More than Just Lines on a Map: Best Practices for U.S Bike Routes
pas de bien être au travail sans bien faire son travail
1. Le Monde article Yve Clot 22 mars 2014
1
22 mars 2014
" Pas de bien-être sans bien-faire "
La fierté dans le travail, vieille tradition française, est malmenée par le
management moderne. Selon le chercheur Yves Clot, les dirigeants devraient
être plus proches des savoir-faire de leurs subordonnés
Yves Clot.
Yves Clot est titulaire de la chaire de psychologie du travail au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), à
Paris. Ses recherches portent à la fois sur le travail collectif et sur le collectif de travail. Le Monde l'a rencontré après que
la direction de Renault lui a demandé d'engager une expérimentation sociale dans l'entreprise.
Lire : " LE TRAVAIL PEUT-IL DEVENIR SUPPORTABLE ? " d'Yves Clot et Michel Gollac (Armand Colin, 240 p., 19,90 €). Parution le 24
avril.
" LE TRAVAIL À CŒUR. POUR EN FINIR AVEC LES RISQUES PSYCHOSOCIAUX " d'Yves Clot (La Découverte, 2010).
Quelles sont les évolutions qui expliquent ce que vous décrivez comme le " problème français du travail " ?
Il y a d'abord des changements mondiaux. Le principal, c'est la place ambiguë que prennent les consommateurs dans la
production. Le " client roi " est vite l'esclave d'une innovation fascinante. Les plaisirs ressentis devant autant de créativité
se mêlent au doute installé sur le contenu de nos assiettes, sur les médicaments que nous ingérons, sur la fiabilité des
services, même publics. La qualité des produits et des services rendus devient une revendication – alors même que leur
obsolescence est programmée. Cette demande traverse les murs des entreprises et des services. Ce qu'on y fabrique est
sujet à de multiples conflits de critères autour du travail " bien fait " : qu'est-ce qui est acceptable ou pas ? Juste ou injuste
? Efficace ou non ? Or rien de cela n'est discuté au niveau où il le faudrait.
Pourtant les entreprises ont essayé de se réorganiser pour placer la demande des clients au centre de la
production.
Cette prise en compte impose un travail beaucoup plus coopératif et bien plus ouvert à la délibération pour faire les
diagnostics au bon moment dans le travail réel. Le sens du collectif devient vital. Avec le " toyotisme " - réduction des
gaspillages tout en maintenant une qualité optimale - , lancé au Japon, le lean management - amélioration suivie avec
implication du personnel - dit vouloir adapter les organisations à ce nouvel impératif. Mais, dans nombre d'entreprises,
les effets ressentis par les opérateurs ont été inverses de ceux affichés. Le collectif convoqué a dû s'incliner devant une
autorité recentralisée, le dialogue invoqué tourne au monologue centré sur le seul chiffre de la productivité. Or, s'il faut
chiffrer, il faut aussi déchiffrer ensemble pour rester créatif. L'initiative des salariés est trop souvent compromise par la
subordination. Cela débouche sur une crise majeure d'efficacité productive, source des multiples problèmes de santé au
travail.
Qu'est-ce qui explique qu'en France ce malaise soit encore plus vif ?
Aucun pays n'a stabilisé ses réponses, mais la France est dans une crise au carré. Il existe une défiance très forte qui
oppose les salariés, jusqu'à des niveaux assez élevés de la hiérarchie, aux dirigeants. C'est une vieille histoire devenue
culture : chez nous, les salariés placent leur fierté dans le travail, selon une logique de l'honneur, comme l'a montré
Philippe d'Iribarne - La Logique de l'honneur, Seuil, 1993 - . Le non-respect des règles de l'art nourrit la méfiance de