1. ÉCOLE NATIONALE VETERINAIRE D’ALFORT
Année 2005
ETUDE RETROSPECTIVE EPIDEMIOLOGIQUE ET
CLINIQUE DE LA MALADIE VALVULAIRE MYXOÏDE
MITRALE CHEZ LES RACES CANINES DE PETIT
FORMAT EN FRANCE (1088 CAS ; 1991–2004).
THESE
pour le
DOCTORAT VETERINAIRE
Présentée et soutenue publiquement devant
LA FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL
le ……………
par
Pierre SERFASS
Né le 14 mars 1979 à Strasbourg (Bas-Rhin)
JURY
Président : M……..
Professeur à la Faculté de Médecine de CRETEIL
Membres
Directeur : Mme Valérie CHETBOUL
Professeur de Pathologie Médicale à l’ENVA
Assesseur : M. Renaud TISSIER
Maître de Conférences de Pharmacologie et de Toxicologie à l’ENVA
Invités : Dr Thierry BENALLOUL
Dr Hervé LAFORGE
2.
3. LISTE DES MEMBRES DU CORPS ENSEIGNANT
Directeur : M. le Professeur COTARD Jean-Pierre
Directeurs honoraires : MM. les Professeurs MORAILLON Robert, PARODI André-Laurent, PILET Charles
Professeurs honoraires: MM. BORDET Roger, BUSSIERAS Jean, LE BARS Henri, MILHAUD Guy, ROZIER Jacques, THERET Marcel
DEPARTEMENT DES SCIENCES BIOLOGIQUES ET PHARMACEUTIQUES (DSBP)
Chef du département : M. BOULOUIS Henri-Jean, Professeur – Adjoint : M. DEGUEURCE Christophe, Professeur
- UNITE D’ANATOMIE DES ANIMAUX DOMESTIQUES
Mme CREVIER-DENOIX Nathalie, Professeur*
M. DEGUEURCE Christophe, Professeur
Mlle ROBERT Céline, Maître de conférences
M. CHATEAU Henri, AERC
- UNITE DE PATHOLOGIE GENERALE, MICROBIOLOGIE,
IMMUNOLOGIE
Mme QUINTIN-COLONNA Françoise, Professeur*
M. BOULOUIS Henri-Jean, Professeur
- UNITE DE PHYSIOLOGIE ET THERAPEUTIQUE
M. BRUGERE Henri, Professeur *
Mme COMBRISSON Hélène, Professeur
M. TIRET Laurent, Maître de conférences
- UNITE DE PHARMACIE ET TOXICOLOGIE
Mme ENRIQUEZ Brigitte, Professeur *
M. TISSIER Renaud, Maître de conférences
M. PERROT Sébastien, Maître de conférences
- DISCIPLINE : BIOCHIMIE
M. MICHAUX Jean-Michel, Maître de conférences
- UNITE D’HISTOLOGIE, ANATOMIE PATHOLOGIQUE
M. CRESPEAU François, Professeur *
M. FONTAINE Jean-Jacques, Professeur
Mme BERNEX Florence, Maître de conférences
Mme CORDONNIER-LEFORT Nathalie, Maître de conférences
- UNITE DE VIROLOGIE
M. ELOIT Marc, Professeur *
Mme LE PODER Sophie, Maître de conférences
- DISCIPLINE : PHYSIQUE ET CHIMIE BIOLOGIQUES ET
MEDICALES
M. MOUTHON Gilbert, Professeur
- DISCIPLINE : BIOLOGIE MOLECULAIRE
Melle ABITBOL Marie, Maître de conférences contractuel
- DISCIPLINE : ETHOLOGIE
M. DEPUTTE Bertrand, Professeur
- DISCIPLINE : ANGLAIS
Mme CONAN Muriel, Ingénieur Professeur agrégé certifié
DEPARTEMENT D’ELEVAGE ET DE PATHOLOGIE DES EQUIDES ET DES CARNIVORES (DEPEC)
Chef du département : M. FAYOLLE Pascal, Professeur – Adjoint : M. POUCHELON Jean-Louis, Professeur
- UNITE DE MEDECINE
M. POUCHELON Jean-Louis, Professeur*
Mme CHETBOUL Valérie, Professeur
M. BLOT Stéphane, Maître de conférences
M. ROSENBERG Charles, Maître de conférences
Melle MAUREY Christelle, Maître de conférences contractuel
- UNITE D’OPHTALMOLOGIE
M. CLERC Bernard, Professeur
Melle CHAHORY Sabine, Maître de conférences contractuel
- UNITE DE CLINIQUE EQUINE
M. DENOIX Jean-Marie, Professeur *
M. AUDIGIE Fabrice, Maître de conférences
Mme CARSTANJEN Bianca, Maître de conférences contractuel
Mme GIRAUDET Aude, Professeur contractuel
- UNITE DE REPRODUCTION ANIMALE
M. MIALOT Jean-Paul, Professeur * (rattaché au DPASP)
M. NUDELMANN Nicolas, Maître de conférences
Mme CHASTANT-MAILLARD Sylvie, Maître de conférences
(rattachée au DPASP )
M. FONTBONNE Alain, Maître de conférences
M. REMY Dominique, Maître de conférences (rattaché au DPASP)
Melle CONSTANT Fabienne, AERC (rattachée au DPASP)
- UNITE DE PATHOLOGIE CHIRURGICALE
M. FAYOLLE Pascal, Professeur *
M. MAILHAC Jean-Marie, Maître de conférences
M. MOISSONNIER Pierre, Professeur
Mme VIATEAU-DUVAL Véronique, Maître de conférences
M. DESBOIS Christophe, Maître de conférences
Mlle RAVARY Bérangère, AERC (rattachée au DPASP)
M. ZILBERSTEIN Luca, Maître de conférences contractuel
M. HIDALGO Antoine, Maître de conférences contractuel
- UNITE DE RADIOLOGIE
Mme BEGON Dominique, Professeur*
M. COUTURIER Laurent, Maître de conférences contractuel
- UNITE DE PARASITOLOGIE ET MALADIES PARASITAIRES
M. CHERMETTE René, Professeur *
M. POLACK Bruno, Maître de conférences
M. GUILLOT Jacques, Professeur
Mme MARIGNAC Geneviève, Maître de conférences contractuel
M. PARAGON Bernard, Professeur (rattaché au DEPEC)
M. GRANDJEAN Dominique, Professeur (rattaché au DEPEC)
Mme BLANCHARD Géraldine, Professeur contractuel
DEPARTEMENT DES PRODUCTIONS ANIMALES ET DE LA SANTE PUBLIQUE (DPASP)
Chef du département : M. CERF Olivier, Professeur – Adjoint : M. BOSSE Philippe, Professeur
- UNITE DES MALADIES CONTAGIEUSES
M. BENET Jean-Jacques, Professeur*
M. TOMA Bernard, Professeur
Mme HADDAD HOANG XUAN Nadia, Maître de conférences
Mme DUFOUR Barbara, Maître de conférences
M. SANAA Moez, Maître de conférences
- UNITE D’HYGIENE ET INDUSTRIE DES ALIMENTS
D’ORIGINE ANIMALE
M. BOLNOT François, Maître de conférences *
M. CARLIER Vincent, Professeur
M. CERF Olivier, Professeur
Mme COLMIN Catherine, Maître de conférences
M. AUGUSTIN Jean-Christophe, Maître de conférences
- UNITE DE ZOOTECHNIE, ECONOMIE RURALE
M. COURREAU Jean-François, Professeur*
M. BOSSE Philippe, Professeur
Mme GRIMARD-BALLIF Bénédicte, Professeur
Mme LEROY Isabelle, Maître de conférences
M. ARNE Pascal, Maître de conférences
M. PONTER Andrew, Maître de conférences
- UNITE DE PATHOLOGIE MEDICALE DU BETAIL ET DES
ANIMAUX DE BASSE-COUR
M. MILLEMANN Yves, Maître de conférences*
Mme BRUGERE-PICOUX Jeanne, Professeur
M. MAILLARD Renaud, Maître de conférences
M. ADJOU Karim, Maître de conférences
Mme CALAGUE, Professeur d’Education Physique * Responsable de l’Unité AERC : Assistant d’Enseignement et de Recherche Contractuel
4.
5. A Monsieur le Président du jury, professeur à la Faculté de Médecine de Créteil,
qui nous a fait l’honneur d’accepter la présidence du jury de thèse,
Hommage respectueux.
A Madame le Professeur CHETBOUL, de l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort,
qui m’a proposé ce sujet de thèse,
pour sa disponibilité, ses qualités pédagogiques et son aide à la réalisation de ce travail,
Mes remerciements les plus respectueux et les plus sincères.
A Monsieur le Docteur Renaud TISSIER, de l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort,
pour ses explications, ses conseils éclairants,
et pour l’intérêt actif qu’il a porté à mon travail et à la Cardiologie en général,
Mes sincères remerciements.
Aux Docteurs BENALLOUL, LAFORGE, DEAN, GAU et BOMASSI,
pour leur précieuse collaboration dans la collecte des données,
Mes sincères remerciements.
Au Docteur Florence VILLARET,
pour ses explications, son aide et ses conseils dès le début de mon travail,
Toute ma reconnaissance et mes félicitations.
A tous les membres de l’Unité de Cardiologie d’Alfort,
pour leur aide, leur patience et leur gentillesse,
Mes sincères remerciements.
A mes parents,
6. à qui je dois le goût des sciences et de tant d’autres disciplines,
et qui sont particulièrement impliqués dans ma réussite,
Toute ma reconnaissance et mon amour.
Je suis aussi fier de vous que vous l’êtes de moi !
A Sébastien,
à qui je dois un bel équilibre entre épanouissement professionnel et personnel,
et sans qui je ne serais simplement pas tout à fait moi,
Toute ma complicité et mon amour !
A la mémoire de mes grands-parents et aux autres membres de ma famille,
Avec amour.
A Dominique, Denis, Maud et David,
Vous êtes une belle-famille de premier choix !
A mes amis :
Sébastien :
merci pour ton amitié de longue date – déjà plus de la moitié de notre vie – si sincère et solide
qu’elle a résisté aux années et à la distance.
Laury :
merci pour ta fraîcheur et pour m’avoir fait découvrir une passion enthousiasmante et la face
overkitsch qui se cache en chaque chose, pour peu que l’on prenne le temps d’en rire.
Flo, Jeff, Béré, Cédric, Sylvina, Fred, Tchi, Lucien, Olive, Jé, Loïc, Aurore, Richard, Simon :
ça fait plaisir d’appartenir à un grand groupe d’amis !
Coralie, MC, Mélo, Gaby, Julie, Fabrice :
merci de m’avoir accompagné dans mes études et de continuer dans l’avenir !
Sans oublier Cyrille, Stéphanie, Pierre, Patrice, Mikaël, Grégory, Gilles, Cyrille et Léois !
TABLE DES MATIERES
7. INTRODUCTION 5
PREMIERE PARTIE : RAPPELS SUR LA MALADIE
VALVULAIRE MYXOÏDE MITRALE 7
1 – NOTIONS D’ANATOMIE ET D’HISTOLOGIE 9
1.1 – ANATOMIE 9
1.2 – HISTOLOGIE 10
2 – DESCRIPTION DES LESIONS 11
2.1 – LESIONS MACROSCOPIQUES 11
2.2 – LESIONS MICROSCOPIQUES 12
3 – PHYSIOPATHOLOGIE ET ETIOLOGIE 13
3.1 – CONSEQUENCES OBSERVEES 13
3.1.1 – Insuffisance mitrale 13
3.1.2 – Insuffisance cardiaque 14
3.1.3 – Complications 15
3.1.3.1 – Rupture de cordage tendineux 15
3.1.3.2 – Rupture de l’atrium gauche 16
3.2 – MECANISMES MIS EN JEU 16
3.2.1 – Modifications anatomiques 16
3.2.2 – Rôle du système nerveux sympathique 17
3.2.3 – Rôle du système rénine-angiotensine-aldostérone 17
3.2.3.1 – Rôle en phase précoce 18
3.2.3.2 – Rôle en phase d’insuffisance cardiaque 19
3.2.4 – Rôle du facteur atrial natriurétique 20
3.2.5 – Facteurs à rôle controversé ou suspecté 21
3.2.5.1 – Monoxyde d’azote et endothéline 21
3.2.5.2 – Numération, activité plaquettaire et magnésiémie 22
3.3 – HYPOTHESES CONCERNANT L’ETIOLOGIE 23
3.3.1 – Héritabilité de la MVMM et modèles génétiques 23
3.3.2 – Hypothèse d’une affection du tissu conjonctif 24
3.3.3 – Autres causes évoquées 25
8. 4 – EPIDEMIOLOGIE 26
4.1 – FREQUENCE DE LA MVMM 26
4.1.1 – Prévalence à l’autopsie 26
4.1.2 – Prévalence à l’examen clinique 26
4.1.2.1 – Prévalence parmi diverses races canines 26
4.1.2.2 – Prévalence chez le Cavalier King Charles 28
4.2 – FACTEURS INFLUENCANT FREQUENCE ET GRAVITE DE LA MVMM 29
4.2.1 – Influence de l’âge 29
4.2.1.1 – Cinétique d’apparition du SSAG 29
4.2.1.2 – Gravité de l’atteinte en fonction de l’âge 30
4.2.2 – Influence du sexe 31
4.2.2.1 – Fréquence du SSAG selon le sexe 31
4.2.2.2 – Gravité de l’atteinte selon le sexe 32
4.2.3 – Influence du poids 32
4.2.4 – Influence de la variante raciale 33
5 – DIAGNOSTIC 34
5.1 – SIGNES CLINIQUES 34
5.1.1 – Motif de consultation et commémoratifs 34
5.1.2 – Inspection et palpation 35
5.1.3 – Auscultation pulmonaire 36
5.1.4 – Auscultation cardiaque 36
5.1.4.1 – Fréquence et rythme cardiaque 36
5.1.4.2 – Clic systolique à gauche, matité du premier bruit 37
5.1.4.3 – Souffle systolique apexien gauche 37
5.2 – EXAMENS COMPLEMENTAIRES 39
5.2.1 – Phonocardiographie 40
5.2.2 – Radiographie 40
5.2.3 – Electrocardiogramme 42
5.2.4 – Echographie cardiaque 43
5.2.4.1 – Lésions tissulaires 44
5.2.4.2 – Prolapsus mitral 44
5.2.4.3 – Dimensions des cavités cardiaques 46
9. 5.2.4.4 – Quantification de la régurgitation mitrale 47
5.2.4.4.1 – Aire du jet de régurgitation mitrale 48
5.2.4.4.2 – Rapport des variables MRMA et AFMA 49
5.2.4.4.3 – Aire de la zone proximale d’isovélocité (PISA) 50
5.2.4.5 – Evaluation de la contraction ventriculaire 51
5.2.4.5.1 – Fraction de raccourcissement 51
5.2.4.5.2 – Hyperkinésie ventriculaire 51
5.2.4.6 – Mise en évidence des complications 51
5.2.4.6.1 – Rupture de cordage tendineux 51
5.2.4.6.2 – Rupture de l'atrium gauche 52
5.2.4.6.3 – Signes d’insuffisance cardiaque globale 52
5.3 – DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL 53
5.3.1 – Les différentes causes d’insuffisance mitrale 53
5.3.2 – La dysplasie mitrale 53
5.3.3 – L’endocardite bactérienne 54
5.4 – CLASSIFICATIONS DE L’INSUFFISANCE MITRALE ET CARDIAQUE 54
5.4.1 – Classifications échographiques de la MVMM 54
5.4.2 – Classifications de l’insuffisance cardiaque 55
6 – TRAITEMENT 57
6.1 – OBJECTIFS ET PRONOSTIC 57
6.2 – TRAITEMENT ET STADE D’INSUFFISANCE CARDIAQUE 58
6.3 – PRINCIPAUX TRAITEMENTS MEDICAUX 59
6.3.1 – Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 59
6.3.1.1 – Mode d’action 59
6.3.1.2 – Prévention de l’insuffisance cardiaque 59
6.3.1.3 – Traitement de l’insuffisance cardiaque 60
6.3.1.4 – Effets secondaires 60
6.3.2 – Diurétiques 61
6.3.3 – Vasodilatateurs 62
6.3.4 – Inotropes 63
6.4 – AUTRES TRAITEMENTS 63
10. 6.4.1 – Restriction du sodium alimentaire 63
6.4.2 – Traitement médical des symptômes secondaires 64
6.4.3 – Chirurgie cardiaque 64
7 – DEPISTAGE ET ERADICATION 64
7.1 – DEPISTAGE AUSCULTATOIRE 65
7.2 – DEPISTAGE ECHOGRAPHIQUE 65
DEUXIEME PARTIE : ETUDE EPIDEMIOLOGIQUE ET CLINIQUE
DE LA MALADIE VALVULAIRE MYXOÏDE MITRALE CHEZ LES
RACES CANINES DE PETIT FORMAT 67
1 – MATERIELS ET METHODES 69
1.1 – MATERIELS 69
1.1.1 – Animaux 69
1.1.2 – Echographes 70
1.2 – METHODES 71
1.2.1 – Fichier informatique de la clientèle 71
1.2.2 – Examens cliniques et complémentaires 71
1.2.3 – Population étudiée et modalités d’échantillonnage 72
1.2.3.1 – Critères d’exclusion des animaux 72
1.2.3.2 – Mode d’échantillonnage au sein de la population restante 73
1.2.4 – Enregistrement des données des consultations 73
1.2.4.1 – Critères de prise en compte des consultations 73
1.2.4.2 – Historique de l’atteinte par la MVMM au fil des consultations 74
1.2.4.3 – Maladies du tissu conjonctif 74
1.2.4.4 – Organisation des données 75
1.2.5 – Répartition des animaux en trois groupes 76
1.2.6 – Analyse statistique des données 77
1.2.6.1 – Descriptions 77
1.2.6.2 – Comparaisons 77
1.2.6.3 – Corrélations 77
2 – RESULTATS 78
2.1 – ETUDE PRELIMINAIRE DE 22 KING CHARLES 78
11. 2.2 – ETUDE DE 942 CHIENS DE SIX RACES DE PETIT FORMAT 79
2.2.1 – Caractéristiques de la population du groupe 2’ 80
2.2.1.1 – Caractéristiques épidémiologiques 80
2.2.1.2 – Caractéristiques cliniques 81
2.2.1.2.1 – Maladies du tissu conjonctif 82
2.2.1.2.2 – Troubles du rythme 82
2.2.2 – Prévalence du SSAG au sein du groupe 2’ 83
2.2.2.1 – Influence de l’âge 83
2.2.2.2 – Influence du sexe et de la stérilisation 84
2.2.2.2.1 – Influence du sexe sur la prévalence 84
2.2.2.2.2 – Influence du sexe sur la cinétique d’apparition du SSAG 84
2.2.2.3 – Influence du poids 86
2.2.2.3.1 – Influence du poids brut 86
2.2.2.3.2 – Influence du poids corrigé par rapport à l’âge 86
2.2.2.4 – Influence des maladies du tissu conjonctif 87
2.2.3 – Atteinte des animaux à SSAG du groupe 3’ 88
2.2.3.1 – Intensité du SSAG 88
2.2.3.1.1 – Influence de l’âge 88
2.2.3.1.2 – Influence du sexe 89
2.2.3.1.3 – Influence du poids corrigé par rapport à l’âge 90
2.2.3.2 – Stade d’insuffisance cardiaque ISACHC 91
2.2.3.2.1 – Répartition des stades 91
2.2.3.2.2 – Influence du sexe 91
2.2.3.3 – Stade échographique de la MVMM 92
2.2.3.3.1 – Répartition des stades 92
2.2.3.3.2 – Influence du sexe 92
2.2.3.4 – Traitement pour insuffisance cardiaque 93
2.3 – ETUDE DE L’INFLUENCE DE LA RACE 94
2.3.1 – Prévalence du SSAG au sein du groupe 2 94
2.3.1.1 – Race et prévalence du SSAG 94
2.3.1.2 – Race et cinétique d’apparition du SSAG 95
12. 2.3.1.3 – Variante raciale et prévalence du SSAG 99
2.3.1.4 – Variante raciale et cinétique d’apparition du SSAG 100
2.3.2 – Atteinte des animaux à SSAG du groupe 3’ 101
2.3.2.1 – Race et stade d’insuffisance cardiaque ISACHC 101
2.3.2.2 – Race et stade échographique de la MVMM 102
2.3.2.3 – Race et traitement pour insuffisance cardiaque 103
3 – DISCUSSION 104
3.1 – PREVALENCE ET CINETIQUE D’APPARITION DU SSAG 104
3.1.1 – Valeur et fiabilité de la prévalence observée 104
3.1.2 – Influence de l’âge 107
3.1.3 – Influence du sexe 107
3.1.4 – Influence de la stérilisation 108
3.1.5 – Influence du poids 108
3.1.6 – Influence des maladies du tissu conjonctif 109
3.1.7 – Influence de la race et de la variante raciale 109
3.2 – ATTEINTE DES ANIMAUX A SSAG 113
3.2.1 – Intensité du SSAG 113
3.2.2 – Stade d’insuffisance cardiaque ISACHC 114
3.2.3 – Stade échographique de la MVMM 114
3.2.4 – Traitement pour insuffisance cardiaque 115
3.3 – TABLEAUX SYNTHETIQUES 116
3.3.1 – Bilan des facteurs influençant la cinétique et la gravité de la MVMM 116
3.3.2 – Bilan sur l’influence du facteur racial 117
CONCLUSION 119
TABLE DES FIGURES 121
TABLE DES TABLEAUX 122
BIBLIOGRAPHIE 125
ANNEXES 131
Annexe I – Tableaux raciaux de données relatives aux animaux du groupe 1
133
Annexe II – Histogrammes raciaux de répartition des animaux du groupe 2’
en fonction de l’âge et de la présence d’un SSAG 161
AnnexeIII – Courbes raciales d’évolution du poids des animaux du groupe 2’
en fonction de l’âge 165
13. INTRODUCTION
La maladie valvulaire myxoïde mitrale canine (MVMM) est une affection dégénérative
acquise qui engendre généralement une insuffisance de fermeture de la valve. Le reflux sanguin
généré se traduit souvent par un souffle systolique apexien gauche (SSAG) à l’auscultation du
cœur et peut être responsable d’une insuffisance cardiaque. Cette maladie fréquente est
impliquée dans 75 à 80% des affections cardiaques [39]. Elle touche toutes les races canines
mais plus fréquemment celles de petit et moyen format. Parmi les races considérées comme
prédisposées figurent le Cavalier King Charles [6,14,18,22,43,49,60,64,70,76], et dans une
moindre mesure le Teckel [38,49] et le Caniche [6,76].
Plusieurs études épidémiologiques ont porté sur la MVMM. Les connaissances ont été
acquises par l’étude du Cavalier King Charles, et plus rarement du Teckel. Il n’existe pas de
données récentes et détaillées pour les autres races de petit format. Pour une même race,
différentes vitesses d’évolution de la MVMM ont été observées selon le pays et les modalités
d’étude. Une atteinte plus précoce des mâles a souvent été décrite [11,22,70,76], mais cette
différence était rarement significative. L’influence du poids a rarement été explorée. Le lien
statistique avec d’autres affections attribuables à des lésions du tissu conjonctif n’a jamais été
quantifié. Enfin l’interdépendance des variables épidémiologiques n’a pas toujours été prise en
compte. Ces constatations nous ont amené à étudier les caractéristiques épidémiologiques et
cliniques de la MVMM au sein d’un grand effectif de chiens de petit format.
La première partie de ce travail est un rappel consacré aux connaissances acquises sur la
MVMM. Elle traite des lésions, de l’étiologie, de la physiopathologie, de l’épidémiologie, du
diagnostic, des classifications, du traitement et du dépistage de cette maladie.
La seconde partie présente une étude rétrospective épidémiologique et clinique de la
MVMM portant sur 1088 chiens appartenant à sept races de petit format : le King Charles, le
Bichon, le Caniche, le Lhassa Apso, le Shih Tzu, le Teckel et le Yorkshire terrier. Cette étude
avait pour objectif de récolter des données sur des races peu étudiées. Elle visait également à
mieux connaître l’influence des facteurs épidémiologiques sur la fréquence et la gravité de la
MVMM afin de permettre une estimation pratique du risque encouru par chaque animal.
13
17. 1 – NOTIONS D’ANATOMIE ET D’HISTOLOGIE
1.1 – ANATOMIE[5,11,16,35]
Le cœur comprend deux cavités isolées (Figure 1) : le cœur droit qui fait circuler le sang
pauvre en oxygène, et le cœur gauche qui fait circuler le sang oxygéné par les poumons. Chaque
côté du cœur est composé d’un atrium qui reçoit le sang et d’un ventricule qui l’expulse vers les
artères. Ces deux cavités communiquent par des valves atrio-ventriculaires qui interdisent le
reflux sanguin vers l’atrium.
Figure 1 : Conformation intérieure du cœur du chien disséqué par la face gauche (d’après
Barone [5]).
17
Arc de l’aorte
Tronc pulmonaire
Auricule gauche
Atrium gauche
Ostium des veines
pulmonaires
Auricule Valve atrio-
droite ventriculaire
gauche (mitrale)
Septum
interventriculaire Cordages
tendineux
Muscle
papillaire
Valve atrio-
ventriculaire
droite (tricuspide) Cavité du
ventricule
gauche
Cavité du ventricule droit Apex du coeur
18. La maladie valvulaire myxoïde atteint principalement la valve mitrale ou valve atrio-
ventriculaire gauche. Celle-ci est constituée de deux cuspides ou feuillets principaux : un grand
feuillet septal (ou antérieur) et un feuillet pariétal (ou postérieur) de plus petite taille. Les deux
feuillets sont unis par leur base à l’anneau mitral, une formation fibreuse située entre l’atrium et
le ventricule gauches. Leurs bords libres flottent dans la cavité cardiaque. Les extrémités des
feuillets sont opaques et rugueuses au toucher. Elles constituent ce que certains auteurs appellent
la « zone rugueuse » ou la « zone de contact » des feuillets durant la systole.
Les deux feuillets sont attachés aux deux muscles papillaires principaux par les cordages
tendineux. Ces structures fibreuses semblables à des filaments empêchent l’éversion de la valve
mitrale dans l’atrium gauche durant la systole ventriculaire gauche. Ils sont donc nécessaires à la
fermeture étanche de la valve, indispensable à l’éjection du sang vers l’aorte. Il existe des
cordages principaux et des cordages secondaires. Les premiers sont épais, longs et fixés à la face
ventriculaire des feuillets. Les seconds, plus courts et plus fins, sont fixés aux extrémités des
feuillets [5].
1.2 – HISTOLOGIE[11]
La valve mitrale est constituée de quatre couches histologiques décrites par Buchanan en
1977. Sa face atriale et sa face ventriculaire présentent une couche superficielle, l'endocarde.
Des cellules endothéliales y recouvrent une trame hétérogène de fibres de collagène et
d’élastine. Ces fibres entourent les myofibroblastes qui les sécrètent. Sur la face atriale, cette
couche présente également un réseau de fibres musculaires lisses.
L'intérieur des feuillets est constitué de deux couches superposées : la spongiosa du côté
atrial, et la fibrosa en face ventriculaire. La spongiosa est un tissu conjonctif lâche, très riche en
mucopolysaccharides. Ce sont des glycosaminoglycannes majoritairement constitués d’acide
hyaluronique et d’acide chondroïtine sulfate. La spongiosa comprend également des fibres
d’élastine et de collagène plus ou moins organisées, ainsi que les myofibroblastes qui sécrètent
ces trois constituants. La fibrosa est un tissu conjonctif dense comprenant des myofibroblastes.
Elle se prolonge dans le tissu de l'anneau mitral et des cordages tendineux.
18
19. 2 – DESCRIPTION DES LESIONS
2.1 – LESIONS MACROSCOPIQUES
Aucune des études des lésions dégénératives mitrales n’a mis en évidence de signe
d’inflammation. Les observations de Buchanan [11], Corcoran et al [17] et Kogure [37] ont
confirmé la classification en quatre stades de lésions mitrales proposée par Whitney en 1974 :
- Stade I : Quelques nodules discrets sont présents le long de la zone de contact.
La base des feuillets peut présenter des zones irrégulières et opaques.
- Stade II : Les nodules ont augmenté de taille et tendent à fusionner. Les zones
opaques peuvent s'étendre en direction des bords libres des feuillets.
- Stade III : Les nodules fusionnent en plaques irrégulières. Les feuillets sont
épaissis et ont perdu leur flexibilité. Ceci cause parfois une insuffisance de
fermeture de la valve et donc une régurgitation sanguine vers l’atrium. Des zones de
calcification ou d'hémorragie valvulaire peuvent être notées. Les cordages tendineux
sont épaissis à l’endroit de leur jonction avec les feuillets.
- Stade IV : Les lésions précédentes sont accentuées et les feuillets sont contractés.
L'insuffisance valvulaire est quasi systématique. La déformation et l'épaississement
des feuillets leur donne parfois un aspect « ballonisé » : leur face ventriculaire est
concave. Cela correspond à un prolapsus de la valve mitrale vers l'atrium gauche.
Les cordages tendineux sont généralement allongés et peuvent présenter des foyers
désagrégés. Ils sont parfois rompus. Dans ce cas la courbure des feuillets s’inverse
car ce sont alors leurs extrémités qui pointent vers l'atrium.
Kogure [37] constate de plus une augmentation de taille de la zone rugueuse et opaque
des feuillets, au détriment de la zone lisse et transparente. Kittleson [35] a synthétisé l’ensemble
des modifications cardiaques observables. Des lésions de projection peuvent être remarquées à
l’intérieur de l’atrium gauche. Ces plaques fibreuses sont localisées aux zones soumises à
l’impact du jet de régurgitation. L’atrium et le ventricule gauche peuvent apparaître dilatés sous
l’influence de l’augmentation de pression induite par la régurgitation. Des déchirures peuvent
alors survenir dans la paroi de l’atrium gauche. Elles peuvent entraîner une rupture atriale qui se
traduit par un hémopéricarde.
19
20. 2.2 – LESIONS MICROSCOPIQUES
Les lésions microscopiques ont été successivement décrites par Buchanan [11], Kogure
[37], Mow et Pedersen [46], Olsen et al [52] et récemment Corcoran et al [17].
Les deux couches endothéliales présentent selon Corcoran et al [17] des lésions
irrégulièrement réparties, visibles à la microscopie électronique. Ce sont des foyers de
disparition de l'endothélium. Ils sont principalement localisés aux bords des feuillets, mais sont
aussi présents à la surface des cordages. Les cellules endothéliales des cordages sont par ailleurs
désorganisées par rapport à leur arrangement normal en rangs.
La spongiosa est très épaissie par une accumulation marquée de mucopolysaccharides
[11,46]. Elle présente également un œdème qui cause une séparation des fibres conjonctives
[11,17]. Les myofibroblastes y prolifèrent [11]. Contrairement à Buchanan, Kogure [37] localise
les principaux dépôts de mucopolysaccharides à la fibrosa et non à la spongiosa. La fibrosa
présente un œdème et une déstructuration lytique des amas de collagène. Localement cette
destruction peut causer une disparition complète de la couche [11,37]. Cette dégénérescence
collagénique [11] et l’œdème [17] sont aussi observables par endroits au sein des cordages
tendineux, ce qui explique les cas de rupture.
Les auteurs s’accordent pour décrire une prépondérance de ces lésions sur les extrémités
des bords libres des feuillets. Ceci suggère une influence de la friction mécanique présente
pendant la systole ventriculaire, imputable à la fois à la fermeture valvulaire et à la régurgitation
sanguine [11,17,46,52]. En dernier lieu, une prolifération fribro-élastique est observable.
Contrairement aux autres lésions, elle n’est pas systématique [37,46,52]. Elle peut atteindre les
deux couches profondes [37]. Hormis cette fibrose, l’ensemble des lésions peut être retrouvé à
un moindre degré dans certaines valves macroscopiquement normales [46].
Le terme le plus adapté pour dénommer cette affection est « dégénérescence valvulaire
myxoïde (ou myxomateuse) ». Les autres termes utilisés par certains auteurs prêtent à confusion
ou sont en contradiction avec les lésions tissulaires [35] :
- Le terme « prolapsus mitral » correspond uniquement à une conséquence
anatomique des lésions des feuillets et des cordages tendineux.
- Les termes « insuffisance valvulaire acquise » et « régurgitation acquise » se
définissent uniquement sur le plan fonctionnel. Ils ne distinguent pas l’affection
20
21. valvulaire primaire des formes secondaires à une endocardite ou une
cardiomyopathie.
- Le terme « maladie valvulaire chronique » est imprécis car il ne se différencie pas
de l’endocardite bactérienne.
- Le terme « fibrose (valvulaire chronique) » est erroné car il s’agit d’une lésion
secondaire et occasionnelle. Il suggère une prolifération collagénique alors que c’est
une destruction collagénique qui est le plus souvent observée.
- Le terme « endocardiose valvulaire » est inadéquat car les lésions les plus marquées
ne sont pas localisées à l’endocarde mais aux deux couches tissulaires profondes.
3 – PHYSIOPATHOLOGIE ET ETIOLOGIE
3.1 – CONSEQUENCES OBSERVEES
3.1.1 – Insuffisance mitrale
L’insuffisance mitrale correspond à l’échappement rétrograde d’un flux sanguin vers
l’atrium gauche lors de la systole ventriculaire. Dans les formes initiales et discrètes de MVMM
il n'y a généralement pas d'insuffisance [11]. Detweiler [20] a étudié la prévalence des
insuffisances valvulaires en fonction de l’âge dans une population de 4010 chiens. Le diagnostic
était basé sur les commémoratifs et l’auscultation d’un souffle, d’origine mitrale ou non ; les cas
où l’insuffisance accompagnait une cardiomyopathie n’ont pas été pris en compte. La
prévalence augmentait très nettement avec l’âge (Tableau 1).
Ages (ans) <1 [1;5[ [5;9[ [9;13[ ≥ 13
Insuffisances valvulaires chroniques
sans cardiomyopathie (%)
0,17 1,36 7,30 15,80 22,50
Tableau 1 : Evolution de la fréquence des insuffisances valvulaires non accompagnées d’une
cardiomyopathie en fonction de l’âge (d’après Detweiler [20]).
Quatre éléments collaborent à la mécanique valvulaire : les feuillets, l'anneau mitral, les
cordages tendineux et les muscles papillaires. Les lésions pouvant causer une insuffisance
21
22. mitrale ou y contribuer sont donc respectivement la déformation et la perte de flexibilité des
feuillets, l'élongation voire la rupture des cordages tendineux, la dilatation de l'anneau mitral et
enfin la contraction inadéquate des muscles papillaires [11,35]. Les trois premiers éléments
peuvent être présents lors de dégénérescence valvulaire mitrale. Les lésions des feuillets sont les
éléments déterminants dans l’apparition chronique de l’insuffisance valvulaire mitrale. La
rupture de cordage est une complication rare qui se traduit par une apparition ou une aggravation
aiguë de l’insuffisance. La dilatation de l’anneau mitral est tardive car elle est une conséquence
des dilatations atriale et ventriculaire gauches [11,35].
La régurgitation sanguine cause des turbulences et des vibrations se traduisant par un
souffle cardiaque audible pendant la systole ventriculaire. Le flux sanguin rétrograde est
également responsable d’une surcharge de volume qui augmente la pression atriale gauche.
Cette modification est compensée par une augmentation de la compliance de la musculature de
l’atrium. Celui-ci se dilate ainsi à mesure que la MVMM progresse [1,11,27]. Cette évolution
évite que la pression atriale gauche n’augmente trop sous l’effet de la régurgitation. Il s’agit
donc d’un mécanisme compensateur qui retarde l’extension de cette hausse de pression aux
veines puis aux capillaires pulmonaires, et donc l’apparition d’un œdème pulmonaire [35]. La
dilatation atriale gauche est d’autant plus prononcée que l’évolution de la maladie est chronique.
Par contre en cas de rupture aiguë de cordage tendineux, l’atrium gauche n’est pas encore dilaté
ce qui augmente le risque d’œdème pulmonaire aigu [39].
Le ventricule gauche est progressivement surchargé en diastole, et se dilate à son tour
[1,11,27]. Sa contractilité est augmentée par rapport à la faible résistance du volume sanguin qui
fuit partiellement vers l’atrium. Cela se traduit par des signes d'hyperkinésie ventriculaire. Des
mécanismes compensateurs (cf. paragraphe 3.2) entretiennent le débit cardiaque. Ce n’est que
tardivement que la surcharge volumique provoque une insuffisance cardiaque. L’apparition de
cette dernière se fait sur un mode chronique dans 93% des cas, selon Amberger et al [1].
3.1.2 – Insuffisance cardiaque
Les signes d’insuffisance cardiaque gauche sont détaillés plus loin (cf. paragraphe 5.1).
Ils sont dus à quatre grands ensembles physiopathologiques [39] :
- L’augmentation de la pression de l’atrium gauche jusqu’aux capillaires pulmonaires
en amont cause une détresse respiratoire par œdème pulmonaire.
22
23. - La régurgitation cause une baisse du débit ventriculaire, expliquant la faiblesse,
l’intolérance à l’effort, et partiellement les syncopes.
- L’insuffisance cardiaque droite survient suite à l’hypertension artérielle pulmonaire
causée par la stase sanguine dans le territoire pulmonaire. Elle se traduit par un
épanchement pleural, une ascite, une hépatomégalie et/ou une splénomégalie.
- Les altérations tissulaires et l’hypoxie myocardiques favorisent l’apparition de
troubles du rythme cardiaque.
La mort subite est rare chez l’insuffisant cardiaque par insuffisance mitrale. Elle peut
être due à un œdème pulmonaire aigu (par rupture d’un cordage principal) ou à une fibrillation
ventriculaire.
Villaret [79] a établi que 9,7% des Cavaliers King Charles présentaient des signes
cliniques d’insuffisance cardiaque, lorsque les animaux présentant une anomalie cardiaque non
mitrale étaient exclus (n = 372). Cette proportion s’élevait à 19,7% des animaux présentant un
souffle systolique apexien gauche (SSAG : n = 183). Kvart et al [40] ont constaté que le délai
d’installation de l’insuffisance cardiaque était significativement différent selon que le SSAG
était d’intensité faible (1–2/6 : 1330 ± 40 j), modérée (3–4/6 : 1020 ± 50 j) ou élevée (5–6/6 :
759 ± 179 j). Il était également raccourci en présence d’une cardiomégalie. Il avait tendance à
être plus faible chez les mâles. Cette atteinte préférentielle des mâles par l’insuffisance
cardiaque a également été constatée par Detweiler [20] sur une population multiraciale : 1,96%
des mâles et 0,78% des femelles étaient atteint(e)s (significativité non vérifiable).
3.1.3 – Complications
La rupture de cordage tendineux est la complication la plus fréquente, devant la rupture
atriale et le thrombus atrial. La présence d’un thrombus dans l'atrium gauche et sa mise en
circulation embolique dans la circulation générale sont très rares.
3.1.3.1 – Rupture de cordage tendineux [16]
La rupture de cordage tendineux est quasiment toujours localisée au cœur gauche, en
raison de différences anatomiques et hémodynamiques entre le coté gauche et droit. Le plus
souvent elle implique un cordage secondaire. Elle peut se présenter sous différentes formes :
23
24. - La forme aiguë correspond à la rupture d’un cordage principal et cause une
insuffisance valvulaire majeure. Elle se traduit par un œdème pulmonaire aigu
irréversible.
- La forme subaiguë correspond à la rupture d’un cordage secondaire. La
régurgitation modérée qu’elle entraîne se traduit par des symptômes moins marqués.
- La forme chronique est découverte à l’échographie ou à l’autopsie car elle ne
modifie pas le tableau clinique.
La rupture de cordage est imputable à l’évolution de l’affection dégénérative mitrale
dans 61% des cas. Elle peut également être due à une endocardite bactérienne ou à un
infarcissement myocardique. Lorsqu’elle est consécutive à une dégénérescence mitrale elle est
mieux supportée car la régurgitation a souvent déjà favorisé la mise en place des mécanismes
compensateurs. Elle se traduit alors par une soudaine accentuation du SSAG et l’apparition ou
l’aggravation des signes de congestion pulmonaire.
3.1.3.2 – Rupture de l’atrium gauche [39]
La dilatation atriale gauche est responsable d’un affinement de la paroi atriale. Celle-ci
présente peu à peu des lésions endothéliales causées par les augmentations de pression dues à la
régurgitation. Ces lésions peuvent provoquer une déchirure de l’atrium gauche. Son diagnostic
de certitude est échographique. Une tamponnade cardiaque et un épanchement péricardique
hémorragique sont observables. La mort subite est fréquente ; elle succède alors à un exercice,
une excitation ou un traumatisme. Si l’animal survit, il présente des syncopes, une ascite et une
intolérance marquée à l’exercice. La thoracotomie (avec péricardiectomie et fermeture de la
brèche atriale) est envisageable mais les taux de survie sont très faibles. Le traitement médical
est quant à lui inefficace, voire contre-indiqué dans le cas des diurétiques.
3.2 – MECANISMES MIS EN JEU
3.2.1 – Modifications anatomiques [68]
Il a été mentionné plus haut que la régurgitation mitrale entraînait une dilatation de
l’atrium gauche, puis du ventricule gauche. Leurs conséquences anatomiques sont une dilatation
de l’anneau mitral et un mauvais alignement des muscles papillaires. Ces deux phénomènes
24
25. accentuent à leur tour l’insuffisance mitrale. A partir de l’apparition des dilatations cavitaires, il
existe donc une part d’auto-aggravation de la maladie, indépendante des mécanismes
neurovégétatifs et hormonaux.
3.2.2 – Rôle du système nerveux sympathique
La baisse de débit cardiaque due à la régurgitation mitrale tend à stimuler les
barorécepteurs [35]. Ceux-ci activent la sécrétion d’adrénaline par la medulla de la glande
surrénale, et de noradrénaline par les terminaisons nerveuses sympathiques. Ces molécules
augmentent la fréquence du nœud sinusal atrial, qui règle la fréquence cardiaque. Leurs
propriétés inotropes (augmentation de la contractilité) et chronotropes (augmentation de la
vitesse de conduction dans les tissus cardiaques) positives améliorent le débit cardiaque [35]. Le
système sympathique entraîne également une vasoconstriction artériolaire périphérique qui
augmente la pression artérielle [35]. Ainsi l’oxygénation des organes vitaux est maintenue.
Le système sympathique stimule la sécrétion de rénine par le rein, et participe ainsi à la
mise en jeu du système rénine-angiotensine-aldostérone (traité au paragraphe suivant) [35].
Avec le temps, les récepteurs béta-1 sympathiques deviennent moins réactifs à la stimulation
[35]. Les autres mécanismes de compensation prennent alors le relais.
Une étude menée par Ware et al [80] (n = 37) a montré que la concentration sérique en
noradrénaline était corrélée au stade d’insuffisance cardiaque selon la New York Heart
Association (cf. paragraphe 5.4.2). Elle n’était pas corrélée à la concentration sérique en sodium
chez les chiens à régurgitation mitrale (n = 12). La concentration en adrénaline quant à elle
n’était liée ni à la présence d’une insuffisance cardiaque, ni au sodium sérique.
Une autre étude a été menée par Pedersen et al [61] sur 57 Teckels exempts de signes
d’insuffisance cardiaque. Elle a montré une absence de corrélation des concentrations en
adrénaline ou noradrénaline avec la sévérité du prolapsus mitral ou la classe de taille du jet de
régurgitation mitrale.
Il semblerait donc que l’implication du système sympathique dans la pathogénie de la
MVMM soit limitée à la noradrénaline, et qu’elle ne soit significative qu’une fois l’insuffisance
cardiaque installée.
25
26. 3.2.3 – Rôle du système rénine-angiotensine-aldostérone
Lorsque le débit cardiaque est insuffisant, la baisse de perfusion rénale stimule la
sécrétion de rénine. Cette molécule clive l’angiotensinogène circulant en angiotensine I. Celle-ci
est ensuite activée en angiotensine II par l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA).
L’angiotensine II est un puissant vasoconstricteur qui provoque une rétention d’eau et de
sodium par les reins ainsi que la synthèse d’aldostérone par les glandes surrénales. Le système
rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) maintient la pression sanguine en augmentant la
volémie. Il est ainsi impliqué dans l’augmentation de volume des cavités cardiaques. L’atrium se
dilate avant le ventricule, selon l’ordre des épaisseurs et résistances pariétales croissantes. Le
volume sanguin cardiaque étant augmenté, une même fraction régurgitée correspondra à une
quantité plus importante de sang efficacement envoyé vers le ventricule gauche et la circulation
générale. Le SRAA est donc un mécanisme adaptatif qui permet la compensation cardiaque
[35].
Cependant les modifications hémodynamiques comprennent aussi une augmentation de
la résistance vasculaire périphérique, qui accentue la difficulté à envoyer le sang vers l’aorte. De
plus la dilatation ventriculaire correspond à une dilatation annulaire mitrale. Ces deux éléments
participent à l’aggravation de la régurgitation mitrale. Enfin, l’angiotensine II et l’aldostérone
présenteraient une toxicité cardiaque directe [35].
3.2.3.1 – Rôle en phase précoce
L’influence du SRAA dans les phases précoces de l’insuffisance mitrale a été étudiée par
Pedersen et Mow [58]. Chez 30 Cavaliers King Charles sans symptômes d’insuffisance
cardiaque, la concentration sérique en aldostérone tendait à être corrélée négativement à la
sévérité du prolapsus mitral et positivement à la taille du jet de régurgitation. L’activité sérique
de l’ECA tendait à être corrélée négativement avec la taille du jet de régurgitation.
Pedersen et al [54] ont également comparé l’activité du SRAA chez 18 Cavaliers King
Charles présentant une insuffisance mitrale asymptomatique ou aux symptômes discrets et 18
Cavaliers King Charles sains. L’activité plasmatique de la rénine était supérieure chez les
premiers (médianes respectives 3,44 et 2,51 ng/mL/h ; p<0,05). Il en allait de même pour la
concentration sérique en aldostérone (médianes respectives 53 et 27 pg/mL ; p<0,05). Il existait
cependant une importante zone de recouvrement des valeurs entre les deux groupes,
éventuellement due aux différences d’apports alimentaires en sodium. Par contre, lorsque les
26
27. auteurs distinguaient les malades dont l’atrium gauche était dilaté et ceux qui présentaient des
signes d’insuffisance cardiaque, aucune différence significative n’existait entre les deux sous-
groupes pour l’activité de la rénine ou l’aldostéronémie. De plus aucune corrélation n’était
observée entre ces paramètres sériques et la taille de l’atrium gauche par rapport à l’aorte.
Les mêmes auteurs ont également étudié 57 Teckels de plus de deux ans sans signes
d'insuffisance cardiaque [61]. La sévérité du prolapsus mitral était corrélée positivement à
l'activité plasmatique de la rénine (p<0,05), et tendait à être corrélée négativement à
l’aldostéronémie comme chez le Cavalier King Charles. Il n’existait pas de corrélation entre les
concentrations de ces deux hormones et la taille du jet de régurgitation. Dans une seconde partie
de cette étude, les apports alimentaires en sodium, magnésium et potassium ont été contrôlés. La
sévérité du prolapsus mitral et la classe de taille du jet de régurgitation mitrale n’étaient alors
plus corrélés aux concentrations sériques en rénine, aldostérone ou ECA.
Au bilan, l’existence d’une activation du SRAA avant l’installation de l’insuffisance
cardiaque reste controversée. Il en va de même de son influence sur les critères précoces de
progression de la maladie, que sont le prolapsus mitral et la dilatation atriale gauche. Les
résultats semblent dépendre des conditions de l’expérience, telles que les apports ioniques
alimentaires. Cependant, les expériences précédentes n’évaluant que les concentrations
circulantes, un rôle du SRAA tissulaire ne peut être exclu. L’activité de ce dernier est
difficilement quantifiable.
Mow et Pedersen ont également effectué une évaluation post-mortem auto-
radiographique de 10 valves mitrales [46]. Elle a montré que l’angiotensine II ne se fixait pas
sur la valve mitrale, et très peu sur le tissu myocardique. Ces constats ne dépendaient pas de
l’atteinte par la MVMM. L’ECA ne présentait aucune fixation valvulaire, et une tendance à une
fixation myocardique (p<0,05) chez les animaux dont les valves étaient macroscopiquement
atteintes par la MVMM. Il semble donc que le SRAA n’ait pas d’influence sur les lésions
primaires mitrales, et donc que les inhibiteurs de l’ECA soient d’un intérêt limité dans le cadre
de la prévention de l’insuffisance cardiaque.
3.2.3.2 – Rôle en phase d’insuffisance cardiaque
Häggström et al [27] ont suivi 11 Cavaliers King Charles insuffisants mitraux, 6 mois
avant et juste après la décompensation cardiaque. La comparaison a mis en évidence des baisses
significatives de l’aldostéronémie (p<0,01) et de la concentration en angiotensine II (p<0,05). Il
existait pourtant des signes significatifs de rétention hydrique. Celle-ci n’était donc pas
27
28. imputable au SRAA. Elle était probablement due à une atteinte rénale précoce, car une baisse de
la créatinine urinaire par rapport à la créatinine plasmatique avait été observée sur un intervalle
d’un an (p<0,05). Les mêmes auteurs ont également constaté que l’aldostérone et l’angiotensine
II sériques étaient basses chez 10 Cavaliers King Charles présentant une insuffisance cardiaque
[25].
Il semblerait donc que l’activité du SRAA circulant soit diminuée à partir de la
décompensation. Une fois encore, cela n’exclut pas un rôle de l’équivalent tissulaire.
Notamment, l’angiotensine II intracardiaque est responsable d’une action directe sur les
cardiomyocytes, causant le remodelage et la dilatation ventriculaire [27].
3.2.4 – Rôle du facteur atrial natriurétique
Le facteur atrial natriurétique (FAN) est sécrété par l’atrium gauche et à moindre mesure
par l’atrium droit. Cette sécrétion peut être augmentée par la hausse de pression atriale, par la
distension ou par la tachycardie. Le FAN inhibe la sécrétion de rénine et d’aldostérone et exerce
un effet vasodilatateur. Il est diurétique, favorise l’excrétion urinaire du sodium et diminue la
volémie et la pression sanguine. Il contrecarre ainsi l’activation et les effets du SRAA durant la
phase précoce de la maladie [23].
Takemura et al [71] ont décrit une augmentation des quantités de FAN (p<0,01) chez 40
Bichons maltais insuffisants mitraux. Des pics des formes bêta-FAN et/ou gamma-FAN étaient
visualisables, alors qu’ils étaient absents chez les animaux sans régurgitation mitrale. Il existe
donc probablement une modification quantitative et qualitative de la synthèse du FAN en cas
d’insuffisance mitrale.
Häggström et al [27] ont suivi 11 Cavaliers King Charles insuffisants mitraux, 6 mois
avant et juste après la décompensation cardiaque. Une augmentation de concentration (p<0,01) a
été constatée pour un sous-produit de la synthèse biologique du FAN. Sa demi-vie plasmatique
étant longue, sa concentration reflète une sécrétion augmentée sur une longue période.
Häggström et al [23] ont ensuite affiné ces observations sur une population de 83 Cavaliers
King Charles. Les concentrations sériques de FAN étaient identiques entre les stades
d’insuffisance cardiaque NYHA 0 (animaux sains), I et II. Elles étaient augmentées (p<0,001)
pour les stades NYHA III et IV. Cela se traduisait par une corrélation entre la concentration en
28
29. FAN et la fréquence cardiaque (r = 0,47, p<0,01), la dimension de l’atrium gauche comparée à
l’aorte (r = 0,65, p<0,001) et le diamètre du ventricule gauche (r = 0,60, p<0,001).
L'augmentation de la concentration en FAN est donc un marqueur de décompensation de
l'insuffisance cardiaque. La valeur seuil proposée pour la décompensation de l’insuffisance
cardiaque est de 32 pmol/mL pour le FAN immunoréactif ; elle est plus discriminante que les
dimensions des cavités cardiaques [23].
3.2.5 – Facteurs à rôle controversé ou suspecté
3.2.5.1 – Monoxyde d’azote et endothéline
Le monoxyde d’azote (NO) est synthétisé par l’endothélium vasculaire et engendre une
vasodilatation. Sa synthèse et sa sécrétion dans le flux sanguin seraient augmentés lors de stress
mécanique, comme la régurgitation mitrale. A forte concentration, le NO peut induire une
apoptose (la mort cellulaire programmée). Il régule également le métabolisme de la matrice
extracellulaire, en inhibant la synthèse et les effets de l’endothéline. L’endothéline est un facteur
de croissance qui favorise la production de collagène par les myofibroblastes. Certains auteurs
suspectent une implication du NO ou de l’endothéline dans les modifications valvulaires. Il a été
suggéré d’utiliser un éventuel bloquant spécifique du récepteur à l’endothéline. Rappelons
cependant que les lésions observées dans la MVMM correspondent plutôt à une lyse qu’à une
prolifération collagénique [17,52,62].
Olsen et al [52] ont effectué une quantification indirecte de la densité en NO-synthétase
dans les tissus valvulaires de 12 chiens. Macroscopiquement, la densité était corrélée au degré
de dégénérescence de la valvule mitrale (p<0,01). Microscopiquement, l’enzyme était localisée
à l’endothélium et au sous-endothelium. Sa densité était corrélée au degré de dégénérescence
collagénique (p<0,01), à la quantité de dépôts de mucopolysaccharides (p<0,02) mais pas à la
fibrose secondaire. Il n’existait aucune influence significative de l’âge, du sexe ou de la portion
de la valve examinée. Cela suggérait une expression intensifiée de la NO-synthétase et donc un
rôle du NO dans la pathogénie de la dégénérescence valvulaire.
Pedersen et al [62] ont obtenu des résultats en apparence contradictoires aux précédents.
Ils ont étudié les facteurs influençant la concentration en NO chez 50 chiens de plus d’un an,
non insuffisants cardiaques. La concentration était mesurée indirectement par l’addition des
concentrations sériques en nitrate et en nitrite, les deux métabolites du NO. Les apports
29
30. alimentaires de ces deux ions ont été minimisés. La concentration équivalente en NO était
négativement corrélée à la taille du jet de régurgitation (r = 0,49 lorsqu’elle était répartie en 4
groupes, p<0,01), au diamètre atrial gauche comparé à l’aorte (r = 0,44, p<0,005) et au diamètre
ventriculaire (r = 0,46, p<0,005). Cependant elle n’était pas modifiée lorsque le jet était inférieur
à 15% de l’atrium gauche. Il semblait donc que la synthèse du NO soit diminuée au cours de
l’évolution des conséquences de la MVMM.
Au bilan, l’augmentation de la synthèse du NO en début d’évolution et parallèlement aux
lésions valvulaires pourrait correspondre à une inhibition insuffisante de l’action de
l’endothéline [52]. Cette molécule agirait en profondeur des tissus, et le NO ne parviendrait pas
à y diffuser à cause de l’épaississement valvulaire. Par contre l’apoptose des cellules dégénérées
par l’intermédiaire du NO expliquerait l’évolution lente de la maladie. A l’heure actuelle il reste
difficile de concilier par une théorie globale l’augmentation initiale du NO puis sa diminution
lors de l’évolution des conséquences de la MVMM.
3.2.5.2 – Numération, activité plaquettaire et magnésiémie
Plusieurs études ont rapporté une prévalence élevée de thrombocytopénie (numération
plaquettaire <100.000/mL) chez les Cavaliers King Charles [50,62]. La numération et l’activité
plaquettaire ont alors été étudiées en fonction de différents facteurs observés dans la MVMM, et
des concentrations sériques en magnésium. En effet le magnésium et le monoxyde d’azote
inhibent l’activité plaquettaire.
Pedersen et al [62] ont décrit chez 9 Cavaliers King Charles à régurgitation mitrale
modérée à sévère une numération plaquettaire supérieure à celle des témoins. Ils n’excluaient
cependant pas un artéfact dû aux turbulences par régurgitation. Tarnow et al [72] ont étudié 87
Cavaliers King Charles insuffisants mitraux. Ils ont constaté une agrégation plaquettaire moins
rapide, et donc probablement non activée, lorsque le jet de régurgitation dépassait 15% de
l’atrium gauche (p<0,001). Ces résultats étaient observés en l’absence de thrombocytopénie.
Olsen et al [50] ont décrit l’existence de deux groupes de Cavaliers King Charles en
comparant la numération, la conformation, l’activité plaquettaire et la concentration sérique en
magnésium chez 19 chiens présentant un prolapsus mitral. Un premier groupe (47%) présentait
une numération supérieure à 100.000 plaquettes/mL, des plaquettes normales, une activité
plaquettaire augmentée par rapport aux témoins d’autres races (p<0,05) et une magnésiémie
normale. Les autres Cavaliers King Charles (53%) présentaient une thrombocytopénie, des
plaquettes souvent élargies, une activité plaquettaire normale et une magnésiémie diminuée. Il
30
31. existait donc une corrélation positive entre la numération plaquettaire et la magnésiémie d’une
part (r = 0,50, p<0,05) et le diamètre moyen des plaquettes d’autre part (r = 0,64, p<0,01). Il n’y
avait pas de corrélation entre la numération plaquettaire et l’âge, le sexe, le poids, le degré de
prolapsus mitral ou la taille du jet de régurgitation. Les auteurs expliquaient l’existence de
plaquettes de diamètre augmenté en présence de thrombocytopénie par une thrombocytopoïèse
activée. De plus les appareils automatisés réalisant la numération de formule sanguine sous-
estimaient alors la numération plaquettaire en confondant les plaquettes de grande taille avec de
petits érythrocytes. Les résultats observés contredisaient l’habituelle corrélation négative entre
l’activité plaquettaire et la magnésiémie.
Dans cette même étude, Olsen et al [50] ont constaté que la magnésiémie était plus basse
chez les mâles (p<0,001). Pedersen et Mow [58] ont décrit une forte fréquence de
l’hypomagnésiémie chez 30 Cavaliers King Charles sans insuffisance cardiaque. La
concentration sérique en magnésium était comprise entre 70 et 75 mmol/L chez 30% des chiens,
et inférieure à 70 mmol/L chez 50% des chiens. Ces observations n’étaient pas modifiées par
quatre semaines de supplémentation orale en magnésium. Les auteurs suggéraient l’existence de
pertes ioniques rénales sous l’influence de l’activation sympathique. De plus le magnésium étant
un ion principalement intracellulaire, la mesure de son taux sérique n’était pas nécessairement
représentative d’un trouble grave. Ce taux n’était par ailleurs corrélé ni à la sévérité du
prolapsus mitral, ni à la taille du jet de régurgitation. Enfin la supplémentation orale en
magnésium augmentait l’activité sérique de l’ECA mais n’influençait pas les concentrations
sériques en rénine ou en aldostérone.
3.3 – HYPOTHESES CONCERNANT L’ETIOLOGIE
3.3.1 – Héritabilité de la MVMM et modèles génétiques
L’atteinte précoce des Cavaliers King Charles par la MVMM permet l’étude du mode de
transmission génétique avant que les animaux ne soient atteints par des maladies fatales. Cette
race est donc un modèle privilégié pour l’étude de l’étiologie de la maladie.
Darke [18] a étudié l’atteinte de 431 Cavaliers King Charles par la MVMM. Il n’existait
pas de relation génétique évidente à l’examen des pedigrees. Cependant l’auteur a émis
l’hypothèse d’une influence de l’origine de la race. Le Cavalier King Charles ayant été
31
32. développé à partir d’un faible nombre d’individus fondateurs de race King Charles à partir de
1926 [44], des gènes défectueux auraient pu être sélectionnés.
Swenson et al [70] ont étudié l’héritabilité du SSAG chez les Cavaliers King Charles. 7
mâles et 30 femelles atteints par la MVMM ont été répartis en 3 classes en fonction de leur âge
et de l’intensité de l’éventuel SSAG. Les auteurs aboutissaient ainsi à une distinction entre
MVMM récentes, intermédiaires ou avancées. Ces animaux ont été mis à la reproduction
ensemble et leurs produits ont été examinés après avoir passé des tests de filiation. La
proportion des produits présentant un SSAG, et l’intensité de celui-ci étaient corrélés au
classement des parents (p<0,001 dans les deux cas). Les auteurs ont donc proposé un modèle de
transmission polygénique à seuils, avec une influence de l’environnement.
Olsen et al [49] ont étudié l’héritabilité du prolapsus mitral chez 18 familles composées
de Teckels de plus de 2 ans. Ils ont décrit une corrélation positive entre la sévérité du prolapsus
des produits et la valeur moyenne de celui des deux parents (p<0,05, n = 190). Cependant cette
corrélation disparaissait lorsqu’ils s’intéressaient à l’intensité du SSAG, à la taille du jet de
régurgitation ou à l’épaisseur des feuillets mitraux. Les auteurs ont éliminé plusieurs modèles
génétiques : le modèle mendélien simple, la transmission autosomique récessive, dominante liée
au chromosome X ou récessive liée au chromosome Y. Ils ont alors formulé deux hypothèses :
une transmission autosomique dominante dépendant de facteurs environ-nementaux (comme
certains auteurs le décrivent chez l’homme) ou une transmission polygénique influencée par
l’environnement (comme Swenson et al [70]).
Un autre argument en faveur de l’existence d’un déterminisme génétique voire hormonal
de la MVMM est l’atteinte privilégiée des mâles. Plusieurs auteurs ont décrit chez les mâles de
différentes races une fréquence supérieure de la maladie [6,11,22,70,76], ou une atteinte plus
marquée [49,64] (cf. paragraphe 4.2.2).
3.3.2 – Hypothèse d’une affection du tissu conjonctif
En 1977, Buchanan [11] a décrit une fréquence plus élevée des affections dégénératives
valvulaires (sur n = 4831) dans les races chondrodystrophiques comme le Teckel. De plus il a
remarqué que les races les plus atteintes par la MVMM étaient également les plus atteintes par
l’hernie discale et la rupture de ligaments croisés. Il a alors suggéré l'existence d'une
dégénérescence à base génétique du tissu conjonctif, et particulièrement du collagène. Sisson et
al [68] confirment ces observations et proposent la même théorie.
32
33. Karlstam et al [32] ont décrit des cas fatals de thrombose des artères pulmonaires chez le
Cavalier King Charles. A l’examen nécropsique, un épaississement irrégulier et une lacération
de l’intima de l’artère pulmonaire principale étaient visibles. Ces lésions ont été retrouvées à
l’autopsie chez 7 autres Cavaliers King Charles insuffisants mitraux voire cardiaques, exempts
de thrombose pulmonaire. De plus d’autres auteurs ont mentionné des lésions macroscopiques
similaires dans d’autres artères. A l’examen histologique, l’intima de l’artère présentait une
fibrose sous-endothéliale et une abondance de vacuoles de glycosamino-glycannes. La
media présentait une désorganisation discrète des myofibrilles et des fibres d’élastine et de
collagène, ainsi que des dépôts de glycosaminoglycannes. La valvule sigmoïde pulmonaire était
toujours normale. Les auteurs ont considéré que ces lésions étaient similaires à celles observées
dans la valve mitrale insuffisante.
Il existe donc plusieurs arguments en faveur de l’existence de ce qui pourrait être appelé
un syndrome de dégénérescence du tissu conjonctif, dont la MVMM ferait partie. Divers
mécanismes sont envisageables mais le déterminisme génétique et la pathogénie initiale des
lésions histologiques restent inconnus à l'heure actuelle. Sisson et al [68] ont émis plusieurs
hypothèses permettant d’expliquer les lésions valvulaires :
- un trouble de la synthèse du collagène (en termes de quantité, de composition, ou
d’arrangement des fibres) ;
- une activation du catabolisme collagénique ;
- un excès primaire de production de mucopolysaccharides qui interfèrerait avec
l’assemblage des fibres de collagène et d’élastine.
3.3.3 – Autres causes évoquées
Kittleson [35] a précisé qu’il était auparavant suspecté que la dégénérescence valvulaire
mitrale puisse être due à des bactéries d’origine buccale, par infection ou action toxique.
Actuellement cette théorie concerne plutôt l’endocardite bactérienne, qui auparavant était
parfois confondue avec la maladie valvulaire dégénérative que nous étudions.
Sisson et al [68] ont énuméré les autres causes évoquées au fil des nombreuses études
menées sur cette affection :
- le stress (dont le rôle dans la physiologie de la compensation a été démontré),
- l’hypertension (qui est un effet des mécanismes compensateurs, voire de
l’insuffisance cardiaque en cas d’hypertension artérielle pulmonaire),
33
34. - l’hypoxie (qui est une conséquence avérée de la baisse du débit cardiaque),
- les troubles endocriniens et notamment l’hypercorticisme (or Pedersen et al [61]
n’ont pas trouvé de relation entre la sévérité du prolapsus mitral ou la classe de taille
du jet de régurgitation et la cortisolémie),
- l’angiotensine et l’aldostérone (or il a été précisé plus haut que leur implication dans
les lésions initiales semble peu probable, notamment parce qu’ils stimulent la
synthèse de collagène contrairement à ce qui est observé).
4 – EPIDEMIOLOGIE
4.1 – FREQUENCE DE LA MVMM
4.1.1 – Prévalence à l’autopsie
L’affection dégénérative chronique des valvules atrio-ventriculaires est la plus fréquente
des lésions cardiovasculaires [1]. Sur 314 chiens autopsiés pour divers motifs, Detweiler a décrit
une atteinte chronique de la valve mitrale chez 91 animaux (29,0%). 96 cas (30,6%) étaient
comptabilisés en incluant la forme congénitale, la dysplasie mitrale [20].
Buchanan [11] souligne l’atteinte prépondérante de la valve mitrale par rapport aux
autres valves cardiaques. 62% des 230 animaux affectés par une dégénérescence valvulaire
présentaient une atteinte isolée de la valve mitrale. 34% présentaient une atteinte concomitante
des valves mitrale et tricuspide. En tout la valve mitrale était atteinte dans 99% des cas. Les
observations de Detweiler confirment l’atteinte supérieure de la valve mitrale [20].
Buchanan a cependant précisé l’existence dans plusieurs espèces d’un épaississement
bénin lié à l’âge. La prévalence était donc surestimée par l’examen nécropsique [11].
34
35. 4.1.2 – Prévalence à l’examen clinique
4.1.2.1 – Prévalence parmi diverses races canines
En Grande-Bretagne, Thrusfield et al [76] ont étudié les insuffisances valvulaires
(mitrales et autres) se traduisant par des signes cliniques dont un souffle. La population étudiée
comptait 16948 animaux de diverses races (Tableau 2). Les races prédisposées pour lesquelles
un effectif suffisant rendait la prévalence fiable étaient le Caniche (11,7 ± 2,2% IC95, n = 787
toutes variantes confondues), le Chihuahua et surtout le Cavalier King Charles.
Atteinte
relative
Race Sexe
Insuffisances valvulaires
Sains Malades
Fréquence de
l’atteinte (% ± IC95)
Races moins
atteintes que la
moyenne
Berger allemand 1040 6 0,57 ± 0,46
Labrador retriever 1842 23 1,23 ± 0,50
Terrier blanc des
Highlands de l'Ouest
mâles 389 7 1,8,k ± 1,3 i i
Races
moyennement
atteintes
Teckel 253 18 6,6,k ± 3,0 i i
Cairn terrier mâles 255 21 7,6,k ± 3,1 i i
Beagle mâles 84 7 8 ± 5 ii i
Papillon femelles 45 4 8 ± 8 ii i
Lévrier écossais femelles 20 2 9 ± 12ii ii
Pékinois 179 18 9,1,k ± 4,0 i i
Races
prédisposées
Caniche toy 113 14 11,0 ± 5,5ii
Caniche nain 568 75 11,7 ± 2,5ii
Cavalier King Charles 252 45 15,2 ± 4,1ii
Chihuahua 89 17 16 ± 7iiiiii
Caniche moyen mâles 14 3 18 ± 18iiiii
Whippet mâles 38 10 21 ± 11iiiii
Pinscher nain mâles 15 5 25 ± 19iiiii
Tableau 2 : Fréquence des insuffisances valvulaires se traduisant par un souffle cardiaque parmi
diverses races canines (d’après Thrusfield et al [76]).
Beardow et Buchanan [6] ont déterminé que le Chihuahua, le Pékinois, le Caniche nain
et toy, le Schnauzer nain et le Spitz allemand étaient des races prédisposées au SSAG dû à la
MVMM (Tableau 3). Les prévalences correspondantes n’ont pas été publiées.
Race Nombre de Risque relatif et IC95 Significativité
35
36. SSAG
Lhassa Apso 3 2,1 [0,7– 6,9] NS
Beagle 3 2,3 [0,7– 7,5] NS
Chihuahua 4 3,9 [1,2–11,4] p<0,051
Pékinois 3 3,9 [1,3–13,1] p<0,051
Caniche nain et toy 22 5,2 [3,1– 8,5] p<0,001
Schnauzer nain 9 6,3 [2,9–13,3] p<0,001
Spitz allemand 5 7,6 [2,6–20,5] p<0,001
Tableau 3 : Risque relatif d’atteinte de diverses races canines par la MVMM (d’après Beardow
et Buchanan [6] ; NS : non significatif).
Olsen et al [49] ont détecté un SSAG chez 28,9 ± 6,4% (IC95) des Teckels, sur une
population âgée de 5,4 ± 2,9 ans (n = 190). Leur atteinte a donc été sous-estimée par Thrusfield
et al. Kosztolich [38] a mené une étude clinique, radiologique et échographique portant sur 40
chiens insuffisants mitraux. La population des malades comptait 15% de Cavaliers King Charles
et autant de Teckels. Ces deux races étaient sur-représentées par rapport à la population canine
totale. Il semblerait donc que le Teckel soit prédisposé à la MVMM.
Si les données sont parfois contradictoires concernant l’atteinte du Teckel par la
dégénérescence valvulaire, en revanche tous les auteurs s’accordent pour décrire une
prédisposition marquée du Cavalier King Charles.
4.1.2.1 – Prévalence chez le Cavalier King Charles
Comme le montrent les résultats des différentes études (Tableau 4), la prévalence
globale du SSAG est comprise entre 9 et 52% chez le Cavalier King Charles. Le pays, le mode
de collecte des animaux étudiés et la répartition de leurs âges influencent beaucoup la
prévalence globale observée.
Auteurs Pays
Années de
collecte des
données
Effectif
examiné
Âge moyen
(ans)
Prévalence du
SSAG (% ±
IC95)
Malik et al [43] Australie 1988–1991 160 3,4a
ii9,4 ± 4,4
Häggström et al [22] 1e
partie
Suède 1985–1991 494 3,0 ± 2,7 13,2 ± 3,0
Beardow et Buchanan [6] Etats-Unis 1990–1991 394 2,6a
22,6 ± 3,9
Villaret [79]b
France 1995–2003 353 3,8 ± 2,7 24,9 ± 4,5
Pedersen et al [60] Danemark 1993–1994 153 3,9 ± 2,1 29,4 ± 7,2
36
37. Darke [18]
Grande-
Bretagne
<1987 431 3,3a
30,6 ± 4,4
Swenson et al [70] Suède 1993–1994 107 5,3 ± 0,3 44,8 ± 9,4
Häggström et al [22]
2e
partie
Suède 1988 61 6,4 ± 2,8 52 ± 13iiiii
Tableau 4 : Prévalence du SSAG chez le Cavalier King Charles selon différentes études
(d’après [6,18,22,43,60,70,79] ; a
: calculé d’après les données des auteurs, b
: en excluant les
consultations pour motif cardiaque).
Si l’on ignore les deux dernières études ([70] et [22] 2e
partie de l’étude), dont les
effectifs sont plus restreints et les âges moyens plus avancés, le classement suivant des
prévalences globales par pays peut être établi (où "<<" : différence significative p<0,001) :
Australie < Suède << Etats-Unis < France < Danemark < Grande-Bretagne.
Sa valeur est discutable, notamment parce que les Cavaliers King Charles nord-
américains sont directement issus des souches de Grande-Bretagne. Il est cependant
incontestable que dans tous ces pays le Cavalier King Charles est une race touchée de façon plus
fréquente que les autres par la MVMM.
4.2 – FACTEURS INFLUENCANT FREQUENCE ET
GRAVITE DE LA MVMM
4.2.1 – Influence de l’âge
4.2.1.1 – Cinétique d’apparition du SSAG
Beardow et Buchanan [6] ont déterminé que l’âge moyen de détection du SSAG était 6,3
± 2,7 ans chez le Cavalier King Charles (n = 8), contre 12,0 ± 2,8 ans chez les autres races (n =
111). Cette race est donc atteinte plus précocement (p<0,001). Le Caniche, prédisposé à la
MVMM, est cependant atteint au même âge que les autres races (12,6 ± 2,3 ans, n = 22).
De nombreux auteurs ont décrit chez le Cavalier King Charles une augmentation de la
fréquence du SSAG en fonction de l’âge [6,18,22,39,43,70,79] : p<0,02 selon Swenson et al
[70] (n = 107), p<0,001 selon Häggström et al [22] (2e
partie : n = 61). La prévalence du SSAG
suit une courbe sigmoïde (en « S ») par rapport à l’âge [22]. Elle est inférieure à 10% avant 1 an,
37
38. inférieure à 25% avant 4 ans, et comprise entre 25 et 65% après 4 ans (Tableau 5). L’âge auquel
50% des Cavaliers King Charles présentent un SSAG est compris entre 4,7 et 9,6 ans. A partir
de 11 ans tous les animaux sont atteints. Les facteurs de variation évoqués au sujet du tableau
précédent influencent beaucoup ces chiffres.
Kvart et Häggström [39] considèrent que chez le Cavalier King Charles l’incidence du
SSAG suit une courbe de Gauss, avec un maximum vers 6–7 ans. Cela correspond d’après eux à
la répartition d’un événement aléatoire au cours du temps. Parmi 39 chiens réexaminés à 3 ans
d’écart, Häggström et al [22] ont détecté 14 nouveaux SSAG, ce qui correspond à une incidence
annuelle du SSAG de 14%. Beardow et Buchanan [6] ont estimé celle-ci à 21% par an, sur 57
chiens. 28% des Cavaliers King Charles étudiés par Häggström et al [22] (3e
partie : n = 61)
étaient décédés, éventuellement suite à une euthanasie, à l’âge moyen de 11,1 ± 2,2 ans.
Auteurs
Effectif
examiné
Âge moyen
(ans)
Fréquence du SSAG (%)
selon l’âge
Âge (ans) auquel
la fréquence du
SSAG atteint
<1 an <4 ans ≥ 4 ans 50% 100%
Malik et al [43] 160 3,4a
0 ii 1,9a
25 9,6a
11 ou 12a
Häggström et al [22]
1e
partie
494 3,0 ± 2,7 1,8a
3,5a
42 7,5 11
Beardow et Buchanan [6] 394 2,6a
9i i 13,6a
56 5,7a
10
Villaret [79]b
353 3,8 ± 2,7 5,8i 16,5 i 36,7 8,5 11
Pedersen et al [60] 153 3,9 ± 2,1 SO i 17,2a
48,3a
6,2 9
Darke [18] 431 3,3a
i 3,4a
19,0a
59 4,7a
11
Häggström et al [22]
2e
partie
61 6,4 ± 2,8 0 i i i 23,5a
63,6a
6,2 11
Tableau 5 : Evolution de la fréquence du SSAG en fonction de l’âge chez le Cavalier King
Charles selon différentes études (d’après [6,18,22,43,60,79] ; SO : sans objet ; a
: calculé d’après
les données des auteurs ; b
: en excluant les consultations pour motif cardiaque).
Pour les autres races il existe très peu de données sur l’évolution de la fréquence du
SSAG. Selon Kittleson [35] la MVMM est rare chez les chiens de moins de 5 ans lorsque l’on
exclut les Cavaliers King Charles. Kvart et Häggström [39] mentionnent le fait que 1 à 5% des
chiens d’autres races atteints par la MVMM ont moins d’un an, et que 75% ont plus de 16 ans.
Olsen et al [49] ont estimé que 50% des Teckels présentaient un SSAG à 9,4 ans (n = 190).
38
39. 4.2.1.2 – Gravité de l’atteinte en fonction de l’âge
De nombreux auteurs ont décrit une augmentation significative de l’intensité du SSAG
avec l’âge [14,22,49,60,70]. Chez le Cavalier King Charles, la significativité de cette relation est
p<0,05 selon Häggström et al [22] ou Swenson et al [70], et même p<0,001 selon Pedersen et al
[60] ou Chetboul et al [14]. Chez le Teckel la même observation a été faite par Olsen et al [49],
avec p<0,001. Cependant l’intensité du SSAG n’est qu’un indice indirect de la gravité de la
MVMM.
L’âge influence également les modifications et la perte de fonction de la valve mitrale.
Chetboul et al [14] ont décrit une augmentation de l’épaisseur des feuillets mitraux des
Cavaliers King Charles avec l’âge (p<0,01, n = 114). Olsen et al [49] ont fait la même
observation chez le Teckel (p<0,001, n = 190). Une aggravation du prolapsus mitral en fonction
de l’âge a été décrite chez le Teckel par Pedersen et al [61] et Olsen et al [49]. Selon ces
derniers, ceci correspondait à une corrélation positive fortement significative (p<0,001). Ils ont
par ailleurs constaté une aggravation de la taille du jet de régurgitation (p<0,001). Chez le
Cavalier King Charles, Chetboul et al [14] ont démontré l’existence d’une corrélation positive
entre l’âge et la surface colorimétrique du reflux mitral (p<0,01, n = 86).
L’âge est en conséquence lié aux dilatations des cavités cardiaques. Chetboul et al [14]
et Pedersen et al [60] s’accordent sur une corrélation positive entre l’âge et la taille de l’atrium
gauche comparé à l’aorte (respectivement p<0,01, n = 117 et p<0,001, n = 153). Olsen et al [51]
ont observé une augmentation linéaire de la taille de l’atrium gauche avec l’âge des Teckels (n =
190). Le diamètre ventriculaire gauche en diastole augmente avec l’âge de façon linéaire chez
les Cavaliers King Charles étudiés par Chetboul et al [14] (p<0,01, n = 116), et de façon
proportionnelle au carré de l’âge parmi les Teckels suivis par Olsen et al [51].
4.2.2 – Influence du sexe
4.2.2.1 – Fréquence du SSAG selon le sexe
Toutes insuffisances valvulaires confondues et sur une population multiraciale, une
atteinte préférentielle des mâles a été constatée par Buchanan [11] (p<0,01, n = 4831) puis par
Thrusfield et al [76] (2,93% sur n = 7550 femelles, 3,94% sur n = 9398 mâles, p<0,001).
Chez le Cavalier King Charles, Beardow et Buchanan [6], Chetboul et al [14], Darke
[18], Häggström et al [22] (1e
partie) et Malik et al [43] considèrent qu’il n’existe pas de
39
40. différence significative de fréquence du SSAG entre les sexes. Dans leur seconde partie
Häggström et al [22] ont observé une atteinte significativement supérieure des mâles (p<0,05, n
= 61), sans qu’une différence d’âge moyen n’explique cette observation.
Swenson et al [70] ont établi que la fréquence du SSAG à l’âge de 5 ans était supérieure
chez les mâles (p<0,05, n = 107). Ils ont émis plusieurs hypothèses pour tenter d’expliquer ceci.
Les deux sexes pourraient présenter une différence dans la chronologie de l’évolution de la
MVMM. Celle-ci pourrait être due à une influence des gènes portés par les chromosomes
sexuels sur l’expression de certains gènes responsables de la maladie. La plus forte fréquence de
la MVMM pourrait en outre être un caractère sexuel secondaire chez le mâle.
4.2.2.2 – Gravité de l’atteinte selon le sexe
D’après les études menées par Pedersen et al [60] sur 153 Cavaliers King Charles, le
sexe n’a pas d’influence significative sur l’intensité du SSAG, le degré de prolapsus mitral ou la
taille du jet de régurgitation. Olsen et al [49] ont mentionné des feuillets mitraux plus épais et
des jets de régurgitation plus importants chez les Teckels mâles. Là encore le sexe n’était pas lié
à la sévérité du prolapsus mitral. Pedersen et al [60] ont décrit que les dimensions de l’atrium et
du ventricule gauches étaient supérieures chez les mâles (p<0,001 chacune).
Metans, Président du Club des Epagneuls nains Anglais, a compilé des données
concernant les cotations mitrales des Cavaliers King Charles. Contrairement aux conclusions
mentionnées par Roux qui les a citées [64], il existe une différence significative de cotation
échographique entre les sexes sur les 442 animaux cotés. Les mâles sont toujours moins bien
cotés que les femelles (p<0,05 pour la répartition des 5 stades de cotation). Chez les mâles les
stades 0 sont moins fréquents (p<0,05) et les stades strictement supérieurs à 1 sont plus
fréquents (p<0,05) que chez les femelles. Cependant aucune information n’étant disponible
concernant l’âge des animaux, ceci pourrait être dû à une différence d’âge.
Etant donnée la forte influence de l’âge sur les critères de gravité de la MVMM, il
apparaît nécessaire de comparer les sexes non pas en terme d’atteinte ponctuelle, mais de vitesse
d’évolution de la maladie. D’après Olsen et al [49], le prolapsus mitral s’aggrave plus
rapidement chez les Teckels mâles que chez les femelles (p<0,001, n = 190). Villaret [79] a
modélisé l’évolution en fonction de l’âge de différents critères de gravité de la MVMM. Les
droites de régression des mâles et des femelles traduisaient toutes une aggravation significative
en fonction de l’âge (p<0,01). Les rapports de leurs pentes chez les mâles, par rapport aux
femelles, étaient : 1,2 pour l’épaisseur du feuillet mitral, 2,8 pour la surface colorimétrique du
40
41. reflux mitral, 1,3 pour la taille de l’atrium gauche comparée à l’aorte et 1,4 pour le diamètre
ventriculaire gauche. Ces rapports ne sont pas significatifs mais la progression de la maladie
semble accélérée chez les mâles. Cela a été démontré par Olsen et al [51] chez le Teckel,
concernant la dilatation des deux cavités du cœur gauche (p<0,05 chacune, n = 190).
4.2.3 – Influence du poids
Chez le Cavalier King Charles, Pedersen et al [60] et Villaret [79] n’ont pas observé de
corrélation entre le poids et l’intensité du SSAG. Pedersen et al [60] ont établi l’indépendance
de la taille du jet de régurgitation par rapport au poids ou à son augmentation en 3 ans de suivi.
Selon Villaret [79] le poids n’est pas lié à la surface colorimétrique du reflux mitral. Par contre
l’index de prolapsus mitral est corrélé négativement au poids (p<0,05) chez les Cavaliers King
Charles (Pedersen et al [60], n = 153) et les Teckels (Olsen et al [49], n = 190).
Selon Hansson et al [30], la taille de l’atrium gauche, en valeur absolue ou comparée à
l’aorte, n’est pas liée au poids ni à son carré chez le Cavalier King Charles en mode
échographique 2D (n = 56). C’est par contre le cas en mode M (p<0,05). Selon Pedersen et al
[60], les diamètres atrial et ventriculaire gauches sont positivement corrélés au poids (p<0,01 et
p<0,001 respectivement, n = 153). Olsen et al [51] ont constaté chez le Teckel que la dilatation
de l’atrium ou du ventricule gauches sur trois ans était proportionnelle au poids (p<0,001
chacune, n = 190). Malgré toutes ces corrélations positives entre les dimensions cardiaques et le
poids, Villaret [79] n’a pas observé de corrélation entre le poids et le stade échographique de la
MVMM défini par Chetboul et al [14].
4.2.4 – Influence de la variante raciale
Le Cavalier King Charles se décline en plusieurs robes : Noir et feu, Ruby (feu
unicolore), Blenheim (blanc et feu), Tricolore (noir, blanc et feu) et enfin Noir et blanc. Malik et
al [43] et Darke [18] n’ont constaté aucune différence de fréquence du SSAG en fonction de la
robe. Par contre selon Beardow et Buchanan [6] les chiens de robe Noir et feu et Ruby tendent à
être plus fréquemment atteints (respectivement 26% de SSAG sur n = 19 et 29% sur n = 21,
contre 21,3% sur n = 334 chiens d’autres robes).
Pedersen et al [60] n’ont observé aucune influence de la robe sur l’intensité du SSAG, la
taille du jet de régurgitation ou le degré de prolapsus mitral. A l’opposé le prolapsus était
influencé par la robe (p<0,01, n = 190) chez les Teckels étudiés par Olsen et al [49]. Les
41
42. Teckels à poil long étaient plus gravement atteints que ceux à poil ras, eux-mêmes plus atteints
que la variante à poil dur. Les auteurs ont émis l’hypothèse d’une différence de prédisposition
génétique. Ils ont également suggéré une influence du caractère plus nerveux des Teckels à poil
long, reflétée par une fréquence cardiaque supérieure, sur l’expression des gènes impliqués dans
la MVMM. Enfin, Pedersen et al [60] ont montré que la dilatation du ventricule gauche était
influencée par la robe (p<0,05, n = 153).
5 – DIAGNOSTIC
5.1 – SIGNES CLINIQUES
5.1.1 – Motif de consultation et commémoratifs
En début d’évolution, la MVMM est le plus souvent découverte de façon fortuite à
l’occasion de l’auscultation cardiaque. Chez 106 animaux où cette affection était responsable
d’une insuffisance cardiaque, Amberger et al [1] ont constaté la répartition suivante concernant
les motifs de consultation : fatigue (50%), toux à l’effort (45%) ou nocturne (40%), faiblesse des
membres postérieurs (40%) et plus rarement syncope (10%).
Une toux fréquente et accentuée par l’effort est le premier motif de consultation lié à la
maladie [39]. Le réflexe de toux provient d’une irritation des voies respiratoires, qui peut être
localisée n’importe où entre le pharynx et les bronches principales [2]. Le diagnostic différentiel
de sa cause est donc complexe, surtout dans le cas d’un chien d’âge moyen à avancé et de petit
format. La toux peut notamment être due à une atteinte infectieuse des voies respiratoires
supérieures, à une flaccidité trachéale, à une compression des bronches souches principales ou à
une affection du parenchyme pulmonaire. Ces deux derniers cas peuvent être liés aux
conséquences d’une atteinte par la MVMM [2,28] :
- Lorsqu’il est dilaté du fait de la régurgitation mitrale, l’atrium gauche comprime les
bronches souches principales, voire le nerf laryngé récurrent.
42
43. - Une insuffisance cardiaque gauche sévère pourra se manifester par un œdème
pulmonaire interstitiel voire alvéolaire, qui comprime les voies respiratoires
profondes.
Les méthodes diagnostiques conseillées lorsqu’un animal présente une toux chronique et
un SSAG sont une radiographie thoracique, un électrocardiogramme, la recherche de parasites
cardiaques et la numération de la formule sanguine [2]. Cette dernière permet de diagnostiquer
certaines affections allergiques ou infectieuses. Pour établir le diagnostic de certitude de
l’origine de la toux il peut être nécessaire de pratiquer d’autres examens complémentaires (cf.
paragraphe 5.2). Enfin il est possible de choisir un diagnostic thérapeutique en évaluant la
réponse à un traitement diurétique de 48 à 72 heures [39].
Les autres signes compatibles avec une insuffisance cardiaque doivent être recherchés
dans les commémoratifs [1]. Tout d’abord, une baisse d’appétit et d’activité peut être notée. Elle
peut mener à une « cachexie cardiaque », c’est-à-dire un amaigrissement du à l’insuffisance
cardiaque. Cependant la présence d’œdèmes peut masquer la perte de poids [39]. Hormis la
toux, différentes formes de troubles respiratoires sont mentionnées par les propriétaires.
L’animal est parfois en état d’orthopnée : une difficulté respiratoire en décubitus latéral, qui est
améliorée en position assise ou debout [39,68]. Cette dyspnée souvent nocturne est responsable
d’insomnies. Lorsqu’elle se présente sous forme de crises paroxystiques accompagnées de
sifflements respiratoires nocturnes, elle est parfois appelée « asthme cardiaque » [68]. Amberger
et al [1] ont rapporté l’existence d’une faiblesse du train postérieur dans 87% des cas
d’insuffisance cardiaque terminale (stade NYHA IV, cf. paragraphe 5.4.2), sur 106 animaux.
Celle-ci est imputable à l’insuffisance du débit cardiaque. Selon la même étude, les syncopes
sont rares aux stades initiaux de la maladie (<10% avant NYHA IV, 50% à NYHA IV). Elles
peuvent être dues à des tachyarythmies occasionnelles, à une hypotension par action réflexe du
nerf vague ou encore à une crise de toux paroxystique [28,39].
5.1.2 – Inspection et palpation
En l’absence de symptômes autres qu’un SSAG, Hamlin [28] conseille de faire examiner
l’animal tous les 6 mois. Si celui-ci présente des symptômes tels qu’une toux, une dyspnée, une
intolérance à l’effort ou des syncopes, le recours aux examens complémentaires doit être
envisagé.
43
44. Les muqueuses sont cyanosées ou grises en phase terminale d’insuffisance cardiaque
[39]. Le pouls est rarement diminué, et uniquement en phase avancée [1] (8% en NYHA III et
IV, n = 106). Cela signe une baisse du débit cardiaque, imputable à l’insuffisance cardiaque, à la
présence d’arythmies ou à une tamponnade cardiaque lors de rupture atriale gauche avec
épanchement péricardique [39]. Une distension des veines jugulaires peut être notée, le plus
souvent en phase terminale. Elle correspond à l’existence d’une hypertension artérielle
pulmonaire ou d’un épanchement péricardique [39]. La palpation de l’abdomen permet de
déceler les signes d’une insuffisance cardiaque globale prononcée : une ascite, une
hépatomégalie et/ou une splénomégalie [39]. Amberger et al [1] ont comptabilisé jusqu’à 65%
d’animaux présentant une hépatomégalie ou une stase jugulaire au stade d’insuffisance
cardiaque NYHA IV (n = 106).
5.1.3 – Auscultation pulmonaire
Dans les cas d’insuffisance cardiaque avancée, des bruits respiratoires sont audibles à
l’auscultation des poumons [39]. Il s’agit selon Amberger et al [1] de crépitements inspiratoires
fins (31% de n = 106) voire grossiers (21%), surtout audibles en fin d’inspiration. Lorsqu’ils
sont de faible intensité ils sont liés à un œdème pulmonaire interstitiel. Un diagnostic
différentiel entre une origine cardiaque et l’existence d’une affection des voies respiratoires est
alors nécessaire. Lorsque ces sons sont marqués et accompagnés d’autres symptômes
d’insuffisance cardiaque, ils correspondent à un œdème pulmonaire alvéolaire. En cas de
sifflements expiratoires (22% sur n = 106 cas d’insuffisance selon Amberger et al [1]), il est
nécessaire de différencier un éventuel œdème pulmonaire d’une affection pulmonaire
obstructive chronique ou d’une trachéo-bronchite.
Häggström et al [26] ont constaté que la fréquence respiratoire était augmentée chez les
chiens en stade d’insuffisance cardiaque NYHA III (n = 19, FR = 35 ± 10 /min, p<0,001) et IV
(n = 5, FR = 34 ± 12 /min, p<0,001). Elle était cependant semblable pour les stades d’insuf-
fisance moins avancés (n = 35) et chez les animaux sains (n = 22).
5.1.4 – Auscultation cardiaque
5.1.4.1 – Fréquence et rythme cardiaque
Selon Amberger et al [1], deux tiers des chiens insuffisants cardiaques par insuffisance
mitrale présentent une fréquence cardiaque normale (<140 bpm). Le tiers restant présente une
44
45. tachycardie. Häggström et al [24,26] ont considéré celle-ci comme significative (p<0,001) chez
les Cavaliers King Charles ayant atteint le stade NYHA III ou IV. Chez le Teckel, Olsen et al
[49] ont rapporté une corrélation positive avec la sévérité du prolapsus mitral (p<0,005, n =
190). Celui-ci serait aggravé par la baisse du volume cardiaque induite par l’accélération des
battements. La tachycardie est due à l’augmentation des catécholamines circulantes. Elle exerce
un effet direct sur l’organisation des myofibrilles cardiaques et participe ainsi à l’insuffisance
cardiaque [1]. Chez le Cavalier King Charles, Häggström et al [23] ont déterminé une valeur
seuil de 150 bpm pour la décompensation cardiaque (n = 83), mais elle était peu discriminante.
Selon Amberger et al [1], le rythme cardiaque reste sinusal dans 90% des cas (n = 106).
Dans un tiers des cas une arythmie sinusale respiratoire est décelable [1]. Ceci correspond à une
variation de la fréquence cardiaque en fonction des mouvements respiratoires. Elle augmente
durant l’inspiration et diminue pendant l’expiration sous l’influence du nerf vague. La
variabilité de la fréquence cardiaque est un mécanisme permettant l’adaptation du débit
cardiaque. Elle joue donc un rôle important lorsque celui-ci est compromis par une régurgitation
sanguine. Häggström et al [26] ont montré que cette variabilité, notée VVTI, était diminuée
(p<0,001) chez les Cavaliers King Charles aux stades d’insuffisance cardiaque NYHA III (n =
19) et IV (n = 5). Cette diminution s’expliquerait par les modifications d’activité du système
nerveux parasympathique et orthosympathique.
Soulignons cependant que la fréquence cardiaque et sa variabilité ne peuvent être
évaluées de façon fiable que si tout stress est évité.
5.1.4.2 – Clic systolique à gauche, matité du premier bruit
Le clic systolique est un bruit cardiaque surajouté qui précède parfois l’apparition du
SSAG [68]. Il est audible en milieu de systole [39,59], surtout dans les premiers stades de la
maladie. Son audibilité dépend de la fréquence cardiaque et de la position du corps [39]. Il serait
généré par le prolapsus mitral [35]. Pedersen et al [59] ont montré que dans 94% des cas (sur n
= 18) le clic correspondait à un jet de régurgitation occupant moins de 50% de l’atrium gauche.
Les auteurs décrivent une fréquence du clic systolique inférieure à 5% chez le Cavalier
King Charles (Pedersen et al [59] : 0 à 5%, n = 57 ; Villaret [79] : 0,5%, n = 372) et chez le
Teckel (Olsen et al [49] : 2,1%, n = 190). Les clics sont pourtant détectés chez 33% des
Cavaliers King Charles (n = 57) à l’examen phonocardiographique [59]. Leur audibilité par
l’auscultation est donc toujours inférieure à 20% [59]. Elle dépend largement de l’expérience de
45
46. l’examinateur. Pedersen et al [59] n’excluent cependant pas l’existence de clics temporaires,
plus difficiles à détecter.
Une autre modification audible à l’auscultation en début de MVMM est une matité du
premier bruit cardiaque. Villaret [79] la décrit chez 2,4% des Cavaliers King Charles (n = 372).
5.1.4.3 – Souffle systolique apexien gauche
La régurgitation mitrale est responsable d’une turbulence sanguine qui se traduit par un
souffle auscultable du côté gauche du thorax, entre les espaces intercostaux 4 à 6, sous la
jonction chondrocostale [1,11]. Il est dénommé souffle systolique apexien gauche (SSAG). Sa
détection est la base du diagnostic de la MVMM. Le plus souvent, ce souffle est audible pendant
toute la systole ventriculaire [1,11,59]. En début d’évolution, le SSAG peut être intermittent et
audible uniquement en fin d’inspiration [68]. De façon anecdotique il est possible d’entendre un
souffle aigu de forte intensité, qualifié de « musical ». A l’échographie il correspond à une
vibration rapide d’un feuillet mitral. Ce type de souffle n’est pas corrélé à la gravité de la
maladie [39,68].
Le SSAG est usuellement classé en 6 grades d’intensité croissante ([24], Tableau 6).
Certains auteurs regroupent les grades 1 et 2 en « souffles de faible intensité », les grades 3 et 4
en « souffles d’intensité modérée », et les grades 5 et 6 en « souffles de forte intensité ». Les
premiers sont de basse fréquence sonore et intermittents ; les seconds sont plus intenses, de
qualité douce à âpre [6,70].
Degré Caractéristiques du souffle
1/6 Discret, peu audible, nécessite quelques minutes d’auscultation
2/6 Faible, immédiatement audible lors d’une auscultation attentive
3/6 Audible immédiatement et facilement, localisé
4/6 Puissant, audible sur une large aire d’auscultation, absence de frémissement cataire
5/6 Puissant, accompagné d’un frémissement cataire
6/6 Très puissant, audible sans stéthoscope, accompagné d’un frémissement cataire
Tableau 6 : Classification des souffles cardiaques en fonction de leurs caractéristiques à
l’auscultation (d’après Häggström et al [24]).
Selon Häggström et al [24], l’intensité du SSAG est corrélée au stade d’insuffisance
cardiaque NYHA (p<0,001, n = 79) chez le Cavalier King Charles. Cela a également été observé
par Amberger et al [1] au sein d’une population multiraciale (n = 106) : les SSAG étaient de
46
47. grade strictement inférieur à 4/6 au stade NYHA I, compris entre 2/6 et 4/6 aux stades II et III,
et strictement supérieurs à 2/6 au stade NYHA IV. Chez les Teckels étudiés par Olsen et al [51],
l’intensité du SSAG était corrélée (p<0,05, n = 190) à une dilatation future de l’atrium gauche
au cours des trois années suivantes.
L’auscultation d’un SSAG a le mérite d’être une méthode pratique permettant le
dépistage et le suivi de la MVMM. Cependant son exactitude et sa précision sont discutables si
l’on ne prend pas certaines précautions :
- En présence d’un épanchement pleural et/ou d’une tamponnade péricardique, le
souffle peut être masqué ou son intensité peut être sous-estimée [39].
- Ce type de souffle peut également être causé par une anémie, une dysplasie mitrale,
une endocardite bactérienne (cf. Diagnostic différentiel, paragraphe 5.3) ou encore
la répercussion d’un souffle plus intense audible à droite, causé par une insuffisance
tricuspidienne. Ainsi lorsqu’un souffle est audible des deux côtés du thorax sans
différence marquée d’intensité, seule l’échographie permet de distinguer les trois cas
de figure envisageables : une insuffisance mitrale primaire, une insuffisance
tricuspidienne primaire ou leur coexistence [68].
- Selon Pedersen et al [59], la fiabilité de l’auscultation comparée au diagnostic de
certitude échographique dépend de l’expérience du praticien. La concordance entre
des examinateurs d’expérience variable pour la description d’un même SSAG après
auscultation était de 63 à 88% (n = 42 SSAG).
- Selon les mêmes auteurs la coopération de l’animal est également déterminante pour
la gradation de l’intensité du SSAG (p<0,05) [59].
- Les mêmes auteurs ont enfin souligné l’influence des conditions d’auscultation du
SSAG. Lorsque l’auscultation était répétée après une course de 10 à 20 m (n = 57),
31% des chiens initialement exempts de SSAG en présentaient un. L’intensité du
SSAG était augmentée dans 38% des cas, et ce de plus d’un grade dans 15% des
cas. Ces souffles n’étaient pas des artéfacts. L’activation du système nerveux
sympathique, traduite par une accélération du rythme cardiaque, expliquait ces
résultats. Elle impliquait de ce fait une forte influence du stress ressenti par l’animal
[59].
Au bilan, selon Pedersen et al [59] la sensibilité et la précision de l’auscultation sont
maximisées lorsque l’animal vient de s’exercer et qu’il est coopératif. En fonction de
l’expérience de l’examinateur, la sensibilité de l’auscultation par rapport à la
47
48. phonocardiographie était comprise entre 38 et 88%, et sa spécificité entre 77% et 100%. Cette
sensibilité était en outre liée à la taille du jet de régurgitation : 31% à 78% lorsque le jet de
régurgitation atteignait moins de 30% de l’atrium gauche, contre 39% à 89% pour les
régurgitations plus importantes [59].
5.2 – EXAMENS COMPLEMENTAIRES
Lorsqu’un SSAG est détectable et a fortiori lorsque des signes compatibles avec une
insuffisance cardiaque sont présents, les deux examens complémentaires les plus pratiqués et les
plus riches en informations sont la radiographie thoracique et l’échographie cardiaque.
5.2.1 – Phonocardiographie [24]
Cet examen permet la mesure d’intervalles et d’intensités sonores, à partir de
l’enregistrement de trois bruits cardiaques successifs :
- B1 dont l’intensité est liée à la vitesse de fermeture de la valve mitrale,
- B2 qui est la composante aortique,
- B3, inconstant et particulièrement difficile à ausculter, qui correspond à la
décélération du flux sanguin lorsque le ventricule gauche résiste à l’augmentation de
volume.
L’intervalle entre B1 et B2 est une fonction linéaire de la fréquence cardiaque.
Häggström et al [24] ont étudié le phonocardiogramme de 79 Cavaliers King Charles. Ils
ont constaté un raccourcissement de l’intervalle entre l’onde éléctrocardiographique Q et B2
(durée de la systole) d’une part, et entre B1 et B2 d’autre part. Cette observation était valable
quel que soit le stade d’insuffisance cardiaque NYHA. Cela suggère que le ventricule gauche se
vide plus rapidement à cause de l’existence d’un volume sanguin régurgité vers l’atrium. De
plus B1/B2, rapport des amplitudes des deux premiers bruits cardiaques, était corrélé
positivement à la taille de l’atrium gauche comparée à l’aorte, et au diamètre ventriculaire
gauche (p<0,001 et r>0,74 chacun). Selon la même étude, B3 était détectable par
phonocardiographie dans 31% des cas. Sa fréquence augmentait avec le stade d’insuffisance
cardiaque NYHA (p<0,001).
48
49. 5.2.2 – Radiographie
Cet examen permet d’exclure d’autres causes pouvant expliquer les symptômes, et de
déterminer les conséquences hémodynamiques de la MVMM. Il consiste à obtenir deux
projections orthogonales du thorax. Le diagnostic repose sur la description des signes relatifs à
l’atrium gauche (critère le plus précoce et le plus fiable), au ventricule gauche, aux bronches
souches principales, aux vaisseaux pulmonaires et au champ pulmonaire [39].
Les signes de dilatation des cavités cardiaques sur une vue de profil sont [1,39,65,68] :
- un redressement du bord caudal du cœur par bombement de l’atrium gauche,
- une augmentation de taille de la silhouette de l’atrium gauche,
- un soulèvement dorsal de la bifurcation trachéobronchique,
- un pincement et un soulèvement de la bronche souche du lobe gauche,
- une augmentation du contact entre le cœur et le diaphragme,
- un cœur gauche de diamètre supérieur à la moitié du diamètre du cœur droit.
Les signes de dilatation des cavités cardiaques sur une vue de face sont [1,39,65,68] :
- un bombement de la silhouette de l’atrium gauche (localisé entre 2 et 3 heures si
l’on superpose un cadran d’horloge au contour cardiaque),
- un arrondissement du contour ventriculaire gauche,
- un arrondissement de l’apex cardiaque,
- un déplacement de l’apex vers la droite.
L’évaluation des signes d’insuffisance cardiaque peut nécessiter l’obtention d’une
radiographie abdominale. Ces signes sont, chronologiquement [1,39,65,68] :
- une distension des veines pulmonaires comparées aux artères,
- un œdème pulmonaire d’abord localisé en région péri-hilaire et au lobe caudal droit,
d’importance non corrélée à la taille de l’atrium gauche,
- un œdème pulmonaire alvéolaire qui fait apparaître des bronchogrammes,
- en cas d’insuffisance cardiaque globale : un épanchement pleural, une ascite, une
hépatomégalie et/ou une splénomégalie.
49