Une mission du Fonds Monétaire International (FMI), dirigée par Madame Nicole Laframboise, a discuté avec les autorités haïtiennes à Port-au-Prince et à Washington dans le cadre de la consultation au titre de l’Article IV.
Les services du FMI concluent une mission de consultation au titre de l’Article IV avec Haïti, Novembre 2019
1. Press Release No. 19/433
POUR DIFFUSION IMMÉDIATE
25 novembre 2019
Les services du FMI concluent une mission de consultation
au titre de l’Article IV avec Haïti
Les communiqués de presse publiés en fin de mission par les services du FMI incluent des
déclarations qui expriment leurs observations préliminaires au terme d'une mission dans un
pays. Les opinions exprimées dans ces conclusions sont celles des services du FMI et ne
sont pas nécessairement celles du Conseil d'administration. Sur la base des observations
préliminaires de cette mission, les services du FMI établiront un rapport qui, sous réserve
de l'approbation de la direction, sera soumis à l'examen et à la décision du Conseil
d'administration du FMI.
• Haïti fait face à une grave crise politique, économique, et sociale. Les manifestations et
blocages répétés du pays depuis l’été 2018 sont à l’origine d’une récession et d’une forte
inflation. Malgré les efforts considérables des autorités fiscales et monétaires, les coûts
économiques et sociaux de cette crise politique sont particulièrement élevés pour une
population déjà pauvre et vulnérable.
• Les priorités à court terme pour les autorités sont la restauration de la stabilité
macroéconomique, la mobilisation des revenus fiscaux, la lutte contre la corruption, et le
renforcement du filet de sécurité sociale avec, en particulier, le développement d’un
nouveau programme pilote de transferts monétaires en faveur des familles vulnérables.
• Les autorités veilleront au renforcement des moyens juridiques et financiers des agences
en charge de la lutte contre la corruption et s’assureront de l’application des obligations
de déclaration de patrimoine des hauts-fonctionnaires, magistrats et élus.
Une mission du Fonds Monétaire International (FMI), dirigée par Madame Nicole
Laframboise, a discuté avec les autorités haïtiennes à Port-au-Prince et à Washington dans le
cadre de la consultation au titre de l’Article IV. À l’issue des réunions, Madame
Laframboise a fait la déclaration suivante :
« Nous remercions vivement les autorités haïtiennes ainsi que les fonctionnaires et employés
du secteur public et les représentants du secteur privé et de la société civile avec qui nous
avons discuté, pour leurs efforts en vue de la tenue de cette consultation, malgré une situation
très difficile en Haïti.
Haïti est confrontée à une crise politique, économique, et sociale sans précédent. Les
blocages répétés du pays en novembre 2018, février, juin et septembre 2019 ont affecté
sévèrement l’activité économique. La croissance pour l’année fiscale 2019 devrait être autour
2. de -1,2 pour cent, tandis que l’inflation est estimée à plus de 20 pour cent à fin septembre,
alimentant la pauvreté et l’insécurité et privant l’État des moyens d’investir et de soutenir
l’activité.
Depuis mars 2019, l’absence d’un gouvernement ratifié par le Parlement, a entravé
l’approbation par le FMI de l’accord conclu au niveau technique pour un programme au titre
de la Facilité Elargie de Crédit (FEC). Cela a aussi entrainé la suspension des supports
budgétaires extérieurs.
Nos projections à moyen terme ne prévoient pas de grandes réformes, qu’il est irréaliste
d’envisager à ce stade, et tablent sur une stabilisation de la situation politique et du PIB au
cours de l’année 2020 avec une très faible reprise de la croissance autour de 0,9 pour cent en
2021. Dans ce contexte, il serait difficile d’envisager un taux d’inflation très en-deçà de 20
pour cent par an pour les deux prochaines années. De même, la croissance potentielle est
estimée à 1,5 pour cent par an à plus long terme.
La poursuite de la crise politique actuelle serait dévastatrice pour le pays avec des
conséquences de moyen terme plus sévères en raison des pertes de capital physique et
humain.
D’un autre côté, une sortie de crise dans le court terme pourrait conduire à un rebond de
l’activité économique. La nomination d’un gouvernement déterminé à entreprendre des
réformes et la reprise de l’appui de la communauté internationale permettraient de desserrer
la contrainte budgétaire. Il s’en suivrait une augmentation des dépenses publiques,
notamment d’investissement, en même temps qu’une réduction du financement de la banque
centrale facilitant ainsi une baisse de l’inflation et une hausse de la croissance à court et
moyen et long-terme.
La priorité immédiate doit être la stabilisation de la situation économique. À défaut d’un
budget soumis à l’examen du parlement, il est important que le gouvernement prépare et
publie, comme annoncé, un cadre budgétaire pour 2020 dans les plus brefs délais. Ce cadre
devrait inclure des mesures pour contenir les dépenses non-prioritaires et améliorer la
collecte des recettes fiscales, particulièrement par le renforcement de l’administration fiscale
et la réduction des exemptions d’impôt.
Nous félicitons les autorités pour la signature et le respect du Pacte de Gouvernance
Économique et Financière entre la Banque de la République d’Haïti et le Ministère de
l’Economie et des Finances, qui a contribué à stabiliser l’inflation et le taux de change
jusqu’à la fin de septembre 2019. La reconduction de ce pacte est nécessaire pour limiter de
nouveau le financement monétaire du déficit budgétaire, source d’inflation.
Nous félicitons les autorités des efforts mis en œuvre pour finaliser la rédaction d’une
Politique Nationale de Protection et de Promotion Sociale (PNPPS) et encourageons le
Conseil des ministres à adopter formellement cette politique et à lancer un nouveau
programme pilote de transferts monétaires aux personnes vulnérables. La PNPPS doit
3. permettre de réduire la fragmentation et la superposition des programmes existants, source
d’inefficacité. Les services du FMI recommandent que cette politique conduise à la mise en
place, sous l’égide du Ministère des Affaires Sociales et du Travail (MAST), d’un nombre
limité de programmes de transferts monétaires à destination de groupes vulnérables de la
population.
La lutte contre la corruption est une autre priorité de court terme. L’Unité de Lutte Contre la
Corruption (ULCC) doit voir ses moyens juridiques et financiers renforcés pour assurer
pleinement sa mission. Le Comité de Pilotage prévu dans la Stratégie Nationale de Lutte
contre la Corruption de 2009 doit être mis en place avec l’intégration des représentants
indépendants de la société civile et doit participer à la préparation de la nouvelle stratégie
anti-corruption. Les obligations de déclaration du patrimoine « des personnalités politiques,
fonctionnaires et agents publics », doivent être appliquées conformément aux lois régissant la
matière (Loi du 12 février 2008). Les mesures de lutte contre le blanchiment d’argent
peuvent renforcer les efforts de lutte contre la corruption, notamment la vérification de la
provenance de fonds par les banques dans le cadre de leurs obligations de connaissance du
client, en particulier les personnes politiquement exposées.
Nous souhaitons que le retour à la stabilité politique permette un consensus sur un ensemble
de réformes plus approfondies en matière de gestion des finances publiques, d’amélioration
de la gouvernance économique, d’organisation et de fonctionnement du secteur de l’énergie
ainsi que de la protection et de la promotion sociale.
Haïti dispose du potentiel pour une croissance plus forte et plus inclusive. Le FMI continue à
fournir des conseils stratégiques et une assistance technique et se tient prêt à aider à la
réalisation de ce potentiel avec un soutien plus intensif, une fois les conditions politiques
réunies.