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Diversification des ocelles des papillons Morphos
- Une approche morphométrique et colorimétrique -
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RÉSUMÉ
Les ocelles sont des motifs caractéristiques des ailes de papillons Nymphalidae, faits de cercles de
couleur concentriques. Leur rôle écologique reste débattu, mais ils semblent impliqués dans des
stratégies anti-prédation (intimidation, déflexion des attaques loin des parties vitales) et dans la
sélection sexuelle. Le genre de grands papillons néo-tropicaux Morpho est composé de 30 espèces
qui peuvent être réparties en deux principaux micro-habitats (espèces de sous-bois vs espèces de
canopée). La face ventrale de leurs ailes présente de nombreux ocelles, dont nous étudions ici la
grande diversité au sein de ces deux milieux, en combinant des approches morphométrique,
colorimétrique et phylogénétique. Le nombre et la forme des ocelles présentent un signal
phylogénétique fort, suggérant une évolution relativement neutre, mais confirment le rôle joué par
ceux-ci dans le choix du partenaire (pour la taille de l'ocelle notamment) et la différenciation entre
espèces (pour la couleur). Nous mettons également en évidence l'existence d'une covariation entre
le positionnement des ocelles et la forme globale de l'aile, suggérant l'existence de mécanismes
évolutifs et développementaux communs qu'il reste à déterminer.
SUMMARY
Eyespots are prominent elements of Nymphalid butterfly wing patterns, composed of concentric
colored circles. They seem to be involved in anti-predation strategies (intimidation, attacks
deflection away from vital parts) and sexual selection, but their exact ecological role is still debated.
Morphos are neo-tropical butterflies, whose species can be classified as belonging to two main
microhabitats (understory species vs canopy species). Here, we studied the diversity of the many
eyespots displayed on the ventral side of their wings, combining morphometric, colorimetric and
phylogenetic approaches. Number and shape of eyespots show a strong phylogenetic signal,
suggesting a neutral evolution but confirm their importance in mate choice (especially the size of
the eyespot) and differentiation between species (especially the color). We also highlight the
existence of covariation between eyespots’ locations and shape of the wing, suggesting common
evolutionary and developmental mechanisms remaining to be determined.
3
REMERCIEMENTS
Je remercie chaleureusement Vincent Debat et Violaine Llaurens pour leur implication et leur
soutien sur lesquels j'ai pu compter tout au long de mon stage.
Merci à Patrick Blandin d'avoir partagé avec moi nombre de ses observations et connaissances sur
le genre Morpho.
Merci aussi à Raphaël Cornette pour ses conseils sur l'utilisation des outils morphométriques, et
Sylvain Gerber pour son aide dans le traitement des données, qui m'ont permis d'avancer durant les
phases les plus délicates de mon travail. Merci à Camille Le Roy pour sa bonne humeur
quotidienne. Merci à Gustavo Velasco pour sa relecture attentive.
4
SOMMAIRE
INTRODUCTION...................................................................................................................... 6
MATERIEL ET METHODE.....................................................................................................11
RESULTATS............................................................................................................................. 19
DISCUSSION........................................................................................................................... 26
CONCLUSION.........................................................................................................................30
BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................................31
ANNEXE.................................................................................................................................. 33
5
INTRODUCTION
En agissant sur les phénotypes, la sélection naturelle influence les chemins développementaux,
souvent complexes, et faisant parfois interagir de nombreux gènes. La comparaison de ces chemins
entre différentes espèces peut permettre de déterminer l'histoire évolutive d'un caractère au sein d'un
groupe. Comprendre comment apparaissent des phénotypes complexes passe nécessairement par la
compréhension de ces mécanismes inhérents à leur apparition.
Au cours des dernières décennies, la biologie évolutive du développement (ou « évo-dévo ») a
connu des avancées importantes chez certains organismes modèles. Par exemple, les nombreux
gènes et leur régulateurs impliqués dans les différences de pigmentations entre espèces de
drosophiles sont désormais bien connus (Massey et Wittkopp 2016) et permettent une
compréhension globale de ces mécanismes développementaux pouvant être utilisés pour l'étude
d'autres groupes d'organismes. C'est par exemple le cas du gène Distal-less, dont le rôle dans la
mise en place des appendices lors du développement a d'abord été découvert chez Drosophila
melanogaster, avant d'être élargi à la majorité des groupes d'insectes. Parmi les Lépidoptères,
Bicyclus anynana est une espèce de papillon en passe de devenir un organisme modèle du groupe
des Nymphalidés, de nombreux travaux ayant été réalisés récemment, notamment sur la génétique
et le développement de ses ailes (e.g. Monteiro 2014). Cependant, d'autres familles de papillons
sont beaucoup moins étudiés. Malgré des découvertes récentes, les bases développementales de la
formation des ailes, ainsi que les contraintes sur leurs variations de forme et de couleur restent
largement inconnues chez une majorité d'espèces et les mécanismes d'apparition des motifs des ailes
sont mal compris. Les ailes de Lépidoptères sont pourtant un organe intéressant pour étudier
l'apparition des phénotypes, du fait de leur développement relativement simple (structure pouvant
être étudiée en « deux dimensions ») et de leur grande diversification de formes, de tailles ou de
colorations. Pour cette raison, elles émergent actuellement comme un modèle approprié pour l'étude
des relations entre processus génétiques et développementaux, ainsi qu'entre processus écologiques
6
et évolutifs (e. g. Macmillan et al. 2002).
Les ocelles sont des éléments caractéristiques des ailes de la famille des Nymphalidés (5000
espèces environ). Constitués d'anneaux concentriques de couleurs, de formes et de tailles variables,
ils rappellent souvent des yeux (d'où leur nom anglais, eyespot). Une étude récente portant sur les
ocelles a permis de déterminer leur origine unique au sein des Lépidoptères, d'abord sur la face
ventrale il y a environ 90 Ma (Monteiro 2015). Leur nombre, leur position et leur aspect se sont
ensuite largement diversifiés dans les espèces actuelles (voir Figure 1).
Figure 1 : Aperçu de la diversité du nombre, de la taille et de l'emplacement des ocelles au sein d'espèces de
la famille des Nymphalidés (d'après Oliver et al. 2012).
Différents modèles mathématiques existent, permettant d'expliquer et de prédire le développement
des ocelles. Parmi ceux-ci, le modèle de développement par réaction-diffusion est le plus
couramment admis (Saenko et al. 2008, Beldade et Brakefield 2002). Mis au point par Alan Türing
en 1952, ce modèle théorique montre que la diffusion d'un ou plusieurs agents chimiques dans les
tissus organiques peut suffire à expliquer la formation de nombreux motifs observés notamment lors
du développement embryonnaire. En supposant que la concentration et l'abondance relative des
morphogènes induisent différentes réactions dans les cellules concernées, Türing parvient à
modéliser de très nombreux motifs du monde animal : ceux des coquillages, des plumes, de la peau
des poissons ou des ailes de papillon notamment (voir Encadré 1). Ce modèle a été vérifié
empiriquement de nombreuses fois, sur une grande diversité d'organismes, ce qui en fait le modèle
le plus sérieux permettant d'expliquer la formation et l'auto-régulation d'une large variété de motifs
(Kondo et Miura 2010). Cependant, d'autres modèles ont également été proposés, comme le modèle
par induction (Otaki, 2011).
7
________________________________________________________________________________
Encadré 1 : Formation des ocelles selon le modèle par réaction-diffusion
Pour expliquer la formation des ocelles, ce modèle
suppose la diffusion d'un médiateur chimique au niveau
d'un point focal, le centre du futur ocelle, autour duquel
se crée un gradient de concentration (représenté sur la
Figure 2). Après diffusion, ce médiateur va réagir et
induire la synthèse d'écailles de couleurs différentes
selon sa concentration. Une grande diversité de
phénotypes peut alors apparaître simplement par
modification de la concentration en médiateur, de la
réactivité de celui-ci avec le tissu cellulaire ou du seuil
de concentration T délimitant la synthèse d'un pigment.
Figure 2 : Représentation schématique de la structuration d'un ocelle par diffusion d'un médiateur chimique
(d'après Beldade et Brakefield 2002). La concentration de ce médiateur (représentée en bas) à partir d'un
point focal, va entraîner la synthèse d'écailles de couleurs différentes en fonction d'un ou plusieurs seuils de
concentration (seuils T).
________________________________________________________________________________
Le modèle de Türing suppose l'expression de morphogènes induisant le signal de développement
des ocelles. De Celis (2003) a montré le rôle joué par les nervures dans la circulation d'hormones et
l'expression des gènes lors du développement de l'aile. Le point focal des ocelles, d'où le signal de
développement est induit, ne se situe jamais sur une veine, mais au contraire entre celles-ci.
Considérer le développement des ocelles comme induit par la présence de signaux positionnel
exprimés au niveau des nervures revient aussi à questionner leur indépendance entre eux, et donc
l'intégration de leur régulation. Selon Beldade et al. (2002), les différents motifs des ailes (ocelles
mais aussi chevrons, bandes) seraient d'abord apparus comme des répétitions homologues, avant
d'acquérir une indépendance de développement. Mais Oliver (2014) semble plutôt montrer que les
ocelles se sont déployés et multipliés de façon indépendante à partir d'un unique ocelle ancestral. La
question des mécanismes de cette individualisation et des pressions de sélection sous-jacentes sont
donc toujours d'actualité.
8
Questionner les covariations entre les ailes et les ocelles revient à s'interroger sur les mécanismes,
plus ou moins intégrés, de leur développement. Plus généralement, au-delà de la nervation, c'est
toute la forme et la taille de l'aile qu'il faut prendre en compte pour appréhender le développement
des ocelles. Faut-il s'attendre à ce que la position des ocelles varie avec la forme de l'aile ? Existe-t-
il des effets allométriques (c'est-à-dire des covariations entre la forme et la taille des ocelles) ou
bien celle-ci varie-t-elle proportionnellement à celle de l'aile ?
Répondre à ces questions et comprendre l'apparition et la diversification des ocelles nécessite la
prise en compte aussi bien de ces processus développementaux que de leur impact sur la valeur
sélective des individus qui les portent. Or, ces derniers restent débattus, d'autant que le rôle joué par
les ocelles peut varier selon leur aspect, leur nombre ou leur taille, et a pu varier au cours de
l'évolution. Une hypothèse suggère que leur ressemblance avec des yeux servirait à effrayer et
éloigner les prédateurs. Si cette hypothèse a déjà été vérifiée plusieurs fois (e. g. Steven et al. 2007),
et semble s'appliquer en particulier au gros ocelles centraux, elle a aussi été invalidée par certaines
études, dont notamment celle de Steven et al. (2007). En mesurant les taux d'attaques de faux
papillons aux ocelles en forme de cercles, carrés ou triangles, ils ont montré que ce n'est pas la
ressemblance des ocelles avec des yeux qui éloigne les prédateurs, mais plutôt la stimulation
optique créée par de tels motifs. Cette hypothèse de la stimulation optique pourrait permettre
d'expliquer l'apparition d'autres types de motifs (chevrons et bandes par exemple). Les ocelles situés
près du bord extérieur de l'aile peuvent aussi servir à la déflexion des attaques loin des parties
vitales, comme l'ont montré Olofsson et al. (2010) en observant la partie du corps attaquée par une
mésange en fonction de la position de l'ocelle sur l'aile et sous différents types de lumière (UV ou
visible).
Il semble d'une manière générale que les ocelles soient d'abord apparus comme un mécanisme anti-
prédateur sur la face ventrale, avant de devenir aussi un signal sexuel sur la face dorsale, visible en
vol (Oliver et al. 2009). En effet, le rôle joué par les ocelles dorsaux dans le choix du partenaire a
aussi été démontré. Casper et al. (2002) ont par exemple montré l'importance de la taille des ocelles
dorsaux dans le choix des femelles, en comparant le taux d'appariement d'individus aux phénotypes
extrêmes chez Bicylcus anynana. Chez cette même espèce, Robertson et Monteiro (2005)
montraient que le choix des mâles se faisait notamment en fonction de la taille et de la réflexion
ultraviolette de la partie centrale des ocelles dorsaux. Les résultats sont plus aléatoires pour la face
ventrale et aucun rôle de la sélection sexuelle sur les ocelles ventraux n'a pu être démontré à ce jour.
9
Les avantages sélectifs procurés par la présence d'ocelles sur les ailes semblent multiples et
variables. Cette diversité de fonctions peut en partie expliquer leur diversité phénotypique, mais
rend la compréhension de leur évolution plus complexe, car soumise à différentes forces évolutives.
Cette étude cherchera à décrire l’évolution des ocelles au sein d'un genre de papillons : les
Morphos (Fabricius 1807 ; Nymphalidae). Il s'agit d'un genre monophylétique de grands papillons
néotropicaux (30 espèces), bien connus pour leur couleur dorsale bleue iridescente caractéristique.
Leur face ventrale, plus discrète, généralement brunâtre, présente de nombreux ocelles, dont le
nombre, la taille, la forme et la composition colorée est très diversifiée au sein de ce groupe (Voir
Annexe 1). Les ocelles connaissent une diversification spectaculaire dans ce taxon (Blandin 1993 et
2007), ce qui en fait un groupe idéal pour comprendre les mécanismes impliqués dans l'évolution de
ce trait complexe.
Les Morphos vivent dans les forêts humides d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale, et peuvent
être grossièrement séparés en deux groupes correspondant à deux micro-habitats : les espèces qui
volent haut dans la canopée et adoptent un vol principalement plané (10 espèces) et les espèces
volant principalement en sous-bois et adoptant généralement un vol battu (20 espèces, DeVries et al.
2010). Bien que cette séparation soit discutable (la hauteur de vol des papillons est très variable),
elle semble être validée par l'étude de la phylogénie du groupe : les espèces de canopée et celles de
sous-bois correspondent aux deux principales branches de l'arbre phylogénétique. Une
différenciation de la forme et de la taille de l'aile au sein de ces deux groupes a également été
observée, probablement en réponse aux contraintes exercées par les deux micro-habitats sur le type
de vol (DeVries et al. 2010). Les ailes antérieures des papillons de canopée sont plus longues et
étroites que celle des papillons de sous-bois aux ailes légèrement plus circulaires et courtes. À
l'inverse, les ailes antérieures semblent élargies chez les espèces de sous-bois, mais souvent plus
courtes chez les espèces de canopée (Chazot et al. 2016, voir Annexe 2).
Nous supposons ici que le développement des ocelles est lié à la forme de l'aile et testerons dans
quelle mesure le micro-habitat influence l’évolution des ocelles, et ce en lien avec la forme et la
nervation de l’aile. Étant donné que la phylogénie du genre Morpho recoupe parfaitement la
distinction écologique entre espèces de canopée et espèces de sous-bois, nous veillerons à distinguer
dans nos analyses les différences de formes et de couleurs réellement imputables à une sélection
divergente entre ces deux micro-habitats et celles correspondant simplement à la diversification
10
brownienne d'un caractère neutre le long des branches de la phylogénie.
Ce projet de recherche propose donc d'étudier les influences croisées de différents facteurs sur
l'évolution des ocelles des papillons du genre Morpho. En particulier, nous testerons l'influence de
la forme des ailes et de leur nervation dans le nombre, l'emplacement, la forme et la couleur des
ocelles (ce qui revient à interroger les mécanismes sous-jacents de leur développement et leur lien
supposé avec le développement de l'aile). Nous testerons également l'effet du micro-habitat sur les
ocelles, en supposant que la différenciation des ocelles est le fruit d'une adaptation à ces micro-
habitats : adaptation indirecte via un lien développemental avec la forme de l’aile elle-même
adaptée aux micro-habitats, ou adaptation plus directe des ocelles à des pressions de sélection
différentes sur les ocelles entre ces micro-habitats (luminosité, communauté de prédateurs). Enfin,
le signal phylogénétique associé à ces différents caractères sera estimé, afin de distinguer l'effet de
la phylogénie (diversification brownienne) de celui du micro-habitat (sélection directionnelle
supposée) sur l'évolution des ocelles.
MATÉRIELS ET MÉTHODES
773 mâles et 298 femelles (1071 individus au total) de la collection du Muséum national d'Histoire
naturelle ont été utilisés, représentant les deux sexes de chacune des 30 espèces de Morpho (sauf M.
niepelti pour lequel aucune femelle n'était disponible – voir Annexe 3). Les photographies (M.
helenor : Zilbermann, 2015, non publié, toutes les autres espèces : Panara, 2015, non publié ; voir
aussi Chazot et al. 2016) ont été prises avec un appareil Nikon D90 muni d'un objectif macro,
associées à une échelle millimétrée. Les ailes ont été placées perpendiculairement à l'objectif, afin
d'éviter toute déformation due à la perspective, et avec une lumière constante.
11
I) Dénombrement des ocelles
Nous avons pu observer 15 emplacements où les ocelles
peuvent se trouver, communs à toutes les espèces de Morphos
et délimités par des nervures (9 sur l'aile postérieure et 6 sur
l'aile antérieure, voir Figure 3). La présence ou l'absence
d'ocelles a été relevée à ces 15 emplacements, pour chaque
individu, selon un principe de comptage présenté en Annexe 4.
Figure 3 : Schéma des 15 zones définies pour le décompte des ocelles
(d'apres Nijhout 1992).
II) Morphométrie appliquée à la position des ocelles
Les méthodes de la morphométrie géométrique permettent de caractériser la forme des organismes
et de quantifier sa variabilité. On entend par forme l'ensemble des composantes géométriques d'un
objet à l'exception de sa taille, son orientation et sa position (définition mathématique du terme par
Klingenberg 2010). Il s'agissait ici d'étudier le positionnement des ocelles en fonction de la forme
de l'aile. Nous avons utilisé une approche courante, consistant à placer des landmarks, ou points-
repères que l'on peut repérer sur tous les spécimens (Bookstein 1991). Ces points homologues ont
été placés manuellement sur toutes les photos et digitalisés grâce au logiciel tpsDig2 (Rohlf et Slice
2010).
Les deux ailes (antérieure et postérieure gauches) ont été étudiées séparément. Des jeux de données
déjà existants, comprenant 44 landmarks antérieurs et 29 postérieurs, disposés sur le contour des
ailes ainsi qu'à l'intersection de certaines nervures ont été utilisés pour quantifier les variations de la
structure des ailes. Ils ont été constitués par Zilbermann et Panara (2015, voir aussi Chazot et al.
2016). Des landmarks correspondants aux centres des différents ocelles (point focal supposé) ont
été ajoutés à ces jeux de données, afin de pouvoir étudier à la fois la position des ocelles et la forme
de l'aile.
Sur les spécimens naturalisés dont nous disposions, les deux ailes se chevauchent légèrement, si
bien que la marge de l'aile postérieure ne peut être complètement visible que sur la face ventrale, et
inversement la marge de l'aile antérieure n'est visible que sur la face dorsale. Les points placés sur
12
l'aile antérieure par Chazot et al. (2016) ont donc été disposés sur les photos en vue dorsale. Les
ocelles n'étant présents que sur la face ventrale, nous avons placé les landmarks au centre des
ocelles sur cette face puis procédé, pour l'aile antérieure, à une inversion et une superposition de ces
landmarks avec ceux de la structure de l'aile (voir Annexe 5).
De plus, ne pouvant comparer que des individus possédant le même nombre de landmarks, nous
n'avons finalement gardé dans notre analyse qu'un jeu de 7 landmarks (3 pour l'aile antérieure et 4
pour l'aile postérieure, voir Figure 2) et avons choisi d'éliminer tous les individus ne possédant pas
ce jeu d'ocelles. Ce nouveau jeu de données comprenait 274 individus de 23 espèces (espèces
manquantes : M. amphitryon, M. portis, M. marcus, M. zephyritis, M. aega, M. polyphemus, et M.
eugenia).
Chaque point a été défini comme landmark ou semi-landmark à l'aide du logiciel tpsUtil, selon qu'il
s'agissait d'un point d'homologie vraie ou non (landmarks aux centres des ocelles, aux intersections
et aux extrémités des veines, semi-landmarks sur les contours).
Une superposition Procrustes (Rohlf et Slice 1990) a ensuite été effectuée sur les configurations de
points, grâce au logiciel TPSrelw (Rohlf 2014). Cette transformation des données permet de
s'affranchir des différences de taille, de positionnement et d'orientation pour que seules les
variations de formes entre individus subsistent et puissent être comparées (voir Annexe 6). Les
nouvelles coordonnées, dites coordonnées Procrustes, constituent les variables utilisées
conjointement dans les analyses statistiques multivariées.
Au cours de la superposition Procrustes, la position des semi-landmarks est artificiellement
modifiée le long de la tangente à la courbe (on les fait glisser, d'où leur nom de « sliding
landmarks ») et l'énergie de déformation (« bending energy ») est minimisée pour calculer une
position stable sur cette tangente. Une fois stabilisés, ils sont traités comme de vrais landmarks, ce
qui permet l'utilisation d'une méthodologie uniforme pour l'analyse des contours et des points de
repère.
Deux superpositions différentes ont été effectuées, correspondant à deux types d'analyses :
l'ensemble des données a d'abord été superposé en une seule fois (voir Figure 4), puis les données
« ocelles » et « structure de l'aile » ont été séparées et deux superpositions distinctes ont été faites.
13
Dans tous les cas, la covariation entre ces deux ensembles de données a été étudiée après
superposition.
Figure 4 : Représentation du jeu de
données qui a été étudié pour l'aile
postérieure, après une superposition
Procrustes commune de tous les
landmarks. Chaque nuage de couleur
correspond à l'emplacement d'un
landmark sur l'ensemble des 274
individus étudiés ici, après
superposition (la surface de chaque
nuage décrit donc la variabilité de
position de chaque landmark). On
distingue les landmarks de structure
de l'aile (déjà placés par Zilbermann
et Panara) des landmarks placés au
centre de 4 ocelles communs aux 274
individus.
La taille a été quantifiée par la taille centroide (racine carrée de la somme des carrés des distances
des landmarks au centre de gravité de la configuration). Il s'agit d'une mesure standard de taille,
utilisée en morphométrie géométrique, qui a été sauvegardée avant superposition et analysée.
III) Morphométrie appliquée à la forme d'un ocelle
La forme du contour d'un seul ocelle de l'aile postérieure a été
étudiée pour la totalité des espèces (il s'agit de l'ocelle indiqué par
une flèche sur la Figure 5, commun à l'ensemble des individus de
l'échantillon). Seuls 15 individus par espèce ont été tirés au hasard
et étudiés (en respectant un sex-ratio équilibré). Pour chaque
individu, à l'aide du logiciel Adobe Photoshop Eléments 8.0,
l'ocelle a été détouré, une barre d'échelle de 3 millimètres à été
ajoutée à chaque photo, pour que l'information de la taille de
l'ocelle ne soit pas perdue.
Figure 5 : Ocelle homologue choisi pour l'étude du contour (indiqué
par une flèche sur un Morpho cisseis).
14
150 landmarks ont été placés selon un emplacement régulier le long du contour de l'ocelle, dans le
sens horaire, grâce à un processus semi-manuel permis par le logiciel tpsDig2 (le contour est défini
à la main, mais les points sont automatiquement placés à espacement régulier), ainsi qu'un
landmark au centre de l'ocelle. 149 des 150 landmarks du contour ont ensuite été convertis en semi-
landmarks et une superposition Procrustes a été réalisée (selon la
méthode indiquée plus haut) et dont le résultat est présenté sur la
Figure 6. Parallèlement, la taille centroide de chaque ocelle a été
calculée.
Figure 6 : Résultat de la superposition Procrustes de 149 semi-landmarks et
2 landmarks du contour et du centre de l'ocelle, pour 15 individus par
espèce.
IV) Colorimétrie
L'étude colorimétrique a porté sur le même ocelle que l'étude morphométrique de la forme d'un
ocelle (ocelle de l'aile postérieure, indiquée par une flèche sur la Figure 3), mais cette fois
l'ensemble des 1071 individus a été étudié.
Les couleurs des photos dont nous disposions étaient enregistrées selon le mode RVB (rouge – vert
– bleu, soit pour chaque pixel un indice allant de 0 à 255 pour chacune de ces trois couleurs).
L'histogramme de couleurs des pixels de l'ocelle a été établi, avec pour chacune d'elles une valeur
d'intensité moyenne (c'est-à-dire une moyenne de l'intensité de la couleur en question sur tous les
pixels de l'ocelle). La combinaison de ces trois couleurs permet de définir une couleur moyenne de
l'ocelle (le rapport relatif de ces trois valeurs définit la colorimétrie de l'ocelle, tandis que les valeurs
absolues informent sur la luminosité de celui-ci : noir = 0, blanc = 255).
V) Signal phylogénétique
Pour l'analyse du signal phylogénétique, l'arbre du genre Morpho utilisé est celui établi par Chazot
et al. (2016) (voir Figure 7).
15
Figure 7 : Arbre phylogénétique du genre Morpho utilisé,
établi par Chazot et al. (2016).
VI) Analyses statistiques
L'analyse statistique a été réalisée grâce au logiciel
R (R Development Core Team, 2013). Les packages
Rmorph (Baylac, communications personnelles) et
Geomorph (Adams et al. 2015) ont été utilisés pour
les analyses morphométriques (étude des
conformations de landmarks). Des analyses de
variance multivariée (ou MANOVA) ont permis de
tester l'existence de différences significatives entre
papillons de canopée et papillons de sous-bois
(hypothèse H0 : pas de différence significative entre
les deux micro-habitats, H1 : il existe une différence
significative entre les deux micro-habitats pour le
caractère étudié).
La mesure quantitative du signal phylogénétique a été faite grâce à l'indice K (Blomberg et al.
2003). Cet indice correspond au rapport de la variance d'un caractère observé entre les différentes
espèces d'un groupe sur la variance attendue par simple diversification brownienne de ce caractère
le long des branches de l'arbre phylogénétique. Il s'agit donc d'un indice compris entre 0 (en
l'absence totale de signal phylogénétique) et 1 (lorsque la variance observée correspond
parfaitement à celle attendue dans le cas où la phylogénie explique toute la variance). Dans certains
cas, l'indice K peut être supérieur à 1 (lorsque la distribution des valeurs entre espèces rapproche
plus les espèces proches entre elles qu'elles ne le sont réellement dans la phylogénie). L'indice Kmult
(Geomorph) correspond à un indice K testé sur un jeu de données multivariées.
Lorsqu'un signal phylogénétique a été détecté, nous avons utilisé des MANOVA phylogénétiques
(Geomorph) pour déterminer dans quelle mesure la variation d'un caractère entre deux groupes (ici
16
les deux micro-habitats) reste significative au-delà de la phylogénie. Ce test permet de déterminer si
l'évolution du caractère étudié est de type brownien (hypothèse H0) ou s'il existe une sélection
directionnelle visible dans les deux groupes (H1). Ce type de MANOVA teste le rapport de la
variance observée sur la variance attendue pour un signal phylogénétique donné.
La régression des moindres carrés (ou régression PLS= « Partial Least Squares regression »,
Rmorph) cherche des composantes permettant de maximiser la corrélation entre les deux variables
utilisées. Il s'agit donc d'une technique de visualisation, permettant de rendre visible un maximum
de covariation entre deux jeux de données multivariées.
17
RÉSULTATS
I) Dénombrement des ocelles
La fréquence d'apparition de chaque ocelle sur les 1071
individus de notre échantillon a été calculée et est présentée
sur la Figure 8. On y observe notamment que seuls deux
ocelles de l'aile postérieure sont communs à l'ensemble de
l'échantillon (et l'un d'entre eux sera justement étudié plus en
détail par la suite). Il est à noter également que les ocelles du
bas des ailes antérieure et postérieure connaissent des
fréquences d'apparition très faibles.
Figure 8 : Schéma de la fréquence d'apparition de chacun des 15
ocelles dans l'échantillon étudié.
Aucune corrélation n'a pu être observée entre les nombres d'ocelles présents sur l'aile antérieure et
postérieure de chaque individu (Test de Spearman, ρ =-0,08 et p=0.013).
Un signal phylogénétique a été détecté (K=0,85 et p=0,001 sur le nombre d'ocelles total moyen par
espèce, K=0,57 pour l'aile antérieure et K=0,96 pour l'aile postérieure), ce qui indique que des
espèces proches phylogénétiquement ont un nombre d'ocelles également plus proche que les
espèces distantes. Les espèces de canopée ont significativement plus d'ocelles que celles de sous-
bois (ANOVA, p<0,001 et F=75.08) et une Analyse en Composantes Principales (ACP) sur le
nombre des ocelles montre que les espèces de sous-bois et de canopée sont assez différentes (voir
Figure 9) et peuvent être convenablement discriminées en fonction de la distribution des ocelles de
leurs ailes. Cependant, lorsque le signal phylogénétique est pris en compte, la différence entre
micro-habitats n'est plus significative (ANOVA phylogénétique, p=0.315 et F=1.09), suggérant que
18
la distribution du nombre d'ocelles n'est pas significativement différente de ce qui est attendu par le
modèle de diversification brownien d'un caractère neutre le long des branches de l'arbre.
Figure 9 : Résultat de l'Analyse en Composantes
Principales (ACP) sur le nombre d'ocelles,
montrant une distinction entre espèces de sous-
bois (en vert) et de canopée (en bleu).
Les femelles possèdent en moyenne 7,66 ocelles sur leurs deux ailes, contre 7,44 pour les mâles, ce
qui correspond à une différence significative (ANOVA, p=0 ,032).
L'étude d'une matrice de corrélation entre les différents
ocelles (présentée en Annexe 7) permet de mettre en
évidence des taux de corrélation entre ocelles généralement
faibles, mais distinctement plus élevé entre certains
couples d'ocelles, représentés schématiquement sur la
Figure 10. Ces corrélations pourraient être le résultat de
mécanismes développementaux communs qui seront
débattus plus loin.
Figure 10 : Représentation schématique des ocelles fortement
corrélés entre eux.
II) Colorimétrie
Une première visualisation des données en trois dimensions permet de constater la très forte
corrélation existant entre les trois couleurs primaires (voir Figure 11). Une matrice de corrélation
indique 97% de corrélation entre le rouge et le vert, 97% entre le vert et le bleu, et 91% entre le
rouge et le bleu. Les valeurs faibles indiquent une coloration claire, les valeurs fortes une coloration
19
foncée. La couleur moyenne des ocelles s'étale donc du brun clair au brun foncé.
Figure 11 : Représentation en trois dimensions de la composition colorimétrique du même ocelle chez les
1071 individus, montrant la très forte corrélation entre les trois couleurs primaires (chaque point représente
un individu, chaque dimension correspond à une couleur).
La coloration des mâles est significativement plus foncée que celle des femelles (MANOVA,
p<0,001 et F=25,5).
Le signal phylogénétique est fort sur ce jeu de données (Kmult
test - test phylogénétique multivarié - K=0,68 et p=0,003 ;
test univarié Krouge=0,69, Kvert=0,67 et Kbleu=0,67). On note
une différence de couleur significative entre les espèces de
sous-bois et celles de canopée, les papillons de canopée étant
significativement plus sombres que ceux de sous-bois
(MANOVA sur les moyennes par espèce, p<0,001). Cette
différence reste très significative lorsque les couleurs sont
étudiées séparément. La Figure 12 permet de visualiser cette
écart de coloration, également visible sur l'analyse en
composantes principales de la Figure 13.
Figure 12 : Phylogénie des Morphos représentant, pour chaque
espèce, la couleur moyenne de l'ocelle relevé et un exemple
d'ocelle type. La différence de coloration entre les espèces de
canopée et celles de sous-bois est perceptible.
20
Figure 13 : Analyse en composantes principales
(ACP) en 3D des données de colorimétrie, laissant
apparaître une relative séparation entre les individus
de sous-bois (en vert) et de canopée (en bleu).
Cependant, lorsque le signal phylogénétique est pris en compte, on n'observe plus de différence
significative entre sous-bois et canopée (MANOVA phylogénétique, p=0.3465), ce qui suggère un
effet confondant entre la phylogénie et la structuration par le micro-habitat.
D'après une analyse discriminante
linéaire (LDA= « Linear Discriminant
Analysis »), les données de colorimétrie
montrent un fort signal spécifique : les
espèces peuvent être relativement bien
discriminées grâce à ce simple caractère
de la couleur de l'ocelle (MANOVA,
p<0,001 et F= 57.58). Le résultat de
cette LDA est présenté à la Figure 14.
Figure 14 : LDA sur les 3 couleurs
primaires. Chaque couleur correspond à
une espèce, chaque point à un individu.
Un test de réassignation croisée (« cross validation test ») montre des taux de réassignation très
hétérogènes selon les espèces, allant de 0% dans le cas d'espèces proches à 100% pour les espèces
les plus différenciées. La moyenne de taux de réassignation est de 38% (ce qui signifie que 38% des
individus peuvent être convenablement assignés à leur espèce grâce à leurs valeurs
21
colorimétriques).
III) Forme du contour de l'ocelle
On observe à nouveau une différence significative entre le sous-bois et la canopée sur ce caractère
multivarié (MANOVA, F=8,8 et p<0,001). L'analyse en composantes principales (ACP) présentée
sur la Figure 15 permet de visualiser cette différence, ainsi que la déformation de l'ocelle
correspondant au premier axe de cette analyse.
Figure 15 : Résultat d'une ACP réalisée sur les
données de contour de l'ocelle de 15 individus par
espèce, permettant de distinguer les ocelles de
sous-bois (en vert) et de canopée (en bleu). Le
premier axe de cette ACP décrit une déformation
oblique de l'ocelle. Les valeurs extrêmes de cet
axe correspondent à deux espèces : Morpho
iphitus et Morpho amathonte.
Le signal phylogénétique a été testé sur ce caractère et s'est avéré fort (K=0,77 et p=0,01). La
différence entre sous-bois et canopée a été testée en prenant en compte ce signal phylogénétique
important et aucune différence entre ces deux micro-habitats n'a été trouvée au-delà de ce que la
phylogénie peut expliquer (MANOVA phylogénétique, F=0,4 et p=0,09).
La réalisation de cette MANOVA phylogénétique passe nécessairement par la construction d'un
consensus moyen par espèce. C'est cette valeur unique par espèce qui a été comparée à la valeur
attendue par simple diversification brownienne le long de la phylogénie, lors de la MANOVA
phylogénétique. Les consensus moyens de forme d'ocelles par espèce sont présentés en Annexe 8.
22
IV) Taille des ocelles
La taille centroide de l'ocelle est apparue significativement plus grande en canopée qu'en sous-bois
(MANOVA, F=78,2 et p<0,001), pour des valeurs de tailles centroides moyennes de 49,3 en
canopée et 40,2 en sous-bois).
Le signal phylogénétique sur la taille des ocelles est fort
(K=0,94 et p=0,009). Cependant, ce signal phylogénétique
ne suffit pas à expliquer l'ensemble de la différence de
taille entre micro-habitats, puisque cette différence reste
significative lorsque la phylogénie est prise en compte
(MANOVA phylogénétique, F=1,17 et p=0,59). La Figure
16 rend compte de la taille moyenne de l'ocelle pour
chaque espèce.
Figure 16 : Diagramme en barres de la taille centroïde
moyenne de chacune des 30 espèces de Morphos (bleu =
canopée, vert = sous-bois).
L'étude du dimorphisme sexuel ne révèle pas de différence
significative entre canopée et sous-bois et aucun signal
phylogénétique n'a pu être détecté sur ce caractère
(K=0,39 et p=0,19). Il semble donc que le dimorphisme
sexuel soit un caractère très variable, et ne pouvant être
expliqué ni par la phylogénie ni par le micro-habitat. La
Figure 17 permet de visualiser l'irrégularité du
dimorphisme sexuel sur la taille de l'ocelle dans notre
échantillon.
Figure 17 : Diagramme en barres représentant, pour chacune
des 30 espèces de Morphos, la valeur moyenne du dimorphisme
sexuel de la taille de l'ocelle : valeur moyenne des mâles –
valeur moyenne des femelles (bleu = canopée, vert = sous-
bois).
23
V) Disposition des ocelles
L'étude de la configuration des ocelles, c'est-
à-dire de la position des ocelles entre eux,
révèle une ségrégation très nette en deux
groupes distincts, correspondant aux deux
micro-habitats et visible sur la Figure 18
(MANOVA, p<0,001 et F=4).
Figure 18 : Résultat d'une ACP sur la
configuration des ocelles, révélant une
ségrégation très nette entre espèces de sous-bois
(en vert) et de canopée (en bleu). Deux exemples
de photographies de specimens rendent compte du
sens de la déformation de la configuration des
ocelles entre individus de sous-bois et de canopée.
L'étude du signal phylogénétique sur ce caractère révèle un signal phylogénétique très fort (Kmult
test, K=1,58 et p=0,001). Mais ce signal phylogénétique fort n'explique pas à lui seul toute la
différence de conformation des ocelles, puisque la différence que l'on observe entre papillons de
canopée et papillons de sous-bois reste significative lorsque la phylogénie est prise en compte
(MANOVA phylogénétique, p=0,01 et F=4,13).
VI) Covariation entre disposition des ocelles et structure de l'aile
Nous avons mené l'étude de la covariation entre la disposition des ocelles et la structure de l'aile
postérieure selon deux méthode distinctes :
Dans un premier temps, les données ont été superposées toutes ensemble. Un test de covariation
multivariée sur ces données superposées met en évidence une forte covariation entre les données de
la forme de l'aile et celles de la position des ocelles (Test RV, méthode de Monte-Carlo sur 999
simulations, RV=0,61 et p=0,001). La régression des moindres carrés représentée Figure 19 rend
compte de cette forte covariation.
24
Figure 19 : Régression des moindres carrés partiels
(PLS) permettant de visualiser la covariation entre la
disposition des ocelles (en abscisses) et la structure
de l'aile (en ordonnées). L'axe des abscisses
représente la partie de la variance de la
configuration des ocelles covariant avec la structure
de l'aile, et inversement l'ordonnée représente la
partie de la variance de structure de l'aile covariant
avec la disposition des ocelles. Chaque couleur
correspond à une espèce, chaque point à un individu.
Dans un second temps, toujours pour étudier la covariation entre la disposition des ocelles et la
forme de l'aile, nous avons séparé le jeu de données « ocelles » du jeu de données « structures de
l'aile » et avons procédé à deux superpositions Procrustes distinctes. Cette nouvelle série de tests
révèle à nouveau une covariation forte entre ces deux jeux de données distincts (Test RV, méthode
de Monte-Carlo sur 999 simulations, RV=0,33 et p=0,001). Cette forte covariation est représentée
par la régression des moindres carrés de la Figure 20.
25
Figure 20 : Régression des
moindres carrés partiels (PLS)
mettant en évidence la
covariation entre la
configuration de quatre
ocelles et la structure de l'aile
postérieure. En abscisse est
représentée la partie de la
variance des ocelles covariant
avec la structure de l'aile et
inversement sur l'ordonnée.
Les vignettes représentent la
déformation spatiale
correspond à ces deux axes.
Finalement, l'étude de la covariation entre le jeu de données « ocelles » et le jeu de données
« structure de l'aile » en tenant compte de la phylogénie indique que cette covariation ne peut pas
être expliquée uniquement par la phylogénie et reste significative lorsque celle-ci est prise en
compte (r-PLS=0,687 et p=0,03).
26
DISCUSSION
Les observations faites sur le dénombrement des ocelles ne permettent pas d'avancer de façon
définitive dans la compréhension des mécanismes sous-jacents de leur développement, mais
montrent clairement la complexité des processus développementaux qu'il reste à comprendre. Nous
avons d'abord pu montrer l'existence d'une certaine indépendance des deux ailes dans le
déterminisme du nombre d'ocelles qui s'y développent. Mais à l'inverse, l'existence de corrélations
dans l'apparition de certains ocelles des deux ailes (et notamment les ocelles du bas de l'aile
antérieure et postérieure, aux fréquences d'apparition identiques et corrélés à 54%) démontre
l'existence de mécanismes développementaux communs entre les ocelles des deux ailes. Il serait
intéressant de rechercher l'existence de marqueurs de position des ocelles, permettant à un messager
chimique de n'induire le développement d'un ocelle que dans les deux secteurs corrélés. En
l'absence de tels marqueurs, comment pourrait-on expliquer que seuls ces deux ocelles soient
corrélés entre eux, et pas l'ensemble des deux ailes ? La question de l'indépendance des ocelles entre
eux a été beaucoup débattue et deux hypothèses sont généralement retenues : les ocelles auraient
émergé comme structures développementalement indépendantes (donc capables dés leur apparition
de se développer de façon différente au sein d'un même individu), ou alors cette capacité à se
diversifier au sein d'un même papillon aurait été acquise secondairement et aurait permis une
grande diversification des phénotypes (Oliver et al. 2014). Les données dont nous disposons ne
permettent pas de répondre à cette question mais il est intéressant de constater que les deux ocelles
fortement corrélés entre l'aile antérieure et postérieure ont tous les deux une position similaire entre
des nervures homologues de l'arrière de l'aile. A priori, ce constat indiquerait plutôt que la
corrélation que l'on observe serait un résidu de dépendance des ocelles entre eux, et pourrait donc
plaider en faveur d'un passé des ocelles comme entités dépendantes.
La phylogénie du genre Morpho est problématique en ce sens que la distinction entre les deux
principales branches de l'arbre recoupe parfaitement la distinction écologique entre espèces de
canopée et espèces de sous-bois. Le but de notre étude sur le signal phylogénétique était justement
27
de déterminer la part de la différenciation entre micro-habitat réellement imputable à une sélection
divergente due aux différences écologiques propres à ces deux milieux, et celle simplement
imputable à une évolution brownienne du caractère le long des branches de l'arbre phylogénétique.
Cependant, l'analyse du signal phylogénétique, si elle permet de faire cette distinction, ne permet en
aucun cas de déterminer ce qui a conduit à la séparation écologique et phylogénétique de ce groupe.
S'agit-il d'une modification de la forme des ailes qui a permis à certains papillons de se spécialiser
dans un environnement de canopée tandis que d'autres préféraient le sous-bois ? Ou bien d'une
innovation dans l'aspect des ocelles ? Il est également possible qu'il s'agisse d'une tout autre
innovation ayant conduit les Morphos à se répartir dans différentes hauteurs d'arbre avant que
l'évolution ne provoque ensuite une évolution brownienne mais divergente des ailes et des ocelles
dans ces deux groupes distincts. Répondre à cette question nécessitera a minima d'étudier
séparément le signal phylogénétique associé aux deux principales branches de l'arbre (associé à la
différence de micro-habitats) et le signal phylogénétique intra-groupe (donc au sein d'un même
micro-habitat). Si, pour un caractère donné, ces deux signaux sont identiques, alors ce caractère a
probablement évolué de façon neutre tout au long de l'histoire évolutive des Morphos. A l'inverse,
une différence significative entre ces deux signaux pour un caractère donné indiquerait
probablement qu'il a été impliqué dans la séparation du groupe des Morphos en deux sous-groupes
écologiquement distincts.
Les observations que nous avons pu faire sur la taille centroide de l'ocelle et le dimorphisme sexuel
de cette taille sont intéressantes en cela qu'elles diffèrent nettement de ce qui a pu être observé sur
les autres caractères étudiés. En effet, le signal phylogénétique, très faible sur ces deux caractères
suggère que la taille des ocelles pourrait être soumise à une sélection sexuelle. Nous faisons
l'hypothèse que ce dimorphisme de taille, variable d'une espèce à l'autre, est le résultat d'une
sélection sexuelle sur la taille centroide de l'ocelle étudié. Au moment de l'accouplement, chaque
sexe de chaque espèce exerce une sélection sur l'autre sexe de la même espèce en fonction de ses
préférences. Si cette sélection s'exerce sur la taille de l'ocelle et que ces préférences sont variables
d'une espèce et d'un sexe à l'autre, on s'attend à observer des variations de tailles entre sexe et entre
espèces qui ne correspondent à ce qui est attendu ni sous diversification brownienne, ni sous
sélection directionnelle. Casper et al. a pu montrer en 2002 que la taille des ocelles dorsaux
influençait fortement de choix des mâles par les femelles chez Bicyclus anynana (en comparant les
taux d'appariement d'individus aux phénotypes extrêmes). Le choix des femelles se portait
majoritairement vers les mâles aux ocelles les plus gros. D'après Robertson et Monteiro (2005), ce
28
choix porte surtout sur la taille et la réflexion ultraviolette de la partie centrale des ocelles. Mais
aucune étude n'a encore permis de montrer cette importance de la taille des ocelles dans la sélection
sexuelle chez les Morphos (et qui plus est sur la face ventrale des ailes, supposée plus impliquée
dans l'éloignement des prédateurs que la face dorsale). Il serait intéressant de savoir si, comme le
suggère Robertson et Monteiro pour B. anynana, la taille de la tache centrale de l'ocelle est
impliquée dans le choix du partenaire chez les Morphos. Nous avons pu observer dans notre
échantillon que les femelles possèdent significativement plus d'ocelles que les mâles, ce qui
souligne le rôle probablement joué par l'ensemble des ocelles dans le choix du partenaire sexuel.
Plus généralement, les femelles de Morphos sont généralement plus grosses que les mâles dans la
nature (Patrick Blandin - communications personnelles). Chazot et al. (2016) ont trouvé des
résultats très similaires à ceux présentés ici pour la taille de l'ocelle, mais en considérant la taille
centroide de l'aile dans son ensemble (grande variabilité, fort dimorphisme, absence de signal
phylogénétique sur le dimorphisme). Or, pour mieux cerner l'effet global de la sélection sexuelle sur
l'évolution des Morphos, il est à noter que les tailles d'ocelles étudiées ici sont les tailles absolues,
ne tenant pas compte de la taille de l'aile dans laquelle ces ocelles s'insèrent. Etudier les tailles
centroides relatives des ocelles par rapport à celles des ailes permettrait peut-être de nuancer les
résultats obtenus ici.
Nous avons pu constater que les papillons de canopée étaient plus sombres que ceux de sous-bois.
Cette différence n'est pas significativement différente de celle attendue en cas d'évolution
brownienne de la couleur le long de la phylogénie, et n'implique donc pas nécessairement de
pression de sélection exercée par l'habitat sur la couleur de l'ocelle. Cependant, il est intéressant de
noter que la mélanisation est un caractère pouvant être influencé par différents paramètres
écologiques. Chez les papillons, une étude de Roland (2006) sur le Pieridae Colias nastes a permis
de montrer une meilleure adaptation des individus foncés aux températures fraiches, mais aussi un
taux de prédation plus important. Appliqué aux différences de micro-habitats, cet article laisse
supposer que la coloration a pu éventuellement jouer un rôle, même minime, dans l'évolution de la
coloration des ocelles de Morphos. De plus amples recherches sont nécessaires pour déterminer si
l'aspect « clair » ou « foncé » des Morphos a un impact quelconque sur leur survie en canopée et en
sous-bois. Une différence de mélanisation entre les mâles et les femelles a aussi été observée, avec
en général des mâles plus foncés que les femelles chez une majorité d'espèces.
Ces observations rejoignent celles de Patrick Blandin sur l'aile entière, selon qui la couleur de l'aile
29
dans son ensemble est généralement plus claire chez les mâles que chez les femelles, notamment
chez les espèces de canopée (communications personnelles). La mélanisation des ailes, et la
colorimétrie en générale, semblent donc être un caractère complexe et soumis à de nombreuses
influences bien au-delà des différences écologiques supposées entre sous-bois et canopée. Un signal
phylogénétique fort plaide pour un caractère écologiquement neutre. Pourtant, on a aussi pu
constater que des espèces même phylogénétiquement proches pouvaient être correctement
discriminées sur ce simple caractère de la couleur. L'évolution de la colorimétrie ne semble pas
directionnelle, mais plutôt distinctive : les espèces apparaissent réparties sur le spectre
colorimétrique et semble occuper des « niches » distincte des autres espèces. Cette distinction nette
des phénotypes pourrait être lié au renforcement du signal sexuel entre espèces. Cependant, les
signaux visuels ne sont pas les seuls impliqués dans la reconnaissance des individus d'une même
espèce, et il est notamment important de prendre en compte le rôle des signaux olfactifs afin de ne
pas sur-estimer le rôle éventuellement joué par la couleur des ocelles dans les processus
d'appariement. Si aucune étude sur ce sujet n'a vu le jour chez les Morphos, Costanzo et Monteiro
(2007) ont en revanche pu obtenir des résultats robustes chez Bicyclus anynana, montrant une
importance égale des signaux olfactifs et visuels. Les observations que nous avons faites sur le
dimorphisme sexuel des Morphos ne sont pas incompatibles avec une éventuelle communication
olfactive chez ce groupe. Nous supposons ici qu'une couleur distincte de celle d'une espèce proche
constitue un avantage pour les Morphos en diminuant la probabilité d'un appariement à un individu
d'une autre espèce, ce qui a pu conduire à une sélection diversifiante de la couleur des ocelles dans
ce groupe.
30
CONCLUSION
Nous avons quantifié ici la diversité des ocelles du genre Morpho et montré que leur diversification
était fortement liée à la phylogénie. Nos résultats suggèrent que la taille des ocelles pourrait être
soumise à une sélection sexuelle. Au contraire, d'autres caractères comme le nombre des ocelles ou
leur forme ne semblent pas impliqués dans cette communication visuelle, aux vues de nos résultats.
Sur le plan développemental, nos résultats indiquent globalement une indépendance entre le
déterminisme de l'apparition des ocelles sur les deux ailes.
La question que l'on peut désormais se poser est de savoir quels sont les acteurs impliqués dans
l'évolution conjointe de la forme de l'aile et de celle des ocelles et quel est le degré d'intégration de
leurs développements respectifs. Nous connaissions déjà le rôle que semble avoir joué le micro-
habitat dans la diversification de la forme de l'aile, plus longue et étroite en canopée qu'en sous-bois
(Chazot et al. 2016). Notre étude a permis de révéler une corrélation entre la forme de l'aile et la
disposition des ocelles sur l'aile. S'agit-il de l'évolution indépendante de deux caractères, ou bien
l'évolution d'un de ces caractères contraint-elle l'évolution de l'autre, par l'intermédiaire de
processus développementaux ? L'étude de De Vries (2010) semble indiquer que le type de vol
adopté par les Morphos pourrait être différent d'un micro-habitat à l'autre (vol plané en canopée vs
vol battu en sous-bois) et il a été suggéré que c'est cette différence de vol qui a pu engendrer la
différenciation de forme des ailes (Chazot et al. 2016). Mais il semble peu probable que la
diversification de la position des ocelles soit le résultat d'une telle adaptation fonctionnelle. Les
variations d'ocelles observées entre micro-habitats suggère que, au delà du type de vol adopté,
d'autres variables écologiques varient entre canopée et sous-bois, qu'il faudra mieux évaluer dans
l'avenir. Les communautés de prédateurs sont-elles différentes de l'un à l'autre ? La température,
l'humidité ou l'ensoleillement, qui varient probablement en fonction de la hauteur, ont-ils une
influence réelle sur ces phénotypes ? En supposant que les ocelles jouent un rôle dans le choix du
partenaire et l'appariement, comme le suggèrent nos données sur la couleur et la taille des ocelles, il
est aussi déterminant de savoir si les paramètres liés à la reproduction (intensité de la compétition,
31
succès reproducteur, etc.) varient d'un micro-habitat à l'autre. C'est peut-être en entrant dans cette
finesse d'analyse morphologique et écologique que la diversité des phénotypes existants pourra être
comprise.
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ANNEXES
Annexe 1 : Arbre phylogénétique du genre Morpho (Figure d'après Chazot et al. 2016)
34
Annexe 2 : Représentation de la structure moyenne de l'aile antérieure correspondant aux deux
types de micro-habitats (canopée en gris, sous-bois en noir). Ici la déformation de l'aile a été
amplifiée 1,5 fois (d'après Chazot et al. 2016).
Annexe 3 : Tableau récapitulatif du jeu de photos utilisées, avec pour chaque espèce le nombre de
mâles, de femelles et le nombre total d'individus étudiés.
Espèce Nombre de mâles Nombre de femelles Nombre total
M. hercules 20 8 28
M. telemachus 18 8 26
M. amphitryon 22 1 23
M. theseus 42 8 50
M. hecuba 19 10 29
M. cisseis 35 12 47
35
M. anaxibia 14 12 26
M. portis 18 6 24
M. marcus 23 4 27
M. sulkowsky 9 4 13
M. lympharis 20 3 23
M. absoloni 6 2 8
M. zephyritis 10 3 13
M. aega 9 8 17
M. aurora 20 5 25
M. cypris 8 4 12
M. menelaus 51 20 71
M. iphitus 19 6 25
M. epistrophus 35 16 51
M. godarti 28 13 41
M. amathonte 13 6 19
M. rhetenor 30 17 47
M. achilles 42 17 59
M. polyphemus 21 10 31
M. deidamia 37 11 48
M. rhodopteron 13 2 15
M. niepelti 5 0 5
M. granadensis 9 2 11
M. eugenia 16 7 23
M. helenor 161 73 234
36
Annexe 4 : Dénombrement des ocelles
Le dénombrement peut parfois relever de l'arbitraire, lorsque des taches plus ou moins circulaires,
parfois imbriquées les unes dans les autres, sont visibles. Ici, c'est le nombre de points focaux qui a
été dénombré. Lorsque deux ocelles étaient partiellement ou entièrement imbriqués l'un dans l'autre,
ils ont été dénombrés comme deux ocelles distincts. De même, les « taches » dépourvues de cercles
concentriques, ont été considérées comme des ocelles à part entière lorsque leurs contours sont nets.
Les taches aux contours diffus, elles, n'ont pas été décomptées comme des ocelles (voir Figure 21)
Figure 21 : exemple d'un Morpho theseus mâle. La tache 1 a été comptabilisée comme un ocelle (sombre et
nette) mais pas la tache 2 (claire et diffuse).
37
Annexe 5 : Retournement des données pour l'aile antérieure
Cette manipulation a consisté à fusionner deux jeux de données : Les landmarks de « structure »
disposés sur la face dorsale de l'aile, et les landmarks « ocelles » disposés sur la face ventrale. 3
landmarks formant un triangle étaient communs aux deux jeux de données. Pour les configurations
« ocelles », un script de retournement a d'abord été utilisé afin d'inverser la configuration (inversion
droite-gauche). Ensuite, une superposition Procrustes a été réalisée afin de superposer les 3 points
communs et ainsi ajuster les landmarks « ocelles » aux landmarks « structure ».
Annexe 6 : Superposition Procrustes (Figure d'après LeRoy 2016)
Cette transformation des données, préalable à leur analyse, se fait en trois étapes distinctes. Dans un
38
premier temps, les différences de position sont d'abord éliminées par translation des centres de
gravité (1). Puis, la mise à l'échelle est obtenue en divisant les coordonnées de chaque configuration
par la taille centroide correspondante (2). Enfin, une rotation des configurations autour des centres
de gravité superposés permet d'optimiser la superposition, en minimisant la distance entre
landmarks (3). La méthode utilisée ici est celle dite de 'Binding Energy' qui minimise l'énergie
nécessaire pour réaliser la superposition.
Annexe 7 : Matrice de corrélation entre les 15 ocelles étudiés, présentant les coefficient de
corrélation dans l'apparition des ocelles entre eux. Pour les ocelles S2 et S6, le coefficient de
corrélation ne peut pas être calculé car la fréquence d'apparition de ces deux ocelles est de 100%.
39
Annexe 8 : Consensus de forme de contour de l'ocelle par espèce, replacés dans la phylogénie des
Morphos. Chaque cercle correspond à la « forme moyenne » de l'ocelle chez l'espèce concernée (en
bleu les espèces de canopée, en vert celles de sous-bois).
40

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Diversification des ailes de papillons Morphos

  • 1. 1
  • 2. Diversification des ocelles des papillons Morphos - Une approche morphométrique et colorimétrique - 2
  • 3. RÉSUMÉ Les ocelles sont des motifs caractéristiques des ailes de papillons Nymphalidae, faits de cercles de couleur concentriques. Leur rôle écologique reste débattu, mais ils semblent impliqués dans des stratégies anti-prédation (intimidation, déflexion des attaques loin des parties vitales) et dans la sélection sexuelle. Le genre de grands papillons néo-tropicaux Morpho est composé de 30 espèces qui peuvent être réparties en deux principaux micro-habitats (espèces de sous-bois vs espèces de canopée). La face ventrale de leurs ailes présente de nombreux ocelles, dont nous étudions ici la grande diversité au sein de ces deux milieux, en combinant des approches morphométrique, colorimétrique et phylogénétique. Le nombre et la forme des ocelles présentent un signal phylogénétique fort, suggérant une évolution relativement neutre, mais confirment le rôle joué par ceux-ci dans le choix du partenaire (pour la taille de l'ocelle notamment) et la différenciation entre espèces (pour la couleur). Nous mettons également en évidence l'existence d'une covariation entre le positionnement des ocelles et la forme globale de l'aile, suggérant l'existence de mécanismes évolutifs et développementaux communs qu'il reste à déterminer. SUMMARY Eyespots are prominent elements of Nymphalid butterfly wing patterns, composed of concentric colored circles. They seem to be involved in anti-predation strategies (intimidation, attacks deflection away from vital parts) and sexual selection, but their exact ecological role is still debated. Morphos are neo-tropical butterflies, whose species can be classified as belonging to two main microhabitats (understory species vs canopy species). Here, we studied the diversity of the many eyespots displayed on the ventral side of their wings, combining morphometric, colorimetric and phylogenetic approaches. Number and shape of eyespots show a strong phylogenetic signal, suggesting a neutral evolution but confirm their importance in mate choice (especially the size of the eyespot) and differentiation between species (especially the color). We also highlight the existence of covariation between eyespots’ locations and shape of the wing, suggesting common evolutionary and developmental mechanisms remaining to be determined. 3
  • 4. REMERCIEMENTS Je remercie chaleureusement Vincent Debat et Violaine Llaurens pour leur implication et leur soutien sur lesquels j'ai pu compter tout au long de mon stage. Merci à Patrick Blandin d'avoir partagé avec moi nombre de ses observations et connaissances sur le genre Morpho. Merci aussi à Raphaël Cornette pour ses conseils sur l'utilisation des outils morphométriques, et Sylvain Gerber pour son aide dans le traitement des données, qui m'ont permis d'avancer durant les phases les plus délicates de mon travail. Merci à Camille Le Roy pour sa bonne humeur quotidienne. Merci à Gustavo Velasco pour sa relecture attentive. 4
  • 5. SOMMAIRE INTRODUCTION...................................................................................................................... 6 MATERIEL ET METHODE.....................................................................................................11 RESULTATS............................................................................................................................. 19 DISCUSSION........................................................................................................................... 26 CONCLUSION.........................................................................................................................30 BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................................31 ANNEXE.................................................................................................................................. 33 5
  • 6. INTRODUCTION En agissant sur les phénotypes, la sélection naturelle influence les chemins développementaux, souvent complexes, et faisant parfois interagir de nombreux gènes. La comparaison de ces chemins entre différentes espèces peut permettre de déterminer l'histoire évolutive d'un caractère au sein d'un groupe. Comprendre comment apparaissent des phénotypes complexes passe nécessairement par la compréhension de ces mécanismes inhérents à leur apparition. Au cours des dernières décennies, la biologie évolutive du développement (ou « évo-dévo ») a connu des avancées importantes chez certains organismes modèles. Par exemple, les nombreux gènes et leur régulateurs impliqués dans les différences de pigmentations entre espèces de drosophiles sont désormais bien connus (Massey et Wittkopp 2016) et permettent une compréhension globale de ces mécanismes développementaux pouvant être utilisés pour l'étude d'autres groupes d'organismes. C'est par exemple le cas du gène Distal-less, dont le rôle dans la mise en place des appendices lors du développement a d'abord été découvert chez Drosophila melanogaster, avant d'être élargi à la majorité des groupes d'insectes. Parmi les Lépidoptères, Bicyclus anynana est une espèce de papillon en passe de devenir un organisme modèle du groupe des Nymphalidés, de nombreux travaux ayant été réalisés récemment, notamment sur la génétique et le développement de ses ailes (e.g. Monteiro 2014). Cependant, d'autres familles de papillons sont beaucoup moins étudiés. Malgré des découvertes récentes, les bases développementales de la formation des ailes, ainsi que les contraintes sur leurs variations de forme et de couleur restent largement inconnues chez une majorité d'espèces et les mécanismes d'apparition des motifs des ailes sont mal compris. Les ailes de Lépidoptères sont pourtant un organe intéressant pour étudier l'apparition des phénotypes, du fait de leur développement relativement simple (structure pouvant être étudiée en « deux dimensions ») et de leur grande diversification de formes, de tailles ou de colorations. Pour cette raison, elles émergent actuellement comme un modèle approprié pour l'étude des relations entre processus génétiques et développementaux, ainsi qu'entre processus écologiques 6
  • 7. et évolutifs (e. g. Macmillan et al. 2002). Les ocelles sont des éléments caractéristiques des ailes de la famille des Nymphalidés (5000 espèces environ). Constitués d'anneaux concentriques de couleurs, de formes et de tailles variables, ils rappellent souvent des yeux (d'où leur nom anglais, eyespot). Une étude récente portant sur les ocelles a permis de déterminer leur origine unique au sein des Lépidoptères, d'abord sur la face ventrale il y a environ 90 Ma (Monteiro 2015). Leur nombre, leur position et leur aspect se sont ensuite largement diversifiés dans les espèces actuelles (voir Figure 1). Figure 1 : Aperçu de la diversité du nombre, de la taille et de l'emplacement des ocelles au sein d'espèces de la famille des Nymphalidés (d'après Oliver et al. 2012). Différents modèles mathématiques existent, permettant d'expliquer et de prédire le développement des ocelles. Parmi ceux-ci, le modèle de développement par réaction-diffusion est le plus couramment admis (Saenko et al. 2008, Beldade et Brakefield 2002). Mis au point par Alan Türing en 1952, ce modèle théorique montre que la diffusion d'un ou plusieurs agents chimiques dans les tissus organiques peut suffire à expliquer la formation de nombreux motifs observés notamment lors du développement embryonnaire. En supposant que la concentration et l'abondance relative des morphogènes induisent différentes réactions dans les cellules concernées, Türing parvient à modéliser de très nombreux motifs du monde animal : ceux des coquillages, des plumes, de la peau des poissons ou des ailes de papillon notamment (voir Encadré 1). Ce modèle a été vérifié empiriquement de nombreuses fois, sur une grande diversité d'organismes, ce qui en fait le modèle le plus sérieux permettant d'expliquer la formation et l'auto-régulation d'une large variété de motifs (Kondo et Miura 2010). Cependant, d'autres modèles ont également été proposés, comme le modèle par induction (Otaki, 2011). 7
  • 8. ________________________________________________________________________________ Encadré 1 : Formation des ocelles selon le modèle par réaction-diffusion Pour expliquer la formation des ocelles, ce modèle suppose la diffusion d'un médiateur chimique au niveau d'un point focal, le centre du futur ocelle, autour duquel se crée un gradient de concentration (représenté sur la Figure 2). Après diffusion, ce médiateur va réagir et induire la synthèse d'écailles de couleurs différentes selon sa concentration. Une grande diversité de phénotypes peut alors apparaître simplement par modification de la concentration en médiateur, de la réactivité de celui-ci avec le tissu cellulaire ou du seuil de concentration T délimitant la synthèse d'un pigment. Figure 2 : Représentation schématique de la structuration d'un ocelle par diffusion d'un médiateur chimique (d'après Beldade et Brakefield 2002). La concentration de ce médiateur (représentée en bas) à partir d'un point focal, va entraîner la synthèse d'écailles de couleurs différentes en fonction d'un ou plusieurs seuils de concentration (seuils T). ________________________________________________________________________________ Le modèle de Türing suppose l'expression de morphogènes induisant le signal de développement des ocelles. De Celis (2003) a montré le rôle joué par les nervures dans la circulation d'hormones et l'expression des gènes lors du développement de l'aile. Le point focal des ocelles, d'où le signal de développement est induit, ne se situe jamais sur une veine, mais au contraire entre celles-ci. Considérer le développement des ocelles comme induit par la présence de signaux positionnel exprimés au niveau des nervures revient aussi à questionner leur indépendance entre eux, et donc l'intégration de leur régulation. Selon Beldade et al. (2002), les différents motifs des ailes (ocelles mais aussi chevrons, bandes) seraient d'abord apparus comme des répétitions homologues, avant d'acquérir une indépendance de développement. Mais Oliver (2014) semble plutôt montrer que les ocelles se sont déployés et multipliés de façon indépendante à partir d'un unique ocelle ancestral. La question des mécanismes de cette individualisation et des pressions de sélection sous-jacentes sont donc toujours d'actualité. 8
  • 9. Questionner les covariations entre les ailes et les ocelles revient à s'interroger sur les mécanismes, plus ou moins intégrés, de leur développement. Plus généralement, au-delà de la nervation, c'est toute la forme et la taille de l'aile qu'il faut prendre en compte pour appréhender le développement des ocelles. Faut-il s'attendre à ce que la position des ocelles varie avec la forme de l'aile ? Existe-t- il des effets allométriques (c'est-à-dire des covariations entre la forme et la taille des ocelles) ou bien celle-ci varie-t-elle proportionnellement à celle de l'aile ? Répondre à ces questions et comprendre l'apparition et la diversification des ocelles nécessite la prise en compte aussi bien de ces processus développementaux que de leur impact sur la valeur sélective des individus qui les portent. Or, ces derniers restent débattus, d'autant que le rôle joué par les ocelles peut varier selon leur aspect, leur nombre ou leur taille, et a pu varier au cours de l'évolution. Une hypothèse suggère que leur ressemblance avec des yeux servirait à effrayer et éloigner les prédateurs. Si cette hypothèse a déjà été vérifiée plusieurs fois (e. g. Steven et al. 2007), et semble s'appliquer en particulier au gros ocelles centraux, elle a aussi été invalidée par certaines études, dont notamment celle de Steven et al. (2007). En mesurant les taux d'attaques de faux papillons aux ocelles en forme de cercles, carrés ou triangles, ils ont montré que ce n'est pas la ressemblance des ocelles avec des yeux qui éloigne les prédateurs, mais plutôt la stimulation optique créée par de tels motifs. Cette hypothèse de la stimulation optique pourrait permettre d'expliquer l'apparition d'autres types de motifs (chevrons et bandes par exemple). Les ocelles situés près du bord extérieur de l'aile peuvent aussi servir à la déflexion des attaques loin des parties vitales, comme l'ont montré Olofsson et al. (2010) en observant la partie du corps attaquée par une mésange en fonction de la position de l'ocelle sur l'aile et sous différents types de lumière (UV ou visible). Il semble d'une manière générale que les ocelles soient d'abord apparus comme un mécanisme anti- prédateur sur la face ventrale, avant de devenir aussi un signal sexuel sur la face dorsale, visible en vol (Oliver et al. 2009). En effet, le rôle joué par les ocelles dorsaux dans le choix du partenaire a aussi été démontré. Casper et al. (2002) ont par exemple montré l'importance de la taille des ocelles dorsaux dans le choix des femelles, en comparant le taux d'appariement d'individus aux phénotypes extrêmes chez Bicylcus anynana. Chez cette même espèce, Robertson et Monteiro (2005) montraient que le choix des mâles se faisait notamment en fonction de la taille et de la réflexion ultraviolette de la partie centrale des ocelles dorsaux. Les résultats sont plus aléatoires pour la face ventrale et aucun rôle de la sélection sexuelle sur les ocelles ventraux n'a pu être démontré à ce jour. 9
  • 10. Les avantages sélectifs procurés par la présence d'ocelles sur les ailes semblent multiples et variables. Cette diversité de fonctions peut en partie expliquer leur diversité phénotypique, mais rend la compréhension de leur évolution plus complexe, car soumise à différentes forces évolutives. Cette étude cherchera à décrire l’évolution des ocelles au sein d'un genre de papillons : les Morphos (Fabricius 1807 ; Nymphalidae). Il s'agit d'un genre monophylétique de grands papillons néotropicaux (30 espèces), bien connus pour leur couleur dorsale bleue iridescente caractéristique. Leur face ventrale, plus discrète, généralement brunâtre, présente de nombreux ocelles, dont le nombre, la taille, la forme et la composition colorée est très diversifiée au sein de ce groupe (Voir Annexe 1). Les ocelles connaissent une diversification spectaculaire dans ce taxon (Blandin 1993 et 2007), ce qui en fait un groupe idéal pour comprendre les mécanismes impliqués dans l'évolution de ce trait complexe. Les Morphos vivent dans les forêts humides d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale, et peuvent être grossièrement séparés en deux groupes correspondant à deux micro-habitats : les espèces qui volent haut dans la canopée et adoptent un vol principalement plané (10 espèces) et les espèces volant principalement en sous-bois et adoptant généralement un vol battu (20 espèces, DeVries et al. 2010). Bien que cette séparation soit discutable (la hauteur de vol des papillons est très variable), elle semble être validée par l'étude de la phylogénie du groupe : les espèces de canopée et celles de sous-bois correspondent aux deux principales branches de l'arbre phylogénétique. Une différenciation de la forme et de la taille de l'aile au sein de ces deux groupes a également été observée, probablement en réponse aux contraintes exercées par les deux micro-habitats sur le type de vol (DeVries et al. 2010). Les ailes antérieures des papillons de canopée sont plus longues et étroites que celle des papillons de sous-bois aux ailes légèrement plus circulaires et courtes. À l'inverse, les ailes antérieures semblent élargies chez les espèces de sous-bois, mais souvent plus courtes chez les espèces de canopée (Chazot et al. 2016, voir Annexe 2). Nous supposons ici que le développement des ocelles est lié à la forme de l'aile et testerons dans quelle mesure le micro-habitat influence l’évolution des ocelles, et ce en lien avec la forme et la nervation de l’aile. Étant donné que la phylogénie du genre Morpho recoupe parfaitement la distinction écologique entre espèces de canopée et espèces de sous-bois, nous veillerons à distinguer dans nos analyses les différences de formes et de couleurs réellement imputables à une sélection divergente entre ces deux micro-habitats et celles correspondant simplement à la diversification 10
  • 11. brownienne d'un caractère neutre le long des branches de la phylogénie. Ce projet de recherche propose donc d'étudier les influences croisées de différents facteurs sur l'évolution des ocelles des papillons du genre Morpho. En particulier, nous testerons l'influence de la forme des ailes et de leur nervation dans le nombre, l'emplacement, la forme et la couleur des ocelles (ce qui revient à interroger les mécanismes sous-jacents de leur développement et leur lien supposé avec le développement de l'aile). Nous testerons également l'effet du micro-habitat sur les ocelles, en supposant que la différenciation des ocelles est le fruit d'une adaptation à ces micro- habitats : adaptation indirecte via un lien développemental avec la forme de l’aile elle-même adaptée aux micro-habitats, ou adaptation plus directe des ocelles à des pressions de sélection différentes sur les ocelles entre ces micro-habitats (luminosité, communauté de prédateurs). Enfin, le signal phylogénétique associé à ces différents caractères sera estimé, afin de distinguer l'effet de la phylogénie (diversification brownienne) de celui du micro-habitat (sélection directionnelle supposée) sur l'évolution des ocelles. MATÉRIELS ET MÉTHODES 773 mâles et 298 femelles (1071 individus au total) de la collection du Muséum national d'Histoire naturelle ont été utilisés, représentant les deux sexes de chacune des 30 espèces de Morpho (sauf M. niepelti pour lequel aucune femelle n'était disponible – voir Annexe 3). Les photographies (M. helenor : Zilbermann, 2015, non publié, toutes les autres espèces : Panara, 2015, non publié ; voir aussi Chazot et al. 2016) ont été prises avec un appareil Nikon D90 muni d'un objectif macro, associées à une échelle millimétrée. Les ailes ont été placées perpendiculairement à l'objectif, afin d'éviter toute déformation due à la perspective, et avec une lumière constante. 11
  • 12. I) Dénombrement des ocelles Nous avons pu observer 15 emplacements où les ocelles peuvent se trouver, communs à toutes les espèces de Morphos et délimités par des nervures (9 sur l'aile postérieure et 6 sur l'aile antérieure, voir Figure 3). La présence ou l'absence d'ocelles a été relevée à ces 15 emplacements, pour chaque individu, selon un principe de comptage présenté en Annexe 4. Figure 3 : Schéma des 15 zones définies pour le décompte des ocelles (d'apres Nijhout 1992). II) Morphométrie appliquée à la position des ocelles Les méthodes de la morphométrie géométrique permettent de caractériser la forme des organismes et de quantifier sa variabilité. On entend par forme l'ensemble des composantes géométriques d'un objet à l'exception de sa taille, son orientation et sa position (définition mathématique du terme par Klingenberg 2010). Il s'agissait ici d'étudier le positionnement des ocelles en fonction de la forme de l'aile. Nous avons utilisé une approche courante, consistant à placer des landmarks, ou points- repères que l'on peut repérer sur tous les spécimens (Bookstein 1991). Ces points homologues ont été placés manuellement sur toutes les photos et digitalisés grâce au logiciel tpsDig2 (Rohlf et Slice 2010). Les deux ailes (antérieure et postérieure gauches) ont été étudiées séparément. Des jeux de données déjà existants, comprenant 44 landmarks antérieurs et 29 postérieurs, disposés sur le contour des ailes ainsi qu'à l'intersection de certaines nervures ont été utilisés pour quantifier les variations de la structure des ailes. Ils ont été constitués par Zilbermann et Panara (2015, voir aussi Chazot et al. 2016). Des landmarks correspondants aux centres des différents ocelles (point focal supposé) ont été ajoutés à ces jeux de données, afin de pouvoir étudier à la fois la position des ocelles et la forme de l'aile. Sur les spécimens naturalisés dont nous disposions, les deux ailes se chevauchent légèrement, si bien que la marge de l'aile postérieure ne peut être complètement visible que sur la face ventrale, et inversement la marge de l'aile antérieure n'est visible que sur la face dorsale. Les points placés sur 12
  • 13. l'aile antérieure par Chazot et al. (2016) ont donc été disposés sur les photos en vue dorsale. Les ocelles n'étant présents que sur la face ventrale, nous avons placé les landmarks au centre des ocelles sur cette face puis procédé, pour l'aile antérieure, à une inversion et une superposition de ces landmarks avec ceux de la structure de l'aile (voir Annexe 5). De plus, ne pouvant comparer que des individus possédant le même nombre de landmarks, nous n'avons finalement gardé dans notre analyse qu'un jeu de 7 landmarks (3 pour l'aile antérieure et 4 pour l'aile postérieure, voir Figure 2) et avons choisi d'éliminer tous les individus ne possédant pas ce jeu d'ocelles. Ce nouveau jeu de données comprenait 274 individus de 23 espèces (espèces manquantes : M. amphitryon, M. portis, M. marcus, M. zephyritis, M. aega, M. polyphemus, et M. eugenia). Chaque point a été défini comme landmark ou semi-landmark à l'aide du logiciel tpsUtil, selon qu'il s'agissait d'un point d'homologie vraie ou non (landmarks aux centres des ocelles, aux intersections et aux extrémités des veines, semi-landmarks sur les contours). Une superposition Procrustes (Rohlf et Slice 1990) a ensuite été effectuée sur les configurations de points, grâce au logiciel TPSrelw (Rohlf 2014). Cette transformation des données permet de s'affranchir des différences de taille, de positionnement et d'orientation pour que seules les variations de formes entre individus subsistent et puissent être comparées (voir Annexe 6). Les nouvelles coordonnées, dites coordonnées Procrustes, constituent les variables utilisées conjointement dans les analyses statistiques multivariées. Au cours de la superposition Procrustes, la position des semi-landmarks est artificiellement modifiée le long de la tangente à la courbe (on les fait glisser, d'où leur nom de « sliding landmarks ») et l'énergie de déformation (« bending energy ») est minimisée pour calculer une position stable sur cette tangente. Une fois stabilisés, ils sont traités comme de vrais landmarks, ce qui permet l'utilisation d'une méthodologie uniforme pour l'analyse des contours et des points de repère. Deux superpositions différentes ont été effectuées, correspondant à deux types d'analyses : l'ensemble des données a d'abord été superposé en une seule fois (voir Figure 4), puis les données « ocelles » et « structure de l'aile » ont été séparées et deux superpositions distinctes ont été faites. 13
  • 14. Dans tous les cas, la covariation entre ces deux ensembles de données a été étudiée après superposition. Figure 4 : Représentation du jeu de données qui a été étudié pour l'aile postérieure, après une superposition Procrustes commune de tous les landmarks. Chaque nuage de couleur correspond à l'emplacement d'un landmark sur l'ensemble des 274 individus étudiés ici, après superposition (la surface de chaque nuage décrit donc la variabilité de position de chaque landmark). On distingue les landmarks de structure de l'aile (déjà placés par Zilbermann et Panara) des landmarks placés au centre de 4 ocelles communs aux 274 individus. La taille a été quantifiée par la taille centroide (racine carrée de la somme des carrés des distances des landmarks au centre de gravité de la configuration). Il s'agit d'une mesure standard de taille, utilisée en morphométrie géométrique, qui a été sauvegardée avant superposition et analysée. III) Morphométrie appliquée à la forme d'un ocelle La forme du contour d'un seul ocelle de l'aile postérieure a été étudiée pour la totalité des espèces (il s'agit de l'ocelle indiqué par une flèche sur la Figure 5, commun à l'ensemble des individus de l'échantillon). Seuls 15 individus par espèce ont été tirés au hasard et étudiés (en respectant un sex-ratio équilibré). Pour chaque individu, à l'aide du logiciel Adobe Photoshop Eléments 8.0, l'ocelle a été détouré, une barre d'échelle de 3 millimètres à été ajoutée à chaque photo, pour que l'information de la taille de l'ocelle ne soit pas perdue. Figure 5 : Ocelle homologue choisi pour l'étude du contour (indiqué par une flèche sur un Morpho cisseis). 14
  • 15. 150 landmarks ont été placés selon un emplacement régulier le long du contour de l'ocelle, dans le sens horaire, grâce à un processus semi-manuel permis par le logiciel tpsDig2 (le contour est défini à la main, mais les points sont automatiquement placés à espacement régulier), ainsi qu'un landmark au centre de l'ocelle. 149 des 150 landmarks du contour ont ensuite été convertis en semi- landmarks et une superposition Procrustes a été réalisée (selon la méthode indiquée plus haut) et dont le résultat est présenté sur la Figure 6. Parallèlement, la taille centroide de chaque ocelle a été calculée. Figure 6 : Résultat de la superposition Procrustes de 149 semi-landmarks et 2 landmarks du contour et du centre de l'ocelle, pour 15 individus par espèce. IV) Colorimétrie L'étude colorimétrique a porté sur le même ocelle que l'étude morphométrique de la forme d'un ocelle (ocelle de l'aile postérieure, indiquée par une flèche sur la Figure 3), mais cette fois l'ensemble des 1071 individus a été étudié. Les couleurs des photos dont nous disposions étaient enregistrées selon le mode RVB (rouge – vert – bleu, soit pour chaque pixel un indice allant de 0 à 255 pour chacune de ces trois couleurs). L'histogramme de couleurs des pixels de l'ocelle a été établi, avec pour chacune d'elles une valeur d'intensité moyenne (c'est-à-dire une moyenne de l'intensité de la couleur en question sur tous les pixels de l'ocelle). La combinaison de ces trois couleurs permet de définir une couleur moyenne de l'ocelle (le rapport relatif de ces trois valeurs définit la colorimétrie de l'ocelle, tandis que les valeurs absolues informent sur la luminosité de celui-ci : noir = 0, blanc = 255). V) Signal phylogénétique Pour l'analyse du signal phylogénétique, l'arbre du genre Morpho utilisé est celui établi par Chazot et al. (2016) (voir Figure 7). 15
  • 16. Figure 7 : Arbre phylogénétique du genre Morpho utilisé, établi par Chazot et al. (2016). VI) Analyses statistiques L'analyse statistique a été réalisée grâce au logiciel R (R Development Core Team, 2013). Les packages Rmorph (Baylac, communications personnelles) et Geomorph (Adams et al. 2015) ont été utilisés pour les analyses morphométriques (étude des conformations de landmarks). Des analyses de variance multivariée (ou MANOVA) ont permis de tester l'existence de différences significatives entre papillons de canopée et papillons de sous-bois (hypothèse H0 : pas de différence significative entre les deux micro-habitats, H1 : il existe une différence significative entre les deux micro-habitats pour le caractère étudié). La mesure quantitative du signal phylogénétique a été faite grâce à l'indice K (Blomberg et al. 2003). Cet indice correspond au rapport de la variance d'un caractère observé entre les différentes espèces d'un groupe sur la variance attendue par simple diversification brownienne de ce caractère le long des branches de l'arbre phylogénétique. Il s'agit donc d'un indice compris entre 0 (en l'absence totale de signal phylogénétique) et 1 (lorsque la variance observée correspond parfaitement à celle attendue dans le cas où la phylogénie explique toute la variance). Dans certains cas, l'indice K peut être supérieur à 1 (lorsque la distribution des valeurs entre espèces rapproche plus les espèces proches entre elles qu'elles ne le sont réellement dans la phylogénie). L'indice Kmult (Geomorph) correspond à un indice K testé sur un jeu de données multivariées. Lorsqu'un signal phylogénétique a été détecté, nous avons utilisé des MANOVA phylogénétiques (Geomorph) pour déterminer dans quelle mesure la variation d'un caractère entre deux groupes (ici 16
  • 17. les deux micro-habitats) reste significative au-delà de la phylogénie. Ce test permet de déterminer si l'évolution du caractère étudié est de type brownien (hypothèse H0) ou s'il existe une sélection directionnelle visible dans les deux groupes (H1). Ce type de MANOVA teste le rapport de la variance observée sur la variance attendue pour un signal phylogénétique donné. La régression des moindres carrés (ou régression PLS= « Partial Least Squares regression », Rmorph) cherche des composantes permettant de maximiser la corrélation entre les deux variables utilisées. Il s'agit donc d'une technique de visualisation, permettant de rendre visible un maximum de covariation entre deux jeux de données multivariées. 17
  • 18. RÉSULTATS I) Dénombrement des ocelles La fréquence d'apparition de chaque ocelle sur les 1071 individus de notre échantillon a été calculée et est présentée sur la Figure 8. On y observe notamment que seuls deux ocelles de l'aile postérieure sont communs à l'ensemble de l'échantillon (et l'un d'entre eux sera justement étudié plus en détail par la suite). Il est à noter également que les ocelles du bas des ailes antérieure et postérieure connaissent des fréquences d'apparition très faibles. Figure 8 : Schéma de la fréquence d'apparition de chacun des 15 ocelles dans l'échantillon étudié. Aucune corrélation n'a pu être observée entre les nombres d'ocelles présents sur l'aile antérieure et postérieure de chaque individu (Test de Spearman, ρ =-0,08 et p=0.013). Un signal phylogénétique a été détecté (K=0,85 et p=0,001 sur le nombre d'ocelles total moyen par espèce, K=0,57 pour l'aile antérieure et K=0,96 pour l'aile postérieure), ce qui indique que des espèces proches phylogénétiquement ont un nombre d'ocelles également plus proche que les espèces distantes. Les espèces de canopée ont significativement plus d'ocelles que celles de sous- bois (ANOVA, p<0,001 et F=75.08) et une Analyse en Composantes Principales (ACP) sur le nombre des ocelles montre que les espèces de sous-bois et de canopée sont assez différentes (voir Figure 9) et peuvent être convenablement discriminées en fonction de la distribution des ocelles de leurs ailes. Cependant, lorsque le signal phylogénétique est pris en compte, la différence entre micro-habitats n'est plus significative (ANOVA phylogénétique, p=0.315 et F=1.09), suggérant que 18
  • 19. la distribution du nombre d'ocelles n'est pas significativement différente de ce qui est attendu par le modèle de diversification brownien d'un caractère neutre le long des branches de l'arbre. Figure 9 : Résultat de l'Analyse en Composantes Principales (ACP) sur le nombre d'ocelles, montrant une distinction entre espèces de sous- bois (en vert) et de canopée (en bleu). Les femelles possèdent en moyenne 7,66 ocelles sur leurs deux ailes, contre 7,44 pour les mâles, ce qui correspond à une différence significative (ANOVA, p=0 ,032). L'étude d'une matrice de corrélation entre les différents ocelles (présentée en Annexe 7) permet de mettre en évidence des taux de corrélation entre ocelles généralement faibles, mais distinctement plus élevé entre certains couples d'ocelles, représentés schématiquement sur la Figure 10. Ces corrélations pourraient être le résultat de mécanismes développementaux communs qui seront débattus plus loin. Figure 10 : Représentation schématique des ocelles fortement corrélés entre eux. II) Colorimétrie Une première visualisation des données en trois dimensions permet de constater la très forte corrélation existant entre les trois couleurs primaires (voir Figure 11). Une matrice de corrélation indique 97% de corrélation entre le rouge et le vert, 97% entre le vert et le bleu, et 91% entre le rouge et le bleu. Les valeurs faibles indiquent une coloration claire, les valeurs fortes une coloration 19
  • 20. foncée. La couleur moyenne des ocelles s'étale donc du brun clair au brun foncé. Figure 11 : Représentation en trois dimensions de la composition colorimétrique du même ocelle chez les 1071 individus, montrant la très forte corrélation entre les trois couleurs primaires (chaque point représente un individu, chaque dimension correspond à une couleur). La coloration des mâles est significativement plus foncée que celle des femelles (MANOVA, p<0,001 et F=25,5). Le signal phylogénétique est fort sur ce jeu de données (Kmult test - test phylogénétique multivarié - K=0,68 et p=0,003 ; test univarié Krouge=0,69, Kvert=0,67 et Kbleu=0,67). On note une différence de couleur significative entre les espèces de sous-bois et celles de canopée, les papillons de canopée étant significativement plus sombres que ceux de sous-bois (MANOVA sur les moyennes par espèce, p<0,001). Cette différence reste très significative lorsque les couleurs sont étudiées séparément. La Figure 12 permet de visualiser cette écart de coloration, également visible sur l'analyse en composantes principales de la Figure 13. Figure 12 : Phylogénie des Morphos représentant, pour chaque espèce, la couleur moyenne de l'ocelle relevé et un exemple d'ocelle type. La différence de coloration entre les espèces de canopée et celles de sous-bois est perceptible. 20
  • 21. Figure 13 : Analyse en composantes principales (ACP) en 3D des données de colorimétrie, laissant apparaître une relative séparation entre les individus de sous-bois (en vert) et de canopée (en bleu). Cependant, lorsque le signal phylogénétique est pris en compte, on n'observe plus de différence significative entre sous-bois et canopée (MANOVA phylogénétique, p=0.3465), ce qui suggère un effet confondant entre la phylogénie et la structuration par le micro-habitat. D'après une analyse discriminante linéaire (LDA= « Linear Discriminant Analysis »), les données de colorimétrie montrent un fort signal spécifique : les espèces peuvent être relativement bien discriminées grâce à ce simple caractère de la couleur de l'ocelle (MANOVA, p<0,001 et F= 57.58). Le résultat de cette LDA est présenté à la Figure 14. Figure 14 : LDA sur les 3 couleurs primaires. Chaque couleur correspond à une espèce, chaque point à un individu. Un test de réassignation croisée (« cross validation test ») montre des taux de réassignation très hétérogènes selon les espèces, allant de 0% dans le cas d'espèces proches à 100% pour les espèces les plus différenciées. La moyenne de taux de réassignation est de 38% (ce qui signifie que 38% des individus peuvent être convenablement assignés à leur espèce grâce à leurs valeurs 21
  • 22. colorimétriques). III) Forme du contour de l'ocelle On observe à nouveau une différence significative entre le sous-bois et la canopée sur ce caractère multivarié (MANOVA, F=8,8 et p<0,001). L'analyse en composantes principales (ACP) présentée sur la Figure 15 permet de visualiser cette différence, ainsi que la déformation de l'ocelle correspondant au premier axe de cette analyse. Figure 15 : Résultat d'une ACP réalisée sur les données de contour de l'ocelle de 15 individus par espèce, permettant de distinguer les ocelles de sous-bois (en vert) et de canopée (en bleu). Le premier axe de cette ACP décrit une déformation oblique de l'ocelle. Les valeurs extrêmes de cet axe correspondent à deux espèces : Morpho iphitus et Morpho amathonte. Le signal phylogénétique a été testé sur ce caractère et s'est avéré fort (K=0,77 et p=0,01). La différence entre sous-bois et canopée a été testée en prenant en compte ce signal phylogénétique important et aucune différence entre ces deux micro-habitats n'a été trouvée au-delà de ce que la phylogénie peut expliquer (MANOVA phylogénétique, F=0,4 et p=0,09). La réalisation de cette MANOVA phylogénétique passe nécessairement par la construction d'un consensus moyen par espèce. C'est cette valeur unique par espèce qui a été comparée à la valeur attendue par simple diversification brownienne le long de la phylogénie, lors de la MANOVA phylogénétique. Les consensus moyens de forme d'ocelles par espèce sont présentés en Annexe 8. 22
  • 23. IV) Taille des ocelles La taille centroide de l'ocelle est apparue significativement plus grande en canopée qu'en sous-bois (MANOVA, F=78,2 et p<0,001), pour des valeurs de tailles centroides moyennes de 49,3 en canopée et 40,2 en sous-bois). Le signal phylogénétique sur la taille des ocelles est fort (K=0,94 et p=0,009). Cependant, ce signal phylogénétique ne suffit pas à expliquer l'ensemble de la différence de taille entre micro-habitats, puisque cette différence reste significative lorsque la phylogénie est prise en compte (MANOVA phylogénétique, F=1,17 et p=0,59). La Figure 16 rend compte de la taille moyenne de l'ocelle pour chaque espèce. Figure 16 : Diagramme en barres de la taille centroïde moyenne de chacune des 30 espèces de Morphos (bleu = canopée, vert = sous-bois). L'étude du dimorphisme sexuel ne révèle pas de différence significative entre canopée et sous-bois et aucun signal phylogénétique n'a pu être détecté sur ce caractère (K=0,39 et p=0,19). Il semble donc que le dimorphisme sexuel soit un caractère très variable, et ne pouvant être expliqué ni par la phylogénie ni par le micro-habitat. La Figure 17 permet de visualiser l'irrégularité du dimorphisme sexuel sur la taille de l'ocelle dans notre échantillon. Figure 17 : Diagramme en barres représentant, pour chacune des 30 espèces de Morphos, la valeur moyenne du dimorphisme sexuel de la taille de l'ocelle : valeur moyenne des mâles – valeur moyenne des femelles (bleu = canopée, vert = sous- bois). 23
  • 24. V) Disposition des ocelles L'étude de la configuration des ocelles, c'est- à-dire de la position des ocelles entre eux, révèle une ségrégation très nette en deux groupes distincts, correspondant aux deux micro-habitats et visible sur la Figure 18 (MANOVA, p<0,001 et F=4). Figure 18 : Résultat d'une ACP sur la configuration des ocelles, révélant une ségrégation très nette entre espèces de sous-bois (en vert) et de canopée (en bleu). Deux exemples de photographies de specimens rendent compte du sens de la déformation de la configuration des ocelles entre individus de sous-bois et de canopée. L'étude du signal phylogénétique sur ce caractère révèle un signal phylogénétique très fort (Kmult test, K=1,58 et p=0,001). Mais ce signal phylogénétique fort n'explique pas à lui seul toute la différence de conformation des ocelles, puisque la différence que l'on observe entre papillons de canopée et papillons de sous-bois reste significative lorsque la phylogénie est prise en compte (MANOVA phylogénétique, p=0,01 et F=4,13). VI) Covariation entre disposition des ocelles et structure de l'aile Nous avons mené l'étude de la covariation entre la disposition des ocelles et la structure de l'aile postérieure selon deux méthode distinctes : Dans un premier temps, les données ont été superposées toutes ensemble. Un test de covariation multivariée sur ces données superposées met en évidence une forte covariation entre les données de la forme de l'aile et celles de la position des ocelles (Test RV, méthode de Monte-Carlo sur 999 simulations, RV=0,61 et p=0,001). La régression des moindres carrés représentée Figure 19 rend compte de cette forte covariation. 24
  • 25. Figure 19 : Régression des moindres carrés partiels (PLS) permettant de visualiser la covariation entre la disposition des ocelles (en abscisses) et la structure de l'aile (en ordonnées). L'axe des abscisses représente la partie de la variance de la configuration des ocelles covariant avec la structure de l'aile, et inversement l'ordonnée représente la partie de la variance de structure de l'aile covariant avec la disposition des ocelles. Chaque couleur correspond à une espèce, chaque point à un individu. Dans un second temps, toujours pour étudier la covariation entre la disposition des ocelles et la forme de l'aile, nous avons séparé le jeu de données « ocelles » du jeu de données « structures de l'aile » et avons procédé à deux superpositions Procrustes distinctes. Cette nouvelle série de tests révèle à nouveau une covariation forte entre ces deux jeux de données distincts (Test RV, méthode de Monte-Carlo sur 999 simulations, RV=0,33 et p=0,001). Cette forte covariation est représentée par la régression des moindres carrés de la Figure 20. 25
  • 26. Figure 20 : Régression des moindres carrés partiels (PLS) mettant en évidence la covariation entre la configuration de quatre ocelles et la structure de l'aile postérieure. En abscisse est représentée la partie de la variance des ocelles covariant avec la structure de l'aile et inversement sur l'ordonnée. Les vignettes représentent la déformation spatiale correspond à ces deux axes. Finalement, l'étude de la covariation entre le jeu de données « ocelles » et le jeu de données « structure de l'aile » en tenant compte de la phylogénie indique que cette covariation ne peut pas être expliquée uniquement par la phylogénie et reste significative lorsque celle-ci est prise en compte (r-PLS=0,687 et p=0,03). 26
  • 27. DISCUSSION Les observations faites sur le dénombrement des ocelles ne permettent pas d'avancer de façon définitive dans la compréhension des mécanismes sous-jacents de leur développement, mais montrent clairement la complexité des processus développementaux qu'il reste à comprendre. Nous avons d'abord pu montrer l'existence d'une certaine indépendance des deux ailes dans le déterminisme du nombre d'ocelles qui s'y développent. Mais à l'inverse, l'existence de corrélations dans l'apparition de certains ocelles des deux ailes (et notamment les ocelles du bas de l'aile antérieure et postérieure, aux fréquences d'apparition identiques et corrélés à 54%) démontre l'existence de mécanismes développementaux communs entre les ocelles des deux ailes. Il serait intéressant de rechercher l'existence de marqueurs de position des ocelles, permettant à un messager chimique de n'induire le développement d'un ocelle que dans les deux secteurs corrélés. En l'absence de tels marqueurs, comment pourrait-on expliquer que seuls ces deux ocelles soient corrélés entre eux, et pas l'ensemble des deux ailes ? La question de l'indépendance des ocelles entre eux a été beaucoup débattue et deux hypothèses sont généralement retenues : les ocelles auraient émergé comme structures développementalement indépendantes (donc capables dés leur apparition de se développer de façon différente au sein d'un même individu), ou alors cette capacité à se diversifier au sein d'un même papillon aurait été acquise secondairement et aurait permis une grande diversification des phénotypes (Oliver et al. 2014). Les données dont nous disposons ne permettent pas de répondre à cette question mais il est intéressant de constater que les deux ocelles fortement corrélés entre l'aile antérieure et postérieure ont tous les deux une position similaire entre des nervures homologues de l'arrière de l'aile. A priori, ce constat indiquerait plutôt que la corrélation que l'on observe serait un résidu de dépendance des ocelles entre eux, et pourrait donc plaider en faveur d'un passé des ocelles comme entités dépendantes. La phylogénie du genre Morpho est problématique en ce sens que la distinction entre les deux principales branches de l'arbre recoupe parfaitement la distinction écologique entre espèces de canopée et espèces de sous-bois. Le but de notre étude sur le signal phylogénétique était justement 27
  • 28. de déterminer la part de la différenciation entre micro-habitat réellement imputable à une sélection divergente due aux différences écologiques propres à ces deux milieux, et celle simplement imputable à une évolution brownienne du caractère le long des branches de l'arbre phylogénétique. Cependant, l'analyse du signal phylogénétique, si elle permet de faire cette distinction, ne permet en aucun cas de déterminer ce qui a conduit à la séparation écologique et phylogénétique de ce groupe. S'agit-il d'une modification de la forme des ailes qui a permis à certains papillons de se spécialiser dans un environnement de canopée tandis que d'autres préféraient le sous-bois ? Ou bien d'une innovation dans l'aspect des ocelles ? Il est également possible qu'il s'agisse d'une tout autre innovation ayant conduit les Morphos à se répartir dans différentes hauteurs d'arbre avant que l'évolution ne provoque ensuite une évolution brownienne mais divergente des ailes et des ocelles dans ces deux groupes distincts. Répondre à cette question nécessitera a minima d'étudier séparément le signal phylogénétique associé aux deux principales branches de l'arbre (associé à la différence de micro-habitats) et le signal phylogénétique intra-groupe (donc au sein d'un même micro-habitat). Si, pour un caractère donné, ces deux signaux sont identiques, alors ce caractère a probablement évolué de façon neutre tout au long de l'histoire évolutive des Morphos. A l'inverse, une différence significative entre ces deux signaux pour un caractère donné indiquerait probablement qu'il a été impliqué dans la séparation du groupe des Morphos en deux sous-groupes écologiquement distincts. Les observations que nous avons pu faire sur la taille centroide de l'ocelle et le dimorphisme sexuel de cette taille sont intéressantes en cela qu'elles diffèrent nettement de ce qui a pu être observé sur les autres caractères étudiés. En effet, le signal phylogénétique, très faible sur ces deux caractères suggère que la taille des ocelles pourrait être soumise à une sélection sexuelle. Nous faisons l'hypothèse que ce dimorphisme de taille, variable d'une espèce à l'autre, est le résultat d'une sélection sexuelle sur la taille centroide de l'ocelle étudié. Au moment de l'accouplement, chaque sexe de chaque espèce exerce une sélection sur l'autre sexe de la même espèce en fonction de ses préférences. Si cette sélection s'exerce sur la taille de l'ocelle et que ces préférences sont variables d'une espèce et d'un sexe à l'autre, on s'attend à observer des variations de tailles entre sexe et entre espèces qui ne correspondent à ce qui est attendu ni sous diversification brownienne, ni sous sélection directionnelle. Casper et al. a pu montrer en 2002 que la taille des ocelles dorsaux influençait fortement de choix des mâles par les femelles chez Bicyclus anynana (en comparant les taux d'appariement d'individus aux phénotypes extrêmes). Le choix des femelles se portait majoritairement vers les mâles aux ocelles les plus gros. D'après Robertson et Monteiro (2005), ce 28
  • 29. choix porte surtout sur la taille et la réflexion ultraviolette de la partie centrale des ocelles. Mais aucune étude n'a encore permis de montrer cette importance de la taille des ocelles dans la sélection sexuelle chez les Morphos (et qui plus est sur la face ventrale des ailes, supposée plus impliquée dans l'éloignement des prédateurs que la face dorsale). Il serait intéressant de savoir si, comme le suggère Robertson et Monteiro pour B. anynana, la taille de la tache centrale de l'ocelle est impliquée dans le choix du partenaire chez les Morphos. Nous avons pu observer dans notre échantillon que les femelles possèdent significativement plus d'ocelles que les mâles, ce qui souligne le rôle probablement joué par l'ensemble des ocelles dans le choix du partenaire sexuel. Plus généralement, les femelles de Morphos sont généralement plus grosses que les mâles dans la nature (Patrick Blandin - communications personnelles). Chazot et al. (2016) ont trouvé des résultats très similaires à ceux présentés ici pour la taille de l'ocelle, mais en considérant la taille centroide de l'aile dans son ensemble (grande variabilité, fort dimorphisme, absence de signal phylogénétique sur le dimorphisme). Or, pour mieux cerner l'effet global de la sélection sexuelle sur l'évolution des Morphos, il est à noter que les tailles d'ocelles étudiées ici sont les tailles absolues, ne tenant pas compte de la taille de l'aile dans laquelle ces ocelles s'insèrent. Etudier les tailles centroides relatives des ocelles par rapport à celles des ailes permettrait peut-être de nuancer les résultats obtenus ici. Nous avons pu constater que les papillons de canopée étaient plus sombres que ceux de sous-bois. Cette différence n'est pas significativement différente de celle attendue en cas d'évolution brownienne de la couleur le long de la phylogénie, et n'implique donc pas nécessairement de pression de sélection exercée par l'habitat sur la couleur de l'ocelle. Cependant, il est intéressant de noter que la mélanisation est un caractère pouvant être influencé par différents paramètres écologiques. Chez les papillons, une étude de Roland (2006) sur le Pieridae Colias nastes a permis de montrer une meilleure adaptation des individus foncés aux températures fraiches, mais aussi un taux de prédation plus important. Appliqué aux différences de micro-habitats, cet article laisse supposer que la coloration a pu éventuellement jouer un rôle, même minime, dans l'évolution de la coloration des ocelles de Morphos. De plus amples recherches sont nécessaires pour déterminer si l'aspect « clair » ou « foncé » des Morphos a un impact quelconque sur leur survie en canopée et en sous-bois. Une différence de mélanisation entre les mâles et les femelles a aussi été observée, avec en général des mâles plus foncés que les femelles chez une majorité d'espèces. Ces observations rejoignent celles de Patrick Blandin sur l'aile entière, selon qui la couleur de l'aile 29
  • 30. dans son ensemble est généralement plus claire chez les mâles que chez les femelles, notamment chez les espèces de canopée (communications personnelles). La mélanisation des ailes, et la colorimétrie en générale, semblent donc être un caractère complexe et soumis à de nombreuses influences bien au-delà des différences écologiques supposées entre sous-bois et canopée. Un signal phylogénétique fort plaide pour un caractère écologiquement neutre. Pourtant, on a aussi pu constater que des espèces même phylogénétiquement proches pouvaient être correctement discriminées sur ce simple caractère de la couleur. L'évolution de la colorimétrie ne semble pas directionnelle, mais plutôt distinctive : les espèces apparaissent réparties sur le spectre colorimétrique et semble occuper des « niches » distincte des autres espèces. Cette distinction nette des phénotypes pourrait être lié au renforcement du signal sexuel entre espèces. Cependant, les signaux visuels ne sont pas les seuls impliqués dans la reconnaissance des individus d'une même espèce, et il est notamment important de prendre en compte le rôle des signaux olfactifs afin de ne pas sur-estimer le rôle éventuellement joué par la couleur des ocelles dans les processus d'appariement. Si aucune étude sur ce sujet n'a vu le jour chez les Morphos, Costanzo et Monteiro (2007) ont en revanche pu obtenir des résultats robustes chez Bicyclus anynana, montrant une importance égale des signaux olfactifs et visuels. Les observations que nous avons faites sur le dimorphisme sexuel des Morphos ne sont pas incompatibles avec une éventuelle communication olfactive chez ce groupe. Nous supposons ici qu'une couleur distincte de celle d'une espèce proche constitue un avantage pour les Morphos en diminuant la probabilité d'un appariement à un individu d'une autre espèce, ce qui a pu conduire à une sélection diversifiante de la couleur des ocelles dans ce groupe. 30
  • 31. CONCLUSION Nous avons quantifié ici la diversité des ocelles du genre Morpho et montré que leur diversification était fortement liée à la phylogénie. Nos résultats suggèrent que la taille des ocelles pourrait être soumise à une sélection sexuelle. Au contraire, d'autres caractères comme le nombre des ocelles ou leur forme ne semblent pas impliqués dans cette communication visuelle, aux vues de nos résultats. Sur le plan développemental, nos résultats indiquent globalement une indépendance entre le déterminisme de l'apparition des ocelles sur les deux ailes. La question que l'on peut désormais se poser est de savoir quels sont les acteurs impliqués dans l'évolution conjointe de la forme de l'aile et de celle des ocelles et quel est le degré d'intégration de leurs développements respectifs. Nous connaissions déjà le rôle que semble avoir joué le micro- habitat dans la diversification de la forme de l'aile, plus longue et étroite en canopée qu'en sous-bois (Chazot et al. 2016). Notre étude a permis de révéler une corrélation entre la forme de l'aile et la disposition des ocelles sur l'aile. S'agit-il de l'évolution indépendante de deux caractères, ou bien l'évolution d'un de ces caractères contraint-elle l'évolution de l'autre, par l'intermédiaire de processus développementaux ? L'étude de De Vries (2010) semble indiquer que le type de vol adopté par les Morphos pourrait être différent d'un micro-habitat à l'autre (vol plané en canopée vs vol battu en sous-bois) et il a été suggéré que c'est cette différence de vol qui a pu engendrer la différenciation de forme des ailes (Chazot et al. 2016). Mais il semble peu probable que la diversification de la position des ocelles soit le résultat d'une telle adaptation fonctionnelle. Les variations d'ocelles observées entre micro-habitats suggère que, au delà du type de vol adopté, d'autres variables écologiques varient entre canopée et sous-bois, qu'il faudra mieux évaluer dans l'avenir. Les communautés de prédateurs sont-elles différentes de l'un à l'autre ? La température, l'humidité ou l'ensoleillement, qui varient probablement en fonction de la hauteur, ont-ils une influence réelle sur ces phénotypes ? En supposant que les ocelles jouent un rôle dans le choix du partenaire et l'appariement, comme le suggèrent nos données sur la couleur et la taille des ocelles, il est aussi déterminant de savoir si les paramètres liés à la reproduction (intensité de la compétition, 31
  • 32. succès reproducteur, etc.) varient d'un micro-habitat à l'autre. C'est peut-être en entrant dans cette finesse d'analyse morphologique et écologique que la diversité des phénotypes existants pourra être comprise. BIBLIOGRAPHIE – Adams et al., Geometric Morphometric Analyses of 2D/3D Landmark Data, 2015 – Beldade et al., Developmental constraints versus flexibility in morphological evolution, Nature, vol 416, 2002 – Beldade et Brakefield, The genetics and evo-devo of butterfly wing patterns, Nature, 2002 – Blandin, The systematic of the genus Morpho Fabricius 1807, Hillside Books Canterbury, United Kingdom, p277, 2007 – Blandin, The Genus Morpho, Sciences Nat, Venette, 1993 – Blandin, The Systematics of the Genus Morpho, Hillside Books, Canterbury, 2007 – Blomberg et al., Testing for phylogenetic signal in comparative data : Behavioral traits are more labile, Evolution 57:717-745, 2003 – Bookstein, Morphometrics Tools for Landmark Data : geometry and biology, Cambridge University Press, 1991 – Casper et al., Female choice depends on size but not symmetry of dorsal eyespots in the butterfly Bicyclus anynana, The Royal Siociety, 2002 – Chazot et al., Morpho morphometrics : shared ancestry and selection drive the evolution of wing size and shape in Morpho butterflies, Evolution, 2016 – Costanzo et Monteiro, The use of chemical and visual cues in female choice in the butterfly Bicyclus anynana, Biological Sciences, Vol 274, 2007 – De Celis et al., Developmental basis for vein pattern variations in insect wings, Journal of Developmental Biology 47: 653-663, 2003 – DeVries et al., Vertical distribution, flight behavior, and evolution of wing morphology in Morpho butterlfies, Journal of Animal Ecology, 2010 – Fabricius, The systematics of the genus Morpho, 1807 32
  • 33. – Klingenberg et Gidaszewskin, Testing and Quantifying Phylogenetic Signals anf Homoplasy in Morphometric Data, Systematic Biology 59:245-261, 2010 – Kondo et Miura, Reaction-diffusion model as a framework for understanding biological pattern formation, Science 329, 2010 – Le Roy, Evolution de la forme des ailes dans le genre Morpho (Nymphalidae) : Exploration du lien entre la forme des ailes et leurs performances aérodynamiques, mémoire de M1, non publié, 2016 – MacMillan et al., Development and evolution on the wing, Trends in ecology evolution 17, 2002 – Massey etWittkopp, The Genetic Basis of Pigmentation Differences Within and Between Drosophila Species, Current Topics in Developmental Biology, Vol. 119, pages 27-61, 2016 – Monteiro, Origin, Development, and Evolution of Butterfly Eyespots, Annual Review of Entomology, Vol. 60: 253-271, 2014 – Monteiro, Origin, Development, and Evolution of Butterfly Eyespots, Biological Sciences, National University of Singapore, 2015 – Nijhout, The development and evolution of butterfly wing patterns, Smithsonian Institution Press, Washington, p297, 1992 – Oliver et al., Accommodating natural and sexual selection in butterfly wing pattern evolution, Biological Sciences, 2009 – Oliver et al., Reduced variability in range-edge butterfly populations over three decades of climate warming, Global change biology, 2012 – Oliver et al., Nymphalid eyespot serial homologues originate as a few individualized modules, Biological Sciences, Vol. 281, 2014 – Olofsson et al., Wiklund, Marginal eyespots on butterfly wings deflect Bird attacks under low light intensities with UV wavelengths, Plos, 2010 – Otaki, Generation of Butterfly Wing Eyespot Patterns : a model of morphological determination of Eyespot and Parafocal Element, Zoological Society of Japan, 2011 – Robertson et Monteiro, Female Bicyclus anynana butterflies choose males on the basis of their dorsal UV-reflective eyespot pupils, Biological Sciences, Vol. 272, 2005 – Rohlf, tpsRelw, Department of Ecology and Evolution, State University of New York, 2014 – Rohlf et Slice, Extension of the Procrustes method for the optimal superimposition of landmarks, Systematic Zoology 39 : 40-59, 1990 33
  • 34. – Rohlf et Slice, TpsDig 2.16. Stony Brook, NY : Department of Ecology and Evolution, State University of New York at Stony Brook, 2010 – Roland, Effect of melanism of alpine Colias nastes butterflies (Lepidoptera: Pieridae) on activity and predation, Department of Biological Sciences, University of Alberta, Canada, 2006 – Saenko et al., Conserved developmental processes and the formation of evolutionary novelties : examples from butterfly wings, Philosophical Transactions of the Royal Society, 2008 – Steven et al., Conspicuousness, not eye mimicry, makes “eyespots” effective antipredator signals, Oxford Journal, Behavioral Ecology vol. 19-3, 2007 – Turing A. M., Bull. Math. Biol. 52, discussion 119, 1952 – Zilbermann, Diversification morphologique chez le papillon Morpho helenor : Morphométrie et patron de coloration, mémoire de M1, non publié, 2013 ANNEXES Annexe 1 : Arbre phylogénétique du genre Morpho (Figure d'après Chazot et al. 2016) 34
  • 35. Annexe 2 : Représentation de la structure moyenne de l'aile antérieure correspondant aux deux types de micro-habitats (canopée en gris, sous-bois en noir). Ici la déformation de l'aile a été amplifiée 1,5 fois (d'après Chazot et al. 2016). Annexe 3 : Tableau récapitulatif du jeu de photos utilisées, avec pour chaque espèce le nombre de mâles, de femelles et le nombre total d'individus étudiés. Espèce Nombre de mâles Nombre de femelles Nombre total M. hercules 20 8 28 M. telemachus 18 8 26 M. amphitryon 22 1 23 M. theseus 42 8 50 M. hecuba 19 10 29 M. cisseis 35 12 47 35
  • 36. M. anaxibia 14 12 26 M. portis 18 6 24 M. marcus 23 4 27 M. sulkowsky 9 4 13 M. lympharis 20 3 23 M. absoloni 6 2 8 M. zephyritis 10 3 13 M. aega 9 8 17 M. aurora 20 5 25 M. cypris 8 4 12 M. menelaus 51 20 71 M. iphitus 19 6 25 M. epistrophus 35 16 51 M. godarti 28 13 41 M. amathonte 13 6 19 M. rhetenor 30 17 47 M. achilles 42 17 59 M. polyphemus 21 10 31 M. deidamia 37 11 48 M. rhodopteron 13 2 15 M. niepelti 5 0 5 M. granadensis 9 2 11 M. eugenia 16 7 23 M. helenor 161 73 234 36
  • 37. Annexe 4 : Dénombrement des ocelles Le dénombrement peut parfois relever de l'arbitraire, lorsque des taches plus ou moins circulaires, parfois imbriquées les unes dans les autres, sont visibles. Ici, c'est le nombre de points focaux qui a été dénombré. Lorsque deux ocelles étaient partiellement ou entièrement imbriqués l'un dans l'autre, ils ont été dénombrés comme deux ocelles distincts. De même, les « taches » dépourvues de cercles concentriques, ont été considérées comme des ocelles à part entière lorsque leurs contours sont nets. Les taches aux contours diffus, elles, n'ont pas été décomptées comme des ocelles (voir Figure 21) Figure 21 : exemple d'un Morpho theseus mâle. La tache 1 a été comptabilisée comme un ocelle (sombre et nette) mais pas la tache 2 (claire et diffuse). 37
  • 38. Annexe 5 : Retournement des données pour l'aile antérieure Cette manipulation a consisté à fusionner deux jeux de données : Les landmarks de « structure » disposés sur la face dorsale de l'aile, et les landmarks « ocelles » disposés sur la face ventrale. 3 landmarks formant un triangle étaient communs aux deux jeux de données. Pour les configurations « ocelles », un script de retournement a d'abord été utilisé afin d'inverser la configuration (inversion droite-gauche). Ensuite, une superposition Procrustes a été réalisée afin de superposer les 3 points communs et ainsi ajuster les landmarks « ocelles » aux landmarks « structure ». Annexe 6 : Superposition Procrustes (Figure d'après LeRoy 2016) Cette transformation des données, préalable à leur analyse, se fait en trois étapes distinctes. Dans un 38
  • 39. premier temps, les différences de position sont d'abord éliminées par translation des centres de gravité (1). Puis, la mise à l'échelle est obtenue en divisant les coordonnées de chaque configuration par la taille centroide correspondante (2). Enfin, une rotation des configurations autour des centres de gravité superposés permet d'optimiser la superposition, en minimisant la distance entre landmarks (3). La méthode utilisée ici est celle dite de 'Binding Energy' qui minimise l'énergie nécessaire pour réaliser la superposition. Annexe 7 : Matrice de corrélation entre les 15 ocelles étudiés, présentant les coefficient de corrélation dans l'apparition des ocelles entre eux. Pour les ocelles S2 et S6, le coefficient de corrélation ne peut pas être calculé car la fréquence d'apparition de ces deux ocelles est de 100%. 39
  • 40. Annexe 8 : Consensus de forme de contour de l'ocelle par espèce, replacés dans la phylogénie des Morphos. Chaque cercle correspond à la « forme moyenne » de l'ocelle chez l'espèce concernée (en bleu les espèces de canopée, en vert celles de sous-bois). 40