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VERS UN URBANISME PARTICIPATIF AUGMENTE ?
         Apports et limites des dispositifs socio-techniques intégrant des
          supports numériques de représentation 3D dans le processus
                      de participation citoyenne en urbanisme




Mémoire de Master 2 « Aménagement et Territoire » spécialité « Opérateurs et managers urbains »
Parcours « Ville Numérique » _ Institut Français d’Urbanisme – Université de Marne-La-Vallée.

Octobre 2011, Alexina Fornasari, sous la direction de Valérie Aillaud.
RESUME
         Ce mémoire propose de revisiter la question de l’utilisation des techniques de communication et
de représentation dans le dialogue sur la ville. L’hypothèse que nous posons est que les technologies
numériques de communication et d’information (TNIC) couplées à l’imagerie 3D permettent
d’augmenter tant en intensité qu’en étendue la participation citoyenne en urbanisme. Avant de vérifier
cette hypothèse nous avons cherché à établir quel(s) sens recouvrait la participation citoyenne en
urbanisme. Notre objet d’étude n’est pas la démocratie électronique mais bien les interactions entre les
différents acteurs de la ville permises par les TNIC. Cette question n’a pas, à notre connaissance, été
étudiée, excepté dans le cadre d’expérimentations. Nous avons donc emprunté la voie empirique en
comparant une dizaine d’expérimentations en Europe et aux Etats-Unis ayant mis en œuvre un
dispositif numérique de communication accompagné par une représentation 3D du projet urbain. Afin
d’analyser les influences réciproques entre les techniques conçues et utilisées et les relations sociales
et politiques, nous avons employé une méthode et un concept développé par les sociologues de
l’innovation à savoir les dispositifs socio-techniques. Après cette approche holistique, nous nous
sommes recentrés sur notre sujet et avons tenté de répondre à notre hypothèse en isolant des
caractéristiques techniques et des conditions d’utilisation pour une augmentation de la participation
citoyenne en urbanisme via les TNIC et la 3D.
REMERCIEMENT
         Avant de débuter ce mémoire, je tiens à exprimer toute ma reconnaissance aux personnes qui
m’ont apporté leur aide pour ce travail et qui tout au long de ma formation à l’Institut Français
d’Urbanisme m’ont permis de me préparer aux défis que suppose l’évolution des métiers de
l’urbanisme.

         Je tiens, tout d’abord, à exprimer toute ma gratitude à Madame Valérie Aillaud, comme
responsable du Parcours Ville Numérique et directrice de ce mémoire, pour sa confiance et son soutien,
et pour les opportunités de professionnalisation qu’elle m’a apportée.

        Je remercie tout particulièrement, Monsieur Loïc Haÿ, comme maître de stage, professeur du
Parcours « Ville numérique » et instigateur de ce mémoire, pour m’avoir communiqué sa passion, et
partagé sans condition ses connaissances, ses outils et ses méthodes de travail.

       Je tiens également à citer Madame Nadia Arab, professeur du Master, qui m’a fait connaître
Madeleine Akrich et les sociologues de l’innovation et dont la contribution indirecte à ce mémoire s’est
avérée essentielle à sa réalisation.

         J’adresse enfin mes sincères remerciements à l’ensemble des professionnels qui m’ont prêtée
de leur temps pour répondre à mes questions.
Vers un urbanisme participatif augmenté ?

Sommaire
          RESUME..................................................................................................................................... 2

          REMERCIEMENT ....................................................................................................................... 3

          1.      INTRODUCTION : LES QUESTIONS D’HIER RESTENT CELLES DE DEMAIN .............. 6

          2.      LA PARTICIPATION CITOYENNE, GLISSEMENT DE PARADIGME ? ............................ 8

               2.1.       Naissance de la participation : des luttes urbaines à l’institutionnalisation ................ 8

               2.2.       Le dialogue urbain, objet technique, politique et social à identifier .......................... 10
     2.2.1. Les premières techniques de dialogue urbain indirect                                                                             10
     2.2.2. La nécessité du dialogue, de la relation de pouvoir à la relation de partage                                                     10

               2.3.       Les technologies numériques, accompagnatrices du glissement de paradigme ? .. 13

      3.          LES DISPOSITIFS SOCIO-TECHNIQUES, QUELS EFFETS SUR LE DIALOGUE
URBAIN ?          ……………………………………………………………………………………………………...14

               3.1.       Qu’est-ce qu’un dispositif socio-technique ?............................................................ 14

               3.2.       Les dispositifs, prescripteurs des formes de participation........................................ 15
     3.2.1. Conditions et moyens pour l’émergence du dialogue                                                                                15
     3.2.2. Dispositifs de dialogue, mais lequel ?                                                                                           21
     3.2.4. Le dialogue urbain, créateur du projet urbain                                                                                    25

               3.3.       L’influence des concepteurs sur la nature du dialogue ............................................ 29
     3.3.1. Le concepteur du projet urbain détermine le dialogue sans y être impliqué           29
     3.3.2. Intégration des objets numériques dans les dispositifs de participation, révélateur du lien
     entre numérique et politique                                                               31
     3.3.3. La conception du dispositif, déterminant de la posture des participants             34
     3.3.4. Pourquoi les processus de participation « fictifs » sont-ils plus aboutis ?         37

               3.4.       Les conditions pour un dialogue effectif................................................................... 38

      4. L’APPORT DES OBJETS NUMERIQUES AUX PROBLEMATIQUES DE LA
PARTICIPATION CITOYENNE EN URBANISME.................................................................................. 40

               4.1.       La 3D, technique indispensable mais à utiliser avec précaution.............................. 40
     4.1.1. Une réponse partielle à la compréhension partagée du projet urbain                                                               40
     4.1.2. Un message identitaire à prendre en compte                                                                                       42

          4.2.   Simulation du projet urbain et de ses dynamiques pour                                                            un dialogue
  urbain augmenté ................................................................................................................................ 43

               4.3.       Les effets du système de communication numérique sur le dialogue urbain........... 45
     4.3.1. L’hybridation, de l’individu connecté au collectif connecté                                                                      45
     4.3.2. Capacitation et ludification                                                                                                     47
Vers un urbanisme participatif augmenté ?
     4.3.3. Identification, participation et culture urbaine                                                                                    48
     4.3.4. Aide à la décision et participation continue                                                                                        50

      5. CONCLUSION : REVISITER LES PRATIQUES PROFESSIONNELLES EN URBANISME
POUR L’AUGMENTATION DE LA PARTICIPATION ............................................................................ 52

         SOURCES BIBLIOGRAPHIQUE............................................................................................... 55

         LISTE DES ENTRETIENS ........................................................................................................ 56

         LISTE DES PROJETS ETUDIES.............................................................................................. 57

         ANNEXE : FICHES PROJET .................................................................................................... 58

            Berges de Seine.................................................................................................................... 58

            Bus Meister ........................................................................................................................... 59

            Gulliver-Maurepas................................................................................................................. 60

            Hautepierre 3D...................................................................................................................... 61

            HUB2, Boston ....................................................................................................................... 62

            IP City.................................................................................................................................... 63

            La Courrouze ........................................................................................................................ 64

            Participatory Chinatown ........................................................................................................ 65

            Saint-Blaise 3D ..................................................................................................................... 66

            VEPs ..................................................................................................................................... 67

            Vision Lozells ........................................................................................................................ 68
Vers un urbanisme participatif augmenté ?

1. INTRODUCTION :
   LES QUESTIONS D’HIER RESTENT CELLES DE DEMAIN
          Françoise Choay posait en 1965 la question de savoir si la ville de demain _ celle d’aujourd’hui
_ verrait « peut-être son rôle créateur et formateur [...] assuré par d’autres systèmes de communication
(télévision ou radio, par exemple)»1. Il apparait aujourd’hui comme hier, que « le micro-langage de
l’urbanisme, son « logotechnique » est toujours réservé à un ensemble de spécialistes (organismes de
financement dirigés par des techniciens de la construction, ingénieurs et architectes) »2, qui exclue «
leur appartenance à un langage et plus généralement à la structure globale d’une société»3 et « prive
de la liberté de réponse » l’habitant, empêchant « toute l’activité dialectique que devrait lui offrir
l’établissement urbain » 4.

         De nombreuses initiatives à travers le monde cherchent à s’emparer des technologies
numériques et du système de communication qu’elles induisent pour augmenter le dialogue urbain,
étendre la participation des citoyens et l’intensifier. La question est de savoir si l’usage des technologies
numériques n’ouvre pas la voie à de nouvelles formes de dialogue entre les acteurs de la ville. Ce
travail a ainsi vocation à proposer un début de réflexion en interrogeant certaines de ces initiatives sur
leur apport en termes d’information, de représentation, d’interaction et de collaboration au sein des
processus de participation, c’est-à-dire dans quelle mesure ces apports sont propices à la mise en
œuvre de la participation, au dialogue urbain et à l’expression conjointe des expertises (politique,
technique et citoyenne), mais aussi à l’intégration de la participation dans les projets urbains, à
l’organisation et la gouvernance des projets en urbanisme.

         Parmi la diversité et la quantité d’expérimentations mobilisant les technologies numériques pour
la participation citoyenne, nous avons établi un panel sélectif de onze projets ayant pour caractéristique
commune d’intégrer une forme de représentation spatiale en trois dimensions et une possibilité
d’interaction avec les utilisateurs. Ce choix est motivé par le fait qu’il n’existe pas à notre connaissance,
d’études interrogeant à la fois la représentation du projet urbain en trois dimensions et les modalités de
participation via le système de communication numérique5. Notre sujet étant exploratoire, l’absence
d’études sur notre objet de recherche nous pousse à emprunter la voie empirique. Toutefois, les
contraintes temporelles et géographiques ne nous ayant pas permis de réaliser un véritable travail de
terrain, nous n’avons pas recueilli le même niveau ni la même nature d’informations selon les projets6.




           1 Choay, 1965-p.82
           2 Idem, p.79
           3 Idem p.80
           4 Idem p.80
           5 Il existe un certain nombre d’études qui interrogent la représentation en 3D et ses effets sur la participation
(Masboungi et McClure, 2007 ; Bailleul, 2008) et d’autres la « démocratie électronique » (Monnoyer-Smith, 2011)
           6 Nos données sont constituées des informations disponibles en ligne, et pour cinq projets, d’entretiens avec des
acteurs (concepteurs, développeurs, médiateurs, évaluateurs) des processus de participation. L’ensemble des informations
recueillies figurent sur les fiches projet en annexe.



         6
Vers un urbanisme participatif augmenté ?
           La diversité des contextes culturels et politiques dans laquelle s’inscrivent nos cas d’études
(certains prennent place en Angleterre, en Autriche ou encore aux Etats-Unis), nous amènera à préciser
les différences originelles de la considération et de la mise en œuvre de la participation citoyenne entre
la France et les Etats-Unis. Nous tenterons par là de montrer que la dimension culturelle et politique a
des conséquences sur la pratique et la conception de processus participatif. Toutefois nous ne serons
pas en capacité de mesurer tout au long de notre analyse les influences culturelles et politiques sur les
processus de participation. Ainsi certains de nos propos ne seront valables que dans un contexte
national. Néanmoins, nous chercherons à émettre des recommandations d’ordre général pour
l’utilisation des technologies numériques dans la mise en œuvre de la participation citoyenne et à
l’intégration des résultats de ce processus au projet urbain en nous appuyant sur les « principes
essentiels pour la participation » élaborés par l’Association Internationale pour la Participation du
Public7.

         Notre analyse des différents projets s’appuiera sur un concept et une méthode empruntés à la
sociologie de l’innovation. Nous considérerons les processus de participation comme des dispositifs
socio-techniques, c'est-à-dire où les agencements techniques de participation sont conditionnés et
conditionnent les interactions sociales et l’ordre politique. Cette méthode d’analyse, nous amènera à
observer la conception et l’utilisation des techniques de participation pour décrypter leurs effets sur les
participants et leurs relations entre eux et avec le projet urbain.

          Nous proposons de débuter ce mémoire en partageant notre réflexion sur la nature de la
participation citoyenne. Cette première partie, servira à poser les bases d’une compréhension commune
de l’objet de notre analyse pour ensuite, dans une deuxième partie, observer comment les techniques
mobilisées dans les processus de participation prescrivent certaines formes de participation. Après
avoir établi, les conditions pour un dialogue urbain effectif, nous mettrons en valeur, dans une troisième
partie, les apports des technologies numériques pour répondre aux problématiques de la mise en
œuvre de la participation en urbanisme et de son intégration au projet. Enfin, nous conclurons en
pointant les défis soulevés par l’exploitation des potentialités des technologies numériques, pour
l’augmentation effective de la participation.




        7 L’IAP2 a mis en place sept principes pour la participation à portée universelle.



        7
Vers un urbanisme participatif augmenté ?

2. LA PARTICIPATION                                       CITOYENNE,                       GLISSEMENT                         DE
   PARADIGME ?
         En cherchant à définir à quoi servait la participation citoyenne en urbanisme, nous avons
interrogé quelle idéologie, quel modèle politique les penseurs et les politiques lui prêtaient. Nous avons
regardé si les principes et la finalité de la participation étaient partagés entre les différentes cultures et
les différentes époques. En s’intéressant aux modalités de mise en œuvre de la participation, nous
avons pu observer qu’à la recherche d’une même finalité, les porteurs de la participation pouvaient
emprunter différents chemins. Mais surtout, nous avons remarqué que le sens donné à la participation
citoyenne par les chercheurs s’inscrivait depuis un peu plus d’une décennie dans un autre paradigme
que celui auquel se référaient les pionniers.



     2.1.      Naissance de la participation : des luttes urbaines à
         l’institutionnalisation
         Le concept de participation citoyenne a été développé aux Etats-Unis dans les années 1960 à
la suite des mouvements de contestation pour une démocratie participative. Théorisée par Sherry R.
Arnstein en 1969 dans A ladder of Citizen participation8, la participation citoyenne est pensée comme
une lutte de pouvoir où le citoyen doit prendre le contrôle au risque de se faire manipuler par les
autorités politiques. Si aux Etats-Unis ce sont les intellectuels qui promeuvent la participation, en France
la participation est impulsée par des hommes politiques issus du courant de gauche. Dès 1962, Pierre
Mendes France propose de “réaliser la démocratie de participation” avec l’idée que “la démocratie ne
consiste pas à mettre épisodiquement un bulletin dans une case, à déléguer les pouvoirs à un ou
plusieurs élus, puis à se désintéresser, s’abstenir, se taire pendant cinq ans. Elle est action continuelle
du citoyen” et requiert à ce titre sa “présence vigilante”9.

        Dans les années 1960-1970, en France, les Groupes d’Action Municipale (GAM), les comités
de quartiers, les ateliers populaires d’urbanisme font de la participation un instrument de contestation du
système politique. Ces “luttes urbaines” pour la participation effective des citoyens dans les affaires
publiques s’éteignent dans les années 1980 après une tentative d’institutionnaliser ce mouvement issu
des citoyens par les municipalités d’Union de la gauche en 1977. Le contexte français est bien différent
de celui des Etats-Unis où la participation aussitôt pensée est codifiée par les gouvernements locaux.


          8 Elle détermine trois niveau de participation : 1) premièrement la non-participation qu’elle définie comme étant soit
de la "manipulation", comme par exemple l’utilisation excessive et exclusive d’image de synthèse par lesquelles certains
mettent en scène le projet urbain, soit de la "thérapie" comme soutien à la population8; 2) le second niveau est celui de la
"coopération symbolique" qui se décline selon trois degrés: a) l'information à sens unique, b) la consultation sans garantie
de prise en compte des suggestions et c) la "réassurance" où l'autorité publique est seule juge de la légitimité des points de
vue recueillis8; et 3) troisièmement le "pouvoir effectif des citoyens" soit la participation réelle qui elle aussi se décline selon
trois degrés: a) le partenariat via des comités mixtes élus-citoyens; b) la délégation de pouvoir c'est-à-dire quant un comité
est composé au moins à 50% de citoyens et c) le contrôle par les citoyens de la conception, de la planification et de la
direction des programmes.
          9 Blondiaux, 2010 – p.15



          8
Vers un urbanisme participatif augmenté ?
« En Amérique du Nord ont été mis au point depuis longtemps des codes écrits permettant d’organiser
toute négociation, quelle qu’en soit la nature. En France, l’arbitraire le plus total règne en matière
d’organisation de la délibération participative. Comme si la confrontation physique des interlocuteurs
suffisait à garantir la possibilité d’une discussion organisée et productive. » 10

         La codification sera effectuée en France à partir des années 1990. Mais contrairement à leurs
voisins d’Outre-Atlantique, les législateurs français ne s’intéressent pas à l’organisation de la
participation mais plutôt à ses principes : concertation avec les habitants11 ; droit d’information et de
participation à l’élaboration des décisions publiques12 ; droit d’initiative citoyenne13. L’opérationnalité de
ces principes reste en suspens car, d’une part « tout se passe comme s’il s’agissait de faire droit à cette
participation au niveau des principes sans préciser véritablement le contenu de cette obligation »14, et
d’autre part, peu de moyens ont été pensés pour accompagner ce processus participatif15.

         Malgré les différences d’appropriation et de mise en œuvre de la participation entre la France et
les Etats-Unis, la conception de la participation apparait identique : il s’agit d’inclure les citoyens dans
les décisions politiques. C’est d’ailleurs, la conception qui est mise en avant par l’Association
Internationale pour la Participation du Public (IAP2) qui définie les valeurs essentielles pour la
participation comme universelles « au-delà des frontières nationales, culturelles et religieuses ». Ces
valeurs au nombre de sept posent en partie les mêmes principes que ceux des législateurs français16
mais l’IAP2 insiste « sur le principe que la contribution du public peut influencer la décision » et met en
avant des principes qui se réfèrent à la méthode du processus de participation17 parmi lesquels
l’autodéfinition par les participants de la manière dont ils participent. Ce dernier principe qui pose que «
le processus de participation du public doit permettre aux personnes de définir comment elles
participent » revient à définir que les participants n’ont pas simplement un pouvoir sur la prise de
décision mais sur le processus de participation lui-même.




          10 Blondiaux, 2010 – p.102
          11 La loi d’orientation de 1991 relative à la politique de la ville pose le principe de concertation préalable avec les
habitants pour toute action qui modifie substantiellement les conditions de vie dans les quartiers ; La loi Barnier du 2 février
1995 relative aux grands projets d’infrastructure ayant une incidence sur l’environnement ; La loi SRU de décembre 2000
rend la concertation obligatoire à l’élaboration des Plans Locaux d’Urbanisme.
          12 La loi de Février 1995 relative à l’administration territoriale inscrit le droit des citoyens à être informés et
consultés ; Charte de l’environnement de 2005 à valeur constitutionnelle.
          13 Réforme constitutionnelle de 2003 relative au référendum local.
          14 Blondiaux, 2010 – p.17
          15 Nous en comptons trois de différentes natures les conseils de développement représentant la société civile et
ayant un rôle consultatif (Loi Voynet de Juin 1999 relative à l’aménagement territoriale et au Développement Durable) ; les
conseils de quartiers obligatoire pour les villes de plus de 80 000 habitants (Loi « démocratie de proximité » de 2002) ; et la
Commission Nationale du Débat Public (CNDP), autorité administrative indépendante, devant encadrer les débats et crée en
2002.
          16 « Le public devrait pouvoir s’exprimer sur les décisions qui touchent sa vie. » ; « Le processus de participation
du public doit fournir aux participants l’information nécessaire pour une participation significative.»
          17 « Le processus de participation du public doit communiquer les intérêts de tous les participants et prendre en
compte leurs besoins. » « Le processus de participation du public doit solliciter et faciliter activement la participation de
toutes les personnes susceptibles d’être touchées. » « Le processus de participation du public doit communiquer aux
participants l’incidence de leur contribution sur la décision. »



          9
Vers un urbanisme participatif augmenté ?

    2.2.     Le dialogue urbain, objet technique, politique et social à
        identifier
        Si la participation est définie par des principes et des valeurs, sa mise en œuvre reste quant à
elle non identifiée. A travers les premières techniques de mise en œuvre de la participation, nous
observerons que les modèles politiques qui s’en dégagent relèvent de différentes logiques.

        2.2.1. Les premières techniques de dialogue urbain indirect
         A l’analyse des premières méthodes de participation, une différence notable sur les modalités
d’interaction entre citoyens et autorités technico-politiques.

         Une des premières techniques de participation élaborées aux Etats-Unis, le sociological survey,
consiste à faire collaborer techniciens de la ville et habitants par le biais d’un médiateur, originellement
un sociologue. Cette technique de participation n’implique pas nécessairement l’interaction entre les
différents acteurs ; souvent le médiateur joue le rôle d’intermédiaire ou plutôt de rapporteur des discours
des habitants sur le projet urbain, leur vision de la ville et leur façon de vivre la ville. Le médiateur-
rapporteur n’est pas en position d’assurer que, d’un côté, l’habitant soit impliqué dans le processus de
participation au projet urbain et que, de l’autre côté, les techniciens entendent et considèrent les propos
de l’habitant.

         En France, la technique développée a un autre but ; elle ne s’inscrit pas dans un projet
particulier et ne cherche pas à mettre en relation l’habitant avec le technicien ou le politique. L’éducation
populaire donne les moyens à l’habitant d’interagir avec les techniciens, mais faut-il encore que les
techniciens acceptent la relation et que les habitants aient la volonté ou l’opportunité de participer.

         Ces premières techniques ne sont pas encore à même d’apporter le dialogue urbain. Si la mise
en relation n’est pas aboutie dans les deux cas, l’organisation du dispositif de participation relève de
deux scénarios différents : un premier scénario où la participation est organisée par le haut, à distance
via un intermédiaire-expert capable d’extraire le savoir des habitants et de le livrer aux décideurs dans
un cadre précis et pour durée prescrite ; un second scénario qui repose sur une mise en capacité des
citoyens par d’autres citoyens pour les engager à dialoguer avec les autorités sans cadre prescrit. Ces
deux configurations mettent en œuvre deux logiques, une descendante avec pour finalité la prise de
décision « éclairée » des autorités technico-politiques, l’autre ascendante avec pour but l’autonomie
d’action des citoyens.

        2.2.2. La nécessité du dialogue, de la relation de pouvoir à la relation
            de partage
      La démocratie participative tire ses fondements des luttes urbaines et « la théorie de la
démocratie participative [conserve pour] finalité principale [...] la formation de communautés citoyennes




        10
Vers un urbanisme participatif augmenté ?
actives, [...] l’engagement et la politisation des participants »18. La participation des citoyens semble
s’inscrire obligatoirement dans une relation de pouvoir. Et si la « démocratie participative n’a pas
vocation à produire directement de la décision. Elle ne peut cependant être pensée qu’en relation avec
une décision à prendre [...]»19. Habermas a théorisé le processus de participation comme un
« processus d’argumentation rationnelle impliquant des points de vue contradictoires”20. Bien que
fortement critiqué sur le principe de rationalité du dialogue entre citoyens et autorités qui impliquait une
égalité de la maîtrise du discours, la délibération reste le modèle majoritaire de tout processus de
participation et la finalité, la prise de décision consensuelle. « La participation pour la participation n’a
pas de sens » nous dit Loïc Blondiaux21. Toutefois, nous posons l’hypothèse que la participation pour la
participation a un sens par le fait qu’elle met les citoyens en relation de partage.

         Nous assistons en effet, depuis les années 2000, à un glissement de paradigme. La
participation, jusqu’à l’heure appréhendée comme une relation de pouvoir avec pour point d’orgue la
prise de décision, est à présent considérée par certains chercheurs comme une relation de partage.
Différents vocables sont utilisés pour signifier ce nouveau type de participation.

         Le premier d’entre eux est le terme de collaboration, on comprend alors la participation comme
une action reposant sur le fait d’être avec. Le premier chercheur à avoir conceptualisé cette nouvelle
approche de la participation est Armand Hatchuel qui, empruntant ses références au monde de la
conception industrielle, a donné pour finalité à la participation la « conception collective » en posant l’
«expertise [citoyenne] comme processus démocratique »22. La participation relève pour lui de l’action
mettant en jeu non pas les intérêts des acteurs et les prises de pouvoir mais les compétences et les
savoirs des profanes. Jean-Jacques Terrin, architecte-urbaniste et chercheur ayant participé à la
conception du projet IP City, considère lui aussi le travail collaboratif de conception et de production
comme “la bonne participation” à laquelle il oppose le discours ou l’information, la concertation ou la
discussion, soit la délibération. Pour lui, la posture active des citoyens est la condition de la participation
effective ; la finalité de la participation est la conception et non la décision23. D’autres chercheurs
considèrent également la participation comme collaboration mais pour eux l’enjeu n’est pas la
conception mais simplement l’interaction. Hélène Bailleul, chercheuse en urbanisme, considère que
c’est le partage et l’échange des connaissances sur le territoire entre citoyens et autorités qui fondent la
participation, la finalité important moins que les moyens24. Pierre Mahey, architecte-urbaniste
expérimentant depuis les années 1980 des méthodes pour faire la ville avec ses habitants, définie
comme enjeux de la participation l’appropriation de la ville par ses habitants, la cohésion sociale et la
rencontre de l’autre25.




        18 Loïc Blondiaux, 2010-p. 44
        19 Idem p.108-109
        20 Idem p.44
        21 Idem p. 109
        22 Hatchuel, 2001
        23 Entretien du 20 mai 2011.
        24 Entretien du 20 mai 2011.
        25 Atelier DoItCitY sur le dialogue urbain du 12 mai 2011.



        11
Vers un urbanisme participatif augmenté ?
        Deux écoles existent donc parmi les tenants de la participation qui se sont écartées de toute
notion de pouvoir pour privilégier une relation de partage :

              La première relève du dialogue urbain en considérant que le processus de participation
               a pour finalité la conception collaborative du projet urbain.
              La seconde relève du dialogue social et considère que la participation pour la
               participation à un sens, les processus de participation quelque finalité qu’ils aient ne
               sont que prétextes à l’action de participer.

         Ce glissement de paradigme semble par contre ne pas avoir été opéré chez les élus et
techniciens qui considèrent toujours la participation des citoyens comme un potentiel contre-pouvoir.
Les autorités technico-politiques ont en effet souvent peur des processus de participation citoyenne et
cherchent à en maitriser les effets. Ils pensent le plus souvent la participation citoyenne comme une
contrainte qui risque de nuire au projet. La participation est « rarement pensée comme une aide
possible à la décision, comme une manière de gouverner autrement et plus efficacement. Elle est le
plus souvent vécue comme une contrainte lorsqu’elle est imposée par la loi, et comme une menace
lorsqu’elle risque de réveiller un peuple que l’on croyait endormi. La tentation est grande [...] à
verrouiller le processus de discussion »26 Dans le même temps, la crise de légitimité qui affecte le
pouvoir politique et technique dans nos démocraties pousse les élus et leurs techniciens à s’ouvrir aux
processus de participation27.

          Si l’on parle beaucoup de pédagogie envers les citoyens dans le cadre des processus de
participation en urbanisme, on en parle rarement envers les autorités. Pourtant, pour que la participation
ne soit pas lettre morte ou dialogue de sourd, pour qu’il y ait partage, les deux parties doivent être en
posture d’échange. Certains bureaux d’étude chargés de concevoir et de mettre en œuvre des
processus de participation citoyenne en ont bien conscience, comme le bureau Respublica chargé entre
autre du processus de concertation sur le projet Berges de Seine et Saint-Blaise pour la ville de Paris et
la SEMAEST. La directrice de Respublica insiste sur le travail de pédagogie aux élus comme un
préalable nécessaire à tout processus de participation. Souvent, précise-t-elle, les élus font appel à ses
services pour lui déléguer leur obligation de concertation sans avoir défini l’objet de ce qui serra soumis
au débat, ni ce qu’ils en attendent. Son travail consiste donc en premier lieu à discuter avec les élus, et
à définir avec eux l’objet de la participation. Pour cela, il s’agit d’établir quelles sont les marges de
manœuvre dans un projet, c’est-à-dire ce qui n’est pas décidé et ce pour quoi le débat public peut être
une aide à la décision, même si cette dernière reste du ressort de l’élu. Il s’agit également de clarifier
avec eux les modalités du processus, c’est-à-dire de définir leur positionnement pour qu’ils puissent
justifier leur décision après avoir recueilli la parole des citoyens28. Cette expérience de terrain montre
qu’il est difficile pour les élus de se positionner dans une relation de pouvoir, et à fortiori il leur sera plus
difficile encore de s’inscrire dans une relation de partage. Toutefois certains arguments de poids
pourraient les aider à reconsidérer la participation en dehors d’un rapport de force et à s’ouvrir au
dialogue avec les citoyens. En effet, si la finalité de la participation n’est plus la décision mais



        26 Loïc Blondiaux, 2010- p.74
        27 Sur les raisons de la crise de l’autorité, voir LB, 2010 – p.25-28
        28 Entretien du 26 mai 2011



        12
Vers un urbanisme participatif augmenté ?
l’appropriation du projet par les citoyens, le sentiment d’appartenance à la cité, la cohésion sociale entre
les citoyens, si on donne un sens à la participation pour la participation, les autorités ne se sentiraient
plus en situation de risque, la question du pouvoir ayant disparu. Le processus de participation
citoyenne en urbanisme pourrait ainsi devenir un prétexte à soigner les maux de la société comme
l’énonce Pierre Mahey29.



    2.3.     Les technologies numériques, accompagnatrices du
        glissement de paradigme ?
         Les méthodes de collaboration n’ont pas attendu l’arrivée des Technologie Numériques de
l’Information et de la Communication (TNIC) pour se développer, comme le prouve la méthode du
Community planning expérimentée dans les années 199030. Toutefois, depuis leur avènement et leur
diffusion, les TNIC ont été mobilisées pour mettre en œuvre la participation citoyenne31. Si la
participation en ligne a été une des techniques les plus expérimentées, elle a pris de nombreuses
formes et servie diverses finalités. La diffusion des TNIC auprès du plus grand nombre ont modifié le
rapport à l’information et les relations de communication. Ce nouvel art de communiquer a engendré
une révolution culturelle qui est encore à l’examen32. S’il est indéniable que les TNIC ont un aspect
collaboratif (il suffit de se référer aux termes créés suite au développement des usages des
technologies numériques comme l’ « intelligence collective » ou le « crowdsourcing »), il n’est pas
prouvé pour autant qu’elles permettent d’augmenter la participation citoyenne.

         Les TNIC sont des outils, ils servent la finalité défendue par ses utilisateurs. Au regard de
certaines utilisations des TNIC, la question se pose de savoir si elles sont réellement utilisées pour
favoriser la participation ou pour favoriser l’acceptation du projet urbain par les habitants ou même
comme Hélène Bailleul en a fait l’hypothèse, si les élus ne cherchent pas seulement à communiquer par
ces outils leur modernité33.

         L’outil sans la méthode n’est rien. Nous sommes actuellement face à une profusion
d’expérimentation de ces outils dans le cadre de processus de participation mais les concepteurs de
ces expérimentations pensent-ils les méthodes ? Vu la rareté des évaluations de ces expérimentations,
on peut légitimement se demander si les concepteurs ne s’intéressent pas plus à l’outil qu’à ses
utilisateurs et au bien qu’ils peuvent en tirer. A travers les projets étudiés, nous tenterons de définir si et
selon quelles modalités les TNIC, comme techniques mais également comme production d’un nouvel
ordre        politique       et     social,        servent       à       la      participation     citoyenne




        29 Atelier Do It citY sur le dialogue urbain du 12 mai 2011.
        30 Voir Hauptmann et Water « Concertation citoyenne en urbanisme : la méthode du community planning »
        31 Voir Laurence Monnoyer-Smith, 2011

        32 Voir entre autre le réseau scientifique pluridisciplinaire http// :www.culture.numérique.free.fr

        33 Bailleul, 2008 (1)




        13
Vers un urbanisme participatif augmenté ?


3. LES DISPOSITIFS SOCIO-TECHNIQUES, QUELS EFFETS SUR
   LE DIALOGUE URBAIN ?

    3.1.         Qu’est-ce qu’un dispositif socio-technique ?
         Le terme de dispositif socio-technique a été élaboré par les chercheurs en sociologie de
l’innovation pour décrire la dimension sociale d’un objet technique, considérant que « les objets
techniques définissent dans leur configuration une certaine partition du monde physique et social,
attribuent des rôles à certains types d’acteurs -humains et non-humains- en excluent d’autres,
autorisent certains modes de relation entre ces différents acteurs de telle sorte qu’ils participent
pleinement de la construction d’une culture,…, en même temps qu’ils deviennent des médiateurs
obligés dans toutes les relations que nous entretenons avec le réel. »34

         Ces chercheurs ont mis en évidence qu’un objet technique induit dès sa phase de conception
un certain agencement social et définit un ordre politique « au sens où il constitue des éléments actifs
des organisations des relations des hommes entre eux et avec leur environnement »35. Afin de rendre
compte du contenu politique et social d’un objet technique, nous pouvons rapporter le processus de
conception d’un pont reliant deux rives d’une ville que décrypte L. Winner36. Ici, le concepteur du pont
est également concepteur d’un ordre politique ou plutôt inscrit l’objet qu’il conçoit dans l’ordre politique
et social existant. Le pont est ainsi conçu pour rendre impossible le passage des bus, empêchant
l’accès des pauvres à l’autre rive, ces derniers n’ayant pas de voiture individuelle. Françoise Choay
avait d’ailleurs remarqué qu’« à la racine de tout projet d’aménagement, derrière les rationalisations ou
le savoir qui prétendent la fonder en vérité, se cachent des tendances et un système de valeurs. » 37

           Des critères d’analyse ont été mis en place par ces chercheurs pour observer les agencements
sociaux et politiques produits par un objet technique. Un premier critère est la position et la posture de
l’utilisateur, la position étant relative à l’utilisation du dispositif et la posture au conditionnement et aux
conséquences de l’utilisation sur son comportement et sa place sociale. Par exemple, dans le cadre
d’un jeu sérieux (serious game) visant à recevoir l’avis des citoyens, la position de l’utilisateur est d’être
joueur et sa posture est d’être consulté par l’autorité politique. Un deuxième critère d’analyse est le
scénario d’usage du dispositif, c’est-à-dire le contexte dans lequel sont utilisé le dispositif et les règles
du jeu. Ce scénario détermine « un « script », qui se veut prédétermination des mises en scène que les
utilisateurs sont appelés à imaginer à partir du dispositif technique et des pré-scriptions qui
l’accompagnent »38, soit une action ou une posture de la part de l’utilisateur et une certaine relation
entre les utilisateurs et un certain rapport au monde.



        34 Akrich, 1993
        35 idem
        36 Winner, 1983
        37 Choay, 1965-p.74
        38 Akrich, 1993



        14
Vers un urbanisme participatif augmenté ?




                   Schéma de définition des critères d’analyse d’un dispositif socio-technique

                                                   Caractère          Caractère social
                                                   technique            et politique

                           Utilisateur             Position                Posture

                       Relation entre les          Scénario                 Script
                          utilisateurs

          Considérer les processus de participation comme des dispositifs socio-techniques nous invitent
à regarder comment les objets techniques39 façonnent les processus de participation et quel modèle
politique ils sous-tendent. L’analyse de ces objets techniques et de leur conception permet de
comprendre dans chaque projet comment sont considérés les différents acteurs, leurs relations et leurs
rôles. Utiliser ce concept et cette grille d’analyse, nous permet d’interroger les techniques de
participation et leurs effets sur la participation citoyenne en urbanisme. Cela permet également, en
regardant à la fois du côté de la conception des objets et de leur expérimentation, de définir ce qui se
cache sous le terme de participation pour chacun des projets étudiés ou quel modèle ou idéologie
politique est mise en place par le bais de techniques employées dans les processus de participation.



    3.2.         Les dispositifs, prescripteurs des formes de participation
         Nous analyserons ici comment les dispositifs conditionnent la participation en urbanisme. Nous
avons identifié, à partir de l’analyse des onze dispositifs étudiés40, trois formes principales de
participation : le dialogue indirect, le dialogue direct et la conception collaborative qui implique de fait un
dialogue direct entre participants. Le caractère direct ou indirect ne signifie pas physique ou numérique,
il est conditionné par l’existence d’une interface permettant la rencontre entre les différents participants.
Nous définirons dans un premier temps les conditions et les moyens pour l’émergence d’un dialogue,
puis nous analyserons quel type de dialogue prescrivent les dispositifs et enfin, nous rendrons compte
des logiques et des défis qui relèvent de la conception collaborative.

        3.2.1. Conditions et moyens pour l’émergence du dialogue
         Qu’il soit direct ou indirect, le dialogue dans le processus de participation en urbanisme est
conditionné par l’échange uni ou bilatéral d’informations entre les participants. En comparant, les
dispositifs de notre panel, nous regarderons quels moyens techniques permettent d’assurer cet
échange.



         39 Nous ne considérons, pour notre part, non pas un objet technique de façon isolé, mais l’ensemble des
techniques mobilisées pour le processus de participation.
         40 L’ensemble des dispositifs sont décrits en annexe.



        15
Vers un urbanisme participatif augmenté ?



             3.2.1.1. Le partage, condition première du dialogue
         La base de tout processus de participation est l’échange d’informations qui, dans la quasi-
totalité des processus, sont délivrées par les autorités et destinées aux citoyens. La finalité est de
permettre aux citoyens participants d’être en mesure de se faire un avis sur la base de ces informations
puis d’exprimer leur avis. Le médium utilisé pour fournir ces informations est principalement, pour les
dispositifs que nous avons étudiés, la représentation 3D du projet mais selon les dispositifs l’information
peut être ou non partagée.

        La représentation 3D du projet est utilisée pour fournir de l’information sur le projet urbain à
laquelle sont ajoutée des fiches détaillées qui prennent différentes formes. La représentation 3D
suppose une interprétation de la part du lecteur. Or cette interprétation est personnelle et subjective.
Pour s’assurer d’une compréhension partagée de l’information, des mesures d’accompagnement de la
réception des informations sont nécessaires au risque de créer des malentendus.

         Deux des dispositifs étudiés, Saint-Blaise 3D et Berges de Seine, délivrent de l’information sans
aucune mesure d’accompagnement. Ils relèveraient plus du non-dialogue que du dialogue indirect. Ces
deux dispositifs mettent en scène une représentation du projet plus que favorable : absence de
circulation automobile, arbre touffus, etc. Aucune pédagogie n’est à l’œuvre dans ces dispositifs, nous
pourrions même interpréter ces dispositifs comme manipulateurs en représentant le projet urbain sous
un aspect peu réaliste, et donc opposés au dialogue urbain.

        D’autres dispositifs ont, quant à eux, mis en place des mesures d’accompagnement pour
favoriser l’appropriation de l’information. A travers les dispositifs étudiés, il ressort deux types
d’accompagnement, l’un assuré par une médiation physique opérée par une ou plusieurs personnes
(les médiateurs), l’autre assuré par une médiation numérique opérée par des fonctionnalités techniques
intégrées au dispositif41.

         Le médiateur a différentes fonctions : il accompagne les citoyens dans l’appropriation des
informations et il facilite l’utilisation du dispositif. Son rôle peut être primordial s’il est garant du dialogue
urbain, c’est-à-dire s’il est chargé de mettre toutes les parties en posture de dialogue et de s’assurer de
la fécondité de celui-ci. En conséquence, le médiateur ne doit représenter aucune des parties. Pour être
efficace, le médiateur doit avoir des connaissances à la fois sur le dispositif et sur le projet urbain, objet
du dialogue.

         Malgré son rôle central dans le processus de participation, le médiateur d’un dispositif socio-
technique utilisant la représentation 3D n’a aucun référenciel pour exercer ses fonctions ; aucune
méthodologie précise ne lui sert de guide. La médiation entre objet numérique (la représentation de
l’information) et objet réel (le partage de l’information) n’est pas codifiée, pas pensée. Pourtant la
fonction de médiateur dans les processus de participation classique (débat public en salle) est
formalisée, et même enseignée en « ingénierie de la concertation ». Elle consiste à planifier le


        41 Ces dispositifs relèvent d’ailleurs du dialogue direct, comme nous le verrons plus loin.



        16
Vers un urbanisme participatif augmenté ?
processus de participation, à s’assurer des attentes des décideurs et à faire en sorte que les
participants puissent comprendre l’information qui leur est destinée, à analyser leur réaction pour les
proposer à l’autorité politique qui devra ensuite justifier de son choix d’intégrer ou non les remarques
des citoyens au projet urbain. La grande différence entre ce type de médiation et celle opérée dans un
dispositif intégrant une dimension numérique est la différentiation temporelle. Dans le cas d’un
processus de participation en salle, l’autorité livre ses informations, puis les participants leurs
remarques alors qu’avec un scénario hybride, le temps de l’information cohabite avec le temps du
dialogue, l’information n’est pas délivrée selon les règles du discours mais selon les règles de la
représentation. Une méthodologie de médiation de dispositifs hybrides doit être établie afin de ne pas
rendre inaudibles ni les informations, ni la parole.

          Un autre type d’accompagnement de la réception de l’information est de mettre les participants
en posture de concepteur ou de décideur _ il s’agit de laisser les participants prendre conscience des
difficultés de concevoir ou de décider d’un projet urbain. Dans le cadre du dispositif de participation au
projet de recherche VEPs (Virtual Environment Planning system), les participants étaient amenés à
tester plusieurs variantes du projet urbain sur une plate-forme numérique et à visualiser par la
représentation 3D leurs impacts environnementaux. Les participants, habitants d’un quartier de
Stuttgart, se trouvaient ainsi en mesure de comprendre les tenants et les aboutissants du débat urbain.
Cette approche pédagogique permet de mettre les habitants sans connaissance technique en capacité
de dialoguer d’aspects techniques qui dans ce type de projet urbain sont essentiels. Cette technique a
également été employée par le dispositif Bus Meister et sera exposée plus loin.

        En résumé, le partage de l’information, condition du dialogue, nécessite un accompagnement.
Cet accompagnement doit-être inscrit dans le scénario d’usage des dispositifs qu’ils utilisent les
technologies numériques ou non.

             3.2.1.2. Libérer l’expression citoyenne
         Si le partage ouvre la voie au dialogue, il ne l’assure pas; pour cela il faut donner des moyens
d’expression. Les moyens doivent-être regardés dans leur forme et leur modalité. Les processus de
consultation étudiés ont mis en œuvre des fonctionnalités intégrées à la représentation 3D pour
permettre aux citoyens d’exprimer leur avis. C’est le cas des projets Berges de Seine, Saint-Blaise 3D,
Gulliver-Maurepas et Vision Lozells. Tous ces dispositifs utilisent la fonction de commentaires sur la
maquette 3D. L’intérêt de cette technique est de recevoir un avis contextualisé. Laissons de côté la
problématique du partage de l’information.

         Deux possibilités existent pour permettre des commentaires contextualisés : l’une, encadrée,
est d’ouvrir aux commentaires des points d’intérêt définis par les concepteurs du dispositif (Saint-Blaise
3D et Berges de Seine), l’autre, libre, consiste à permettre aux citoyens de commenter tout objet de la
représentation (Vision Lozells et Gulliver- Maurepas). Le choix entre l’une des deux possibilités doit être
établi en fonction de l’objet du débat. Concernant le projet Berges de Seine, le commentaire encadré
est tout à fait recevable puisque ce qui était mis au débat ne portait que sur les usages de certains sites
; pour le quartier Saint-Blaise, le commentaire encadré n’apparait pas approprié du fait que le débat
portait sur la rénovation d’un quartier habité, ainsi des objets qui n’auraient pas d’intérêts significatifs
pour les concepteurs pourraient en avoir pour les participants. Dans tous les cas, ce qui pose problème


        17
Vers un urbanisme participatif augmenté ?
dans ce type de scénario est que l’avis doit nécessairement être exprimé par écrit. Or tous les citoyens
ne maîtrisent pas l’écriture. Ce manque de maîtrise peut aboutir à exclure certains citoyens du
processus de participation. Ici encore le rôle du médiateur peut être le remède de la non-maîtrise de
l’écrit, comme sur le dispositif Gulliver-Maurepas où le médiateur jouait aussi le rôle d’écrivain public.
D’autres types de dispositifs, comme Hautepierre 3D, dispositif d’expertise citoyenne, ont mis en place
d’autres formes que l’écriture pour exprimer son avis, en utilisant différents types de média numériques
(vidéo, audios, images, liens) ou comme Gulliver - Maurepas permettant de s’exprimer par la gestuelle
(dans le cadre d’interaction entre les participants et donc de dialogue direct) ou par des émoticônes.

               3.2.1.3. Faire émerger la parole collective
         Une limite qui a été adressée aux supports numériques utilisés dans les processus de
participation est qu’ils ne permettent pas de faire émerger la parole collective42. Cette limite est effective
pour deux raisons : l’absence d’accompagnement à l’appropriation de l’information et l’absence
d’accompagnement de la parole collective. L’accompagnement de la parole collective est une mesure
qui peut, pourtant, être intégrée dans le dispositif de participation utilisant des supports numériques.

         Un moyen de contourner cette limite est l’hybridité du scénario d’usage, soit l’utilisation de
supports numériques au sein d’une rencontre physique. Ainsi le participant n’est pas seul devant son
écran, il est de fait dans une situation de groupe. Si certains supports numériques permettent une
relation de groupe au sein d’une plate-forme numérique par exemple, le faible taux de connectés
limitent l’interaction. Il apparait alors que, dans les scénarios hybrides, les participants dialoguent
spontanément à partir de ce qu’ils perçoivent via la représentation 3D et des fonctionnalités des
supports numériques. Nous qualifions ce type de dialogue « dialogue d’étonnement », le discours des
participants étant directement lié à leur perception immédiate et n’étant donc pas construit. L’ajout du
médiateur peut transformer ce dialogue d’étonnement en parole collective, en cherchant à mettre en
relation les participants et les accompagner dans la construction d’une perception collective. Les
supports numériques, seuls ne sont peut-être pas en mesure de faire émerger la parole collective, mais
le dispositif hybridé peut apporter la parole collective. Certes ce type de dispositif ne permet pas de
mettre en relation directe un grand nombre de participants.

         Cette seconde limite adressée à l’encontre des supports numériques _ le nombre restreint de
participants _ peut également être contournée par la conception du dispositif. Avant de décrire les
mesures qui peuvent solutionner cette question, intéressons-nous à la production de la parole collective
dans un processus de participation sans support numérique. Prenons l’exemple du projet Berges de
Seine, pour lequel une plate-forme numérique a été conçue pour diffuser de l’information et recueillir les
avis des citoyens mais n’a pas été utilisée dans le processus de participation à savoir la concertation
légale. Ce processus de participation organisé par un bureau d’étude spécialisé a consisté en des
réunions publiques par arrondissement parisien où participaient une centaine d’habitants et en trois
ateliers thématiques de 45mn regroupant une quinzaine de citoyens chacun. D’après la directrice du
bureau d’étude, la parole collective peut émerger des réunions publiques, même si, dans les faits, ce




        42   Directrice du Bureau Respublica, entretien du 26 mai 2011



        18
Vers un urbanisme participatif augmenté ?
sont des individus qui s’adressent individuellement aux autorités technico-politiques, et cela car la
parole de chaque individu est entendue de tous et que chaque participant peut construire son opinion
en fonction de la parole de l’autre. De plus, les ateliers thématiques soumettant au groupe de
participants des propositions ou des questions émises par les participants aux réunions publiques
permettent d’enrichir la parole collective en développant un avis révélateur de l’opinion publique (il est
jugé révélateur en fonction du nombre d’occurrences, bien que la parole collective ne soit pas
considérée comme la somme des paroles individuelles). Pour résumer, la parole collective émerge si
les discours individuels sont diffusés au reste des participants et qu’ils peuvent y réagir, s’il est possible
de définir l’opinion collective (quantifier les opinions individuelles) et s’il est possible d’approfondir
l’opinion collective. Selon cette thèse, nous pouvons affirmer que les supports numériques peuvent faire
émerger une parole collective. Une mesure simple est de rendre visible les commentaires individuels et
de permettre à tous les participants d’y réagir. Une deuxième est de mettre en place un système de
vote sur les avis exprimés. Une troisième est de réutiliser les avis, qui sont grâce aux technologies
numériques, automatiquement enregistrés et contextualisés, dans le cadre d’atelier de travail pour
l’approfondissement de la parole collective.

        De plus, les supports numériques, à travers leur force d’attraction et de vulgarisation de
données souvent complexes, sont susceptibles de susciter la participation de publics souvent absents
des processus de participation, principalement les jeunes et les catégories populaires, et ainsi apportent
une partie de la parole collective généralement absente des dispositifs classiques.

             3.2.1.4. Donner les moyens de l’expertise citoyenne
         Ce type de participation consiste à faire remonter l’information des citoyens vers les autorités
technico-politiques. Ce n’est pas un processus de consultation. Les participants ne réagissent pas à un
discours émanant des autorités, ils livrent leur propre discours. Ces informations citoyennes sont
généralement nommées « expertise citoyenne » mais il peut s’agir de paroles et de mémoires
d’habitants. Les dispositifs conçus pour ce type de participation ont pour finalité de mettre les
participants en capacité de donner des informations qu’eux seuls détiennent afin d’apporter une
dimension subjective au projet urbain. Les deux dispositifs de notre panel, qui prescrivent ce type de
participation, ne sont pas portés par les autorités en charge du projet urbain : dans un cas c’est un
projet de recherche, dans l’autre l’initiative d’une association. Toutefois, dans les deux cas, ils
s’inscrivent dans le contexte du projet urbain : dans le premier cas la conception d’un plan d’urbanisme
pour le quartier de Chinatown à Boston, dans le second un grand projet de ville du quartier de
Hautepierre à Strasbourg. Ces deux dispositifs, bien qu’ils prescrivent la même forme de participation,
sont différents à la fois dans leur conception, leur méthodologie et leur finalité.

        Une grande différence est la conscience et le choix de l’information délivrée par le participant.
Participatory Chinatown est conçu comme un jeu vidéo où les participants prennent le rôle d’un avatar,
personnage dont les caractéristiques sont prédéfinies. Ils doivent remplir une mission en lieu et place du
personnage qu’ils incarnent (trouver un travail, une maison, un lieu de sociabilisation). Pendant le jeu,
ils peuvent commenter l’espace qui les entoure. Hautepierre 3D est conçu comme une bibliothèque de
paroles et mémoires citoyennes (vidéos, audios, images, textes) où les participants peuvent nommer et
personnaliser leur avatar. Dans un cas, le dispositif laisse les participants très libres et conscients de



        19
Vers un urbanisme participatif augmenté ?
l’information diffusée alors que dans l’autre les participants sont dans une position de joueur qui
influence leur posture.




 L’avatar d’un participant accédant à du contenu        L’immersion dans Chinatown via un personnage du jeu.
 produit par les habitants de Hautepierre.

          L’autre grande différence est l’utilisation des données. Dans le dispositif mis en place par les
chercheurs, les données recueillies ne sont pas publiées et sont analysées par les porteurs du
processus de participation alors que, dans le cadre de l’association, les données sont accessibles par
tous et telles quelles. Dans un cas, on se rapproche plus de la technique du sociological survey où les
participants sont amenés à produire des informations sans en maîtriser l’utilisation alors que dans
l’autre les participants ont la visibilité de l’ensemble des informations produites et de leur utilisation.

         Il est remarquable que, dans les deux cas, la fonction du jeu soit mobilisée pour favoriser la
participation et la production des savoirs citoyens (si cette fonction est moins remarquable dans le cas
d’Hautepierre 3D, son concepteur, Grégoire Zabé, nous a informés de son intention de créer un jeu de
football dans la plate-forme afin de mobiliser plus de jeunes à son utilisation). Il serait intéressant
d’analyser plus loin le lien entre dispositif ludique et mise en capacité des citoyens ainsi que les
relations produites entre les participants.

        Ce type de dispositif constitue un dialogue indirect avec les autorités, voir peut ne recevoir
aucune attention des autorités. Néanmoins il constitue un moyen de favoriser le dialogue entre les
habitants d’un quartier. Les habitants, qui ne
sont peut-être pas amenés à se côtoyer ou
alors ne vont pas faire porter leur discussion sur
leur     environnement,        se      rencontrent
numériquement ou physiquement, rassemblés
autour de la représentation de leur quartier, et
peuvent partager la vision qu’ils en ont. Ce type
de dispositif crée une dynamique de

participation qui, même si elle n’est pas prise en   200 habitants de Chinatown regroupés dans une salle
compte par les autorités, pourraient faciliter un    d’une association de quartier pour participer au
futur dialogue urbain.                               processus de participation.




        20
Vers un urbanisme participatif augmenté ?

         3.2.2. Dispositifs de dialogue, mais lequel ?

              3.2.2.1. Le projet urbain, référent ou prétexte au dialogue ?
         Dans la majorité des dispositifs, les concepteurs ne présentent pas le dialogue comme l’objet
du dispositif, l’objet qu’ils affichent est le projet urbain. Les concepteurs de Hautepierre 3D fixent pour
objectif au dispositif de rendre compte de façon qualitative de la mémoire et des mutations du quartier,
ceux de Participatory Chinatown de faciliter la participation des habitants à l’élaboration du plan
d’urbanisme. Le dialogue n’est donc pas annoncé dans leurs moyens, il s’agit de faire émerger la parole
des habitants pour enrichir le projet urbain à condition que cette parole soit entendue par les autorités
en charge du projet. Les dispositifs de conception collaborative définissent quant à eux une relation
entre le dialogue et le projet. Le dialogue doit permettre d’un part « la construction d’une vision partagée
et négociée » pour la conception du projet dans le cadre du dispositif IP City, et d’autre part la «
délibération augmentée » recherchée par les concepteurs d’Hub2 afin d’aboutir à un projet répondant
aux attentes et aux pratiques de tous. Le dispositif Gulliver-Maurepas semble quant à lui viser le
dialogue avec pour moyen le projet urbain, il s’agit de « partager, expliquer, débattre du projet urbain ».
Si seul les concepteurs de Gulliver –Maurepas affiche le dialogue comme une finalité, cela ne signifie
pas que l’ensemble des dispositifs ne prescrivent pas tous, au moins potentiellement, un dialogue
urbain et œuvrent pour la cohésion sociale en prenant le projet urbain comme prétexte et non pas
comme certains l’affichent comme objet référent et déterminant du dialogue.

              3.2.2.2.Dispositif comme interface de dialogue

          Nous considérons que l’ensemble des dispositifs nommés ci-dessus sont intrinsèquement
porteurs de dialogue, et cela, car ils sont tous conçus comme des interfaces entre les utilisateurs-
participants. Si seul un dispositif, IP City, a réellement abouti au dialogue urbain en réunissant autorités
techniques et citoyens, les autres ont au minimum permis un dialogue entre citoyens. Par définition, une
interface est une zone qui permet la rencontre de différents éléments et par laquelle ils peuvent
échanger et interagir. Nous opposons à l’interface l’intermédiaire qui fait le lien entre différents éléments
sans les mettre en contact. L’ensemble des dispositifs présentés ici sont des interfaces43 mais chacun
utilise différentes techniques et outils pour créer la rencontre. Tous utilisent les objets numériques :
dans certains dispositifs, les objets numériques sont eux-mêmes l’interface et, dans d’autres, ils servent
à faciliter l’interaction lors de la rencontre physique entre les participants. Ainsi les objets numériques
servent soit de référent au dialogue, soit de moyens pour dialoguer. Le jeu Participatory Chinatown
permet, en effet, à l’ensemble des participants de partager une expérience commune à partir de
laquelle les échanges se construisent, l’interface restant la rencontre physique. De même pour La
Courrouze, la projection du projet en réalité augmentée est un moyen pour faire partager une
expérience identique aux participants et d’engendrer un dialogue. L’interface reste ici aussi la médiation
physique. Par ailleurs, dans ce cas vu que l’expérience est complètement liée à la représentation
esthétique du projet, la médiation physique est indispensable pour faire naître le dialogue, créer une
interaction entre les participants et ne pas restreindre la participation à une réaction individuelle à la


          43 Certains dispositifs sont des interfaces entre utilisateurs mais intermédiaires entre citoyens et autorités, ces
dernières restant extérieures au dispositif, seul les citoyens étant défini comme utilisateurs.



         21
Vers un urbanisme participatif augmenté ?
réception de l’image. Dans le cas d’IP City, les objets numériques sont utilisés comme éléments de
communication : par le biais des outils numériques, les participants créent ensemble leur propre
langage, avec les mots légendés et développent un discours commun avec les objets 3D qu’ils
manipulent (cubes en bois auxquels les participants associent une image numérique). L’interaction est
permise par l’hybridation du scénario qui regroupe physiquement les participants autour des objets
numériques permettant de partager une vision commune. Nous voyons donc que pour l’ensemble de
ces dispositifs, les outils numériques servent le dialogue entre les participants, alors même que le
dialogue n’avait pas été mentionné comme enjeu du dispositif (excepté pour IP City). La conception et
la scénarisation de ces dispositifs prouvent que le dialogue en est l’objet. En effet, si l’objectif n’avait été
pour Participatory Chinatown qu’une expression de l’expertise citoyenne, la réunion des participants
dans un même lieu n’aurait pas été nécessaire, de même pour La Courrouze, s’il s’agissait seulement
de communiquer le projet aux citoyens, la visite en groupe aurait été inutile.

          D’autres dispositifs ont quant à eux intégrés des objets numériques qui sont en eux-mêmes une
interface, c’est le cas de Gulliver-Maurepas, Hautepierre 3D, et Hub2. Conçus comme des plate-formes
d’échange accessibles sur internet, ils permettent aux participants d’interagir à distance. Pourtant, tous
ces dispositifs ont été scénarisés en hybridation. Les justifications des concepteurs sont doubles : il
s’agit soit de faciliter l’utilisation des objets techniques, soit de promouvoir l’utilisation du dispositif.
Concernant le dispositif Hub2, le scénario d’usage suppose de créer des objets 3D au sein du monde
virtuel ; or, cela suppose une maîtrise technique et nécessite un intermédiaire. Concernant le dispositif
Gulliver-Maurepas, l’hybridation se justifie à la fois pour faciliter l’utilisation des objets numériques à une
catégorie de population non familière avec ce type d’objets et leur maniement, et cela malgré le
caractère sensiblement intuitif de l’utilisation, et à la fois pour diffuser le dispositif auprès du plus grand
nombre. Le dispositif Hautepierre 3D est également hybridé pour le diffuser à la plus grande partie de la
population et susciter leur intérêt. Toutefois, même si ces raisons sont suffisantes pour justifier
l’hybridation, il semble que la recherche d’une plus grande interaction soit également de mise. Dans le
cas d’Hub2, l’expérimentation de recherche est hybridée pour pouvoir analyser au mieux son usage.
Dans son rapport d’évaluation, il est noté que l’hybridation a permis une double interaction : celle
engagée au sein du monde numérique et celle qui émergeait des interactions en salle, le monde
numérique devenant alors support de test et de capitalisation du dialogue en salle. Les premières
expériences d’usage de Hautepierre 3D ont également montré que les utilisateurs44 ont tendance à se
focaliser sur des éléments déjà connus. Ils ont une utilisation individuelle et autocentrée et ne
recherchent pas l’interaction par le biais de l’objet numérique. Le concepteur a ainsi pensé concevoir un
jeu accessible sur la plate-forme numérique pour stimuler les interactions en ligne. A travers cet
exemple, on voit que ce qui est recherché est plus l’interaction entre les participants que la création
d’une bibliothèque de la mémoire des lieux. Le dialogue est ici recherché et la finalité semble relever
plus de la cohésion sociale que du dialogue urbain. Concernant le dispositif Gulliver-Maurepas,
l’interaction est également privilégiée mais il est difficile de démontrer que le dialogue est motivé de
façon indépendante au projet urbain. Nous sommes toutefois dans un dispositif qui vise l’interaction
entre l’ensemble des citoyens et est donc potentiellement un moyen de cohésion sociale.



           44 Le dispositif même s’il est déjà accessible en ligne n’a pas encore été diffusé auprès des utilisateurs, étant en
finalisation de conception. Les expériences ont été menées avec un public constitué d’enfants.



         22
Vers un urbanisme participatif augmenté ?

             3.2.2.3.La spontanéité du dialogue, critère déterminant le dialogue social

         Il apparait que, bien que le dialogue soit permis par l’ensemble des dispositifs fonctionnant
comme interfaces entre les participants, ce dialogue n’a pas les mêmes caractéristiques. Le dialogue
est selon les dispositifs plus ou moins encadré et donc plus ou moins spontané. L’encadrement ou la
spontanéité du dialogue dépend du scénario d’usage des dispositifs, ce même scénario étant révélateur
des objectifs recherchés par les concepteurs du dispositif et de la nature du dialogue. Hormis les
dispositifs IP City et Hub2 dont les scénarios sont très précis et où le dialogue urbain est traité comme
un objectif du dispositif, les autres dispositifs n’ont pas cherché à encadrer le dialogue entre les
participants qu’ils aient ou n’aient pas explicité le dialogue parmi leurs objectifs.

          L’encadrement du dialogue ne signifie pas son orientation. Celle-ci existant dans tous les cas
par la réception de la représentation du projet, on ne considère donc pas que l’encadrement du
dialogue influe sur la liberté d’expression des participants mais sur la nature même du dialogue. Dans
les deux cas où le dialogue est encadré, le scénario met en avant une problématique servant de cadre
au dialogue. Dans les cas de Hub2 et d’IP City, la problématique est de concevoir le projet urbain de
manière collaborative. Les scénarios précisent les tâches des participants et le dialogue entre les
participants est un des outils servant à la conception du projet. Dans les autres dispositifs, soit il n’existe
pas de problématique communiquée aux participants, soit le dialogue entre les participants n’est pas un
moyen d’accomplir les objectifs affichés. Dans les cas des dispositifs Hautepierre 3D et Participatory
Chinatown, la problématique est de produire une expertise citoyenne. Les participants sont amenés à
produire de manière individuelle le contenu des savoirs. Pourtant les dispositifs les amènent à se
rencontrer sans que cette rencontre serve l’objectif affiché et exposé aux participants. Ainsi le dialogue
entre les participants n’est pas intégré dans le scénario traitant la problématique, il n’est pas encadré
par le scénario d’usage, il est permis. Le dialogue se produit donc de manière spontanée entre les
participants, il ne sert aucune finalité en lien avec le processus de participation au projet urbain. En ce
sens, le dialogue qui apparait dans le dispositif et qui est surement référencé à l’expérience partagée
par l’utilisation du dispositif, n’est pas un dialogue urbain. C’est un dialogue constructif du lien social
entre les citoyens qui permet l’émergence d’un partage et d’un échange et qui aurait surement pu
prendre appui sur une autre référence que le projet urbain. Dans les cas de Gulliver-Maurepas et la
Courrouze, l’objectif affiché est de donner à voir le projet urbain et de permettre aux participants de
partager leur vision. Pour répondre à cet objectif, le scénario réunit les utilisateurs devant la
représentation numérique du projet mais excepté la présence du médiateur, aucune mesure ne vient
encadrer le dialogue. De plus, il apparait que le médiateur soit plus présent pour faciliter l’utilisation du
dispositif et répondre aux questions des utilisateurs que pour encadrer le débat. Le dialogue s’établit
donc de façon spontanée, et comme pour Participatory Chinatown et Hautepierre 3D, le dispositif sert
de moyen de rencontre entre les citoyens qui sont amenés à échanger, à interagir avec comme prétexte
le projet urbain.

        3.2.3. Démocratisation de l’expertise et égalité des participants à prendre
             part au dialogue urbain
         Le dialogue urbain consiste à un échange entre les parties prenantes au projet urbain, citoyens,
autorités techniques et autorités politiques, afin de construire une vision partagée du projet urbain et



        23
Vers un urbanisme participatif augmenté ?
tenter de trouver un consensus entre les parties qui servira à la décision ou à la conception du projet de
manière collective. Le dialogue urbain est composé de moyens, l’échange, et d’une finalité, le
consensus. Cette approche se rapproche de celle d’Habermas si on recherche une décision
consensuelle et de celle d’Hatchuel si la finalité est la conception collaborative. Dans les deux cas, les
participants doivent être en mesure de comprendre et de discuter d’aspects assez techniques, les
principes d’égalité et de rationalité énoncés par Habermas sont donc nécessaires à mettre en œuvre
dans les processus de dialogue urbain. Le dispositif doit alors permettre la mise au même niveau de
connaissances et de capacités d’action des participants, c’est-à-dire faciliter une compréhension
partagée et donner des instruments pour penser et argumenter les différentes options du projet urbain,
afin d’aboutir à une vision négociée du projet urbain. Le principe d’argumentation rationnelle a fait l’objet
de critiques portant sur le caractère non démocratique de ce principe et de son application, toutefois il
apparait que les dispositifs socio-techniques intégrant des objets numériques soient en mesure de
démocratiser l’expertise de tous et de rendre effectif une discussion argumentée et constructive du
projet urbain.

         Parmi les dispositifs de dialogue urbain étudiés, un se rapporte à la décision (VEPs), trois à la
conception (IP city, Hub2 et Bus Meister). Dans tous les cas, les dispositifs ont mis en place des
moyens pour amener les citoyens à réfléchir sur les logiques urbaines et prendre position sur le projet
urbain de façon rationnelle. Il apparait dans tous les cas que la simulation du projet et de ses différentes
variantes soit le seul moyen employé pour réfléchir les logiques urbaines. Simulation des usages pour
Hub2, des conséquences environnementales du projet urbain pour VEPs, des mesures de planification
des transports en commun pour Bus Meister et des flux pour IP City45. La simulation permise par les
technologies numériques renvoie à une compréhension intuitive des logiques urbaines et permet à tous
participants de comprendre les conséquences de différents scénarios du projet urbain et ainsi d’être en
mesure de déterminer le scénario le meilleur selon les enjeux identifiés. La simulation du projet est donc
un moyen de démocratiser les connaissances techniques. Contrairement à la lecture ou l’écoute d’un
discours présentant les enjeux et les conséquences de différents scénarios d’un projet, les objets
numériques rendent les participants actifs, ils sont en capacité de tester par eux-mêmes différents
scénarios et d’en mesurer les conséquences. La position active des participants dans le dispositif
permet de favoriser leur posture active dans le dialogue, les participants n’ayant pas le sentiment de ne
pouvoir qu’écouter le discours des autorités, voire d’être manipulés. Toutefois, si la démocratisation de
l’expertise a été rendue possible par tous ces dispositifs, certains seulement ont intégré des moyens
pour que tous les participants puissent prendre part au débat argumenté. En effet, avoir un avis motivé
ne signifie pas pouvoir exprimer cet avis. Le modèle de la prise de parole en public qui est
habituellement employé dans tous les processus de participation citoyenne peut nuire à l’expression de
ceux qui ont un niveau d’éducation moins élevé, surtout que contrairement aux systèmes éducatifs du
monde anglophone où dès les petites classes les élèves se confrontent à l’exercice de l’exposé et du
débat d’idées, le système français ne favorise pas ce mode d’expression46. Certains dispositifs ont



           45 Le dispositif permet de simuler d’autres enjeux des projets urbains. La problématique des flux a été le scénario
choisi par les participants lors de l’expérimentation du dispositif à Cergy-Pontoise.
           46 « L’absence d’apprentissage scolaire de la discussion tout comme la faible attention généralement prêtée aux
conditions pratiques de l’échange » Loïc Blondiaux (p. 43-44) à propos de la démocratie délibérative comme source
d’inspiration des expérimentations en Amérique du Nord et l’absence d’import du concept en France



         24
Vers un urbanisme participatif augmenté ?
intégré des moyens favorisant l’égalité des participants à la participation active au dialogue urbain. Un
des moyens pour permettre l’égalité de tous à s’exprimer et aboutir au consensus est de mutualiser la
simulation. Différentes méthodes peuvent en effet favoriser la participation sans recourir à l’expression
orale ou écrite. A ce titre, les scénarios d’Hub2 et d’IP City sont intéressants. Le scénario d’usage de
Hub2, a été construit en trois temps : le premier où le participant se confronte individuellement au projet
et est amené à créer des objets avec l’assistance d’un professionnel de la modélisation 3D, puis le
deuxième où les participants testent les objets créés et le troisième où chaque participant délibère en
commentant de manière individuelle les éléments du projet via des drapeaux rouges ou verts auxquels
un texte peut-être associer. Dans le scénario d’IP City, les participants sont en collaboration
permanente. L’interface avec le projet urbain n’est pas l’écran d’ordinateur mais des tables multi-
utilisateurs permettant d’agir collectivement sur le projet. Contrairement au script établi par le scénario
de Hub2, la délibération est simultanée à la simulation. Même si dans les deux cas le dialogue entre les
participants se matérialise par la simulation du projet, la simulation aidant à objectiver les discours et
construire le projet de façon négociée.




                  Sur Hub2, les participants sont   Sur IP City, les participants manipulent les
                  devant leur ordinateur.           outils de façon collective.




        3.2.4. Le dialogue urbain, créateur du projet urbain
        La conception collaborative implique une action de production du projet urbain. Contrairement
au processus de participation visant la formation d’une décision consensuelle où le dialogue est greffé
au projet existant, dans les dispositifs de conception collaborative le dialogue créé le projet.

        Créer un projet urbain n’est pas une œuvre d’architecture, ni de paysagisme. L’aspect visuel et
esthétique est certes important mais la conception d’un projet urbain doit reposer sur l’identification et le
traitement de problématiques urbaines. Les logiques à l’œuvre dans un projet urbain sont multiples,
elles concernent entre autres les pratiques et usages des citadins, les flux et mobilités, les ambiances,
etc. Les dispositifs de conception collaborative étudiés ont mis en place différentes techniques pour
appréhender les logiques urbaines et concevoir le projet urbain.

        Trois des dispositifs de notre panel relève de la co-conception, et chacun s’ancre dans des
contextes différents. Dans le cas du dispositif « Hub 2 », conçu par des chercheurs de l’Emerson
College de Boston, le processus de participation s’appuie sur un projet urbain réel, un jardin public, et




        25
Vers un urbanisme participatif augmenté ?
s’intéresse aux pratiques et usages des citadins. Pour le dispositif « IP City », relevant d’un projet de
recherche européen sur l’apport des techniques de réalité mixte47 pour la conception collaborative, le
processus de participation se base sur des sites en projet et les thèmes de travail sont définis à partir
d’entretiens avec des élus. Le dispositif « Bus meister » a lui été élaboré par l’autorité des transports de
la ville de Vienne et concerne les problématiques posés par les réseaux de transport public.

             3.2.4.1. Dynamisme de la représentation et conséquence sur le
                   processus de conception
          La grande majorité des projets urbains est représentée de façon statique, parfois la
représentation est animée comme la maquette 3D du projet Saint-Blaise 3D mais l’animation faite de
quelques voitures en mouvement et du bruit ambiant ne constitue pas une représentation des logiques
urbaines. Rares sont les représentations où l’on peut se confronter à la ville en mouvement et être
acteurs de cette ville. Tous les dispositifs de conception collaborative le permettent, privilégiant
certaines logiques urbaines en fonction du projet à concevoir. Chaque dispositif de co-conception a
utilisé différents supports numériques pour rendre compte des dynamiques urbaines. Selon les projets,
le dynamisme de la représentation fait partie intégrante du processus de conception (Hub2 et IP City),
pour d’autre il est utilisé pour rendre compréhensible les logiques urbaines à l’œuvre dans le projet (Bus
Meister). Nous nous intéressons ici aux conséquences d’une représentation dynamique au sein du
processus de conception, et ne traiterons donc pas ici du cas de Bus Meister.

         Le dispositif Hub2 a pris pour support numérique le
monde virtuel Second Life. Le monde virtuel permet de
reproduire les dynamiques d’usage de l’espace urbain. Les
participants, par le biais de leurs avatars, sont en capacité
d’interagir à l’intérieur du projet conçu par les architectes et
reconstitué dans le monde viruel, de manipuler les objets, d’en
créer de nouveaux et d’en tester l’usage. L’intérêt de ce
dispositif est l’immédiateté du test du projet. On assiste alors à
un changement du processus même de conception du projet
                                                                     Les participants du dispositif Hub2
urbain qui devient itératif. Bien que tous les processus de dans le monde virtuel du projet,
conception le soient en principe, cela reste plus difficile pour un collabore également en présentiel.
projet urbain. En effet, dans le monde industriel, il est aisé de
concevoir un prototype et de l’expérimenter, alors que pour un projet urbain l’expérimentation se produit
toujours à posteriori. Les raisons en sont évidentes, et jusqu’à présent les seules marges de manœuvre
étaient les études préalables ou de faisabilité. Par le biais du monde virtuel, la simulation du projet rend
son expérimentation possible. Toutefois, pour que l’expérimentation soit valable, le simple fait de faire
participer des citoyens dans un monde virtuel ne suffit pas. Une méthodologie rigoureuse doit
accompagner la simulation pour recevoir des résultats exploitables.




        47 Technique permettant la superposition d’éléments réels et numériques, aussi appelé réalité augmentée



        26
Vers un urbanisme participatif augmenté ?
         Le dispositif IP City permet lui aussi de simuler le projet urbain. Il utilise quand à lui les
technologies de réalité mixte. Les participants sont amenés à concevoir le projet sur site. Pour cela, il
dispose d’une banque de données préalablement constitués à partir d’entretiens individuels menés par
des ethnologues avec les participants. Les participants, citoyens mais aussi autorités techniques et
politiques, imaginent un projet, le construisent et peuvent le déconstruire une fois le projet sous leur
yeux. Contrairement au dispositif Hub2, il ne teste pas l’usage du projet mais sert à réfléchir l’ambiance
du projet conçu en collaboration, à l’objectiver. Toutefois, le processus de conception reste le même
que celui du dispositif IP City, la perception de l’ambiance (ici, les flux) permettent aux participants
d’expérimenter le projet conçu et de le modifier en fonction des résultats de la simulation et de sa
perception collective.




                                                                      Représentation des flux projetés sur un site
                                                                      en projet à Cergy-Pontoise.


             3.2.4.2. La conception collaborative en urbanisme doit faire ses
                   preuves
         Les tenants de la conception collaborative doivent s’armer d’une méthodologie rigoureuse s’ils
veulent diffuser cette pratique. Dans le seul cas où le dispositif de conception collaborative s’inscrivait
en parallèle d’un projet réel, Hub2, les architectes de ce projet n’ont pas voulu intégrer les résultats
issus de l’expérimentation, jugeant qu’en tant que professionnels de la conception ils étaient seuls
compétents pour déterminer le projet48. Une expérience avec des collégiens australiens prouve pourtant
la validité de la conception collaborative, l’école qu’ils ont conçue dans le monde virtuel Second Life
avec l’appui d’un architecte a bien été construite.49 Quelle méthodologie permet alors de rendre
effective la conception collaborative ?

         L’ensemble des dispositifs de conception collaborative de projet urbain ont été réalisés en
contexte fictif50. Ces dispositifs visant plus à expérimenter des modalités de participation citoyenne pour
la conception du projet urbain qu’à réaliser un projet urbain conçu en collaboration. De ce fait, les
évaluations des dispositifs se sont plus focalisées sur les effets du dispositif sur la participation que sur
les effets de la participation et l’intégration des résultats au projet urbain. Ainsi, l’évaluation du dispositif
Hub2 montre une augmentation de la participation des citoyens habituellement absents du débat public,
une meilleure compréhension du projet et la facilitation pour le partage d’une vision commune. Sur le


        48 Rapport d’évaluation du projet Hub2, p.16
        49 Quelques informations sur le projet sont disponibles sur : http://blog.almatropie.org/2009/03/australie-jour-3/
        50 Hormis Bus Meister mais qui est encore en phase de conception.



        27
Vers un urbanisme participatif augmenté ?
traitement des résultats du processus de co-conception et leur intégration au projet urbain, les
évaluateurs rapportent des possibilités accrues pour le suivi de concertation et de restitution des
délibérations aux responsables du projet et des difficultés pour intégrer les propositions issues du
processus de co-conception dans le projet d’où la nécessité de faire participer les responsables et
décideurs du projet à côté des citoyens. L’évaluation d’IP City conclue sur la limitation des conflits et
l’objectivation des discours du fait que le dispositif ne cherche pas à représenter le projet urbain mais à
mettre les participants en posture de réflexion sur le projet.

        En résumé, les évaluations mettent en avant les conséquences sur le dialogue urbain et si les
évaluateurs de Hub2 pointent la nécessité d’inclure les autorités pour intégrer les propositions au projet,
il semble que cette seule condition ne permette pas d’aboutir à la réalisation du projet conçu en
collaboration. Si, pour rendre effectif le dialogue urbain, les autorités technico-politiques doivent être
intégrées dans le dispositif, pour réaliser un projet urbain conçu en collaboration, c’est l’ensemble du
processus et des procédures de conception du projet qu’il s’agirait de repenser51.

               3.2.4.3. Dépasser l’échelle du quartier
        Le processus de participation citoyenne en urbanisme est souvent pensé comme un processus
exclusivement local. Même les processus de participation qui concernent des projets d’envergure
parfois nationale, comme la création d’une ligne de TGV, n’ont pas pensé leur dispositif comme un
dialogue urbain entre citoyens et autorité à cette échelle, les réunions avec les citoyens étant
organisées localement. Le dispositif Bus Meister permet de prouver que la participation citoyenne en
urbanisme peut dépasser l’échelle du quartier.

         Le scénario d’usage de Bus Meister est pensé « à distance ». Aucune rencontre n’est
organisée entre les participants et pourtant, son utilisation permet de partager une expérience
commune et de concevoir de façon collaborative un projet urbain, en l’occurrence un réseau de
transport public. Les concepteurs ont, pour ce faire, utilisé la technique du jeu et les technologies du
web participatif. Le jeu permet à tous les participants de se confronter aux problématiques de
planification des transports publics. Les joueurs sont individuellement amenés à être, le temps du jeu,
planificateur et gestionnaire du réseau de transports : ils doivent assurer la satisfaction des passagers,
gérer le budget du service, organiser la circulation, etc. Cette expérience individuelle peut ensuite être
partagée via des réseaux sociaux, un forum et un groupe Facebook (le jeu est d’ailleurs disponible sur
le réseau Facebook). Les modalités de communication choisies par les concepteurs sont différées. Ce
mode est rendu possible car l’expérience est de fait partagée par le jeu, l’immédiateté du dialogue n’est
donc pas nécessaire et serait même pénalisante étant donné le faible taux de connexion simultanée.
Les échanges entre participants ayant pour objectif d’élaborer des propositions communes, il est donc
nécessaire de garder les traces des paroles. Le système du wiki est à ce titre un excellent moyen de
capitaliser les remarques de chacun et de produire des propositions de façon collaborative puisque



          51Il apparait toutefois que les collectivités s’intéressent à ce type de dispositifs et ait envie de les mettre en œuvre
comme la ville de Strasbourg qui doit prochainement expérimenter le dispositif IP City sur un projet urbain. Il sera alors
intéressant d’analyser les effets du dispositif sur la manière de faire un projet urbain, sur les relations entre les différentes
parties prenantes et sur les besoins d’adaptation des procédures face à ce type de procédé.



          28
Vers un urbanisme participatif augmenté ?
chaque participant peut venir augmenter ou corriger une proposition et que cette modification est
gardée en mémoire. Par ce dispositif, la participation et le dialogue n’ont plus de frontières ou presque.
En effet, bien que le jeu soit identique peu importe la localité du participant, les propositions pour
l’amélioration de l’efficacité du réseau sont relatives à des problématiques locales (en fonction du
réseau existant, du nombre d’usagers, du trafic, etc.). C’est pourquoi, les forums de discussions sont
associés à une ville. Toutefois, le wiki a un autre objectif : celui de la conception collaborative de
solutions par l’intelligence collective. Les échanges entre les participants par le wiki ne sont donc pas
rattachés à une ville particulière, les particularités géographiques sont utilisées comme des études de
cas permettant de s’en inspirer. Le dialogue est donc en partie localisé mais le processus de conception
collaborative est a-localisé voire « universel ».

        Ce type de dispositif permet de dépasser l’échelle de référence des processus de participation
citoyenne en urbanisme. Toutefois il ne s’adresse pas à l’ensemble de la population : bien que ludique
et pédagogique pour ce qui est du partage d’informations, il restreint la participation, d’une part, à la
maîtrise de l’écriture et de l’anglais et, d’autre part, à l’accès et à la maîtrise des outils du web2.



    3.3.           L’influence des concepteurs sur la nature du dialogue
           Les concepteurs dans un processus de participation citoyenne en urbanisme intégrant un objet
numérique sont multiples : concepteur du projet urbain, concepteur du processus de participation et
concepteur de l’objet numérique. Chaque concepteur est expert de son domaine et tous travaillent pour
l’autorité politique qui porte le projet urbain et le processus de participation. Mais les concepteurs ne
travaillent pas nécessairement ensemble. Cette séparation des fonctions est légitime, chacun devant
exercer dans son domaine de compétences, mais cela ne signifie pas qu’il ne doit pas y avoir de liens
entre ces trois catégories de techniciens. En effet, l’ensemble de leurs travaux sert à la préparation du
dialogue urbain. Si les objets qu’ils conçoivent sont liées, quels liens y a t-il entre eux et comment leurs
relations influencent le dialogue urbain ? En plus de cette question, nous regarderons comment ils
considèrent le dialogue urbain, et en ce sens, quelle place les différents concepteurs attribuent à
l’utilisateur-citoyen dans l’usage du dispositif socio-technique et dans le processus de conception du
dispositif _ le projet urbain pouvant, lui aussi, être considéré comme un dispositif socio-technique, si l’on
regarde comment l’organisation spatiale et les objets urbains déterminent les pratiques sociales et en
retour comment les pratiques des utilisateurs-citadins agissent sur la ville.

         3.3.1. Le concepteur du projet urbain détermine le dialogue sans y être
             impliqué
         Le projet urbain est, dans la plupart des cas, conçu en amont du processus de participation52.
Or, cette place de premier n’est pas seulement chronologique. Le projet urbain est considéré comme
l’objet de la participation par les élus, le législateur français, les concepteurs du projet urbain et même
les concepteurs du processus de participation. Ainsi, selon cette considération, les concepteurs du


         52 Cinq sur les six dispositifs de participation en contexte réel de notre panel sont conçus à posteriori du projet
urbain. Un seul des dispositifs en contexte fictif s’appuie sur un projet urbain préexistant, Hub2.



         29
Vers un urbanisme participatif augmenté ?
projet urbain déterminent le dialogue urbain, le dialogue étant, toujours selon cette considération, une
réaction au projet urbain. Dans cette approche, le processus de participation doit servir à comprendre le
projet urbain tel qu’il sera réalisé. Or, pour expliquer le projet urbain aux citoyens et recueillir leurs
réactions, un des moyens prédominant est l’image. Nous pouvons nous demander si ce moyen est mis
en œuvre car il permet une meilleure information, plus rapide et plus accessible qu’un long discours ou
si la raison ne vient pas de l’influence de la culture de l’architecte, concepteur du projet urbain, sur le
processus de participation en urbanisme. En France, l’architecte a une autorité supérieure sur la
conception de la ville, alors que dans le monde anglophone les town-planners sont les référents en la
matière. L’architecte, de par sa formation, privilégie la forme aux logiques urbaines. La sélection des
projets urbains par les collectivités est basée certes sur les fonctionnalités du projet, son coût et les
externalités positives qu’il engendre mais également sur son esthétisme à travers des esquisses et des
vues du projet. Dans tous les cas, la communication sur un projet urbain passe principalement par ces
vues statiques agrémentées de quelques chiffres. La participation des citoyens sur ces bases ne
permet pas de dépasser une discussion sur l’esthétique du projet.

        Parmi les cinq dispositifs de participation en contexte réel conçus à posteriori du projet urbain,
seul un, Berges de Seine, a explicitement orienté l’objet de la participation sur les usages du projet.
Pourtant, l’explication du projet lors de rencontre physique avec la population s’appuie majoritairement
sur des images esthétiques et statiques53.




              Présentation du projet Berges de Seine sur le site internet, l’ensemble des images
              est présenté sous forme de film et supporte le discours des porteurs du projet, les
              techniciens de la ville de Paris, lors des rencontres physiques avec les citoyens.




        53 Réunion publique à la Mairie du Ve arrondissement du 9 novembre 2010 et atelier thématique du 17 novembre
2010.



        30
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Vers un urbanisme participatif augmenté?

  • 1. VERS UN URBANISME PARTICIPATIF AUGMENTE ? Apports et limites des dispositifs socio-techniques intégrant des supports numériques de représentation 3D dans le processus de participation citoyenne en urbanisme Mémoire de Master 2 « Aménagement et Territoire » spécialité « Opérateurs et managers urbains » Parcours « Ville Numérique » _ Institut Français d’Urbanisme – Université de Marne-La-Vallée. Octobre 2011, Alexina Fornasari, sous la direction de Valérie Aillaud.
  • 2. RESUME Ce mémoire propose de revisiter la question de l’utilisation des techniques de communication et de représentation dans le dialogue sur la ville. L’hypothèse que nous posons est que les technologies numériques de communication et d’information (TNIC) couplées à l’imagerie 3D permettent d’augmenter tant en intensité qu’en étendue la participation citoyenne en urbanisme. Avant de vérifier cette hypothèse nous avons cherché à établir quel(s) sens recouvrait la participation citoyenne en urbanisme. Notre objet d’étude n’est pas la démocratie électronique mais bien les interactions entre les différents acteurs de la ville permises par les TNIC. Cette question n’a pas, à notre connaissance, été étudiée, excepté dans le cadre d’expérimentations. Nous avons donc emprunté la voie empirique en comparant une dizaine d’expérimentations en Europe et aux Etats-Unis ayant mis en œuvre un dispositif numérique de communication accompagné par une représentation 3D du projet urbain. Afin d’analyser les influences réciproques entre les techniques conçues et utilisées et les relations sociales et politiques, nous avons employé une méthode et un concept développé par les sociologues de l’innovation à savoir les dispositifs socio-techniques. Après cette approche holistique, nous nous sommes recentrés sur notre sujet et avons tenté de répondre à notre hypothèse en isolant des caractéristiques techniques et des conditions d’utilisation pour une augmentation de la participation citoyenne en urbanisme via les TNIC et la 3D.
  • 3. REMERCIEMENT Avant de débuter ce mémoire, je tiens à exprimer toute ma reconnaissance aux personnes qui m’ont apporté leur aide pour ce travail et qui tout au long de ma formation à l’Institut Français d’Urbanisme m’ont permis de me préparer aux défis que suppose l’évolution des métiers de l’urbanisme. Je tiens, tout d’abord, à exprimer toute ma gratitude à Madame Valérie Aillaud, comme responsable du Parcours Ville Numérique et directrice de ce mémoire, pour sa confiance et son soutien, et pour les opportunités de professionnalisation qu’elle m’a apportée. Je remercie tout particulièrement, Monsieur Loïc Haÿ, comme maître de stage, professeur du Parcours « Ville numérique » et instigateur de ce mémoire, pour m’avoir communiqué sa passion, et partagé sans condition ses connaissances, ses outils et ses méthodes de travail. Je tiens également à citer Madame Nadia Arab, professeur du Master, qui m’a fait connaître Madeleine Akrich et les sociologues de l’innovation et dont la contribution indirecte à ce mémoire s’est avérée essentielle à sa réalisation. J’adresse enfin mes sincères remerciements à l’ensemble des professionnels qui m’ont prêtée de leur temps pour répondre à mes questions.
  • 4. Vers un urbanisme participatif augmenté ? Sommaire RESUME..................................................................................................................................... 2 REMERCIEMENT ....................................................................................................................... 3 1. INTRODUCTION : LES QUESTIONS D’HIER RESTENT CELLES DE DEMAIN .............. 6 2. LA PARTICIPATION CITOYENNE, GLISSEMENT DE PARADIGME ? ............................ 8 2.1. Naissance de la participation : des luttes urbaines à l’institutionnalisation ................ 8 2.2. Le dialogue urbain, objet technique, politique et social à identifier .......................... 10 2.2.1. Les premières techniques de dialogue urbain indirect 10 2.2.2. La nécessité du dialogue, de la relation de pouvoir à la relation de partage 10 2.3. Les technologies numériques, accompagnatrices du glissement de paradigme ? .. 13 3. LES DISPOSITIFS SOCIO-TECHNIQUES, QUELS EFFETS SUR LE DIALOGUE URBAIN ? ……………………………………………………………………………………………………...14 3.1. Qu’est-ce qu’un dispositif socio-technique ?............................................................ 14 3.2. Les dispositifs, prescripteurs des formes de participation........................................ 15 3.2.1. Conditions et moyens pour l’émergence du dialogue 15 3.2.2. Dispositifs de dialogue, mais lequel ? 21 3.2.4. Le dialogue urbain, créateur du projet urbain 25 3.3. L’influence des concepteurs sur la nature du dialogue ............................................ 29 3.3.1. Le concepteur du projet urbain détermine le dialogue sans y être impliqué 29 3.3.2. Intégration des objets numériques dans les dispositifs de participation, révélateur du lien entre numérique et politique 31 3.3.3. La conception du dispositif, déterminant de la posture des participants 34 3.3.4. Pourquoi les processus de participation « fictifs » sont-ils plus aboutis ? 37 3.4. Les conditions pour un dialogue effectif................................................................... 38 4. L’APPORT DES OBJETS NUMERIQUES AUX PROBLEMATIQUES DE LA PARTICIPATION CITOYENNE EN URBANISME.................................................................................. 40 4.1. La 3D, technique indispensable mais à utiliser avec précaution.............................. 40 4.1.1. Une réponse partielle à la compréhension partagée du projet urbain 40 4.1.2. Un message identitaire à prendre en compte 42 4.2. Simulation du projet urbain et de ses dynamiques pour un dialogue urbain augmenté ................................................................................................................................ 43 4.3. Les effets du système de communication numérique sur le dialogue urbain........... 45 4.3.1. L’hybridation, de l’individu connecté au collectif connecté 45 4.3.2. Capacitation et ludification 47
  • 5. Vers un urbanisme participatif augmenté ? 4.3.3. Identification, participation et culture urbaine 48 4.3.4. Aide à la décision et participation continue 50 5. CONCLUSION : REVISITER LES PRATIQUES PROFESSIONNELLES EN URBANISME POUR L’AUGMENTATION DE LA PARTICIPATION ............................................................................ 52 SOURCES BIBLIOGRAPHIQUE............................................................................................... 55 LISTE DES ENTRETIENS ........................................................................................................ 56 LISTE DES PROJETS ETUDIES.............................................................................................. 57 ANNEXE : FICHES PROJET .................................................................................................... 58 Berges de Seine.................................................................................................................... 58 Bus Meister ........................................................................................................................... 59 Gulliver-Maurepas................................................................................................................. 60 Hautepierre 3D...................................................................................................................... 61 HUB2, Boston ....................................................................................................................... 62 IP City.................................................................................................................................... 63 La Courrouze ........................................................................................................................ 64 Participatory Chinatown ........................................................................................................ 65 Saint-Blaise 3D ..................................................................................................................... 66 VEPs ..................................................................................................................................... 67 Vision Lozells ........................................................................................................................ 68
  • 6. Vers un urbanisme participatif augmenté ? 1. INTRODUCTION : LES QUESTIONS D’HIER RESTENT CELLES DE DEMAIN Françoise Choay posait en 1965 la question de savoir si la ville de demain _ celle d’aujourd’hui _ verrait « peut-être son rôle créateur et formateur [...] assuré par d’autres systèmes de communication (télévision ou radio, par exemple)»1. Il apparait aujourd’hui comme hier, que « le micro-langage de l’urbanisme, son « logotechnique » est toujours réservé à un ensemble de spécialistes (organismes de financement dirigés par des techniciens de la construction, ingénieurs et architectes) »2, qui exclue « leur appartenance à un langage et plus généralement à la structure globale d’une société»3 et « prive de la liberté de réponse » l’habitant, empêchant « toute l’activité dialectique que devrait lui offrir l’établissement urbain » 4. De nombreuses initiatives à travers le monde cherchent à s’emparer des technologies numériques et du système de communication qu’elles induisent pour augmenter le dialogue urbain, étendre la participation des citoyens et l’intensifier. La question est de savoir si l’usage des technologies numériques n’ouvre pas la voie à de nouvelles formes de dialogue entre les acteurs de la ville. Ce travail a ainsi vocation à proposer un début de réflexion en interrogeant certaines de ces initiatives sur leur apport en termes d’information, de représentation, d’interaction et de collaboration au sein des processus de participation, c’est-à-dire dans quelle mesure ces apports sont propices à la mise en œuvre de la participation, au dialogue urbain et à l’expression conjointe des expertises (politique, technique et citoyenne), mais aussi à l’intégration de la participation dans les projets urbains, à l’organisation et la gouvernance des projets en urbanisme. Parmi la diversité et la quantité d’expérimentations mobilisant les technologies numériques pour la participation citoyenne, nous avons établi un panel sélectif de onze projets ayant pour caractéristique commune d’intégrer une forme de représentation spatiale en trois dimensions et une possibilité d’interaction avec les utilisateurs. Ce choix est motivé par le fait qu’il n’existe pas à notre connaissance, d’études interrogeant à la fois la représentation du projet urbain en trois dimensions et les modalités de participation via le système de communication numérique5. Notre sujet étant exploratoire, l’absence d’études sur notre objet de recherche nous pousse à emprunter la voie empirique. Toutefois, les contraintes temporelles et géographiques ne nous ayant pas permis de réaliser un véritable travail de terrain, nous n’avons pas recueilli le même niveau ni la même nature d’informations selon les projets6. 1 Choay, 1965-p.82 2 Idem, p.79 3 Idem p.80 4 Idem p.80 5 Il existe un certain nombre d’études qui interrogent la représentation en 3D et ses effets sur la participation (Masboungi et McClure, 2007 ; Bailleul, 2008) et d’autres la « démocratie électronique » (Monnoyer-Smith, 2011) 6 Nos données sont constituées des informations disponibles en ligne, et pour cinq projets, d’entretiens avec des acteurs (concepteurs, développeurs, médiateurs, évaluateurs) des processus de participation. L’ensemble des informations recueillies figurent sur les fiches projet en annexe. 6
  • 7. Vers un urbanisme participatif augmenté ? La diversité des contextes culturels et politiques dans laquelle s’inscrivent nos cas d’études (certains prennent place en Angleterre, en Autriche ou encore aux Etats-Unis), nous amènera à préciser les différences originelles de la considération et de la mise en œuvre de la participation citoyenne entre la France et les Etats-Unis. Nous tenterons par là de montrer que la dimension culturelle et politique a des conséquences sur la pratique et la conception de processus participatif. Toutefois nous ne serons pas en capacité de mesurer tout au long de notre analyse les influences culturelles et politiques sur les processus de participation. Ainsi certains de nos propos ne seront valables que dans un contexte national. Néanmoins, nous chercherons à émettre des recommandations d’ordre général pour l’utilisation des technologies numériques dans la mise en œuvre de la participation citoyenne et à l’intégration des résultats de ce processus au projet urbain en nous appuyant sur les « principes essentiels pour la participation » élaborés par l’Association Internationale pour la Participation du Public7. Notre analyse des différents projets s’appuiera sur un concept et une méthode empruntés à la sociologie de l’innovation. Nous considérerons les processus de participation comme des dispositifs socio-techniques, c'est-à-dire où les agencements techniques de participation sont conditionnés et conditionnent les interactions sociales et l’ordre politique. Cette méthode d’analyse, nous amènera à observer la conception et l’utilisation des techniques de participation pour décrypter leurs effets sur les participants et leurs relations entre eux et avec le projet urbain. Nous proposons de débuter ce mémoire en partageant notre réflexion sur la nature de la participation citoyenne. Cette première partie, servira à poser les bases d’une compréhension commune de l’objet de notre analyse pour ensuite, dans une deuxième partie, observer comment les techniques mobilisées dans les processus de participation prescrivent certaines formes de participation. Après avoir établi, les conditions pour un dialogue urbain effectif, nous mettrons en valeur, dans une troisième partie, les apports des technologies numériques pour répondre aux problématiques de la mise en œuvre de la participation en urbanisme et de son intégration au projet. Enfin, nous conclurons en pointant les défis soulevés par l’exploitation des potentialités des technologies numériques, pour l’augmentation effective de la participation. 7 L’IAP2 a mis en place sept principes pour la participation à portée universelle. 7
  • 8. Vers un urbanisme participatif augmenté ? 2. LA PARTICIPATION CITOYENNE, GLISSEMENT DE PARADIGME ? En cherchant à définir à quoi servait la participation citoyenne en urbanisme, nous avons interrogé quelle idéologie, quel modèle politique les penseurs et les politiques lui prêtaient. Nous avons regardé si les principes et la finalité de la participation étaient partagés entre les différentes cultures et les différentes époques. En s’intéressant aux modalités de mise en œuvre de la participation, nous avons pu observer qu’à la recherche d’une même finalité, les porteurs de la participation pouvaient emprunter différents chemins. Mais surtout, nous avons remarqué que le sens donné à la participation citoyenne par les chercheurs s’inscrivait depuis un peu plus d’une décennie dans un autre paradigme que celui auquel se référaient les pionniers. 2.1. Naissance de la participation : des luttes urbaines à l’institutionnalisation Le concept de participation citoyenne a été développé aux Etats-Unis dans les années 1960 à la suite des mouvements de contestation pour une démocratie participative. Théorisée par Sherry R. Arnstein en 1969 dans A ladder of Citizen participation8, la participation citoyenne est pensée comme une lutte de pouvoir où le citoyen doit prendre le contrôle au risque de se faire manipuler par les autorités politiques. Si aux Etats-Unis ce sont les intellectuels qui promeuvent la participation, en France la participation est impulsée par des hommes politiques issus du courant de gauche. Dès 1962, Pierre Mendes France propose de “réaliser la démocratie de participation” avec l’idée que “la démocratie ne consiste pas à mettre épisodiquement un bulletin dans une case, à déléguer les pouvoirs à un ou plusieurs élus, puis à se désintéresser, s’abstenir, se taire pendant cinq ans. Elle est action continuelle du citoyen” et requiert à ce titre sa “présence vigilante”9. Dans les années 1960-1970, en France, les Groupes d’Action Municipale (GAM), les comités de quartiers, les ateliers populaires d’urbanisme font de la participation un instrument de contestation du système politique. Ces “luttes urbaines” pour la participation effective des citoyens dans les affaires publiques s’éteignent dans les années 1980 après une tentative d’institutionnaliser ce mouvement issu des citoyens par les municipalités d’Union de la gauche en 1977. Le contexte français est bien différent de celui des Etats-Unis où la participation aussitôt pensée est codifiée par les gouvernements locaux. 8 Elle détermine trois niveau de participation : 1) premièrement la non-participation qu’elle définie comme étant soit de la "manipulation", comme par exemple l’utilisation excessive et exclusive d’image de synthèse par lesquelles certains mettent en scène le projet urbain, soit de la "thérapie" comme soutien à la population8; 2) le second niveau est celui de la "coopération symbolique" qui se décline selon trois degrés: a) l'information à sens unique, b) la consultation sans garantie de prise en compte des suggestions et c) la "réassurance" où l'autorité publique est seule juge de la légitimité des points de vue recueillis8; et 3) troisièmement le "pouvoir effectif des citoyens" soit la participation réelle qui elle aussi se décline selon trois degrés: a) le partenariat via des comités mixtes élus-citoyens; b) la délégation de pouvoir c'est-à-dire quant un comité est composé au moins à 50% de citoyens et c) le contrôle par les citoyens de la conception, de la planification et de la direction des programmes. 9 Blondiaux, 2010 – p.15 8
  • 9. Vers un urbanisme participatif augmenté ? « En Amérique du Nord ont été mis au point depuis longtemps des codes écrits permettant d’organiser toute négociation, quelle qu’en soit la nature. En France, l’arbitraire le plus total règne en matière d’organisation de la délibération participative. Comme si la confrontation physique des interlocuteurs suffisait à garantir la possibilité d’une discussion organisée et productive. » 10 La codification sera effectuée en France à partir des années 1990. Mais contrairement à leurs voisins d’Outre-Atlantique, les législateurs français ne s’intéressent pas à l’organisation de la participation mais plutôt à ses principes : concertation avec les habitants11 ; droit d’information et de participation à l’élaboration des décisions publiques12 ; droit d’initiative citoyenne13. L’opérationnalité de ces principes reste en suspens car, d’une part « tout se passe comme s’il s’agissait de faire droit à cette participation au niveau des principes sans préciser véritablement le contenu de cette obligation »14, et d’autre part, peu de moyens ont été pensés pour accompagner ce processus participatif15. Malgré les différences d’appropriation et de mise en œuvre de la participation entre la France et les Etats-Unis, la conception de la participation apparait identique : il s’agit d’inclure les citoyens dans les décisions politiques. C’est d’ailleurs, la conception qui est mise en avant par l’Association Internationale pour la Participation du Public (IAP2) qui définie les valeurs essentielles pour la participation comme universelles « au-delà des frontières nationales, culturelles et religieuses ». Ces valeurs au nombre de sept posent en partie les mêmes principes que ceux des législateurs français16 mais l’IAP2 insiste « sur le principe que la contribution du public peut influencer la décision » et met en avant des principes qui se réfèrent à la méthode du processus de participation17 parmi lesquels l’autodéfinition par les participants de la manière dont ils participent. Ce dernier principe qui pose que « le processus de participation du public doit permettre aux personnes de définir comment elles participent » revient à définir que les participants n’ont pas simplement un pouvoir sur la prise de décision mais sur le processus de participation lui-même. 10 Blondiaux, 2010 – p.102 11 La loi d’orientation de 1991 relative à la politique de la ville pose le principe de concertation préalable avec les habitants pour toute action qui modifie substantiellement les conditions de vie dans les quartiers ; La loi Barnier du 2 février 1995 relative aux grands projets d’infrastructure ayant une incidence sur l’environnement ; La loi SRU de décembre 2000 rend la concertation obligatoire à l’élaboration des Plans Locaux d’Urbanisme. 12 La loi de Février 1995 relative à l’administration territoriale inscrit le droit des citoyens à être informés et consultés ; Charte de l’environnement de 2005 à valeur constitutionnelle. 13 Réforme constitutionnelle de 2003 relative au référendum local. 14 Blondiaux, 2010 – p.17 15 Nous en comptons trois de différentes natures les conseils de développement représentant la société civile et ayant un rôle consultatif (Loi Voynet de Juin 1999 relative à l’aménagement territoriale et au Développement Durable) ; les conseils de quartiers obligatoire pour les villes de plus de 80 000 habitants (Loi « démocratie de proximité » de 2002) ; et la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), autorité administrative indépendante, devant encadrer les débats et crée en 2002. 16 « Le public devrait pouvoir s’exprimer sur les décisions qui touchent sa vie. » ; « Le processus de participation du public doit fournir aux participants l’information nécessaire pour une participation significative.» 17 « Le processus de participation du public doit communiquer les intérêts de tous les participants et prendre en compte leurs besoins. » « Le processus de participation du public doit solliciter et faciliter activement la participation de toutes les personnes susceptibles d’être touchées. » « Le processus de participation du public doit communiquer aux participants l’incidence de leur contribution sur la décision. » 9
  • 10. Vers un urbanisme participatif augmenté ? 2.2. Le dialogue urbain, objet technique, politique et social à identifier Si la participation est définie par des principes et des valeurs, sa mise en œuvre reste quant à elle non identifiée. A travers les premières techniques de mise en œuvre de la participation, nous observerons que les modèles politiques qui s’en dégagent relèvent de différentes logiques. 2.2.1. Les premières techniques de dialogue urbain indirect A l’analyse des premières méthodes de participation, une différence notable sur les modalités d’interaction entre citoyens et autorités technico-politiques. Une des premières techniques de participation élaborées aux Etats-Unis, le sociological survey, consiste à faire collaborer techniciens de la ville et habitants par le biais d’un médiateur, originellement un sociologue. Cette technique de participation n’implique pas nécessairement l’interaction entre les différents acteurs ; souvent le médiateur joue le rôle d’intermédiaire ou plutôt de rapporteur des discours des habitants sur le projet urbain, leur vision de la ville et leur façon de vivre la ville. Le médiateur- rapporteur n’est pas en position d’assurer que, d’un côté, l’habitant soit impliqué dans le processus de participation au projet urbain et que, de l’autre côté, les techniciens entendent et considèrent les propos de l’habitant. En France, la technique développée a un autre but ; elle ne s’inscrit pas dans un projet particulier et ne cherche pas à mettre en relation l’habitant avec le technicien ou le politique. L’éducation populaire donne les moyens à l’habitant d’interagir avec les techniciens, mais faut-il encore que les techniciens acceptent la relation et que les habitants aient la volonté ou l’opportunité de participer. Ces premières techniques ne sont pas encore à même d’apporter le dialogue urbain. Si la mise en relation n’est pas aboutie dans les deux cas, l’organisation du dispositif de participation relève de deux scénarios différents : un premier scénario où la participation est organisée par le haut, à distance via un intermédiaire-expert capable d’extraire le savoir des habitants et de le livrer aux décideurs dans un cadre précis et pour durée prescrite ; un second scénario qui repose sur une mise en capacité des citoyens par d’autres citoyens pour les engager à dialoguer avec les autorités sans cadre prescrit. Ces deux configurations mettent en œuvre deux logiques, une descendante avec pour finalité la prise de décision « éclairée » des autorités technico-politiques, l’autre ascendante avec pour but l’autonomie d’action des citoyens. 2.2.2. La nécessité du dialogue, de la relation de pouvoir à la relation de partage La démocratie participative tire ses fondements des luttes urbaines et « la théorie de la démocratie participative [conserve pour] finalité principale [...] la formation de communautés citoyennes 10
  • 11. Vers un urbanisme participatif augmenté ? actives, [...] l’engagement et la politisation des participants »18. La participation des citoyens semble s’inscrire obligatoirement dans une relation de pouvoir. Et si la « démocratie participative n’a pas vocation à produire directement de la décision. Elle ne peut cependant être pensée qu’en relation avec une décision à prendre [...]»19. Habermas a théorisé le processus de participation comme un « processus d’argumentation rationnelle impliquant des points de vue contradictoires”20. Bien que fortement critiqué sur le principe de rationalité du dialogue entre citoyens et autorités qui impliquait une égalité de la maîtrise du discours, la délibération reste le modèle majoritaire de tout processus de participation et la finalité, la prise de décision consensuelle. « La participation pour la participation n’a pas de sens » nous dit Loïc Blondiaux21. Toutefois, nous posons l’hypothèse que la participation pour la participation a un sens par le fait qu’elle met les citoyens en relation de partage. Nous assistons en effet, depuis les années 2000, à un glissement de paradigme. La participation, jusqu’à l’heure appréhendée comme une relation de pouvoir avec pour point d’orgue la prise de décision, est à présent considérée par certains chercheurs comme une relation de partage. Différents vocables sont utilisés pour signifier ce nouveau type de participation. Le premier d’entre eux est le terme de collaboration, on comprend alors la participation comme une action reposant sur le fait d’être avec. Le premier chercheur à avoir conceptualisé cette nouvelle approche de la participation est Armand Hatchuel qui, empruntant ses références au monde de la conception industrielle, a donné pour finalité à la participation la « conception collective » en posant l’ «expertise [citoyenne] comme processus démocratique »22. La participation relève pour lui de l’action mettant en jeu non pas les intérêts des acteurs et les prises de pouvoir mais les compétences et les savoirs des profanes. Jean-Jacques Terrin, architecte-urbaniste et chercheur ayant participé à la conception du projet IP City, considère lui aussi le travail collaboratif de conception et de production comme “la bonne participation” à laquelle il oppose le discours ou l’information, la concertation ou la discussion, soit la délibération. Pour lui, la posture active des citoyens est la condition de la participation effective ; la finalité de la participation est la conception et non la décision23. D’autres chercheurs considèrent également la participation comme collaboration mais pour eux l’enjeu n’est pas la conception mais simplement l’interaction. Hélène Bailleul, chercheuse en urbanisme, considère que c’est le partage et l’échange des connaissances sur le territoire entre citoyens et autorités qui fondent la participation, la finalité important moins que les moyens24. Pierre Mahey, architecte-urbaniste expérimentant depuis les années 1980 des méthodes pour faire la ville avec ses habitants, définie comme enjeux de la participation l’appropriation de la ville par ses habitants, la cohésion sociale et la rencontre de l’autre25. 18 Loïc Blondiaux, 2010-p. 44 19 Idem p.108-109 20 Idem p.44 21 Idem p. 109 22 Hatchuel, 2001 23 Entretien du 20 mai 2011. 24 Entretien du 20 mai 2011. 25 Atelier DoItCitY sur le dialogue urbain du 12 mai 2011. 11
  • 12. Vers un urbanisme participatif augmenté ? Deux écoles existent donc parmi les tenants de la participation qui se sont écartées de toute notion de pouvoir pour privilégier une relation de partage :  La première relève du dialogue urbain en considérant que le processus de participation a pour finalité la conception collaborative du projet urbain.  La seconde relève du dialogue social et considère que la participation pour la participation à un sens, les processus de participation quelque finalité qu’ils aient ne sont que prétextes à l’action de participer. Ce glissement de paradigme semble par contre ne pas avoir été opéré chez les élus et techniciens qui considèrent toujours la participation des citoyens comme un potentiel contre-pouvoir. Les autorités technico-politiques ont en effet souvent peur des processus de participation citoyenne et cherchent à en maitriser les effets. Ils pensent le plus souvent la participation citoyenne comme une contrainte qui risque de nuire au projet. La participation est « rarement pensée comme une aide possible à la décision, comme une manière de gouverner autrement et plus efficacement. Elle est le plus souvent vécue comme une contrainte lorsqu’elle est imposée par la loi, et comme une menace lorsqu’elle risque de réveiller un peuple que l’on croyait endormi. La tentation est grande [...] à verrouiller le processus de discussion »26 Dans le même temps, la crise de légitimité qui affecte le pouvoir politique et technique dans nos démocraties pousse les élus et leurs techniciens à s’ouvrir aux processus de participation27. Si l’on parle beaucoup de pédagogie envers les citoyens dans le cadre des processus de participation en urbanisme, on en parle rarement envers les autorités. Pourtant, pour que la participation ne soit pas lettre morte ou dialogue de sourd, pour qu’il y ait partage, les deux parties doivent être en posture d’échange. Certains bureaux d’étude chargés de concevoir et de mettre en œuvre des processus de participation citoyenne en ont bien conscience, comme le bureau Respublica chargé entre autre du processus de concertation sur le projet Berges de Seine et Saint-Blaise pour la ville de Paris et la SEMAEST. La directrice de Respublica insiste sur le travail de pédagogie aux élus comme un préalable nécessaire à tout processus de participation. Souvent, précise-t-elle, les élus font appel à ses services pour lui déléguer leur obligation de concertation sans avoir défini l’objet de ce qui serra soumis au débat, ni ce qu’ils en attendent. Son travail consiste donc en premier lieu à discuter avec les élus, et à définir avec eux l’objet de la participation. Pour cela, il s’agit d’établir quelles sont les marges de manœuvre dans un projet, c’est-à-dire ce qui n’est pas décidé et ce pour quoi le débat public peut être une aide à la décision, même si cette dernière reste du ressort de l’élu. Il s’agit également de clarifier avec eux les modalités du processus, c’est-à-dire de définir leur positionnement pour qu’ils puissent justifier leur décision après avoir recueilli la parole des citoyens28. Cette expérience de terrain montre qu’il est difficile pour les élus de se positionner dans une relation de pouvoir, et à fortiori il leur sera plus difficile encore de s’inscrire dans une relation de partage. Toutefois certains arguments de poids pourraient les aider à reconsidérer la participation en dehors d’un rapport de force et à s’ouvrir au dialogue avec les citoyens. En effet, si la finalité de la participation n’est plus la décision mais 26 Loïc Blondiaux, 2010- p.74 27 Sur les raisons de la crise de l’autorité, voir LB, 2010 – p.25-28 28 Entretien du 26 mai 2011 12
  • 13. Vers un urbanisme participatif augmenté ? l’appropriation du projet par les citoyens, le sentiment d’appartenance à la cité, la cohésion sociale entre les citoyens, si on donne un sens à la participation pour la participation, les autorités ne se sentiraient plus en situation de risque, la question du pouvoir ayant disparu. Le processus de participation citoyenne en urbanisme pourrait ainsi devenir un prétexte à soigner les maux de la société comme l’énonce Pierre Mahey29. 2.3. Les technologies numériques, accompagnatrices du glissement de paradigme ? Les méthodes de collaboration n’ont pas attendu l’arrivée des Technologie Numériques de l’Information et de la Communication (TNIC) pour se développer, comme le prouve la méthode du Community planning expérimentée dans les années 199030. Toutefois, depuis leur avènement et leur diffusion, les TNIC ont été mobilisées pour mettre en œuvre la participation citoyenne31. Si la participation en ligne a été une des techniques les plus expérimentées, elle a pris de nombreuses formes et servie diverses finalités. La diffusion des TNIC auprès du plus grand nombre ont modifié le rapport à l’information et les relations de communication. Ce nouvel art de communiquer a engendré une révolution culturelle qui est encore à l’examen32. S’il est indéniable que les TNIC ont un aspect collaboratif (il suffit de se référer aux termes créés suite au développement des usages des technologies numériques comme l’ « intelligence collective » ou le « crowdsourcing »), il n’est pas prouvé pour autant qu’elles permettent d’augmenter la participation citoyenne. Les TNIC sont des outils, ils servent la finalité défendue par ses utilisateurs. Au regard de certaines utilisations des TNIC, la question se pose de savoir si elles sont réellement utilisées pour favoriser la participation ou pour favoriser l’acceptation du projet urbain par les habitants ou même comme Hélène Bailleul en a fait l’hypothèse, si les élus ne cherchent pas seulement à communiquer par ces outils leur modernité33. L’outil sans la méthode n’est rien. Nous sommes actuellement face à une profusion d’expérimentation de ces outils dans le cadre de processus de participation mais les concepteurs de ces expérimentations pensent-ils les méthodes ? Vu la rareté des évaluations de ces expérimentations, on peut légitimement se demander si les concepteurs ne s’intéressent pas plus à l’outil qu’à ses utilisateurs et au bien qu’ils peuvent en tirer. A travers les projets étudiés, nous tenterons de définir si et selon quelles modalités les TNIC, comme techniques mais également comme production d’un nouvel ordre politique et social, servent à la participation citoyenne 29 Atelier Do It citY sur le dialogue urbain du 12 mai 2011. 30 Voir Hauptmann et Water « Concertation citoyenne en urbanisme : la méthode du community planning » 31 Voir Laurence Monnoyer-Smith, 2011 32 Voir entre autre le réseau scientifique pluridisciplinaire http// :www.culture.numérique.free.fr 33 Bailleul, 2008 (1) 13
  • 14. Vers un urbanisme participatif augmenté ? 3. LES DISPOSITIFS SOCIO-TECHNIQUES, QUELS EFFETS SUR LE DIALOGUE URBAIN ? 3.1. Qu’est-ce qu’un dispositif socio-technique ? Le terme de dispositif socio-technique a été élaboré par les chercheurs en sociologie de l’innovation pour décrire la dimension sociale d’un objet technique, considérant que « les objets techniques définissent dans leur configuration une certaine partition du monde physique et social, attribuent des rôles à certains types d’acteurs -humains et non-humains- en excluent d’autres, autorisent certains modes de relation entre ces différents acteurs de telle sorte qu’ils participent pleinement de la construction d’une culture,…, en même temps qu’ils deviennent des médiateurs obligés dans toutes les relations que nous entretenons avec le réel. »34 Ces chercheurs ont mis en évidence qu’un objet technique induit dès sa phase de conception un certain agencement social et définit un ordre politique « au sens où il constitue des éléments actifs des organisations des relations des hommes entre eux et avec leur environnement »35. Afin de rendre compte du contenu politique et social d’un objet technique, nous pouvons rapporter le processus de conception d’un pont reliant deux rives d’une ville que décrypte L. Winner36. Ici, le concepteur du pont est également concepteur d’un ordre politique ou plutôt inscrit l’objet qu’il conçoit dans l’ordre politique et social existant. Le pont est ainsi conçu pour rendre impossible le passage des bus, empêchant l’accès des pauvres à l’autre rive, ces derniers n’ayant pas de voiture individuelle. Françoise Choay avait d’ailleurs remarqué qu’« à la racine de tout projet d’aménagement, derrière les rationalisations ou le savoir qui prétendent la fonder en vérité, se cachent des tendances et un système de valeurs. » 37 Des critères d’analyse ont été mis en place par ces chercheurs pour observer les agencements sociaux et politiques produits par un objet technique. Un premier critère est la position et la posture de l’utilisateur, la position étant relative à l’utilisation du dispositif et la posture au conditionnement et aux conséquences de l’utilisation sur son comportement et sa place sociale. Par exemple, dans le cadre d’un jeu sérieux (serious game) visant à recevoir l’avis des citoyens, la position de l’utilisateur est d’être joueur et sa posture est d’être consulté par l’autorité politique. Un deuxième critère d’analyse est le scénario d’usage du dispositif, c’est-à-dire le contexte dans lequel sont utilisé le dispositif et les règles du jeu. Ce scénario détermine « un « script », qui se veut prédétermination des mises en scène que les utilisateurs sont appelés à imaginer à partir du dispositif technique et des pré-scriptions qui l’accompagnent »38, soit une action ou une posture de la part de l’utilisateur et une certaine relation entre les utilisateurs et un certain rapport au monde. 34 Akrich, 1993 35 idem 36 Winner, 1983 37 Choay, 1965-p.74 38 Akrich, 1993 14
  • 15. Vers un urbanisme participatif augmenté ? Schéma de définition des critères d’analyse d’un dispositif socio-technique Caractère Caractère social technique et politique Utilisateur Position Posture Relation entre les Scénario Script utilisateurs Considérer les processus de participation comme des dispositifs socio-techniques nous invitent à regarder comment les objets techniques39 façonnent les processus de participation et quel modèle politique ils sous-tendent. L’analyse de ces objets techniques et de leur conception permet de comprendre dans chaque projet comment sont considérés les différents acteurs, leurs relations et leurs rôles. Utiliser ce concept et cette grille d’analyse, nous permet d’interroger les techniques de participation et leurs effets sur la participation citoyenne en urbanisme. Cela permet également, en regardant à la fois du côté de la conception des objets et de leur expérimentation, de définir ce qui se cache sous le terme de participation pour chacun des projets étudiés ou quel modèle ou idéologie politique est mise en place par le bais de techniques employées dans les processus de participation. 3.2. Les dispositifs, prescripteurs des formes de participation Nous analyserons ici comment les dispositifs conditionnent la participation en urbanisme. Nous avons identifié, à partir de l’analyse des onze dispositifs étudiés40, trois formes principales de participation : le dialogue indirect, le dialogue direct et la conception collaborative qui implique de fait un dialogue direct entre participants. Le caractère direct ou indirect ne signifie pas physique ou numérique, il est conditionné par l’existence d’une interface permettant la rencontre entre les différents participants. Nous définirons dans un premier temps les conditions et les moyens pour l’émergence d’un dialogue, puis nous analyserons quel type de dialogue prescrivent les dispositifs et enfin, nous rendrons compte des logiques et des défis qui relèvent de la conception collaborative. 3.2.1. Conditions et moyens pour l’émergence du dialogue Qu’il soit direct ou indirect, le dialogue dans le processus de participation en urbanisme est conditionné par l’échange uni ou bilatéral d’informations entre les participants. En comparant, les dispositifs de notre panel, nous regarderons quels moyens techniques permettent d’assurer cet échange. 39 Nous ne considérons, pour notre part, non pas un objet technique de façon isolé, mais l’ensemble des techniques mobilisées pour le processus de participation. 40 L’ensemble des dispositifs sont décrits en annexe. 15
  • 16. Vers un urbanisme participatif augmenté ? 3.2.1.1. Le partage, condition première du dialogue La base de tout processus de participation est l’échange d’informations qui, dans la quasi- totalité des processus, sont délivrées par les autorités et destinées aux citoyens. La finalité est de permettre aux citoyens participants d’être en mesure de se faire un avis sur la base de ces informations puis d’exprimer leur avis. Le médium utilisé pour fournir ces informations est principalement, pour les dispositifs que nous avons étudiés, la représentation 3D du projet mais selon les dispositifs l’information peut être ou non partagée. La représentation 3D du projet est utilisée pour fournir de l’information sur le projet urbain à laquelle sont ajoutée des fiches détaillées qui prennent différentes formes. La représentation 3D suppose une interprétation de la part du lecteur. Or cette interprétation est personnelle et subjective. Pour s’assurer d’une compréhension partagée de l’information, des mesures d’accompagnement de la réception des informations sont nécessaires au risque de créer des malentendus. Deux des dispositifs étudiés, Saint-Blaise 3D et Berges de Seine, délivrent de l’information sans aucune mesure d’accompagnement. Ils relèveraient plus du non-dialogue que du dialogue indirect. Ces deux dispositifs mettent en scène une représentation du projet plus que favorable : absence de circulation automobile, arbre touffus, etc. Aucune pédagogie n’est à l’œuvre dans ces dispositifs, nous pourrions même interpréter ces dispositifs comme manipulateurs en représentant le projet urbain sous un aspect peu réaliste, et donc opposés au dialogue urbain. D’autres dispositifs ont, quant à eux, mis en place des mesures d’accompagnement pour favoriser l’appropriation de l’information. A travers les dispositifs étudiés, il ressort deux types d’accompagnement, l’un assuré par une médiation physique opérée par une ou plusieurs personnes (les médiateurs), l’autre assuré par une médiation numérique opérée par des fonctionnalités techniques intégrées au dispositif41. Le médiateur a différentes fonctions : il accompagne les citoyens dans l’appropriation des informations et il facilite l’utilisation du dispositif. Son rôle peut être primordial s’il est garant du dialogue urbain, c’est-à-dire s’il est chargé de mettre toutes les parties en posture de dialogue et de s’assurer de la fécondité de celui-ci. En conséquence, le médiateur ne doit représenter aucune des parties. Pour être efficace, le médiateur doit avoir des connaissances à la fois sur le dispositif et sur le projet urbain, objet du dialogue. Malgré son rôle central dans le processus de participation, le médiateur d’un dispositif socio- technique utilisant la représentation 3D n’a aucun référenciel pour exercer ses fonctions ; aucune méthodologie précise ne lui sert de guide. La médiation entre objet numérique (la représentation de l’information) et objet réel (le partage de l’information) n’est pas codifiée, pas pensée. Pourtant la fonction de médiateur dans les processus de participation classique (débat public en salle) est formalisée, et même enseignée en « ingénierie de la concertation ». Elle consiste à planifier le 41 Ces dispositifs relèvent d’ailleurs du dialogue direct, comme nous le verrons plus loin. 16
  • 17. Vers un urbanisme participatif augmenté ? processus de participation, à s’assurer des attentes des décideurs et à faire en sorte que les participants puissent comprendre l’information qui leur est destinée, à analyser leur réaction pour les proposer à l’autorité politique qui devra ensuite justifier de son choix d’intégrer ou non les remarques des citoyens au projet urbain. La grande différence entre ce type de médiation et celle opérée dans un dispositif intégrant une dimension numérique est la différentiation temporelle. Dans le cas d’un processus de participation en salle, l’autorité livre ses informations, puis les participants leurs remarques alors qu’avec un scénario hybride, le temps de l’information cohabite avec le temps du dialogue, l’information n’est pas délivrée selon les règles du discours mais selon les règles de la représentation. Une méthodologie de médiation de dispositifs hybrides doit être établie afin de ne pas rendre inaudibles ni les informations, ni la parole. Un autre type d’accompagnement de la réception de l’information est de mettre les participants en posture de concepteur ou de décideur _ il s’agit de laisser les participants prendre conscience des difficultés de concevoir ou de décider d’un projet urbain. Dans le cadre du dispositif de participation au projet de recherche VEPs (Virtual Environment Planning system), les participants étaient amenés à tester plusieurs variantes du projet urbain sur une plate-forme numérique et à visualiser par la représentation 3D leurs impacts environnementaux. Les participants, habitants d’un quartier de Stuttgart, se trouvaient ainsi en mesure de comprendre les tenants et les aboutissants du débat urbain. Cette approche pédagogique permet de mettre les habitants sans connaissance technique en capacité de dialoguer d’aspects techniques qui dans ce type de projet urbain sont essentiels. Cette technique a également été employée par le dispositif Bus Meister et sera exposée plus loin. En résumé, le partage de l’information, condition du dialogue, nécessite un accompagnement. Cet accompagnement doit-être inscrit dans le scénario d’usage des dispositifs qu’ils utilisent les technologies numériques ou non. 3.2.1.2. Libérer l’expression citoyenne Si le partage ouvre la voie au dialogue, il ne l’assure pas; pour cela il faut donner des moyens d’expression. Les moyens doivent-être regardés dans leur forme et leur modalité. Les processus de consultation étudiés ont mis en œuvre des fonctionnalités intégrées à la représentation 3D pour permettre aux citoyens d’exprimer leur avis. C’est le cas des projets Berges de Seine, Saint-Blaise 3D, Gulliver-Maurepas et Vision Lozells. Tous ces dispositifs utilisent la fonction de commentaires sur la maquette 3D. L’intérêt de cette technique est de recevoir un avis contextualisé. Laissons de côté la problématique du partage de l’information. Deux possibilités existent pour permettre des commentaires contextualisés : l’une, encadrée, est d’ouvrir aux commentaires des points d’intérêt définis par les concepteurs du dispositif (Saint-Blaise 3D et Berges de Seine), l’autre, libre, consiste à permettre aux citoyens de commenter tout objet de la représentation (Vision Lozells et Gulliver- Maurepas). Le choix entre l’une des deux possibilités doit être établi en fonction de l’objet du débat. Concernant le projet Berges de Seine, le commentaire encadré est tout à fait recevable puisque ce qui était mis au débat ne portait que sur les usages de certains sites ; pour le quartier Saint-Blaise, le commentaire encadré n’apparait pas approprié du fait que le débat portait sur la rénovation d’un quartier habité, ainsi des objets qui n’auraient pas d’intérêts significatifs pour les concepteurs pourraient en avoir pour les participants. Dans tous les cas, ce qui pose problème 17
  • 18. Vers un urbanisme participatif augmenté ? dans ce type de scénario est que l’avis doit nécessairement être exprimé par écrit. Or tous les citoyens ne maîtrisent pas l’écriture. Ce manque de maîtrise peut aboutir à exclure certains citoyens du processus de participation. Ici encore le rôle du médiateur peut être le remède de la non-maîtrise de l’écrit, comme sur le dispositif Gulliver-Maurepas où le médiateur jouait aussi le rôle d’écrivain public. D’autres types de dispositifs, comme Hautepierre 3D, dispositif d’expertise citoyenne, ont mis en place d’autres formes que l’écriture pour exprimer son avis, en utilisant différents types de média numériques (vidéo, audios, images, liens) ou comme Gulliver - Maurepas permettant de s’exprimer par la gestuelle (dans le cadre d’interaction entre les participants et donc de dialogue direct) ou par des émoticônes. 3.2.1.3. Faire émerger la parole collective Une limite qui a été adressée aux supports numériques utilisés dans les processus de participation est qu’ils ne permettent pas de faire émerger la parole collective42. Cette limite est effective pour deux raisons : l’absence d’accompagnement à l’appropriation de l’information et l’absence d’accompagnement de la parole collective. L’accompagnement de la parole collective est une mesure qui peut, pourtant, être intégrée dans le dispositif de participation utilisant des supports numériques. Un moyen de contourner cette limite est l’hybridité du scénario d’usage, soit l’utilisation de supports numériques au sein d’une rencontre physique. Ainsi le participant n’est pas seul devant son écran, il est de fait dans une situation de groupe. Si certains supports numériques permettent une relation de groupe au sein d’une plate-forme numérique par exemple, le faible taux de connectés limitent l’interaction. Il apparait alors que, dans les scénarios hybrides, les participants dialoguent spontanément à partir de ce qu’ils perçoivent via la représentation 3D et des fonctionnalités des supports numériques. Nous qualifions ce type de dialogue « dialogue d’étonnement », le discours des participants étant directement lié à leur perception immédiate et n’étant donc pas construit. L’ajout du médiateur peut transformer ce dialogue d’étonnement en parole collective, en cherchant à mettre en relation les participants et les accompagner dans la construction d’une perception collective. Les supports numériques, seuls ne sont peut-être pas en mesure de faire émerger la parole collective, mais le dispositif hybridé peut apporter la parole collective. Certes ce type de dispositif ne permet pas de mettre en relation directe un grand nombre de participants. Cette seconde limite adressée à l’encontre des supports numériques _ le nombre restreint de participants _ peut également être contournée par la conception du dispositif. Avant de décrire les mesures qui peuvent solutionner cette question, intéressons-nous à la production de la parole collective dans un processus de participation sans support numérique. Prenons l’exemple du projet Berges de Seine, pour lequel une plate-forme numérique a été conçue pour diffuser de l’information et recueillir les avis des citoyens mais n’a pas été utilisée dans le processus de participation à savoir la concertation légale. Ce processus de participation organisé par un bureau d’étude spécialisé a consisté en des réunions publiques par arrondissement parisien où participaient une centaine d’habitants et en trois ateliers thématiques de 45mn regroupant une quinzaine de citoyens chacun. D’après la directrice du bureau d’étude, la parole collective peut émerger des réunions publiques, même si, dans les faits, ce 42 Directrice du Bureau Respublica, entretien du 26 mai 2011 18
  • 19. Vers un urbanisme participatif augmenté ? sont des individus qui s’adressent individuellement aux autorités technico-politiques, et cela car la parole de chaque individu est entendue de tous et que chaque participant peut construire son opinion en fonction de la parole de l’autre. De plus, les ateliers thématiques soumettant au groupe de participants des propositions ou des questions émises par les participants aux réunions publiques permettent d’enrichir la parole collective en développant un avis révélateur de l’opinion publique (il est jugé révélateur en fonction du nombre d’occurrences, bien que la parole collective ne soit pas considérée comme la somme des paroles individuelles). Pour résumer, la parole collective émerge si les discours individuels sont diffusés au reste des participants et qu’ils peuvent y réagir, s’il est possible de définir l’opinion collective (quantifier les opinions individuelles) et s’il est possible d’approfondir l’opinion collective. Selon cette thèse, nous pouvons affirmer que les supports numériques peuvent faire émerger une parole collective. Une mesure simple est de rendre visible les commentaires individuels et de permettre à tous les participants d’y réagir. Une deuxième est de mettre en place un système de vote sur les avis exprimés. Une troisième est de réutiliser les avis, qui sont grâce aux technologies numériques, automatiquement enregistrés et contextualisés, dans le cadre d’atelier de travail pour l’approfondissement de la parole collective. De plus, les supports numériques, à travers leur force d’attraction et de vulgarisation de données souvent complexes, sont susceptibles de susciter la participation de publics souvent absents des processus de participation, principalement les jeunes et les catégories populaires, et ainsi apportent une partie de la parole collective généralement absente des dispositifs classiques. 3.2.1.4. Donner les moyens de l’expertise citoyenne Ce type de participation consiste à faire remonter l’information des citoyens vers les autorités technico-politiques. Ce n’est pas un processus de consultation. Les participants ne réagissent pas à un discours émanant des autorités, ils livrent leur propre discours. Ces informations citoyennes sont généralement nommées « expertise citoyenne » mais il peut s’agir de paroles et de mémoires d’habitants. Les dispositifs conçus pour ce type de participation ont pour finalité de mettre les participants en capacité de donner des informations qu’eux seuls détiennent afin d’apporter une dimension subjective au projet urbain. Les deux dispositifs de notre panel, qui prescrivent ce type de participation, ne sont pas portés par les autorités en charge du projet urbain : dans un cas c’est un projet de recherche, dans l’autre l’initiative d’une association. Toutefois, dans les deux cas, ils s’inscrivent dans le contexte du projet urbain : dans le premier cas la conception d’un plan d’urbanisme pour le quartier de Chinatown à Boston, dans le second un grand projet de ville du quartier de Hautepierre à Strasbourg. Ces deux dispositifs, bien qu’ils prescrivent la même forme de participation, sont différents à la fois dans leur conception, leur méthodologie et leur finalité. Une grande différence est la conscience et le choix de l’information délivrée par le participant. Participatory Chinatown est conçu comme un jeu vidéo où les participants prennent le rôle d’un avatar, personnage dont les caractéristiques sont prédéfinies. Ils doivent remplir une mission en lieu et place du personnage qu’ils incarnent (trouver un travail, une maison, un lieu de sociabilisation). Pendant le jeu, ils peuvent commenter l’espace qui les entoure. Hautepierre 3D est conçu comme une bibliothèque de paroles et mémoires citoyennes (vidéos, audios, images, textes) où les participants peuvent nommer et personnaliser leur avatar. Dans un cas, le dispositif laisse les participants très libres et conscients de 19
  • 20. Vers un urbanisme participatif augmenté ? l’information diffusée alors que dans l’autre les participants sont dans une position de joueur qui influence leur posture. L’avatar d’un participant accédant à du contenu L’immersion dans Chinatown via un personnage du jeu. produit par les habitants de Hautepierre. L’autre grande différence est l’utilisation des données. Dans le dispositif mis en place par les chercheurs, les données recueillies ne sont pas publiées et sont analysées par les porteurs du processus de participation alors que, dans le cadre de l’association, les données sont accessibles par tous et telles quelles. Dans un cas, on se rapproche plus de la technique du sociological survey où les participants sont amenés à produire des informations sans en maîtriser l’utilisation alors que dans l’autre les participants ont la visibilité de l’ensemble des informations produites et de leur utilisation. Il est remarquable que, dans les deux cas, la fonction du jeu soit mobilisée pour favoriser la participation et la production des savoirs citoyens (si cette fonction est moins remarquable dans le cas d’Hautepierre 3D, son concepteur, Grégoire Zabé, nous a informés de son intention de créer un jeu de football dans la plate-forme afin de mobiliser plus de jeunes à son utilisation). Il serait intéressant d’analyser plus loin le lien entre dispositif ludique et mise en capacité des citoyens ainsi que les relations produites entre les participants. Ce type de dispositif constitue un dialogue indirect avec les autorités, voir peut ne recevoir aucune attention des autorités. Néanmoins il constitue un moyen de favoriser le dialogue entre les habitants d’un quartier. Les habitants, qui ne sont peut-être pas amenés à se côtoyer ou alors ne vont pas faire porter leur discussion sur leur environnement, se rencontrent numériquement ou physiquement, rassemblés autour de la représentation de leur quartier, et peuvent partager la vision qu’ils en ont. Ce type de dispositif crée une dynamique de participation qui, même si elle n’est pas prise en 200 habitants de Chinatown regroupés dans une salle compte par les autorités, pourraient faciliter un d’une association de quartier pour participer au futur dialogue urbain. processus de participation. 20
  • 21. Vers un urbanisme participatif augmenté ? 3.2.2. Dispositifs de dialogue, mais lequel ? 3.2.2.1. Le projet urbain, référent ou prétexte au dialogue ? Dans la majorité des dispositifs, les concepteurs ne présentent pas le dialogue comme l’objet du dispositif, l’objet qu’ils affichent est le projet urbain. Les concepteurs de Hautepierre 3D fixent pour objectif au dispositif de rendre compte de façon qualitative de la mémoire et des mutations du quartier, ceux de Participatory Chinatown de faciliter la participation des habitants à l’élaboration du plan d’urbanisme. Le dialogue n’est donc pas annoncé dans leurs moyens, il s’agit de faire émerger la parole des habitants pour enrichir le projet urbain à condition que cette parole soit entendue par les autorités en charge du projet. Les dispositifs de conception collaborative définissent quant à eux une relation entre le dialogue et le projet. Le dialogue doit permettre d’un part « la construction d’une vision partagée et négociée » pour la conception du projet dans le cadre du dispositif IP City, et d’autre part la « délibération augmentée » recherchée par les concepteurs d’Hub2 afin d’aboutir à un projet répondant aux attentes et aux pratiques de tous. Le dispositif Gulliver-Maurepas semble quant à lui viser le dialogue avec pour moyen le projet urbain, il s’agit de « partager, expliquer, débattre du projet urbain ». Si seul les concepteurs de Gulliver –Maurepas affiche le dialogue comme une finalité, cela ne signifie pas que l’ensemble des dispositifs ne prescrivent pas tous, au moins potentiellement, un dialogue urbain et œuvrent pour la cohésion sociale en prenant le projet urbain comme prétexte et non pas comme certains l’affichent comme objet référent et déterminant du dialogue. 3.2.2.2.Dispositif comme interface de dialogue Nous considérons que l’ensemble des dispositifs nommés ci-dessus sont intrinsèquement porteurs de dialogue, et cela, car ils sont tous conçus comme des interfaces entre les utilisateurs- participants. Si seul un dispositif, IP City, a réellement abouti au dialogue urbain en réunissant autorités techniques et citoyens, les autres ont au minimum permis un dialogue entre citoyens. Par définition, une interface est une zone qui permet la rencontre de différents éléments et par laquelle ils peuvent échanger et interagir. Nous opposons à l’interface l’intermédiaire qui fait le lien entre différents éléments sans les mettre en contact. L’ensemble des dispositifs présentés ici sont des interfaces43 mais chacun utilise différentes techniques et outils pour créer la rencontre. Tous utilisent les objets numériques : dans certains dispositifs, les objets numériques sont eux-mêmes l’interface et, dans d’autres, ils servent à faciliter l’interaction lors de la rencontre physique entre les participants. Ainsi les objets numériques servent soit de référent au dialogue, soit de moyens pour dialoguer. Le jeu Participatory Chinatown permet, en effet, à l’ensemble des participants de partager une expérience commune à partir de laquelle les échanges se construisent, l’interface restant la rencontre physique. De même pour La Courrouze, la projection du projet en réalité augmentée est un moyen pour faire partager une expérience identique aux participants et d’engendrer un dialogue. L’interface reste ici aussi la médiation physique. Par ailleurs, dans ce cas vu que l’expérience est complètement liée à la représentation esthétique du projet, la médiation physique est indispensable pour faire naître le dialogue, créer une interaction entre les participants et ne pas restreindre la participation à une réaction individuelle à la 43 Certains dispositifs sont des interfaces entre utilisateurs mais intermédiaires entre citoyens et autorités, ces dernières restant extérieures au dispositif, seul les citoyens étant défini comme utilisateurs. 21
  • 22. Vers un urbanisme participatif augmenté ? réception de l’image. Dans le cas d’IP City, les objets numériques sont utilisés comme éléments de communication : par le biais des outils numériques, les participants créent ensemble leur propre langage, avec les mots légendés et développent un discours commun avec les objets 3D qu’ils manipulent (cubes en bois auxquels les participants associent une image numérique). L’interaction est permise par l’hybridation du scénario qui regroupe physiquement les participants autour des objets numériques permettant de partager une vision commune. Nous voyons donc que pour l’ensemble de ces dispositifs, les outils numériques servent le dialogue entre les participants, alors même que le dialogue n’avait pas été mentionné comme enjeu du dispositif (excepté pour IP City). La conception et la scénarisation de ces dispositifs prouvent que le dialogue en est l’objet. En effet, si l’objectif n’avait été pour Participatory Chinatown qu’une expression de l’expertise citoyenne, la réunion des participants dans un même lieu n’aurait pas été nécessaire, de même pour La Courrouze, s’il s’agissait seulement de communiquer le projet aux citoyens, la visite en groupe aurait été inutile. D’autres dispositifs ont quant à eux intégrés des objets numériques qui sont en eux-mêmes une interface, c’est le cas de Gulliver-Maurepas, Hautepierre 3D, et Hub2. Conçus comme des plate-formes d’échange accessibles sur internet, ils permettent aux participants d’interagir à distance. Pourtant, tous ces dispositifs ont été scénarisés en hybridation. Les justifications des concepteurs sont doubles : il s’agit soit de faciliter l’utilisation des objets techniques, soit de promouvoir l’utilisation du dispositif. Concernant le dispositif Hub2, le scénario d’usage suppose de créer des objets 3D au sein du monde virtuel ; or, cela suppose une maîtrise technique et nécessite un intermédiaire. Concernant le dispositif Gulliver-Maurepas, l’hybridation se justifie à la fois pour faciliter l’utilisation des objets numériques à une catégorie de population non familière avec ce type d’objets et leur maniement, et cela malgré le caractère sensiblement intuitif de l’utilisation, et à la fois pour diffuser le dispositif auprès du plus grand nombre. Le dispositif Hautepierre 3D est également hybridé pour le diffuser à la plus grande partie de la population et susciter leur intérêt. Toutefois, même si ces raisons sont suffisantes pour justifier l’hybridation, il semble que la recherche d’une plus grande interaction soit également de mise. Dans le cas d’Hub2, l’expérimentation de recherche est hybridée pour pouvoir analyser au mieux son usage. Dans son rapport d’évaluation, il est noté que l’hybridation a permis une double interaction : celle engagée au sein du monde numérique et celle qui émergeait des interactions en salle, le monde numérique devenant alors support de test et de capitalisation du dialogue en salle. Les premières expériences d’usage de Hautepierre 3D ont également montré que les utilisateurs44 ont tendance à se focaliser sur des éléments déjà connus. Ils ont une utilisation individuelle et autocentrée et ne recherchent pas l’interaction par le biais de l’objet numérique. Le concepteur a ainsi pensé concevoir un jeu accessible sur la plate-forme numérique pour stimuler les interactions en ligne. A travers cet exemple, on voit que ce qui est recherché est plus l’interaction entre les participants que la création d’une bibliothèque de la mémoire des lieux. Le dialogue est ici recherché et la finalité semble relever plus de la cohésion sociale que du dialogue urbain. Concernant le dispositif Gulliver-Maurepas, l’interaction est également privilégiée mais il est difficile de démontrer que le dialogue est motivé de façon indépendante au projet urbain. Nous sommes toutefois dans un dispositif qui vise l’interaction entre l’ensemble des citoyens et est donc potentiellement un moyen de cohésion sociale. 44 Le dispositif même s’il est déjà accessible en ligne n’a pas encore été diffusé auprès des utilisateurs, étant en finalisation de conception. Les expériences ont été menées avec un public constitué d’enfants. 22
  • 23. Vers un urbanisme participatif augmenté ? 3.2.2.3.La spontanéité du dialogue, critère déterminant le dialogue social Il apparait que, bien que le dialogue soit permis par l’ensemble des dispositifs fonctionnant comme interfaces entre les participants, ce dialogue n’a pas les mêmes caractéristiques. Le dialogue est selon les dispositifs plus ou moins encadré et donc plus ou moins spontané. L’encadrement ou la spontanéité du dialogue dépend du scénario d’usage des dispositifs, ce même scénario étant révélateur des objectifs recherchés par les concepteurs du dispositif et de la nature du dialogue. Hormis les dispositifs IP City et Hub2 dont les scénarios sont très précis et où le dialogue urbain est traité comme un objectif du dispositif, les autres dispositifs n’ont pas cherché à encadrer le dialogue entre les participants qu’ils aient ou n’aient pas explicité le dialogue parmi leurs objectifs. L’encadrement du dialogue ne signifie pas son orientation. Celle-ci existant dans tous les cas par la réception de la représentation du projet, on ne considère donc pas que l’encadrement du dialogue influe sur la liberté d’expression des participants mais sur la nature même du dialogue. Dans les deux cas où le dialogue est encadré, le scénario met en avant une problématique servant de cadre au dialogue. Dans les cas de Hub2 et d’IP City, la problématique est de concevoir le projet urbain de manière collaborative. Les scénarios précisent les tâches des participants et le dialogue entre les participants est un des outils servant à la conception du projet. Dans les autres dispositifs, soit il n’existe pas de problématique communiquée aux participants, soit le dialogue entre les participants n’est pas un moyen d’accomplir les objectifs affichés. Dans les cas des dispositifs Hautepierre 3D et Participatory Chinatown, la problématique est de produire une expertise citoyenne. Les participants sont amenés à produire de manière individuelle le contenu des savoirs. Pourtant les dispositifs les amènent à se rencontrer sans que cette rencontre serve l’objectif affiché et exposé aux participants. Ainsi le dialogue entre les participants n’est pas intégré dans le scénario traitant la problématique, il n’est pas encadré par le scénario d’usage, il est permis. Le dialogue se produit donc de manière spontanée entre les participants, il ne sert aucune finalité en lien avec le processus de participation au projet urbain. En ce sens, le dialogue qui apparait dans le dispositif et qui est surement référencé à l’expérience partagée par l’utilisation du dispositif, n’est pas un dialogue urbain. C’est un dialogue constructif du lien social entre les citoyens qui permet l’émergence d’un partage et d’un échange et qui aurait surement pu prendre appui sur une autre référence que le projet urbain. Dans les cas de Gulliver-Maurepas et la Courrouze, l’objectif affiché est de donner à voir le projet urbain et de permettre aux participants de partager leur vision. Pour répondre à cet objectif, le scénario réunit les utilisateurs devant la représentation numérique du projet mais excepté la présence du médiateur, aucune mesure ne vient encadrer le dialogue. De plus, il apparait que le médiateur soit plus présent pour faciliter l’utilisation du dispositif et répondre aux questions des utilisateurs que pour encadrer le débat. Le dialogue s’établit donc de façon spontanée, et comme pour Participatory Chinatown et Hautepierre 3D, le dispositif sert de moyen de rencontre entre les citoyens qui sont amenés à échanger, à interagir avec comme prétexte le projet urbain. 3.2.3. Démocratisation de l’expertise et égalité des participants à prendre part au dialogue urbain Le dialogue urbain consiste à un échange entre les parties prenantes au projet urbain, citoyens, autorités techniques et autorités politiques, afin de construire une vision partagée du projet urbain et 23
  • 24. Vers un urbanisme participatif augmenté ? tenter de trouver un consensus entre les parties qui servira à la décision ou à la conception du projet de manière collective. Le dialogue urbain est composé de moyens, l’échange, et d’une finalité, le consensus. Cette approche se rapproche de celle d’Habermas si on recherche une décision consensuelle et de celle d’Hatchuel si la finalité est la conception collaborative. Dans les deux cas, les participants doivent être en mesure de comprendre et de discuter d’aspects assez techniques, les principes d’égalité et de rationalité énoncés par Habermas sont donc nécessaires à mettre en œuvre dans les processus de dialogue urbain. Le dispositif doit alors permettre la mise au même niveau de connaissances et de capacités d’action des participants, c’est-à-dire faciliter une compréhension partagée et donner des instruments pour penser et argumenter les différentes options du projet urbain, afin d’aboutir à une vision négociée du projet urbain. Le principe d’argumentation rationnelle a fait l’objet de critiques portant sur le caractère non démocratique de ce principe et de son application, toutefois il apparait que les dispositifs socio-techniques intégrant des objets numériques soient en mesure de démocratiser l’expertise de tous et de rendre effectif une discussion argumentée et constructive du projet urbain. Parmi les dispositifs de dialogue urbain étudiés, un se rapporte à la décision (VEPs), trois à la conception (IP city, Hub2 et Bus Meister). Dans tous les cas, les dispositifs ont mis en place des moyens pour amener les citoyens à réfléchir sur les logiques urbaines et prendre position sur le projet urbain de façon rationnelle. Il apparait dans tous les cas que la simulation du projet et de ses différentes variantes soit le seul moyen employé pour réfléchir les logiques urbaines. Simulation des usages pour Hub2, des conséquences environnementales du projet urbain pour VEPs, des mesures de planification des transports en commun pour Bus Meister et des flux pour IP City45. La simulation permise par les technologies numériques renvoie à une compréhension intuitive des logiques urbaines et permet à tous participants de comprendre les conséquences de différents scénarios du projet urbain et ainsi d’être en mesure de déterminer le scénario le meilleur selon les enjeux identifiés. La simulation du projet est donc un moyen de démocratiser les connaissances techniques. Contrairement à la lecture ou l’écoute d’un discours présentant les enjeux et les conséquences de différents scénarios d’un projet, les objets numériques rendent les participants actifs, ils sont en capacité de tester par eux-mêmes différents scénarios et d’en mesurer les conséquences. La position active des participants dans le dispositif permet de favoriser leur posture active dans le dialogue, les participants n’ayant pas le sentiment de ne pouvoir qu’écouter le discours des autorités, voire d’être manipulés. Toutefois, si la démocratisation de l’expertise a été rendue possible par tous ces dispositifs, certains seulement ont intégré des moyens pour que tous les participants puissent prendre part au débat argumenté. En effet, avoir un avis motivé ne signifie pas pouvoir exprimer cet avis. Le modèle de la prise de parole en public qui est habituellement employé dans tous les processus de participation citoyenne peut nuire à l’expression de ceux qui ont un niveau d’éducation moins élevé, surtout que contrairement aux systèmes éducatifs du monde anglophone où dès les petites classes les élèves se confrontent à l’exercice de l’exposé et du débat d’idées, le système français ne favorise pas ce mode d’expression46. Certains dispositifs ont 45 Le dispositif permet de simuler d’autres enjeux des projets urbains. La problématique des flux a été le scénario choisi par les participants lors de l’expérimentation du dispositif à Cergy-Pontoise. 46 « L’absence d’apprentissage scolaire de la discussion tout comme la faible attention généralement prêtée aux conditions pratiques de l’échange » Loïc Blondiaux (p. 43-44) à propos de la démocratie délibérative comme source d’inspiration des expérimentations en Amérique du Nord et l’absence d’import du concept en France 24
  • 25. Vers un urbanisme participatif augmenté ? intégré des moyens favorisant l’égalité des participants à la participation active au dialogue urbain. Un des moyens pour permettre l’égalité de tous à s’exprimer et aboutir au consensus est de mutualiser la simulation. Différentes méthodes peuvent en effet favoriser la participation sans recourir à l’expression orale ou écrite. A ce titre, les scénarios d’Hub2 et d’IP City sont intéressants. Le scénario d’usage de Hub2, a été construit en trois temps : le premier où le participant se confronte individuellement au projet et est amené à créer des objets avec l’assistance d’un professionnel de la modélisation 3D, puis le deuxième où les participants testent les objets créés et le troisième où chaque participant délibère en commentant de manière individuelle les éléments du projet via des drapeaux rouges ou verts auxquels un texte peut-être associer. Dans le scénario d’IP City, les participants sont en collaboration permanente. L’interface avec le projet urbain n’est pas l’écran d’ordinateur mais des tables multi- utilisateurs permettant d’agir collectivement sur le projet. Contrairement au script établi par le scénario de Hub2, la délibération est simultanée à la simulation. Même si dans les deux cas le dialogue entre les participants se matérialise par la simulation du projet, la simulation aidant à objectiver les discours et construire le projet de façon négociée. Sur Hub2, les participants sont Sur IP City, les participants manipulent les devant leur ordinateur. outils de façon collective. 3.2.4. Le dialogue urbain, créateur du projet urbain La conception collaborative implique une action de production du projet urbain. Contrairement au processus de participation visant la formation d’une décision consensuelle où le dialogue est greffé au projet existant, dans les dispositifs de conception collaborative le dialogue créé le projet. Créer un projet urbain n’est pas une œuvre d’architecture, ni de paysagisme. L’aspect visuel et esthétique est certes important mais la conception d’un projet urbain doit reposer sur l’identification et le traitement de problématiques urbaines. Les logiques à l’œuvre dans un projet urbain sont multiples, elles concernent entre autres les pratiques et usages des citadins, les flux et mobilités, les ambiances, etc. Les dispositifs de conception collaborative étudiés ont mis en place différentes techniques pour appréhender les logiques urbaines et concevoir le projet urbain. Trois des dispositifs de notre panel relève de la co-conception, et chacun s’ancre dans des contextes différents. Dans le cas du dispositif « Hub 2 », conçu par des chercheurs de l’Emerson College de Boston, le processus de participation s’appuie sur un projet urbain réel, un jardin public, et 25
  • 26. Vers un urbanisme participatif augmenté ? s’intéresse aux pratiques et usages des citadins. Pour le dispositif « IP City », relevant d’un projet de recherche européen sur l’apport des techniques de réalité mixte47 pour la conception collaborative, le processus de participation se base sur des sites en projet et les thèmes de travail sont définis à partir d’entretiens avec des élus. Le dispositif « Bus meister » a lui été élaboré par l’autorité des transports de la ville de Vienne et concerne les problématiques posés par les réseaux de transport public. 3.2.4.1. Dynamisme de la représentation et conséquence sur le processus de conception La grande majorité des projets urbains est représentée de façon statique, parfois la représentation est animée comme la maquette 3D du projet Saint-Blaise 3D mais l’animation faite de quelques voitures en mouvement et du bruit ambiant ne constitue pas une représentation des logiques urbaines. Rares sont les représentations où l’on peut se confronter à la ville en mouvement et être acteurs de cette ville. Tous les dispositifs de conception collaborative le permettent, privilégiant certaines logiques urbaines en fonction du projet à concevoir. Chaque dispositif de co-conception a utilisé différents supports numériques pour rendre compte des dynamiques urbaines. Selon les projets, le dynamisme de la représentation fait partie intégrante du processus de conception (Hub2 et IP City), pour d’autre il est utilisé pour rendre compréhensible les logiques urbaines à l’œuvre dans le projet (Bus Meister). Nous nous intéressons ici aux conséquences d’une représentation dynamique au sein du processus de conception, et ne traiterons donc pas ici du cas de Bus Meister. Le dispositif Hub2 a pris pour support numérique le monde virtuel Second Life. Le monde virtuel permet de reproduire les dynamiques d’usage de l’espace urbain. Les participants, par le biais de leurs avatars, sont en capacité d’interagir à l’intérieur du projet conçu par les architectes et reconstitué dans le monde viruel, de manipuler les objets, d’en créer de nouveaux et d’en tester l’usage. L’intérêt de ce dispositif est l’immédiateté du test du projet. On assiste alors à un changement du processus même de conception du projet Les participants du dispositif Hub2 urbain qui devient itératif. Bien que tous les processus de dans le monde virtuel du projet, conception le soient en principe, cela reste plus difficile pour un collabore également en présentiel. projet urbain. En effet, dans le monde industriel, il est aisé de concevoir un prototype et de l’expérimenter, alors que pour un projet urbain l’expérimentation se produit toujours à posteriori. Les raisons en sont évidentes, et jusqu’à présent les seules marges de manœuvre étaient les études préalables ou de faisabilité. Par le biais du monde virtuel, la simulation du projet rend son expérimentation possible. Toutefois, pour que l’expérimentation soit valable, le simple fait de faire participer des citoyens dans un monde virtuel ne suffit pas. Une méthodologie rigoureuse doit accompagner la simulation pour recevoir des résultats exploitables. 47 Technique permettant la superposition d’éléments réels et numériques, aussi appelé réalité augmentée 26
  • 27. Vers un urbanisme participatif augmenté ? Le dispositif IP City permet lui aussi de simuler le projet urbain. Il utilise quand à lui les technologies de réalité mixte. Les participants sont amenés à concevoir le projet sur site. Pour cela, il dispose d’une banque de données préalablement constitués à partir d’entretiens individuels menés par des ethnologues avec les participants. Les participants, citoyens mais aussi autorités techniques et politiques, imaginent un projet, le construisent et peuvent le déconstruire une fois le projet sous leur yeux. Contrairement au dispositif Hub2, il ne teste pas l’usage du projet mais sert à réfléchir l’ambiance du projet conçu en collaboration, à l’objectiver. Toutefois, le processus de conception reste le même que celui du dispositif IP City, la perception de l’ambiance (ici, les flux) permettent aux participants d’expérimenter le projet conçu et de le modifier en fonction des résultats de la simulation et de sa perception collective. Représentation des flux projetés sur un site en projet à Cergy-Pontoise. 3.2.4.2. La conception collaborative en urbanisme doit faire ses preuves Les tenants de la conception collaborative doivent s’armer d’une méthodologie rigoureuse s’ils veulent diffuser cette pratique. Dans le seul cas où le dispositif de conception collaborative s’inscrivait en parallèle d’un projet réel, Hub2, les architectes de ce projet n’ont pas voulu intégrer les résultats issus de l’expérimentation, jugeant qu’en tant que professionnels de la conception ils étaient seuls compétents pour déterminer le projet48. Une expérience avec des collégiens australiens prouve pourtant la validité de la conception collaborative, l’école qu’ils ont conçue dans le monde virtuel Second Life avec l’appui d’un architecte a bien été construite.49 Quelle méthodologie permet alors de rendre effective la conception collaborative ? L’ensemble des dispositifs de conception collaborative de projet urbain ont été réalisés en contexte fictif50. Ces dispositifs visant plus à expérimenter des modalités de participation citoyenne pour la conception du projet urbain qu’à réaliser un projet urbain conçu en collaboration. De ce fait, les évaluations des dispositifs se sont plus focalisées sur les effets du dispositif sur la participation que sur les effets de la participation et l’intégration des résultats au projet urbain. Ainsi, l’évaluation du dispositif Hub2 montre une augmentation de la participation des citoyens habituellement absents du débat public, une meilleure compréhension du projet et la facilitation pour le partage d’une vision commune. Sur le 48 Rapport d’évaluation du projet Hub2, p.16 49 Quelques informations sur le projet sont disponibles sur : http://blog.almatropie.org/2009/03/australie-jour-3/ 50 Hormis Bus Meister mais qui est encore en phase de conception. 27
  • 28. Vers un urbanisme participatif augmenté ? traitement des résultats du processus de co-conception et leur intégration au projet urbain, les évaluateurs rapportent des possibilités accrues pour le suivi de concertation et de restitution des délibérations aux responsables du projet et des difficultés pour intégrer les propositions issues du processus de co-conception dans le projet d’où la nécessité de faire participer les responsables et décideurs du projet à côté des citoyens. L’évaluation d’IP City conclue sur la limitation des conflits et l’objectivation des discours du fait que le dispositif ne cherche pas à représenter le projet urbain mais à mettre les participants en posture de réflexion sur le projet. En résumé, les évaluations mettent en avant les conséquences sur le dialogue urbain et si les évaluateurs de Hub2 pointent la nécessité d’inclure les autorités pour intégrer les propositions au projet, il semble que cette seule condition ne permette pas d’aboutir à la réalisation du projet conçu en collaboration. Si, pour rendre effectif le dialogue urbain, les autorités technico-politiques doivent être intégrées dans le dispositif, pour réaliser un projet urbain conçu en collaboration, c’est l’ensemble du processus et des procédures de conception du projet qu’il s’agirait de repenser51. 3.2.4.3. Dépasser l’échelle du quartier Le processus de participation citoyenne en urbanisme est souvent pensé comme un processus exclusivement local. Même les processus de participation qui concernent des projets d’envergure parfois nationale, comme la création d’une ligne de TGV, n’ont pas pensé leur dispositif comme un dialogue urbain entre citoyens et autorité à cette échelle, les réunions avec les citoyens étant organisées localement. Le dispositif Bus Meister permet de prouver que la participation citoyenne en urbanisme peut dépasser l’échelle du quartier. Le scénario d’usage de Bus Meister est pensé « à distance ». Aucune rencontre n’est organisée entre les participants et pourtant, son utilisation permet de partager une expérience commune et de concevoir de façon collaborative un projet urbain, en l’occurrence un réseau de transport public. Les concepteurs ont, pour ce faire, utilisé la technique du jeu et les technologies du web participatif. Le jeu permet à tous les participants de se confronter aux problématiques de planification des transports publics. Les joueurs sont individuellement amenés à être, le temps du jeu, planificateur et gestionnaire du réseau de transports : ils doivent assurer la satisfaction des passagers, gérer le budget du service, organiser la circulation, etc. Cette expérience individuelle peut ensuite être partagée via des réseaux sociaux, un forum et un groupe Facebook (le jeu est d’ailleurs disponible sur le réseau Facebook). Les modalités de communication choisies par les concepteurs sont différées. Ce mode est rendu possible car l’expérience est de fait partagée par le jeu, l’immédiateté du dialogue n’est donc pas nécessaire et serait même pénalisante étant donné le faible taux de connexion simultanée. Les échanges entre participants ayant pour objectif d’élaborer des propositions communes, il est donc nécessaire de garder les traces des paroles. Le système du wiki est à ce titre un excellent moyen de capitaliser les remarques de chacun et de produire des propositions de façon collaborative puisque 51Il apparait toutefois que les collectivités s’intéressent à ce type de dispositifs et ait envie de les mettre en œuvre comme la ville de Strasbourg qui doit prochainement expérimenter le dispositif IP City sur un projet urbain. Il sera alors intéressant d’analyser les effets du dispositif sur la manière de faire un projet urbain, sur les relations entre les différentes parties prenantes et sur les besoins d’adaptation des procédures face à ce type de procédé. 28
  • 29. Vers un urbanisme participatif augmenté ? chaque participant peut venir augmenter ou corriger une proposition et que cette modification est gardée en mémoire. Par ce dispositif, la participation et le dialogue n’ont plus de frontières ou presque. En effet, bien que le jeu soit identique peu importe la localité du participant, les propositions pour l’amélioration de l’efficacité du réseau sont relatives à des problématiques locales (en fonction du réseau existant, du nombre d’usagers, du trafic, etc.). C’est pourquoi, les forums de discussions sont associés à une ville. Toutefois, le wiki a un autre objectif : celui de la conception collaborative de solutions par l’intelligence collective. Les échanges entre les participants par le wiki ne sont donc pas rattachés à une ville particulière, les particularités géographiques sont utilisées comme des études de cas permettant de s’en inspirer. Le dialogue est donc en partie localisé mais le processus de conception collaborative est a-localisé voire « universel ». Ce type de dispositif permet de dépasser l’échelle de référence des processus de participation citoyenne en urbanisme. Toutefois il ne s’adresse pas à l’ensemble de la population : bien que ludique et pédagogique pour ce qui est du partage d’informations, il restreint la participation, d’une part, à la maîtrise de l’écriture et de l’anglais et, d’autre part, à l’accès et à la maîtrise des outils du web2. 3.3. L’influence des concepteurs sur la nature du dialogue Les concepteurs dans un processus de participation citoyenne en urbanisme intégrant un objet numérique sont multiples : concepteur du projet urbain, concepteur du processus de participation et concepteur de l’objet numérique. Chaque concepteur est expert de son domaine et tous travaillent pour l’autorité politique qui porte le projet urbain et le processus de participation. Mais les concepteurs ne travaillent pas nécessairement ensemble. Cette séparation des fonctions est légitime, chacun devant exercer dans son domaine de compétences, mais cela ne signifie pas qu’il ne doit pas y avoir de liens entre ces trois catégories de techniciens. En effet, l’ensemble de leurs travaux sert à la préparation du dialogue urbain. Si les objets qu’ils conçoivent sont liées, quels liens y a t-il entre eux et comment leurs relations influencent le dialogue urbain ? En plus de cette question, nous regarderons comment ils considèrent le dialogue urbain, et en ce sens, quelle place les différents concepteurs attribuent à l’utilisateur-citoyen dans l’usage du dispositif socio-technique et dans le processus de conception du dispositif _ le projet urbain pouvant, lui aussi, être considéré comme un dispositif socio-technique, si l’on regarde comment l’organisation spatiale et les objets urbains déterminent les pratiques sociales et en retour comment les pratiques des utilisateurs-citadins agissent sur la ville. 3.3.1. Le concepteur du projet urbain détermine le dialogue sans y être impliqué Le projet urbain est, dans la plupart des cas, conçu en amont du processus de participation52. Or, cette place de premier n’est pas seulement chronologique. Le projet urbain est considéré comme l’objet de la participation par les élus, le législateur français, les concepteurs du projet urbain et même les concepteurs du processus de participation. Ainsi, selon cette considération, les concepteurs du 52 Cinq sur les six dispositifs de participation en contexte réel de notre panel sont conçus à posteriori du projet urbain. Un seul des dispositifs en contexte fictif s’appuie sur un projet urbain préexistant, Hub2. 29
  • 30. Vers un urbanisme participatif augmenté ? projet urbain déterminent le dialogue urbain, le dialogue étant, toujours selon cette considération, une réaction au projet urbain. Dans cette approche, le processus de participation doit servir à comprendre le projet urbain tel qu’il sera réalisé. Or, pour expliquer le projet urbain aux citoyens et recueillir leurs réactions, un des moyens prédominant est l’image. Nous pouvons nous demander si ce moyen est mis en œuvre car il permet une meilleure information, plus rapide et plus accessible qu’un long discours ou si la raison ne vient pas de l’influence de la culture de l’architecte, concepteur du projet urbain, sur le processus de participation en urbanisme. En France, l’architecte a une autorité supérieure sur la conception de la ville, alors que dans le monde anglophone les town-planners sont les référents en la matière. L’architecte, de par sa formation, privilégie la forme aux logiques urbaines. La sélection des projets urbains par les collectivités est basée certes sur les fonctionnalités du projet, son coût et les externalités positives qu’il engendre mais également sur son esthétisme à travers des esquisses et des vues du projet. Dans tous les cas, la communication sur un projet urbain passe principalement par ces vues statiques agrémentées de quelques chiffres. La participation des citoyens sur ces bases ne permet pas de dépasser une discussion sur l’esthétique du projet. Parmi les cinq dispositifs de participation en contexte réel conçus à posteriori du projet urbain, seul un, Berges de Seine, a explicitement orienté l’objet de la participation sur les usages du projet. Pourtant, l’explication du projet lors de rencontre physique avec la population s’appuie majoritairement sur des images esthétiques et statiques53. Présentation du projet Berges de Seine sur le site internet, l’ensemble des images est présenté sous forme de film et supporte le discours des porteurs du projet, les techniciens de la ville de Paris, lors des rencontres physiques avec les citoyens. 53 Réunion publique à la Mairie du Ve arrondissement du 9 novembre 2010 et atelier thématique du 17 novembre 2010. 30