Rapport Préliminaire de L'Union Européenne sur les Elections du 25 octobre 2015 d'Haiti
1. UNION EUROPEENNE
MISSION D’OBSERVATION ELECTORALE Haïti 2015
Elections générales
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DECLARATION PRELIMINAIRE
Une journée électorale calme et globalement bien organisée
dont la participation peine à décoller
Port-au-Prince, le 27 octobre 2015
CONCLUSIONS PRÉLIMINAIRES
Le scrutin du 25 octobre (1er
tour des présidentielles, 2ème
tour des législatives ou répétition du 1er
,
municipales) s’est déroulé dans un climat de sérénité notable, comparé à la journée du 9 août. Malgré un
certain nombre d’incidents, la violence est restée limitée et localisée, sans grandes conséquences sur le
processus électoral. A cet égard, la MOE UE salue la présence renforcée, la vigilance et la réactivité de la
Police nationale d’Haïti (PNH) qui a lancé un signal fort contre la violence. La réduction drastique du
nombre d’incidents et de leur gravité, ainsi que l’action décisive des forces de l’ordre, marquent un
tournant dans une culture électorale haïtienne où les scrutins ont souvent été entachés de violences. La
MOE UE, qui observera également la tabulation des résultats et la période du contentieux, encourage les
candidats et leurs sympathisants à poursuivre leur engagement dans le processus dans le respect des
normes qui l’encadrent.
Le Conseil Electoral Provisoire (CEP), objet de fortes critiques après le premier tour des législatives, a su
tirer les leçons des dysfonctionnements du 9 août et créer les conditions favorables à un scrutin paisible
et ordonné. L’expérience accumulée et une formation renforcée sont à la base d’une amélioration sensible
de la performance de l’administration électorale. Les observateurs de la MOE UE ont évalué positivement
la conduite du vote et du dépouillement, ainsi que la transparence de ces opérations.
Le CEP a, pour la première fois, fait usage de son pouvoir règlementaire en publiant une directive sur les
mandataires. Il a également remis les mandats aux partis politiques à temps et a affiché les listes
électorales un mois avant le scrutin, comme prévu par le décret électoral. Cependant, des problèmes de
communication et d’organisation ont affecté la mise en œuvre de plusieurs initiatives positives, tels le
recrutement d’orienteurs et le renforcement des activités de sensibilisation. La présence encore excessive
des mandataires, découlant directement du nombre élevé de candidats et de partis, demeure également
problématique et impose dès lors une réflexion sur une rationalisation à l’avenir.
Malgré les efforts déployés afin d’améliorer la qualité des infrastructures, la plupart des bureaux de vote
se trouvaient toujours dans des espaces exigus présentant un accès difficile. Les électeurs devaient ainsi
se munir de patience avant de pouvoir accéder à leur bureau de vote où le manque d’espace ne
garantissait que partiellement le secret du vote.
En dépit de l’amélioration évidente des conditions de sécurité, la participation électorale n'a pas pris
l’ampleur espérée. La faible participation observée confirme la tendance des derniers cycles électoraux et
signale la persistance de la distance entre l’électorat et ses représentants.
La MOE UE salue la répétition, sur décision du CEP, du premier tour des élections législatives dans
certaines circonscriptions particulièrement touchées par des incidents ou des irrégularités durant le
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scrutin du 9 août. Cette mesure, ainsi que la radiation par le Conseil de 16 candidats aux législatives, a
contribué à dissuader des actes de violence pour en retirer des bénéfices électoraux. Néanmoins, la MOE
UE déplore l’absence de poursuites pénales contre les responsables de ces actes, et encourage une action
plus déterminée du parquet à cet effet.
Lors de la campagne électorale, les libertés d’expression et d’assemblée ont généralement été respectées,
tous les candidats ayant pu organiser des réunions publiques librement. La campagne présidentielle n’a
connu que des incidents mineurs, notamment des heurts sans conséquence entre partisans. Toutefois, les
observateurs de la MOE UE ont parfois relevé un climat de tension palpable, notamment dans les zones
de reprise du premier tour des législatives. Ces tensions, dues dans une grande mesure au manque de
sanctions contre les fauteurs de troubles, ont souvent débouché sur des affrontements entre partisans ou
contre les représentants de l’Etat. Comme au premier tour des législatives, le financement public, qui n’a
représenté qu’une contribution minime aux dépenses de campagne, a été déboursé tardivement, à moins
de deux semaines du scrutin. La MOE UE regrette qu’aucune procédure de vérification des dépenses ou
de publication des rapports financiers ne soit prévue par le CEP à l’heure actuelle.
Le critère de la décharge a été la principale raison du rejet des candidatures présidentielles. La MOE UE
regrette que la procédure actuelle d’obtention de la décharge constitue un levier politique qui permet au
Parlement de bloquer certaines candidatures. Il serait approprié, d’une part, d’éliminer cette condition
désuète qui représente de facto un obstacle à l’exercice du droit fondamental de se porter candidat et,
d’autre part, de renforcer le contrôle financier de la gestion des comptables et ordonnateurs des fonds
publics.
La couverture de la campagne électorale a été généralement caractérisée par la pluralité de l’information
offerte aux électeurs par les médias haïtiens. Ceux-ci ont pu exercer leur travail dans un climat de respect
de la liberté d’expression et sans limitation du libre exercice du journalisme. Néanmoins, malgré leurs
efforts pour couvrir la campagne de manière inclusive, plus de la moitié des médias analysés par la MOE
UE ont fait preuve de partialité informative en faveur de certains candidats présidentiels.
Malgré la reconnaissance par la Constitution d’un quota de 30% à tous les niveaux de la vie politique, les
femmes n’ont représenté que 7% des candidats à l’élection présidentielle, 10 % des candidats au Sénat et
8% des candidats à la députation. Pour le deuxième tour des élections législatives, seules deux femmes se
sont qualifiées pour le Sénat et quatre à la députation.
La tabulation des résultats du premier tour des législatives a été réalisée par le Centre de Tabulation des
Voix (CTV) de manière transparente et bien organisée. La MOE UE salue la transparence dont le CEP a fait
preuve en publiant en ligne tous les procès-verbaux comptabilisés par le CTV, et encourage l’autorité
électorale à poursuivre cette pratique.
Le contentieux des résultats a mis en évidence le manque d’uniformité dans la prise des décisions, parfois
même sans argumentation solide, mais aussi l’influence exercée sur les instances contentieuses par
certains candidats. Un contrôle juridictionnel indépendant du contentieux électoral fait défaut, défaillance
qui fragilise cette importante étape du processus, et qui est contraire aux bonnes pratiques internationales
en matière d’élections démocratiques.
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EVALUATIONS PRÉLIMINAIRES
I. CAMPAGNE ELECTORALE
Initialement prévue du 24 septembre au 23 octobre, la campagne présidentielle a été avancée par le CEP
au 9 septembre pour donner plus de temps aux candidats. D’une manière générale, les libertés
d’expression et d’assemblée ont été respectées. Par manque de fonds autant que de réelle stratégie
électorale, très peu de candidats ont mis cette mesure à profit, et la campagne n’a vraiment démarré que
fin septembre. Elle n’a de fait pris de l’ampleur que dans la semaine précédant le scrutin. Si presque tous
les candidats présidentiels ont apposé leurs affiches dans les rues, moins d’une quinzaine peuvent se
targuer d’avoir organisé des activités de campagne, et encore moins une vraie campagne de terrain. Une
poignée de candidats, dont deux se sont retirés, a choisi d’organiser un mouvement de contestation du
processus électoral en réaction à la gestion du premier tour des législatives.
En dépit d’une criminalité ordinaire en hausse comparé à la période pré-électorale du premier tour, la
campagne présidentielle n´a connu que des incidents mineurs. Toutefois, les observateurs de la MOE UE
ont relevé par endroits un climat de tension palpable. Ceci a été le cas tant dans les zones de reprise du
premier tour que dans les circonscriptions en ballotage. Ces tensions, qui ont parfois débouché sur des
affrontements entre partisans ou contre les représentants de l’Etat, ont souvent été dues à la perception
que les fauteurs de troubles du premier tour n’avaient pas été sanctionnés. La MOE UE a également reçu
des allégations crédibles de gangs à la solde de candidats semant la terreur et a observé elle-même des
situations d’intimidation. Par ailleurs, des décisions prises par le pouvoir exécutif, en particulier la création
par décret présidentiel de cinq nouvelles communes et l’interdiction d’importer par voie terrestre certains
produits en provenance de la République dominicaine, ont engendré dans les localités concernées des
situations de violence quasi-quotidienne.
En dépit de l’enjeu national, la campagne présidentielle a peu mobilisé. Comme pour les élections
législatives, les candidats ont privilégié l’affichage intensif, surtout dans les zones urbaines, et les
campagnes de proximité. Comme lors du premier tour des élections législatives, les interlocuteurs de la
MOE UE ont critiqué le fait que les candidats proches du pouvoir aient disposé de plus de moyens que les
autres1
. Les observateurs de la MOE UE ont noté qu’un certain nombre de candidats présidentiels avaient
effectué leurs tournées en compagnie de leurs candidats législatifs ou municipaux, démontrant l’effet
d’entraînement de l’élection présidentielle pour les autres élections. Si la présence du Président Martelly
à certains meetings de Jovenel Moise du Parti haïtien Tèt Kale (PHTK) a permis d’attirer les gens, d’autres
candidats2
ont eux aussi organisé un ou plusieurs meetings dépassant le millier de participants, semblant
indiquer qu’ils disposaient de fonds et de soutiens conséquents.
Alors que la période de l’entre-deux-tours avait vu des tentatives infructueuses de rassemblements entre
candidats présidentiels, la période de campagne a été plus propice à des rapprochements entre candidats
de tous niveaux. Plus qu’un rassemblement basé sur une ligne idéologique ou partisane, il s’agissait de
soutenir le candidat qui semblait être en meilleure position pour gagner. Ce phénomène, qui a été
1 Cette inégalité de ressources a été particulièrement visible au niveau des candidats à la députation en ballotage.
2 Il s’agissait en particulier de Jean-Charles Moise (Pitit Dessalines), d’Éric Jean-Baptiste (Mouvement d’Action socialiste), de Jude
Célestin (Ligue alternative pour le Progrès et l’Emancipation d’Haiti), de Jean Henry Céant (Renmen Ayiti), de Steeve Khawly
(Réseau national Bouclier) et de Sauveur Pierre Etienne (l’Organisation du Peuple en lutte (OPL).
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renforcé par la désaffection de l’ensemble des partis vis-à-vis de leurs candidats, dont la plupart ont dû
financer leur campagne seuls, s’est accru dans la semaine précédant le scrutin3
.
Financement de la campagne
Comme au premier tour des législatives, le financement public pour les campagnes présidentielles et
municipales a été déboursé moins de deux semaines avant le scrutin et n’a représenté qu’une contribution
minime aux dépenses de campagne4
. Beaucoup de candidats ont dénoncé le fait que leurs concurrents se
soient financés à l’aide de fonds d’origine illégale, qui dans certains cas reposaient sur des pratiques
d’extorsion. L’ensemble des candidats aux législatives interrogés par la MOE UE a indiqué avoir respecté
le plafonnement de dépenses prévu par le décret électoral. Il est notable que peu de candidats considèrent
les dons provenant de proches comme un financement privé tombant sous le coup dudit décret. La MOE
UE déplore qu’aucune procédure de vérification des dépenses ou de publication des rapports financiers,
qui, pour la plupart des candidats législatifs, ont tous été soumis, ne soit prévue par le CEP à l’heure
actuelle.
II. L’ADMINISTRATION ELECTORALE
Après le scrutin du 9 août le CEP a dressé le bilan de sa performance et s’est engagé à remédier aux
faiblesses identifiées. Cette démarche a impliqué le personnel du Conseil à tous les niveaux et fut à la base
de nombreuses mesures pour améliorer le processus électoral en cours.
Suite aux problèmes liés à la gestion des mandataires des candidats lors du scrutin du 9 août, le cadre
technique et règlementaire les concernant a été largement révisé : pour la première fois, le CEP a fait
usage de son pouvoir règlementaire en publiant des normes qui encadrent la présence des mandataires
dans les bureaux de vote. Ces règles, communiquées à et acceptées par la majorité des partis politiques,
ont contribué à un meilleur déroulement des opérations au sein des bureaux de vote. Le CEP a également
distribué les mandats aux partis politiques dans des délais opportuns, et a mis en œuvre des garde-fous
contre leur falsification ainsi que de mesures visant à réduire le risque de vote multiple des mandataires.
La MOE UE salue la décision du CEP d’organiser des répétitions d’élections législatives dans les
circonscriptions particulièrement touchées par des incidents ou des irrégularités causant la disparition ou
la mise à l’écart d’un grand nombre de procès-verbaux. Cette mesure a certainement contribué à réduire
les actes de violence qui ont traditionnellement découragé les électeurs de se rendre aux urnes et les
propriétaires d’immeubles et de moyens de transports de les mettre à disposition à des fins électorales.
La radiation de 16 candidats aux législatives a également renforcé le message que la violence ne sera
nullement tolérée, même s’il est regrettable que ces radiations n’aient pas été prononcées suite à une
décision judiciaire. Le CEP a en outre communiqué des mises en gardes à quelques partis politiques dans
les départements les plus touchés par la violence.
En dépit de la volonté du CEP d’améliorer le processus électoral, une organisation insuffisante a réduit
l’efficacité de plusieurs initiatives positives. La communication entre le CEP et ses bureaux
départementaux et communaux (BED et BEC) demeure inadéquate, avec des instructions souvent
tardives, impliquant des délais très courts. Par exemple, le recrutement des orienteurs, décidé par le CEP
depuis fin août, n’a été communiqué aux BED et BEC que début octobre. Le CEP a néanmoins amélioré sa
3 Les regroupements autour de candidats présidentiels ont surtout concerné Jovenel Moïse, Jude Célestin et, dans une moindre
mesure, Jean-Charles Moïse.
4 Ce financement n’a par exemple pas permis aux candidats municipaux de rembourser leurs frais d’inscription.
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communication avec les partis politiques en organisant plusieurs séances informatives sur les nouvelles
dispositions adoptées.
La communication tardive concernant la permanence du personnel ou le remplacement d’agents
sanctionnés a affecté les préparatifs : certains changements d’effectifs n’ont été annoncés que quelques
jours avant le scrutin, incitant de nombreux superviseurs non-retenus à saboter la formation des membres
de bureaux de vote. Le retard dans le paiement du personnel vacataire a également engendré
d’importantes frustrations qui auraient pu mettre en danger les préparatifs et le déroulement du scrutin.
Le paiement tardif des membres de BED et de BEC est également regrettable.
Le CEP a renforcé son programme de sensibilisation, notamment à travers des spots informatifs à la radio
et à la télévision. Néanmoins, la production tardive et la diffusion insuffisante ont limité l’impact potentiel
de ces initiatives.
L’affichage des listes électorales s’est effectué un mois avant le scrutin, comme le prévoit le décret
électoral. Les outils informatiques (SMS, site internet ou centre d’appel), mis à la disposition des électeurs
afin de les aider à identifier leur centre de vote, ont également été opérationnels à temps.
III. DEPÔT DES CANDIDATURES A L’ELECTION PRESIDENTIELLE
L’inscription des candidatures à l’élection présidentielle s’est déroulée du 11 au 20 mai 2015. Le CEP a
reçu 70 candidatures, dont il a initialement rejeté treize. Tout électeur a pu contester une déclaration de
candidature dans un délai de 72 heures après la clôture de l’inscription, auprès du Bureau du Contentieux
Electoral Départemental (BCED) Ouest I5
. Un deuxième degré de juridiction au niveau du Bureau du
Contentieux Electoral National (BCEN), même si pas expressément prévu par le décret électoral, a été de
facto appliqué.
Le critère de la décharge a été la principale raison du rejet des candidatures. Le cadre juridique, basé sur
des règlementations archaïques6
, impose à tous les candidats qui ont été comptables ou ordonnateurs de
deniers publics, le dépôt d’une décharge de gestion lors de l’inscription de la candidature. Deux organes
ont la compétence de délivrer cette décharge : les deux Chambres législatives, après la validation du
rapport de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) par une commission
parlementaire mixte, pour les ministres, ou la CSCCA, pour les fonctionnaires. La passivité des Chambres
législatives ou leur dysfonctionnement, n’ont pas permis aux anciens ministres d’obtenir la décharge et
de se porter candidat aux élections de 2015. Sur treize dossiers rejetés de la liste définitive des candidats,
soit par le CEP, soit par les instances contentieuses, dix l’ont été pour absence de la décharge de gestion.
Après avoir publié la liste définitive des candidats agréés, le CEP a disqualifié trois autres candidats, dont
M. Jacky Lumarque pour absence de décharge. Le cas de Jacky Lumarque est particulier, étant donné que
le BCED Ouest I, saisi d’une contestation de sa candidature, avait ordonné au CEP de le maintenir dans la
course à la présidentielle, considérant qu’il n’avait pas besoin de décharge. Il est regrettable que le CEP
ait ignoré la décision de l’instance contentieuse ayant l’autorité de la chose jugée.
La MOE UE considère que la procédure actuelle pour l’obtenir fait de la décharge un levier politique, qui
permet au Parlement de bloquer certaines candidatures. Il serait approprié d’éliminer cette condition
désuète qui représente, de facto, un obstacle à l’exercice du droit fondamental de se porter candidat ainsi
que de renforcer le contrôle financier de la gestion des comptables et ordonnateurs des fonds publics.
5 Le BCED Ouest I a reçu 41 recours concernant 23 candidats à l’élection présidentielle. Le BCEN a reçu 11 recours concernant 9
candidats à l’élection présidentielle.
6 La loi du 26 août 1870 portant sur l’hypothèque légale encore en vigueur.
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IV. CONTENTIEUX DES RESULTATS DES ELECTIONS LEGISLATIVES
La tabulation des résultats a été réalisée par le Centre de Tabulation des Voix (CTV), de manière
transparente et bien organisée. La MOE UE a analysé un échantillon des procès-verbaux (PV) qu’elle a
recueillis lors de son observation du scrutin et a constaté la concordance avec les PV correspondants
tabulés par le CTV.
La MOE UE salue la transparence dont le CEP a fait preuve en publiant en ligne tous les procès-verbaux
comptabilisés par le CTV, ainsi que les décisions des instances contentieuses. La Mission encourage
l’autorité électorale à continuer cette pratique lors des prochains scrutins.
Le contentieux des résultats du premier tour des élections législatives a débuté le 19 août avec la
proclamation des résultats préliminaires par le CEP, et s’est achevé le 27 septembre quand le BCEN a
finalement affiché les décisions concernant les recours introduits contre les décisions des BCED7
. Même si
cette étape s’est déroulée sans incidents importants, l’absence d’un délai légal précis pour l’adoption des
décisions par les instances contentieuses, le nombre élevé des recours déposés, ainsi que certaines
lacunes organisationnelles ont retardé la proclamation des résultats définitifs jusqu’au 27 septembre.
Le cadre juridique est ambigu en ce qui concerne les compétences des instances contentieuses. La
vérification des bases de données et des archives du CTV est limitée au BCEN. En conséquence, environ
65 % des recours n’ont pas été traités sur le fond par les BCED qui se sont déclarés incompétents. Au
niveau du BCEN, la plupart des recours ont été rejetés pour absence de preuves ou de la caution, ainsi que
pour le manque de qualité du requérant.
Le contentieux des résultats a mis en évidence le manque d’uniformité dans la prise des décisions, parfois
sans une argumentation solide, mais aussi l’influence exercée par certains candidats locaux sur les
instances contentieuses. Des lacunes importantes concernant la méthode de calcul des résultats des
sénatoriales, ainsi que pour les candidats élus au premier tour sur la base d’un écart de 25%, ont mené à
des décisions controversées de la part des instances contentieuses.
Un grand nombre de recours a été introduit par les requérants, soit sans indiquer la partie défenderesse,
soit contre le CEP en tant que partie défenderesse. Toutefois, le CEP n’a pas été notifié et le BCEN ne lui a
pas accordé le droit de faire recours contre les décisions des BCED8
. Cette pratique a affecté le caractère
contradictoire des audiences et a bloqué la possibilité de réviser, à travers un deuxième degré de
juridiction, certaines décisions des BCED.
La décision du CEP d’annuler les élections dans les circonscriptions où moins de 70% des procès-verbaux
ont été tabulés par le CTV, n’a pas été appliquée de manière uniforme ni par le CEP, ni par les instances
contentieuses9
. Certaines décisions définitives des instances contentieuses n’ont pas non plus été
appliquées par l’autorité électorale10
.
7 Concernant les résultats des élections législatives, les BCED ont reçu 204 recours et le BCEN, 119.
8 Le CEP a introduit un recours auprès du BCEN contre les décisions du BCED Artibonite dans le cas de Youri Latortue, et du BCED
Ouest 1 dans le cas de Jean Renel Senatus. Dans les deux cas, les recours des candidats avaient été introduits auprès du BCED
contre le CEP. Le BCEN a cependant considéré que le CEP n’avait pas la qualité d’agir et a rejeté le recours.
9Le CEP n’a pas annulé les élections à la députation dans les circonscriptions de Quartier Morin (31,7% des PV tabulés), Anse à
Galets (39,3% des PV tabulés), Cerca Carvajal (66,7% des PV tabulés). Le BCEN Artibonite a validé les élections sénatoriales dans
la circonscription d’Artibonite (67,39% des PV tabulés) et les élections à la députation dans les circonscriptions d’Ennery (69% des
PV tabulés) et La Chapelle (69,7% des PV tabulés). Le CEP a décidé la répétition des élections sénatoriales dans les circonscriptions
à la députation de Boucan Carré, Savanette, Jérémie et Pestel sans décision des instances contentieuses.
10 Le BCED Sud, suite à la requête du candidat à la députation dans la circonscription Maniche/ Camp Perrin, Jean Wilfrid Lovince,
a ordonné au CEP la comptabilisation de 9 PV mis à l’écart par le CTV, même si cela était de la compétence du BCEN. Le CEP n’a
pas appliqué cette décision.
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Un contrôle juridictionnel indépendant fait défaut au contentieux électoral, défaillance qui fragilise cette
étape importante du processus et est contraire aux bonnes pratiques internationales en matière
d’élections démocratiques.
L’impunité électorale
Afin de décourager la répétition des irrégularités et des actes de violence électorale, le CEP a pris certaines
mesures telles que la radiation de 16 candidats, considérés responsables d’actes de violence le jour du
scrutin du 9 août, ainsi que l’annulation des élections dans les circonscriptions où moins de 70% des PV
avaient été tabulés. Toutefois, le cadre juridique ne contient pas de garanties suffisantes pour protéger
un candidat contre une radiation abusive. Le CEP a également sanctionné certains membres des BED et
des BEC sur la base de leur performance lors du premier tour des législatives.
La MOE UE déplore l’absence de poursuites pénales contre les responsables d’actes de violence électorale.
Il est crucial que les autorités haïtiennes luttent contre la pérennisation de la culture d’impunité, un
facteur décisif pour restaurer la confiance des citoyens haïtiens dans le système judiciaire et électoral.
V. ENVIRONNEMENT MEDIATIQUE
La couverture de la campagne électorale a été caractérisée, en général, par la pluralité de l’information
offerte aux électeurs par les médias haïtiens. Ceux-ci ont exercé leur travail dans un climat de respect de
la liberté d’expression et sans limitation du libre exercice du journalisme. Néanmoins, malgré leurs efforts
pour couvrir les élections de manière inclusive, plus de la moitié des médias analysés par la MOE UE ont
fait preuve de partialité informative en faveur de certains candidats présidentiels.
Du 1er au 24 octobre 2015 la MOE UE a effectué un suivi systématique des émissions de la Radio Télévision
nationale d’Haïti (RTNH) et des médias privés Radio Télévision Ginen, Radio Caraïbes, Télé Kiskeya, Le
Nouvelliste et Le National afin d’évaluer le niveau d’accès des candidats aux médias. Pendant la période
mentionnée, la diffusion de programmes sur les élections, les entretiens en studio avec les candidats, ainsi
que la retransmission de débats politiques ont occupé une part importante des programmations des
radios et des chaînes de télévision haïtiennes. Du côté des médias publics, la Télévision nationale d’Haïti
(TNH), à travers ses émissions quotidiennes « Mise au point » et « Elections 360 »11
, a fait des efforts
louables pour offrir une plateforme aux candidats municipaux et présidentiels, respectivement.
Néanmoins, les relevés de la MOE UE montrent que la TNH a favorisé le candidat présidentiel du PHTK,
Jovenel Moïse, en lui consacrant 60% du temps total d’antenne12
accordé aux 10 candidats présidentiels
les plus présents dans les médias. Dans le cas de la Radio nationale d’Haïti (RNH), le temps total d’antenne
consacré à Jovenel Moïse (PHTK) s’élève à 56%.
Par rapport aux médias privés analysés par la MOE UE, la couverture informative de la campagne
électorale s’est révélée diverse. Si Radio Ginen et Télé Ginen ont réalisé une couverture clairement
favorable à Jovenel Moïse (PHTK), qui a reçu respectivement 72% et 77% du temps total d’antenne
consacré aux 10 candidats présidentiels les plus présents dans les médias, Télé Kiskeya a accordé 53% du
temps d’antenne au candidat de LAPEH, Jude Célestin. De leur côté, Radio Caraïbes et les journaux Le
Nouvelliste et Le National ont assuré une couverture équilibrée et neutre.
Après la clôture officielle de la campagne électorale, la TNH a diffusé, la veille des élections, des spots de
campagne du PHTK ainsi que des reportages sur les réalisations du président Martelly. Les résultats du
monitoring des médias est disponible sur le site web de la Mission : http://www.eueom.eu/haiti2015.
11 Diffusé simultanément à la RNH.
12
Spots de campagne exclus.
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VI. PARTICIPATION DES FEMMES
Le cadre juridique13
régissant les élections générales de 2015 contient, pour la première fois, un ensemble
des mesures incitatives pour la participation des femmes, y compris la reconnaissance par la Constitution
d’un quota de 30% à tous les niveaux de la vie politique. La MOE UE salue le respect de ce quota dans les
listes des candidats aux élections municipales. Ceci permettra aux femmes de participer dans tous les
conseils municipaux issus du scrutin de 25 octobre.
Cependant, pour les élections présidentielle et législatives, le système uninominal majoritaire à deux tours
ainsi que l’absence de mesures d’accompagnement pour la mise en œuvre du quota, n’ont pas permis de
rendre effectif ce droit constitutionnel. Il est regrettable que les femmes n’aient représenté que 7% des
candidats14
à l’élection présidentielle, 10 % des candidats au Sénat et 8% des candidats à la députation.
Pour le deuxième tour des élections législatives, seules deux femmes se sont qualifiées pour le Sénat et
quatre à la députation15
.
VII. SOCIETE CIVILE
Afin d’exclure des groupes d’observation qui étaient en réalité des structures d’appui partisanes, le CEP a
limité le nombre de missions nationales agréés à 15, et donné la priorité aux organisations expérimentées.
S’il est regrettable que le CEP n’ait pas établi de critères objectifs pour l’accréditation, il n’en a pas pour
autant exclu des missions qui avaient été particulièrement critiques vis-à-vis de son travail.
Comparé au scrutin précédent, le Comité inter-organisationnel pour une élection inclusive en démocratie
(COEID) a intégré plus d’observateurs au sein des missions d’observation nationales. Cela a permis de
renforcer l’audit de l’aménagement des centres de vote ainsi que l’observation de l’assistance octroyée
aux électeurs avec un handicap physique.
VIII. JOURNEE ELECTORALE
La journée électorale s’est généralement déroulée dans le calme, grâce à une bonne organisation, à
l’engagement du personnel, ainsi qu’au rôle joué par la PNH. Elle a procédé à 234 arrestations au cours de
la journée, dont certaines ont déjà été déférées au parquet. Le déploiement et la réactivité de la PNH a
contribué à réduire le taux d’incidents graves, et a également amélioré l’ambiance aux alentours des
centres de vote.
Le retard dans l'ouverture des BV dans 65% des cas observés était lié à l’application des procédures,
l’inscription des mandataires et le comptage des bulletins reçus. Le personnel et les matériels nécessaires
pour le scrutin étaient présents à temps, et les procédures d’ouverture ont généralement été bien
appliquées. Les observateurs de la MOE UE ont évalué l’ouverture des bureaux de vote positivement dans
89% des cas observés. Malgré certains efforts déployés par le CEP afin d’optimiser les conditions physiques
dans les bureaux de vote, la grande majorité d'entre eux se trouvaient toujours dans des espaces
relativement exigus.
13La Constitution de 1987 amendée, le Décret électoral du 2 mai 2015, la loi de 2013 sur les partis politiques.
14 Parmi les 54 candidats à l’élection présidentielle il y avait 4 femmes. Parmi les 232 candidats au Sénat il y avait 23 femmes, et
seulement 2 sont passées au deuxième tour, tandis que parmi les 1621 candidats à la députation il y avait 129 femmes, dont 4
sont en ballotage.
15 Les données n’incluent pas les circonscriptions où le premier tour des élections législatives sera répété.
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Les mandataires de partis étaient présents dans tous les bureaux de vote observés, les partis les plus
fréquemment représentés étant le PHTK (présents dans 74% des bureaux de vote observés), Vérité (57%),
Fanmi Lavalas et Ptit Dessalines (53% et 52% respectivement), ainsi que LAPEH et KID (47% chacun),
Renmen Ayiti et OPL (42% et 41% respectivement.) Malgré une présence massive de mandataires, les
problèmes observés le 9 août n’ont pas pris la même ampleur : même si la rotation de mandataires prévue
par le CEP n'a pas toujours été effectuée, la limite de 10 mandataires par bureau a été respectée dans 75%
des cas observés. Les mandataires montraient systématiquement leur carte d’identité aux agents
électoraux en charge de leur inscription et ils portaient leur accréditation dûment personnalisée dans 84%
des cas observés. Les consignes visant à limiter le risque de vote multiple ont été majoritairement
respectées, même si le risque d’un double vote des mandataires n’était pas totalement exclu.
Les procédures de vote ont également été respectées dans une large mesure : les cartes d’identité des
électeurs ont toujours été vérifiées, et la liste d’émargement signée, à peu d’exceptions près. Les
observateurs de la MOE UE ont évalué positivement la conduite du vote et la performance du personnel
électoral dans respectivement 85% et 72% des bureaux observés.
Les agents électoraux ont expliqué les procédures de vote aux électeurs dans seulement 43% des cas. Ceci,
ainsi que le manque d’affiches informatives, a contribué à ce que la compréhension des procédures par
les électeurs soit évaluée positivement dans seulement 56% des bureaux de vote observés. Dans 30% des
cas observés, l’assistance octroyée aux personnes handicapées ne respectait pas le secret de leur vote
tandis que dans 16% des BV, les mandataires des candidats ont tenté d’influencer le choix des électeurs.
La fermeture et le dépouillement se sont déroulés dans l’ordre et le calme dans la grande majorité des
bureaux observés pas la MOE UE. Le dépouillement s’est effectué de manière transparente et les membres
de bureaux de vote ont eu nettement moins de difficultés à remplir les procès-verbaux comparé au
premier tour des législatives. Un aide-mémoire était également disponible dans 60% des BV.
Les mandataires ont pu assister au dépouillement. Aucun d’entre eux n’a refusé de signer les procès-
verbaux dans les BV observés par la MOE UE. Conformément au décret électoral, des copies des procès-
verbaux ont été données aux mandataires des deux partis gagnants et affichées à l’extérieur des BV dans
la grande majorité des cas. Les observateurs de la MOE UE ont évalué les procédures de dépouillement
positivement dans tous les bureaux observés.
A l’invitation du Gouvernement Haïtien et du CEP, la Mission d’Observation Electorale de l’Union européenne (MOE UE) est
présente dans le pays depuis le 12 juillet 2015. La MOE UE est dirigée par Mme. Elena VALENCIANO, membre du Parlement
européen. 80 observateurs de 25 Etats membres de l’Union européenne (UE) et de la Norvège ont été déployés dans l’ensemble
du pays dans le but d’évaluer le premier tour des élections législatives au regard des normes internationales, ainsi que des lois
haïtiennes. Une délégation du Parlement européen, composée de 6 députés et présidée par Mme Izaskun BILBAO, a rejoint la
Mission et partage ses conclusions.
La Mission formule ses conclusions préliminaires en toute indépendance et conformément à la Déclaration des principes pour
l’observation électorale internationale des Nations Unies d’octobre 2005. Le jour du scrutin, les observateurs de la MOE UE ont
visité 253 bureaux de vote (2 % du total) dans tous les départements du pays pour y observer l’ouverture, le vote, le dépouillement
et la transmission des résultats.
Tout comme elle l’a fait lors de la campagne et des préparatifs préélectoraux, la MOE UE continuera à observer les
développements postélectoraux, en particulier la centralisation des résultats et la phase du contentieux électoral, y compris le
traitement des infractions électorales. La MOE UE observera également, le cas échéant, un éventuel deuxième tour de l’élection
présidentielle. La mission publiera un rapport final sur l’ensemble de ses observations, qui pourra éventuellement inclure des
recommandations, dans les semaines qui suivront la fin du processus électoral.
10. UNION EUROPEENNE
MISSION D’OBSERVATION ELECTORALE Haïti 2015
Elections générales
10
La Mission souhaite exprimer ses remerciements au Gouvernement de la République d’Haïti, au CEP, et à toutes les autorités
nationales, ainsi qu’aux partis politiques, aux missions d’observation internationales, aux organisations de la société civile et aux
médias pour leur coopération et leur accueil au cours de la période d’observation. La Mission est aussi particulièrement
reconnaissante à la Délégation de l’Union Européenne à Port-au-Prince, aux missions diplomatiques des Etats membres, ainsi qu’à
la MINUSTAH.
Cette Déclaration sera également disponible en créole sur le site web de la Mission : http://www.eueom.eu/haiti2015. Seule la
version française est officielle.
Pour plus d’information, contactez :
Javier Gutiérrez, Attaché de presse, tél : (+509) 48898035
Mission d’Observation Electorale de l’Union Européenne Haïti 2015
Hotel Royal Oasis, 6ème étage. Pétion-Ville, Port-au-Prince, Haïti