérique, Espagnols et Portugais prendront le large, grâce, peut-être, à une
invention allemande (le globe terrestre de Martin Behaim), et y développeront un
immense empire ultramarin.
En Scandinavie, en 1623, la « Kalmarunionen », alors réunie sous un seul sceptre
hégémonique, celui de Margaretha de Danemark, verra l’éclosion de trois nations
distinctes (Norvège, Suède, Danemark).
La Papauté, où les excès de certains de ses papes, les Borgia en particulier, entraîneront les
moines Luther et Calvin à prendre une voie quelque peu différente : le protestantisme.
En Russie, Yvan IV le Terrible rassemblera de nombreux territoires dans sa main de fer, et
prendra le titre de « Tsar de Toutes les Russies ».
Enfin, l’empire Ottoman, dernier né de la période médiévale, (Suisse, Norvège, Suède et
Danemark ayant vu le jour au cours de la période suivante) connaîtra les règnes
somptueux de Sélim Ier et de Soliman II le Magnifique.
L’Europe sera désormais lancée dans une tout autre Histoire, peuplée de multiples combats
fratricides, avant de se réunir, à nouveau, au milieu du XXe siècle, sous l’impulsion d’une poignée
d’hommes de génie français et allemands.

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L'europe medievale de l'an mil à 1492 (bas moyen age)

  • 1. L’Europe médiévale en 50 dates (les Couronnes, la Tiare et le Turban) : Cinquante événements – clés qui ont infléchi le cours de l’histoire de l’Europe au Moyen – âge.
  • 2. L’histoire de l’Europe médiévale ( 2 de 2 ) L’Europe, c’est dix millions de kilomètres carrés (10 392 855 km2). Le Moyen-âge, c’est mille ans (1016 ans, de 476 à 1492). Se mouvoir dans ce gigantesque espace-temps qu’est « l’Europe médiévale » relève de l’exploration hasardeuse. Quelques repères, situés à la fois dans l’espace et dans le temps, peuvent aider à en rendre l’excursion moins aventureuse. L’ouvrage : L’Europe médiévale en 50 dates Les Couronnes, la Tiare et le Turban propose, en cinquante chapitres, une promenade historique qui débute en Italie en 476 et se termine en Espagne en 1492, après avoir sillonné en tous sens le continent européen, de l’Atlantique à l’Oural et de la Mer Blanche à la Mer Noire. Deux étapes y sont distinguées : Le Haut Moyen-âge, de l’an 476 à l’an mil, et Le Bas Moyen- âge, de l’an mil à l’an 1492. Le fichier ci-après résume, en 22 écrans, la seconde partie (Bas Moyen-âge) de ce livre de 500 pages, publié en septembre 2012, chaque écran donnant un court résumé du chapitre correspondant de l’ouvrage. Le nombre placé à gauche des titres fait référence au numéro de chapitre de l’ouvrage. Le nombre placé à droite des titres précise le nombre de pages que l’ouvrage consacre à l’événement. Du même auteur : L’Europe avant l’an mil (2 tomes, de la Préhistoire à Charlemagne - L’Harmattan), et Sentinelles de la Seine en Normandie médiévale (4 chateaux forts et 4 abbayes en vallée de Seine - Editions Corlet) sont présentés sur le site de l’auteur : http://www.jacquesbloeme.fr
  • 3. Seconde partie Le bas Moyen-âge, de l’an mil à l’année 1492 1066 1215 1139 1492 1042 11301309 Que s'est-il passé là en … ? 1066 1215 1139 1492 1042 11301309 Que s'est-il passé là en … ? 1236 1152 1346 1347 1415 1077 1245 1347 1356 1071 1204 1453 1096 1187 1291
  • 4. (29) 1042, en Italie méridionale (6 p.) Vers un royaume normand de Sicile Le comté de Rouen, créé en 911, agrandi en fin de siècle pour devenir le duché de Normandie, ne possédait pas suffisamment de terres nobles pour subvenir à l’entretien de la génération montante de jeunes aristocrates en quête de gloire et de moyens de subsistance dignes de leur rang. Loin de là, en Italie méridionale, les duchés de Spolète et de Bénévent dépendaient de l’empereur de Germanie, tandis que la Pouille et la Calabre étaient sous obédience de l’empereur de Constantinople, et que la Sicile était, pour les trois quarts, possession musulmane. Et la présence du pape à Rome compliquait encore davantage une situation explosive qu’envenimaient des escarmouches plus ou moins graves entre les différentes autorités. Des seigneurs normands se mirent au service, qui de l’empereur germanique, qui du basileus, qui du pape, pour faire la preuve de leur bravoure au combat et de leurs talents d’administrateurs. Tel est le cas de deux des fils de Tancrède de Hauteville. En remerciement de bons et loyaux services, Guillaume, dit « bras de fer », et son frère Dreux, se voient accorder d’importants droits féodaux. Guillaume meurt peu après, mais Dreux, d’abord comte de Melfi, puis duc d’Apulie, ne tarde pas à devenir un puissant seigneur. Désormais solidement implantée en Italie méridionale, la famille de Hauteville a l’honneur suprême de devenir le protecteur et le défenseur du Saint Siège. Se prévalant de l’appui de cette haute autorité spirituelle et temporelle, les seigneurs normands se disent alors les égaux de l’empereur germanique et de l’empereur de Constantinople, et sont une force incontournable dans la péninsule. Différents descendants directs de Tancrède de Hauteville franchissent les degrés de la puissance politique : - Robert « Guiscard » (le rusé) est comte de Calabre ; - Richard est duc d’Aversa, - Bohémond est comte de Tarente … Et en 1130, Roger dit « Bosso » sera le fondateur de la dynastie des rois de Sicile. Rome Pouille Calabre Sicile suzeraineté : Saint Empire suzeraineté : Byzance suzeraineté : Sarrasins
  • 5. (30) 1066, en Angleterre (12 p.) La bataille d’Hastings En 837, la couronne d’Angleterre avait été dévolue au Saxon Egbert. Mais des navigateurs scandinaves avaient, ultérieurement, pris pied dans une portion de l’île dénommée le Danelaw (dan – law : « la loi danoise »). Et la couronne allait alternativement, au gré des circonstances, d’un saxon à un danois. Au milieu du XIe siècle, c’est un Saxon, Edouard le Confesseur, qui est investi de la fonction royale. Le roi de Norvège et de Danemark, Harald, souhaite s’en emparer. Édouard, qui avait connu un long exil en Normandie avant d’accéder au trône d’Angleterre en 1042, avait promis au duc normand d’être son successeur. En 1066, Édouard décède, après avoir changé d’avis et désigné comme successeur un baron anglais, Harold. Celui-ci monte donc sur le trône d’Angleterre. Guillaume le Bâtard, duc de Normandie, s’estime lésé, et veut faire valoir ses droits. En même temps, Harald Hardrada quitte les côtes de Norvège et fait voile vers l’Angleterre pour mettre son dessein à exécution. Harold, le roi anglais, quitte Londres et fait mouvement vers le nord pour contrer le débarquement d’Harald, qui meurt au cours du combat, à Stanford Bridge. Harold, dans l’euphorie de sa victoire, vient de renvoyer son armée lorsqu’on lui apprend que Guillaume a débarqué sur la côte méridionale de l’île. Tant bien que mal, il tente de reconstituer une force et descend pour s’opposer au Bâtard. La rencontre a lieu à Hastings, sur la haute colline de Senlac, au sommet de laquelle les Anglais, qui ont pris position, semblent inexpugnables. En effet, Guillaume est d’abord mis en difficulté. Mais il tente une ruse de guerre vieille comme le monde : il simule une déroute et ordonne la retraite. Les soldats anglais tombent dans le piège : ils quittent leur position dominante et poursuivent les fuyards normands. Ceux-ci se retournent, et attaquent les Anglais désormais en position de faiblesse. Harold est tué dans le combat, et les Anglais se débandent. Guillaume « le Bâtard » devient Guillaume « le Conquérant ». Il se fera sacrer roi d’Angleterre à Westminster dans la nuit de Noël 1066 … et la situation géopolitique sera totalement modifiée : le duc de Normandie, désormais aussi roi d’Angleterre, est vassal du roi de Francie, mais beaucoup plus puissant que son suzerain. L’antagonisme entre les deux nations ne fera que croître, pour déboucher, dans deux siècles et demi, sur une guerre qui durera cent ans … Trondjeim Iles Shetland Iles Orcades Harald Hardrada Harold Guillaume Hastings Stamford Bridge 12
  • 6. (31) 1071, à Constantinople (5 p.) L’empire byzantin amorce son déclin Lorsqu’il mourut, en 1025, l’empereur Basile avait laissé un empire en assez bon état. Il avait, notamment, résisté à la pression du khalife de Tunis, qui voulait s’emparer de la Syrie, possession byzantine. Il avait également annexé l’empire bulgare, avec une férocité inouïe, ce qui lui avait valu le surnom peu flatteur de « Basile le bulgaroctone », l’exterminateur des Bulgares. Après lui accédèrent au trône des empereurs éphémères et incompétents, menant doucement l’empire vers un déclin que rendait inéluctable des querelles de palais et des jalousies successorales. Entre temps, aux portes de l’empire était apparu, au IXe siècle, un peuple originaire d’Asie centrale, les Turkmènes (ou Turcomans). Au cours de leurs pérégrinations, ils étaient entrés en contact avec les Arabes, et avaient adopté la religion musulmane sunnite. En 1064, à l’issue de quelques autres conquêtes territoriales, dont la Syrie, les « Turcs » ont, en 1064, une frontière commune avec l’empire byzantin, lequel, rappelons-le, s’étend sur la péninsule hellénique et sur l’Anatolie (l’Asie Mineure). L’empereur Romain IV « Diogène » s’inquiète de la présence turque aux portes de son empire. Il traverse l’Asie Mineure avec 60 000 hommes et se dirige vers la frontière gréco-turque pour marquer sa volonté de d’opposer, par le force, à d’éventuelles attaques turques. Alp Arslan, le sultan turc, prend conscience de la manœuvre byzantine et pénètre, lui aussi, en Anatolie, à la tête d’une armée considérable. La rencontre a lieu à Manzikert, en 1071. Romain est battu et doit signer un accord de paix, relativement modéré toutefois, avec le vainqueur. Rentrant à Constantinople, Romain apprend qu’il est destitué : il se rebelle contre l’usurpateur, et jeté dans un cul de basse fosse où il meurt rapidement. Le nouvel empereur, Michel VII, refuse de respecter les termes de l’accord. Les Turcs pénètrent en Anatolie et l’annexent. Elle devient la Turquie. L’empire grec est alors réduit à la portion congrue : il n’occupe plus que la péninsule hellénique et ses alentours immédiats (les territoires des actuelles Grèce et Bulgarie). Le déclin de Byzance se poursuivra d’autant plus inéluctablement que, dans moins d’un siècle, Byzance sera occupée et saccagée … par les Croisés de la quatrième croisade, partis vers la Palestine pour délivrer le tombeau du Christ, et qui se détourneront de leur objectif initial ! Indus Oxus (Amou Daria) Tigre Euphrate Mer Noire Perse Bagdad Péninsule arabique Asie Centrale Transoxiane Oghouz Irak Syrie Mer Noire Mer Caspienne Mer d'Aral Mer Méditerranée Mer Rouge Golfe Persique Lac de Van Khelat Constantinople Romain Tarchaniotès Manzikert
  • 7. (32) 1077, en Germanie (10 p.) La querelle des Investitures : Canossa Depuis le réveil de la fonction impériale, en 924 (écran 25), la couronne est allée à la Maison de Saxe, puis à la Maison de Franconie. Les empereurs saxons Otton (I, II et III) avaient une conception particulière de la gestion des hauts personnages de l’état, mélangeant le temporel et le spirituel. Investis de la mission de « représenter Dieu dans l’empire », ils nommaient non seulement les ducs et les comtes, mais aussi les évêques ! Pendant un temps, les différents papes agréèrent, de plus ou moins bonne grâce, cet état de choses. La situation se gâte quand un pontife moins malléable accède au Saint Siège. Grégoire VII, pape de grande envergure, élu en 1073, lutte sans merci contre la simonie et la corruption, et il est le promoteur de la grande « Réforme grégorienne ». Ce pontife sexagénaire revendique pour lui- même la nomination des évêques. Il se heurte alors violemment au nouveau « roi des Romains »(*), le jeune franconien Henri IV (il a 27 ans), qui applique la théorie de ses prédécesseurs saxons, suivant laquelle un évêque est un serviteur de l’État, dont la nomination ressort du domaine politique. En 1076, Henri désigne un homme à lui pour prendre la tête de l’évêché de Milan (l’Italie du nord étant alors « Terre d’Empire »). Le pape, qui vient d’interdire officiellement cette pratique, casse la décision impériale. Henri refuse de plier. Le pape excommunie et dépose l’empereur, libérant ainsi tous les vassaux du serment d’allégeance qu’ils avaient prêté. La Querelle des Investitures prend une ampleur démesurée. Henri IV étant excommunié et déchu, les Grands doivent procéder à une nouvelle élection … à moins que l’empereur n’obtienne son pardon. Henri se rend à Canossa, pieds nus dans la neige, en janvier 1077. Après cette humiliante démarche auprès de pape, Henri réunit, en 1080, un concile de prélats allemands qui destituent Grégoire et élisent un « antipape », Clément, lequel élève officiellement Henri à la dignité impériale … Canossa et la querelle des investitures est l’un des moments clés de la vie politique en Germanie, l’empereur et le pape se prétendant chacun supérieur à l’autre. La lutte se poursuivra : Henri V, fils d’Henri IV, sera excommunié par le pape Gélase II, l’un des successeurs de Clément VII, pour une raison identique. La Querelle des Investitures prendra fin en 1122, avec le Concordat de Worms. Aux termes de ce concordat, l’évêque sera élu par le clergé en présence d’un représentant de l’autorité politique, il prêtera serment d’allégeance à l’empereur, et sera alors consacré par l’archevêque représentant l’autorité papale. Ce n’est qu’à l’issue de cette procédure complexe que le nouvel évêque sera en mesure d’exercer son ministère. (*) « Roi des Romains » est le titre qui désigne le futur empereur, choisi pour occuper ce poste, mais avant qu’il ne soit officiellement élevé par le pape à la dignité impériale : il est « empereur désigné ». L’utilisation, ici, du mot empereur à propos d’Henri IV, allant à Canossa avant son élévation officielle à la dignité impériale, est un peu irrégulière, mais elle est pratique.
  • 8. (33) 1096, au Proche Orient (8 p.) Vers les « États latins d’Orient » La terre d’Islam avait connu une période agitée. A Bagdad, capitale de l’Islam, le khalifat abbasside, d’obédience sunnite avait été balayé et remplacé par un khalifat bouyide — les descendants (chi’ites) de Buyeh. Le khalifat fatimide de Bizerte, d’obédience chi’ite, avait été repoussé vers le Caire. Et l’Émirat de Cordoue était devenu, à son tour, un khalifat, d’obédience sunnite. Alors vinrent les Turcs seldjoukides – descendants de Seldjuk –, récemment convertis à l’Islam, et qui avaient adopté le sunnisme. En 1055, ils balayèrent le khalifat chi’ite de Bagdad et y restaurèrent un khalifat abbasside sunnite. Commença alors un long épisode de conflits entre Turcs seldjoukides sunnites et Fatimides chi’ites. La Palestine, et la ville de Jérusalem changèrent de mains à plusieurs reprises, et les pèlerinages chrétiens vers le tombeau du Christ devenaient problématiques. Alors le pape Urbain II décida de faire reconquérir par la force le tombeau sacré. Une première expédition, mal préparée et mal conduite, constituée de pauvres gens dépenaillés, se fit anéantir en 1096. Une seconde expédition, faite par des chevaliers, cette fois, et qui arborèrent un signe de ralliement en forme de croix – ils devinrent des « croisés », et l’expédition devint la « croisade » – partit quelques temps plus tard. Godefroy de Bouillon, duc de Lorraine, Robert, duc de Normandie, Raymond, comte de Toulouse, et les Normands de Sicile, sous les ordres de Bohémond, parvenus au but fixé, délivrent Jérusalem en 1099 … et refusent de rentrer en Occident. Après avoir pillé Jérusalem et massacré la plupart de ses habitants, ils décident d’établir quatre principautés dont les principaux chefs seront les princes : en 1097, Baudouin de Boulogne devient comte d’Édesse ; en 1098, Bohémond de Tarente devient prince d’Antioche ; en 1099, Godefroy de Bouillon devient « avoué » de Jérusalem, et son successeur prendra le titre de roi ; en 1102, Raymond de Toulouse s’installe à la tête du comté de Tripoli. Les bases des quatre États latins d’Orient sont jetées. Mais ces mini-royaumes dureront peu : à la fin du XIIIe siècle, ils seront déjà rayés de la carte. La disparition de ces états n’effacera pas le souvenir des horribles massacres perpétrés par les Croisés lors de la prise de Jérusalem, et l’occupation de terres islamiques par des chrétiens, durant un siècle. Une haine tenace creusera un fossé difficilement franchissable entre les deux communautés, chrétienne et musulmane. Bohémond Godefroy de Bouillon Raymond de Toulouse Robert Courte Heuze Jerusalem Constantinople Nicée Edesse Antioche Dorylée Maara ??? Sultanat de Roum La croisade des Barons (1095 - 1099) initiée par Urbain II Distance à vol d'oiseau de Boulogne et Rouen à Jérusalem : environ 6500 km Flandre Normandie Toulousain Sicile
  • 9. (34) 1130, en Italie méridionale (8 p.) Le royaume normand de Sicile L’Italie méridionale était désormais gouvernée par des Normands : l’un des fils de Tancrède de Hauteville (écran 29), Robert Guiscard était duc d’Apulie. Il avait nommé son frère cadet, Roger Bosso, comte de Sicile, avec mission de chasser de l’île les musulmans qui l’occupaient depuis le IXe siècle. Cette mission fut menée à bien en 1096. Mais ce domaine normand était l’objet des convoitises du pape, de l’empereur de Germanie et du basileus de Constantinople. Une sourde hostilité régnait entre tous les protagonistes. Des difficultés successorales multiples dans la famille Hauteville (décès prématuré du fils et du petit-fils de Robert Guiscard) firent de Roger II, fils de Roger Bosso, le souverain unique de l’Apulie et de la Sicile. La montée en puissance de ce Normand fut très mal vue à Rome, où un pape et un antipape coexistaient. Le duc d’Apulie Roger II prit le parti de l’antipape (Anaclet), qui le nomma « roi de Sicile ». Roger II d’Apulie changea sa titulature et devient dès lors Roger Ier de Sicile. Mais il fut excommunié par le vrai pape, Innocent II, réfugié à la cour de l’empereur. Anaclet, décédé, est remplacé par un autre antipape, Victor III. L’empereur de Germanie intervient alors : il descend en Italie méridionale à la tête d’une puissante armée, démet Victor III et réinstalle Innocent II sur le trône de Pierre, ce qui déplaît au roi Roger ! La situation devient si confuse que les quatre parties (le pape, l’antipape, l’empereur et le basileus) estiment urgent de rétablir l’ordre dans la péninsule. Un modus vivendi est alors élaboré. Roger en profite pour envahir l’Afrique du nord, puis tente de prendre la place du basileus sur le trône de Constantinople … La situation finira par se décanter : le pape et le basileus accepteront, en 1158, de reconnaître les droits du roi normand. Le royaume normand de Sicile comprendra alors la Sicile, la Calabre, la Pouille et le duché de Naples. L’empereur Frédéric Barberousse se montrera particulièrement réticent à cette reconnaissance. Mais en 1186, Henri de Hohenstaufen, fils de Barberousse, épousera Constance de Hauteville, la fille du roi normand de Sicile. Au début du XIIe siècle, la famille Hauteville n’ayant plus de représentants mâles, et Constance de Hauteville étant devenue princesse Hohenstaufen, le « royaume normand de Sicile » entrera définitivement dans la sphère germanique, sous le nom de « royaume de Naples ». Ce sera le début de l’agonie du royaume de Naples. Tancrède de Hauteville Robert Guiscard Roger Bosso Roger Borsa Guillaume Roger II
  • 10. (35) 1139, en Péninsule ibérique (8 p.) Naissance du Portugal Au début du XIe siècle (1009), la destitution de l’insignifiant khalife Hisham III entraîna Al Andalus dans la désintégration du monolithique khalifat de Cordoue en une pléiade de mini- royaumes indépendants, les Taïfas, gouvernés par des roitelets autoproclamés, les reies. Une nouvelle dynastie, les Almoravides, venue du Maghreb, ne parvint pas à rétablir l’ordre. Au nord de la péninsule, les chrétiens primitivement cantonnés entre le Douro et la côte septentrionale de la péninsule, baignée par l’Atlantique, avaient réussi à s’étendre tout au long de la chaîne des Pyrénées, jusqu’à déboucher sur la côte méditerranéenne. Cet étirement du royaume des Asturies vit donc la naissance de quatre nouvelles entités géopolitiques : les royaumes de Léon, de Castille, de Navarre et d’Aragon, chacun tentant d’imposer son autorité aux les trois autres ! Cette extension vers l’est avait permis d’établir des contacts avec les grands féodaux francs qui se trouvaient de l’autre côté des Pyrénées. Ceux-ci, au nombre desquel on distingue le comte de Toulouse, pouvaient dès lors entreprendre des pèlerinages vers Saint Jacques de Compostelle, ou participer, à titre individuel, à la Reconquista dont l’idée s’était réveillée dans l’esprit des rois chrétiens, ou encore nouer des alliances matrimoniales flatteuses. C’est ainsi que Henri de Bourgogne, fils du duc régnant Henri, avait épousé Thérèse, la fille du roi de Castille Alphonse VI. Un fils, Alphonse-Henri, juxtaposition des prénoms du grand père paternel et du grand-père maternel, naquit de cette union. Hispanisant ses prénoms, il devint Afonso Enriquez. Le roi de Castille était déjà parvenu à étendre son royaume vers le sud, jusqu’à l’ancienne ville côtière romaine de Portus Callensis, devenue ultérieurement Portucallis. Il avait alors donné ce comté de Portucal en dot à sa fille Thérèse. Devenu comte de Portucal au décès de son père, Afonso Enriquez décide de repousser encore plus au sud les limites de son comté, en tentant de reprendre d’autres terres à l’envahisseur almoravide. Afonso Enriquez l’emporte lors de la bataille de l’Urique, en 1139. Ressuscitant une antique coutume romaine, les troupes d’Enrique, réunies sur le champ de bataille, acclament leur chef comme « roi de Portugal » : un nouveau royaume vient de naître, immédiatement reconnu par les Cortès (Assemblées des Grands) des autres royaumes chrétiens, à l’exception, toutefois, de l’Aragon. Le Tage marquera la frontière méridionale du nouvel état. Ce n’est qu’un siècle plus tard, durant le règne d’Alphonse III (1248 – 1279), que le Portugal terminera son expansion avec le territoire de l’Algarve. En Andalus, les Almoravides ne réussiront pas à rétablir l’ordre. Ils seront remplacés par les Almohades, d’obédience chi’ite. Intransigeants et cruels, ils se feront rapidement détester. La Reconquista trouvera un nouveau souffle, et le royaume de Cordoue ira en rétrécissant, allant jusqu’à ne plus comporter que le petit royaume de Grenade. Après 1262, celui-ci subsistera encore durant deux siècles, mais dans des conditions humiliantes : privé de ressources économiques, il ne survivra qu’en reconnaissant la suzeraineté du roi de Castille. En 1492, ce dernier vestige de la puissance musulmane en péninsule ibérique aura disparu. Tage Lisbonne Algarve Portugal Galice Porto
  • 11. (36) 1152, en Francie (8 p.) Louis VII répudie Aliénor d’Aquitaine Un demi-siècle après l’établissement de princes chrétiens en terres musulmanes, les « États Latins d’Orient » donnaient des signes de faiblesse. Le puissant comté d’Édesse, qui servait en quelque sorte de « marche protectrice » aux trois autres, retomba aux mains des Turcs en 1145. La sécurité du pèlerinage au tombeau du Christ n’était plus assurée. Une seconde croisade fut organisée. Le lugubre roi de Francie Louis VII décida d’y prendre part et d’y entraîner son épouse, la sémillante Aliénor d’Aquitaine. En Terre Sainte, Aliénor se conduit de façon quelque peu provocante. Dès leur retour de croisade, en 1149, les relations se tendent entre le roi et la reine. En 1152, Louis VII, décide de répudier son épouse. Celle-ci se remarie deux mois plus tard avec le duc poitevin Henri Plantagenêt, arrière petit-fils de Guillaume le conquérant, et, en cette qualité, duc de Normandie. Entretemps, en Angleterre, des difficultés avaient surgi épisodiquement, au sein de la dynastie normande, pour la dévolution de la couronne royale d’Angleterre et la couronne ducale de Normandie. Tantôt, les deux couronnes étaient posées sur une même tête, comme tel était le cas d’Henri Beauclerc, quatrième fils du Conquérant, tantôt elles coiffaient deux personnages différents. Tel est précisément le cas en 1152 : le comte de Blois Etienne Henri, petit-fils du Conquérant, est roi d’Angleterre, tandis qu’Henri Plantagenêt, arrière-petit-fils du Conquérant, est duc de Normandie. Mais un nouveau séisme secoue la cour d’Angleterre : Etienne Henri perd son fils unique Eustache en 1153, et reconnaît Henri Plantagenêt comme héritier de la couronne royale anglaise. Mais il meurt, à son tour, en 1154. Le roi de Francie Louis VII, qui a perdu le duché d’Aquitaine en se séparant d’Aliénor, est désormais le suzerain d’un vassal beaucoup plus puissant que lui : Henri Plantagenêt, duc d’Anjou par hérédité, est aussi duc de Normandie en sa qualité d’héritier de Guillaume le Conquérant ; il est devenu duc d’Aquitaine en épousant Aliénor ; et il est maintenant roi d’Angleterre. Les relations entre suzerain et vassal ne pourront qu’être conflictuelles. Et elles le seront, en effet : après plusieurs affrontements d’importance secondaire, une guerre éclatera entre les deux puissances : elle durera cent ans … Ecosse hachures rouges : possessions anglaises . Angleterre Irlande Galles hachures bleues : fiefs mouvant de la couronne. Bleu uni : domaine royal.
  • 12. (37) 1187, en Orient (6 p.) Hattin : vers la fin des États Latins d’Orient A la fin du XIIe siècle, des quatre États Latins créés un siècle plus tôt ne subsistaient que des lambeaux. Édesse était retombée rapidement aux mains des Turcs, et les comtés d’Antioche et de Tripoli n’étaient plus que des « couloirs », étroites bandes de terre côtières qu’empruntaient les « Franji » (chevaliers francs) pour se rendre à Jérusalem. Quant au puissant royaume de Jérusalem, il connaissait, en fin du XIIe siècle, des luttes de palais qui le fragilisaient considérablement. Dans les terres musulmanes, la situation n’est pourtant pas idyllique. Les sunnites de Bagdad et de Damas et les chi’ites du Caire se livrent à une concurrence féroce, qui amoindrit les deux pouvoirs. Un chef de guerre sunnite d’origine kurde, Salah-al-Din (Saladin), entre dans la mêlée, s’empare du Caire, qui bascule dans la mouvance sunnite. Saladin, devenu sultan d’Égypte, voit son appétit territorial croître en même temps que sa puissance. Il envisage de reprendre Jérusalem, mais aussi d’étendre sa domination sur la Syrie et sur l’Irak. Pour ce faire, et pour n’avoir qu’un seul ennemi à combattre à la fois, il signe, de temps à autres, des trêves avec les Franji. C’est l’une de celles-ci qui est rompue en 1186 par l’un des barons de Jérusalem, Renaud de Chatillon, à qui vient l’idée saugrenue de capturer une caravane reliant le Caire à Damas. Saladin voit dans cette rupture de trêve un casus belli. Il rassemble une armée considérable de 30 000 guerriers, dont 12 000 cavaliers. Les Franji ne peuvent lui opposer qu’une armée de 20 000 hommes, dont 1 200 cavaliers. Non content de sa suprématie numérique, Saladin tend un piège dans lequel ses ennemis se précipitent : en ce mois de juillet 1187, où il fait une chaleur écrasante, un simulacre d’attaque entraîne les Franji, cantonnés autour d’un point d’eau, à quitter leur position pour se retrouver en pleine zone désertique. Une bataille sanglante se déroule alors à Hattin, près du Lac de Tibériade. Les 1200 cavaliers chrétiens sont écrasés par les 12 000 cavaliers musulmans, tandis que les fantassins chrétiens, que la soif épuise, ne peuvent résister aux assauts des guerriers musulmans en pleine possession de leurs capacités physiques. La déroute est totale. Le roi de Jérusalem, Guy de Lusignan, est fait prisonnier. En septembre 1187, Saladin entame le siège de Jérusalem, où il entre le 2 octobre. Un coup fatal vient d’être porté aux possessions occidentales dans cette partie du monde musulman. Une troisième croisade, à laquelle participeront le roi d’Angleterre, Richard-Cœur-de- Lion, le roi « de Francie » (bientôt « de France ») Philippe-Auguste et l’empereur de Germanie Frédéric-Barberousse, permettra de reconquérir temporairement la Ville Sainte. Mais à la fin du XIIIe siècle, les « États Latins d’Orient » ne seront plus qu’un souvenir.
  • 13. (38) 1204, à Constantinople (8 p.) La quatrième croisade saccage Constantinople Après les règnes brillants des trois premiers empereurs de la dynastie des Comnène, Alexis (1082 – 1118), Jean II (1118 – 1142) et Manuel (1142 – 1180), de graves luttes intestines ébranlèrent le trône. L’arrivée au pouvoir de la famille des Ange accrut encore les difficultés : Alexis II déposa son frère Isaac et prit sa place. Alexis « le Jeune », fils d’Isaac, se rendit à la cour du roi de Germanie (qui était son beau-frère) pour plaider la cause de son père. Or, en Europe, une quatrième croisade est en cours d’organisation, Jérusalem étant tombée, une nouvelle fois, entre les mains sarrasines. Mais il faut des navires pour le transport maritime des 30 000 candidats à l’expédition. L’Occident, n’en possédant pas, loue, à prix d’or, les navires marchands de la république de Venise. Lors du rendez-vous de départ, seuls 10 000 croisés se présentent, et l’argent à donner au Doge de Venise s’en trouve donc amputé des deux tiers. Le marché ne tient plus, et la situation est bloquée. Alors arrive à Venise Alexis le Jeune qui promet que son père Isaac, s’il est remis sur son trône, paiera l’expédition. Au lieu de faire voile vers la Terre Sainte, les bateaux prennent la direction de Constantinople, provoquant la fureur du pape ! Après quelques semaines de siège, Isaac retrouve son trône, mais il est, peu après, destitué et assassiné, ainsi que son fils Alexis le Jeune, par un empereur autoproclamé, Murzufle, qui refuse de payer la location des navires. Les Croisés décident alors de se payer directement en employant les grands moyens. Ils entrent dans la ville non plus en alliés mais en ennemis, la pillent, violent les femmes, tuent les vieillards et les enfants, et mettent le feu aux quartiers qu’ils occupent … Puis les croisés déposent Murzufle et le remplacent par l’un des leurs, Beaudouin de Flandre. L’empire grec est désormais gouverné par un Latin, qui inaugure ainsi « l’Empire Latin d’Orient ». Immédiatement fractionné en principautés pour satisfaire aux exigences d’autres barons occidentaux qui veulent leur part du gâteau, l’empire latin d’Orient n’aura qu’une existence éphémère : il ne durera qu’un demi-siècle, un grec, Constantin Lascaris rétablissant, en 1261, son autorité sur l’empire grec. Mais les événements de 1204 auront créé l’irréparable entre l’Orient et l’Occident. Les dégâts politiques seront multiples, et le fossé entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe sera désormais infranchissable. Constantinople Venise Damiette Trajet projeté Le Caire La quatrième croisade Jerusalem île de Corfou Zara Trajet réalisé
  • 14. (39) 1215, en Angleterre (10 p.) La monarchie se « constitutionnalise » Le roi de Francie Louis VII, marié pour la troisième fois, eut enfin l’héritier mâle qu’il attendait depuis longtemps : Philippe, le futur Philippe Auguste. Entre temps, son ex-épouse, Aliénor d’Aquitaine, avait donné à son nouveau mari, le roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt, huit enfants, dont Henri et les célèbres Richard (Cœur de Lion) et Jean (sans Terre). Pour une sordide raison familiale, Richard, second héritier dans l’ordre successoral derrière Henri, se révolte contre son père. Philippe Auguste, devenu roi de Francie, trop heureux d’aggraver les difficultés du roi d’Angleterre, se lia d’amitié avec Richard. Le problème, pour le roi de Francie, était en effet le suivant : comment affaiblir le roi d’Angleterre, quel qu’il fut, pour récupérer ses possessions continentales, et notamment la Normandie, le Poitou et l’Aquitaine ? Richard et Philippe partirent donc ensemble pour la troisième croisade, y accompagnant l’empereur germanique Frédéric Barberousse. Mais des circonstances conjuguées (mort d’Henri, frère aîné de Richard et primo-héritier du trône d’Angleterre, puis décès du roi d’Angleterre Henri II) amènent Richard à ceindre la couronne. Il devient aussitôt l’ennemi du roi de Francie, lequel soutint désormais Jean sans Terre, en lutte ouverte contre le roi son frère ! C’est dans cet environnement conflictuel que fut notamment édifiée sur la Seine, à la frontière orientale de la Normandie, la formidable citadelle anglaise de Château-Gaillard. Mais Jean sans Terre devient roi à son tour, en 1199, et la brouille s’installe immédiatement entre Jean et Philippe ! Le niveau conflictuel s’élève encore d’un cran : Jean organise avec la Germanie une coalition destinée à abattre le roi de France. Mais c’est ce dernier qui est le grand vainqueur, à Bouvines, en 1214. Jean sans Terre, battu et humilié, est désormais un roi sans gloire, contesté par les grands barons de son royaume. En 1215, ils obligent le roi à signer la « Grande Charte », qui enlève au souverain une grande partie de ses pouvoirs. Jean n’est plus « roi de droit divin », mais roi par consentement de ses barons. La signature de la Grande Charte souligne un tournant capital de la monarchie anglaise, qui devient « constitutionnelle ». Un document ultérieur, la « Confirmation des Chartes » de 1297, gravera dans le marbre cette orientation définitive donnée par la Grande Charte, laquelle avait déjà été précédée, en 1164, de la « Constitution de Clarendon » allant dans le même sens. Philippe Auguste, grandi après la victoire de Bouvines, et qui a réussi à remettre sous son sceptre l’essentiel des possessions continentales anglaises, verra sa suprématie incontestée sur l’ensemble du royaume. Il cessera d’être le rex Francorum, le roi des Francs, pour porter la titulature nouvelle de Rex Franciae, roi de France. L’ancienne « Francie » sort de l’histoire : elle y est remplacée par « la France ». Note – La photographie ©, ci-dessus, du donjon de Château-Gaillard n’est pas extraite de l’ouvrage « L’Europe médiévale en 50 dates », mais de l’ouvrage « Sentinelles de la Seine en Normandie médiévale », du même auteur. Donjon de Château Gaillard
  • 15. (40) 1236, en Russie (5 p.) Disparition de l’État russe La période de relative prospérité que Vladimir, le Grand Prince de Kiev, avait donnée au vaste territoire qu’il régissait prit fin à sa mort, survenue en 1015. Ses onze fils s’étaient alors partagé l’héritage paternel, et les onze mini-principautés ainsi créées vivaient en situation permanente de conflit larvé. Temporairement réuni à nouveau entre les mains d’Iaroslav Vladimirovitch, l’un des onze héritiers, le domaine se morcela à nouveau lors du Congrès de Lioubetch de 1097, qui définit officiellement le morcellement du royaume en principautés autonomes et héréditaires censée être sous l’autorité suzeraine, mais toute théorique, du Grand Prince de Kiev. Mais la Grande Principauté n’était plus qu’un système économico-politique cloisonné, donc compliqué à gérer, et d’autant plus difficile à défendre que la discorde était, en permanence, installée entre les princes. Cette faiblesse de la Russie fit le jeu des Mongols. Gengis Khan, guerrier asiatique, né en 1155 aux environs du Lac Baïkal, avait réussi à unifier sous son commandement les multiples tribus nomades mongoles. Il conduisit alors une politique d’expansion territoriale vers l’ouest qui, en 1227, l’avait mené sur les bords de la Mer Caspienne. Ses enfants et petits-enfants poursuivirent l’expansion vers l’ouest. L’un d’eux, Batu, à la tête d’une puissante armée de cavaliers (le chiffre de 150 000 fut avancé, mais sans qu’une confirmation puisse en être donnée), franchit la Volga gelée et pénétra dans les principautés russes. En 1237, il était à Riazan. En 1238, il pilla et incendia les villes de Moscou et de Vladimir. Seule, Novgorod échappa au désastre. En 1241, poursuivent leur avance et sont aux portes de Vienne. Batu fonde alors le Khanat de la Horde d’Or, qui s’étend de la Mer Noire au fleuve Ienisseï, et incluant les régions de Kiev, de Moscou et de Kazan … La suprématie de la Horde d’Or durera jusqu’en 1380, date à laquelle le sinistre chef tartare Tamerlan, cruel et incompétent, fera éclater le khanat en plusieurs principautés (Kazan, Astrakan, Crimée … En 1462, Ivan III le Grand, Grand Prince de Moscou, rassemblera sous son autorité tous les territoires russes. Il deviendra alors « Grand Prince de Toutes les Russie » (Grande Russie, Biélorussie, Russie Blanche …). Et c’est en 1547 qu’Ivan IV le Terrible érigera cet ensemble au niveau d’un empire, prenant alors la titulature de « Tsar de Toutes les Russies ». Volga Dniepr Caspienne Mer Noire Kiev Moscou Riazan Kazan Ienisseï Ob Altaï La Horde d'Or Lac BalkachAral Le khanat de la Horde d'Or de Kiev au fleuve Ienisseï Corée
  • 16. (41) 1245, dans le Saint Empire (14 p.) La lutte du Sacerdoce et de l’Empire L’histoire du Saint Empire, en cette période critique, est dominée par la lutte acharnée que se font le pape et l’empereur, chacun ayant un parti qui lui est favorable : les Guelfes (Welfs) étant du côté du pape, et les Gibelins (Waiblingen) étant du côté de l’empereur. Les origines de ce conflit sont détaillées dans les huit premières pages de ce chapitre, qu’il est impossible de résumer ici en quelques lignes. Nous sommes donc un peu avant 1245. Les protagonistes du moment sont Frédéric de Hohenstaufen, roi de Sicile et empereur de Germanie, et Honorius, pape. Le pape se dit premier représentant de Dieu sur terre, et, par conséquent, seul habilité à choisir et couronner l’empereur d’Allemagne, second représentant de Dieu sur terre. L’empereur, de son côté, est la concrétisation de la théorie des « deux corps du roi (*)», l’un mortel et donc éphémère, et l’autre immortel, car se réincarnant immédiatement dans le souverain suivant, selon la volonté de Dieu. Partant de ce principe, l’empereur, souverain de droit divin, est seul habilité à nommer le pape et les évêques. La querelle des investitures, qui a fait rage lors de l’épisode de Canossa en 1077, est plus que jamais d’actualité. « Le Sacerdoce et l’Empire » sont donc deux puissances antagonistes. Se greffe, là-dessus, le refus de Frédéric de participer à la sixième croisade organisée par Grégoire IX, qui a succédé à Honorius. L’empereur, qui avait fait vœu, en 1220, de participer à une éventuelle expédition en Terre Sainte, invoque, pour ne pas partir, des difficultés d’ordre interne à l’Empire. Grégoire IX ne tient pas compte de ces considérations et excommunie l’empereur en 1227. Celui-ci consent enfin à se croiser, offrant ainsi le spectacle étrange d’un empereur excommunié prenant la tête d’une armée de chevaliers chrétiens ! L’excommunication est levée. Mais d’autres frictions amènent le pape Innocent IV, qui a succédé à Grégoire IX, à excommunier à nouveau l’empereur en 1241, puis à le destituer en 1245. La lutte entre les deux autorités devient tragique. Le pape désigne des anti empereurs, Henri Raspe de Thuringe, puis Guillaume de Hollande, lesquels « co-règnent » avec Frédéric refusant de reconnaître son éviction. De 1250, date de la mort de Frédéric, à 1273, la Germanie vivra dans ce que l’histoire nomme « le Grand Interrègne ». Les duchés (Saxe, Souabe, Bavière …) deviendront des quasi royaumes indépendants, tandis que les villes italiennes tenteront de reprendre leur liberté. C’est l’arrivée au pouvoir de Rodolphe de Habsbourg, inaugurant une nouvelle dynastie, qui mettra fin à cette longue période de désordre. (*) Théorie exposée par Ernst Kantorowicz dans son ouvrage « L’empereur Frédéric II ».
  • 17. (42) 1291, en Orient (6 p.) Fin du Royaume latin de Jérusalem En 1228, Frédéric II de Hohenstaufen, « empereur d’Occident, roi de Germanie, roi de Bourgogne, roi d’Italie et roi de Sicile », enfin parti en Terre Sainte, avait obtenu du sultan d’Égypte, par une savante négociation, la restitution de Jérusalem. Il en avait profité pour ajouter, à toutes les titulatures qu’il possédait déjà, celle de « Roi de Jérusalem ». Mais en 1244, la ville était à nouveau aux mains des Sarrasins. C’est la ville d’Acre qui devint alors la capitale du « royaume de Jérusalem ». Une septième croisade fut lancée par le pape Innocent IV. Frédéric II, excommunié pour la seconde fois, refusa d’y participer. C’est le roi de France Louis IX (le futur saint Louis) qui en prit la tête avec, pour objectif, la prise du Caire qu’il rétrocéderait ensuite en échange de Jérusalem. En 1247, le roi de France débarqua à Damiette, à quelques kilomètres du Caire, mais ne put aller plus loin : à l’issue d’une sévère bataille contre les Égyptiens, Louis IX fut fait prisonnier, et ne fut libéré qu’en 1251, après versement d’une énorme rançon qui vida les coffres du royaume de France. Resté seul sur le sol africain où il s’ingéniait à consolider du mieux qu’il le pouvait les défenses de la forteresse d’Acre, Louis IX apprit, en 1254, le décès de sa mère, la reine Blanche du Castille, à qui il avait confié la régence du royaume durant son absence. Le roi précipita son retour en France. La septième croisade était, à nouveau, un échec ! En 1264, une huitième croisade fut lancée par le nouveau pape Urbain IV. Louis IX repartit, en direction de Tunis, cette fois, avec une curieuse stratégie : convertir l’émir de Tunis qui, devenant alors l’allié du roi de France, l’aiderait à s’emparer de Jérusalem ! L’émir ne se convertit point, et Louis IX mourut, frappé par la peste, dans les faubourgs de Tunis. La huitième croisade était, encore, un échec. Il n’y en eut plus d’autre. Entretemps, une ethnie pauvre, les Mamelucks, avait fait son apparition au Moyen-Orient. L’un de ses chefs, Baïbars, à l’issue d’un coup de force, parvient à devenir sultan d’Égypte. Il a une idée fixe : supprimer le royaume de Jérusalem, et mettre un terme à la présence des Francs au Moyen Orient. C’est son fils et successeur, Saïd Berké, qui mène à bien le projet : en avril 1291, il entame le siège d’Acre qui, en proie aux incessantes mais habituelles luttes d’influence entre ses défenseurs, tombe entre ses mains le 18 mai. C’en est fini du royaume latin, et de la présence chrétienne au moyen Orient. N’ayant plus rien à défendre, les ordres religieux militaires, Templiers, Hospitaliers et Chevaliers Teutoniques, créés à cette fin un siècle plus tôt, rentrent en Europe. L’ordre des Templiers est dissous peu après, par Philippe IV le Bel et le pape. Les deux autres subsisteront. Aigues Mortes Marseille Chypre JérusalemLes croisades avortées de Saint Louis 7 ° 8 °
  • 18. (43) 1309, au Saint Siège (8 p.) Vers le Grand Schisme d’Occident Du côté de la Germanie, des questions doctrinales empoisonnaient les relations entre le pape et l’empereur. Du côté de la France, c’étaient de sordides questions d’argent qui empoisonnaient les relations du pape et du roi Philippe IV le Bel. Le roi ne pouvait plus se contenter du service féodal d’ost, qui ne lui procurait des soldats qu’à titre temporaire, mais souhaitait disposer d’une armée de métier … qu’il fallait payer ! D’où l’institution d’un lourd impôt frappant toutes les classes aisées de la société, y compris les ecclésiastiques. Le pape s’opposa à cette imposition des clercs. Le roi réunit à Lyon un synode qui démit le pape. Celui-ci excommunia le roi ! Un envoyé du roi alla voir le pape pour demander la levée de l’excommunication. Le pape refusa. L’envoyé molesta le pape, qui mourut d’une crise cardiaque. Ce fut « l’attentat d’Anagni » (1303). Il fallut désigner un nouveau pontife. Benoît XI fut élu. Il mourut, en 1304, d’une indigestion de figues. La vacance du trône pontifical dura cinq ans. En 1309, le roi réussit à imposer l’élection d’un prélat français, Clément V, qui refusa de s’installer à Rome, où s’était déplacée la grande querelle des Guelfes et des Gibelins. Il choisit « temporairement » Avignon, ville appartenant au roi de Naples. La guerre Guelfes - Gibelins durant plus longtemps qu’escompté, la papauté resta en Avignon jusqu’en 1375. En 1378, Grégoire XI décédé est remplacé par Urbain VI, que reconnaissent l’Italie, l’Angleterre, le Saint Empire, la Pologne et la Hongrie. Quelques semaines plus tard, les cardinaux français, mécontents de ce choix, organisent une seconde élection, qui désigne Clément VII. Cet antipape, reconnu par la France, la Castille, l’Aragon, le Portugal, l’Écosse et le royaume de Sicile, ne peut siéger dans la même ville que le pape. Il rouvre donc le palais d’Avignon. La chrétienté est désormais gouvernée par deux pontifes : c’est le début du Grand Schisme d’Occident. Il durera quarante ans, avant de se terminer en farce : l’Église ne pouvant tolérer une dualité de pontifes, un concile se réunira en 1409, destituant les deux papes existants, Grégoire XII et Benoît XIII, et en élisant un nouveau, Alexandre V. Mais aucun des deux premiers n’acceptant leur destitution, l’Église, durant une dizaine d’années, ne sera plus gérée par deux papes, mais par trois ! Ce n’est qu’en 1417 qu’un conclave, réuni à Rome, élira Martin V, mettant enfin un terme à cette aventure. Boniface VIII Benoît XI Clément V Jean XXII Benoît XII Clément VI Innocent VI Urbain V Grégire XI Urbain VI Clément VII Benoît XIII 1394-1417 1300 Boniface IX 1389-1404 Innoct VII 1404-1406 Martin V Jean XXIII 1410-1417 Alex. V 1409-1410 en Avignon à Rome 1378 1431 ci-dessous,en rose : le grand schisme d'Occident de 1378 à 1417 Grég. XII 1406-1417 1400
  • 19. (44) 1346, en France (12 p.) Le début d’une longue guerre En Angleterre, les différents successeurs de Jean sans Terre (Henri III, Édouard Ier, Édouard II) ne cessaient de déplorer que leur possession aquitaine, autrefois opulente, fût réduite à la portion congrue. Mais de nombreuses difficultés à l’intérieur du royaume (lutte contre les Écossais, situation financière catastrophique, révolte des barons, difficultés matrimoniales consécutives à l’homosexualité d’Édouard II …) fixaient ailleurs l’essentiel de leur attention. Ce ne fut plus le cas du jeune Édouard III, fils d’Édouard II et d’Isabelle, donc petit-fils du roi de France Philippe IV le Bel. Il forma le projet de reconquérir l’Aquitaine dans sa totalité, telle qu’Éléonore l’avait apportée en dot à Henri Plantagenêt en 1152. Or, en France, la malédiction de Jacques de Molay, grand maître de l’ordre du Temple, mort sur le bûcher sur ordre de Philippe le Bel, semblait se réaliser : après les décès de Louis X le Hutin et de Philippe V le Long, le dernier fils de Philippe IV, Charles IV, mourut sans héritier mâle en 1328. Deux prétendants étaient sur les rangs : Philippe de Valois, cousin germain du roi défunt, et Édouard III, petit-fils de Philippe le Bel. Le Valois fut choisi. Édouard ne se tint pas pour battu, et résolut de faire valoir, quand l’occasion s’en présenterait, ses droits sur la couronne de France, ce qui lui permettrait, en outre, de rétablir son autorité sur le bien de ses ancêtres, l’Aquitaine, terre que Philippe VI continuait de grignoter petit à petit, au fil de diverses interventions armées. En 1346, suite à un désaccord particulièrement violent entre les deux souverains, Édouard débarque dans le Cotentin, à Saint Vaast la Hougue, et entame une « chevauchée » de pillage qui l’enrichit au-delà de ses espoirs (tracé vert). Évitant Paris, il remonte vers le nord et décide de regagner l’Angleterre via l’un des deux ports proches de la côte anglaise, Calais ou Boulogne. Philippe VI, qui a réuni en urgence une troupe armée, l’intercepte. La rencontre a lieu à Crécy en Ponthieu. C’est un désastre pour la chevalerie française. Édouard III s’empare ensuite de Calais, qu’il transforme en colonie de peuplement, en disant : « elle est la clé et la serrure pour nous ouvrir la France » . La Guerre de Cent Ans vient de commencer. Elle verra se multiplier les « chevauchées » anglaises dévastant le territoire et y installant une psychose d’insécurité. Toulouse 1355 Prince Noir 1356 Prince Noir 1373 Lancastre 1370 Knowles 1380 Buckingham 1346 Edward III 1359 Edward III Paris Calais Nantes Bordeaux Saint Vast la Hougue Les principales chevauchées anglaises au XIV°siècle
  • 20. (45) 1347, en Europe (8 p.) La Peste Noire Au milieu du XIVe siècle, les Mongols de la Horde d’Or étaient en conflit ouvert avec les commerçants italiens, génois en majorité, qui avaient établi à Caffa, en Crimée, des comptoirs commerciaux d’où ils faisaient entrer des marchandises orientales qu’ils revendaient ensuite à l’Europe. Or, vers 1330, un virus de peste apparut en Asie, dans la région du Lac Baïkal. Il y fit des millions de morts. Les Mongols de la Horde d’Or, qui étaient restés en relations commerciales avec l’Asie, n’échappèrent pas à la maladie et eurent, eux aussi, de nombreux décès. Ils en profitèrent pour inventer une nouvelle arme de guerre : envoyant, à coups de balistes, leurs morts contaminés dans la ville qu’ils assiégeaient, ils en contaminèrent les défenseurs. Les deux partis, ainsi affaiblis, signent, en 1347, un cessez-le-feu, permettant aux navires génois de quitter le port de Caffa. Les navires cabotent en Europe, de port en port : Naples, Gènes, Marseille, Barcelone, Valence… Mais en y débarquant leurs marchandises, ils débarquent en même temps le virus de la peste, que transportent sur eux les rats ayant trouvé asile dans les cales des bateaux. Chaque port visité devient un foyer d’épidémie. La peste se développe alors avec une rapidité foudroyante. En 1348, elle s’étend à la partie orientale de l’Espagne, à la moitié méridionale de la France, à l’Italie et la Grèce. En 1349, la France entière, l’Allemagne et l’Autriche sont atteintes. En 1350, c’est une majeure partie de l’Europe qui est concernée par le fléau, à l’exception de quelques zones qui en sont épargnées. Jean Froissart, chroniqueur de l’époque et contemporain de l’événement, évalue les victimes au tiers de la population européenne. Les Français passent de vingt à treize millions d’habitants, et les Anglais de sept à deux millions. Cette dépopulation dramatique entraîne une rareté de la main d’œuvre, et donc sa cherté. C’est le recul de la production et la ruine de l’agriculture, les terres agricoles, non travaillées, tombant en jachère. A la fin de la catastrophe, l’Europe aura, en cinq ans, régressé d’un siècle sur le plan économique … ce qui n’empêche pas la Guerre de Cent Ans de se poursuivre … La conjonction des deux événements laissera la France exsangue. Caffa Messine Gênes Marseille Barcelone Constantinople Le trajet des navires importateurs de la peste noire de Caffa à Valence Valence Naples 1348 1349 1350 En hachures vertes : zones plus ou moins épargnées par la Peste noire.
  • 21. (46) 1356, dans le Saint-Empire (13 p.) La Bulle d’Or Après la déposition de Frédéric II de Hohenstaufen, en 1245, la Germanie était entrée dans une zone de fortes turbulences. Le fils de l’empereur, Conrad, du parti gibelin, vit s’élever contre lui un anti roi, Guillaume, comte de Hollande, guelfe imposé par le pape. Les barons en profitèrent pour s’émanciper de la main de fer centralisatrice des Hohenstaufen et en revenir au système féodal. En 1256, une nouvelle difficulté s’éleva pour la désignation d’un successeur. Il n’y avait plus de représentants de la « race royale ». Il fallut élire un « roi des Romains » (empereur putatif) sur son mérite. Sept « grands Électeurs » désignèrent Richard de Cornouailles, frère du roi d’Angleterre. Mais Richard, sitôt élu, vit s’élever devant lui Alphonse de Castille. L’un et l’autre se souciaient d’ailleurs davantage de leurs pays d’origine que de l’Allemagne dont ils étaient les deux « co-souverains » ! Ce fut, dans cet intervalle de vingt ans ((1254 – 1273) « le Grand Interrègne », auquel mit fin l’élection à l’empire d’un représentant de petite noblesse, un « petit comte », Rodolphe de Habsbourg (1273 – 1291). Lui succédèrent un autre « petit comte », Adolphe de Nassau (1292 – 1298), Albert de Habsbourg (1298 – 1308), Henri de Luxembourg (1308 – 1313), enfin Louis IV de Bavière (1314 – 1346). Toutes ces élections se faisaient tantôt avec l’aval du pape, tantôt contre sa volonté, ce qui déclenchait les foudres pontificales, voire des excommunications (cas de Louis IV de Bavière) … Le pape était ainsi revenu au centre du jeu politique intérieur de l’Empire, ce qui incommoda fortement les Grands de Germanie. En 1356, le nouvel empereur Charles IV, roi de Bohême, veut mettre de l’ordre dans cet acte majeur – à ses yeux – que représente, pour la Germanie en particulier, et pour le monde chrétien en général, l’élection de l’empereur d’Occident. Il promulgue le Kaisersliches Rechtsbuch (le livre des règles du droit impérial) qui grave dans le marbre les plus petits détails de l’opération élective : nombre de Grands Électeurs (sept, dont trois prélats, les archevêques de Trêves, Cologne et Mayence, et le roi de Bohême, le duc de Saxe, le comte Palatin et le duc de Bavière), ordre de préséance, date et lieu de l’élection, ordre de dépôt du bulletin dans l’urne, nom du scrutateur …). Ce document est rapidement appelé la Bulle d’Or, eu égard au sceau doré qui ferme le parchemin (>>>>>). L’un des points majeurs de ce document est l’absence de mention du pape, qui n’est, désormais, plus rien dans le choix et l’élection impériale, et n’a plus que le rôle protocolaire de poser sur la tête de l’empereur l’insigne de sa nouvelle dignité. La Germanie, désormais prémunie (en principe) contre la pagaille qu’elle connaissait à chaque changement de souverain, est en route vers la stabilité de la plus importante de ses institutions.
  • 22. (47) 1415, en France (8 p.) Le désastre d’Azincourt En 1392, à la suite d’un accident de chasse, le brillant roi de France Charles VI était malheureusement devenu Charles VI « le Fol ». Il était devenu incapable de gouverner. Deux princes du sang se disputèrent la place de conseiller du roi : Louis, duc d’Orléans, soutenu par la puissante famille d’Armagnac, et Jean sans Peur, duc de Bourgogne, l’un des plus puissants barons du royaume. Le second assassina le premier. Cet acte marqua le début de la guerre civile opposant « les Armagnac » et « les Bourguignons ». En Angleterre, le roi Richard II, âgé de 29 ans, avait épousé la toute jeune (7 ans) Isabelle, fille de Charles VI. La lutte entre l’Angleterre et la France connut un moment de répit. Mais Richard II, le dernier des Plantagenêt, perdit son trône en 1399, déposé par Henri de Lancastre, qui régna sous le nom d’Henri V. Le nouveau roi reprit alors à son compte le vieux rêve d’Édouard III : récupérer l’Aquitaine et, accessoirement, monter sur le trône de France. Mais Henri fit le raisonnement inverse : devenir roi de France, ce qui lui permettrait de remettre l’Aquitaine sous son autorité. Pour bien montrer sa détermination il commença par écarteler ses armes, qui se lirent alors : « en 1 et 4 d’azur à trois fleurs de lys d’or, et en 2 et 3 de gueules à trois léopards d’or ». Voir, à ce sujet, dans la partie de ce site consacrée à l’ouvrage « Sentinelles de la Seine en Normandie médiévale » l’écran proposant quelques notions d’héraldique. En 1415, Henri met son projet à exécution. Il débarque à Harfleur, petit port normand situé sur l’estuaire de la Seine. Charles VI, dans un instant de lucidité, rassemble une puissante armée, à laquelle se joignent de nombreux de chevaliers du parti armagnac, et quelques chevaliers du parti bourguignon. Les circonstances tactiques font que la rencontre se produit à Azincourt, à trente kilomètres du funeste champ de bataille de Crécy. Et comme à Crécy en 1346, la chevalerie française est écrasée. Les Armagnac ont perdu l’essentiel de leurs forces. Les Bourguignons sortent presque indemnes de l’aventure. Devenus tout puissants, ils occupent Paris, signent la paix avec l’Angleterre et convainquent Charles le Fol de signer l’ignominieux traité de Troyes, aux termes duquel la couronne de France, à la mort de Charles, ira au roi d’Angleterre. Les deux rois meurent en 1422, à quelques jours d’intervalle. Le nouveau roi d’Angleterre n’a que 9 mois. La France est donc administrée par le duc de Bedford, en attendant que le petit roi soit en âge de régner. Le dauphin Charles, fils de Charles VI le Fol, a réussi à fuir Paris et à se réfugier dans le centre de la France. Le futur Charles VII y est, pour l’instant, le « Petit Roi de Bourges ». C’est là qu’en 1429 Jehanne d’Arc ira le persuader de reprendre la lutte avec confiance. La Guerre de Cent Ans prendra fin le 17 juillet 1453, après la victoire française de Formigny. En Angleterre, le roi Henri VI, petit-fils du roi de France Charles le Fol, deviendra fou comme son grand-père maternel. Il sera déposé en 1461, et l’Angleterre entrera alors dans la « Guerre des Deux Roses », à la suite de laquelle les Tudor succéderont aux Lancastre.
  • 23. (48) 1453, à Constantinople (10 p.) La fin de l’Empire grec L’empire latin de Constantinople, à peine créé, avait été morcelé pour satisfaire les appétits des uns et des autres, et n’avait duré qu’un demi-siècle, parce que géré en dépit du bon sens par Beaudouin Ier et ses successeurs. Les sujets grecs s’étaient révoltés. Un général grec, Michel Paléologue, avait alors repris Constantinople intra-muros et avait réussi à replacer sous son autorité une partie – et une partie seulement – des anciens territoires impériaux. Mais deux cents ans plus tard, la dynastie Paléologue avait vu fondre, à nouveau, un empire appauvri, affaibli et entouré d’ennemis qui le grignotaient peu à peu. L’un des plus dangereux de ces ennemis est le sultanat turc établi en Anatolie, (le « Sultanat de Roum ») qui connaissait, lui aussi, quelques difficultés. En 1425, une intervention malencontreuse de l’empereur Jean VIII Paléologue dans les affaires intérieures turques provoque la fureur du sultan Mourad. Celui-ci décide de rayer l’empire grec du paysage géopolitique. Jean VIII, qui ne règne pratiquement plus que sur la cité de Constantinople et quelques petits territoires annexes, prend peur et demande l’appui des puissances européennes. La France et l’Angleterre, trop prises par leur guerre de Cent ans, et le Saint Empire, en proie à des difficultés intérieures, se récusent. Seules, de maigres troupes de Polonais, de Hongrois et de Serbes viennent participer, en 1444, à la défense de l’empire, du moins de ce qu’il en reste. Une première bataille se termine, cette année-là, par la victoire des Janissaires turcs. En 1451, Mehmet succède à son père Mourad, décédé, et décide de poursuivre l’œuvre entamée. Il rassemble une puissante armée de 80 000 hommes, dont 20 000 Bachi-Bouzouks (qui ne sont donc pas une invention d’Hergé dans les insultes du Capitaine Haddock, mais de redoutables cavaliers mercenaires !). Constantin, qui a succédé à son frère Jean VIII décédé, ne peut opposer que de maigres troupes dont le moral est au plus bas. L’assaut est donné le 28 mai 1453. Le lendemain, les Turcs découvrent une faille dans la défense de la ville (une poterne ouverte). Ils s’y engouffrent. Quelques heures plus tard, Mehmet fait hisser le drapeau ottoman sur le palais impérial des Blachernes, transforme l’opulente cathédrale Sainte Sophie en mosquée et y installe un muezzin qui appelle les musulmans à la prière. L’empire grec, qui n’existait plus que dans la fiction d’une « ville empire », a définitivement cessé d’exister. Constantinople devient la capitale de l’empire ottoman qui perdurera cinq siècles. En 1923, sous l’impulsion de Kemal Atatürk, il deviendra la « République de Turquie ». Peu après, la ville elle-même, dont le nom s’est contracté pour s’appeler Istanbul, perdra sa fonction de capitale d’empire au profit d’Ankara. Vienne Le Caire Mer Noire L'Empire ottoman
  • 24. (49) 1492, en Péninsule ibérique (9 p.) Fin de la Reconquista A la fin du XVe siècle, la péninsule ibérique est divisée en cinq entités politiques : la Castille, qui s’étend sur les deux tiers de la péninsule ; le Portugal, dont la frontière terrestre avec la Castille est désormais figée, et qui porte son regard vers le grand large ; le royaume d’Aragon ; le petit royaume de Navarre, dont le rôle géopolitique dans la région est peu important, et qui est cité ici pour mémoire ; enfin, l’Émirat de Grenade (en vert sur la carte), dernier vestige de la présence musulmane. La Castille sort de deux siècles d’une histoire dynastique compliquée, où les luttes pour la couronne avaient fait régner une certaine anarchie. La Reconquista avait donc marqué le pas durant ces deux siècles. En 1474, le roi Henri IV l’Impuissant décède sans autre héritier(e) qu’une fille jugée, à tort ou à raison, adultérine. Les Cortès reconnaissent alors la jeune Isabelle (21 ans), sœur cadette du roi, comme roi de Castille. Quatre ans auparavant, elle avait épousé son cousin germain, l’Infant Ferdinand d’Aragon. A Grenade, durant les deux siècles où la Reconquista avait été mise entre parenthèses par les catholiques, la disparition des reies de Taïfas avait amené à l’érection du territoire en émirat. Mais il vivotait tant bien que mal auprès de ses deux puissants voisins castillans et aragonais, toujours opposés par des rivalités stériles. Les choses se gâtent pour Grenade, en 1470, lorsqu’Isabelle, roi de Castille, épouse l’infant Ferdinand. Les deux royaumes, jusqu’ici rivaux, font désormais bloc. Les choses se gâtent encore plus en 1479, lorsque l’Infant Ferdinand devient Ferdinand II, roi d’Aragon. En 1490, les « deux rois » (los reies : car si Isabelle est reine d’Aragon par son mariage, elle est roi de Castille de son état) décident de mettre un point final à la présence musulmane. La Reconquista reprend son avancée. Plusieurs villes (Malaga, Almeria, Cadix …) tombent rapidement entre leurs mains. En avril 1491, les deux rois entament le siège de Grenade. Après six mois de résistance, l’émir Boabdil signe l’acte de reddition le 25 novembre. Le 2 janvier 1492, les « rois catholiques » font leur entrée dans la ville. La Reconquista est terminée. Et cette année 1492 marque, pour les historiens, la sortie du Moyen-âge et l’entrée dans la Renaissance. La « Sainte Inquisition », qui avait été mise en sommeil après la disparition de l’hérésie cathare en France, sera réintroduite en Espagne sous le nom de « Saint-Office ». Le redoutable moine Tomas de Torquemada s’y illustrera de manière particulièrement sévère. De nombreux musulmans (on a évoqué le nombre de 9 000) périront sur le bûcher. Les autres auront le choix entre le départ au Maghreb et la conversion au catholicisme. Ceux, les plus nombreux, qui opteront pour la seconde solution, seront les « Morissos ». Ils seront, de toute façon, expulsés en 1609. Les juifs ne seront guère mieux traités : le même choix leur sera proposé. Quelques uns se convertiront : ils seront les « Marranos » (les porcs, en vieil espagnol). Tous les autres s’exileront en Italie, au Portugal, au Maroc ou en Turquie. Ils seront les Sefardim : les Sépharades (de S’Farad = l’Espagne, en langue hébraïque). Lisbonne Emirat de Grenade Portugal Castille Grenade Aragon Navarre Caspe Barcelone Séville Léon Valence Lisbonne France
  • 25. (50) 1500, en Europe (10 p.) L’Europe à l’aube de la Renaissance Ce dernier chapitre de l’ouvrage propose un bref aperçu du proche avenir de chacun des principaux états évoqués antérieurement, qu’ils fussent anciens et touchant, pour certains, à l’Antiquité (l’Italie, la Gaule …), ou récents, et ayant émergé au cours de ce millénaire médiéval, y compris le tout jeune Empire Ottoman. Ces quelques évocations concernent, « dans l’ordre de leur apparition à l’écran », selon la formule consacrée : L’Italie, qui deviendra un intense foyer d’effervescence intellectuelle (Machiavel, l’Arioste, Michel-Ange, Léonard de Vinci …). La Germanie et le Saint-Empire, au sein duquel sera enfin autorisée en 1499, la création de la Confédération des Huit Cantons, ancêtre de la Confédération helvétique. L’Angleterre, qui connaîtra le faste de la « période élisabéthaine ». La France, qui se mettra à l’heure de la Renaissance et où les châteaux de ce style si particulier y seront légion. De la Péninsule ibérique, Espagnols et Portugais prendront le large, grâce, peut-être, à une invention allemande (le globe terrestre de Martin Behaim), et y développeront un immense empire ultramarin. En Scandinavie, en 1623, la « Kalmarunionen », alors réunie sous un seul sceptre hégémonique, celui de Margaretha de Danemark, verra l’éclosion de trois nations distinctes (Norvège, Suède, Danemark). La Papauté, où les excès de certains de ses papes, les Borgia en particulier, entraîneront les moines Luther et Calvin à prendre une voie quelque peu différente : le protestantisme. En Russie, Yvan IV le Terrible rassemblera de nombreux territoires dans sa main de fer, et prendra le titre de « Tsar de Toutes les Russies ». Enfin, l’empire Ottoman, dernier né de la période médiévale, (Suisse, Norvège, Suède et Danemark ayant vu le jour au cours de la période suivante) connaîtra les règnes somptueux de Sélim Ier et de Soliman II le Magnifique. L’Europe sera désormais lancée dans une tout autre Histoire, peuplée de multiples combats fratricides, avant de se réunir, à nouveau, au milieu du XXe siècle, sous l’impulsion d’une poignée d’hommes de génie français et allemands.