Des trekkeurs québécois ont gravi le col de Thorong La, dans le massif de l'Annapurna au Népal en novembre 2013 et ont amassé plus de 70 000 $ pour la recherche sur le diabète.
Article : La quête du dépassement, Plein Soleil, la Revue de Diabète Québec, numéro Hiver 2013-2014, www.diabete.qc.ca
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Défi Annapurna 2013 : La quête du dépassement (Trek au Népal au profit de Diabète Québec)
1. ACTIVITÉS de Diabète Québec
Jean-Marc Demers
Photo : Marcel Moreau
Défi Annapurna 2013 :
La quête du dépassement
rez-vous. Je me contente d’applaudir l’adresse des
conducteurs népalais, la robustesse des vieux bus
Mahindra et la créativité des mécaniciens locaux,
car nous avons réussi à nous rendre bien vivants à
Chyamche, notre premier point de départ sur le circuit Annapurna, à 1 385 mètres d’altitude.
Notre première vraie nuit de trek s’est déroulée
à Tal, paisiblement nichée à 1 700 mètres dans un
élargissement de la vallée de la rivière Marsyangdi. Nous entrons alors dans la première commune
typiquement bouddhiste du circuit, et rencontrerons jusqu’à Thorong La principalement des Gurungs, peuple souriant et enjoué, majoritairement
agricole, indigène des montagnes népalaises et
d’origine tibétaine.
Photo : Jean-Marc Demers
I
maginez. Imaginez seulement, pour un moment,
de longues nuits glaciales sous la tente. D’épuisantes journées d’ascension graduelle le long
de sentiers poussiéreux. Une progression ralentie
par de multiples infections, blessures et désordres
physiques de tout acabit. Des trekkeurs quelquefois
découragés à la pensée de devoir affronter le froid
et l’adversité une journée de plus…
C’est dans un tel contexte que le Défi Annapurna 2013 a pris tout son sens, avec comme objectif
ultime l’ascension du col de Thorong La, passage
entre les districts de Manang et de Mustang, juché
à 5 416 mètres. Ce sont les nombreux obstacles et
la beauté du Népal dévoilée sous nos yeux qui ont
rendu notre expédition combien plus gratifiante.
Oui, il faut être un peu fou pour se lancer dans une
telle aventure, et pour oser penser lever plus de
70 000 $ pour la recherche sur le diabète en le faisant. Oui, nous sommes immensément fiers d’avoir
réussi notre mission à tout point de vue.
Au départ de notre équipée, le 20 novembre,
nous avons pu goûter à la rusticité du réseau routier népalais, avec ses « autoroutes » rocailleuses de
sable ou de terre, souvent périlleusement étroites,
flirtant avec falaises et précipices. Pas de montagnes sans verticalité, pas de défi sans danger, di-
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plein soleil hiver 2013-2014
Le jour suivant, nous avons parcouru à bonne
allure les 10 kilomètres qui nous séparaient de
notre prochaine destination, Danaqyu, sise à
2 200 mètres d’altitude. Notre chemin remonte la
rivière Marsyangdi, dont nous voyons l’eau bleutée
et glaciale dévaler furieusement, en bas de nous, de
cascade agitée en cascade agitée. Grâce aux ciels
dégagés, les nuits sont magnifiquement étoilées et
la lune éclaire nos pas lorsque nous nous risquons
hors de nos tentes.
Une longue journée nous attendait le lendemain, 23 novembre. Nous dûmes en effet franchir
19 kilomètres pour atteindre notre campement suivant, Bhratang, une ville presque fantôme, à 2 850
mètres au-dessus du niveau de la mer, bourgade
à laquelle nous ne parviendrons qu’à la tombée
du soleil. Cette interminable progression prit l’ensemble du groupe de court, les tentes devant être
montées à la noirceur et le repas étant ensuite dévoré sans grande énergie. En arrivant de soir, mais
encore légèrement vêtus de notre linge de jour,
nous avons rapidement été traversés par le froid.
Ce réveil brutal aux réalités climatiques des
montagnes du Népal nous a forcés à changer nos
habitudes lors des jours suivants. Mais avec des distances plus courtes, des campements désormais
érigés alors qu’il faisait encore jour et un passage
2. Photos : Jean-Marc Demers
ACTIVITÉS de Diabète Québec
plus rapide à des vêtements plus chauds lors des soirées,
nous avons repris confiance en nos moyens et avons pu attaquer les prochaines étapes.
À partir de Bhratang, nous pénétrions la haute altitude. Il
devenait alors important de rester aux aguets pour de possibles manifestations du mal aigu des montagnes (MAM),
allant du simple mal de tête jusqu’à de dangereux œdèmes
cérébraux ou pulmonaires. Il s’avérait par contre difficile de
lier avec certitude nos maux de tête au MAM, car nous souffrions tous à plus ou moins grand degré de la déshydratation,
de douleurs musculaires reliées au port prolongé du sac à
dos, de la faim ou de la fatigue. Notre progression graduelle
nous permit toutefois de nous acclimater assez facilement à
l’altitude, et l’acétazolamide1 demeurait disponible pour prévenir ou réduire le MAM.
Nous arrivâmes ensuite de jour à Lower Pisang, un site
enchanteur à 3 250 mètres d’altitude aux abords de la rivière
Marsyangdi. Mieux préparés pour la froide soirée, notre
bonne humeur était de retour et la musique se fit entendre
pour la première fois dans la tente communale, avec même
quelques parties de cartes pour nous détendre et faire passer le temps jusqu’au souper.
Une longue marche nous attendait le lendemain, mais
sans trop de dénivelées. Après 16 kilomètres, nous rejoignîmes Manang à 3 540 mètres d’altitude, la plus importante
agglomération du district du même nom. Depuis Chame,
chef-lieu du district de Manang sis à une trentaine de kilomètres de là, nous ne croisons presque plus de véhicules à
quatre roues. Seuls quelques braves à moto se risquent à
faire le taxi sur les routes de plus en plus étroites de cette
section du circuit. Sans compter les nombreux troupeaux de
chèvres, buffles, moutons bleus2 et ânes qui apportent leur
contribution à l’économie de la région.
Nous passerons deux nuits à Manang, où notre campement monté en pleine ville nous permet des points de vue
exceptionnels du glacier de Gangapurna, flanqué de l’Annapurna III. La ville est une halte populaire dans le cadre
du circuit Annapurna, avec quantité de boutiques spécialisées pour les trekkeurs regorgeant de pâles imitations de
marques connues, d’auberges confortables, de restaurants
et même de petites salles de cinéma. Avec une programmation résolument orientée sur les thématiques montagnardes,
ces cinémas aux sièges durs et au chauffage déficient offrent
1. Mieux connue sous le nom de l’ancienne marque Diamox
2. Appelés naur en népalais ou bharal en hindi
3 . Littéralement, « pâturage de yak »
néanmoins thé sucré et maïs soufflé aux spectateurs. Nous y
avons pris une pause bienvenue et avons pu nous identifier,
l’espace de quelques heures, à un Brad Pitt bravant les froides
montagnes de l’Himalaya dans « Sept ans au Tibet ».
Nous quittons Manang le 27 novembre pour nous rendre
à Yak Kharka3, une minuscule halte avec des vues spectaculaires de la vallée et des montagnes avoisinantes. Malgré
la courte distance entre les deux étapes, l’ascension est assez importante et nous passerons la nuit sous nos tentes à
4 050 mètres d’altitude. Depuis Manang, nous ne croisons
plus que des chevaux et des yaks, et la végétation se fait de
plus en plus chétive.
Après la nuit à Yak Kharka, nous entreprenons notre progression vers la dernière halte avant l’ultime ascension du col
de Thorong La, Thorong Phedi. Le paysage est toujours spectaculaire, et les conditions météorologiques sont résolument
en notre faveur, avec des ciels dégagés et peu de vent.
En milieu d’après-midi le 28 novembre, nous atteindrons Thorong Phedi à 4 450 mètres d’altitude, où nous
apprendrons avec surprise qu’il n’y avait pas d’emplacement
possible pour notre campement dans les environs. Nous
sommes alors forcés de partager notre nuit avec les rats dans
une auberge défraîchie mais nous ne nous en plaignons pas,
car même si les matelas y sont rigides et le chauffage inexistant, nous y gagnons en confort. Avec la perspective, même
les pires taudis prennent des allures de palace. La fin de la
saison de trekking arrivant dans quelques jours, les établissements sont presque vacants de leur faune habituelle de
jeunes explorateurs bohèmes, ce qui a facilité notre transfert.
Avant même le lever du jour, nous nous apprêtons à
franchir sur 6 kilomètres les 966 mètres de dénivelée nous
séparant encore du col de Thorong La. Nos premiers pas vers
le point culminant de notre périple s’effectuent à 4 h 18 le
matin, lampe frontale bien dirigée sur nos pas qui vont s’avérer plus ardus au fur et à mesure que l’oxygène se raréfiera.
Les premiers 400 mètres à gravir jusqu’au « High Camp » sont
particulièrement escarpés et le groupe éclate dès lors en
fonction du rythme de progression de chacun, et de la tolérance au froid qui s’installe rapidement lors de nos pauses
qui se font de plus en plus fréquentes.
Le soleil venait à peine de percer le haut des montagnes
avoisinantes que nous avons finalement réussi à atteindre
le passage du col de Thorong La, en solitaire ou en petits
hiver 2013-2014 plein soleil
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3. ACTIVITÉS de Diabète Québec
Photo : Sylvain Picard
groupes, selon notre allure, notre fatigue et notre résistance au
mal aigu des montagnes. Car ce dernier frappe fort au-delà de
5 000 mètres, rendant nos marcheurs les plus aguerris complètement étourdis, comme saisis d’une ivresse incontrôlable. Les
pas se font hésitants et le parcours, erratique. Heureusement,
des cachets d’acétazolamide pris d’urgence parviennent à
juguler les effets du MAM dans un délai raisonnable et permettent d’éviter des effets secondaires plus graves.
À 10 h 30, le matin du 29 novembre, nous avions tous
réussi, tant bien que mal, à atteindre un objectif qui nous
avait pourtant semblé hors de portée à tant d’occasions, des
premiers désagréments du froid et de la maladie jusqu’aux
derniers mètres de marche. Et même s’il nous restait encore
à descendre 1 616 mètres et à franchir 10 kilomètres avant de
pouvoir établir notre avant-dernier campement à Muktinath,
nous savions maintenant que le plus difficile était passé et que
plus rien ne pourrait nous arrêter.
Rêveurs, nous avions imaginé cette aventure il y a plus d’un
an. Avec une générosité infinie, des gens et des institutions
ont eux aussi imaginé la portée de notre périple et nous ont
appuyés dans le cadre du Défi Annapurna 2013, en donnant
plus de 70 000 $ à Diabète Québec. Au Népal, notre groupe
a fait un cheminement extraordinaire, tant du point de vue
personnel que physique, mais notre plus grande fierté, c’est
d’avoir pu soutenir à notre façon l’avancée de la recherche sur
le diabète. Merci à tous ceux qui nous ont appuyés, vous avez
guidé nos pas vers le sommet!
Des gens de cœur et des vainqueurs
Le périple nous a tous touché, chacun à sa façon, comme
en témoignent ces quelques commentaires livrés avec
sincérité par nos trekkeurs.
Plus de 70 000 $ en fonds pour la recherche en diabète.
Plus de 5 400 mètres en altitude. Le mot DÉFI prend tout
son sens. Des paysages à couper le souffle, un peuple charmant et toujours souriant, une équipe du tonnerre et un
projet qui laissera des souvenirs impérissables. Je reste
sans mot face à cette étape de ma vie. Un accomplissement, un geste, une fierté....
Sylvain Picard
J’ai eu le privilège de vivre cette fabuleuse expérience
avec une équipe népalaise (guide, sherpas, porteurs et
cuisinier) dévouée et attachante. Des paysages à couper le
souffle, de nouvelles amitiés créées, des souvenirs plein la
tête. Tous ces bienfaits sont venus apaiser les épreuves difficiles tels le froid et l’altitude que comportait ce beau défi!
Une expérience unique et inoubliable.
Sophie Lapierre
Pour réussir un tel exploit, il faut une grande fraternité
entre les individus. Pour tous les moments plus difficiles,
nous savions qu’ils y avaient « les autres » pour nous aider
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plein soleil hiver 2013-2014
et épauler. Ces « autres » s’appellent aujourd’hui « amis ».
Merci à chacun des membres de ce merveilleux groupe Défi Annapurna 2013.
Jean Palardy, médecin endocrinologue
Dans ma tête des paysages exceptionnels, dans mon
cœur une misère humaine, dans mon sang un froid glacial, un voyage de vie que je suis fière et heureuse d’avoir
accompli. Un voyage qui m’a permis de voir mes vraies valeurs humaines, un voyage qui me fait grandir et accepter
nos différences...
4. ACTIVITÉS de Diabète Québec
Une Annapurnienne de cœur, Lise Comeau
Relever un défi sportif et humanitaire est une expérience
formidable de solidarité d’équipe. Connaître les Népalais et
leur mode de vie s’avère une source d’enseignement très riche
sur le courage, la bonne humeur et les valeurs bouddhistes.
Merci sincère aux porteurs et sherpas pour leur dévouement.
Marcher, jour après jour, dans un décor de haute montagne
permet de découvrir des forces intérieures insoupçonnées,
mais surtout, de réaliser combien il est bon d’être vivant.
Des paysages grandioses qui confrontent l’humain à sa
petitesse, des gens souriant malgré les conditions de vie
austères, un défi de taille qui nous amène au-delà de nous
mêmes... Je suis fière d’avoir relevé ce défi en faveur de Diabète Québec et de tous les diabétiques qui luttent au quotidien pour leur survie... Je remercie sincèrement tous ceux qui
ont cru en moi et en mon engagement.
Madeleine Couture
Malgré ma préparation durant l’année 2013, relever ce
défi, tant physique que mental fut des plus difficiles. Je suis
toutefois très content d’avoir participé à ce voyage avec mes
collègues randonneurs !
Gyslaine Desrosiers
Avec le passage du temps, les mauvais moments s’estompent de mon esprit et les souvenirs plus heureux
prennent le dessus. On s’en trouvera tous grandi. La cause
était noble, le chemin ardu, l’accomplissement total, individuellement et collectivement.
Bravo à toutes et à tous, du clavier de Richard Essiambre.
Un défi de Grande Envergure qui oblige à repousser ses
limites, un défi à la hauteur de celui que vivent au quotidien
les gens qui luttent contre le diabète... Je suis fier de l’avoir
relevé en leur nom... Merci à tous ceux qui m’ont appuyé et
ont cru en moi et en mon engagement.
Marcel Moreau
Martin Dumont
L’épreuve a été plus difficile qu’anticipée. Le froid, les
conditions de vie et de longues journées en trek ont été des
éléments qui nous ont challengés tout le long de notre périple. Mais la cause pour laquelle nous étions là, le diabète, a
été un élément d’inspiration. Lors de moments plus difficiles,
nous pouvions toujours nous rappeler de ceux et celles qui
combattent constamment la maladie.
Philippe Gervais
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