Les honoraires des médecins, diététiciens, dentistes, kinésithérapeutes et autres professions médicales sont généralement exemptées de TVA. Ce n’est en principe pas le cas des prestations purement esthétiques qui, même effectuées par un médecin, seront bientôt à nouveau soumises à la TVA au taux de 21%.
Les soins non-thérapeutiques soumis à la TVA dès 2022
1. Cela fait déjà plusieurs années
que certaines prestations de
soins sont soumises à la TVA,
puisqu’uneloidu26décembre
2015 a apporté à la législation en vigueur
plusieurs substantielles modifications.
Saga judiciaire
Une saga judiciaire qui s’est engagés à
l’époque a finalement débouché sur une
annulationpartielledecettelégislationpar
la Cour constitutionnelle en 2019 qui a
estimé que le fait de lier l’exemption de la
TVA à la seule existence du soin dans la
nomenclatureInamiétaitinconstitutionnel.
La Cour constitutionnelle, se fondant
sur la jurisprudence de la Cour de justice
de l’Union européenne, avait décidé que
«l’exemption de la TVA dépend, selon le
texte légal actuel, du fait que les prestations
médicales sont ou non reprises dans la
nomenclature Inami. Par conséquent, les
prestations médicales à vocation esthétique
quisontreprisesdanslanomenclatureInami
peuvent être exemptées (art. 44, § 1, 1°, al.
2, b), CTVA). À l’inverse, les interventions
à vocation esthétique qui ne se trouvent pas
dans la nomenclature Inami sont exclues de
l’exemption de la TVA (art. 44, § 1, 1°, al.
2, a) CTVA). Cette distinction «n’est pas
raisonnablement justifiée».»
Tel n’était pas non plus le cas de la dis-
tinction entre les prestations médicales
fournies en milieu hospitalier et celles qui
étaient réalisées en dehors de ce dernier.
La Cour de Justice de l’Union euro-
péenne s’était également prononcée à
propos de la distinction opérée par la
loi sur les prestations des kinésithéra-
peutes, ostéopathes et chiropracteurs.
En effet, la loi belge imposait la recon-
naissance en tant que profession para-
34 Le journal du Médecin | 21 octobre 2021 | N° 2689
Gestion Coordination: laurent.zanella@roularta.be
Les soins non-thérapeutiques soumis
à la TVA dès 2022
Après une procédure devant
letribunaldeTongres,l’affaire
est montée jusqu’à la cour
d’appel d’Anvers, qui a jugé
que cette redevance d’utilisation devait
être annulée car elle impliquait un partage
illicite d’honoraires, en contradiction avec
plusieurs articles du code de déontologie
médicale(d’alors)qui,selonlacour,contient
des normes déontologiques visant à garan-
tir la dignité et la confiance du médecin et
les droits du patient. Le deuxième médecin
s’est pourvu en cassation contre cet arrêt.
La Cour de cassation a quant à elle jugé,
dans un arrêt du 6 septembre 2021, que le
code de déontologie médicale, établi par le
conseil national de l’Ordre des médecins
en 1975 (remplacé entre-temps par le code
de2018),n’ajamaisétédéclarécontraignant
par le roi. Un juge ne peut donc l’invoquer
pour annuler une redevance d’utilisation.
Cet arrêt n’est en aucun cas étonnant, car
pourlaCourdecassation,ilestdepuislong-
temps de jurisprudence constante que ce
Le partage d’honoraires considéré comme déontologique
DROIT Deuxmédecinsontconcluunaccorddepartenariatpourlapratiquecommunedesoinsdesantéscientifiquementvalables.
L’undesdeuxs’estengagéàpayerchaquemois20%deseshonorairesàl’autrepourcompenserl’utilisationdelocaux,depersonnel
etdematériel,cequel’onappelleuneredevanced’utilisation.Aprèsquelquesannées,lepremiermédecinafaitvaloirquel’accord
étaitnuletnonavenu,carcetteredevanced’utilisationconstituaitenfaitunedichotomieouunpartaged’honoraires,cequiest
apparemmentencontradictionaveclecodededéontologiemédicaleetlaloirelativeàl’exercicedesprofessionsdessoinsdesanté
(Lepss).Lemédecinadoncrécupérélesredevancesd’utilisationdéjàpayée.
médicale réglementée pour bénéficier
de l’exemption TVA: «Une reconnaissance
formelle en tant que profession paramé-
dicale n’est pas nécessaire pour l’appli-
cation de l’exemption de TVA aux pres-
tations des praticiens d’une profession
paramédicale. L’exemption s’applique
certes uniquement «aux prestations de
soins à la personne qui sont fournies par
des prestataires possédant les qualifica-
tions professionnelles requises». Mais une
limitation aux ‘professions réglementées’
va trop loin «dans la mesure où d’autres
modes efficaces de contrôle de leurs qua-
lifications professionnelles peuvent être
envisagés, en fonction de l’organisation
des professions médicales et paramédicales
dans [l’Etat] membre» concerné. »
La Cour avait donc annulé la législation
à partir du premier octobre 2019, mais
maintenu ses effets pour le passé. Ces cas-
cades d’annulations devaient donc indu-
bitablement conduire à de rapides adap-
tations législatives pour combler le déficit
résultant de la privation de ces recettes
fiscales.
Il a néanmoins fallu attendre le début
de l’année 2020, puis 2021 pour que le
gouvernementetlelégislateursepenchent
à nouveau sur cette question et adopte la
loi du 23 juin 2021.
Qu’en est-il depuis?
Le critère de l’exemption de la TVA est
aujourd’hui uniquement guidé par la fina-
lité thérapeutique: «Pour tous les acteurs
du secteur médical qui sont en principe visés
parl’exemptiondeTVA(médecins,hôpitaux,
infirmiers...), il est prévu que l’exemption
ne peut plus s’appliquer «aux prestations
deservicesayantpourobjetdesinterventions
et traitements sans finalité thérapeutique».
Cette exclusion vaut également pour les
professions paramédicales. Elle signifie,
d’une part, que les interventions et traite-
FISCALITƒ Les honoraires des médecins, diététiciens,
dentistes, kinésithérapeutes et autres professions
médicales sont généralement exemptées de TVA. Ce n’est
en principe pas le cas des prestations purement
esthétiques qui, même effectuées par un médecin, seront
bientôt à nouveau soumises à la TVA au taux de 21%.
Retour sur cette nouvelle législation qui sera applicable à
l’ensemble du corps médical dès le 1er
janvier 2022.
Les prestations
purement
esthétiques qui,
même effectuées
par un médecin,
seront bientôt à
nouveau
soumises à la TVA
au taux de 21%.
2. 35
Le journal du Médecin | 21 octobre 2021 | N° 2689
Gestion
par la Cour de cassation
ments à vocation esthétique (pour autant
qu’ils n’aient pas de finalité thérapeutique)
ne peuvent bénéficier de l’exemption et,
d’autre part, que d’autres interventions et
traitements (sans vocation esthétique) sont
également exclus dès lors qu’ils n’ont pas
de finalité thérapeutique.»
La loi ajoute que l’exemption peut s’ap-
pliquer «non seulement aux professions
médicales et paramédicales telles que visées
par la loi du 10 mai 2015 «relative à l’exer-
cice des professions des soins de santé»
(médecins, kinésithérapeutes, infirmières,
sages-femmes, etc., et les professions para-
médicales reconnues par l’AR du 2 juillet
2009), mais également aux praticiens de
certaines ‘pratiques non conventionnelles’,
telles que visés dans la loi du 29 avril 1999
«relative aux pratiques non conventionnelles
[notamment] dans les domaines des profes-
sions paramédicales».»
Les homéopathes, chiropracteurs,
ostéopathes et acupuncteurs qui sont
enregistrés pourront donc bénéficier de
l’exemption de la TVA, même s’ils n’ont
pas le titre de médecin, ce qui était requis
dans l’ancienne version de la loi. Les
autres professions médicales ou para-
médicales non-réglementées peuvent
également être exemptées si la personne
concernée possède une « certification
délivrée par un établissement reconnu par
une autorité compétente du pays où est
situé cet établissement ».
L’exemption s’applique également aux
hôpitaux, établissements psychiatriques,
cliniques et dispensaires pour les presta-
tions de services et les livraisons de biens
qui sont étroitement liées avec l’hospita-
lisationetlessoinsmédicaux,saufsicelles-ci
«ne sont pas indispensables à l’accomplis-
sement des opérations exemptées » ou si
«elles sont essentiellement destinées à pro-
curer à l’organisme des recettes supplémen-
taires par la réalisation d’opérations effec-
tuées en concurrence directe avec celles
d’entreprises commerciales soumises à la
taxe». Cette modification législative impli-
queradoncdésormaisquesilesprestations
desoinsserontexemptéesdeTVA,certains
services accessoires fournis par les hôpi-
taux, tels que la mise à disposition d’un
téléviseur ou d’emplacements de parking
ne le seront plus.
Notez que la modification législative
devrait avoir de larges répercussions
puisque si certains soins, comme le blan-
chimentdedents,serontimmanquablement
soumis à la TVA, d’autres appelleront une
réponse plus subtile: le généraliste qui
rédige une attestation pour une assu-
rance-vie devrait être soumis à la TVA
pour cette prestation, tout comme le kiné-
sithérapeute qui accompagne un sportif
en déplacement pour une compétition.
Ces modifications législatives qui ont
pour objectifs de simplifier la législation
et de remplacer certaines distinctions
arbitraires, auront pour conséquence de
faire naître un nouveau débat: celui de
déterminer quelles sont les prestations à
vocation thérapeutique et celles qui ne le
sontpas.Eneffet,beaucoupdeprestations
quipeuventparaîtrepurementesthétiques
ont nécessairement un impact psycholo-
giqueetontdoncdeseffetsthérapeutiques.
Desdiscussionsentrelesservicescentraux
de l’administration fiscale et le secteur
médical sont en cours et devraient débou-
chersurunecirculaire.L’entréeenvigueur
de la loi est fixée au 1er
janvier 2022.
Jérôme Havet,
avocat spécialiste en droit fiscal
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code n’est pas contraignant. Il en va d’ail-
leurs de même pour le code de 2018.
Pas de violation de la Lepss non
plus
La Cours de cassation a par ailleurs jugé
qu’un accord prévoyant que deux méde-
cins acceptent que l’un mette son cabinet
ou son personnel administratif et de net-
toyageàladispositiondel’autre,enéchange
d’unpourcentagedéterminédeshonoraires
du deuxième médecin, sous forme de
compensation forfaitaire, n’était pas inter-
dit, en vertu des articles 17 et 18 de la
Lepss1
.
Alorsquelapratiquesolitairedelaméde-
cine disparaît lentement mais sûrement et
que fleurissent de multiples formes de col-
laboration entre médecins ou avec d’autres
praticiens d’une profession médicale (pra-
tiques de groupe, maisons médicales et
autres), ce rappel à l’ordre de la Cour de
cassation tombe à point nommé; il permet-
tra d’éviter que ce genre de lien de colla-
boration ne capote, du fait de conceptions
juridiques erronées.
Herman Nys,
professeur émérite à la KU Leuven
1. Pour plus de détails, consultez H.NYS,
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