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Dossier Crise Financière - Chheng
- 2. © Orga Consultants – Comprendre la crise financière et ses enjeux – Octobre 2008 2
Editorial
Comprendre l’actualité, en maîtriser les impacts chez nos clients, anticiper
les changements, telle est notre mission.
Ce dossier spécial « Comprendre la crise financière et ses enjeux » est une première
visant à partager et développer une vision commune des évolutions du monde
financier.
Comment une « simple » crise immobilière outre-Atlantique peut-elle provoquer une
remise en cause des fondements de notre économie libérale ? Pourquoi et comment en
sommes-nous arrivés à une crise de confiance généralisée des banques entre elles ?
des clients envers leurs banquiers ? Au-delà de la crise financière, quels pourraient être
les impacts sur nos clients de la crise économique qui s’annonce ?
En tant que cabinet de conseil en stratégie opérationnelle et management, nous
sommes acteurs voire instigateurs des changements :
- Le modèle organisationnel des banques est-il adapté ?
- Comment retravailler le coefficient d’exploitation des banques favorisées pendant des
années par le poids du PNB financier ?
- Quelle image, quels produits proposer aux clients des banques pour restaurer la
confiance ?
Un grand merci à Virginie et Raymond, auteurs de ce document qui, je l’espère,
apportera un éclairage à nos questions ainsi que des éléments pour créer de l’impact
chez nos clients !
Laurent Cornu
- 3. © Orga Consultants – Comprendre la crise financière et ses enjeux – Octobre 2008 3
Introduction
Depuis un peu plus d’un an maintenant, les marchés financiers
connaissent des turbulences d’une ampleur significative. Amorcée durant l’été 2007, la
crise issue des crédits immobiliers risqués - dit subprimes - s’est aggravée. Elle a
provoqué une réaction en chaîne sur l’ensemble des places financières de la planète et
a empiré au cours du dernier mois.
Aujourd’hui, le paysage financier est bouleversé. Certains acteurs bancaires ont disparu
ou été absorbés par leurs concurrents plus solides. Les modalités opérationnelles, les
règles prudentielles, les modalités d’interventions des gouvernements, les théories
économique et financière… tous ces postulats ne tiennent plus.
Dans ce monde mouvant, l’exercice même de notre métier implique de comprendre les
enjeux de nos clients afin de mieux les accompagner. Dans ce sens, ce document se
veut être une analyse à la fois pédagogique et technique de la crise actuelle et de ses
mécanismes. De nombreux schémas et illustrations explicitent de manière simple les
sous-jacents techniques et financiers de la crise.
Alors que la première section est dédiée à l’origine de la crise et à ses mécanismes, la
seconde analyse les impacts sur l’activité opérationnelle des banques. La dernière
section évoque quant à elle la résilience des banques ou pourquoi certaines résistent
mieux que d’autres.
Comme toute analyse, celle-ci porte la conviction de ceux qui l’ont rédigée. Autrement
dit, il constitue davantage un point de vue qu’une ‘vérité’.
Nous espérons que vous aurez autant de plaisir à lire ce dossier que nous en avons eu
à le rédiger.
Bien entendu, nous restons à votre disposition pour toute remarque, précision ou tout
simplement pour échanger sur le sujet…
Virginie Hauswald & Raymond Chheng
- 4. © Orga Consultants – Comprendre la crise financière et ses enjeux – Octobre 2008 4
A l’origine de la crise financière, les subprimes
L’effondrement du marché immobilier américain et la
crise des subprimes qui l'a accompagné ont provoqué
une crise bancaire, eu un impact important sur
l'économie réelle et accéléré la chute des cours
boursiers au travers de différents canaux de
transmission que nous tenterons d’expliciter.
Attention une bulle peut en cacher une autre !
Au lendemain de l’éclatement de la bulle spéculative
du marché des nouvelles technologies en 2001, la
Banque Fédérale Américaine (la Fed) réagit en
baissant son taux d’intérêt directeur. Cet afflux de
liquidités sur le marché monétaire – le marché des
capitaux de court terme – permet alors aux Etats-Unis
de minimiser l’impact de la crise. Un argent ‘peu cher’
qui permet aux particuliers, entreprises et Etats
d’emprunter à moindre coût et qui ne sera pas sans
conséquences sur le marché immobilier…
En effet, alors qu’au 1er Janvier 2001 la Fed affiche
un taux directeur de 6,5% il ne faudra qu’une seule
année à Alan Greenspan, alors directeur de
l’institution fédérale, pour baisser ce taux à 1,75%:
un taux qui chutera même jusqu’à 1% en juin
2003 !
Cette baisse substantielle a un impact direct sur la
capacité d’emprunt des Américains et engendre ainsi
un boom immobilier. Les ‘haves’ (classes aisées)
investissent massivement dans l’immobilier et même
les ‘have-nots’ (classes les plus pauvres) peuvent
désormais espérer acquérir une résidence principale.
Entre Janvier 2002 et Décembre 2005, la valeur des
logements outre Atlantique augmente de moitié.
Octroi de prêts aux ménages peu solvables
Durant cette période d’euphorie, les organismes de
crédits (mortgage lender) octroient des crédits
hypothécaires à risques (subprime mortgages) à des
ménages aux revenus très modestes et peu solvables.
Ces créances risquées seront la source du problème.
La situation favorable du marché immobilier aveugle
ces institutions. En apparence, le risque semble limité
puisque la hausse des prix de l'immobilier permet
d'envisager une revente à bon prix en cas de défaut
de paiement et de saisie du bien immobilier. On va
alors même jusqu’à permettre aux ‘NINJA’ (No
Income, No Job or Asset) de contracter des emprunts
hypothécaires.
Lorsqu’un foyer souscrit un prêt hypothécaire à risque,
on lui propose un taux d'intérêt promotionnel
intéressant lors des premières années. Après 1, 3 ou 5
ans, celui-ci devient variable. En plus d’être révisés à
la hausse pour rémunérer le risque pris par le
créancier, les taux sont indexés sur le taux directeur
de la Fed.
Les créances subprimes
Comprendre la Crise
- 5. © Orga Consultants – Comprendre la crise financière et ses enjeux – Octobre 2008 5
Les subprimes rencontrent un succès sans précédent.
Le montant des encours est ainsi passé de 200
milliards de dollars en 2002 à 640 en 2006, soit près
de 23% du total des prêts immobiliers souscrits aux
Etats-Unis à cette date.
On comprend alors que ces conditions d'octroi fassent
peser un risque de solvabilité sur les ménages. En
raison de la fragilité de leur situation financière, ceux-
ci peuvent en effet se retrouver en situation de ne plus
pouvoir faire face aux échéances de remboursement
de leur crédit immobilier.
Tant que les prix immobiliers progressaient, ce
système fonctionnait, certains particuliers n’hésitant
pas à acheter des maisons pour les louer ensuite. Mais
lorsque l'immobilier a commencé à se replier aux
Etats-Unis en fin 2004, l'effet pervers de cette
mécanique s'est enclenché…
Notons qu’en France, les banques ont été plus
conservatrices dans leur décision d’octroi de crédit
limitant les risques de non recouvrement. Ceci
explique qu’il n’y ait pas d’équivalent subprimes en
France. Les effets de la crise sont des effets indirects
via les marchés.
Taux c’est taux !
Fin 2004, face à la peur d’inflation du dollar, Alan
Greenspan inverse la tendance et commence une
hausse progressive du taux d'intérêt directeur de la
Réserve Fédérale (cf page précédente). Ce taux passe
de 1 % à 5,25 % entre 2004 et 2006. Cette
augmentation entraîne celle des taux des crédits
immobiliers hypothécaires.
Parallèlement, les emprunts devenant plus difficiles, la
demande de biens immobiliers baisse et tire les prix de
ces derniers vers le bas. Ceci entraîne du même coup
une diminution de "l'effet richesse" des ménages - la
valeur de leurs appartements et maisons ayant baissé,
leur richesse potentielle s'est en effet amoindrie.
La conjonction de ces deux phénomènes (hausse des
taux d’intérêt et baisse de la demande) conduit à une
hausse des défauts de paiement et à de nombreuses
situations d'insolvabilité des ménages. En effet, les
emprunteurs se retrouvent confrontés à la hausse de
leurs mensualités de remboursement (qui ont dans
certains cas plus que doublé !) alors que la valeur de
leur bien diminue.
Le défaut de paiement est normalement couvert par les
créanciers grâce à une politique de gestion des risques.
Mais dans le cas d’un phénomène de défaut de
paiement de masse, l’organisme prêteur peut se
retrouver en situation difficile. Au cours de l'année
2007, le nombre de défauts de paiement a atteint le
chiffre record d'1,2 million, soit 79% de plus qu'en
2006.
Avec la baisse du marché immobilier américain, la
valeur des habitations est devenue inférieure à celle du
crédit qu'elle devait garantir. Ainsi, les organismes de
crédits, censés pouvoir récupérer leurs mises en
vendant les habitations hypothéquées, se sont
retrouvés sans moyen rapide de redresser leur bilan.
La conséquence est directe: un important nombre
d’établissements de crédit s’effondre et se place sous
protection du chapitre 11, i.e. la loi régissant la faillite
des entreprises.
http://www.lesechos.fr/pop.htm?/medias/2007/1226/300110903.jpg
Comprendre la Crise
- 6. © Orga Consultants – Comprendre la crise financière et ses enjeux – Octobre 2008 6
L'afflux, de mises en vente des biens saisis, a même
aggravé le déséquilibre du marché immobilier où les
prix se sont effondrés. On parle d’éclatement de la
bulle immobilière.
Mais par quel mécanisme une crise immobilière
devient-elle un séisme qui vient ébranler les milieux
bancaires, financiers, puis boursiers ?
De la crise immobilière à la crise financière
Pour comprendre le phénomène qui fait aujourd’hui
trembler les géants du monde de la finance, il faut
suivre le parcours et les transformations successives
des créances subprimes. Nous allons ainsi découper la
vie d’un prêt hypothécaire risqué en trois grandes
étapes.
1- Revente des crédits
Comme expliqué plus haut, les créances subprimes
sont des prêts hypothécaires risqués que les
établissements de crédit accordent aux particuliers peu
solvables. La conjoncture étant favorable, les
institutions de crédits sont de moins en moins
regardantes sur la capacité de remboursement de
leurs clients.
Rapidement, la demande de prêts immobiliers est telle
que les organismes de crédits n’ont plus les moyens de
financer leur croissance. En effet, les banques sont
contraintes par des règles prudentiels de type Bâle II
qui, en substance, exigence que pour 100 € de crédit
octroyé, la banque conserve 8 € en fonds propres.
Ainsi, afin d’obtenir des liquidités et peut-être aussi en
prenant conscience du risque de ces prêts, les
organismes de crédit revendent une partie de leurs
créances à des institutions financières (banques ou
simples coquilles juridiques). Cela leur permet de se
désengager de ses créances et les libèrent des
contraintes prudentielles qui les empêchant de vendre
davantage de crédit.
Les organismes acquérant les prêts savent qu’ils font
une bonne affaire. Rappelons en effet que tant que
l'immobilier augmente, la maison acquise et mise en
hypothèque assure que l'opération ne peut que se
dénouer de manière profitable.
Les fonds propres prudentiels
Comprendre la Crise
- 7. © Orga Consultants – Comprendre la crise financière et ses enjeux – Octobre 2008 7
2- La titrisation (ou alchimie financière)
La suite des opération se complique. Afin de rendre
liquide ces actifs immobiliers, les institutions
financières, qui ont ‘acheté’ les créances aux
institutions de crédits, vont avoir recours à la
titrisation.
La titrisation est l'opération financière qui permet de
transformer des créances en titres revendables sur
des marchés spécialisés à des investisseurs, lesquels
revendent ensuite des obligations adossées à un
‘paquet’ de créances (groupées avec d'autres
valeurs). Ce processus permet aux institutions
financière à la fois de se refinancer et de mutualiser
leur risque. Le risque induit par le prêt initial se
trouve ainsi transmis successivement à différents
investisseurs. Le schéma suivant explicite les 3
étapes du processus.
La titrisation permet de transformer des créances en
titres revendables sur les marchés boursiers
Les institutions financières qui ont acheté les
créances aux organisme de crédits vont les utiliser
comme garanties ou gages de remboursement à des
investissements tiers.
Il s’agit d’un processus d’adossement ou de
cautionnement dans lequel les créances sont
transformées en RMBS (Residential Mortage Backed
Securities), titres adossés à des crédits
hypothécaires résidentiels.
les RMBS sont notés par des agences de notation
(en fonction de leur risque), mélangés à d’autres
titres financiers puis distribués sous forme de CDO
(Collateralized Debt Obligation).
Comprendre la Crise
- 8. © Orga Consultants – Comprendre la crise financière et ses enjeux – Octobre 2008 8
Les CDO correspondant aux tranches les plus risquées
(mais les plus rentables), sont revendus en
investisseurs en fonction de leur appétence au couple
risque/rentabilité. Souvent, les spéculateurs vont
rechercher les tranches les plus risquées alors que les
tranches les moins risquées sont très appréciées des
investisseurs long terme assureurs-vie, fonds de
pensions. La banque, émettrice des CDO, peut
également conserver les tranches les plus risquées si
elle souhaite profiter de leur rentabilité. Le tableau ci-
contre rappelle les expositions des banques à ce type
de produit avant la crise (en 2006).
Au sens strict, la titrisation fait référence à l’étape 2
présentée dans le schéma précédent. La note suivante
explicite le détail de cette transformation via la
création d’une coquille juridique.
Technique financière de la titrisation
Comprendre la Crise
- 9. © Orga Consultants – Comprendre la crise financière et ses enjeux – Octobre 2008 9
3- Distribution du risque et incertitudes
Via la titrisation, il s’est opéré une dilution des
créances sur les marchés boursiers. Le risque
généré par les créances subprimes est réparti entre
un nombre très significatif d’investisseurs sans
aucune traçabilité quant à son montant et aux
acteurs concernés.
Ceci s’est de plus démultiplié via l’utilisation de
Credit Défaut Swaps qui constituent des assurances
contre le risque de défaut de la part d’un émetteur
de créance/crédit (voir définition ci-contre). En
substance, puisqu’on peut se protéger contre le
risque de crédit, peu importe que la créance soit
‘véreuse’ pourvu qu’elle rapporte.
On comprend que via la titrisation et les CDS, les
banquiers de la BFI, ont créé un monstre
tentaculaire caractérisé par :
- une taille démesurée et non mesurée, mais
également ;
- une matérialisation insidieuse et invisible car
avec toutes les reventes de créances et protections
croisées via les CDS, aucun n’est capable de dire
qui porte le risque.
Plus dure sera la chute
Lorsque les premiers particuliers emprunteurs à
risque ont commencé à ne plus payer leur
mensualité, le mécanisme de crise s’est enclenché.
Les Credits Default Swaps
Créance
CDO issu de
la titrisation
Emprunteur
Insolvable +
Chute immobilière
Les défauts
augmentant, les
demandes
d’indemnisation
des CDS
augmentent
Les institutions financières
qui ont acheté des CDO
voient la valeur de leur
investissement chuter
Par ailleurs, celles qui avaient
vendu des CDS, se retrouvent
confrontées à des demandes
d’indemnisation de la part des
« souscripteurs ».
L’éclatement de la crise des subprimes
Comprendre la Crise
- 10. © Orga Consultants – Comprendre la crise financière et ses enjeux – Octobre 2008 10
Comprendre la Crise
Comme le montre le schéma de la page précédente,
les investisseurs qu’ils soient des établissements
bancaires, fonds d’investissement ou autre voient une
grande partie de leur investissement s’effondrer.
De février à mars 2007, 25 institutions de crédits
spécialisées dans les subprimes se placent en
banqueroute, annoncent des pertes exceptionnelles ou
‘se mettent à la vente’. Les investisseurs se retirent
alors de ces produits financiers qu'ils considèrent
comme trop risqués.
La crise n'affecte plus seulement les établissements
qui avaient accordé des crédits immobiliers à risque
aux Etats-Unis. Elle touche tous les acteurs financiers
qui ont (consciemment ou non) investi sur le marché
financier par le biais de la titrisation.
Du fait de la redistribution du risque induite par le
système de la titrisation et des CDS, aucun acteur ne
sait s’il porte un risque ou non. Cela est encore pire
lorsqu’il s’agit d’évaluer le risque chez les autres.
En septembre 2007, les marchés gèlent le recours à la
titrisation. En effet, d’aucun ne veut plus acheter ces
titres opaques que sont les CDO.
Or, nous avons vu précédemment que si les CDO ne
sont pas vendus, les créances sous-jacentes ne
peuvent pas l’être non plus (voir les précédents
schémas sur la titrisation). Et si les créances ne sont
pas vendues, les banques ne peuvent vendre du crédit
supplémentaire puisqu’elles sont limitées par leurs
fonds propres prudentiels (voir la note sur les fonds
propres prudentiels).
Au cours de l’année 2008, les pertes liées aux
créances s’accumulent. Aucun acteur n’est épargné et
la méfiance s’installe.
Les pertes ont la conséquence de grever directement
le résultat et les capitaux propres, et par la même, la
capacité à octroyer des crédits.
De plus, quand bien même les fonds propres
réglementaires sont suffisants, il faut pouvoir trouver
le financement qui servira aux différents crédits que la
banque octroie dans le cadre de son activité.
Ce financement devient très difficile. « En tant que
banquier, j’hésite à prêter à une autre banque de peur
qu’elle fasse faillite et qu’elle ne me rembourse pas.
Par ailleurs, j’ai moi-même besoin de liquidité
(d’argent frais) pour financer les crédits de mes
propres clients. »
Comme mentionné sur le schéma de l’ALM (ci-bas),
les fonds octroyés par les banques au titre du crédit
peuvent provenir soit des dépôts des clients (comptes
courants, épargne…), soit directement par emprunt
sur les marchés.
Lorsque les banques empruntent sur les marchés,
elles le font principalement pour des durées courtes
(<3 mois) sur un marché CT qui s’appelle le marché
monétaire dont un segment est dédié aux banques et
assimilées : le marché interbancaire (en rouge dans le
schéma ci-dessous).
Le fonctionnement du marché monétaire est décrit sur
la page suivante.
L’ALM et le refinancement
- 11. © Orga Consultants – Comprendre la crise financière et ses enjeux – Octobre 2008 11
Comprendre la Crise
Le marché monétaire et la liquidité
- 12. © Orga Consultants – Comprendre la crise financière et ses enjeux – Octobre 2008 12
Comprendre la Crise
Lorsque l’on parle de crise de liquidité, on fait
notamment référence aux difficultés qu’ont les
banques à emprunter sur les marchés. Cette difficulté
est présente à la fois pour des emprunts long terme
(la banque émet des obligations en son nom) et pour
des emprunts court terme (la banque emprunte à une
autre banque le segment interbancaire du marché
monétaire expliqué auparavant). Naturellement, cette
difficulté est d’autant plus forte si la banque en
question n’a pas d’activité de banque de détail et donc
pas de dépôts dans lesquels puiser.
Lorsque les difficultés à emprunter sont telles que les
banques ne trouvent de prêteurs, on parle alors de
crise de liquidité bancaire. Notons qu’à ce moment,
comme dans tout modèle où la demande d’argent est
très supérieure à l’offre de prêt, le prix est élevé d’où
l’observation d’un taux très élevé pour les emprunts
entre banques.
Face à cette crise de liquidité, les banques centrales
sont intervenues massivement en 2007: la Fed
(Banque Centrale Américaine) et la Banque Centrale
Européenne ont ainsi procédé à des injections de
liquidités massives dans le marché interbancaire, sous
la forme de prêts à très court terme (pour les
banques).
Toutefois, l’ampleur des pertes est telle que cela ne
suffit à calmer les esprits et les banques continuent à
se méfier de leurs consœurs. Les faillites des banques
de type Nothern Rock en Angleterre et Bear Stern aux
Etats-Unis n’ont fait qu’amplifier cette méfiance.
Résultat, les banques sont toujours aujourd’hui très
réticentes à se prêter de l’argent même pour une
journée !
En septembre 2008, la crise prend de l’ampleur la
faillite de la banque d’investissement américaine
confirme que la crise est toujours présente et peut
toucher les acteurs ‘prétendument’ les plus solides.
La crise de confiance atteint alors des sommets.
Toutes les banques deviennent extrêmement
sélectives dans les prêts vers leurs consœurs. Et si le
prêt est consenti, c’est avec cautions, garanties,
ceintures et autres bretelles…
A ce moment, on commence à voir les effets sur
l’économie de tous les jours. Faute de financement, les
banques restreignent leurs crédits et augmentent leurs
taux d’intérêt. C’est donc toute l’économie « réelle »
qui est pénalisée car les entreprises ne peuvent plus
financer leurs projets d’investissements opérationnels.
Le mot récession fait alors son apparition.
Mais que fait la police ?
Se pose alors, dans chacun des pays, la question de
l’intervention de l’Etat. D’un point de vue académique,
l’intervention de l’Etat pour résorber une crise
économique est sujet à polémique. Le prochain
paragraphe propose d’en résumer les grandes lignes.
L’intervention de l’Etat
Dans la théorie économique, il est considéré qu’un
équilibre est atteint lorsque pour un prix donné,
toutes les demandes sont satisfaites par toutes les
offres disponibles. Offre = Demande.
La question qui se pose alors est celle de l’atteinte de
cet équilibre. Nous allons illustrer ce propos à travers
l’illustration d’une bille dans une roue.
Dans une crise telle que celle en cours, il est très
difficile de savoir où se situe l’équilibre économique.
Cela explique que nombre d’économistes ont d’abord
prôné le laissez-faire. Toutefois, ils durent admettre
que, tant que la bille était en mouvement, elle pouvait
provoquer des dégâts considérables. Ceci explique, le
ralliement vers un interventionnisme pour « aider à
placer » la bille vers son point d’équilibre.
Dans le contexte actuel, cet interventionnisme
étatique se traduit par les différents plans de
sauvetage de type Paulson, britannique et français.
Equilibre
L’équilibre est atteint lorsque la
bille est stable dans la roue
Comment atteindre l’équilibre ?
Les partisans du ‘laissez-faire’
préconisent de laisser rouler la
bille et qu’elle trouvera son
équilibre toute seule
Comment atteindre l’équilibre ?
Les partisans de
‘l’interventionnisme’ préconisent
de placer la bille à l’endroit que
l’on espérera être l’équilibre.
- 13. © Orga Consultants – Comprendre la crise financière et ses enjeux – Octobre 2008 13
Comprendre la Crise
Les formes d’intervention de l’Etat
Elles peuvent être regroupées sous deux formes
principales :
- le rachat des actifs à risques dits « toxiques ». L’Etat
prend à sa charge, les actifs problématiques et les
revendra au fur et à mesure, si possible avec profit. Le
problème est que cela revient à transférer le risque
vers le gouvernement donc vers le contribuable
exonérant totalement le banquier qui est à l’origine de
la crise. Ce fut la proposition du premier plan Paulson.
- le refinancement à travers l’Etat. Tel est l’exemple de
l’Etat français qui – via une structure juridique – va
emprunter sur les marchés en son nom et en
apportant sa garantie. Les capitaux levés vont ensuite
être prêtés aux banques à un taux d’intérêt + marge
reflétant la garantie apportée par l’Etat.
- a prise de participation directe dans les banques. Les
banques deviennent nationalisées et l’Etat (donc le
contribuable) en tant qu’actionnaire peut se refaire si
la banque est sauvée et redevient bénéficiaire. Il s’agit
aujourd’hui du modèle le plus communément accepté.
Il est repris dans la nouvelle mouture du plan Paulson
mais également dans le plan de sauvetage français et
qui a été utilisé avec la banque Dexia.
Bien évidemment, cette présentation est succincte et
de nombreuses possibilités entre ces trois options.
Chaque version possède ses propres
avantages/inconvénients.
Tel est donc l’historique et l’explication de la crise des
subprimes qui a conduit à la situation actuelle. Cette
vision de l’environnement bancaire est nécessaire pour
comprendre les motivations sous-jacentes aux actions
de nos clients bancaires et plus particulièrement nos
clients banques de détail. Comment la crise s’est telle
traduite opérationnellement dans le quotidien des
banques ?
C’est précisément l’objet de la section suivante.
- 14. © Orga Consultants – Comprendre la crise financière et ses enjeux – Octobre 2008 14
Les banques et leurs symptômes
En France comme dans les autres pays, la crise a
sévèrement touché les principaux acteurs du secteur
bancaire et financier notamment les banques de détail,
institutions essentielles au cœur du métier
d’Orga Consultants.
Aussi, cette section propose d’analyser l’impact de la
crise sur les principaux postes du bilan et du compte
de résultat, reflets de l’activité économique de la
banque.
Reflet de la situation économique de la banque, le
bilan constitue un cadre d’analyse très pertinent pour
analyser pour les différents impacts de la crise sur
l’activité opérationnelle.
Ainsi que le suggère le bilan de type précédent, nous
passerons en revue l’ensemble des principaux postes
considérés.
1. La trésorerie et les créances interbancaires
Nœud du problème de liquidité, ces postes
représentent notamment les prêts (Actif) et emprunts
(Passif) court terme à d’autres établissements de
crédits. La banque devant financer les créances de ses
clients, une banque est dite structurellement
emprunteuse si les dépôts de ses clients sont
insuffisants pour financer son activité et donc qu’elle
doive constamment emprunter sur les marchés
financiers.
Traditionnellement, les échanges effectués sur ce
segment de marché sont considérés sans risque. La
faillite de Lehman – intervenant majeur sur le marché
– a bouleversé cette croyance. Suite à l’évènement,
sur 1 dollar placé était restitué seulement 97 centimes
!
Aujourd’hui, la peur de faillite d’un établissement de
crédit partenaire implique que les banques tentent de
minimiser les prêts à d’autres banques. Les banques
réduisent au minimum le poste à l’actif et ne
parviennent que difficilement à accroître celui du
passif. Ces tensions (beaucoup de demande et peu
d’offre) provoquent de ce fait un forte augmentation
du taux d’intérêt – le loyer de l’argent. Une hausse
que les banques reportent forcément sur leurs clients.
2. Les créances
Dans le cas de la banque de détail, il s’agit
principalement des crédits octroyés à des clients quels
qu’ils soient (particuliers, entreprises,
professionnels…)
Dans le cadre de cette analyse, la destination du prêt
n’a que peu d’influence. Notons cependant qu’à
chaque type de crédit octroyé correspond un ou
plusieurs types de refinancement adossés et ce, à des
taux différents. Ces derniers tiennent notamment
compte de la durée d’octroi du crédit, des
subventions/privilèges publiques et des décisions
d’ordre internes à la banque.
Aujourd’hui, la forte hausse des taux d’intérêts est
reportée sur les crédits octroyés à la clientèle. On
remarquera la forte corrélation entre la dépendance
des marchés pour le refinancement et le taux d’intérêt
proposé. En effet, les dépôts des clients étant
faiblement (voire pas du tout) rémunérés, ils
constituent une source peu onéreuse de
refinancement. Cette capacité de disposer d’un
matelas de sécurité constitue l’une des raisons
majeures expliquant les rapprochements des banques
d’investissement vers les banques de détail.
Trésorerie et
interbancaire
Créances
Titres financiers
Participations
Trésorerie et
interbancaire
Dépôts
Dettes sous forme
de titres
Provisions
Capitaux Propres
Actif Passif
Bilan type d’une banque
Illustration du financement des créances
- 15. © Orga Consultants – Comprendre la crise financière et ses enjeux – Octobre 2008 15
Les banques et leurs symptômes
3. Les dépôts
Du point de vue de la banque, les dépôts sont
constitués des comptes courants non rémunérés sauf
chez certains acteurs tels que la Caisse d’Epargne, des
comptes d’épargnes divers (Livret A) et variés
(comptes à termes). Leur qualité en tant que source
de refinancement peu chère en font un enjeu majeur
pour les banques actuellement.
Ainsi, la bataille actuellement menée sur le livret A
participe à cet enjeu puisque ce produit représente un
dépôt fort attractif et constitue également un produit
d’appel pour attirer d’autres capitaux (assurance-vie
etc.).
Ceci explique de fait, l’intensité des acteurs pour attirer
les clients via une augmentation de la rémunération
des dépôts. Il n’est pas rare aujourd’hui de voir des
comptes d’épargne à 6% ! Barclays vient également
de lancer un compte courant rémunéré à 10% (bien
sûr, voir conditions en agence…).
Autre illustration, en Espagne, la guerre des dépôts est
telle que Banesto, banque de détail, offre gratuitement
une voiture contre le dépôt d’encours à hauteur de
18.000€ et 160.000€ entre 24 et 36 mois selon le
modèle de voiture (de type C4,C3,C2) / scooter
proposé !
4. Les Titres financiers en portefeuille
Comptablement, le portefeuille de titres financiers
(hors sociétés à consolider) est catégorisé à l’actif. Ces
titres parmi lesquels les actions, obligations et autres
détenus à titre d’investissement sont comptabilisés à
l’actif et valorisés à la juste valeur.
Aussi, dans un marché fortement baissier comme c’est
le cas actuellement, la valorisation périodique
engendre des moins-values latentes au bilan qui ont
impacté en contrepartie les fonds propres (capitaux
propres ou résultats) des banques.
Nous arrivons alors à une situation où la valorisation
en juste value accentue les effets de la crise ! D’où la
position de nombreux acteurs dont Christine Lagarde
qui a estimé que « les banques devraient être
autorisées à comptabiliser les actifs non pas selon les
règles du mark-to market [i.e. la juste valeur] mais à
leur valeur historique ».
5. La dette sous forme de titres
Dans un contexte où il est très difficile de lever des
fonds sur le marché, les banques ont désormais de
plus en plus recours aux covered bonds, des titres
obligataires originaires allemandes dont la particularité
est d’être sécurisée pour l’essentiel, par des créances
hypothécaires ou de collectivités.
Les Caisses d’Epargne, les Banques Populaires et le
Crédit Agricole ont toutes lancé leurs programmes.
Pourtant, malgré leur caractère sécurisé, il devient
également de plus en plus difficile de les placer.
Dépendance des banques françaises au marché
pour leur refinancement
Société Générale 40%
BNP Paribas 33%
Caisses d’Epargne 30%
Banque Populaires 20%
Source : les Echos
La juste valeur
- 16. © Orga Consultants – Comprendre la crise financière et ses enjeux – Octobre 2008 16
Les banques et leurs symptômes
6. Les provisions
Contexte difficile oblige, le nombre de non
remboursement des crédit augmente de manière
significative. La traduction pour les banques est donc
la constatation des créances « normales » en créances
douteuses c’est-à-dire des créances sur lesquelles il
existe un risque fort.
Ce constat amène à une double conséquence : d’une
part, les banques perdent de l’argent sur le capital qui
ne sera pas récupéré et sur le PNB (intérêts et
commission) qui ne sera pas touché. D’autre part,
l’augmentation du risque entraîne un renchérissement
des fonds propres. En effet, le ratio de solvabilité (cf.
note sur les fonds propres prudentiels) diminue puis
que son dénominateur (lequel inclut le risque de
crédit) augmente. Pire encore, son numérateur
n’augmente pas puisque les fonds propres sont
alimentés notamment par le résultat ! D’où le cercle
vicieux que l’on constate aujourd’hui.
7. Les participations
Tout dépend de la nature de la participation
considérée.
Il apparaît que la détention de Natixis, Nexity et de
CIFG pour le groupe des Caisses d’Epargne relève
davantage de la contrainte que de la providence.
En effet, les déboires rencontrés par la banque
d’investissement, le promoteur immobilier et le
réhausseur de crédit ont obligé l’Ecureuil à realimenter
ses filiales en fonds propres. A titre d’illustration, les
salariés ont fait part de leur réticence à financer les
difficultés d’autrui, étant eux-mêmes en difficulté. Qu’à
cela ne tienne, la Banque Fédérale des Banques
Populaires et la CNCE a annoncé la cession
progressivement de 50% que chacune détenait dans
CIFG.
A l’inverse, les participations de la banque anglaise
Standard Chartered dont les opérations sont
principalement focalisées sur les marchés émergents
notamment Asie-Pacique sont aujourd’hui considérée
moins risquées (peut être pas pour longtemps) qu’en
Occident …
8. Les capitaux propres
Ainsi que mentionné, la double conjonction croissance
du risque et faiblesse du résultat engendre une
diminution des fonds propres prudentiels nécessaires à
l’activité de la banque.
Puisqu’il faut maintenir la contrainte du ratio de
solvabilité, les banques ont deux options :
Première option : augmenter les fonds propres par
une augmentation de capital.
Dans un contexte aussi turbulent, seuls des
investisseurs de long terme acceptent de prendre le
risque. Aussi, il est plus aisé pour les banques
mutualistes de lever des capitaux à travers les
sociétaires – petits épargnants de proximité – qui
détiennent le capital. Notons que plus aisé ne signifie
pas simple et que la notion de timing est également
cruciale. Le Crédit Agricole a opportunément levé des
capitaux juste avant les violences de septembre
dernier.
Autre possibilité, faire appel à des gros investisseurs
ayant beaucoup de liquidité, c’est alors
qu’interviennent les fonds souverains. Ces fonds de
gestion travaillent avec les réserves étatiques des
pays émergents tels que les pays du Golfe ou la Chine
ont investi rapidement le capital des banques. Notons
qu’aujourd’hui, même ces fonds souverains
connaissent des difficultés et préfèrent conserver leur
argent pour plus tard.
Deuxième option : diminuer les risques liés à l’activité.
Sur le risque de crédit, cela signifie avoir des critères
plus restrictifs sur les engagements octroyés avec
moins de pouvoirs délégataires. Sur le risque
opérationnel, cela se traduit notamment par une
meilleure maîtrise du risque opérationnel et le
passage, dès que possible, à une évaluation plus fine
des fonds propres liés. En effet, la méthode standard
d’évaluation bâloise du niveau fonds propres lié au
risque opérationnel est une proportion du PNB de
l’activité considéré. Hors, les premières estimations
montrent qu’une évaluation avancée mesurée à partir
des risques réels implique un niveau de fonds propres
réglementaire moindre que l’approche standard. D’où
l’intérêt de passer en méthode avancée.
L’importance de la crise a impacté en profondeur,
l’ensemble des activités de la banque. Pour survivre, il
devient impératif pour les banques de repenser leur
manière de travailler pour préparer l’avenir. C’est en
repensant leur schéma de fonctionnement que les
cygnes de demain pourront se distinguer des canards
d’aujourd’hui.
Fonds propres prudentiels
Risques (crédits+op+marchés)
- 17. © Orga Consultants – Comprendre la crise financière et ses enjeux – Octobre 2008 17
La résilience des institutions financières
Distinguer les cygnes des canards
En parlant de la crise financière actuelle, la presse
anglo-saxonne utilise de manière abondante le terme
resilient pour caractériser les institutions financières.
Ce terme, issu du domaine de la psychologie fait
référence à la capacité d’un individu à reprendre un
développement normal après avoir subi un
traumatisme et finalement à assurer la pérennité de sa
propre vie. En France, le concept a été largement
développé par le psychologue Boris Cyrulnik* qui a
étudié le phénomène sur des enfants.
Aussi, après le choc actuel subi par les banques, on
comprend l’utilisation du terme pour évoquer la
capacité à surmonter (ou pas) ces extrêmes difficultés.
Cette section a donc pour ambition de poser les bases
de la réflexion sur ce processus de résilience, ses
conditions de succès et ses risques pour comprendre
pourquoi certaines banques pourraient réussir (les
cygnes) alors que d’autres échouent (les canards).
Le changement du business model
Le métier de banquier repose fondamentalement sur la
maîtrise équilibrée du couple risque / rentabilité. Un
critère qui se retrouve dans l’exercice du métier
originel d’intermédiation de banquier. Sur la base des
dépôts, le banquier octroie des financements à des
parties sur lesquelles il évalue le risque. Naturellement,
la marge d’intermédiation est en adéquation avec le
niveau de risque pris.
Avec la titrisation, il a souvent été reproché aux
banques de se déresponsabiliser. En effet, une fois le
crédit octroyé à la contrepartie considérée, la
titrisation permet de revendre le risque lié et donc de
n’être plus impliqué ni dans l’évaluation et ni dans la
prise du risque. Le business model est devenu un
modèle de pure distribution (Originate-to-distribute en
anglais ou émettre [des titres] pour distribuer). Les
analyses crédits sont ainsi devenues une formalité plus
qu’un filtre.
Toutefois, cela est surtout vrai pour le modèle
américain alors que le modèle français reste très
fortement un modèle d’intermédiation. Ceci explique
que le système français d’octroi des crédits soit
fondamentalement plus sain. Les conséquences
actuelles que connaissent les banques françaises sont
davantage liées aux conséquences indirectes de la
crise notamment l’investissement dans titres
subprimes américains, le renchérissement du taux de
refinancement etc…
Le traumatisme de la crise
Toutes les cartes ont été rebattues dans le cadre de
cette crise. La littérature académique parle en effet de
la concurrence pure et parfaite et des marchés
efficients ce qui signifie que les acteurs, agissant de
manière rationnelle, vont effectuer des arbitrages et
permettre le rétablissement de l’équilibre des prix.
Or, dans le contexte actuel, la plupart des postulats
de départ de ces théories se sont retrouvées
invérifiées :
(i) Les marchés pourraient être rationnels mais les
acteurs (traders, gérants…) qui le composent ne le
sont pas.
(ii) Les prix ne reflètent plus la vraie valeur d’un actif.
La plupart des modèles de valorisation des
instruments ne fonctionnent plus
(iii) Les marchés ne sont plus liquides. Ils ne vont que
dans un sens : la vente.
(iv) Last but not least : la confiance n’existe plus. Qui
sait si la contrepartie avec laquelle on traite existera
demain ? Qui sait si le prix qu’elle me propose est
justifié ?
(v) etc. Il y en a sûrement d’autres..
Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort
Certes, la crise est d’importance mais il est peu
probable que l’extinction des banques soit prévue
pour demain. En revanche, le scénario est pourrait
être plus proche d’une évolution du monde bancaire.
A la manière d’une sauce après réduction, ne doit
rester – théoriquement – que le meilleur ! Nous
assistons à une consolidation accélérée du secteur.
L’évolution vise également à renforcer la résilience du
secteur. Selon une étude de Diane L. Coutu spécialiste
des interactions entre psychologie et management, il
existerait trois qualités favorisant la capacité de
résilience d’un individu : un réalisme (i) non teinté
d’affectif, la foi dans le sens de la vie (ii) et une très
grande capacité d’adaptation (iii). Selon l’auteur, l’une
ou l’autre de ces qualités peuvent se traduire par une
forte détermination, mais la véritable résilience ne
pourra être obtenue qu’avec la combinaison des trois.
Cyrulnik B. auteur des ouvrages Un merveilleux malheur et Les vilains petits canards
- 18. © Orga Consultants – Comprendre la crise financière et ses enjeux – Octobre 2008 18
La résilience des institutions financières
Distinguer les cygnes des canards
Alors peut-on parler de la résilience des banques ? Si
on en croit le modèle, une banque résiliente devrait :
(i) être réaliste i.e. admettre les difficultés lorsqu’elles
surviennent. Il est souvent reproché à la banque
d’affaires Lehman Brothers (et à son patron Dick Fuld)
d’avoir nié la réalité de ses difficultés, ce qui l’a
empêché de vendre lorsque le moment était opportun.
(ii) avoir foi dans le sens de sa mission. Est-ce
vraiment applicable aux banques. Pour un individu, le
rattachement en un certain nombre de principes et de
valeurs lui permette d’avoir toujours des repères en
cas de difficulté. L’exemple le plus souvent cité est
celui de l’Eglise qui a passé les millénaires sur la foi
d’un ensemble de valeurs et de principes.
Pour les banques, la question reste toutefois ouverte.
On notera cependant les nombreuses critiques à
l’encontre des établissements qui ont abandonné leur
mission d’origine pour se diversifier vers des activités
plus attrayantes et lucratives. Ce fut notamment le cas
avec l’arrivée des Caisses d’Epargne dans le capital de
Natixis. A l’époque, il avait été critiqué l’entrée dans un
univers de la banque d’investissement très éloigné des
principes mutualistes. Une position maintenue
aujourd’hui par le Groupe Caisses d’Epargne. A
l’inverse, Calyon a récemment décidé de revenir à son
métier originel issue de la banque Indosuez à savoir le
financement et non l’investissement. Nul ne peut
savoir quel modèle est le bon mais les marchés
semblent montrer un crédit plus grand pour Calyon.
(iii) La capacité d’adaptation se traduit surtout par une
plus grande indépendance vis-à-vis du refinancement.
Les banques avec une large base de dépôts sont les
plus favorisées à cet égard, ce qui expliquent les
nombreuses opérations d’adossement banques
d’investissement aux banques de dépôt.
L’indépendance est également géographique, puisque
les banques très présentes sur les marchés
émergeants telles que Standard Chartered semblent
moins affectées. Cette dernière indépendance reposait
sur le postulat – aujourd’hui remis en cause comme le
reste – que les marchés émergents et les marchés
occidentaux étaient dé-corrélés.
Refaire surface
Afin de refaire surface, on observe donc un retour
croissant vers le modèle de banquier responsable
dans son rôle de transformation des ressources en
emplois et non plus de pur distributeur.
A cet égard, le modèle de la banque universelle
apparaît donc de vigueur.
Un modèle de banquier s’appuyant sur des ressources
tangibles et non, comme la banque anglaise Northern
Rock, sur les marchés pour financer son activité.
L’accent sur le développement de la véritable banque
commerciale va dans ce sens.
Un modèle de banquier responsable puisqu’il conserve
une partie du risque. Bâle II va vers une évolution en
ce sens pour mieux en prendre compte l’impact des
produits structurés. Par ailleurs, quand bien même les
produits titrisés pourront être vendus, la banque
devra conserver des fonds propres liés à hauteur de
5%. Toutes ces modifications ont pour but de plus
responsabiliser les banquiers.
Les enjeux à moyen terme
Les problématiques rencontrées impliquent que
l’accent soit mis sur certains domaines plutôt que
d’autres. Parmi ceux-ci, on peut citer :
(i) le domaine des risques/contrôles internes. Les
sujets concernent aussi bien les risques de
contrepartie, opérationnels ou simplement
l’optimisation du niveau de fonds propres
réglementaires dans un contexte de rareté.
(ii) le travail sur les charges. Industrialisation et
mutualisation sont alors les maîtres mots. Il s’agit
donc de produire de manière standardisée pour
produire mieux et à moindre coût. L’annonce du
mariage BFBP / CNCE s’inscrit dans cette optique de
mutualisation (surtout en ce qui concerne les organes
centraux…)
(iii) la conquête. Celle des nouveaux segments de
marchés ou celle des nouveaux territoires
géographiques.
D’un point de vue purement nombriliste, notons que
les points (ii) et (iii) impliquent un fort besoin en
fusions et migrations…
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Des cygnes, des canards et des œufs dans un
panier
Au final, les banques qui semblent le mieux résister
à la crise semblent être celles qui sont les plus
équilibrées en termes d’activités. Deux types
d’équilibre sont à opposer : l’équilibre généraliste et
l’équilibre multispécialiste. Dans le premier cas, le
périmètre est couvert mais l’absence de points forts
dans un domaine ne favorise pas la compétitivité
dans un contexte turbulent. Le second cas est
l’équilibre s’appuyant sur certaines locomotives qui
parviennent à tirer l’ensemble. C’est le cas de la
BNP, qui fort de ses dépôts (notamment à
l’étranger) et de ses liquidités, parvient à consolider
ses positions en acquérant Fortis à bas prix. La
banque espagnole Santander, outre étant
marginalement présente sur la BFI, a su tirer profit
de son exposition sur le marché latino-américain qui
a contribué à plus de plus de 40% de son résultat.
Banque
Capitalisation boursière
en Mds $
Concurrents acquis
JP Morgan 157
Bear Stearns
Washington Mutual
Bank of America 128
CountryWide
Merrill Lynch
Grupo Santander 65,4
Alliance & Leicester
Bradford & Bingley
BNP Paribas 56,4
Fortis
Barclays 20,5
Lehman Brothers
Egalement, il a été notable que les banques ayant le
mieux résisté à la crise sont celles qui ont été le
mieux capitalisées (pour résister à la crise) et celles
qui disposaient des liquidités les plus importantes
(pour profiter des prix cassés et racheter les
concurrents).
La Tribune fait ainsi des 5 établissements partis
pour sortir (pour l’instant) gagnants de la crise.
Santander – jadis un canard aux yeux de ses pairs
cygnes BFI du fait de la faible technicité de son
activité – est en passe de devenir un acteur majeur
notamment au Royaume-Uni après le rachat de la
banque anglaise Abbey. Moralité, un canard peut
très bien dire à des cygnes d’aller se faire cuire un
œuf.
Les cinq banques qui sortent gagnant de la crise
La Tribune (15 oct. 2008)
La résilience des institutions financières
Distinguer les cygnes des canards