SlideShare une entreprise Scribd logo
1  sur  8
Télécharger pour lire hors ligne
C'EST FOU
" Vraiment ?
­ Oui ?
­ Combien de mois vous partez ?"
On est dans la salle de jeu. Il fait encore
froid dehors. C'est une des premières
semaines au village.
" Je vous remercie tous. Je suis déçu que
vous partiez.
­ Merci que vous ayez voulu nous changer
la vie".
Cette annonce que l'on fait d'abord aux
jeunes du campus universitaire, les laisse
sans voix.
" Vous avez commencé à nous montrer
autre chose, un autre monde.
­ Si on est dans la rue c'est, de toutes
façons, de la faute des parents, de la
famille.
­ Il y a des choses que je n'aurais pas du
savoir à sept ans.”
On ne s'attendait pas à une telle réaction.
On s'imaginait leur dire mais qu'ils
réaliseraient plus tard, qu'ils réagiraient
moins vite.
Là.
C'est le silence.
Un instant de répit, puis :
"On fera un spectacle ?,
­ Une parade !"
C'est là que nous aussi on achève de
réaliser la situation.
C'est la fin de la Casa. La fin de dix ans
d'aventure avec les jeunes des rues de
Timișoara. C'est certes un peu triste Mais
c'est déjà fou d'avoir tenu dix ans quand on
ne venait que pour quelques semaines.
Fou d'avoir obtenu de si grands résultats
avec aussi peu de moyens.
Folles, les conditions de vie.
Folle, l'énergie dépensée.
Fous les dizaines de volontaires qui se
sont succédés.
Fous les parrains, les associations, tous
ces gens de peu qui se sont mobilisés pour
ces gens d'encore moins.
Fou encore que cette histoire n'ait pas
encore changé la face du monde.
Du coup, normal, on est un peu las.
En 2003, on est arrivé avec un projet
original, beaucoup d'énergie, pas mal de
Janvier Avil 2013
1
Feuille de planning (cuisine, vaissellle, activités...) d'un jeudi /vendredi réalisée par les jeunes
B u L e T i N u L
monde et à peu près pas d'argent.
Dix ans ça a tenu.
Depuis un an et demi, nous n'avons pas vu
l'équipe se renouveler, l'énergie s'essouffle.
La situation économique reste des plus
précaires (gros déficit). Bref, il y a deux
mois nous avons pris la décision d'arrêter
complètement l'action en juin, de clore
l'association. Terminée la Casa de Clovni.
Suivre chacun nos chemins de vie
autrement.
L'objectif ultime d'une organisation comme
la nôtre est de disparaître une fois la
mission accomplie.
Nous partons sans doute un peu tôt au vu
de ce que nous pourrions encore faire.
Mais dix ans tout de même. ce serait folie
de nous jeter une pierre.
***
Malgré cette annonce une nouvelle session
a débuté en mars et se terminera fin juin.
On a déjà reçu 31 jeunes dans un espace
réaménagé, encore plus évident à utiliser
pour eux. Ils connaissent maintenant bien la
maison et ses possibilités. La formule
générale reste inchangée : sorties­rue les
lundi et mardi, accueil des jeunes au village
les jeudi et vendredi. Le reste du temps est
dédié aux démarches médico­sociales, à
l'aménagement de la maison, à la
préparation des activités...
Au niveau de l'équipe, il y a Dom, Moni,
Iain, Maëlle et Silvère. On a eu la visite de
Téo. Elle a été à l'origine de l'association en
2003, elle en est même devenue
présidente. Depuis 2007, elle vit au
Québec. Elle est venue un jeudi­vendredi
nous prêter main forte, observer les
changements. Elle a été soufflée de voir à
quel point les jeunes se prenaient en main.
C'est vrai, depuis le début de la session ils
se prennent en charge totalement. Ils
composent eux­mêmes le programme
d'activité, se répartissent les tâches (repas,
vaiselle, ménage). Fanny s'est replongée
elle aussi dans l'ambiance des jeunes et de
la Casa, la semaine de Pâques. Elle était
un peu déboussolée de voir à quel point ils
avaient grandi en deux ans. Elle repart
préparer le Festipop, ses souvenirs
réactualisés. Marie­Pierre devrait (comme
d'habitude) arriver sous peu et une
volontaire, Sophie, se joindra à notre bande
pour le mois de Juin.
Il y a, en dehors du "quotidien", des projets
des événements à préparer : Fifitut le 22
avril et Jos Masca ! fin Juin (p.3).
De tout l'hiver on ne vous a pas donné de
nouvelles, un petit récapitulatif des
actions médicales et sociales s'impose
donc (p.4).
Dix ans depuis le parc des Roses (p.6)
On a fait quelques travaux (p.7).
En décembre on vous annonçait une
situation financière compliquée.
Explication de comment ça a évolué en p.7.
Et puis comme ça va faire dix ans de Casa,
on commence à avoir des statistiques
parlantes sur l'impact de l'action menée
(dernière page).
2
la préparation des repas reste l'activité la plus convitée
FIFITUT 2013
Alors que nous nous dirigeons vers le village, dans
la voiture, Nicu nous fait l’historique. Maëlle l’écoute
attentivement, Silvère conduit en essayant d’éviter les
nids de poules qui se sont multipliés avec la sortie de
l’hiver, et moi je pense déjà à ce que je vais écrire de
ce FIFITUT : il ne s’est encore rien passé.
2010, 2011, 2012, la Casa participe depuis 4 ans à ce
festival et Nicu est l’unique membre permanent de
l’équipe ! Aucun anim' ne peut rivaliser avec lui,
aucun n’a été aussi fidèle que lui à cette
manifestation. Alors il en profite un peu et remonte le
temps… Viorel et lui sont cependant bien d’accord, la
meilleure fois, c’est la première ! Cela réjouit les
novices. Édition 2010, donc pour eux. En plus cette
année là, les T­shirts des joueurs de la Casa étaient
noirs, et ça c’est la classe.
L’an dernier, orange… à quoi s’attendre maintenant ?
Pour l’instant, avec Bidești et Mircea, nous allons
tranquillement au village… dépassons Uivar et nous y
voilà.
Juste le temps de donner le programme et nous
passons sous le chapiteau, enfin le rond de terre au
sol qui symboliquement en tient lieu, pour un court
atelier théâtre, quelques sujets d’impros au soleil
couchant.
C’est quoi un FIFITUT ? comment ça marche ? Qui
sera là ?
Une douche un repas un film plus tard… retour en
ville pour l’atelier du matin. Iain nous rejoint, puis
Silvère multiplie par deux le nombre des participants
de l’équipe en y ajoutant les jeunes tout frais sortis de
la rue et motivés du matin : Ștefan, Claudiu, Delia et
Norbert. L’atelier continue avec eux : et si on faisait
des machines ?
Vient assez vite l’heure du repas et donc de retrouver
les autres festivaliers…visiblement tous ne savent
pas que nous sommes aussi participants au festival
et l’un des profs (serbe) demande à l’organisateur si
« on ne pourrait pas changer de trottoir car il y a des
indésirables qui nous collent ? ». Comme les
indésirables, c’est nous, et qu’en fait de la coller, on
suit juste le groupe, je me présente et… lui confirme
bien qu’on va encore la coller un moment car… on
est ensemble. On va même manger au même
restaurant, si si… même jouer sur scène avec ses
élèves ? Elle imagine mal... le thème du festival cette
année (selon le programme) les Droits de l’Homme.
Ils ont du travail.
Bon… après le repas, Lalie nous accompagne jusqu’
à la salle et se met au rythme des jeunes : on avait
prévu sieste mais eux veulent remonter sur scène et
travailler, alors, au boulot !
Exercices et rires se complètent tout l’après­midi,
sous l’œil complice de notre maitre d’atelier
compréhensif : Lalie faisait partie de l’équipe au
printemps 2006, peut être certains ont encore en tête
le "Bal en Délire" sous le chapiteau qu’elle avait
organisé avec et pour nous.
Donc.
Les sujets d’impro se succèdent et c’est seulement a
la proposition « départ en vacances » qu’un bref
mouvement d’impatience accompagné d’un
haussement d’épaules voit le jour « comment tu veux
que je sache ça ressemble à quoi, les vacances ? »
auquel répond un prudent « c’est pas faux… je vais
revoir mes fiches ».
Vient l’heure de la distribution des T­shirts, pour
l’équipe de la Casa ils seront… violets ! Viorel
hésite… préfèrerait celui noir sur lequel est écrit
« Staff », et puis il l’enfile quand même… couleur qui
ne l’empêche pas de déplacer quelques chaises pour
préparer la salle avec ceux en noir.
Dimanche après­midi en quittant le groupe du
campus universitaire avec nos quatre joueurs,
d’autres auraient bien voulu les accompagner… en
guise de consolation, on leur avait laissé le
programme du festival, avec l’adresse et l’heure du
match : ils sont 5 au rendez­vous pour soutenir notre
équipe ! D’ailleurs on décide de ne pas faire une
équipe Casa de Clovni contre une « universitaire »
mais de mélanger les joueurs dans les deux équipes
et jouer avec les étudiants. Les sujets ? Après les
jeux d’échauffement se succèderont « machine à
fabriquer un arc en ciel » (ça tombe bien on a répété
les machines…), « aiguilles à tricoter », « moulin à
vent », « il n’en reste plus » en mode chanté, « un
samedi à la mairie » et promenade dans les
Carpates ». 45 minutes de pur plaisir à les voir
rayonner sur scène, s’écouter, s’entraider, répondre
aux propositions des uns par d’autres encore plus
créatives, partager l’espace, nous faire part de leur
univers, "Ma maison ? Il n'en reste plus" chantonné,
jouer très sérieusement, faire rire tout un public en
restant parfaitement concentrés : de vrais pros de la
scène (ou du cirque).
Ils participent même ensuite au festival en tant que
spectateurs avisés, avec droit de vote, après les
applaudissements, applaudir les autres, et suivre les
deux heures de matchs des équipes universitaires
francophones… Le programme en poche, Nicu est
même revenu le lendemain voir la suite...
Journée inoubliable, comme à chaque fois qu'ils
montent sur scène.
Et déséspérante, quel travail il y aurait encore à faire
pour ne plus être les indésirables...
À en croire les applaudissements, bis, à un moment,
quelques instants, ils ont enfin été désirés.
Restez là, on ne changera ni de trottoir ni de salle ni
de programme.
"And the show must..."
3
BILAN RAPIDE
Si on se fie à nos comptes, depuis le début
de l'année jusqu'au 18 mai 2013, on totalise
40 actions médicales et 33 actions sociales.
Pour le médical il est principalement question
de contrôles gynécologiques. Les démarches
sociales sont les retours à la maison, les
paquets alimentaires, les papiers d'identité.
Quelques exemples notables :
Nicu va enfin pouvoir avoir sa carte
d'identité. Après avoir joué de malchance sur
les précédentes démarches (remise à zéro
du système informatique qui avait fait perdre
toutes traces de son existence), nous
parvenons à remonter le dossier, faire venir
sa soeur comme témoin qu'il est bien Nicu....
bref des allers­retours, des temps d'attente
incalculables, de la frustration en bloc et
quelques tonnes de patience plus tard, il ne
reste plus qu'à... attendre encore un peu.
Olga avait donné jour à un petit l'année
dernière. Il est actuellement placé en famille
d'accueil. La voilà de nouveu enceinte. On
ne sait exactement de combien de temps. On
essaie de la voir pour l'avortement, la
loupons systématiquement. La dernière fois
qu'on se croise, elle ne veut plus avorter :
quelqu'un lui a dit que c'était un péché. On
lui réexplique les risques, allons même voir
sa mère... Elle change à nouveau d'avis. On
prend rendez­vous avec elle pour aller à
l'hôpital, elle n'y est pas. À l'heure actuelle le
cas n'est pas résolu
Mircea, on a essayé de lui faire ses papiers,
pendant longtemps. En vain. Nous l'avions
aidé à rentrer chez lui. Ça faisait quelques
mois qu'on ne l'avait pas vu et il réapparaît
en sortie­rue.
Avec l'aide du pope local, il devrait réussir à
faire ses papiers. ça nous paraît inespéré.
Lui presque il s'excuse de ne pas faire les
démarches avec nous.
Là encore un peu de pateince à avoir mais
l'affaire sent très bon. Mircea est handiapé (il
a une jambe plus courte que l'autre), pour lui
carte d'identité rime avec pension handicap.
Peut­être enfin l'opportunité de changer de
vie pour de vrai.
4
ALORS LÀ C'EST ÉNORME
C'est du lourd, dirait Dom, c'est Lourdes, quoi. Ou
JC marchant sur les eaux : Florin Bidesti entend !!!
On reste abasourdi pareil !
Un test plus tard, audiogramme imprimé, le voilà
appareillé :
Le visage s'illumine... on reprend le dialogue de
sourds et... il n'est plus sourd ! Il répond, il se
raconte.
Son visage illuminé nous hallucine Bidesti qui nous
entend nous parle nous répond du tac au tac. Et
l'assistante du salon AudioNova qui est curieuse et
habituée plus que nous à gérer ce genre de
situations, nous restés bouche­bée devenus muets
pour l'occasion, prend le relais et hallucine pareil à ce
que raconte Bidesti... elle lui pose des questions
banales sur sa vie à lui, pas banale du tout,
inimaginable pour elle : ta date de naissance (elle
aimerait aussi compléter le dossier...) il ne la connait
pas mais nous raconte quand même la fête, il y avait
de la drogue et des filles. Comment tu te débrouilles
dans la rue ? Tu vis où ? Tu gagnes comment un peu
d'argent ? Tu entendais quand tu étais petit ? Il n'en
a aucun souvenir, ça a toujours été comme cela pour
lui, l'enfant différent.
Rencontre du 3e type au sommet. Et le seul qui reste
à l'aise, qui sourit, qui rayonne et qui trône, c'est lui,
Florin.
Au début il y avait un doute, il vient de la rue il s'est
drogué je ne peux pas faire le test cela demande trop
de concentration pour lui... puis finalement elle se
laisse influencer, d'accord, on va essayer, tout en
ayant quand même glissé discrètement le prix de la
séance. On avait dit, banco, ça vaut le coup
d'essayer... on ne savait pas encore, à quel point.
Dans le petit cabinet capitonné, "tu appuies sur le
bouton quand tu entends un son..." une tentative,
deux... l'assistante n'insiste pas et se met à son
service : pas la peine qu'il appuie, je le vois bien sur
son visage quand il entend ! et elle lui fait passer le
test à l’œil. L'audiogramme est implacable : surdité
sévère, 77% perdus.
On a tous quitté notre univers pour faire un pas vers
l'autre, et celui qui se retrouve le plus à l'aise d'être là
et d'entendre pour la première fois, le moins
traumatisé du monde, c'est lui.
Enfin Bidesti nous parle, et en plus il est bavard.
M e D i C o S o C i A l
5
Dom m'a demandé de couper les cheveux de Viorel car la machine pour tondre
est cassée et il avait chaud (et des poux aussi...)
donc j'ai commencé derrière, là où il ne peut pas voir... c'était vraiment
dur, un massacre quoi, alors j'ai demandé à Maëlle de continuer, un côté....
puis Silvère, un autre... puis un autre jeune, Iosca, a décidé que ça serait
mieux de tout couper et de le raser complètement, Viorel a dit d'accord si
vous me donnez une casquette, alors je suis allée chercher la dernière
casquette du stock, il a de la chance, et puis Iosca lui a mis la boule à
zéro, le crane tout lisse, au rasoir à main, un vrai boulot ! : maintenant il
n'a plus de poux et peut dormir tranquille ! Et une belle casquette rouge
aussi. Moi j'ai juste appris que coiffeur, c'est un métier. Et le soir même
on s'est empressé de retrouver tous les éléments de la tondeuse pour la
remettre en marche !
Le prochain jeune qui passe, il aura exactement ce qu'il voudra.
LE PARC DES ROSES 2003­2013,
LE TIMIȘOARA NOUVEAU EST
ARRIVÉ
Touriste novice, Wikipedia vous informe : "Autrefois
qualifiée de Petite Vienne, la ville de Timișoara est
surnommée la Cité des roses en raison de ses
nombreux parcs et jardins et de sa roseraie, créée en
1928, qui maintient près de 600 variétés de roses."
Mais vous demandez­vous parfois ce qu'est devenu le
parc des Roses ?
Ce dimanche, on avait rendez­vous avec Nicu à la
fontaine du parc des Roses, ce qui m'a donné
l'occasion d'en refaire le tour du propriétaire, ou du
moins, de l'ex­locataire par intermittence.
2013, le Timișoara nouveau est arrivé, le projet Bega
Boulevard a bien avancé...
Les lampadaires sont solaires, les allées claires et
refaites, petits graviers proprets, dalles uniformisées,
les rosiers bien alignés.
Et plus personne ne pourrait vous croire si vous
affirmiez que vous avez habité là quelques mois,
quelques années, squatté quelques tentes ou
caravanes, dans le trou, il y avait monté, un chapiteau.
Le trou est encore là.
Mais il n'est plus accessible du parc, un haut grillage le
ceinture : il est rattaché aux tennis maintenant, il faut
en faire le tour pour entrer. Il reste cependant le
rendez­vous des propriétaires de chiens en début de
soirées.
La fontaine, inaugurée en 2004, est toujours là, l'eau y
parait chaude en hiver, froide en été... et comme ici on
passe directement de l'hiver à l'été, elle est toujours
agréable. Et nombreux sont les promeneurs qui s'y
arrêtent pour s'y rafraîchir, s'y donnent rendez­vous.
Mais Nicu avait hésité : il y a trop de policiers, aussi.
Vous avez remarqué ?
Et puis la cabane verte métallique ("où est la clé des
chiottes ?"), ainsi que tous les bancs assortis, ont
disparu.
Vous ne le savez peut­être pas, mais le parc a été
refait récemment : il y a un mur grillagé tout le long et
les rosiers qui poussaient en bordure ont disparu. En
revanche, portails et cadenas ont fait leur apparition,
avec horaires d'ouverture, de 08h à 22h tous les jours
sauf le lundi, quand le parc reste fermé.
Il parait que Nelu est toujours là.
Les mariages s'y succèdent toujours le week­end,
avec séances photos en longues robes blanches sous
les tonnelles.
Tout le mobilier urbain a été changé, de métallique il
est passé en bois massif peint en blanc. Ou plastique,
tels ces rangées de chaises vertes fixées 5 par 5 par
leurs pieds, qui remplacent les bancs métalliques,
beaucoup plus léger à transporter mais impossible
maintenant de s'y allonger.
Et peut­être vous ne savez pas non plus que
maintenant on peut y louer des vélos jaunes pour 3
Ron l'heure ?
Peut­être même ne savez vous pas qu'on est passé
du Lei au Ron en retirant 4 zéros à l'un ?
Et qu'on est rentré dans l'Europe ? Il y a eu combien
de gouvernements en 10 ans, et de maires différents
? Et combien de politiques mises en place pour
l'enfance défavorisée ? Quelqu'un se l'est ­il un jour
demandé ?
L'an dernier début juin, pour la journée des enfants,
c'était l'inauguration du parc des Enfants, juste en face
du parc des Roses. Juste un pilier du pont à traverser.
Et de l'autre côté, sous l'autre pilier du pont, il y avait
un môme qui hurlait et hésitait à sauter à l'eau.
Les pédalos pédalaient nonchalamment. Charmant.
Si vous louez un vélo maintenant, vous pourrez
parcourir toute la ville à travers ces parcs et rues
piétonnes : la rue Mărășești, longeant l'opéra et la
synagogue, est elle aussi devenue piétonne. Là vous
pouvez même rendre votre vélo.
Vous pourrez aussi longer la Bega, tous les dessous
de ponts ont effectivement été rendus aux passants.
Sous le pont Mitropolit, il y a un café littéraire. Et les
squats de Trăian ont tous été murés.
Les jeunes maintenant squattent un vieux
transformateur électrique au campus universitaire,
déménagent en permanence : certes ça leur est facile,
ils ont pour toute propriété ce qu'ils portent sur le dos
et les poches vides. Quelques sachets cependant...
pendus à la bouche.
Et, toujours à vélo, aller directement du parc des
Roses à celui des Enfants en passant sous le pont
Michel­Ange. Là bas pour les enfants de 3 à 7 ans il y
a même une rivière magique qui se descend en canoë.
Le petit train a repris du service mais ne roule plus sur
rails, mais sur pneus. Les trampolines intégrés au sol
sont extras, il fait bon être un enfant dans cette ville­là.
Demain au village des jeunes viendront arroser les
oignons qu'ils ont plantés il y a 15 jours et y trouver du
sens, ne me demandez pas lequel.
Moi, je le cherche encore en lisant le rapport d'activité
de la Casa de Clovni septembre­novembre 2003.
Il parlait de monter le chapiteau au parc des Roses
pour une période test de 2­3 mois, "pour juger de la
situation et de la pertinence de notre action" et puis on
verra bien.
Il était jeune et optimiste, pressé et naïf. Enthousiaste.
Et on a bien vu.
Sanitaire, eau, électricité ?Nous improviserons.
les moyens financiers ? nous verrons bien.
le chapiteau quelques balles de jongle et les gamins
sont déjà là.
Il y avait Claudia, Albert, Florin, Laurentiu, Elvis, Giani,
Mircea, Florentina...
Oserai­je un... que sont­ils devenus ? Vous voulez
vraiment le savoir ? Vous demandez­vous parfois ce
qu'est devenue cette jeunesse là ? Et leurs petits
frangins frangines ?
On s'installe avec notre énorme bagage dans le
groapa, le trou : ça a de la gueule.
Et le premier spectacle donné sous le chapiteau le 15
novembre 2003 s’appelait "à la fin de l'histoire".
D'ailleurs la ligne du temps de la fiche pédagogique
proposée ensuite en école adaptée s'arrête en 2013,
je devrais pas être si étonnée après tout.
6
Travaux
En début de session, Dom est pris d'une folie
novatrice. Il veut réaménager tout l'espace de la
maison, se réaproprier les lieux après la trève
hivernale.
Il passe une semaine avec Larisa où ils s'occupent
d'une somme de détails. Une étagère par­ci, un
rangement par là. Nettoyage, organisation. La
maison est en ordre de marche pour une ultime
session.
****
On en revient toujours aux fondamentaux :
manger, dormir, se laver...
Côté manger, c'est depuis longtemps rôdé : une
équipe cuisine qui s'organise dans la caravane
comme bon lui semble et... on est toujours
rassasié !
Et le soir, cerise sur le gateau, deux autres
volontaires pour allumer un feu sous les étoiles, y
mettre à griller de la viande et, au passage, se
raconter. Avant d'inviter tout le monde au festin.
Côté dormir, depuis qu'on a la maison, c'est la
priorité, et comme des rois encore. Dans des
draps propres à chaque passage, devant un film le
soir et jusqu'à pas d'heure le matin : au loin, la
fatigue.
Du coup, il ne restait qu'un seul besoin à satisfaire
jusqu'au bout de l'autonomie et c'est chose faite
depuis le printemps : au fond de l'atelier au coin
du mur : une douche !
En libre service, bien loin du trafic d'eau dans les
bassines...
Avec son chauffe eau particulier, son mur carrelé
bleu, son rideau léger et son tapis sortie de bain à
fleurs, sa planchette où aligner les shampoing et
autres gels, grandes serviettes éponges blanches
à volonté, peignes et brosses à dent à
disposition...
À chacun de gérer l'espace et le temps du savon
comme il le veut. Un loquet pour fermer la porte,
puis... Ça bulle.
Chaude ou froide, expresse ou interminable,
habillé ou tout nu. Tout est possible pour ressortir
souriant et propre, c'était vraiment une bonne
idée, cette douche.
FINANCES
Certes nous vous annonçons la fin de notre
activité. Nous serons cependant présents jusque
fin juin. Les jeunes comptent sur nous pour des
contrôles gynécologiques, des suivis de
grossesse, des traitements de maladies,
notamment MST, des finalisations de papiers
d'identité avec notre avocat, des retours en
famille... Nous nous devons d'assurer ces
dernières démarches au mieux possible, étant
donné qu'elles seront les dernières elles
prennent un caractère plus décisif.
On vous annonçait en décembre qu'il nous
manquait 4000 euros pour le fonctionnement de
l'association.
Vous avez entendu notre appel et nous avez
envoyé 1800 euros de dons (en plus des
parrainages).
C'est énorme et nous vous en remercions. Nous
n'avons actuellement aucune idée de comment
nous allons assurer les dernières démarches.
Nous nous trouvons, pour cette avant dernière
lettre d'info, encore une fois dans la position de
vous demander de participer.
Sûrement vous demandez vous, si vous
êtes parrain, "Quid de mon parrainage en
juin ?".
Vous pouvez bien sûr faire le choix d'arrêter de
donner quand vous le souhaitez. Dans le cas où
vous feriez le choix de nous aider jusqu'à la fin,
sachez que les prélèvements cesseront
automatiquement en décembre 2013.
Il nous faudra d’ici­là assurer les frais liés à la
maison, aux démarches administratives relatives
à notre dissolution, et enfin tâcher d’éponger un
maximum des dettes contractées par
l’association.
7
Un peu surpris dans les travaux par la neige (fin mars).
T e C h N i Q u E
8
AVIS EN 2012 C'EST
113 enfants et jeunes rencontrés dans la rue
en 2012, dont 48 ont participé aux activités
sous le chapiteau
118 actions médicales
172 actions sociales au total
21 jeunes ont été accompagnés dans leurs
familles
Des jeunes dans de réelles démarches
d’intégration sociale
Plus de 700 repas servis
1 Festival de cirque et
1 Festival de théâtre

Contenu connexe

Similaire à Buletin mai 2013

Malakocktail 65 (automne 2011)
Malakocktail 65 (automne 2011)Malakocktail 65 (automne 2011)
Malakocktail 65 (automne 2011)Malakocktail
 
Malakocktail 68 (été 2012)
Malakocktail 68 (été 2012)Malakocktail 68 (été 2012)
Malakocktail 68 (été 2012)Malakocktail
 
Malakocktail 75 (été 2014)
Malakocktail 75 (été 2014)Malakocktail 75 (été 2014)
Malakocktail 75 (été 2014)Malakocktail
 
Mystere trio 15 ans déjà ! Rétrospective
Mystere trio 15 ans déjà ! RétrospectiveMystere trio 15 ans déjà ! Rétrospective
Mystere trio 15 ans déjà ! RétrospectiveLaurent MEYER
 
éLoge de-la-folie-mai-2017
éLoge de-la-folie-mai-2017éLoge de-la-folie-mai-2017
éLoge de-la-folie-mai-2017webfltr
 
Malakocktail 67 (printemps 2012)
Malakocktail 67 (printemps 2012)Malakocktail 67 (printemps 2012)
Malakocktail 67 (printemps 2012)Malakocktail
 
Le fustellois n°3 juin 2017
Le fustellois n°3  juin 2017Le fustellois n°3  juin 2017
Le fustellois n°3 juin 2017Roland Garros
 
Mantois en transition métamorphose
Mantois en transition métamorphoseMantois en transition métamorphose
Mantois en transition métamorphoselaetizia
 
Malakocktail 76 (automne 2014)
Malakocktail 76 (automne 2014)Malakocktail 76 (automne 2014)
Malakocktail 76 (automne 2014)Malakocktail
 
Francês Instrumental - Aula 02
Francês Instrumental - Aula 02Francês Instrumental - Aula 02
Francês Instrumental - Aula 02mundogeofieo
 
Bon anniversaire guillaume version dimanche 24 juin
Bon anniversaire guillaume version dimanche 24 juinBon anniversaire guillaume version dimanche 24 juin
Bon anniversaire guillaume version dimanche 24 juinFREDERIQUERAPPENNE
 
Malakocktail 64 (printemps 2011)
Malakocktail 64 (printemps 2011)Malakocktail 64 (printemps 2011)
Malakocktail 64 (printemps 2011)Malakocktail
 
Malakocktail 58 (automne 2009)
Malakocktail 58 (automne 2009)Malakocktail 58 (automne 2009)
Malakocktail 58 (automne 2009)Malakocktail
 

Similaire à Buletin mai 2013 (20)

Journal de bussy numéro 84
Journal de bussy numéro 84Journal de bussy numéro 84
Journal de bussy numéro 84
 
Jovence Saison#5
Jovence Saison#5Jovence Saison#5
Jovence Saison#5
 
Malakocktail 65 (automne 2011)
Malakocktail 65 (automne 2011)Malakocktail 65 (automne 2011)
Malakocktail 65 (automne 2011)
 
Cop21
Cop21Cop21
Cop21
 
Malakocktail 68 (été 2012)
Malakocktail 68 (été 2012)Malakocktail 68 (été 2012)
Malakocktail 68 (été 2012)
 
Malakocktail 75 (été 2014)
Malakocktail 75 (été 2014)Malakocktail 75 (été 2014)
Malakocktail 75 (été 2014)
 
Mystere trio 15 ans déjà ! Rétrospective
Mystere trio 15 ans déjà ! RétrospectiveMystere trio 15 ans déjà ! Rétrospective
Mystere trio 15 ans déjà ! Rétrospective
 
éLoge de-la-folie-mai-2017
éLoge de-la-folie-mai-2017éLoge de-la-folie-mai-2017
éLoge de-la-folie-mai-2017
 
Malakocktail 67 (printemps 2012)
Malakocktail 67 (printemps 2012)Malakocktail 67 (printemps 2012)
Malakocktail 67 (printemps 2012)
 
Le fustellois n°3 juin 2017
Le fustellois n°3  juin 2017Le fustellois n°3  juin 2017
Le fustellois n°3 juin 2017
 
Oct 2014 page par page
Oct 2014   page par pageOct 2014   page par page
Oct 2014 page par page
 
Mantois en transition métamorphose
Mantois en transition métamorphoseMantois en transition métamorphose
Mantois en transition métamorphose
 
Malakocktail 76 (automne 2014)
Malakocktail 76 (automne 2014)Malakocktail 76 (automne 2014)
Malakocktail 76 (automne 2014)
 
Journal de bussy numéro 97
Journal de bussy numéro 97Journal de bussy numéro 97
Journal de bussy numéro 97
 
Francês Instrumental - Aula 02
Francês Instrumental - Aula 02Francês Instrumental - Aula 02
Francês Instrumental - Aula 02
 
Malakocktail 77
Malakocktail 77 Malakocktail 77
Malakocktail 77
 
Bon anniversaire guillaume version dimanche 24 juin
Bon anniversaire guillaume version dimanche 24 juinBon anniversaire guillaume version dimanche 24 juin
Bon anniversaire guillaume version dimanche 24 juin
 
Malakocktail 64 (printemps 2011)
Malakocktail 64 (printemps 2011)Malakocktail 64 (printemps 2011)
Malakocktail 64 (printemps 2011)
 
KP10
KP10KP10
KP10
 
Malakocktail 58 (automne 2009)
Malakocktail 58 (automne 2009)Malakocktail 58 (automne 2009)
Malakocktail 58 (automne 2009)
 

Buletin mai 2013

  • 1. C'EST FOU " Vraiment ? ­ Oui ? ­ Combien de mois vous partez ?" On est dans la salle de jeu. Il fait encore froid dehors. C'est une des premières semaines au village. " Je vous remercie tous. Je suis déçu que vous partiez. ­ Merci que vous ayez voulu nous changer la vie". Cette annonce que l'on fait d'abord aux jeunes du campus universitaire, les laisse sans voix. " Vous avez commencé à nous montrer autre chose, un autre monde. ­ Si on est dans la rue c'est, de toutes façons, de la faute des parents, de la famille. ­ Il y a des choses que je n'aurais pas du savoir à sept ans.” On ne s'attendait pas à une telle réaction. On s'imaginait leur dire mais qu'ils réaliseraient plus tard, qu'ils réagiraient moins vite. Là. C'est le silence. Un instant de répit, puis : "On fera un spectacle ?, ­ Une parade !" C'est là que nous aussi on achève de réaliser la situation. C'est la fin de la Casa. La fin de dix ans d'aventure avec les jeunes des rues de Timișoara. C'est certes un peu triste Mais c'est déjà fou d'avoir tenu dix ans quand on ne venait que pour quelques semaines. Fou d'avoir obtenu de si grands résultats avec aussi peu de moyens. Folles, les conditions de vie. Folle, l'énergie dépensée. Fous les dizaines de volontaires qui se sont succédés. Fous les parrains, les associations, tous ces gens de peu qui se sont mobilisés pour ces gens d'encore moins. Fou encore que cette histoire n'ait pas encore changé la face du monde. Du coup, normal, on est un peu las. En 2003, on est arrivé avec un projet original, beaucoup d'énergie, pas mal de Janvier Avil 2013 1 Feuille de planning (cuisine, vaissellle, activités...) d'un jeudi /vendredi réalisée par les jeunes B u L e T i N u L
  • 2. monde et à peu près pas d'argent. Dix ans ça a tenu. Depuis un an et demi, nous n'avons pas vu l'équipe se renouveler, l'énergie s'essouffle. La situation économique reste des plus précaires (gros déficit). Bref, il y a deux mois nous avons pris la décision d'arrêter complètement l'action en juin, de clore l'association. Terminée la Casa de Clovni. Suivre chacun nos chemins de vie autrement. L'objectif ultime d'une organisation comme la nôtre est de disparaître une fois la mission accomplie. Nous partons sans doute un peu tôt au vu de ce que nous pourrions encore faire. Mais dix ans tout de même. ce serait folie de nous jeter une pierre. *** Malgré cette annonce une nouvelle session a débuté en mars et se terminera fin juin. On a déjà reçu 31 jeunes dans un espace réaménagé, encore plus évident à utiliser pour eux. Ils connaissent maintenant bien la maison et ses possibilités. La formule générale reste inchangée : sorties­rue les lundi et mardi, accueil des jeunes au village les jeudi et vendredi. Le reste du temps est dédié aux démarches médico­sociales, à l'aménagement de la maison, à la préparation des activités... Au niveau de l'équipe, il y a Dom, Moni, Iain, Maëlle et Silvère. On a eu la visite de Téo. Elle a été à l'origine de l'association en 2003, elle en est même devenue présidente. Depuis 2007, elle vit au Québec. Elle est venue un jeudi­vendredi nous prêter main forte, observer les changements. Elle a été soufflée de voir à quel point les jeunes se prenaient en main. C'est vrai, depuis le début de la session ils se prennent en charge totalement. Ils composent eux­mêmes le programme d'activité, se répartissent les tâches (repas, vaiselle, ménage). Fanny s'est replongée elle aussi dans l'ambiance des jeunes et de la Casa, la semaine de Pâques. Elle était un peu déboussolée de voir à quel point ils avaient grandi en deux ans. Elle repart préparer le Festipop, ses souvenirs réactualisés. Marie­Pierre devrait (comme d'habitude) arriver sous peu et une volontaire, Sophie, se joindra à notre bande pour le mois de Juin. Il y a, en dehors du "quotidien", des projets des événements à préparer : Fifitut le 22 avril et Jos Masca ! fin Juin (p.3). De tout l'hiver on ne vous a pas donné de nouvelles, un petit récapitulatif des actions médicales et sociales s'impose donc (p.4). Dix ans depuis le parc des Roses (p.6) On a fait quelques travaux (p.7). En décembre on vous annonçait une situation financière compliquée. Explication de comment ça a évolué en p.7. Et puis comme ça va faire dix ans de Casa, on commence à avoir des statistiques parlantes sur l'impact de l'action menée (dernière page). 2 la préparation des repas reste l'activité la plus convitée
  • 3. FIFITUT 2013 Alors que nous nous dirigeons vers le village, dans la voiture, Nicu nous fait l’historique. Maëlle l’écoute attentivement, Silvère conduit en essayant d’éviter les nids de poules qui se sont multipliés avec la sortie de l’hiver, et moi je pense déjà à ce que je vais écrire de ce FIFITUT : il ne s’est encore rien passé. 2010, 2011, 2012, la Casa participe depuis 4 ans à ce festival et Nicu est l’unique membre permanent de l’équipe ! Aucun anim' ne peut rivaliser avec lui, aucun n’a été aussi fidèle que lui à cette manifestation. Alors il en profite un peu et remonte le temps… Viorel et lui sont cependant bien d’accord, la meilleure fois, c’est la première ! Cela réjouit les novices. Édition 2010, donc pour eux. En plus cette année là, les T­shirts des joueurs de la Casa étaient noirs, et ça c’est la classe. L’an dernier, orange… à quoi s’attendre maintenant ? Pour l’instant, avec Bidești et Mircea, nous allons tranquillement au village… dépassons Uivar et nous y voilà. Juste le temps de donner le programme et nous passons sous le chapiteau, enfin le rond de terre au sol qui symboliquement en tient lieu, pour un court atelier théâtre, quelques sujets d’impros au soleil couchant. C’est quoi un FIFITUT ? comment ça marche ? Qui sera là ? Une douche un repas un film plus tard… retour en ville pour l’atelier du matin. Iain nous rejoint, puis Silvère multiplie par deux le nombre des participants de l’équipe en y ajoutant les jeunes tout frais sortis de la rue et motivés du matin : Ștefan, Claudiu, Delia et Norbert. L’atelier continue avec eux : et si on faisait des machines ? Vient assez vite l’heure du repas et donc de retrouver les autres festivaliers…visiblement tous ne savent pas que nous sommes aussi participants au festival et l’un des profs (serbe) demande à l’organisateur si « on ne pourrait pas changer de trottoir car il y a des indésirables qui nous collent ? ». Comme les indésirables, c’est nous, et qu’en fait de la coller, on suit juste le groupe, je me présente et… lui confirme bien qu’on va encore la coller un moment car… on est ensemble. On va même manger au même restaurant, si si… même jouer sur scène avec ses élèves ? Elle imagine mal... le thème du festival cette année (selon le programme) les Droits de l’Homme. Ils ont du travail. Bon… après le repas, Lalie nous accompagne jusqu’ à la salle et se met au rythme des jeunes : on avait prévu sieste mais eux veulent remonter sur scène et travailler, alors, au boulot ! Exercices et rires se complètent tout l’après­midi, sous l’œil complice de notre maitre d’atelier compréhensif : Lalie faisait partie de l’équipe au printemps 2006, peut être certains ont encore en tête le "Bal en Délire" sous le chapiteau qu’elle avait organisé avec et pour nous. Donc. Les sujets d’impro se succèdent et c’est seulement a la proposition « départ en vacances » qu’un bref mouvement d’impatience accompagné d’un haussement d’épaules voit le jour « comment tu veux que je sache ça ressemble à quoi, les vacances ? » auquel répond un prudent « c’est pas faux… je vais revoir mes fiches ». Vient l’heure de la distribution des T­shirts, pour l’équipe de la Casa ils seront… violets ! Viorel hésite… préfèrerait celui noir sur lequel est écrit « Staff », et puis il l’enfile quand même… couleur qui ne l’empêche pas de déplacer quelques chaises pour préparer la salle avec ceux en noir. Dimanche après­midi en quittant le groupe du campus universitaire avec nos quatre joueurs, d’autres auraient bien voulu les accompagner… en guise de consolation, on leur avait laissé le programme du festival, avec l’adresse et l’heure du match : ils sont 5 au rendez­vous pour soutenir notre équipe ! D’ailleurs on décide de ne pas faire une équipe Casa de Clovni contre une « universitaire » mais de mélanger les joueurs dans les deux équipes et jouer avec les étudiants. Les sujets ? Après les jeux d’échauffement se succèderont « machine à fabriquer un arc en ciel » (ça tombe bien on a répété les machines…), « aiguilles à tricoter », « moulin à vent », « il n’en reste plus » en mode chanté, « un samedi à la mairie » et promenade dans les Carpates ». 45 minutes de pur plaisir à les voir rayonner sur scène, s’écouter, s’entraider, répondre aux propositions des uns par d’autres encore plus créatives, partager l’espace, nous faire part de leur univers, "Ma maison ? Il n'en reste plus" chantonné, jouer très sérieusement, faire rire tout un public en restant parfaitement concentrés : de vrais pros de la scène (ou du cirque). Ils participent même ensuite au festival en tant que spectateurs avisés, avec droit de vote, après les applaudissements, applaudir les autres, et suivre les deux heures de matchs des équipes universitaires francophones… Le programme en poche, Nicu est même revenu le lendemain voir la suite... Journée inoubliable, comme à chaque fois qu'ils montent sur scène. Et déséspérante, quel travail il y aurait encore à faire pour ne plus être les indésirables... À en croire les applaudissements, bis, à un moment, quelques instants, ils ont enfin été désirés. Restez là, on ne changera ni de trottoir ni de salle ni de programme. "And the show must..." 3
  • 4. BILAN RAPIDE Si on se fie à nos comptes, depuis le début de l'année jusqu'au 18 mai 2013, on totalise 40 actions médicales et 33 actions sociales. Pour le médical il est principalement question de contrôles gynécologiques. Les démarches sociales sont les retours à la maison, les paquets alimentaires, les papiers d'identité. Quelques exemples notables : Nicu va enfin pouvoir avoir sa carte d'identité. Après avoir joué de malchance sur les précédentes démarches (remise à zéro du système informatique qui avait fait perdre toutes traces de son existence), nous parvenons à remonter le dossier, faire venir sa soeur comme témoin qu'il est bien Nicu.... bref des allers­retours, des temps d'attente incalculables, de la frustration en bloc et quelques tonnes de patience plus tard, il ne reste plus qu'à... attendre encore un peu. Olga avait donné jour à un petit l'année dernière. Il est actuellement placé en famille d'accueil. La voilà de nouveu enceinte. On ne sait exactement de combien de temps. On essaie de la voir pour l'avortement, la loupons systématiquement. La dernière fois qu'on se croise, elle ne veut plus avorter : quelqu'un lui a dit que c'était un péché. On lui réexplique les risques, allons même voir sa mère... Elle change à nouveau d'avis. On prend rendez­vous avec elle pour aller à l'hôpital, elle n'y est pas. À l'heure actuelle le cas n'est pas résolu Mircea, on a essayé de lui faire ses papiers, pendant longtemps. En vain. Nous l'avions aidé à rentrer chez lui. Ça faisait quelques mois qu'on ne l'avait pas vu et il réapparaît en sortie­rue. Avec l'aide du pope local, il devrait réussir à faire ses papiers. ça nous paraît inespéré. Lui presque il s'excuse de ne pas faire les démarches avec nous. Là encore un peu de pateince à avoir mais l'affaire sent très bon. Mircea est handiapé (il a une jambe plus courte que l'autre), pour lui carte d'identité rime avec pension handicap. Peut­être enfin l'opportunité de changer de vie pour de vrai. 4 ALORS LÀ C'EST ÉNORME C'est du lourd, dirait Dom, c'est Lourdes, quoi. Ou JC marchant sur les eaux : Florin Bidesti entend !!! On reste abasourdi pareil ! Un test plus tard, audiogramme imprimé, le voilà appareillé : Le visage s'illumine... on reprend le dialogue de sourds et... il n'est plus sourd ! Il répond, il se raconte. Son visage illuminé nous hallucine Bidesti qui nous entend nous parle nous répond du tac au tac. Et l'assistante du salon AudioNova qui est curieuse et habituée plus que nous à gérer ce genre de situations, nous restés bouche­bée devenus muets pour l'occasion, prend le relais et hallucine pareil à ce que raconte Bidesti... elle lui pose des questions banales sur sa vie à lui, pas banale du tout, inimaginable pour elle : ta date de naissance (elle aimerait aussi compléter le dossier...) il ne la connait pas mais nous raconte quand même la fête, il y avait de la drogue et des filles. Comment tu te débrouilles dans la rue ? Tu vis où ? Tu gagnes comment un peu d'argent ? Tu entendais quand tu étais petit ? Il n'en a aucun souvenir, ça a toujours été comme cela pour lui, l'enfant différent. Rencontre du 3e type au sommet. Et le seul qui reste à l'aise, qui sourit, qui rayonne et qui trône, c'est lui, Florin. Au début il y avait un doute, il vient de la rue il s'est drogué je ne peux pas faire le test cela demande trop de concentration pour lui... puis finalement elle se laisse influencer, d'accord, on va essayer, tout en ayant quand même glissé discrètement le prix de la séance. On avait dit, banco, ça vaut le coup d'essayer... on ne savait pas encore, à quel point. Dans le petit cabinet capitonné, "tu appuies sur le bouton quand tu entends un son..." une tentative, deux... l'assistante n'insiste pas et se met à son service : pas la peine qu'il appuie, je le vois bien sur son visage quand il entend ! et elle lui fait passer le test à l’œil. L'audiogramme est implacable : surdité sévère, 77% perdus. On a tous quitté notre univers pour faire un pas vers l'autre, et celui qui se retrouve le plus à l'aise d'être là et d'entendre pour la première fois, le moins traumatisé du monde, c'est lui. Enfin Bidesti nous parle, et en plus il est bavard. M e D i C o S o C i A l
  • 5. 5 Dom m'a demandé de couper les cheveux de Viorel car la machine pour tondre est cassée et il avait chaud (et des poux aussi...) donc j'ai commencé derrière, là où il ne peut pas voir... c'était vraiment dur, un massacre quoi, alors j'ai demandé à Maëlle de continuer, un côté.... puis Silvère, un autre... puis un autre jeune, Iosca, a décidé que ça serait mieux de tout couper et de le raser complètement, Viorel a dit d'accord si vous me donnez une casquette, alors je suis allée chercher la dernière casquette du stock, il a de la chance, et puis Iosca lui a mis la boule à zéro, le crane tout lisse, au rasoir à main, un vrai boulot ! : maintenant il n'a plus de poux et peut dormir tranquille ! Et une belle casquette rouge aussi. Moi j'ai juste appris que coiffeur, c'est un métier. Et le soir même on s'est empressé de retrouver tous les éléments de la tondeuse pour la remettre en marche ! Le prochain jeune qui passe, il aura exactement ce qu'il voudra.
  • 6. LE PARC DES ROSES 2003­2013, LE TIMIȘOARA NOUVEAU EST ARRIVÉ Touriste novice, Wikipedia vous informe : "Autrefois qualifiée de Petite Vienne, la ville de Timișoara est surnommée la Cité des roses en raison de ses nombreux parcs et jardins et de sa roseraie, créée en 1928, qui maintient près de 600 variétés de roses." Mais vous demandez­vous parfois ce qu'est devenu le parc des Roses ? Ce dimanche, on avait rendez­vous avec Nicu à la fontaine du parc des Roses, ce qui m'a donné l'occasion d'en refaire le tour du propriétaire, ou du moins, de l'ex­locataire par intermittence. 2013, le Timișoara nouveau est arrivé, le projet Bega Boulevard a bien avancé... Les lampadaires sont solaires, les allées claires et refaites, petits graviers proprets, dalles uniformisées, les rosiers bien alignés. Et plus personne ne pourrait vous croire si vous affirmiez que vous avez habité là quelques mois, quelques années, squatté quelques tentes ou caravanes, dans le trou, il y avait monté, un chapiteau. Le trou est encore là. Mais il n'est plus accessible du parc, un haut grillage le ceinture : il est rattaché aux tennis maintenant, il faut en faire le tour pour entrer. Il reste cependant le rendez­vous des propriétaires de chiens en début de soirées. La fontaine, inaugurée en 2004, est toujours là, l'eau y parait chaude en hiver, froide en été... et comme ici on passe directement de l'hiver à l'été, elle est toujours agréable. Et nombreux sont les promeneurs qui s'y arrêtent pour s'y rafraîchir, s'y donnent rendez­vous. Mais Nicu avait hésité : il y a trop de policiers, aussi. Vous avez remarqué ? Et puis la cabane verte métallique ("où est la clé des chiottes ?"), ainsi que tous les bancs assortis, ont disparu. Vous ne le savez peut­être pas, mais le parc a été refait récemment : il y a un mur grillagé tout le long et les rosiers qui poussaient en bordure ont disparu. En revanche, portails et cadenas ont fait leur apparition, avec horaires d'ouverture, de 08h à 22h tous les jours sauf le lundi, quand le parc reste fermé. Il parait que Nelu est toujours là. Les mariages s'y succèdent toujours le week­end, avec séances photos en longues robes blanches sous les tonnelles. Tout le mobilier urbain a été changé, de métallique il est passé en bois massif peint en blanc. Ou plastique, tels ces rangées de chaises vertes fixées 5 par 5 par leurs pieds, qui remplacent les bancs métalliques, beaucoup plus léger à transporter mais impossible maintenant de s'y allonger. Et peut­être vous ne savez pas non plus que maintenant on peut y louer des vélos jaunes pour 3 Ron l'heure ? Peut­être même ne savez vous pas qu'on est passé du Lei au Ron en retirant 4 zéros à l'un ? Et qu'on est rentré dans l'Europe ? Il y a eu combien de gouvernements en 10 ans, et de maires différents ? Et combien de politiques mises en place pour l'enfance défavorisée ? Quelqu'un se l'est ­il un jour demandé ? L'an dernier début juin, pour la journée des enfants, c'était l'inauguration du parc des Enfants, juste en face du parc des Roses. Juste un pilier du pont à traverser. Et de l'autre côté, sous l'autre pilier du pont, il y avait un môme qui hurlait et hésitait à sauter à l'eau. Les pédalos pédalaient nonchalamment. Charmant. Si vous louez un vélo maintenant, vous pourrez parcourir toute la ville à travers ces parcs et rues piétonnes : la rue Mărășești, longeant l'opéra et la synagogue, est elle aussi devenue piétonne. Là vous pouvez même rendre votre vélo. Vous pourrez aussi longer la Bega, tous les dessous de ponts ont effectivement été rendus aux passants. Sous le pont Mitropolit, il y a un café littéraire. Et les squats de Trăian ont tous été murés. Les jeunes maintenant squattent un vieux transformateur électrique au campus universitaire, déménagent en permanence : certes ça leur est facile, ils ont pour toute propriété ce qu'ils portent sur le dos et les poches vides. Quelques sachets cependant... pendus à la bouche. Et, toujours à vélo, aller directement du parc des Roses à celui des Enfants en passant sous le pont Michel­Ange. Là bas pour les enfants de 3 à 7 ans il y a même une rivière magique qui se descend en canoë. Le petit train a repris du service mais ne roule plus sur rails, mais sur pneus. Les trampolines intégrés au sol sont extras, il fait bon être un enfant dans cette ville­là. Demain au village des jeunes viendront arroser les oignons qu'ils ont plantés il y a 15 jours et y trouver du sens, ne me demandez pas lequel. Moi, je le cherche encore en lisant le rapport d'activité de la Casa de Clovni septembre­novembre 2003. Il parlait de monter le chapiteau au parc des Roses pour une période test de 2­3 mois, "pour juger de la situation et de la pertinence de notre action" et puis on verra bien. Il était jeune et optimiste, pressé et naïf. Enthousiaste. Et on a bien vu. Sanitaire, eau, électricité ?Nous improviserons. les moyens financiers ? nous verrons bien. le chapiteau quelques balles de jongle et les gamins sont déjà là. Il y avait Claudia, Albert, Florin, Laurentiu, Elvis, Giani, Mircea, Florentina... Oserai­je un... que sont­ils devenus ? Vous voulez vraiment le savoir ? Vous demandez­vous parfois ce qu'est devenue cette jeunesse là ? Et leurs petits frangins frangines ? On s'installe avec notre énorme bagage dans le groapa, le trou : ça a de la gueule. Et le premier spectacle donné sous le chapiteau le 15 novembre 2003 s’appelait "à la fin de l'histoire". D'ailleurs la ligne du temps de la fiche pédagogique proposée ensuite en école adaptée s'arrête en 2013, je devrais pas être si étonnée après tout. 6
  • 7. Travaux En début de session, Dom est pris d'une folie novatrice. Il veut réaménager tout l'espace de la maison, se réaproprier les lieux après la trève hivernale. Il passe une semaine avec Larisa où ils s'occupent d'une somme de détails. Une étagère par­ci, un rangement par là. Nettoyage, organisation. La maison est en ordre de marche pour une ultime session. **** On en revient toujours aux fondamentaux : manger, dormir, se laver... Côté manger, c'est depuis longtemps rôdé : une équipe cuisine qui s'organise dans la caravane comme bon lui semble et... on est toujours rassasié ! Et le soir, cerise sur le gateau, deux autres volontaires pour allumer un feu sous les étoiles, y mettre à griller de la viande et, au passage, se raconter. Avant d'inviter tout le monde au festin. Côté dormir, depuis qu'on a la maison, c'est la priorité, et comme des rois encore. Dans des draps propres à chaque passage, devant un film le soir et jusqu'à pas d'heure le matin : au loin, la fatigue. Du coup, il ne restait qu'un seul besoin à satisfaire jusqu'au bout de l'autonomie et c'est chose faite depuis le printemps : au fond de l'atelier au coin du mur : une douche ! En libre service, bien loin du trafic d'eau dans les bassines... Avec son chauffe eau particulier, son mur carrelé bleu, son rideau léger et son tapis sortie de bain à fleurs, sa planchette où aligner les shampoing et autres gels, grandes serviettes éponges blanches à volonté, peignes et brosses à dent à disposition... À chacun de gérer l'espace et le temps du savon comme il le veut. Un loquet pour fermer la porte, puis... Ça bulle. Chaude ou froide, expresse ou interminable, habillé ou tout nu. Tout est possible pour ressortir souriant et propre, c'était vraiment une bonne idée, cette douche. FINANCES Certes nous vous annonçons la fin de notre activité. Nous serons cependant présents jusque fin juin. Les jeunes comptent sur nous pour des contrôles gynécologiques, des suivis de grossesse, des traitements de maladies, notamment MST, des finalisations de papiers d'identité avec notre avocat, des retours en famille... Nous nous devons d'assurer ces dernières démarches au mieux possible, étant donné qu'elles seront les dernières elles prennent un caractère plus décisif. On vous annonçait en décembre qu'il nous manquait 4000 euros pour le fonctionnement de l'association. Vous avez entendu notre appel et nous avez envoyé 1800 euros de dons (en plus des parrainages). C'est énorme et nous vous en remercions. Nous n'avons actuellement aucune idée de comment nous allons assurer les dernières démarches. Nous nous trouvons, pour cette avant dernière lettre d'info, encore une fois dans la position de vous demander de participer. Sûrement vous demandez vous, si vous êtes parrain, "Quid de mon parrainage en juin ?". Vous pouvez bien sûr faire le choix d'arrêter de donner quand vous le souhaitez. Dans le cas où vous feriez le choix de nous aider jusqu'à la fin, sachez que les prélèvements cesseront automatiquement en décembre 2013. Il nous faudra d’ici­là assurer les frais liés à la maison, aux démarches administratives relatives à notre dissolution, et enfin tâcher d’éponger un maximum des dettes contractées par l’association. 7 Un peu surpris dans les travaux par la neige (fin mars). T e C h N i Q u E
  • 8. 8 AVIS EN 2012 C'EST 113 enfants et jeunes rencontrés dans la rue en 2012, dont 48 ont participé aux activités sous le chapiteau 118 actions médicales 172 actions sociales au total 21 jeunes ont été accompagnés dans leurs familles Des jeunes dans de réelles démarches d’intégration sociale Plus de 700 repas servis 1 Festival de cirque et 1 Festival de théâtre