1. Histoire du Bénin
Introduction
L’histoire du Bénin pourrait se découper en quatre grandes périodes.
Le Bénin-royaumes : du XVIè siècle jusqu’en 1894, le Bénin est une
marqueterie de royaumes qui se font la guerre mais où s’affirme progressivement la
domination de l’un d’entre eux, le royaume de Danxomé.
Le Bénin-colonie : de 1894 à 1972, les Français vont coloniser le Bénin qu’ils
appellent Dahomey. Ils y diffusent le catholicisme et forment une nouvelle élite pour
son administration. A partir des années 1940, on s’achemine progressivement vers
l’indépendance malgré une forte instabilité politique.
Le Bénin-dictature : De 1972 à 1990, le Bénin vit à l’heure du marxisme-léninisme
sous l’égide du dictateur Mathieu Kérékou. Sur le plan économique, le
Bénin devient « un Etat-entrepôt » aux résultats mitigés.
Le Bénin-démocratie : A partir de 1990 jusqu’à nos jours, le renouveau
démocratique se met en place, non sans difficultés (corruption, népotisme et
clientélisme) et paradoxes (le dictateur Kérékou sera élu deux fois présidents de la
République). Une nouvelle Constitution est promulguée.
1. Les royaumes africains : rivalité et hégémonie du Danxomé
(v.1500-1894)
Trois grands peuples mais une mosaïque de royaumes
La population béninoise actuelle est issue de trois
grands peuples anciens : les Adja, les Yoruba et les
Bariba.
Les Adja habitaient le sud de l’actuel Bénin
jusqu’à Abomey. Ils viennent du Togo1. Ils sont à l’origine
des puissants royaumes d’Allada, de Porto-Novo et
surtout d’Abomey.
Les Yoruba se trouvaient dans le centre du pays.
Ils sont originaires du Nigeria2 d’où ils sont venus
massivement à partir du XIIè siècle. Ils ont fondé les
royaumes de Savé (avant 1550) et de Kétou.
Les Bariba, troisième grand peuple, ont investi le
nord du Bénin (région du Borgou). Ils viennent aussi du
Nigeria mais quatre siècles plus tard que les Yoruba. Ils
maîtrisaient un royaume de type féodal dont la capitale
était Nikki, et avaient sous leur coupe les royaumes
inféodés de Kouandé, Parakou et Kandi3.
Au-delà de ces trois grands peuples, il existait des
populations minoritaires : les Dendi se concentraient dans le nord-ouest, les Fulani
(ou Peuls) dans le nord et les Bétamaribé (ou Somba) dans les montagnes de
l’Atakora au nord-ouest.
1 Cf la carte dans les documents annexes
2 Cf la carte dans les documents annexes
3 Cf la carte dans les documents annexes
Guerrier bariba de
Nikki
2. Dans le jeu des rivalités entre royaumes, des conflits de type féodal et des
divisions entre héritiers, le royaume d’Abomey sortit en tête.
Le royaume d’Abomey : le royaume le plus puissant
Fils d’une panthère
Les Adja sont le peuple qui a joué le plus grand rôle dans l’histoire du Bénin. A
l’origine, ils viendraient du Togo, et plus précisément de la ville de Tado, qui se
trouve sur le fleuve Mono. Une légende raconte que la fille du roi de la ville de
Tado aurait rencontré une panthère qui lui aurait donné un fils nommé Agasu. Cet
Agasu aurait eu plusieurs fils dont l’un d’eux, Adjahuto, aurait tué le prince héritier et
se serait réfugié à Allada au Bénin pour y fonder son propre royaume (vers 1575).
Ses trois fils se disputèrent le trône et fondèrent finalement chacun leur royaume :
Meidji succéda à son père à la tête du royaume d’Allada, Do-Aklin créa le royaume
de Bohicon et Zozérigbé fonda le royaume de Porto-Novo (ou Adjatché).
Dans le ventre de Dan
C’est alors qu’apparut Houegbadja, personnage central. Houegbadja était le
neveu de Do-Aklin4. Il décide de fonder à son tour un royaume : pour cela, il a besoin
de terres. Il demande alors au roi Dan (encore un autre monarque), à la tête d’un
petit royaume côtier, de lui en donner. Contre toute attente, celui-ci accepte.
Houegbadja s’installe alors sur cette parcelle octroyée. Quand il n’y eut plus de
place, il redemande des terres au roi Dan. Mais cette fois, il doit faire face à un
refus du roi Dan, qui, railleur, lui demande s’il veut construire des maisons
dans son ventre (homè). Houegbadja attaque alors le roi Dan et gagne. Il le prend
au mot et lui enfonce un pieu dans le ventre destiné à être le pilier central de sa
case. Cette habitation devint alors Dan-Homè, c’est-à-dire « dans le ventre de Dan ».
Le royaume de Dan-Homè ou d’Abomey (aussi appelée Danxomé, Agbomè ou
Dahomey pour les colons européens) était né. Houegbadja y régna de 1645 à
1685 et en fit un royaume puissant.
Le commerce négrier avec les Européens
Les successeurs de Houegbadja5
engagent une série de conquêtes, étendent
le royaume jusqu’à Allada, Ouidah et
Porto-Novo et mettent en place un important
commerce négrier avec les Européens. Le
royaume d’Abomey se transforme en un
puissant royaume esclavagiste qui
prospère grâce aux ressources du commerce
international.
La porte du non-retour, souvenir du
passé esclavagiste du Bénin
4 Ou son petit-fils dans une autre version
5 C’est-à-dire, chronologiquement, le roi Akaba de 1685 à 1708 (fils de Houégbadja, Houessou de son
vrai nom), le roi Agadja de 1708 à 1732 (frère de Houessou, Dossou de son vrai nom), le roi
Tegbessou de 1732 à 1774, le roi Kpingla de 1774 à 1789 (frère de Tegbessou), le roi Agonglo de
1789 à 1797, le roi Adandozan de 1797 à 1818, le roi Ghézo de 1818 à 1858 (fils d’Adandozan,
Gakpé de son vrai nom), le roi Glélé de 1858 à 1889 (fils de Ghézo), le roi Béhanzin de 1889 à 1894
(fils de Ghézo, Kondo de son vrai nom)
3. Ce sont d’abord les Portugais qui mettent le pied au Bénin6. Les Portugais
construisent un fort en 1721 à Ouidah. Francisco de Souza, portugais, métis
brésilien, descendant de négrier et grand marchand d’esclaves, joua un rôle de
premier plan : d’abord jeté en prison par Adandozan, il est libéré par le futur roi
Ghézo et l’aide à renverser Adandozan. Il est nommé vice-roi (yovogan) de Ouidah.
Parce qu’il eut une cinquantaine de femmes, il serait l’aïeul de tous les Souza du
Bénin et du Togo.
Les Portugais sont bientôt supplantés par les Français : avec ces derniers,
le roi Ghézo signe un traité d’amitié en 1851 autorisant le commerce négrier et la
venue de missionnaires catholiques. Son fils, le roi Glélé, laisse s’installer les
Français à Cotonou en 1863. Porto-Novo devient un protectorat français après que
son roi, Toffa, a appelé les Français pour l’aider à résister à son suzerain, Glélé,
avec qui il s’était brouillé.
Mais le successeur de Glélé, Béhanzin, voyait d’un mauvais oeil la présence
de ces étrangers qui menaçaient la souveraineté de son royaume. Il engage donc la
lutte contre la France7. La coopération esclavagiste entre Européens et Danxoméens
a vécu.
La défaite face aux Français
Une guerrière amazone
Ghézo, roi de Dahomey,
sous un parasol, attribut
royal
Dans un premier temps, les armées de Béhanzin font jeu égal avec celles de
la France. Des commerçants français sont jetés en prison à Abomey. Les attaques
des faubourgs de Cotonou, quoique repoussées, remettent sérieusement en cause
la présence française dans la ville. A Porto-Novo8, l’armée française est obligée de
reculer mais réussit à établir plus loin une position défensive qui résiste finalement
aux assauts. Pour éviter l’escalade, les deux camps négocient un accord de paix le
3 octobre 1890 : Porto-Novo et Cotonou deviennent des protectorats français en
échange de quoi la France versera une somme de 20 000 francs à Béhanzin.
6 Les Anglais et les Néerlandais ont également commercé avec le Bénin mais leur rôle apparaît
comme négligeable.
7 Le casus belli est l’attaque d’un village sous protectorat français sur le fleuve Ouémé par un
régiment d’Amazones du Dahomey (le corps militaire des Amazones avait été créé par le roi Ghézo).
8 Porto-Novo était devenu un réel protectorat français depuis que son roi Toffa s’était brouillé avec le
roi d’Abomey Glélé et qu’il avait sollicité l’aide de la France.
4. Le roi Béhanzin
Dans un deuxième temps, les armées de Béhanzin
font les frais de la puissance de l’armée française. Les
guerriers d’Abomey envahissent les territoires sous
protectorat français. Le roi Toffa demande alors assistance à
la France qui envoie le colonel Dodds à la tête d’une armée
de 3 000 hommes. Un wharf ou port de débarquement est
construit. A partir du 19 septembre 1892, la bataille fait rage
et les deux armées perdent de nombreux hommes.
Finalement, les Français conquièrent Abomey le 17
novembre 1892 et, après plusieurs mois de résistance
acharnée, Béhanzin se rend le 25 janvier 1894. Il est envoyé
en exil à la Martinique, puis en Algérie où il meurt en 1906.
Son frère accède au trône d’Abomey, sous le nom d’Agoli-
Agbo, mais le pouvoir lui est arraché au bout de six ans de
règne.
La monarchie est abolie et le Dahomey passe sous
administration directe des Français.
2. Le Dahomey : de la colonisation à l’indépendance (1894-1972)
Jusqu’à 1944 : le Bénin à l’heure française
Les résistances au Nord
Dès 1897, de sérieux troubles apparaissent au Nord. Les Bariba des villes de
Kouandé, Nikki et Kandi se révoltent contre l’occupant français. Ils incendient Kandi
et Kouandé. Après avoir obligé les Français à se replier, les Bariba sont finalement
battus. Ils abandonnent Nikki, Kandi et Kouandé. Une nouvelle frontière nord est
tracée, entérinée par l’Allemagne (1897) et l’Angleterre (1898).
Une nouvelle révolte surgit en 1915 après que beaucoup d’hommes ont été
enrôlés de force dans les armées engagées en Europe. Le chef bariba de l’époque,
Bio Guéra, reprend les hommes. Il réussit à soulever les villes de Nikki et
Bembéréké. Mais il est capturé et décapité en 1919.
Les Sombas, autre peuple du Nord vivant dans les montagnes de l’Akatora,
se révoltent à leur tour contre les Français. Kaba, leur chef, est finalement tué avec
ses guerriers en 1918.
L’organisation administrative
Le protectorat est dirigé par Victor Ballot9. En 1904, la colonie est rattachée à
l’Afrique Occidentale Française (AOF) dont le gouverneur général réside à Dakar, au
Sénégal. A l’instar des autres pays de l’AOF, le Dahomey est alors organisé en 8
cercles découpés eux-mêmes en cantons et villages10. La colonie est dirigée à partir
de Porto-Novo où réside le gouverneur. L’essentiel de l’administration est assuré par
les Français, aidés par quelques Dahoméens. Les anciens monarques sont
marginalisés, confinés à un rôle honorifique alors que des nouveaux chefs de canton
constituèrent de véritables dynasties11.
9 23 gouverneurs lui succéderont. Citons parmi ceux-ci, R. Cornevin, qui sera nommé gouverneur du
Dahomey et du Togo, annexé à la colonie à la fin de la Première Guerre mondiale
10 Le nombre de cercles évolua : 13 cercles en 1934 et enfin 9 cercles en 1938
11 Si dans les années 60, ces anciennes dynasties retrouvent un certain rôle politique en devenant les
relais politiques des partis émergents, elles sont violemment combattues dans les années 70 par le
5. Les missions catholiques
Les premières missions catholiques sont tentées dès le XVIIè siècle. Mais les
puissants marchands d’esclaves et les « féticheurs » réagissent mal à cette incursion
religieuse et s’empressent de la faire échouer.
A la fin du XVIIè siècle, le catholicisme réussit à s’implanter par le biais
d’esclaves affranchis au Brésil et revenus au pays. On les appelle les « Brésiliens ».
Ceux-ci s’établissent sur la côté à Ouidah et Porto-Novo. Ils sont sous l’autorité de
l’évêché de Goa aux Indes et protégés par le roi d’Abomey allié des Portugais.
En 1860 est fondée la mission du Dahomey12. Son territoire s’étend bien au-delà
des côtes béninoises, jusqu’à Lagos. Elle résiste aux obstacles que tentent de
lui opposer les « féticheurs ». A partir de 1895, les pères Schenckel et Steinmetz
assoient durablement les missions sous le protectorat de la France. Cette
stabilisation permet d’envoyer des éléments dans le Nord du pays pour étendre
l’influence catholique. En 1928, le premier prêtre dahoméen est ordonné.
L’évangélisation du pays est assurée jusqu’en 1934 par le père Steinmetz13. Ses
principaux concurrents religieux sont la religion animiste et l’islam, venu
principalement du Nord. En 1940, une mission est fondée à Natitingou14 en pays
somba, scellant l’ultime pénétration septentrionale du territoire par les missionnaires.
Vers l’indépendance
Le renouveau d’une vie politique … mais très instable
En 1943-1944 a lieu la conférence de Brazzaville qui
réunit des représentants des colonies françaises africaines. Il
en ressort l’idée d’une participation accrue de la population
africaine à la vie politique et la volonté d’une extension des
droits. En 1946, les droits des Béninois sont effectivement
étendus : travail libre, droit de vote (pas encore universel),
représentation démocratique au sein du Parlement français.
En 1956 est adoptée la Loi-cadre Deferre : elle instaure dans
toute l’AOF le suffrage universel et dote les territoires d’un
régime de semi-autonomie, prélude à l’autonomie interne.
Elues par tous les citoyens, des assemblées territoriales ont le
pouvoir de nommer les ministres. L’accès aux plus hauts
postes de direction est facilité aux Béninois. Des collectivités
rurales sont mises en place dans les campagnes. L’Etat
transfère aux gouvernements des territoires plusieurs de ses
prérogatives.
La vie politique s’organise autour de trois grands partis
dirigés par trois grandes figures politiques qui se partagent le
pouvoir pendant plus de 30 ans : Souron Migan Apithy (en
régime révolutionnaire du général Kérékou. Après 1990, elles profitent du processus de
démocratisation pour revenir sur le devant de la scène publique à grand renfort de « tradition
réinventée ».
12 Jean Bonfils, La mission catholique en République du Bénin. Des origines à nos jours, Karthala,
Mémoires d’Eglise, 1999, 279 p.
13 Depuis 1941, un boulevard de Cotonou porte son nom
14 Cf la carte dans les documents annexes
6. photo en haut), fondateur du Parti républicain du Dahomey (P.R.D) ; Hubert Maga
(photo du milieu), à la tête du Rassemblement démocratique dahoméen (R.D.D) et
Justin Tométhin Ahomadegbé (photo du bas), dirigeant de l’Union démocratique
dahoméenne (U.D.D). Pendant vingt ans, ces trois hommes se partagent le pouvoir
tour à tour, s’alliant tantôt avec l’un, tantôt avec l’autre, renversant tantôt l’un, tantôt
l’autre. Ce cycle instable se termine généralement par l’intervention de l’armée,
ultime arbitre du jeu des factions : en 1957, Apithy devient vice-président. En 1958,
quand la République est proclamée, Maga devient Premier ministre. En 1960, quand
l’indépendance est proclamée, Maga devient le premier président du Dahomey et
Apithy est nommé vice-président. Trois ans plus tard, des grèves et manifestations
font chuter le gouvernement. L’armée intervient et remet le pouvoir à Apithy et
Ahomadegbé. Nouveau coup d’Etat militaire en 1965 : les militaires restent au
pouvoir jusqu’en 1969 en interdisant au trio Apithy-Maga-Ahomadegbé de briguer de
nouveaux mandats. Mais ces derniers réussissent finalement, en raison d’une volte-face
de l’armée, à instaurer un Conseil présidentiel avec présidence tournante. Cela
durera jusqu’en 1972 où l’armée du commandant Mathieu Kérékou prend
définitivement le pouvoir, écarte les trois leaders historiques et instaure un régime
marxiste-léniniste.
Ces rivalités politiques sont doublées de rivalités « ethno-régionalistes ».
En effet, Hubert Maga est originaire du nord (Bourgou), Sourou Migan Apithy du sud-ouest
(Porto-Novo) et Justin Thométin Ahomadegbé du centre-sud (Abomey). Les
antagonismes ancestraux des royaumes se réveillent et chacun des leaders
politiques fait ses meilleurs scores dans sa région d’origine. Ces identifications
politiques ethno-régionales ont indubitablement nourri l’instabilité institutionnelle.
Le « Quartier latin » de l’Afrique
Dès les années 40, les fonctions du pouvoir sont monopolisées par une petite
élite de lettrées dont le stéréotype est devenu l’akowé, c’est-à-dire « l’évolué ».
Depuis le XIXè siècle, il a toujours existé une élite intellectuelle au Bénin.
Avant l’akowé, ce fut l’aguda. Les agudas, c’est-à-dire les « Brésiliens », sont des
esclaves du Brésil émancipés (ou leurs descendants) et revenus au pays qui se sont
engagés à leur tour dans la traite négrière en servant d’intermédiaires entre les
Européens et les monarques béninois locaux. Ils se sont enrichis et ont formé une
bourgeoisie de négoce. Ils avaient gardé le nom de leur ancien maître portugais
(d’Almeida, de Souza, Vieyra, …) et bénéficiaient du statut de « quasi-Blancs ».
Après la fin de la traite négrière, dans les années 1840, ils s’engagèrent dans le
commerce de l’huile de palme. Au début de la colonisation, ils furent d’utiles
collaborateurs pour l’administration française qui les envoyait dans les écoles
missionnaires. Mais les aguda sont progressivement supplantés par une élite
intellectuelle émergente, les akowé, à partir des années 40.
Ces akowé sont une élite autochtone. Ils sont issus des écoles catholiques
implantées pendant la colonisation15. S’ils font leurs classes dans l’administration
française (comme les aguda) ou dans les « sociétés de presse », ils prennent bientôt
la tête des nouveaux partis politiques. Maga, Apithy et Ahomadegbé en sont leurs
plus éminents représentants16. Ils formeront l’élite postcoloniale.
3. La République populaire : le régime révolutionnaire de Mathieu
Kérékou (1972-1990)
15 Cf supra
16 Cf supra
7. Le Bénin à l’heure du marxisme-léninisme
L’alternance de régimes civils et militaires depuis l’indépendance en 1960 se
termine par la prise du pouvoir le 26 octobre 1972 par le commandant Mathieu
Kérékou. Une nouvelle intervention militaire mais qui était destinée à durer.
Il prend la tête du nouveau gouvernement, appelé Gouvernement Militaire
Révolutionnaire (GMR). La doctrine marxiste-léniniste est officiellement adoptée
en 1974. On crée un parti unique en 1975 : le Parti de la Révolution Populaire
Béninoise (PRPB). Le Dahomey change de nom et devient le Bénin. Les
structures traditionnelles (chefs de village, couvent, animisme) sont supplantées par
les nouveaux représentants de l’administration territoriale réformée (maires,
délégués politiques). Les institutions révolutionnaires fournissent à certaines
catégories de la société, marginalisées auparavant en raison de leur statut social ou
de leur origine géographique, l’occasion d’une revanche. Les paysans, par exemple,
ont bénéficié d’une politique active de promotion économique et ont acquis une
représentation nationale. Les élites nordistes prennent également une importance
croissante dans l’administration et dans les réseaux du P.R.P.B. Les nationalisations
se succèdent : banques, assurances, hôtels. Le système éducatif est réformé. Des
coopératives agricoles sont créées. Un plan d’industrialisation est décidé.
Le joug politique est d’autant mieux accepté que l’économie du Bénin est en
plein essor. Grâce à sa rente de situation d’une économie de transit, la croissance
atteint les 5% de moyenne entre 1977 et 1980. Le pays devient le port des pays du
Sahel. On a pu parle d’ « Etat-entrepôt ».Toutes les marchandises à destination du
Nigeria et des pays du Sahel, en particulier le pétrole, transitent par le Bénin qui
s’enrichit ainsi. Les bénéfices financiers sont considérables. Les bénéfices politiques
également car les recettes permettent le paiement régulier des salaires et permettent
de huiler les rouages de la cooptation des élites. Ce système économique lucratif
permettait de garantir le « contrat social ».
Fragilités et radicalisation
Mathieu Kérékou,
hier et aujourd’hui :
A gauche, le
commandant
Mathieu Kérékou
A droite, Kérékou II
Mais à partir de 1977, les positions du régime se radicalisent. Il a en effet
essuyé une grève générale en 1975 (violemment réprimée) et une tentative de coup
d’Etat deux ans plus tard (menée par la France, le Maroc et le Gabon, elle échoue).
Une Loi fondamentale est instaurée : l’opinion est désormais muselée ; un système
8. de candidature unique aux élections est instauré ; les prisonniers politiques ne
bénéficient plus de procès.
Mais à la fin des années 80, les années s’obscurcissent pour le régime.
La mauvaise gestion des finances et la corruption de l’administration aboutissent à
une grave crise en 1986. Le Bénin connaît une crise économique, fiscale et bancaire
sans précédent. Les trois banques du pays font faillite. En 1989, la banqueroute
accable le pays, malgré l’intervention du F.M.I. Des voix s’élèvent et demandent des
réformes, voir un autre régime. On raille ce système qui est bien loin de la doctrine
originale dont il prétend s’inspirer en le qualifiant de « laxisme-béninisme »17. Le Parti
communiste du Dahomey organisait d’ailleurs secrètement la résistance dans la
clandestinité depuis longtemps. Les évêques élèvent la voix. La rue se fait entendre
en avril 1989 lors d’une grève générale illimitée. Le président essuie un complot, puis
à un putsch militaire.
Face à cette levée de boucliers, Mathieu Kérékou abandonne officiellement la
ligne marxiste-léniniste et organise en février 1990 une Conférence nationale qui
réunit des acteurs de la politique et de la société civile afin de trouver une issue à la
crise. Il est décidé d’écrire une nouvelle Constitution et d’instaurer le multipartisme.
Les bases de la démocratie sont jetées. L’économie se joue désormais sur un mode
libéral. Un gouvernement de transition dirigé par Nicéphore Soglo mène à bien les
résolutions de la Conférence nationale. Le 2 décembre 1990, la nouvelle
Constitution est adoptée par référendum. Cette Conférence nationale historique,
moment clé du processus de démocratisation béninoise s’impose à travers tout le
continent africain comme un modèle de transition pacifique.
4. La République du Bénin : « le Renouveau démocratique » (1991-
2011)
Soglo vs Kérékou II
En février 1991 sont organisées des élections législatives. Le 24 mars, c’est le
tour des élections présidentielles. Nicéphore Soglo gagne contre Kérékou avec
67,7% des voix. Sa tâche s’avère immense. Il s’y attèle rapidement : les finances
publiques sont assainies ; le secteur bancaire est restructuré ; les infrastructures sont
modernisées ; le vaudou est rétabli. Mais les retombées sociales des réformes
libérales entreprises par Soglo se font attendre : le chômage explose ; la précarité
n’est pas résolue ; les trafics clandestins s’épanouissent au grand jour (whisky,
essence, ciment, voitures, etc).
A la fin de son mandat, en 1996, il est battu et c’est « Kérékou II », autrement
dit un Mathieu Kérékou rallié à la cause démocratique qui est élu président de la
République. Son élection repose sur deux veines : l’une nationaliste et l’autre
religieuse car il accréditait l’idée qu’il avait changé au contact des Saintes Ecritures.
Malgré la victoire des partisans de Soglo au Parlement en 1999, Kérékou brigue un
second mandat présidentiel en 2001. Il recueille 84% des suffrages au second
tour ! C’est une bien curieuse démocratie que l’on a pu voir à cette occasion car son
principal rival, Soglo, déclare forfait à l’issue du premier tour, qualifiant l’élection de
« mascarade », et son adversaire au second tour, Bruno Amoussou, appellera les
électeurs à voter pour … Kérékou !
17 Emile Dersin Zinsou (président du Dahomey de juin 1968 à 1969) écrira dans une lettre ouverte au
monde : le Bénin, après dix-sept années de République populaire, est « un pays sans industrie mais
gouverné au nom de la classe ouvrière », une « Roumanie sans exportations, une Bohême sans
usines, une Pologne sans charbon, une Prusse sans discipline ».
9. Yayi Boni : un ou deux mandats ?
En 2006, Kérékou quitte définitivement la scène politique car la Constitution
limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Une nouvelle élection n’était de
toute façon pas assurée à cause du triple contexte de récession économique, de
crise sociale et d’affairisme politique. Malgré des pressions de son entourage,
Mathieu Kérékou ne veut pas modifier la Constitution pour prolonger son pouvoir.
Quant à son fidèle adversaire, Soglo, il a atteint la limite d’âge prévue par la
Constitution.
Son successeur Yayi Boni, nouveau venu sur la scène politique béninoise
et ancien président de la Banque ouest-africainde de développement (BOAD), est
élu démocratiquement. Son bilan reste très mitigé.
Les résultats des dernières élections présidentielles de mars 2011, qui
donnent Yayi Boni vainqueur, sont fortement sujets à caution. Le jeune Bénin
démocratique paraît encore bien fragile.
Yayi Boni prête serment le 6
avril 2006
SOURCES
- Encyclopédie Universalis – Article « Bénin »
- Wikipédia – Articles « Bénin » et « Histoire du Bénin »
- Auzias Dominique et Fontaine Sandra, Le Petit Futé – Bénin, Paris, 2006, pp. 29-35
10. DOCUMENT 1 – LE DRAPEAU BENINOIS
Le drapeau du Bénin est composé de deux
bandes horizontales jaune (dessus) et rouge
marquées d'une bande verte d'égale largeur du
côté de la lance.
La signification des couleurs est expliquée
dans l'hymne national du Bénin, L'Aube
Nouvelle : le vert rappel l'espoir, le rouge le
courage des ancêtres et le jaune incite à
conserver la puissance du pays.
Il est adopté le 16 novembre 1959 et utilisé pour
la première fois le 1er août 1960. Il est abandonné en
1975 pendant la période marxiste de Mathieu Kérékou,
remplacé par un drapeau uni vert avec l’étoile rouge
communiste-socialiste, puis réutilisé à partir du 1er août
1990.
DOCUMENT 2 – LES ARMOIRIES DU BENIN
Les armoiries du Bénin ont été réadoptées en 1990 après avoir été remplacées
durant la période de la République populaire du Bénin (1975-1990).
Blasonnement : Écartelé ; au premier quartier argent, un fort traditionnel (Somba)
d'or à quatre tours pavillonnées ; au deuxième aussi argent, la croix de l'Ordre de
l'Etoile noire du Bénin qui est symbole de vie ; au troisième encore d' argent, un
cocotier de sinople fruité au naturel, rappelant les héros ; au quatrième toujours d'
argent, un navire trois mâts, évocateur de la pénétration européenne dans le pays.
écu soutenu par deux panthères mouchetées au naturel, timbré de deux cornes
d'abondance de sable (noires) emplies de maïs et posé sur un listel portant la devise
du Bénin : « FRATERNITÉ - JUSTICE - TRAVAIL ».