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REMERCIEMENTS
Nous tenons à adresser tous nos remerciements :
• A notre directeur de mémoire, Madame Hélène RAINNELI pour son encadrement et
ses conseils avisés
• Aux divers membres du corps professoral du Master « FINANCE » de l’IAE pour leur
avis et pour le temps qu’ils ont consacrés
Nous souhaitons également remercier vivement pour leurs témoignages :
• Monsieur David M., qui opère dans la salle de marchés d’une grande banque française
• Ainsi que mademoiselle Romy TOGNON, Cash Manager Group au sein d’une grande
entreprise mondiale de distribution.
Enfin, nous exprimons notre reconnaissance à madame Catherine Poindron pour sa
contribution et son soutien quant à la tenue, ainsi qu’au contenue et aux corrections à apporter
à l’égard de ce mémoire.
2
NOTE DE SYNTHESE DU MEMOIRE :
Nous vivons actuellement les effets de la crise du siècle. Née aux États-Unis, la crise dite des
« subprimes » a été déclenchée, au second semestre 2006, par l'éclatement de la bulle
immobilière américaine. La titrisation et la complexité des produits financiers ont permis de
diffuser les créances « pourries » et de véroler le monde sans frontières de la finance. Il s'en
est suivi une crise boursière, financière, économique, des marchés du change, et des états eux-
mêmes, surendettés par des budgets structurellement déséquilibrés et par des plans de relance
de plusieurs milliards. C'est dans ce contexte complexe et difficile, que l'affaire « Madoff » a
été découverte.
L’affaire « Madoff » est sans doute la plus importante fraude financière de tous les temps.
Son impact économique et psychologique est démesuré et a touché des milliers
d'investisseurs : des fondations, de grandes fortunes, de petits épargnants, des stars
hollywoodienne, et même des banques ou institutions financières ayant elles-mêmes
participés à des opérations de montage, le tout s’est répandu à l’échèle mondiale. Les clés de
la réussite de cette fraude gigantesque furent parmi celles qui sont apparues à l’évidence
comme une excellente orchestration dans la mise place opérationnelle, d’une grande minutie
dans son suivi afin de déjouer les règles de contrôles, ainsi qu'une remarquable faculté
d’adaptation dans un environnement en pleine mutation.
Malgré le succès de cette escroquerie pendant les quarante dernières années, on ne peut
ignorer le fait que cette fraude avait des vices cachés. Certains d’entre eux ont été identifiés
3
et dénoncés à de nombreuses reprises, mais cela a été en vain et sans suite. A ce titre, de
nombreuses institutions publiques ou privées se sont rendues « complices ». Les institutions
financières, qui se présentent dorénavant comme des victimes de Bernard Madoff, n'ont pas
été lavée de tous soupçons quand à leur participation active ou passive. Les irrégularités
commises par des banques, gérées par des responsables de grandes expériences et
d’envergures, peuvent nous laisser circonspects sur le fait qu’elles ne soupçonnaient rien. Les
institutions financières publiques et de contrôle ont, quant à elles, manqué de bon sens général
et sont pointées du doigt pour leurs enquêtes qui ont pour la plupart, abouti à des non lieux et
ont renforcé le crédit de Bernard Madoff.
Bernard Madoff à pu montrer au monde entier comment un seul homme bien introduit et
jouissant d'une réputation d'homme d'affaires brillant et sérieux, a pu se jouer des règles et des
lois en vigueurs. Ce scandale financier a souligné l’absence évidente de volonté politique de
mettre, depuis des années, plus de moyens au service des institutions de contrôle, et à fait
ressortir à quel point la cupidité peut rendre aveugle tous ceux qui s'enrichissent.
Cette affaire a le crédit de mettre en évidence la fragilité et les lacunes des systèmes de
contrôle juridiques et financiers internationaux. Aujourd'hui, nous pouvons affirmer que nous
ne sommes pas à l’abri de fraudes d’ampleurs « abyssales ». En effet, ce scandale financier a
été orchestré avec l'aide présumée indirecte d'institutions financières renommées qui ont
collecté des fonds pour les confier à Bernard L. Madoff Investment Securities LLC (BMIS).
Ces institutions financières renommées étant elle-même contrôlée par des cabinets d’audit de
premier rang et par des institutions règlementaires.
4
Si des mesures importantes et coordonnées ne sont pas prises à l'échelle mondiale, le pire est
sans doute à venir dans un contexte où les crises pourraient se succéder avec une surenchère
de violence. Le profit semble avoir été trop souvent au cœur de la finance internationale et qui
sait combien d’émules de Bernard Madoff pourraient être mises à jour lors d’une prochaine
grande crise mondiale…
5
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS................................................................................................................ 1
NOTE DE SYNTHESE DU MEMOIRE ............................................................................... 2
SOMMAIRE............................................................................................................................. 5
INTRODUCTION.................................................................................................................... 8
I / Qui est Madoff et dans quel contexte cette fraude a-t-elle été révélée ?....................... 10
I.1 Qui est Madoff.................................................................................................................... 10
I.1.1 Sa famille et ses influences.............................................................................................. 10
I.1.2 Formation et carrière professionnelle .............................................................................. 11
I.1.3 Personnalité au double visage.......................................................................................... 12
I.2 Le contexte : une succession de crises sans précédent ....................................................... 19
I.2.1 Les subprimes : La crise immobilière.............................................................................. 19
I.2.2 La crise boursière............................................................................................................. 20
I.2.3 La crise économique ........................................................................................................ 23
I.2.4 La crise du marché du change.......................................................................................... 24
I.2.5 La crise de confiance ....................................................................................................... 25
I.2.6 La crise du siècle.............................................................................................................. 26
I.2.7 Cette crise débouche sur une nouvelle crise affectant la solvabilité des Etats ............... 27
II / La Fraude.......................................................................................................................... 31
II.1 Le principe de la fraude basé sur un double mécanisme ................................................... 31
6
II.1.1 Le principe de base : La chaîne de Ponzi ....................................................................... 31
II.1.2 Le mécanisme additionnel : un investissement rémunérateur à faible risque. ............... 33
II.2 Montage financier :............................................................................................................ 35
II.2.1 Organisation macro générale.......................................................................................... 35
II.2.2 Description des interactions des entités dans l’organisation et leurs rôles..................... 36
II.2.3 Les difficultés du montage et ses subtilités .................................................................... 39
II.2.4 Le prospectus du fonds Luxalpha : un ensemble de manipulations évidentes ............. 43
II.3 Description de la stratégie d’investissement de BMIS .................................................... 48
II.3.1 Description des stratégies générales des Hedge Funds .................................................. 48
II.3.2 Description de la stratégie « Split-strike conversion »................................................... 51
II.4 Mode de recrutement de ses clients................................................................................... 52
II.4.1 Une stratégie de vente via des rabatteurs-prescripteurs................................................. 52
II.4.2 Une stratégie de commissionnement très attractive ....................................................... 55
II.4.3 Multi Level Marketing (marketing réseau) ou escroquerie par affinité. ........................ 56
II.5 Les victimes....................................................................................................................... 57
II.5.1 Des proches et amis de Bernard Madoff ........................................................................ 57
II.5.2 Des célébrités philanthropes........................................................................................... 59
II.5.3 Les membres de clubs sociaux, la communauté juive et la charité ................................ 60
II.5.4 Des victimes qui y ont laissé jusqu’à leur vie ................................................................ 60
II.5.5 Les banques et institutions financières........................................................................... 62
II.6 Où en sommes-nous aujourd’hui ? .................................................................................... 63
III / Est-ce un scandale financier d’un nouveau genre et quelles leçons pouvons-nous en
tirer ?....................................................................................................................................... 68
III.1 Des indices qui auraient dû en alerter plus d’un .............................................................. 68
III.1.1 Le bons sens d’ordre analytique et financier................................................................. 68
III.1.2 Les « red flags » ............................................................................................................ 75
7
III.1.3 Les multiples dénonciations et l’enquête d’Harry Markopolos. ................................... 78
III.1.4 L’inefficacité des enquêtes de la SEC........................................................................... 81
III.2 Quelles sont les responsabilités des différents intervenants de cette fraude ? ................. 83
III.3 Est-ce un scandale financier d’un nouveau genre ? ......................................................... 90
III.3.1 En quoi cette fraude n’a rien d’innovant ? .................................................................... 90
III.3.2 En quoi pourrait-il s’agir d’un scandale financier d’un nouveau genre ? ..................... 91
III.3.3 Sans cette crise du siècle, aurait-il été démasqué ?....................................................... 94
III.4 Les leçons que l’on peut tirer de l’affaire Madoff et de la crise. ..................................... 95
III.4.2 L’utilisation de méthodes de réplications quantitatives................................................ 97
III.4.3 La standardisation de l’approche des « hedge funds » et la transparence..................... 98
III.4.4 Les leçons de la crise et la régulation financière mondiale........................................... 99
CONCLUSION..................................................................................................................... 102
ANNEXES............................................................................................................................. 105
Annexe 1 : Fonctionnement du « système Madoff » ............................................................. 106
Annexe 2 : Dernier organigramme de la SICAV Luxalpha................................................... 107
Annexe 3 : Comparaison des performances du fonds Fairfield Sentry, de la stratègie Split
Strike Conversion et du S&P 500 .......................................................................................... 108
Annexe 4 : Corrélation entre le fonds Fairfield Sentry et le S&P 100................................... 109
GLOSSAIRE......................................................................................................................... 110
BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................... 114
8
INTRODUCTION
 
NB : Il convient de préciser que Bernard Madoff sera cité tout au long du document par
« Madoff » et que sa société d’investissement Bernard L. Madoff Investment Securities LLC
sera citée comme « BMIS ».
Le 12 décembre 2008, en pleine crise financière, l’affaire « Madoff » éclate au grand jour.
Il s’agirait de la plus importante fraude financière de tous les temps qui pourrait avoir portée
sur près de 65 milliards de dollars. Cette somme extravagante correspond aux avoirs que ses
clients croyaient posséder grâce aux mirifiques rendements promis par l’escroc.
Madoff… Un nom désormais mondialement connu comme « l’emblème criminel » de la
finance mondiale, comme « la face noire de la globalisation »1
. Cet homme, considéré alors
comme une « valeur sûre », est devenu le criminel le plus médiatisé du monde en l’espace de
quelques heures et aura contribué, au même titre que la crise financière, à faire s’écrouler
toutes les certitudes qui s’étaient installées après quelques années de croissance mondiale
soutenue.
Cette affaire, qui a déjà fait couler beaucoup d’encre, est-elle un scandale financier d’un
nouveau genre ?
Est-ce une nouvelle forme de fraude, inventée par un génie de la finance, dont les rouages
sont si complexes que même les plus grands de la finance mondiale se sont laissés duper aux
quatre coins du monde pendant près de quarante ans ?
Comment a t-il pu déjouer les règles de contrôle, les procédures, les multiples enquêtes et les
statistiques ?
1
« L’affaire Madoff, les secrets de l’arnaque du siècle », d’Amir WEITMANN aux éditions PLON.
9
Pourquoi les différentes parties prenantes « n’y ont vu que du feu » ?
Peut-on circonscrire les conséquences de cette fraude et les responsabilités de chacun ?
Afin de mieux comprendre cette affaire, nous nous attacherons dans un premier temps à
mieux connaître le protagoniste de ce scandale ainsi que le contexte économique, social,
financier et boursier dans lequel cette fraude a été révélée. Nous verrons également comment
les crises successives et systémiques, qui ont bouleversé notre monde et balayé nos certitudes,
ont permis de mettre en lumière cette fraude qui durait depuis des années.
Puis, nous nous efforcerons d’expliquer les rouages ainsi que le montage financier de la
fraude. Nous essayerons de comprendre comment les victimes ont ainsi pu être abusées par
cet homme qui a développé un mode de recrutement aussi sournois qu’efficace. Nous
prendrons le temps de tracer le portrait de quelques victimes emblématiques et de faire un état
des lieux des procédures en cours.
La troisième partie nous permettra de mettre en avant les négligences et responsabilités des
parties prenantes. Y avait-il des indices ou des alertes qui auraient pu limiter l’ampleur de
cette fraude ? Si oui, comment et pourquoi n’a-t’on pas tenu compte des alertes, des « Red
flags » et des différentes enquêtes et dénonciations ?
Enfin, nous essaieront de mettre en lumière,, à l’appui de tout ce qui aura été exposé
auparavant, s’il s’agit ou non d’un scandale financier d’un nouveau genre et nous tenterons de
dégager certaines leçons majeures que nous pouvons tirer de cette affaire sans précédent et de
cette crise.
10
I / Qui est Madoff et dans quel contexte cette fraude a­t­elle été 
révélée ? 
I.1 Qui est Madoff
Nom : Madoff
Prénoms : Bernard Lawrence
Date de naissance : 29/04/1938
Lieu : New York, Etats-Unis d’Amérique
Nationalité : Américain
Situation familiale : Marié à Ruth Madoff née Alpern
Profession : Ancien fondateur et dirigeant de la société
« BMIS »
Lieu de résidence : En prison en Caroline du sud.
Il purge une peine de 150 ans après sa condamnation
prononcée le 29 juin 2009.
Nous pensons qu’il est important, afin de mieux comprendre ce scandale financier, de savoir
qui est Madoff. Cette partie se veut non exhaustive sur sa vie mais nous nous efforcerons de
comprendre qui il est, quels sont ses influences, ses modèles, ses motivations, sa personnalité
et ses prédispositions.
I.1.1 Sa famille et ses influences
Bernard Lawrence Madoff est né le 29 avril 1938 à New York. Il est élevé dans le quartier
New-Yorkais du Queens au sein d’une famille modeste de 5 personnes. Sa famille est de
confession juive et lui inculque le respect de la tradition religieuse juive, des rites et un fort
sens d’appartenance communautaire. Dans la communauté juive de l’époque, l’entraide, la
11
famille, le travail, l’éducation et la réussite sont des valeurs fortement véhiculées et qui
prennent tout leur sens dans ces trois mots : le rêve américain.
Ses parents Ralph et Sylvia Madoff sont issus d’immigrants juifs d’Europe de l’Est. A
l’image de son fils, Ralph Madoff était un autodidacte qui a commencé comme plombier
avant de se lancer dans la finance avec sa femme dans les années cinquante. Ils ont travaillé
comme agents de change, ont eu « une activité de crédit et une société de courtage,
dénommée Gibraltar Securities, enregistrées sous le nom de Sylvia Madoff »2
. En 1963, cette
société est fermée suite à une enquête de la SEC pour un manque de transparence au niveau
de la situation financière de cette entreprise.
Il s’agit là d’un pied de nez au destin, car les parents de Bernard Lawrence Madoff ont eux
aussi eux des problèmes avec la justice lorsqu’ils travaillaient dans la finance.
Cette brève description du passé éclaire déjà certaines données et permet de comprendre la
facilité avec laquelle « Madoff » a réussi à utiliser le puissant réseau de la communauté juive
américaine (dans lequel il a été élevé), ainsi que sa soif de réussite et de revanche sociale son
esprit entrepreneurial et son goût particulier pour la finance alors qu’il n’avait, au départ,
aucune formation et très peu de connaissances sur le sujet.
I.1.2 Formation et carrière professionnelle
Contrairement à ce que l’on pourrait penser compte tenu de sa réussite exceptionnelle,
Bernard Madoff n’était pas un élève brillant. Il a obtenu l’équivalent américain de son
baccalauréat en 1956 avec des notes médiocres. C’est à cette époque qu’il rencontre Ruth
Alpern qui deviendra sa femme en 1959. Puis il intègre l’Université de Hofstra College dans
2
Informations extraites du livre d’Amir WEITMANN, dont les sources semblent fiables.
12
laquelle il obtient sa licence de droit. Il abandonne ensuite les études qu’il poursuit, et cela en
milieu d’année à la Brooklyn Law School.
Tout au long de son parcours scolaire, il fait en sorte de travailler afin de se constituer un
apport suffisant pour créer sa propre entreprise. Il débute comme maître-nageur sauveteur sur
les plages de Long Island pendant les périodes estivales et travaille comme commercial le
reste du temps, en vendant des systèmes d’extinction automatique d’incendie. Il est
polyvalent, autodidacte et son objectif est de lancer sa propre affaire.
En 1960, à l’âge de 22 ans, et avec seulement 5000 U.S. dollars, il réalise son rêve en créant
sa propre société de courtage nommée : « BMIS »
Au départ, cette entreprise est un teneur de marché (market maker) ou société de courtage, qui
propose à ses clients des contreparties à l’achat et à la vente de titres boursiers sur un marché
de gré à gré, Over The Counter (OTC). Il s’en suit une rapide évolution de sa carrière par les
réalisations suivantes :
o En 1969, il lance un programme d’automatisation des échanges.
o En 1971, il est à l’origine de la création du Nasdaq.
o Entre 1990 et 1993, il est élu directeur du Nasdaq.
o En 2002, la banque Goldman Sachs associée Charles Schwab propose de lui racheter
son entreprise pour 1 milliard de dollars. Il refuse cette proposition… indice qui aurait
du au moins en alerter plus d’un.
I.1.3 Personnalité au double visage
Issu d’une famille modeste, Bernard Madoff est dépeint comme une personne aux multiples
visages. Nous avons repris ses principaux traits de caractères dans le tableau suivant :
13
Travailleur : Il a travaillé durement pendant toutes ses études supérieures et même après
avoir fait fortune. Il n’a jamais cessé de travailler d’arrache-pied.
Appliqué Ses professeurs et ses camarades de classe le décrivent comme un élève
appliqué, mais pas très brillant. Un élève studieux parmi tant d’autres.
Maniaque Il est soucieux du moindre détail. C’est peut-être une des clés qui lui aura
permis de dissimuler cette fraude si longtemps.
Intuitif3
Innovant
Il a une forte intuition et un flair judicieux dans les affaires. Il a tout de
suite saisi que l’automatisation des échanges boursiers lui permettrait
d’avoir un avantage comparatif décisif et que c’était l’avenir de la bourse.
Ethique Cette image lui aura permis de duper beaucoup de clients avisés. Et
utilisera l’éthique pour, en fait, duper nombre de clients…
Entrepreneur
Ambitieux
Motivé
Ceux sont les trois adjectifs qui reviennent le plus souvent à la bouche de
son entourage et dans les différents ouvrages biographiques. Très tôt, il sait
ce qu’il veut et s’en donne les moyens. Il sait qu’il n’est pas le plus
intelligent, mais il a de bonnes idées et le sens du business. Son envie de
revanche sociale est une source forte de motivation qui le guidera
constamment tout au long de sa carrière professionnelle.
Son physique l’a aussi grandement aidé à gagner la confiance générale. Il est mince, réservé et
d’une apparence modeste. Cela a joué en sa faveur et a rajouté à sa crédibilité. Par ailleurs, il
est d’une finesse rare, discret et très poli malgré sa réussite et sa richesse. Etrangement, plus
les années ont passés et plus sa crédibilité s’est accrue.
3
http://www.lemonde.fr/economie/article/2008/12/19/comprendre-l-affaire-madoff_1133354_3234.html
14
Sa femme et sa famille ont aussi joué un rôle non négligeable dans son image. En effet, sa
femme a participé à sa crédibilité, une femme modèle, belle et généreuse, qui a véhiculé
l’image d’un couple parfait.
Ce portrait serait très incomplet et imparfait si nous n’abordions pas les parties plus sombres
et plus ambiguës de sa personnalité, méconnues jusqu'au 12 décembre 2008.
En effet, il était également décrit comme un gérant brillant et modeste. Avec le recul, nous
comprenons mieux sa modestie et sa discrétion. Cette modestie était sans doute feinte et
calculée, afin de ne pas attirer l’attention sur la manière dont ses résultats ont été atteints.
« Philanthrope » à sa manière, il crée une fondation qu’il nomme « Madoff Family
Foundation », dans laquelle il y aurait injecté 29 millions de dollars de dons personnels entre
1998 et 2009. Sa générosité et cette image vont lui permettre d’aborder un grand nombre de
prospects devenus plus tard de « très bons clients ». Cette fondation était un moyen de
travailler sur son image, de faire des rencontres et de développer son business. Ses dons
étaient faits avec l’argent de ses clients qu’il détroussait derrière leur dos.
15
En réalité, Bernard Madoff semble avoir été bien davantage un malfaiteur et un escroc froid,
avec peu d’éthique. Il a trompé ses amis les plus proches, sa famille, la communauté juive,
des fonds de charité ainsi que des fonds spéculatifs et les plus grosses fortunes de la planète.
Parmi les parties civiles, il y avait de nombreuses familles, ruinées, qui avaient travaillé toute
leur vie avant de revendre leur entreprise.
Il apparaît égoïste et avide d’argent. Sa réussite et sa richesse personnelle l’ont poussé à trahir
tout son entourage. Contrairement à ce que tout le monde pensait, il avait un ego démesuré et
un besoin de reconnaissance qu’il plaçait au dessus de tout.
C’est un véritable exemple de schizophrénie. C’est un « caméléon » des temps modernes qui a
réussit s’adapter à toutes les contraintes pour ne jamais être démasqué. Mais c’était sans
compter sur un événement majeur et imprévisible : la crise financière du siècle.
Néanmoins, il faut tout de même saluer ses compétences qui lui auront permis de placer sa
société de courtage au niveau des plus grands. C’est son activité de conseil en investissements
et de gestions d’actifs qui sera au cœur de la fraude.
I.1.4L’illustration du rêve américain : de 5 000 USD à une offre de 1 milliard en 2002
Bernard Madoff était, jusqu’au 12 décembre 2008, l’incarnation du rêve américain. Un « self
made-man issu d’un milieu modeste qui crée une entreprise avec 5 000 U.S.D en 1960 et se
retrouve à la tête d’une société valorisée à 1 milliard de dollars en 2002 »4
.
Nous allons examiner successivement les points suivants :
o Comment a-t-il réussi à créer cet empire de la finance ?
o Quelles ont été les clés de son succès ?
4
http://www.lepoint.fr/actualites-economie/2008-12-12/bernard-madoff-ancien-patron-du-nasdaq-accuse-d-une-gigantesque/916/0/299530
16
Au départ, la société « BMIS » est un teneur de marché « Market Maker » dit société de
courtage, qui propose à ses clients des contreparties à l’achat et à la vente de titres boursiers
sur un marché de gré à gré, Over The Counter (OTC). Il s’agit d’investissements très risqués
sur un marché concurrentiel.
Madoff se sert alors du carnet d’adresses de son beau père, Saul Alpern, un comptable bien
enraciné à New York, qui jouit d’une excellente réputation et connaît un bon nombre de cibles
idéales. Saul Alpern accepte même de le recommander personnellement et lui prête une
somme considérable, 50 000 dollars, pour l’aider à développer et capitaliser son entreprise.
Cela représente près de 300 000 dollars actualisés en 2010. Ce prêt n’avait jamais été cité
dans les récits de sa réussite car on préférait retenir l’image d’un homme qui s’est construit
tout seul avec 5000 dollars.
Le succès fut très rapide. Il avait accès à un carnet d’adresses bien fourni, il était un excellent
vendeur et son sens du service faisait merveille pour fidéliser les clients. Mais pour conquérir
plus de parts de marché et attirer encore plus de clients, il lui fallait trouver autre chose. Il met
en place une tactique de vente très agressive en reversant une partie de sa marge à un réseau
d’apporteurs d’affaires. Au fur et à mesure que son activité grandit, il a une idée de génie qui
lui procurera un avantage décisif et qui lui permettra de sortir du lot : l’automatisation des
échanges.
Cette automatisation des échanges lui permettra de fiabiliser les opérations, d’améliorer
l’exécution des ordres de bourse, de réduire les délais de traitement, de limiter ses charges de
personnel et de réduire considérablement les coûts.
Le lancement de son programme lui permet de devenir un acteur majeur du marché des OTC
en 1969. Il rejoint la NASD (National Association of Securities Dealers, l’association
nationale des marchands de titres boursiers) et sous son impulsion le NASDAQ (National
17
Association of Securities Dealers Automated Quotations) est crée en 1971. Il s’agit d’une
nouvelle Bourse, automatisée et très fortement inspirée de son programme d’automatisation
des échanges qui va concurrencer la Bourse de New York (NYSE).
« Le NASDAQ est le deuxième plus important marché d'actions des États-Unis en volume
traité, derrière le New York Stock Exchange, et le plus grand marché électronique d'actions
du monde »5
.
L’activité de « BMIS » se développe sur le Nyse. Dans les années 80, il devient un courtier
majeur des Etats-Unis avec environ 15% du volume de transactions du Nyse, soit environ 5%
du nominal traité, et est également le plus important « Market Maker » du Nasdaq.
Entre 1990 et 1993, il est élu directeur du Nasdaq. Cet homme a révolutionné le courtage en
baissant de manière très significative les coûts de courtage à travers son infrastructure
technologique qui sera imitée par l’ensemble du marché. Cela aura permis la création, dans
les années 1990, d’un véritable marché pour les petits investisseurs.
« En 2000, « BMIS » détient des avoirs
estimé à 300 millions de dollars.
En 2002, il reçoit une offre d’achat pour sa
société d’un milliard de dollars de la part
de la banque Goldman Sachs et de Charles
Schwab.
Il la refuse en prétextant que toute sa
famille travaille avec lui et qu’ils ne
supporteraient pas de travailler pour
quelqu’un d’autre.»6
.
En réalité, c’était parce qu’il n’aurait pas
pu dissimuler cette fraude.
5
http://fr.wikipedia.org/wiki/NASDAQ
Les clés de sa réussite :
1/ Un capital de 5000 USD et un don pour la vente.
2/Une envie d’entreprendre et le sens du business.
3/ Un carnet d’adresses, une recommandation
crédible et 50 000 USD empruntés à son beau père.
4/ Un politique commerciale agressive en reversant
une partie de sa marge à un réseau d’apporteurs
d’affaires.
5/ Un avantage comparatif avec une innovation
majeure : l’automatisation des échanges.
6/ Une image positive qui inspirait confiance.
7/ La création du Nasdaq et des relations privilégiées
avec les instances de contrôle, renforçant sa
notoriété.
8/ Beaucoup de travail et le souci du détail.
18
L’activité de « BMIS » conservera une place parmi les leaders dans le courtage américain
jusqu’en décembre 2008 et semble avoir été légitime de bout en bout comme il l’a confirmé
lors de sa déposition du 12 mars 2009. Elle a toujours été largement contrôlée et fut l’objet de
nombreuses enquêtes dont il a bénéficié pour avoir pignon sur rue.
En revanche, l’activité de conseil en investissements et de gestion d’actifs financiers était,
quant à elle, une « supercherie » à l’échelle planétaire et baignait dans un halo de mystère et
de confidentialité qui ont fait obstacle à tous les contrôles courants dans ce type d’activité
ainsi qu’aux « due diligences » de la part des clients.
Nous avons donc vu, à travers cette partie, comment Bernard Madoff incarnait le rêve
américain dans tous ses excès. De la création de son entreprise avec ses 5000 dollars en poche
à son ascension fulgurante en tant qu’autodidacte de la finance. De l’innovation avec son
système d’automatisation à la création du Nasdaq. D’une offre d’achat incroyable de son
entreprise à un milliard de dollars à la fin d’un rêve qui se termine en cauchemar et à une
peine de prison de 150 ans pour la plus grosse fraude de l’histoire.
Il convient, à présent, d’aborder le contexte dans lequel cette fraude a été révélée. En effet,
une succession de crises sans précédent ont participé à la chute Bernard Madoff et à la
révélation de sa fraude. Nous allons tenter de retracer et d’expliquer dans les grandes lignes
comment une crise immobilière, partie des Etats-Unis d’Amérique, a pu engendrer la crise du
siècle qui fît tomber Bernard Madoff.
6
« L’affaire Madoff, les secrets de l’arnaque du siècle », d’Amir WEITMANN aux éditions PLON.
19
I.2 Le contexte : une succession de crises sans précédent
On peut légitimement s’interroger sur les raisons pour lesquelles une crise sur un segment de
marché spécifique (en l’occurrence le secteur des prêts immobiliers à risque aux Etats-Unis) a
pu ainsi prendre une telle ampleur, se généraliser et générer une crise financière mondiale. En
fait, cela s’est déroulé en plusieurs étapes.
I.2.1 Les subprimes : La crise immobilière
En 2002, l’économie américaine est en perte de vitesse et le gouvernement américain souhaite
mettre en place certains relais de croissance. Il met alors en place des crédits destinés aux
ménages les plus pauvres : les subprimes.
Le terme subprime7
représente au sens large un crédit à risque, offert à un emprunteur ne
possédant pas les ressources ou les garanties nécessaires pour bénéficier du taux d'intérêt le
plus bas du marché. Plus particulièrement, ce terme désigne une forme de crédit hypothécaire
gagé sur le logement de l'emprunteur, avec un taux d'emprunt variable au cours du temps et
destinée aux emprunteurs à risque. L’octroi du prêt est donc basé uniquement sur la garantie
et le montage financier élaboré.
Le risque encouru par les investisseurs, quand ils prêtent de l'argent aux emprunteurs à faibles
garanties, est rémunéré par la différence de taux entre un crédit accordé aux emprunteurs
évalués comme « fiables » et un « subprime ». Des systèmes et montages très recherchés
utilisant des taux variables et des produits financiers complexes pouvaient permettre de
maintenir des taux bas en début de prêt et rendre intéressant ces crédits pour l'emprunteur. Le
taux initial peut être très attractif, bien souvent en dessous du taux fixe d'un emprunt
classique. Ainsi, aux États-Unis, des emprunteurs, pouvant accéder à d'autres types de prêts,
7 http://fr.wikipedia.org/wiki/Subprime
http://www.becompta.be/modules/dictionnaire/2551-comptable-subprime.html
http://www.lesechos.fr/info/finance/300194636.htm
20
se sont tout de même orientés vers ce crédit très accessible et bon marché en période de taux
faibles. Les prêts subprimes ont été octroyés par des courtiers qui n’étaient pas des banques,
et donc qui n’étaient pas soumis à une supervision de la même qualité que les banques, ce qui
a augmenté la prime de risque de ce type de crédit.
Les prêts « subprimes » étaient estimés risqués quand ils étaient pris isolément, mais dans la
globalité ils apparaissaient relativement sûrs et rentables (dans un portefeuille de créances).
Le calcul de la rentabilité estimée se basait sur une hypothèse optimiste d’une hausse
continue du marché de l'immobilier, confortée par l'absence de baisse depuis 1945 aux Etats-
Unis. Ainsi, si un emprunteur devenait défaillant, la revente de son bien immobilier devait
permettre une plus-value et couvrait ainsi le risque. Pendant 4 ans, de véritables bulles
financières et immobilières se sont développées : un grand nombre de ménages à faibles
revenus se sont endettés.
La crise immobilière dite des « subprimes » s'est déclenchée au deuxième semestre 2006.
L'augmentation des taux d'intérêt à court terme (de 1 % à plus de 5 %) associée à la baisse des
prix dans l'immobilier a mis en faillite les clients les plus fragiles, puis certaines banques
elles-mêmes. En effet, des millions de biens immobiliers se sont retrouvés en vente au même
moment, faisant ainsi chuter les prix de l’immobilier.
En 2007, près de trois millions de foyers américains étaient en situation de défaut de
paiement.
I.2.2 La crise boursière
Un élément essentiel de la propagation de la crise est le fait que les distributeurs originaux de
crédits hypothécaires ne voulaient pas porter eux-mêmes la majeure partie du risque de crédit.
Pour cela, ils ont utilisé la technique dite de « titrisation » dont le mécanisme consiste à
mettre un ensemble de crédits dans un portefeuille (« le pooling ») qui est cédé à un véhicule
21
spécial d’investissement « ad hoc » (SPV). La dette est alors divisée en un grand nombre de
titres et découpée en tranches qui sont vendues à des investisseurs institutionnels8
.
Quand le risque des crédits titrisés est raisonnable, cette pratique aide à donner au marché
plus de profondeur, de liquidité et de flexibilité. En effet, la titrisation a non seulement permis
d’accroître les sources de financement des banques, en rendant liquides les actifs illiquides
détenus à leur bilan, mais aussi de transférer le risque lié à ses actifs. Elle permet aux
créanciers initiaux d’évacuer ainsi « hors bilan » une partie de leurs crédits, généralement la
plus risquée, et de se dispenser alors de l’obligation de couvrir partiellement ceux-ci en
fonds propres, comme le spécifient les règles internationales décrétées par le «Comité de
Bâle». Par cette technique, la vigilance des banques qui ont délivré les crédits aux ménages a
été moins grande sur leur capacité à rembourser l’emprunt.
Quand les défauts ont augmenté sur les « subprimes », on a observé alors un effet de
contagion via les banques ou les fonds spéculatifs qui étaient fortement exposés sur le marché
des « subprimes » par des investissements directs ou indirects dans des produits structurés et
titres spéculatifs adossés à de la dette et, plus généralement, par des opérations financières de
ce type aux Etats- Unis. La valeur des dérivés de crédit vont alors diminuer fortement.
Les pertes directement engendrées par les crédits « subprimes » peuvent être estimées ; en
revanche, les dépréciations des produits dérivés sont beaucoup plus difficiles à évaluer.
Par un effet domino, la crise affecta peu à peu tout le marché du crédit et de la titrisation,
touchant alors des produits n’ayant aucune relation avec les crédits subprimes.
Le marché boursier a été affecté par cette contagion, aussi bien au niveau des valeurs
bancaires qu'au niveau d’autres titres pouvant être touchés par le comportement des fonds
d’investissements. Il est alors impossible pour les gérants de déterminer la valeur de leur
8
Banque de France (février 2009), « La crise financière », documents et débats n°2.
22
fonds, faute d’échanges sur ces instruments. La cotation est alors suspendue, entraînant la
panique des investisseurs. Ces derniers désirent alors tous revendre leurs parts, obligeant les
gérants à fermer temporairement les fonds en attendant une amélioration de la situation. Il
apparaît, sur le marché, la crainte que des fonds d'investissements ne pouvant recouvrer des
créances en raison de cette crise, cherchent à vendre massivement d’autres valeurs faisant
ainsi chuter les titres d'un grand nombre de sociétés pour compenser ces pertes. La crise du
crédit immobilier s’est propagée à la totalité du milieu financier, sur les marchés boursiers, la
baisse des cours des valeurs bancaires se propageant à l’ensemble des bourses mondiales. Les
marchés sont devenus plus volatils sous l’effet du comportement des investisseurs inquiets
quant à l’étendue de la crise.
La faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers le 15 septembre 2008, va accroître
la tension sur les marchés. Aucune partie prenante ne lui vient en aide, cela est très mal perçu
par les marchés (il y a une volonté de faire un exemple ou de montrer que les Etats ne
viendront plus en aide aux banques) qui plongent de plus bel. La bourse américaine est la
première à chuter et entraîne avec elle les bourses mondiales. Pour pallier à cette crise sans
précédent, certains États nationalisent les pertes engendrées par les banques en difficultés,
garantissent les épargnes et vont même racheter les actifs toxiques9
.
En 2008, nous avons donc assisté à une crise bancaire et financière déclenchée par le
surendettement des ménages américains et la multiplication de produits financiers dits
toxiques. La tourmente s’est propagée un peu partout dans le monde. Une crise des liquidités
s’en est suivie, bloquant tout le système du crédit et débouchant sur une crise économique.
9 http://fr.wikipedia.org/wiki/Lehman_Brothers
23
I.2.3 La crise économique
La crise se propage et certaines répercussions apparaissent dans l’économie. Dans un premier
temps, la crainte d’une limitation mondiale du crédit a influé sur les cours du pétrole, car un
grand nombre de fonds touchés par les difficultés des « subprimes » désirent alors couvrir
leurs pertes en soldant leurs positions sur les marchés des matières premières. On assiste à un
effet de contagion : les évènements affectant les marchés boursiers et des capitaux, entraînent
un assèchement des liquidités, obligeant différents intervenants comme les hedge funds à
quitter le marché de l'énergie et à solder leurs positions.
Le durcissement des conditions d’accès au crédit et d’obtention des prêts immobiliers a fait
chuter de 19,1% les ventes de logements en un an et le nombre de mises en chantier aux
Etats- Unis a reculé de 31% de 2007 à 2008.
Les premiers touchés sont, d’une part les emprunteurs devenus défaillants avec une explosion
du taux de saisies immobilières et d’autre part, les employés du secteur des produits financiers
dit « subprimes ». On assiste à une série de licenciements dans la sphère financière, suite à la
faillite et à la fermeture de sociétés de crédit et de courtiers.
Dans beaucoup de pays industrialisés, les restrictions de crédits imposées par les banques aux
ménages ralentissent et contractent la consommation interne. Les entreprises, quant à elles,
sont touchées dans leurs capacités à trouver un financement, et donc à investir. Parallèlement
à cela, les ventes chutent, les stocks augmentent, et leurs trésoreries se dégradent. Le secteur
du bâtiment est aussi fortement touché en raison de la baisse vertigineuse de la construction
dans le neuf et des invendus. Les dépôts de bilans s’intensifient, augmentant logiquement le
nombre de chômeurs et de sans-emplois, ce qui restreint encore plus la consommation et
affecte le moral des ménages.
24
I.2.4 La crise du marché du change
La crise financière a soudain des conséquences spectaculaires qui se traduisent par des
variations de très fortes amplitudes qui affectent certaines devises.
Entre Juillet et Novembre 2008, on pouvait constater que le Yen s'était ainsi apprécié de 40%
vis-à-vis de l'Euro. Pendant ce temps, le Dollar Australien et que la Livre Sterling chutaient
respectivement de 25% et de 20% vis-à-vis de l’US Dollar. L'Euro, qui était a un plus haut
niveau historique face à l’USD, a chuté de 1.60 à presque 1.23 - soit de près de 25%. Ces
variations, sur le marché du change, ont eu un impact désastreux, car elles rendaient toute
opération d'import/export potentiellement impossible à réaliser dans des conditions
raisonnables pour les entreprises et pour les Etats.
Les investisseurs et spéculateurs trouvaient sur le marchés des devises une source de
financement idéale à bas prix .Le procédé juteux consistait à emprunter dans des devises
ayant un taux d'intérêt très faible comme le Yen ou le Franc Suisse, dans le but d'investir
dans des actifs libellés en monnaies à fort rendement comme le Dollar Australien, le Rand
Sud Africain ou l'Euro. Cette source s'est tarie, et ces mêmes acteurs se retrouvent alors dans
l’obligation de racheter les Yens et les Francs Suisses, précédemment vendus à découvert, en
bénéficiant de l'effet de levier, mais en amplifiant encore plus les variations. Les spéculateurs
sont gagnés par la peur et se défont de leurs devises dont les pays importent des capitaux
étrangers, comme l'Europe Centrale ou la Corée du Sud, ce qui favorise l'accentuation de la
crise auprès des économies émergentes.
Le marché des changes est donc aussi un vecteur de la contagion et de l'expansion de la crise
du milieu financier à l'économie, du fait des spéculateurs qui sont des intervenants de poids
sur ce marché. Les dégâts collatéraux infectent toute la chaîne des acteurs : de la banque,
prêteuse ou mettant à disposition l'effet de levier, aux fonds de pension et aux compagnies
25
d'assurance qui voient la valeur de leurs actifs rapidement baisser du fait de la vente anticipée
de ces valeurs par les spéculateurs obligés de sortir de ces opérations à levier...
I.2.5 La crise de confiance
Le manque de transparence des banques et la complexité des produits financiers ont accentué
la crise de confiance. Il était devenu impossible pour les détenteurs de créances de les solder.
La méfiance envers les créances titrisées s'est installée indépendamment de la part de crédits
« subprimes » qu'elles comprennent, puis envers les fonds d'investissements, les OPCVM
(dont les SICAV monétaires) et envers le système bancaire susceptible de détenir ces dérivés
de crédits.
Partout dans le monde, les banques ont investi dans des titres adossés au marché des
« subprimes » et peuvent potentiellement subir d'importantes pertes. Mais il est impossible de
déterminer dans quelle proportion.
Les produits financiers de "titrisation", contenant les fameux crédits subprimes, sont
complexes. Ils combinent bien souvent des crédits sensibles avec des titres de bonne qualité.
Au final, il est quasiment impossible de repérer les produits dangereux.
Au cours de l'été 2007, on observe une première chute des marchés boursiers déclenchée par
un arrêt temporaire de la spéculation, arrêt lui-même provoqué par cette crise de confiance
générale dans le système financier. L'inquiétude s’était répandue jusque dans le marché
interbancaire qui est censé permettre le refinancement des banques. Peu à peu, les relations
interbancaires se retrouvent paralysées par le doute, qui affecte la liquidité des "collatéraux"
et par l'incapacité de localiser les titres contaminés, qui a eu pour conséquences la mise en
difficulté d'un grand nombre de banques dans le monde. Les banques centrales ont alors
massivement injectées des liquidités dans le marché interbancaire. Le mal restera enfoui
26
jusqu'au moment où les premières faillites apparaissent, puis touchent les premières
institutions financières septembre 2008.
Une crise de confiance s’installe lorsque les banques prennent conscience qu’elles ne sont
plus en mesure d'apprécier les risques portés par leurs homologues. Cela entraîne alors l’arrêt
brutal du refinancement et un assèchement du marché interbancaire.
Cette crise de confiance se répand également au niveau des populations des pays développés.
Le moral des ménages est au plus bas en Europe, en Amérique du Nord et dans les économies
développés asiatiques et du pacifique. Les médias du monde entier relayent et amplifient cette
crise de confiance auprès des populations. Dans certains pays, les particuliers retirent leurs
économies des banques, amplifiant à leur tour la crise des liquidités.
I.2.6 La crise du siècle
Avec plus de 250.000 milliards d’euros, la sphère financière a atteint six fois le montant de la
richesse réelle du monde.
Les sociétés financières ont sous estimé le risque des crédits « subprimes », comptant sur la
possibilité de saisir le logement et de le revendre avec une plus-value dans un marché
immobilier en forte hausse et dont personne à l’époque ne voulait envisager le retournement.
Et brutalement, on assiste au dégonflement de la plus grosse bulle de crédits jamais observée.
La chute brutale du marché immobilier aux USA, à partir de Juin 2006, a complètement pris
au piège les emprunteurs de crédits subprimes, provoquant un désastre aux dimensions jamais
atteintes. Plus de 1000 milliards d'euros ont été perdus. De nombreuses banques d'affaires ont
disparu. Les cinq établissements de références de ce système se sont écroulés : Lehman
Brothers tombe en faillite. Bear Stearns est rachetée par Morgan Chase avec l’aide de la
27
Réserve Fédérale. Merrill Lynch est repris par la Bank of America. Les établissements
Goldman Sachs et Morgan Stanley, quant à eux, voient leurs réputations affectées en tant que
banques d’affaires et ont été « recyclées » en simples banques commerciales, soumises au
contrôle de la Fed.
Toute la chaîne de fonctionnement du système financier apparaît atteinte et n’est plus fiable.
Les banques d’affaires ne sont pas les seules touchées. C’est aussi le cas des banques
centrales, des autorités de régulation, des banques commerciales, des caisses d’épargne, des
compagnies d’assurances, des agences de notations (Standard & Poors, Moody’s et Fitch) et
même des agences internationales d’audit comptable (Deloitte, Ernst & Young, PWC).
Cette crise apparaît d’un type différent et n’a pas pour origine, comme les précédentes, des
problèmes circonstanciels tels qu’ils ont été rencontrés depuis les années 30. Il s’agit, en
réalité, d’une crise de solvabilité qui touche à la fois les ménages, les entreprises, mais aussi
les états qui se sont massivement endettés.
De manière générale, c’est la remise en question d’un système économique qui surgit. Au
final, la chute de ce système a été amorcée par l’octroi des crédits « subprimes » à des
ménages faiblement solvables et a été propagée par le biais du mécanisme de titrisation ainsi
que par la désintermédiation, la libéralisation et la déréglementation financières.
I.2.7 Cette crise débouche en 2010 sur une nouvelle crise affectant la solvabilité des
Etats
En avril 2010, une crise, tout aussi grave que celle de 2008, fait vaciller les marchés
financiers. Cette fois-ci, c’est la solvabilité des Etats qui est en cause et non plus seulement
celle des banques.
28
La Grèce est dans l’incapacité de rembourser ses dettes. Elle a besoin d’une aide
internationale rapide et coordonnée de l’Union Européenne et du Fonds Monétaire
International. Elle est complexe à mettre en œuvre et les investisseurs perdent confiance.
Le 7 mai 2010, nous assistons à un véritable plongeon sur les places boursières de la planète
avec une baisse de 4,60% à Paris, de 4,55% à Bruxelles, de 3,28% à Madrid, de 3,27% à
Milan, de 3,26% à Francfort, de 3,10% à Tokyo, de 2,94% à Lisbonne, de 2,86% à Athènes et
d’environ 1,40% à Wall Street. La Bourse de Paris a perdu 11% entre le 3 et le 7 mai.
La situation financière catastrophique de la Grèce et un phénomène de contagions vers
l’Espagne et le Portugal ont fait peur aux investisseurs. Le marché interbancaire s’est de
nouveau asséché, cette fois-ci vers les banques grecques, et peut être demain vers les banques
espagnoles et portugaises, voire irlandaises. En juin, c’est autour de la Hongrie de susciter des
craintes après que son président ait fait état d’une situation financière catastrophique et de la
nécessité de la mise en œuvre d’un plan de rigueur.
Les emprunts d’Etat, qui étaient jusqu’à présent considérés comme des placements sans
risque, des placements de « bon père de famille », suscitent en mai 2010 la défiance des
marchés. Ils sont détenus par des fonds ouverts à l’épargne publique, à des caisses de retraites,
des assurances vie, des sicav obligataires, donc par monsieur et madame tout le monde et non
plus par seulement par de grandes banques internationales.
Cette crise devient très inquiétante car cette fois-ci, c’est l’Europe qui est au centre du
problème et non plus seulement les Etats-Unis. Le cœur de la crise est au sein même de
l’Union Européenne.
29
L’autre point important est qu’il s’agit
également d’une crise politique profonde et
non plus seulement financière. Cette crise
marque une faillite collective et
institutionnelle de l’Union Européenne qui
a trop tardé à venir en aide à la Grèce.
Cette crise politique est d’ailleurs renforcée
par l’instabilité du gouvernement en
Belgique, par les élections qui ont été
incertaines au Royaume-Uni et par la
défaite de la coalition de la chancelière
Angela Merkel en Allemagne (qui a perdu
la majorité à la Chambre Haute du
Parlement fédéral).
La situation économique est par ailleurs plus difficile et fragile qu’en 2007. L’Europe est
encore convalescente. Après être tombée dans la récession, les estimations officielles sur la
croissance sont de 0,9% pour la zone euro en 2010 (contre une croissance de 2,7% en 2007).
Enfin, les solutions à cette sortie de crise sont plus complexes à mettre en œuvre. Les Etats
ont injecté des centaines de milliards pour sauver les banques et relancer la croissance en
s’endettant très fortement. Les déficits ont explosé et les marges de manœuvres sont
maintenant plus restreintes.
Les états les plus endettés annoncent les un après les autres leurs plans de réductions des
déficits publics par le biais de plans d’austérité. Cette crise est profonde et nul ne sait
actuellement, ni quand elle s’arrêtera ni sur quoi elle débouchera : une autre crise, une
Pourquoi cette crise pourrait être plus grave
que celle initié en 2007 ? :
1/ La solvabilité des Etats est en cause
2/Les emprunts d’Etat sont dans les fonds ouverts à
l’épargne publics et touchent plus de personnes.
3/ Le berceau de la crise est en Europe.
4/ Une crise financière couplée à une crise politique
profonde en Europe.
5/ La zone Euro est dans une situation économique
difficile et sort à peine de la récession.
6/ Les solutions sont plus complexes à mettre en
œuvre et les Etats ont moins de marge de
manœuvre.
30
nouvelle réglementation financière mondiale…
En tout état de cause, c’est dans ce contexte que l’affaire Madoff a été mise en évidence. Sans
cette crise sans précédent, cet homme serait certainement encore un mythe de la finance, mais
pour d’autres raisons que celle de l’escroquerie du siècle.
Maintenant que nous cernons mieux le personnage et le contexte international, nous nous
attacherons dans cette deuxième grande partie à mieux comprendre la fraude, à décortiquer
ses rouages et son impact. Nous vous présenterons le portrait de quelques victimes
emblématiques afin de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de cette fraude.
Enfin, nous achèverons cette partie centrée sur la fraude par un état des lieux sur les
procédures collectives, la liquidation des fonds et le processus d’indemnisation des victimes.
31
II / La Fraude
II.1 Le principe de la fraude basé sur un double mécanisme
II.1.1 Le principe de base : La chaîne de Ponzi
La mise en place de la fraude « Madoff » reposait sur un modèle extrêmement simple, proche
d’un schéma appelé «de cavalerie» ou «Pyramide de Ponzi». Dans ce type de schéma, il n’y a,
en réalité, aucun investissement de fait et les intérêts versés aux investisseurs existants sont
payés grâce aux investissements des nouveaux investisseurs entrants.
Afin de matérialiser cette fraude de manière extrêmement simple, nous allons prendre un
exemple concret et chiffré :
• Prenons un rendement de 20% sur un fonds. Ce rendement est extrêmement fort
compte tenu de ce qui peut se pratiquer sur le marché. Au démarrage, 3 clients seulement
acceptent de mettre 100 000 € grâce à la réputation du fonds, de celle de son gérant et en
raison de la faible somme demandée. Au bout de la première année, avec un fond d’une
valeur de 300 000 €, on leur paie les 20% soit 60 000 €. Les investisseurs sont satisfaits et il
reste donc 240 000€ dans le fonds.
• La nouvelle se répand assez vite et le fonds représente maintenant 2 000 000 € à gérer
la seconde année, avec de nouveaux investisseurs. On paye de même les intérêts de 20%
promis sur cette somme soit 400 000€. Il reste donc 1 600 000 €. Et ainsi de suite…
Cette escroquerie, maintenant mondialement connue, est communément appelée «Pyramide
de Ponzi» :
32
« Une chaîne de Ponzi, dynamique de Ponzi, pyramide
de Ponzi ou jeu de Ponzi, est un système de vente
pyramidale, une forme d'escroquerie par cavalerie,
fonctionnant par effet boule de neige, consistant en la
promesse de profits très intéressants, financés par
l'afflux de capitaux investis progressivement, jusqu'à
l'explosion de la bulle spéculative ainsi créée.
(1) Ce système tient son nom de Charles Ponzi (photo à
droite) qui est devenu célèbre après avoir mis en place
une opération immobilière frauduleuse à Boston fondée
sur ce principe en 1921. 10
»
Photographie de Charles Ponzi en
1920.
La principale difficulté à ce stade réside donc dans le recrutement des investisseurs pour que
la pyramide ne s’effondre pas. Pour les attirer, deux paramètres sont particulièrement
importants : le couple rendement/risque de l’investissement et la notion de confiance. Pour
simplifier, l’escroquerie résidait dans les deux paramètres suivants :
• Le simple fait de payer des intérêts très élevés, quelle que soit la configuration du
marché aux investisseurs, est déjà un paramètre qui permet de facilement recruter de
nouveaux investisseurs ou de faire réinvestir des clients ayant déjà investit.
• La confiance. Bernard Madoff avait la confiance des investisseurs compte tenu de son
parcours dans les affaires en finance.
Malgré ce mécanisme qui parait incroyablement simple à mettre en place, le niveau de
difficulté de recrutement de nouveaux investisseurs reste néanmoins très élevé et s’accroît
10
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cha%C3%AEne_de_Ponzi
33
avec le temps en parallèle avec les besoins toujours plus importants de liquidité. En effet, il
est capital de pourvoir recruter de manière continue de nouveaux investisseurs.
Ce schéma met bien en exergue le paramètre fondamental qui fait tenir cette pyramide, à
savoir le nombre d’investisseurs. Il devient rapidement un paramètre bloquant et de plus en
plus difficile à contrôler.
Tôt ou tard, la pyramide va
s’effondrer, d’autant plus si certains
investisseurs retirent brusquement
leurs investissements à la suite d’une
crise d’une grande ampleur, comme
ce fut le cas pour l’affaire « Madoff »
en 2008. Celui-ci a réalisé la plus
grande appelée «Pyramide de
Ponzi»connue à ce jour, avec près de
3 millions de victimes.
Ayant désormais ces éléments en vue, nous allons observer que l’affaire « Madoff » n’est pas
seulement basée sur une simple «Pyramide de Ponzi». Un mécanisme un peu plus subtil
transparait…
II.1.2 Le mécanisme additionnel : un investissement rémunérateur à faible risque.
Dans cette affaire, contrairement à une «Pyramide de Ponzi» classique ou à d’autres arnaques
de type pyramidal, il existait dans l’activité de gestion des fonds au sein de « BMIS » une
activité assurant un retour réel sur investissements.
34
La rémunération des investisseurs se faisait donc grâce à un double mécanisme:
• Investissement des fonds sur les marchés financiers avec une stratégie à faible risque
(obligations d’Etat) qui générait des intérêts, mais à très faible rendement.
• Une ponction sur le capital, n’intervenant qu’en complément, pour assurer au client un
RSI supérieur à celui assuré par les concurrents. Cette ponction représentait la majorité du
rendement global dégagé pour les investisseurs à leur insu.
Ce système a donc pu fonctionner tant que la fraude était bien contrôlée et dissimulée. En
l’occurrence, elle aura durée 48 ans !
Nous nous attarderons, dans la prochaine partie, à décortiquer le montage financier, c'est-à-
dire l’organisation macro générale, à présenter des parties prenantes ainsi que les schémas de
cette fraude, sans oublier les subtilités et les difficultés d’un tel montage.
Nous en profiterons également pour examiner les éléments techniques de l’un des fonds
nourriciers, celui d’UBS nommé Luxalpha.
35
II.2 Montage financier :
II.2.1 Organisation macro générale
L’importance du montant géré par Bernard Madoff, par l’intermédiaire des fonds nourriciers
et de sa société « BMIS » nécessite un grand nombre d’acteurs, à la fois en termes
d’investisseurs, d’établissements bancaires, de fonds d’investissements et de relations
commerciales dans les domaines de la finance11
. Il est important d’avoir en tête que la somme
globale géré par « BMIS » le plaçait parmi les fonds d’investissement les plus importants au
monde.
Classement des hedge funds américains en fonction du montant des actifs sous gestion :
JP Morgan Asset Management 34,0 milliards USD
Goldman Sachs Asset Management 32,5 milliards USD
Bridgewater Associates 30,2 milliards USD
D.E Shaw Group 26,3 milliards USD
Faralon Capital Management 26,2 milliards USD
Renaissance Technologies Corporation 24,0 milliards USD
Och-Ziff Capital Management 21,0 milliards USD
Cerberus Capital Management 19,2 milliards USD
Barclays Global Investors 18,9 milliards USD
ESCL Investments 18,0 milliards USD
Source : Absolute Return, mai 2007
Ce montage est en quelque sorte l’œuvre d’une vie et, comme le montre le schéma suivant,
d’une grande complexité en terme d’acteurs impliqués directement ou indirectement.
11
Juin 2009 analyse financière n° 31 - « Madoff n’était pas un hedge fund »
36
Montage global de l’escroquerie Madoff12
II.2.2 Description des interactions des entités dans l’organisation et leurs rôles
Afin de bien cerner chaque acteur et leurs rôles respectifs, nous nous efforcerons de décrire
comment chacun d’entre eux intervenait par étapes successives.
La première étape consistait à trouver un support rémunérateur pour les investisseurs. Ces
investisseurs étaient issus d’un grand nombre de catégories. Afin d’illustrer cette diversité,
nous avons pris un échantillon pour chacune des catégories de la liste publiée13
• Clients privés aisés
• Clients privés fortunés: Steven Spielberg, Liliane Bettencourt, Arpad Busson, Carl
Shapiro
• Fonds de pension : Massachusetts et Connecticut, Carpenters
12 Madoff : Un piège presque parfait (article de presse rédigé par Pierre Alexandre Sallier)
13 Liste des clients Madoff : Madoff Affidavit Exhibits_SEND_for attorneys_02-03-09
37
• Assurance : AXA
• Banques agissant pour le compte de : Bank of America Santander, BNP Paribas
• Fondations : Elie Wiesel, United Jewish Appeal
• Sociétés : Apple, General Motors
La seconde étape proposait un produit adapté à chaque type d’investisseurs en fonction de
leurs besoins au travers du couple rendement/risque. Les investisseurs, suivant leur nature, se
tournaient donc de manière proactive ou non vers une structure ou des individus qui pouvaient
les conseillers dans le choix du support. Ces intermédiaires pouvaient êtres des banques, des
sociétés d’investissements ou des hedge funds.
Ces intermédiaires créaient des structures que l’on appelle des « fonds nourriciers » ou plus
communément des « fonds rabatteurs » ou « feeders funds »14
. Ces fonds proposaient des
produits financiers auxquels souscrivaient les investisseurs. Le rôle de ces structures relais
était de recueillir des capitaux auprès des investisseurs. Ce système permettait de s'immiscer
de manière extrêmement large dans tout le système des réseaux financiers vu comme un
gigantesque réceptacle de capitaux. Dans l’affaire « Madoff », les principaux « fonds
nourriciers » domiciliés en Europe, et qui étaient gérés indirectement par Bernard Madoff,
étaient les suivants : Herald, Thema, Luxalpha, FFS, HRLD, OPTI, KING, Santa.
Il y existait bien entendu un grand nombre d’autres fonds afin d’assurer le recrutement de
nouveaux investisseurs. Les trois grandes catégories de fonds nourriciers sont décrites de la
manière suivante :
• Réseaux de sociétés de taille moyenne, mais dotées de capitaux importants
• Banques agissant de concert avec des gestionnaires
14
Les hedge funds - Gérard Marie Henry -© Groupe Eyrolles, 2008 ISBN : 978-2-212-54005-5
38
• Individus qui ont monté leur entreprise financière rabatteuse ou qui, le plus souvent,
servent de relais à « BMIS », en plus de leurs autres activités
L’intérêt principal, pour ces « rabatteurs », résidait dans la rémunération perçue sous la forme
de commissions sur le volume de produits placés, et non sur leur prestation financière. En
effet cette prestation financière, dans notre affaire, est déléguée à « BMIS » en termes et
d’exécution d’ordres de manière officielle mais très discrète, de conseils et de gestion de
manière officieuse et par l’intermédiaire de contrats non officiels et non agréés, dont on
présentera l’intérêt par la suite.
La troisième étape est celle de « l’investissement » des capitaux collectés par les fonds
nourriciers sur les marchés, par l’intermédiaire de la société de courtage « BMIS ». La
définition de la relation commerciale entre les « fonds nourriciers » et la société « BMIS »
pourrait être décrite comme une « délégation de gestion de compte clients » pour des
opérations définies par l’intermédiaire de contrats synallagmatiques15
. Ces opérations étaient
principalement:
• Des investissements en bons du trésor
• Des investissements sur l’Index S&P
• Des opérations de produits dérivés (options)
Le rôle de la société « BMIS » était donc d’exécuter les ordres sur les marchés de manière
officielle, de gérer et conseiller les fonds nourriciers en termes d’investissements de manière
officieuse.
15
Texte de l'assignation délivrée en particulier à l'encontre d'UBS Luxembourg et d'Ernst and Young –Site
internet de l’Association de défense des victimes de la fraude Madoff
39
L’intérêt de la société « BMIS »dans le cas présent, était de pouvoir couvrir à la fois les
ordres de comptes, la gestion et le conseil pour les « fonds nourriciers » de son propre réseau.
Cela lui procurait ainsi une pleine autonomie sans pouvoir être contrôlé par les organes de
contrôle. Ces opérations devaient, bien sûr, être présentées aux investisseurs de manière
régulière par l’intermédiaire de relevés. Ces derniers étaient toujours sous le format papier ou
faxés, afin de limiter la diffusion. La méthode « Madoff » consistait à délivrer aux
investisseurs une rentabilité définie à priori sur la base de constitution de portefeuilles
d’opérations fictives. Une fois ce portefeuille réalisé, les gains pour chaque investisseur
étaient calculés automatiquement à hauteur de leurs investissements pour chacun des comptes
gérés. De plus, comme les portefeuilles actions faisaient l’objet de reportings spécifiques, la
société « BMIS » prétendait déboucler ses positions à la fin de chaque trimestre et investir sur
des bons du trésor. Enfin, afin de ne pas trop éveiller les soupçons, la société « BMIS » créait
des portefeuilles fictifs avec des pertes volontaires mais contrôlées, et les investisseurs trop
curieux à l’égard de la gestion, se voyaient remboursés leurs investissements, avec clôture de
leurs comptes.
II.2.3 Les difficultés du montage et ses subtilités
Le système de fonctionnement de l’affaire « Madoff » dépendait de six facteurs, clés de
succès :
1. Une performance supérieure au marché, avec une régularité sans faille pour être à la fois
attractive et crédible16
.
2. Une forte capacité de recrutement de nouveaux investisseurs entrants
3. Une forte capacité à fidéliser les investisseurs afin d’éviter les retraits (débouclage de
position).
16
Fairfield Sentry Ltd. USD 3X Leveraged Version - Factsheet – November 17th , 2008
40
4. Une image irréprochable des opérations pour les autorités de régulation et les investisseurs
5. Une gestion rapide des flux financiers (investissements)
6. Une discrétion « maladive » de Bernard Madoff
Afin de bien verrouiller et bien maîtriser les six facteurs, clés de succès, Bernard Madoff a,
semble-t-il, mis en place des réponses opérationnelles parfaitement adaptées :
1. La performance supérieure au marché et régulière a été possible, principalement grâce à la
perfusion de capitaux par de nouveaux investisseurs qui alimentaient les intérêts des
investisseurs déjà présents dans le système. Cette méthode permet de parfaitement adapter et
maîtriser le rendement attendu.
2. La forte capacité à recruter de nouveaux investisseurs réside dans deux paramètres :
o Flexibilité du mode de recrutement par un réseau de fonds rabatteurs de renommée
internationale.
o Confiance des investisseurs au sein du réseau à l’égard des « rabatteurs » (exemple de
la banque UBS), et performance historique des produits et supports proposés.
3. La forte capacité à maintenir « captifs » les investisseurs, sans débouclage, tient dans le
fait qu’aucun autre investissement n’offre un couple rendement/risque aussi performant.
4. L’image irréprochable des opérations pour les autorités de régulation et les investisseurs
réside dans deux facteurs principaux :
o Le montage juridico-financier est classique, du moins en apparence, car les « fonds
rabatteurs » enregistrés auprès des autorités financières sont eux contrôlés et font appel à une
société de courtage « BMIS » pour réaliser les opérations. Cela permet ainsi à la société
« BMIS » d’échapper au contrôle.
41
o Un grand nombre de ces « fonds rabatteurs » sont crées par des institutions financières
de renommées internationales, ce qui facilite la crédibilité des montages réalisés.
Schéma classique de fonctionnement de fonds d’investissements17
:
- La société « BMIS) »se situerait
à la place du Fonds maître alors
même que « BMIS »n’est pas un
fonds mais une société de
courtage.
- Luxalpha serait un « fonds nourricier » qui alimenterait le fonds maître « BMIS » au centre
du schéma.
- Pour les investisseurs, l’image d’une banque renommée tel qu’UBS est un gage de sérieux et
leurs permet d’investir dans leurs fonds nourriciers par l’intermédiaire de supports comme des
OPCVM ou d’enveloppes fiscales comme les assurances vies. Pour se vendre, les feeders
funds (fonds nourriciers) mettaient en avant le fait qu'ils étaient contrôlés par les plus grands
cabinets d'audit internationaux, à commencer par PWC et KPMG. Ils ont ainsi caché l'obscure
firme New-Yorkaise, Friehling & Horowitz, chargée de signer les comptes de la société
« BMIS ».
5. La gestion rapide des flux financiers est une conséquence du montage subtil entre les
« fonds nourriciers » (rabatteurs) comme Luxalpha et la société Bernie « BMIS » qui, une
fois ces fonds disponibles, les emploie directement sur les marchés. La subtilité principale de
17
Les hedge funds - Gérard Marie Henry -© Groupe Eyrolles, 2008 ISBN : 978-2-212-54005-5
42
gestion des investissements réside dans le fonctionnement de la société »BMIS ». Elle gère et
décide des investissements et non les « fonds nourriciers ». La Sicav Luxalpha, par exemple,
n’est qu’un véhicule d’investissements, sans aucune gestion ou administration et n’a pas de
raison d’être. Grâce à ce montage, les fonds nourriciers procèdent en quelque sorte à ce qu’on
appelle un « compte géré ». Néanmoins, à la différence d’un compte géré, le client ne peut pas
voir ce qui se passe sur son compte ni le réajuster. En effet, Bernard Madoff était à la fois
"contrepartiste" de manière officielle et gestionnaire d'actifs de manière officieuse par un
contrat non agréé de type synallagmatique.
6. La discrétion, dans le montage de l’affaire « Madoff », était capitale pour deux raisons
principales :
o Les investisseurs pensaient qu’ils avaient été choisis et qu’ils étaient donc des privilégiés.
A ce titre, poser des questions trop précises ne pouvait s’envisager.
o Il convenait d’éviter d’éveiller la curiosité à tous niveaux, que ce soit auprès
d’investisseurs, de concurrents ou des autorités régulatrices. Bernard Madoff, ou sa société de
courtage « BMIS », n’apparaissent dans aucun des prospectus des fonds nourriciers. En
apparence, le fond nourricier propose un produit de qualité, distribué par des grandes banques
comme UBS, et audité à ce titre comme il se doit. Ce pare-feu cache des contrats officieux,
non présentés aux autorités régulatrices, entre « BMIS » et les gestionnaires comme UBS qui
délègue la gestion et l’exécution des opérations financières à « BMIS ».
Il est bien évident que cette fraude doit être complètement invisible, à la fois à l’égard des
autorités qui pourraient entamer des poursuites mais aussi pour les clients qui pourraient
procéder au retrait de leurs avoirs au moindre doute dans la gestion des fonds nourriciers.
A la lumière de cette fraude, nous le verrons un peu plus loin, la société « BMIS » a toutes les
apparences d’une société de gestion de fonds d’investissements « classiques », animée par un
43
patron de haute réputation. Cependant, la société « BMIS » n’est pas un fonds
d’investissements mais une simple société de courtage en bourse. Elle gérait, pour le compte
de ses clients, entre autre, des comptes actions sur le Nasdaq et sur le New York Stock
Exchange, notamment sur l’index du S&P500.
Le seul talon d’Achille que l’on a observé dans ce montage correspondait à l’audit et à la
certification des comptes. Alors que la plupart des structures financières sont certifiées par de
grands cabinets de la place comme E&Y, Price Waterhouse Coopers, la société
« BMIS »était certifiée par Freshling & Horowitz, un cabinet d’expert comptable inconnu. Ce
cabinet employait trois personnes dont deux comptables et une secrétaire. Cependant, la
société « BMIS » passe au travers des radars des autorités de régulation car elle n’est pas
enregistrée comme un fonds d’investissements mais les contrats synallagmatiques, non
officiels, le lui permettent sur le plan opérationnel. C’était là une des subtilités de l’affaire.
Nous étudierons, dans la prochaine sous partie, le prospectus d’un des fonds nourriciers les
plus importants et tacherons de mettre en exergue les diverses manipulations. Nous verrons
également que ce prospectus a subi quelques évolutions en cours de vie afin de s’adapter aux
réglementations internationales en termes de SICAV.
II.2.4 Le prospectus du fonds Luxalpha : un ensemble de manipulations évidentes18 19
Luxalpha est une SICAV luxembourgeoise crée par UBS AG et UBS S.A le 5 février 2004.
C’est un instrument d’investissements accessible au grand public et réglementé (agrément
préalable de la Commission de Surveillance du Secteur Financier).
18
Luxalpha SICAV – Sales prospectus - August 2006
19
Assignation devant le Tribunal d’Arrondissement de et à Luxembourg siégeant en matière commerciale
suivant la procédure civile de 2009 (136 pages)
44
En tant que sicav, elle a l’obligation de mettre à disposition de ses investisseurs un prospectus
qui doit détailler sa politique d’investissements, son fonctionnement et la façon dont il est
géré. Par ailleurs, la nature d’une SICAV fait qu’elle doit se conformer au principe de
diversification et de répartition des risques, avec des limites en matière d’investissement.
Or, UBS ne mentionnait pas dans le prospectus de Luxalpha, le nom de Bernard Madoff, de la
société « BMIS », ni le fait qu’elle n’était qu’un « fonds nourricier » concentré vers une
seule société dont la gestion était déléguée.
Luxalpha est un OPCVM coordonné, commercialisé au Luxembourg et en France (agrément
AMF en novembre 2004). Elle est donc une SICAV européenne grand public, régie par la
directive européenne 85/611/CEE du 20 décembre 1985, modifiée par les directives
2001/107/CE et 2001/108/CE.
En théorie, Luxalpha était une sicav à compartiments multiples, mais elle n’était constituée
que du compartiment « American Selection » qui avait vocation à investir en valeurs
mobilières cotées aux Etats-Unis en respectant le principe de la répartition des risques. Dans
les faits, elle n’était qu’un « fonds nourricier » chargé de collecter des fonds auprès du grand
public afin de les déposer et de les faire gérer auprès de « BMIS ».20
Forme d’une SICAV
Luxembourgeoise.
Politique d’investissements non respectée : délégation de la
quasi-totalité des dépôts à « BMIS ».
Les prospectus de 2004,
2006 et 2007 sont
mensongés :
Luxalpha était présentée comme un pur produit UBS sans
mentionner « BMIS » ou Bernard Madoff.
UBS était nommée en tant que promoteur et dépositaire.
Luxalpha était domiciliée auprès d’UBS S.A.
20
Assignation devant le Tribunal d’Arrondissement de et à Luxembourg siégeant en matière commerciale
suivant la procédure civile de 2009 (136 pages)
45
Selon le prospectus de Luxalpha, l’organigramme de cette SICAV aurait dû être celui-ci :
Selon l’analyse et l’étudie faite par la justice pendant cette affaire, l’organigramme réel était :
Les différences sont donc assez criantes et accablantes pour UBS.
46
En novembre 2007, Access Management Luxembourg est nommé en tant que nouveau
gestionnaire de Luxalpha, l’organigramme réel était donc devenu le suivant :
Cet organigramme restera inchangé jusqu’à la mise en liquidation judiciaire de Luxalpha.
Il est donc assez clair de démontrer qu’UBS avait créé une SICAV luxembourgeoise au
bénéfice de « BMIS » sans respecter le droit et la réglementation en vigueur et que cette
banque a, volontairement ou non, fourni des informations erronées à destination du grand
public. UBS a, en outre, confié la quasi-totalité des actifs à un gérant qu’elle ne connaissait
pas bien et dont il était difficile d’effectuer avec sérieux les « due diligences ». Enfin, de part
l’organisation qu’elle a mise en place, elle s’est privée de toutes possibilités de contrôles et de
droits de regard sur la gestion, en concentrant et déléguant les pouvoirs vers un tiers.
47
A maintes reprises, UBS a du adapter son prospectus afin de répondre, du moins fictivement,
à la réglementation en vigueur pour une SICAV luxembourgeoise. Tous ces éléments sont
assez accablants contre cette banque internationale dont l’image a été éclaboussée par cette
fraude monumentale à laquelle elle a malheureusement participé activement. La rémunération
attractive, l’image de Bernard Madoff et ses rendements apparemment élevés, avec une
volatilité très faible, ont suffit à tromper la vigilance de professionnels mondialement
reconnus.
En quoi la stratégie d’investissement de la société « BMIS » (nommée « split-strike
conversion ») était-elle révolutionnaire au point de duper certains experts de la finance
mondiale ?
Nous nous efforcerons de vous présenter les différentes stratégies des hedge funds afin de
mieux appréhender celle prétendument utilisée par la société « BMIS » pendant toutes ces
années.
48
II.3 Description de la stratégie d’investissement de BMIS 21
II.3.1 Description des stratégies générales des Hedge Funds22
Un « Hedge Funds » est un fonds d’investissements accessible à une catégorie limitée
d’investisseurs (investisseurs institutionnels avec un investissement minimum allant jusqu’à
plusieurs millions d’euros) dont les activités ne se limitent pas seulement aux investissements
longs des fonds traditionnels.
L'intérêt principal des « Hedge Funds » réside dans la fait qu’ils sont potentiellement
générateurs de performances plus élevées que les fonds traditionnels.
La gamme de produits d’investissements de ces fonds est assez large et comprend aussi bien
les actions, les obligations, les produits dérivées ou encore les matières premières.
Chaque « Hedge Fund s» a sa propre stratégie d’investissements, plus ou moins complexe, qui
détermine le type et les méthodes d’investissements. Ces stratégies sont définies par des ratios
rendement/risque très variables.
On peut distinguer quatre grandes classes des stratégies utilisées par ces fonds :
• Les stratégies à biais « long action »
- Long /Short Equity ou Equity Hedge :
C’est une des stratégies les plus courantes. Le principe général est de prendre des positions
« courtes » sur des actifs surévalués, grâce à un système de vente à découvert, et
simultanément financer des prises de positions « longues » sur des actifs estimés sous-
évalués grâce aux plus-values potentielles des ventes à découvert.
- Short Sellers / Short Selling / Dedicated Short Bias :
Cette stratégie consiste à prendre plus de positions “courtes” que de positions “longues”.
21
Luxalpha SICAV – Sales prospectus - August 2006 et fairfield greenwich group presentation Octobre 2008
22
NATIXIS - Les hedge funds, leurs stratégies, leur avenir - Séminaire OFCE, 22 Octobre 2008, Paris
49
Elle est utilisée quand on prévoit qu'en majorité le prix des titres va baisser et non augmenter.
- Emerging markets :
Il s'agit de faire des investissements longs sur les marchés émergents et ainsi de profiter de
leur croissance. Ces marchés n'offrent généralement pas la possibilité de vente à découvert ni
de contrats à termes ou produits dérivés comme couverture.
• Les stratégies d’arbitrage
Ce type de stratégies s’appuie sur les différences tarifaires entre des actifs.
- Convertible arbitrage :
Cette stratégie consiste à investir dans les titres convertibles de sociétés. Typiquement, on
prend une position longue sur l'obligation convertible et une position courte sur l'action de la
société émettant les titres convertibles.
- Fixed Income Arbitrage :
Elle permet de profiter des écarts de prix entre les actifs à revenus stables (« fixed-income »)
identiques. Le but étant, en général, de générer des gains stables avec une volatilité basse.
- Equity Market Neutral :
Cette stratégie vise à tirer profit de l'inefficience des marchés et de prendre position sur une
paire d'actions de même secteur en étant à la fois long d'un coté et court de l'autre.
• Les stratégies d’Event driven
Le principe général est d’exploiter d’éventuelles variations de prix, grâce à des anticipations
sur des évènements pouvant affecter une entreprise.
Les évènements pouvant affecter l’entreprise et permettant d’appliquer cette stratégie sont
variés ; on peut notamment citer un changement de notation, une restructuration, une
recapitalisation ou un rachat d’action.
50
- Merger Arbitrage :
Stratégie qui consiste à acheter et vendre simultanément les actions de deux sociétés
fusionnant et de générer un profit sans risque. On a une position longue sur la société cible et
une position courte sur la société qui effectue l'acquisition.
- Distressed Securities :
Stratégie qui consiste à investir dans des titres de sociétés dont on prévoit que le cours sera
affecté par une situation difficile, issue des sociétés concernées.
• Les stratégies directionnelles
- Global Macro :
Dans ce genre de stratégie, la pratique est de prendre, sur la plupart des marchés de capitaux
et dérivés, des positions (longues et courtes) en fonction d'anticipations qui sont influencées
par des mouvements macroéconomiques.
- Les CTAs (Commodity Trading Advisors) ou Managed Futures :
Il s'agit ici de prendre des positions directionnelles sur des produits financiers « futures » et
ainsi de profiter des tendances haussières et baissières. L'actif sous-jacent peut être aussi bien
un taux, une matière première, une action ou du change.
Nous avons donc présenté de manière synthétique, les quatre grandes classes de stratégies
connues des « Hedge Funds » dans le but de générer un rendement supérieur au marché tout
en essayant d’obtenir un couple rendement/risque le plus intéressant possible. Cela nous
permettra de mieux comprendre la stratégie utilisée par la société « BMIS » géré par Bernard
Madoff et en quoi elle ne pouvait pas donner de tels rendements avec une aussi faible
volatilité pendant tant d’années. La stratégie adoptée par Bernard Madoff se nomme « split-
strike conversion ».
51
II.3.2 Description de la stratégie « Split-strike conversion » employé indirectement par
les fonds nourriciers pilotés par la société « BMIS » 23
Afin d’identifier comment « BMIS » générait des revenus, nous avons cherché à comprendre
la stratégie des fonds nourriciers qu’il pilotait indirectement. Cette stratégie était décrite dans
les prospectus des fonds nourriciers comme Luxalpha, qui était un fonds piloté par le réseau
de Bernard Madoff, sans que son nom n’apparaisse nulle part.
La description faisait état de la stratégie en trois opérations, pour un profil classique, et selon
les termes ci-dessous:
1. Nous achetons des titres de sociétés pour créer un portefeuille qui représente un des
principaux indices (S&P). Mais seulement une dizaine de ces titres de l’indice seront achetés ;
ces derniers doivent refléter la performance et l’évolution de l’indice global et paient des
dividendes élevés.
2. Vous vendez des options d’achat (“call”) avec un « strike » supérieur au cours de
l’indice. Cela permettra de limiter les gains, et générera des liquidités.
3. Vous achetez des options de vente (“put”) avec un « strike » au cours actuel de l’indice
(“dans la monnaie”) grâce aux liquidités provenant de la vente des calls de l’étape
précédente. Ces calls permettront d’amortir une chute éventuelle de l’indice sous-jacent et
limiteront voire empêcheront les pertes.
Cette stratégie permet de créer un couloir neutre autour de la valeur de l’action et limite les
pertes en cas de retournement de marché.
Le rendement et la faible volatilité des fonds gérés par Bernard Madoff ne sont pas les seuls
vecteurs de recrutement. Il avait mis en place une stratégie parfaitement rodée que nous vous
présenterons dans la prochaine partie.
23
Mr. Madoff’s Amazing Returns: An Analysisof the Split-Strike Conversion Strategy - Carole Bernard &
Phelim Boyle - University of Waterloo Wilfrid Laurier University - May 18, 2009
52
II.4 Mode de recrutement de ses clients.
II.4.1 Une stratégie de vente via des rabatteurs-prescripteurs.
Le génie de Bernard Madoff consistait à déléguer la vente, c’est-à-dire l’étape ou un vendeur
est censé expliquer la nature de son produit ou de son service aux prospects.
Bernard Madoff refusait également, dans la grande majorité des cas, de rencontrer les
prospects, ce qui renforça l’image de « club exclusif d’investisseurs », fermé et de très haut de
gamme.
Décrocher un rendez-vous avec Bernard Madoff était tellement long, difficile et rare que
lorsqu’un gros investisseur potentiel y parvenait, il ne posait que très peu de questions sur le
produit en lui-même ou la stratégie, et faisait tout son possible pour être accepté comme
client.
Bernard Madoff parlait peu de l’économie, et définissait sa stratégie mais en terme très
général, cependant il insistait sur les rendements qu’il avait réussis à maintenir à ses clients
depuis des années. Plus les années passaient et plus sa crédibilité augmentait car ses
rendements étaient réguliers et avec une volatilité réduite. Il prétendait que sa stratégie et ses
techniques d’investissements étaient confidentiels. Sa mise en scène était millimétrée et son
aura lui attirait la confiance des plus grands qui l’ont légitimé aux yeux de la planète finance.
Il existait trois grandes catégories de « feeder funds » ou structures rabatteuses :
1. Un réseau de sociétés de taille moyenne (fonds nourriciers) mais dotées de capitaux
importants :
Ces sociétés proposaient peu de produits mais détenaient un réseau de relations important et
fermé. Les fondateurs de tous ces « feeder funds » sont en général des personnes influentes,
reconnues et aux relations étoffées, à la fois présentes dans les salons mondains et dans les
allées du pouvoir financier comme Thierry Magon de La Villehuchet à New York, Sandra
53
Manzke à Genève ou Sonja Kohn (Bank Medici) à Vienne. Ils savent approcher et convaincre
les riches et les célébrités européennes de leur confier leurs avoirs. De plus, ces intermédiaires
sont toujours enregistrés dans des zones « Off shore » où il est difficile de suivre le circuit des
investissements de leurs clients. Les quelques exemples présentés ci-dessous retracent
parfaitement l’organisation de ce type d’institutions :
• Fairfield Greenwich, dont le fondateur est Walter Noel, spécialisé à l’international, et qui
utilise ses relations familiales dont celles de son beau-fils, Andres Piedrahita, qui couvrait
l'Espagne et l'Amérique latine, ainsi que Philip Touba, son autre beau-fils, qui a rabattu chez
« BMIS » le fonds souverain Abu Dhabi Investment Authority et la National Bank of
Koweït. Les principaux investisseurs, dans ce fonds, étaient l'Union Bancaire privée de
Genève, Lion Capital, l'assureur Great Eastern Holding, Abu Dhabi Investment Authority et
la National Bank of Koweït. Le fondateur est spécialisé à l'international depuis la ville de
Londres.
• Tremont est détenu par le fonds Oppenheimer, dont la tête pensante était Robert Schulman
(ancien de Smith Barney) avec un carnet d’adresses très fourni. C’est une société d'assurance
vie du Massachusetts qui couvrait les milieux financiers New-Yorkais ainsi que ceux de la
côte Est américaine.
• Le fond Kingate
• La société Access International Advisors
2. Le second groupe est constitué de banques agissant en parfaite collaboration avec des
gestionnaires comme :
• La banque espagnole Santander dénommé « Optima », dont le fonds rabatteur était centrée
sur le Brésil, la Colombie et le Mexique.
54
• L'Union bancaire privée, un gestionnaire d'actifs basé en Suisse, développait des relations
privilégiées avec Fairfield.
• La banque italienne Unicredit était impliquée indirectement dans des « feeder funds »
pilotés par Bernard Madoff par le biais de successives participations dans la Bank of Austria
et la Bank Medici*.
3. Les entrepreneurs attirés par l’appât du gain qui ont su profiter de ce filon
Ce troisième groupe est très différent des deux précédents car il représentait des individus et
non des institutions. Cependant, son rôle était quasiment identique car ces personnes ont joué
un rôle de « rabatteurs » de capitaux. La méthode changeait mais l’objectif restait le même.
En revanche, contrairement aux deux précédentes catégories de « rabatteurs », ceux-là
avaient pour mission d’assurer la gestion de portefeuilles privés de Bernard Madoff. Cet
investissement avait une connotation plus élitiste pour les « élus ». Ces rabatteurs étaient,
semble-t-il, de l’ordre d’une centaine aux Etats-Unis, et étaient très bien infiltrés dans les
communautés fortunées. Certains d’entre eux étaient bien connus comme le "philanthrope"
Robert Jaffe. C’est le beau-fils de Carl Shapiro, qui est lui-même le fondateur de l'entreprise
textile Kay Windsor. Basé à New York, le broker Jeffrey Tucker, un ancien avocat de la SEC
(Securities and Exchange Commission, le gendarme de la Bourse), a lui aussi été apporteur
d’affaires, ce qui est plutôt incongru quand on connaît le dénouement de l’escroquerie
« Madoff », et que l’on a pu constater que les nombreuses enquêtes de la SEC n’ont pas
abouti. Le cas le plus symptomatique est un New-Yorkais nommé Ezra Merkin. Une longue
amitié était née entre lui et Bernard Madoff, lors de sa présence au sein de la filiale financière
de General Motors. C'est par son biais que Bernard Madoff a pu rencontrer Elie Wiesel et les
différents magnats de la finance ou de l’industrie comme Ira Rennert, Ronald Perelman, Mort
Zuckerman et bien d'autres. Ezra Merkin était aussi très investi dans la vie associative et
55
académique juive et c’est par la confiance qu’il inspirait qu’il a pu amener de nombreux
investisseurs chez Bernard Madoff. Cette « toile d’araignée » s’est tissée à travers le monde
avec des "rabatteurs" également très bien introduits comme Philippe Junot en Europe, qui
était le premier mari de Caroline de Monaco.
II.4.2 Une stratégie de commissionnement très attractive
Les vendeurs ont deux objectifs dans le monde de la finance qui sont de trouver des fonds de
qualité pour leurs clients (intermédiaires) et de se rémunérer grâce à des commissions versées,
en touchant une partie des frais de gestion.
Un fonds d’investissements perçoit en moyenne 2% du capital investi en frais de gestion ainsi
que 20% de la performance (la formule 2 + 20 dans le milieu des fonds d’investissements). Il
rétrocède en moyenne 20 à 25% de ses commissions aux vendeurs. Or Bernard Madoff se
présentait comme un conseiller en fonds alternatifs et disait se contenter des frais de courtage,
en tant que broker-dealer. Il n’avait donc pas l’obligation de s’inscrire comme gérant de fonds
et laissait les « 2 + 20 » aux vendeurs.
Les vendeurs touchaient donc 4 à 5 fois plus de commissions. Pour cela, ils créaient un
« feeder funds » (fonds nourricier) pour collecter les fonds qu’ils confiaient ensuite à Bernard
Madoff.
Les intermédiaires étaient très hétérogènes ; ils venaient de milieux et de continents différents,
ce qui a permit d’étendre la fraude au quatre coins du monde. Les clients finaux de ces fonds
n’étaient souvent pas au courant de la destination finale des fonds car Bernard Madoff
interdisait de mentionner son nom dans les brochures et campagnes marketing de ventes, sous
peine de leur retirer « leur accréditation ».
56
Les commissions étaient tellement importantes et les résultats financiers satisfaisants, que tout
le monde pensait y trouver son compte… au dépend des règles de base des investissements :
la diversification, la « due diligence » et connaissance produit.
A titre d’exemple, Bernard Madoff a fait gagner 50 millions d'euros à Santander en 2007. Les
banques bénéficiaient de grosses rétrocessions offertes par le gestionnaire bien que cette
pratique soit interdite aux Etats-Unis et au Royaume-Uni car ces rétrocessions sont
préjudiciables pour les investisseurs.
II.4.3 Multi Level Marketing (marketing réseau) ou escroquerie par affinité.
Le système de recrutement des nouveaux investisseurs de la société « BMIS » était basé sur
un système lui aussi éprouvé dit « Multi Level Marketing » (marketing de réseau) ou
escroquerie par affinité. Il s’agit d’une fraude ciblant les clubs sociaux, les communautés
religieuses ou ethniques (les groupes à affinité). « L’instigateur de la fraude, en l’occurrence
Bernard Madoff dans ce cas, réussit à convaincre les leaders et les personnes les plus
respectées de promouvoir auprès des autres membres son investissement. Il profite ainsi de la
confiance qui règne à l’intérieur d’un groupe en exploitant l’instinct qui fait que nous faisons
confiance à nos semblables »24
. Il devient alors à son tour un membre influant dans le groupe
et le recrutement n’est que plus aisé.
Afin d’illustrer l’efficacité de son mode de recrutement, il suffit de s’attarder sur le nombre et
l’hétérogénéité des victimes qui ont été recensées dans cette fraude.
24
http://www.rcmp-grc.gc.ca/sk/news-nouvelle/2010-03-29-fraud-fraude-fra.htm
57
II.5 Les victimes
Les victimes de la fraude se comptent par millions à travers le monde. Toutefois, nous
distinguons plusieurs catégories différentes :
- Les victimes indirectes, celles qui ont placé leurs économies dans une banque ou dans un
OPCVM dont le gérant a investi une partie des fonds chez Bernard Madoff, ou bien les plus
nécessiteux qui n’ont pas pu profiter des fonds placés dans les associations ruinées.
- Les victimes directes qui avaient un compte ouvert directement chez Madoff ou qui
investissaient dans un fonds nourricier en parfaite connaissance.
- Les victimes actives, celles qui ne connaissaient pas l’existence de la fraude mais qui ont
recruté pour lui ou participé d’une manière ou d’une autre à la construction de cette pyramide.
- Son entourage.
- Les fondations philanthropiques.
- Les banques et autres institutions financières.
Nous avons choisi de vous présenter quelques victimes emblématiques.
II.5.1 Des proches et amis de Bernard Madoff
Carl Shapiro est à la fois une victime directe et un investisseur historique de Bernard Madoff
avec qui il entretenait des relations depuis 1960. Il a lancé la carrière de Bernard Madoff et le
considérait comme son fils spirituel. Shapiro est un homme d’affaires qui a fondé une société
de vêtements pour femmes nommée Kay Windsor. Il l’a revendue en 1971 au groupe Vanity
Fair pour plusieurs millions de dollars. C’est son entourage qui l’a convaincu d’investir chez
Bernard Madoff. Il débute avec 100 000 dollars, puis les résultats, la durée et la réputation de
Bernard Madoff aidant, ils deviennent amis et il finit par y investir la majeure partie de son
épargne. Il le considérait comme son fils et avait une confiance aveugle envers lui, au point de
58
lui confier également la gestion des fonds de sa fondation. C’est l’un des plus grands
philanthropes au monde, c’est un homme riche mais accessible et généreux. Il a crée sa
fondation en 1961 et s’est investi avec sa femme pendant des dizaines d’années. Au moment
de la mise en lumière de la fraude, il a 95 ans et est l’incarnation même de la victime aux yeux
du monde. C’est d’ailleurs Carl Shapiro qui lui a présenté beaucoup de clients richissimes
ainsi qu’un certain Robert Jaffe, l’un de ses plus grands rabatteurs.
Franck Avellino et Michael Bienes furent des victimes actives. Comptables, ils travaillaient
pour Saul Alpern, le beau père de Bernard Madoff. Ils rencontrent Bernard Madoff et tissent
rapidement des liens d’amitié et professionnels. Ils ont été des apporteurs d’affaires très
importants à compter des années 60. Ils lèvent des fonds auprès de leurs clients, leurs amis et
de leurs familles.
Ils avaient créé un « feeder funds », un « fonds nourricier » dont le rôle était de canaliser les
avoirs de leurs clients vers un gestionnaire de leur choix, dans ce cas bien précis de l’affaire
« Madoff ».
Cette activité a été stoppée par la SEC en 1992, car il s’agissait d’une activité de ventes
illégales, car non déclarées et donc non régulées. Les 440 millions de dollars ont bien été
remboursés aux clients qui ont tous fini par investir en direct chez « BMIS ».
Bernard Madoff avait prétendu à l’époque qu’il ne savait pas de quelle structure juridique lui
venait les fonds qui lui étaient confiés et donc qu’il ignorait l’illégalité de ce montage. Eux
aussi ont été trahis ; ils ne connaissaient pas l’existence de la fraude et ont entraîné familles et
amis personnels dans ce qui est devenu la plus grande fraude de l’histoire de la finance.
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Mémoire au 30 AOUT 2010

  • 1. 1 REMERCIEMENTS Nous tenons à adresser tous nos remerciements : • A notre directeur de mémoire, Madame Hélène RAINNELI pour son encadrement et ses conseils avisés • Aux divers membres du corps professoral du Master « FINANCE » de l’IAE pour leur avis et pour le temps qu’ils ont consacrés Nous souhaitons également remercier vivement pour leurs témoignages : • Monsieur David M., qui opère dans la salle de marchés d’une grande banque française • Ainsi que mademoiselle Romy TOGNON, Cash Manager Group au sein d’une grande entreprise mondiale de distribution. Enfin, nous exprimons notre reconnaissance à madame Catherine Poindron pour sa contribution et son soutien quant à la tenue, ainsi qu’au contenue et aux corrections à apporter à l’égard de ce mémoire.
  • 2. 2 NOTE DE SYNTHESE DU MEMOIRE : Nous vivons actuellement les effets de la crise du siècle. Née aux États-Unis, la crise dite des « subprimes » a été déclenchée, au second semestre 2006, par l'éclatement de la bulle immobilière américaine. La titrisation et la complexité des produits financiers ont permis de diffuser les créances « pourries » et de véroler le monde sans frontières de la finance. Il s'en est suivi une crise boursière, financière, économique, des marchés du change, et des états eux- mêmes, surendettés par des budgets structurellement déséquilibrés et par des plans de relance de plusieurs milliards. C'est dans ce contexte complexe et difficile, que l'affaire « Madoff » a été découverte. L’affaire « Madoff » est sans doute la plus importante fraude financière de tous les temps. Son impact économique et psychologique est démesuré et a touché des milliers d'investisseurs : des fondations, de grandes fortunes, de petits épargnants, des stars hollywoodienne, et même des banques ou institutions financières ayant elles-mêmes participés à des opérations de montage, le tout s’est répandu à l’échèle mondiale. Les clés de la réussite de cette fraude gigantesque furent parmi celles qui sont apparues à l’évidence comme une excellente orchestration dans la mise place opérationnelle, d’une grande minutie dans son suivi afin de déjouer les règles de contrôles, ainsi qu'une remarquable faculté d’adaptation dans un environnement en pleine mutation. Malgré le succès de cette escroquerie pendant les quarante dernières années, on ne peut ignorer le fait que cette fraude avait des vices cachés. Certains d’entre eux ont été identifiés
  • 3. 3 et dénoncés à de nombreuses reprises, mais cela a été en vain et sans suite. A ce titre, de nombreuses institutions publiques ou privées se sont rendues « complices ». Les institutions financières, qui se présentent dorénavant comme des victimes de Bernard Madoff, n'ont pas été lavée de tous soupçons quand à leur participation active ou passive. Les irrégularités commises par des banques, gérées par des responsables de grandes expériences et d’envergures, peuvent nous laisser circonspects sur le fait qu’elles ne soupçonnaient rien. Les institutions financières publiques et de contrôle ont, quant à elles, manqué de bon sens général et sont pointées du doigt pour leurs enquêtes qui ont pour la plupart, abouti à des non lieux et ont renforcé le crédit de Bernard Madoff. Bernard Madoff à pu montrer au monde entier comment un seul homme bien introduit et jouissant d'une réputation d'homme d'affaires brillant et sérieux, a pu se jouer des règles et des lois en vigueurs. Ce scandale financier a souligné l’absence évidente de volonté politique de mettre, depuis des années, plus de moyens au service des institutions de contrôle, et à fait ressortir à quel point la cupidité peut rendre aveugle tous ceux qui s'enrichissent. Cette affaire a le crédit de mettre en évidence la fragilité et les lacunes des systèmes de contrôle juridiques et financiers internationaux. Aujourd'hui, nous pouvons affirmer que nous ne sommes pas à l’abri de fraudes d’ampleurs « abyssales ». En effet, ce scandale financier a été orchestré avec l'aide présumée indirecte d'institutions financières renommées qui ont collecté des fonds pour les confier à Bernard L. Madoff Investment Securities LLC (BMIS). Ces institutions financières renommées étant elle-même contrôlée par des cabinets d’audit de premier rang et par des institutions règlementaires.
  • 4. 4 Si des mesures importantes et coordonnées ne sont pas prises à l'échelle mondiale, le pire est sans doute à venir dans un contexte où les crises pourraient se succéder avec une surenchère de violence. Le profit semble avoir été trop souvent au cœur de la finance internationale et qui sait combien d’émules de Bernard Madoff pourraient être mises à jour lors d’une prochaine grande crise mondiale…
  • 5. 5 SOMMAIRE REMERCIEMENTS................................................................................................................ 1 NOTE DE SYNTHESE DU MEMOIRE ............................................................................... 2 SOMMAIRE............................................................................................................................. 5 INTRODUCTION.................................................................................................................... 8 I / Qui est Madoff et dans quel contexte cette fraude a-t-elle été révélée ?....................... 10 I.1 Qui est Madoff.................................................................................................................... 10 I.1.1 Sa famille et ses influences.............................................................................................. 10 I.1.2 Formation et carrière professionnelle .............................................................................. 11 I.1.3 Personnalité au double visage.......................................................................................... 12 I.2 Le contexte : une succession de crises sans précédent ....................................................... 19 I.2.1 Les subprimes : La crise immobilière.............................................................................. 19 I.2.2 La crise boursière............................................................................................................. 20 I.2.3 La crise économique ........................................................................................................ 23 I.2.4 La crise du marché du change.......................................................................................... 24 I.2.5 La crise de confiance ....................................................................................................... 25 I.2.6 La crise du siècle.............................................................................................................. 26 I.2.7 Cette crise débouche sur une nouvelle crise affectant la solvabilité des Etats ............... 27 II / La Fraude.......................................................................................................................... 31 II.1 Le principe de la fraude basé sur un double mécanisme ................................................... 31
  • 6. 6 II.1.1 Le principe de base : La chaîne de Ponzi ....................................................................... 31 II.1.2 Le mécanisme additionnel : un investissement rémunérateur à faible risque. ............... 33 II.2 Montage financier :............................................................................................................ 35 II.2.1 Organisation macro générale.......................................................................................... 35 II.2.2 Description des interactions des entités dans l’organisation et leurs rôles..................... 36 II.2.3 Les difficultés du montage et ses subtilités .................................................................... 39 II.2.4 Le prospectus du fonds Luxalpha : un ensemble de manipulations évidentes ............. 43 II.3 Description de la stratégie d’investissement de BMIS .................................................... 48 II.3.1 Description des stratégies générales des Hedge Funds .................................................. 48 II.3.2 Description de la stratégie « Split-strike conversion »................................................... 51 II.4 Mode de recrutement de ses clients................................................................................... 52 II.4.1 Une stratégie de vente via des rabatteurs-prescripteurs................................................. 52 II.4.2 Une stratégie de commissionnement très attractive ....................................................... 55 II.4.3 Multi Level Marketing (marketing réseau) ou escroquerie par affinité. ........................ 56 II.5 Les victimes....................................................................................................................... 57 II.5.1 Des proches et amis de Bernard Madoff ........................................................................ 57 II.5.2 Des célébrités philanthropes........................................................................................... 59 II.5.3 Les membres de clubs sociaux, la communauté juive et la charité ................................ 60 II.5.4 Des victimes qui y ont laissé jusqu’à leur vie ................................................................ 60 II.5.5 Les banques et institutions financières........................................................................... 62 II.6 Où en sommes-nous aujourd’hui ? .................................................................................... 63 III / Est-ce un scandale financier d’un nouveau genre et quelles leçons pouvons-nous en tirer ?....................................................................................................................................... 68 III.1 Des indices qui auraient dû en alerter plus d’un .............................................................. 68 III.1.1 Le bons sens d’ordre analytique et financier................................................................. 68 III.1.2 Les « red flags » ............................................................................................................ 75
  • 7. 7 III.1.3 Les multiples dénonciations et l’enquête d’Harry Markopolos. ................................... 78 III.1.4 L’inefficacité des enquêtes de la SEC........................................................................... 81 III.2 Quelles sont les responsabilités des différents intervenants de cette fraude ? ................. 83 III.3 Est-ce un scandale financier d’un nouveau genre ? ......................................................... 90 III.3.1 En quoi cette fraude n’a rien d’innovant ? .................................................................... 90 III.3.2 En quoi pourrait-il s’agir d’un scandale financier d’un nouveau genre ? ..................... 91 III.3.3 Sans cette crise du siècle, aurait-il été démasqué ?....................................................... 94 III.4 Les leçons que l’on peut tirer de l’affaire Madoff et de la crise. ..................................... 95 III.4.2 L’utilisation de méthodes de réplications quantitatives................................................ 97 III.4.3 La standardisation de l’approche des « hedge funds » et la transparence..................... 98 III.4.4 Les leçons de la crise et la régulation financière mondiale........................................... 99 CONCLUSION..................................................................................................................... 102 ANNEXES............................................................................................................................. 105 Annexe 1 : Fonctionnement du « système Madoff » ............................................................. 106 Annexe 2 : Dernier organigramme de la SICAV Luxalpha................................................... 107 Annexe 3 : Comparaison des performances du fonds Fairfield Sentry, de la stratègie Split Strike Conversion et du S&P 500 .......................................................................................... 108 Annexe 4 : Corrélation entre le fonds Fairfield Sentry et le S&P 100................................... 109 GLOSSAIRE......................................................................................................................... 110 BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................... 114
  • 8. 8 INTRODUCTION   NB : Il convient de préciser que Bernard Madoff sera cité tout au long du document par « Madoff » et que sa société d’investissement Bernard L. Madoff Investment Securities LLC sera citée comme « BMIS ». Le 12 décembre 2008, en pleine crise financière, l’affaire « Madoff » éclate au grand jour. Il s’agirait de la plus importante fraude financière de tous les temps qui pourrait avoir portée sur près de 65 milliards de dollars. Cette somme extravagante correspond aux avoirs que ses clients croyaient posséder grâce aux mirifiques rendements promis par l’escroc. Madoff… Un nom désormais mondialement connu comme « l’emblème criminel » de la finance mondiale, comme « la face noire de la globalisation »1 . Cet homme, considéré alors comme une « valeur sûre », est devenu le criminel le plus médiatisé du monde en l’espace de quelques heures et aura contribué, au même titre que la crise financière, à faire s’écrouler toutes les certitudes qui s’étaient installées après quelques années de croissance mondiale soutenue. Cette affaire, qui a déjà fait couler beaucoup d’encre, est-elle un scandale financier d’un nouveau genre ? Est-ce une nouvelle forme de fraude, inventée par un génie de la finance, dont les rouages sont si complexes que même les plus grands de la finance mondiale se sont laissés duper aux quatre coins du monde pendant près de quarante ans ? Comment a t-il pu déjouer les règles de contrôle, les procédures, les multiples enquêtes et les statistiques ? 1 « L’affaire Madoff, les secrets de l’arnaque du siècle », d’Amir WEITMANN aux éditions PLON.
  • 9. 9 Pourquoi les différentes parties prenantes « n’y ont vu que du feu » ? Peut-on circonscrire les conséquences de cette fraude et les responsabilités de chacun ? Afin de mieux comprendre cette affaire, nous nous attacherons dans un premier temps à mieux connaître le protagoniste de ce scandale ainsi que le contexte économique, social, financier et boursier dans lequel cette fraude a été révélée. Nous verrons également comment les crises successives et systémiques, qui ont bouleversé notre monde et balayé nos certitudes, ont permis de mettre en lumière cette fraude qui durait depuis des années. Puis, nous nous efforcerons d’expliquer les rouages ainsi que le montage financier de la fraude. Nous essayerons de comprendre comment les victimes ont ainsi pu être abusées par cet homme qui a développé un mode de recrutement aussi sournois qu’efficace. Nous prendrons le temps de tracer le portrait de quelques victimes emblématiques et de faire un état des lieux des procédures en cours. La troisième partie nous permettra de mettre en avant les négligences et responsabilités des parties prenantes. Y avait-il des indices ou des alertes qui auraient pu limiter l’ampleur de cette fraude ? Si oui, comment et pourquoi n’a-t’on pas tenu compte des alertes, des « Red flags » et des différentes enquêtes et dénonciations ? Enfin, nous essaieront de mettre en lumière,, à l’appui de tout ce qui aura été exposé auparavant, s’il s’agit ou non d’un scandale financier d’un nouveau genre et nous tenterons de dégager certaines leçons majeures que nous pouvons tirer de cette affaire sans précédent et de cette crise.
  • 10. 10 I / Qui est Madoff et dans quel contexte cette fraude a­t­elle été  révélée ?  I.1 Qui est Madoff Nom : Madoff Prénoms : Bernard Lawrence Date de naissance : 29/04/1938 Lieu : New York, Etats-Unis d’Amérique Nationalité : Américain Situation familiale : Marié à Ruth Madoff née Alpern Profession : Ancien fondateur et dirigeant de la société « BMIS » Lieu de résidence : En prison en Caroline du sud. Il purge une peine de 150 ans après sa condamnation prononcée le 29 juin 2009. Nous pensons qu’il est important, afin de mieux comprendre ce scandale financier, de savoir qui est Madoff. Cette partie se veut non exhaustive sur sa vie mais nous nous efforcerons de comprendre qui il est, quels sont ses influences, ses modèles, ses motivations, sa personnalité et ses prédispositions. I.1.1 Sa famille et ses influences Bernard Lawrence Madoff est né le 29 avril 1938 à New York. Il est élevé dans le quartier New-Yorkais du Queens au sein d’une famille modeste de 5 personnes. Sa famille est de confession juive et lui inculque le respect de la tradition religieuse juive, des rites et un fort sens d’appartenance communautaire. Dans la communauté juive de l’époque, l’entraide, la
  • 11. 11 famille, le travail, l’éducation et la réussite sont des valeurs fortement véhiculées et qui prennent tout leur sens dans ces trois mots : le rêve américain. Ses parents Ralph et Sylvia Madoff sont issus d’immigrants juifs d’Europe de l’Est. A l’image de son fils, Ralph Madoff était un autodidacte qui a commencé comme plombier avant de se lancer dans la finance avec sa femme dans les années cinquante. Ils ont travaillé comme agents de change, ont eu « une activité de crédit et une société de courtage, dénommée Gibraltar Securities, enregistrées sous le nom de Sylvia Madoff »2 . En 1963, cette société est fermée suite à une enquête de la SEC pour un manque de transparence au niveau de la situation financière de cette entreprise. Il s’agit là d’un pied de nez au destin, car les parents de Bernard Lawrence Madoff ont eux aussi eux des problèmes avec la justice lorsqu’ils travaillaient dans la finance. Cette brève description du passé éclaire déjà certaines données et permet de comprendre la facilité avec laquelle « Madoff » a réussi à utiliser le puissant réseau de la communauté juive américaine (dans lequel il a été élevé), ainsi que sa soif de réussite et de revanche sociale son esprit entrepreneurial et son goût particulier pour la finance alors qu’il n’avait, au départ, aucune formation et très peu de connaissances sur le sujet. I.1.2 Formation et carrière professionnelle Contrairement à ce que l’on pourrait penser compte tenu de sa réussite exceptionnelle, Bernard Madoff n’était pas un élève brillant. Il a obtenu l’équivalent américain de son baccalauréat en 1956 avec des notes médiocres. C’est à cette époque qu’il rencontre Ruth Alpern qui deviendra sa femme en 1959. Puis il intègre l’Université de Hofstra College dans 2 Informations extraites du livre d’Amir WEITMANN, dont les sources semblent fiables.
  • 12. 12 laquelle il obtient sa licence de droit. Il abandonne ensuite les études qu’il poursuit, et cela en milieu d’année à la Brooklyn Law School. Tout au long de son parcours scolaire, il fait en sorte de travailler afin de se constituer un apport suffisant pour créer sa propre entreprise. Il débute comme maître-nageur sauveteur sur les plages de Long Island pendant les périodes estivales et travaille comme commercial le reste du temps, en vendant des systèmes d’extinction automatique d’incendie. Il est polyvalent, autodidacte et son objectif est de lancer sa propre affaire. En 1960, à l’âge de 22 ans, et avec seulement 5000 U.S. dollars, il réalise son rêve en créant sa propre société de courtage nommée : « BMIS » Au départ, cette entreprise est un teneur de marché (market maker) ou société de courtage, qui propose à ses clients des contreparties à l’achat et à la vente de titres boursiers sur un marché de gré à gré, Over The Counter (OTC). Il s’en suit une rapide évolution de sa carrière par les réalisations suivantes : o En 1969, il lance un programme d’automatisation des échanges. o En 1971, il est à l’origine de la création du Nasdaq. o Entre 1990 et 1993, il est élu directeur du Nasdaq. o En 2002, la banque Goldman Sachs associée Charles Schwab propose de lui racheter son entreprise pour 1 milliard de dollars. Il refuse cette proposition… indice qui aurait du au moins en alerter plus d’un. I.1.3 Personnalité au double visage Issu d’une famille modeste, Bernard Madoff est dépeint comme une personne aux multiples visages. Nous avons repris ses principaux traits de caractères dans le tableau suivant :
  • 13. 13 Travailleur : Il a travaillé durement pendant toutes ses études supérieures et même après avoir fait fortune. Il n’a jamais cessé de travailler d’arrache-pied. Appliqué Ses professeurs et ses camarades de classe le décrivent comme un élève appliqué, mais pas très brillant. Un élève studieux parmi tant d’autres. Maniaque Il est soucieux du moindre détail. C’est peut-être une des clés qui lui aura permis de dissimuler cette fraude si longtemps. Intuitif3 Innovant Il a une forte intuition et un flair judicieux dans les affaires. Il a tout de suite saisi que l’automatisation des échanges boursiers lui permettrait d’avoir un avantage comparatif décisif et que c’était l’avenir de la bourse. Ethique Cette image lui aura permis de duper beaucoup de clients avisés. Et utilisera l’éthique pour, en fait, duper nombre de clients… Entrepreneur Ambitieux Motivé Ceux sont les trois adjectifs qui reviennent le plus souvent à la bouche de son entourage et dans les différents ouvrages biographiques. Très tôt, il sait ce qu’il veut et s’en donne les moyens. Il sait qu’il n’est pas le plus intelligent, mais il a de bonnes idées et le sens du business. Son envie de revanche sociale est une source forte de motivation qui le guidera constamment tout au long de sa carrière professionnelle. Son physique l’a aussi grandement aidé à gagner la confiance générale. Il est mince, réservé et d’une apparence modeste. Cela a joué en sa faveur et a rajouté à sa crédibilité. Par ailleurs, il est d’une finesse rare, discret et très poli malgré sa réussite et sa richesse. Etrangement, plus les années ont passés et plus sa crédibilité s’est accrue. 3 http://www.lemonde.fr/economie/article/2008/12/19/comprendre-l-affaire-madoff_1133354_3234.html
  • 14. 14 Sa femme et sa famille ont aussi joué un rôle non négligeable dans son image. En effet, sa femme a participé à sa crédibilité, une femme modèle, belle et généreuse, qui a véhiculé l’image d’un couple parfait. Ce portrait serait très incomplet et imparfait si nous n’abordions pas les parties plus sombres et plus ambiguës de sa personnalité, méconnues jusqu'au 12 décembre 2008. En effet, il était également décrit comme un gérant brillant et modeste. Avec le recul, nous comprenons mieux sa modestie et sa discrétion. Cette modestie était sans doute feinte et calculée, afin de ne pas attirer l’attention sur la manière dont ses résultats ont été atteints. « Philanthrope » à sa manière, il crée une fondation qu’il nomme « Madoff Family Foundation », dans laquelle il y aurait injecté 29 millions de dollars de dons personnels entre 1998 et 2009. Sa générosité et cette image vont lui permettre d’aborder un grand nombre de prospects devenus plus tard de « très bons clients ». Cette fondation était un moyen de travailler sur son image, de faire des rencontres et de développer son business. Ses dons étaient faits avec l’argent de ses clients qu’il détroussait derrière leur dos.
  • 15. 15 En réalité, Bernard Madoff semble avoir été bien davantage un malfaiteur et un escroc froid, avec peu d’éthique. Il a trompé ses amis les plus proches, sa famille, la communauté juive, des fonds de charité ainsi que des fonds spéculatifs et les plus grosses fortunes de la planète. Parmi les parties civiles, il y avait de nombreuses familles, ruinées, qui avaient travaillé toute leur vie avant de revendre leur entreprise. Il apparaît égoïste et avide d’argent. Sa réussite et sa richesse personnelle l’ont poussé à trahir tout son entourage. Contrairement à ce que tout le monde pensait, il avait un ego démesuré et un besoin de reconnaissance qu’il plaçait au dessus de tout. C’est un véritable exemple de schizophrénie. C’est un « caméléon » des temps modernes qui a réussit s’adapter à toutes les contraintes pour ne jamais être démasqué. Mais c’était sans compter sur un événement majeur et imprévisible : la crise financière du siècle. Néanmoins, il faut tout de même saluer ses compétences qui lui auront permis de placer sa société de courtage au niveau des plus grands. C’est son activité de conseil en investissements et de gestions d’actifs qui sera au cœur de la fraude. I.1.4L’illustration du rêve américain : de 5 000 USD à une offre de 1 milliard en 2002 Bernard Madoff était, jusqu’au 12 décembre 2008, l’incarnation du rêve américain. Un « self made-man issu d’un milieu modeste qui crée une entreprise avec 5 000 U.S.D en 1960 et se retrouve à la tête d’une société valorisée à 1 milliard de dollars en 2002 »4 . Nous allons examiner successivement les points suivants : o Comment a-t-il réussi à créer cet empire de la finance ? o Quelles ont été les clés de son succès ? 4 http://www.lepoint.fr/actualites-economie/2008-12-12/bernard-madoff-ancien-patron-du-nasdaq-accuse-d-une-gigantesque/916/0/299530
  • 16. 16 Au départ, la société « BMIS » est un teneur de marché « Market Maker » dit société de courtage, qui propose à ses clients des contreparties à l’achat et à la vente de titres boursiers sur un marché de gré à gré, Over The Counter (OTC). Il s’agit d’investissements très risqués sur un marché concurrentiel. Madoff se sert alors du carnet d’adresses de son beau père, Saul Alpern, un comptable bien enraciné à New York, qui jouit d’une excellente réputation et connaît un bon nombre de cibles idéales. Saul Alpern accepte même de le recommander personnellement et lui prête une somme considérable, 50 000 dollars, pour l’aider à développer et capitaliser son entreprise. Cela représente près de 300 000 dollars actualisés en 2010. Ce prêt n’avait jamais été cité dans les récits de sa réussite car on préférait retenir l’image d’un homme qui s’est construit tout seul avec 5000 dollars. Le succès fut très rapide. Il avait accès à un carnet d’adresses bien fourni, il était un excellent vendeur et son sens du service faisait merveille pour fidéliser les clients. Mais pour conquérir plus de parts de marché et attirer encore plus de clients, il lui fallait trouver autre chose. Il met en place une tactique de vente très agressive en reversant une partie de sa marge à un réseau d’apporteurs d’affaires. Au fur et à mesure que son activité grandit, il a une idée de génie qui lui procurera un avantage décisif et qui lui permettra de sortir du lot : l’automatisation des échanges. Cette automatisation des échanges lui permettra de fiabiliser les opérations, d’améliorer l’exécution des ordres de bourse, de réduire les délais de traitement, de limiter ses charges de personnel et de réduire considérablement les coûts. Le lancement de son programme lui permet de devenir un acteur majeur du marché des OTC en 1969. Il rejoint la NASD (National Association of Securities Dealers, l’association nationale des marchands de titres boursiers) et sous son impulsion le NASDAQ (National
  • 17. 17 Association of Securities Dealers Automated Quotations) est crée en 1971. Il s’agit d’une nouvelle Bourse, automatisée et très fortement inspirée de son programme d’automatisation des échanges qui va concurrencer la Bourse de New York (NYSE). « Le NASDAQ est le deuxième plus important marché d'actions des États-Unis en volume traité, derrière le New York Stock Exchange, et le plus grand marché électronique d'actions du monde »5 . L’activité de « BMIS » se développe sur le Nyse. Dans les années 80, il devient un courtier majeur des Etats-Unis avec environ 15% du volume de transactions du Nyse, soit environ 5% du nominal traité, et est également le plus important « Market Maker » du Nasdaq. Entre 1990 et 1993, il est élu directeur du Nasdaq. Cet homme a révolutionné le courtage en baissant de manière très significative les coûts de courtage à travers son infrastructure technologique qui sera imitée par l’ensemble du marché. Cela aura permis la création, dans les années 1990, d’un véritable marché pour les petits investisseurs. « En 2000, « BMIS » détient des avoirs estimé à 300 millions de dollars. En 2002, il reçoit une offre d’achat pour sa société d’un milliard de dollars de la part de la banque Goldman Sachs et de Charles Schwab. Il la refuse en prétextant que toute sa famille travaille avec lui et qu’ils ne supporteraient pas de travailler pour quelqu’un d’autre.»6 . En réalité, c’était parce qu’il n’aurait pas pu dissimuler cette fraude. 5 http://fr.wikipedia.org/wiki/NASDAQ Les clés de sa réussite : 1/ Un capital de 5000 USD et un don pour la vente. 2/Une envie d’entreprendre et le sens du business. 3/ Un carnet d’adresses, une recommandation crédible et 50 000 USD empruntés à son beau père. 4/ Un politique commerciale agressive en reversant une partie de sa marge à un réseau d’apporteurs d’affaires. 5/ Un avantage comparatif avec une innovation majeure : l’automatisation des échanges. 6/ Une image positive qui inspirait confiance. 7/ La création du Nasdaq et des relations privilégiées avec les instances de contrôle, renforçant sa notoriété. 8/ Beaucoup de travail et le souci du détail.
  • 18. 18 L’activité de « BMIS » conservera une place parmi les leaders dans le courtage américain jusqu’en décembre 2008 et semble avoir été légitime de bout en bout comme il l’a confirmé lors de sa déposition du 12 mars 2009. Elle a toujours été largement contrôlée et fut l’objet de nombreuses enquêtes dont il a bénéficié pour avoir pignon sur rue. En revanche, l’activité de conseil en investissements et de gestion d’actifs financiers était, quant à elle, une « supercherie » à l’échelle planétaire et baignait dans un halo de mystère et de confidentialité qui ont fait obstacle à tous les contrôles courants dans ce type d’activité ainsi qu’aux « due diligences » de la part des clients. Nous avons donc vu, à travers cette partie, comment Bernard Madoff incarnait le rêve américain dans tous ses excès. De la création de son entreprise avec ses 5000 dollars en poche à son ascension fulgurante en tant qu’autodidacte de la finance. De l’innovation avec son système d’automatisation à la création du Nasdaq. D’une offre d’achat incroyable de son entreprise à un milliard de dollars à la fin d’un rêve qui se termine en cauchemar et à une peine de prison de 150 ans pour la plus grosse fraude de l’histoire. Il convient, à présent, d’aborder le contexte dans lequel cette fraude a été révélée. En effet, une succession de crises sans précédent ont participé à la chute Bernard Madoff et à la révélation de sa fraude. Nous allons tenter de retracer et d’expliquer dans les grandes lignes comment une crise immobilière, partie des Etats-Unis d’Amérique, a pu engendrer la crise du siècle qui fît tomber Bernard Madoff. 6 « L’affaire Madoff, les secrets de l’arnaque du siècle », d’Amir WEITMANN aux éditions PLON.
  • 19. 19 I.2 Le contexte : une succession de crises sans précédent On peut légitimement s’interroger sur les raisons pour lesquelles une crise sur un segment de marché spécifique (en l’occurrence le secteur des prêts immobiliers à risque aux Etats-Unis) a pu ainsi prendre une telle ampleur, se généraliser et générer une crise financière mondiale. En fait, cela s’est déroulé en plusieurs étapes. I.2.1 Les subprimes : La crise immobilière En 2002, l’économie américaine est en perte de vitesse et le gouvernement américain souhaite mettre en place certains relais de croissance. Il met alors en place des crédits destinés aux ménages les plus pauvres : les subprimes. Le terme subprime7 représente au sens large un crédit à risque, offert à un emprunteur ne possédant pas les ressources ou les garanties nécessaires pour bénéficier du taux d'intérêt le plus bas du marché. Plus particulièrement, ce terme désigne une forme de crédit hypothécaire gagé sur le logement de l'emprunteur, avec un taux d'emprunt variable au cours du temps et destinée aux emprunteurs à risque. L’octroi du prêt est donc basé uniquement sur la garantie et le montage financier élaboré. Le risque encouru par les investisseurs, quand ils prêtent de l'argent aux emprunteurs à faibles garanties, est rémunéré par la différence de taux entre un crédit accordé aux emprunteurs évalués comme « fiables » et un « subprime ». Des systèmes et montages très recherchés utilisant des taux variables et des produits financiers complexes pouvaient permettre de maintenir des taux bas en début de prêt et rendre intéressant ces crédits pour l'emprunteur. Le taux initial peut être très attractif, bien souvent en dessous du taux fixe d'un emprunt classique. Ainsi, aux États-Unis, des emprunteurs, pouvant accéder à d'autres types de prêts, 7 http://fr.wikipedia.org/wiki/Subprime http://www.becompta.be/modules/dictionnaire/2551-comptable-subprime.html http://www.lesechos.fr/info/finance/300194636.htm
  • 20. 20 se sont tout de même orientés vers ce crédit très accessible et bon marché en période de taux faibles. Les prêts subprimes ont été octroyés par des courtiers qui n’étaient pas des banques, et donc qui n’étaient pas soumis à une supervision de la même qualité que les banques, ce qui a augmenté la prime de risque de ce type de crédit. Les prêts « subprimes » étaient estimés risqués quand ils étaient pris isolément, mais dans la globalité ils apparaissaient relativement sûrs et rentables (dans un portefeuille de créances). Le calcul de la rentabilité estimée se basait sur une hypothèse optimiste d’une hausse continue du marché de l'immobilier, confortée par l'absence de baisse depuis 1945 aux Etats- Unis. Ainsi, si un emprunteur devenait défaillant, la revente de son bien immobilier devait permettre une plus-value et couvrait ainsi le risque. Pendant 4 ans, de véritables bulles financières et immobilières se sont développées : un grand nombre de ménages à faibles revenus se sont endettés. La crise immobilière dite des « subprimes » s'est déclenchée au deuxième semestre 2006. L'augmentation des taux d'intérêt à court terme (de 1 % à plus de 5 %) associée à la baisse des prix dans l'immobilier a mis en faillite les clients les plus fragiles, puis certaines banques elles-mêmes. En effet, des millions de biens immobiliers se sont retrouvés en vente au même moment, faisant ainsi chuter les prix de l’immobilier. En 2007, près de trois millions de foyers américains étaient en situation de défaut de paiement. I.2.2 La crise boursière Un élément essentiel de la propagation de la crise est le fait que les distributeurs originaux de crédits hypothécaires ne voulaient pas porter eux-mêmes la majeure partie du risque de crédit. Pour cela, ils ont utilisé la technique dite de « titrisation » dont le mécanisme consiste à mettre un ensemble de crédits dans un portefeuille (« le pooling ») qui est cédé à un véhicule
  • 21. 21 spécial d’investissement « ad hoc » (SPV). La dette est alors divisée en un grand nombre de titres et découpée en tranches qui sont vendues à des investisseurs institutionnels8 . Quand le risque des crédits titrisés est raisonnable, cette pratique aide à donner au marché plus de profondeur, de liquidité et de flexibilité. En effet, la titrisation a non seulement permis d’accroître les sources de financement des banques, en rendant liquides les actifs illiquides détenus à leur bilan, mais aussi de transférer le risque lié à ses actifs. Elle permet aux créanciers initiaux d’évacuer ainsi « hors bilan » une partie de leurs crédits, généralement la plus risquée, et de se dispenser alors de l’obligation de couvrir partiellement ceux-ci en fonds propres, comme le spécifient les règles internationales décrétées par le «Comité de Bâle». Par cette technique, la vigilance des banques qui ont délivré les crédits aux ménages a été moins grande sur leur capacité à rembourser l’emprunt. Quand les défauts ont augmenté sur les « subprimes », on a observé alors un effet de contagion via les banques ou les fonds spéculatifs qui étaient fortement exposés sur le marché des « subprimes » par des investissements directs ou indirects dans des produits structurés et titres spéculatifs adossés à de la dette et, plus généralement, par des opérations financières de ce type aux Etats- Unis. La valeur des dérivés de crédit vont alors diminuer fortement. Les pertes directement engendrées par les crédits « subprimes » peuvent être estimées ; en revanche, les dépréciations des produits dérivés sont beaucoup plus difficiles à évaluer. Par un effet domino, la crise affecta peu à peu tout le marché du crédit et de la titrisation, touchant alors des produits n’ayant aucune relation avec les crédits subprimes. Le marché boursier a été affecté par cette contagion, aussi bien au niveau des valeurs bancaires qu'au niveau d’autres titres pouvant être touchés par le comportement des fonds d’investissements. Il est alors impossible pour les gérants de déterminer la valeur de leur 8 Banque de France (février 2009), « La crise financière », documents et débats n°2.
  • 22. 22 fonds, faute d’échanges sur ces instruments. La cotation est alors suspendue, entraînant la panique des investisseurs. Ces derniers désirent alors tous revendre leurs parts, obligeant les gérants à fermer temporairement les fonds en attendant une amélioration de la situation. Il apparaît, sur le marché, la crainte que des fonds d'investissements ne pouvant recouvrer des créances en raison de cette crise, cherchent à vendre massivement d’autres valeurs faisant ainsi chuter les titres d'un grand nombre de sociétés pour compenser ces pertes. La crise du crédit immobilier s’est propagée à la totalité du milieu financier, sur les marchés boursiers, la baisse des cours des valeurs bancaires se propageant à l’ensemble des bourses mondiales. Les marchés sont devenus plus volatils sous l’effet du comportement des investisseurs inquiets quant à l’étendue de la crise. La faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers le 15 septembre 2008, va accroître la tension sur les marchés. Aucune partie prenante ne lui vient en aide, cela est très mal perçu par les marchés (il y a une volonté de faire un exemple ou de montrer que les Etats ne viendront plus en aide aux banques) qui plongent de plus bel. La bourse américaine est la première à chuter et entraîne avec elle les bourses mondiales. Pour pallier à cette crise sans précédent, certains États nationalisent les pertes engendrées par les banques en difficultés, garantissent les épargnes et vont même racheter les actifs toxiques9 . En 2008, nous avons donc assisté à une crise bancaire et financière déclenchée par le surendettement des ménages américains et la multiplication de produits financiers dits toxiques. La tourmente s’est propagée un peu partout dans le monde. Une crise des liquidités s’en est suivie, bloquant tout le système du crédit et débouchant sur une crise économique. 9 http://fr.wikipedia.org/wiki/Lehman_Brothers
  • 23. 23 I.2.3 La crise économique La crise se propage et certaines répercussions apparaissent dans l’économie. Dans un premier temps, la crainte d’une limitation mondiale du crédit a influé sur les cours du pétrole, car un grand nombre de fonds touchés par les difficultés des « subprimes » désirent alors couvrir leurs pertes en soldant leurs positions sur les marchés des matières premières. On assiste à un effet de contagion : les évènements affectant les marchés boursiers et des capitaux, entraînent un assèchement des liquidités, obligeant différents intervenants comme les hedge funds à quitter le marché de l'énergie et à solder leurs positions. Le durcissement des conditions d’accès au crédit et d’obtention des prêts immobiliers a fait chuter de 19,1% les ventes de logements en un an et le nombre de mises en chantier aux Etats- Unis a reculé de 31% de 2007 à 2008. Les premiers touchés sont, d’une part les emprunteurs devenus défaillants avec une explosion du taux de saisies immobilières et d’autre part, les employés du secteur des produits financiers dit « subprimes ». On assiste à une série de licenciements dans la sphère financière, suite à la faillite et à la fermeture de sociétés de crédit et de courtiers. Dans beaucoup de pays industrialisés, les restrictions de crédits imposées par les banques aux ménages ralentissent et contractent la consommation interne. Les entreprises, quant à elles, sont touchées dans leurs capacités à trouver un financement, et donc à investir. Parallèlement à cela, les ventes chutent, les stocks augmentent, et leurs trésoreries se dégradent. Le secteur du bâtiment est aussi fortement touché en raison de la baisse vertigineuse de la construction dans le neuf et des invendus. Les dépôts de bilans s’intensifient, augmentant logiquement le nombre de chômeurs et de sans-emplois, ce qui restreint encore plus la consommation et affecte le moral des ménages.
  • 24. 24 I.2.4 La crise du marché du change La crise financière a soudain des conséquences spectaculaires qui se traduisent par des variations de très fortes amplitudes qui affectent certaines devises. Entre Juillet et Novembre 2008, on pouvait constater que le Yen s'était ainsi apprécié de 40% vis-à-vis de l'Euro. Pendant ce temps, le Dollar Australien et que la Livre Sterling chutaient respectivement de 25% et de 20% vis-à-vis de l’US Dollar. L'Euro, qui était a un plus haut niveau historique face à l’USD, a chuté de 1.60 à presque 1.23 - soit de près de 25%. Ces variations, sur le marché du change, ont eu un impact désastreux, car elles rendaient toute opération d'import/export potentiellement impossible à réaliser dans des conditions raisonnables pour les entreprises et pour les Etats. Les investisseurs et spéculateurs trouvaient sur le marchés des devises une source de financement idéale à bas prix .Le procédé juteux consistait à emprunter dans des devises ayant un taux d'intérêt très faible comme le Yen ou le Franc Suisse, dans le but d'investir dans des actifs libellés en monnaies à fort rendement comme le Dollar Australien, le Rand Sud Africain ou l'Euro. Cette source s'est tarie, et ces mêmes acteurs se retrouvent alors dans l’obligation de racheter les Yens et les Francs Suisses, précédemment vendus à découvert, en bénéficiant de l'effet de levier, mais en amplifiant encore plus les variations. Les spéculateurs sont gagnés par la peur et se défont de leurs devises dont les pays importent des capitaux étrangers, comme l'Europe Centrale ou la Corée du Sud, ce qui favorise l'accentuation de la crise auprès des économies émergentes. Le marché des changes est donc aussi un vecteur de la contagion et de l'expansion de la crise du milieu financier à l'économie, du fait des spéculateurs qui sont des intervenants de poids sur ce marché. Les dégâts collatéraux infectent toute la chaîne des acteurs : de la banque, prêteuse ou mettant à disposition l'effet de levier, aux fonds de pension et aux compagnies
  • 25. 25 d'assurance qui voient la valeur de leurs actifs rapidement baisser du fait de la vente anticipée de ces valeurs par les spéculateurs obligés de sortir de ces opérations à levier... I.2.5 La crise de confiance Le manque de transparence des banques et la complexité des produits financiers ont accentué la crise de confiance. Il était devenu impossible pour les détenteurs de créances de les solder. La méfiance envers les créances titrisées s'est installée indépendamment de la part de crédits « subprimes » qu'elles comprennent, puis envers les fonds d'investissements, les OPCVM (dont les SICAV monétaires) et envers le système bancaire susceptible de détenir ces dérivés de crédits. Partout dans le monde, les banques ont investi dans des titres adossés au marché des « subprimes » et peuvent potentiellement subir d'importantes pertes. Mais il est impossible de déterminer dans quelle proportion. Les produits financiers de "titrisation", contenant les fameux crédits subprimes, sont complexes. Ils combinent bien souvent des crédits sensibles avec des titres de bonne qualité. Au final, il est quasiment impossible de repérer les produits dangereux. Au cours de l'été 2007, on observe une première chute des marchés boursiers déclenchée par un arrêt temporaire de la spéculation, arrêt lui-même provoqué par cette crise de confiance générale dans le système financier. L'inquiétude s’était répandue jusque dans le marché interbancaire qui est censé permettre le refinancement des banques. Peu à peu, les relations interbancaires se retrouvent paralysées par le doute, qui affecte la liquidité des "collatéraux" et par l'incapacité de localiser les titres contaminés, qui a eu pour conséquences la mise en difficulté d'un grand nombre de banques dans le monde. Les banques centrales ont alors massivement injectées des liquidités dans le marché interbancaire. Le mal restera enfoui
  • 26. 26 jusqu'au moment où les premières faillites apparaissent, puis touchent les premières institutions financières septembre 2008. Une crise de confiance s’installe lorsque les banques prennent conscience qu’elles ne sont plus en mesure d'apprécier les risques portés par leurs homologues. Cela entraîne alors l’arrêt brutal du refinancement et un assèchement du marché interbancaire. Cette crise de confiance se répand également au niveau des populations des pays développés. Le moral des ménages est au plus bas en Europe, en Amérique du Nord et dans les économies développés asiatiques et du pacifique. Les médias du monde entier relayent et amplifient cette crise de confiance auprès des populations. Dans certains pays, les particuliers retirent leurs économies des banques, amplifiant à leur tour la crise des liquidités. I.2.6 La crise du siècle Avec plus de 250.000 milliards d’euros, la sphère financière a atteint six fois le montant de la richesse réelle du monde. Les sociétés financières ont sous estimé le risque des crédits « subprimes », comptant sur la possibilité de saisir le logement et de le revendre avec une plus-value dans un marché immobilier en forte hausse et dont personne à l’époque ne voulait envisager le retournement. Et brutalement, on assiste au dégonflement de la plus grosse bulle de crédits jamais observée. La chute brutale du marché immobilier aux USA, à partir de Juin 2006, a complètement pris au piège les emprunteurs de crédits subprimes, provoquant un désastre aux dimensions jamais atteintes. Plus de 1000 milliards d'euros ont été perdus. De nombreuses banques d'affaires ont disparu. Les cinq établissements de références de ce système se sont écroulés : Lehman Brothers tombe en faillite. Bear Stearns est rachetée par Morgan Chase avec l’aide de la
  • 27. 27 Réserve Fédérale. Merrill Lynch est repris par la Bank of America. Les établissements Goldman Sachs et Morgan Stanley, quant à eux, voient leurs réputations affectées en tant que banques d’affaires et ont été « recyclées » en simples banques commerciales, soumises au contrôle de la Fed. Toute la chaîne de fonctionnement du système financier apparaît atteinte et n’est plus fiable. Les banques d’affaires ne sont pas les seules touchées. C’est aussi le cas des banques centrales, des autorités de régulation, des banques commerciales, des caisses d’épargne, des compagnies d’assurances, des agences de notations (Standard & Poors, Moody’s et Fitch) et même des agences internationales d’audit comptable (Deloitte, Ernst & Young, PWC). Cette crise apparaît d’un type différent et n’a pas pour origine, comme les précédentes, des problèmes circonstanciels tels qu’ils ont été rencontrés depuis les années 30. Il s’agit, en réalité, d’une crise de solvabilité qui touche à la fois les ménages, les entreprises, mais aussi les états qui se sont massivement endettés. De manière générale, c’est la remise en question d’un système économique qui surgit. Au final, la chute de ce système a été amorcée par l’octroi des crédits « subprimes » à des ménages faiblement solvables et a été propagée par le biais du mécanisme de titrisation ainsi que par la désintermédiation, la libéralisation et la déréglementation financières. I.2.7 Cette crise débouche en 2010 sur une nouvelle crise affectant la solvabilité des Etats En avril 2010, une crise, tout aussi grave que celle de 2008, fait vaciller les marchés financiers. Cette fois-ci, c’est la solvabilité des Etats qui est en cause et non plus seulement celle des banques.
  • 28. 28 La Grèce est dans l’incapacité de rembourser ses dettes. Elle a besoin d’une aide internationale rapide et coordonnée de l’Union Européenne et du Fonds Monétaire International. Elle est complexe à mettre en œuvre et les investisseurs perdent confiance. Le 7 mai 2010, nous assistons à un véritable plongeon sur les places boursières de la planète avec une baisse de 4,60% à Paris, de 4,55% à Bruxelles, de 3,28% à Madrid, de 3,27% à Milan, de 3,26% à Francfort, de 3,10% à Tokyo, de 2,94% à Lisbonne, de 2,86% à Athènes et d’environ 1,40% à Wall Street. La Bourse de Paris a perdu 11% entre le 3 et le 7 mai. La situation financière catastrophique de la Grèce et un phénomène de contagions vers l’Espagne et le Portugal ont fait peur aux investisseurs. Le marché interbancaire s’est de nouveau asséché, cette fois-ci vers les banques grecques, et peut être demain vers les banques espagnoles et portugaises, voire irlandaises. En juin, c’est autour de la Hongrie de susciter des craintes après que son président ait fait état d’une situation financière catastrophique et de la nécessité de la mise en œuvre d’un plan de rigueur. Les emprunts d’Etat, qui étaient jusqu’à présent considérés comme des placements sans risque, des placements de « bon père de famille », suscitent en mai 2010 la défiance des marchés. Ils sont détenus par des fonds ouverts à l’épargne publique, à des caisses de retraites, des assurances vie, des sicav obligataires, donc par monsieur et madame tout le monde et non plus par seulement par de grandes banques internationales. Cette crise devient très inquiétante car cette fois-ci, c’est l’Europe qui est au centre du problème et non plus seulement les Etats-Unis. Le cœur de la crise est au sein même de l’Union Européenne.
  • 29. 29 L’autre point important est qu’il s’agit également d’une crise politique profonde et non plus seulement financière. Cette crise marque une faillite collective et institutionnelle de l’Union Européenne qui a trop tardé à venir en aide à la Grèce. Cette crise politique est d’ailleurs renforcée par l’instabilité du gouvernement en Belgique, par les élections qui ont été incertaines au Royaume-Uni et par la défaite de la coalition de la chancelière Angela Merkel en Allemagne (qui a perdu la majorité à la Chambre Haute du Parlement fédéral). La situation économique est par ailleurs plus difficile et fragile qu’en 2007. L’Europe est encore convalescente. Après être tombée dans la récession, les estimations officielles sur la croissance sont de 0,9% pour la zone euro en 2010 (contre une croissance de 2,7% en 2007). Enfin, les solutions à cette sortie de crise sont plus complexes à mettre en œuvre. Les Etats ont injecté des centaines de milliards pour sauver les banques et relancer la croissance en s’endettant très fortement. Les déficits ont explosé et les marges de manœuvres sont maintenant plus restreintes. Les états les plus endettés annoncent les un après les autres leurs plans de réductions des déficits publics par le biais de plans d’austérité. Cette crise est profonde et nul ne sait actuellement, ni quand elle s’arrêtera ni sur quoi elle débouchera : une autre crise, une Pourquoi cette crise pourrait être plus grave que celle initié en 2007 ? : 1/ La solvabilité des Etats est en cause 2/Les emprunts d’Etat sont dans les fonds ouverts à l’épargne publics et touchent plus de personnes. 3/ Le berceau de la crise est en Europe. 4/ Une crise financière couplée à une crise politique profonde en Europe. 5/ La zone Euro est dans une situation économique difficile et sort à peine de la récession. 6/ Les solutions sont plus complexes à mettre en œuvre et les Etats ont moins de marge de manœuvre.
  • 30. 30 nouvelle réglementation financière mondiale… En tout état de cause, c’est dans ce contexte que l’affaire Madoff a été mise en évidence. Sans cette crise sans précédent, cet homme serait certainement encore un mythe de la finance, mais pour d’autres raisons que celle de l’escroquerie du siècle. Maintenant que nous cernons mieux le personnage et le contexte international, nous nous attacherons dans cette deuxième grande partie à mieux comprendre la fraude, à décortiquer ses rouages et son impact. Nous vous présenterons le portrait de quelques victimes emblématiques afin de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de cette fraude. Enfin, nous achèverons cette partie centrée sur la fraude par un état des lieux sur les procédures collectives, la liquidation des fonds et le processus d’indemnisation des victimes.
  • 31. 31 II / La Fraude II.1 Le principe de la fraude basé sur un double mécanisme II.1.1 Le principe de base : La chaîne de Ponzi La mise en place de la fraude « Madoff » reposait sur un modèle extrêmement simple, proche d’un schéma appelé «de cavalerie» ou «Pyramide de Ponzi». Dans ce type de schéma, il n’y a, en réalité, aucun investissement de fait et les intérêts versés aux investisseurs existants sont payés grâce aux investissements des nouveaux investisseurs entrants. Afin de matérialiser cette fraude de manière extrêmement simple, nous allons prendre un exemple concret et chiffré : • Prenons un rendement de 20% sur un fonds. Ce rendement est extrêmement fort compte tenu de ce qui peut se pratiquer sur le marché. Au démarrage, 3 clients seulement acceptent de mettre 100 000 € grâce à la réputation du fonds, de celle de son gérant et en raison de la faible somme demandée. Au bout de la première année, avec un fond d’une valeur de 300 000 €, on leur paie les 20% soit 60 000 €. Les investisseurs sont satisfaits et il reste donc 240 000€ dans le fonds. • La nouvelle se répand assez vite et le fonds représente maintenant 2 000 000 € à gérer la seconde année, avec de nouveaux investisseurs. On paye de même les intérêts de 20% promis sur cette somme soit 400 000€. Il reste donc 1 600 000 €. Et ainsi de suite… Cette escroquerie, maintenant mondialement connue, est communément appelée «Pyramide de Ponzi» :
  • 32. 32 « Une chaîne de Ponzi, dynamique de Ponzi, pyramide de Ponzi ou jeu de Ponzi, est un système de vente pyramidale, une forme d'escroquerie par cavalerie, fonctionnant par effet boule de neige, consistant en la promesse de profits très intéressants, financés par l'afflux de capitaux investis progressivement, jusqu'à l'explosion de la bulle spéculative ainsi créée. (1) Ce système tient son nom de Charles Ponzi (photo à droite) qui est devenu célèbre après avoir mis en place une opération immobilière frauduleuse à Boston fondée sur ce principe en 1921. 10 » Photographie de Charles Ponzi en 1920. La principale difficulté à ce stade réside donc dans le recrutement des investisseurs pour que la pyramide ne s’effondre pas. Pour les attirer, deux paramètres sont particulièrement importants : le couple rendement/risque de l’investissement et la notion de confiance. Pour simplifier, l’escroquerie résidait dans les deux paramètres suivants : • Le simple fait de payer des intérêts très élevés, quelle que soit la configuration du marché aux investisseurs, est déjà un paramètre qui permet de facilement recruter de nouveaux investisseurs ou de faire réinvestir des clients ayant déjà investit. • La confiance. Bernard Madoff avait la confiance des investisseurs compte tenu de son parcours dans les affaires en finance. Malgré ce mécanisme qui parait incroyablement simple à mettre en place, le niveau de difficulté de recrutement de nouveaux investisseurs reste néanmoins très élevé et s’accroît 10 http://fr.wikipedia.org/wiki/Cha%C3%AEne_de_Ponzi
  • 33. 33 avec le temps en parallèle avec les besoins toujours plus importants de liquidité. En effet, il est capital de pourvoir recruter de manière continue de nouveaux investisseurs. Ce schéma met bien en exergue le paramètre fondamental qui fait tenir cette pyramide, à savoir le nombre d’investisseurs. Il devient rapidement un paramètre bloquant et de plus en plus difficile à contrôler. Tôt ou tard, la pyramide va s’effondrer, d’autant plus si certains investisseurs retirent brusquement leurs investissements à la suite d’une crise d’une grande ampleur, comme ce fut le cas pour l’affaire « Madoff » en 2008. Celui-ci a réalisé la plus grande appelée «Pyramide de Ponzi»connue à ce jour, avec près de 3 millions de victimes. Ayant désormais ces éléments en vue, nous allons observer que l’affaire « Madoff » n’est pas seulement basée sur une simple «Pyramide de Ponzi». Un mécanisme un peu plus subtil transparait… II.1.2 Le mécanisme additionnel : un investissement rémunérateur à faible risque. Dans cette affaire, contrairement à une «Pyramide de Ponzi» classique ou à d’autres arnaques de type pyramidal, il existait dans l’activité de gestion des fonds au sein de « BMIS » une activité assurant un retour réel sur investissements.
  • 34. 34 La rémunération des investisseurs se faisait donc grâce à un double mécanisme: • Investissement des fonds sur les marchés financiers avec une stratégie à faible risque (obligations d’Etat) qui générait des intérêts, mais à très faible rendement. • Une ponction sur le capital, n’intervenant qu’en complément, pour assurer au client un RSI supérieur à celui assuré par les concurrents. Cette ponction représentait la majorité du rendement global dégagé pour les investisseurs à leur insu. Ce système a donc pu fonctionner tant que la fraude était bien contrôlée et dissimulée. En l’occurrence, elle aura durée 48 ans ! Nous nous attarderons, dans la prochaine partie, à décortiquer le montage financier, c'est-à- dire l’organisation macro générale, à présenter des parties prenantes ainsi que les schémas de cette fraude, sans oublier les subtilités et les difficultés d’un tel montage. Nous en profiterons également pour examiner les éléments techniques de l’un des fonds nourriciers, celui d’UBS nommé Luxalpha.
  • 35. 35 II.2 Montage financier : II.2.1 Organisation macro générale L’importance du montant géré par Bernard Madoff, par l’intermédiaire des fonds nourriciers et de sa société « BMIS » nécessite un grand nombre d’acteurs, à la fois en termes d’investisseurs, d’établissements bancaires, de fonds d’investissements et de relations commerciales dans les domaines de la finance11 . Il est important d’avoir en tête que la somme globale géré par « BMIS » le plaçait parmi les fonds d’investissement les plus importants au monde. Classement des hedge funds américains en fonction du montant des actifs sous gestion : JP Morgan Asset Management 34,0 milliards USD Goldman Sachs Asset Management 32,5 milliards USD Bridgewater Associates 30,2 milliards USD D.E Shaw Group 26,3 milliards USD Faralon Capital Management 26,2 milliards USD Renaissance Technologies Corporation 24,0 milliards USD Och-Ziff Capital Management 21,0 milliards USD Cerberus Capital Management 19,2 milliards USD Barclays Global Investors 18,9 milliards USD ESCL Investments 18,0 milliards USD Source : Absolute Return, mai 2007 Ce montage est en quelque sorte l’œuvre d’une vie et, comme le montre le schéma suivant, d’une grande complexité en terme d’acteurs impliqués directement ou indirectement. 11 Juin 2009 analyse financière n° 31 - « Madoff n’était pas un hedge fund »
  • 36. 36 Montage global de l’escroquerie Madoff12 II.2.2 Description des interactions des entités dans l’organisation et leurs rôles Afin de bien cerner chaque acteur et leurs rôles respectifs, nous nous efforcerons de décrire comment chacun d’entre eux intervenait par étapes successives. La première étape consistait à trouver un support rémunérateur pour les investisseurs. Ces investisseurs étaient issus d’un grand nombre de catégories. Afin d’illustrer cette diversité, nous avons pris un échantillon pour chacune des catégories de la liste publiée13 • Clients privés aisés • Clients privés fortunés: Steven Spielberg, Liliane Bettencourt, Arpad Busson, Carl Shapiro • Fonds de pension : Massachusetts et Connecticut, Carpenters 12 Madoff : Un piège presque parfait (article de presse rédigé par Pierre Alexandre Sallier) 13 Liste des clients Madoff : Madoff Affidavit Exhibits_SEND_for attorneys_02-03-09
  • 37. 37 • Assurance : AXA • Banques agissant pour le compte de : Bank of America Santander, BNP Paribas • Fondations : Elie Wiesel, United Jewish Appeal • Sociétés : Apple, General Motors La seconde étape proposait un produit adapté à chaque type d’investisseurs en fonction de leurs besoins au travers du couple rendement/risque. Les investisseurs, suivant leur nature, se tournaient donc de manière proactive ou non vers une structure ou des individus qui pouvaient les conseillers dans le choix du support. Ces intermédiaires pouvaient êtres des banques, des sociétés d’investissements ou des hedge funds. Ces intermédiaires créaient des structures que l’on appelle des « fonds nourriciers » ou plus communément des « fonds rabatteurs » ou « feeders funds »14 . Ces fonds proposaient des produits financiers auxquels souscrivaient les investisseurs. Le rôle de ces structures relais était de recueillir des capitaux auprès des investisseurs. Ce système permettait de s'immiscer de manière extrêmement large dans tout le système des réseaux financiers vu comme un gigantesque réceptacle de capitaux. Dans l’affaire « Madoff », les principaux « fonds nourriciers » domiciliés en Europe, et qui étaient gérés indirectement par Bernard Madoff, étaient les suivants : Herald, Thema, Luxalpha, FFS, HRLD, OPTI, KING, Santa. Il y existait bien entendu un grand nombre d’autres fonds afin d’assurer le recrutement de nouveaux investisseurs. Les trois grandes catégories de fonds nourriciers sont décrites de la manière suivante : • Réseaux de sociétés de taille moyenne, mais dotées de capitaux importants • Banques agissant de concert avec des gestionnaires 14 Les hedge funds - Gérard Marie Henry -© Groupe Eyrolles, 2008 ISBN : 978-2-212-54005-5
  • 38. 38 • Individus qui ont monté leur entreprise financière rabatteuse ou qui, le plus souvent, servent de relais à « BMIS », en plus de leurs autres activités L’intérêt principal, pour ces « rabatteurs », résidait dans la rémunération perçue sous la forme de commissions sur le volume de produits placés, et non sur leur prestation financière. En effet cette prestation financière, dans notre affaire, est déléguée à « BMIS » en termes et d’exécution d’ordres de manière officielle mais très discrète, de conseils et de gestion de manière officieuse et par l’intermédiaire de contrats non officiels et non agréés, dont on présentera l’intérêt par la suite. La troisième étape est celle de « l’investissement » des capitaux collectés par les fonds nourriciers sur les marchés, par l’intermédiaire de la société de courtage « BMIS ». La définition de la relation commerciale entre les « fonds nourriciers » et la société « BMIS » pourrait être décrite comme une « délégation de gestion de compte clients » pour des opérations définies par l’intermédiaire de contrats synallagmatiques15 . Ces opérations étaient principalement: • Des investissements en bons du trésor • Des investissements sur l’Index S&P • Des opérations de produits dérivés (options) Le rôle de la société « BMIS » était donc d’exécuter les ordres sur les marchés de manière officielle, de gérer et conseiller les fonds nourriciers en termes d’investissements de manière officieuse. 15 Texte de l'assignation délivrée en particulier à l'encontre d'UBS Luxembourg et d'Ernst and Young –Site internet de l’Association de défense des victimes de la fraude Madoff
  • 39. 39 L’intérêt de la société « BMIS »dans le cas présent, était de pouvoir couvrir à la fois les ordres de comptes, la gestion et le conseil pour les « fonds nourriciers » de son propre réseau. Cela lui procurait ainsi une pleine autonomie sans pouvoir être contrôlé par les organes de contrôle. Ces opérations devaient, bien sûr, être présentées aux investisseurs de manière régulière par l’intermédiaire de relevés. Ces derniers étaient toujours sous le format papier ou faxés, afin de limiter la diffusion. La méthode « Madoff » consistait à délivrer aux investisseurs une rentabilité définie à priori sur la base de constitution de portefeuilles d’opérations fictives. Une fois ce portefeuille réalisé, les gains pour chaque investisseur étaient calculés automatiquement à hauteur de leurs investissements pour chacun des comptes gérés. De plus, comme les portefeuilles actions faisaient l’objet de reportings spécifiques, la société « BMIS » prétendait déboucler ses positions à la fin de chaque trimestre et investir sur des bons du trésor. Enfin, afin de ne pas trop éveiller les soupçons, la société « BMIS » créait des portefeuilles fictifs avec des pertes volontaires mais contrôlées, et les investisseurs trop curieux à l’égard de la gestion, se voyaient remboursés leurs investissements, avec clôture de leurs comptes. II.2.3 Les difficultés du montage et ses subtilités Le système de fonctionnement de l’affaire « Madoff » dépendait de six facteurs, clés de succès : 1. Une performance supérieure au marché, avec une régularité sans faille pour être à la fois attractive et crédible16 . 2. Une forte capacité de recrutement de nouveaux investisseurs entrants 3. Une forte capacité à fidéliser les investisseurs afin d’éviter les retraits (débouclage de position). 16 Fairfield Sentry Ltd. USD 3X Leveraged Version - Factsheet – November 17th , 2008
  • 40. 40 4. Une image irréprochable des opérations pour les autorités de régulation et les investisseurs 5. Une gestion rapide des flux financiers (investissements) 6. Une discrétion « maladive » de Bernard Madoff Afin de bien verrouiller et bien maîtriser les six facteurs, clés de succès, Bernard Madoff a, semble-t-il, mis en place des réponses opérationnelles parfaitement adaptées : 1. La performance supérieure au marché et régulière a été possible, principalement grâce à la perfusion de capitaux par de nouveaux investisseurs qui alimentaient les intérêts des investisseurs déjà présents dans le système. Cette méthode permet de parfaitement adapter et maîtriser le rendement attendu. 2. La forte capacité à recruter de nouveaux investisseurs réside dans deux paramètres : o Flexibilité du mode de recrutement par un réseau de fonds rabatteurs de renommée internationale. o Confiance des investisseurs au sein du réseau à l’égard des « rabatteurs » (exemple de la banque UBS), et performance historique des produits et supports proposés. 3. La forte capacité à maintenir « captifs » les investisseurs, sans débouclage, tient dans le fait qu’aucun autre investissement n’offre un couple rendement/risque aussi performant. 4. L’image irréprochable des opérations pour les autorités de régulation et les investisseurs réside dans deux facteurs principaux : o Le montage juridico-financier est classique, du moins en apparence, car les « fonds rabatteurs » enregistrés auprès des autorités financières sont eux contrôlés et font appel à une société de courtage « BMIS » pour réaliser les opérations. Cela permet ainsi à la société « BMIS » d’échapper au contrôle.
  • 41. 41 o Un grand nombre de ces « fonds rabatteurs » sont crées par des institutions financières de renommées internationales, ce qui facilite la crédibilité des montages réalisés. Schéma classique de fonctionnement de fonds d’investissements17 : - La société « BMIS) »se situerait à la place du Fonds maître alors même que « BMIS »n’est pas un fonds mais une société de courtage. - Luxalpha serait un « fonds nourricier » qui alimenterait le fonds maître « BMIS » au centre du schéma. - Pour les investisseurs, l’image d’une banque renommée tel qu’UBS est un gage de sérieux et leurs permet d’investir dans leurs fonds nourriciers par l’intermédiaire de supports comme des OPCVM ou d’enveloppes fiscales comme les assurances vies. Pour se vendre, les feeders funds (fonds nourriciers) mettaient en avant le fait qu'ils étaient contrôlés par les plus grands cabinets d'audit internationaux, à commencer par PWC et KPMG. Ils ont ainsi caché l'obscure firme New-Yorkaise, Friehling & Horowitz, chargée de signer les comptes de la société « BMIS ». 5. La gestion rapide des flux financiers est une conséquence du montage subtil entre les « fonds nourriciers » (rabatteurs) comme Luxalpha et la société Bernie « BMIS » qui, une fois ces fonds disponibles, les emploie directement sur les marchés. La subtilité principale de 17 Les hedge funds - Gérard Marie Henry -© Groupe Eyrolles, 2008 ISBN : 978-2-212-54005-5
  • 42. 42 gestion des investissements réside dans le fonctionnement de la société »BMIS ». Elle gère et décide des investissements et non les « fonds nourriciers ». La Sicav Luxalpha, par exemple, n’est qu’un véhicule d’investissements, sans aucune gestion ou administration et n’a pas de raison d’être. Grâce à ce montage, les fonds nourriciers procèdent en quelque sorte à ce qu’on appelle un « compte géré ». Néanmoins, à la différence d’un compte géré, le client ne peut pas voir ce qui se passe sur son compte ni le réajuster. En effet, Bernard Madoff était à la fois "contrepartiste" de manière officielle et gestionnaire d'actifs de manière officieuse par un contrat non agréé de type synallagmatique. 6. La discrétion, dans le montage de l’affaire « Madoff », était capitale pour deux raisons principales : o Les investisseurs pensaient qu’ils avaient été choisis et qu’ils étaient donc des privilégiés. A ce titre, poser des questions trop précises ne pouvait s’envisager. o Il convenait d’éviter d’éveiller la curiosité à tous niveaux, que ce soit auprès d’investisseurs, de concurrents ou des autorités régulatrices. Bernard Madoff, ou sa société de courtage « BMIS », n’apparaissent dans aucun des prospectus des fonds nourriciers. En apparence, le fond nourricier propose un produit de qualité, distribué par des grandes banques comme UBS, et audité à ce titre comme il se doit. Ce pare-feu cache des contrats officieux, non présentés aux autorités régulatrices, entre « BMIS » et les gestionnaires comme UBS qui délègue la gestion et l’exécution des opérations financières à « BMIS ». Il est bien évident que cette fraude doit être complètement invisible, à la fois à l’égard des autorités qui pourraient entamer des poursuites mais aussi pour les clients qui pourraient procéder au retrait de leurs avoirs au moindre doute dans la gestion des fonds nourriciers. A la lumière de cette fraude, nous le verrons un peu plus loin, la société « BMIS » a toutes les apparences d’une société de gestion de fonds d’investissements « classiques », animée par un
  • 43. 43 patron de haute réputation. Cependant, la société « BMIS » n’est pas un fonds d’investissements mais une simple société de courtage en bourse. Elle gérait, pour le compte de ses clients, entre autre, des comptes actions sur le Nasdaq et sur le New York Stock Exchange, notamment sur l’index du S&P500. Le seul talon d’Achille que l’on a observé dans ce montage correspondait à l’audit et à la certification des comptes. Alors que la plupart des structures financières sont certifiées par de grands cabinets de la place comme E&Y, Price Waterhouse Coopers, la société « BMIS »était certifiée par Freshling & Horowitz, un cabinet d’expert comptable inconnu. Ce cabinet employait trois personnes dont deux comptables et une secrétaire. Cependant, la société « BMIS » passe au travers des radars des autorités de régulation car elle n’est pas enregistrée comme un fonds d’investissements mais les contrats synallagmatiques, non officiels, le lui permettent sur le plan opérationnel. C’était là une des subtilités de l’affaire. Nous étudierons, dans la prochaine sous partie, le prospectus d’un des fonds nourriciers les plus importants et tacherons de mettre en exergue les diverses manipulations. Nous verrons également que ce prospectus a subi quelques évolutions en cours de vie afin de s’adapter aux réglementations internationales en termes de SICAV. II.2.4 Le prospectus du fonds Luxalpha : un ensemble de manipulations évidentes18 19 Luxalpha est une SICAV luxembourgeoise crée par UBS AG et UBS S.A le 5 février 2004. C’est un instrument d’investissements accessible au grand public et réglementé (agrément préalable de la Commission de Surveillance du Secteur Financier). 18 Luxalpha SICAV – Sales prospectus - August 2006 19 Assignation devant le Tribunal d’Arrondissement de et à Luxembourg siégeant en matière commerciale suivant la procédure civile de 2009 (136 pages)
  • 44. 44 En tant que sicav, elle a l’obligation de mettre à disposition de ses investisseurs un prospectus qui doit détailler sa politique d’investissements, son fonctionnement et la façon dont il est géré. Par ailleurs, la nature d’une SICAV fait qu’elle doit se conformer au principe de diversification et de répartition des risques, avec des limites en matière d’investissement. Or, UBS ne mentionnait pas dans le prospectus de Luxalpha, le nom de Bernard Madoff, de la société « BMIS », ni le fait qu’elle n’était qu’un « fonds nourricier » concentré vers une seule société dont la gestion était déléguée. Luxalpha est un OPCVM coordonné, commercialisé au Luxembourg et en France (agrément AMF en novembre 2004). Elle est donc une SICAV européenne grand public, régie par la directive européenne 85/611/CEE du 20 décembre 1985, modifiée par les directives 2001/107/CE et 2001/108/CE. En théorie, Luxalpha était une sicav à compartiments multiples, mais elle n’était constituée que du compartiment « American Selection » qui avait vocation à investir en valeurs mobilières cotées aux Etats-Unis en respectant le principe de la répartition des risques. Dans les faits, elle n’était qu’un « fonds nourricier » chargé de collecter des fonds auprès du grand public afin de les déposer et de les faire gérer auprès de « BMIS ».20 Forme d’une SICAV Luxembourgeoise. Politique d’investissements non respectée : délégation de la quasi-totalité des dépôts à « BMIS ». Les prospectus de 2004, 2006 et 2007 sont mensongés : Luxalpha était présentée comme un pur produit UBS sans mentionner « BMIS » ou Bernard Madoff. UBS était nommée en tant que promoteur et dépositaire. Luxalpha était domiciliée auprès d’UBS S.A. 20 Assignation devant le Tribunal d’Arrondissement de et à Luxembourg siégeant en matière commerciale suivant la procédure civile de 2009 (136 pages)
  • 45. 45 Selon le prospectus de Luxalpha, l’organigramme de cette SICAV aurait dû être celui-ci : Selon l’analyse et l’étudie faite par la justice pendant cette affaire, l’organigramme réel était : Les différences sont donc assez criantes et accablantes pour UBS.
  • 46. 46 En novembre 2007, Access Management Luxembourg est nommé en tant que nouveau gestionnaire de Luxalpha, l’organigramme réel était donc devenu le suivant : Cet organigramme restera inchangé jusqu’à la mise en liquidation judiciaire de Luxalpha. Il est donc assez clair de démontrer qu’UBS avait créé une SICAV luxembourgeoise au bénéfice de « BMIS » sans respecter le droit et la réglementation en vigueur et que cette banque a, volontairement ou non, fourni des informations erronées à destination du grand public. UBS a, en outre, confié la quasi-totalité des actifs à un gérant qu’elle ne connaissait pas bien et dont il était difficile d’effectuer avec sérieux les « due diligences ». Enfin, de part l’organisation qu’elle a mise en place, elle s’est privée de toutes possibilités de contrôles et de droits de regard sur la gestion, en concentrant et déléguant les pouvoirs vers un tiers.
  • 47. 47 A maintes reprises, UBS a du adapter son prospectus afin de répondre, du moins fictivement, à la réglementation en vigueur pour une SICAV luxembourgeoise. Tous ces éléments sont assez accablants contre cette banque internationale dont l’image a été éclaboussée par cette fraude monumentale à laquelle elle a malheureusement participé activement. La rémunération attractive, l’image de Bernard Madoff et ses rendements apparemment élevés, avec une volatilité très faible, ont suffit à tromper la vigilance de professionnels mondialement reconnus. En quoi la stratégie d’investissement de la société « BMIS » (nommée « split-strike conversion ») était-elle révolutionnaire au point de duper certains experts de la finance mondiale ? Nous nous efforcerons de vous présenter les différentes stratégies des hedge funds afin de mieux appréhender celle prétendument utilisée par la société « BMIS » pendant toutes ces années.
  • 48. 48 II.3 Description de la stratégie d’investissement de BMIS 21 II.3.1 Description des stratégies générales des Hedge Funds22 Un « Hedge Funds » est un fonds d’investissements accessible à une catégorie limitée d’investisseurs (investisseurs institutionnels avec un investissement minimum allant jusqu’à plusieurs millions d’euros) dont les activités ne se limitent pas seulement aux investissements longs des fonds traditionnels. L'intérêt principal des « Hedge Funds » réside dans la fait qu’ils sont potentiellement générateurs de performances plus élevées que les fonds traditionnels. La gamme de produits d’investissements de ces fonds est assez large et comprend aussi bien les actions, les obligations, les produits dérivées ou encore les matières premières. Chaque « Hedge Fund s» a sa propre stratégie d’investissements, plus ou moins complexe, qui détermine le type et les méthodes d’investissements. Ces stratégies sont définies par des ratios rendement/risque très variables. On peut distinguer quatre grandes classes des stratégies utilisées par ces fonds : • Les stratégies à biais « long action » - Long /Short Equity ou Equity Hedge : C’est une des stratégies les plus courantes. Le principe général est de prendre des positions « courtes » sur des actifs surévalués, grâce à un système de vente à découvert, et simultanément financer des prises de positions « longues » sur des actifs estimés sous- évalués grâce aux plus-values potentielles des ventes à découvert. - Short Sellers / Short Selling / Dedicated Short Bias : Cette stratégie consiste à prendre plus de positions “courtes” que de positions “longues”. 21 Luxalpha SICAV – Sales prospectus - August 2006 et fairfield greenwich group presentation Octobre 2008 22 NATIXIS - Les hedge funds, leurs stratégies, leur avenir - Séminaire OFCE, 22 Octobre 2008, Paris
  • 49. 49 Elle est utilisée quand on prévoit qu'en majorité le prix des titres va baisser et non augmenter. - Emerging markets : Il s'agit de faire des investissements longs sur les marchés émergents et ainsi de profiter de leur croissance. Ces marchés n'offrent généralement pas la possibilité de vente à découvert ni de contrats à termes ou produits dérivés comme couverture. • Les stratégies d’arbitrage Ce type de stratégies s’appuie sur les différences tarifaires entre des actifs. - Convertible arbitrage : Cette stratégie consiste à investir dans les titres convertibles de sociétés. Typiquement, on prend une position longue sur l'obligation convertible et une position courte sur l'action de la société émettant les titres convertibles. - Fixed Income Arbitrage : Elle permet de profiter des écarts de prix entre les actifs à revenus stables (« fixed-income ») identiques. Le but étant, en général, de générer des gains stables avec une volatilité basse. - Equity Market Neutral : Cette stratégie vise à tirer profit de l'inefficience des marchés et de prendre position sur une paire d'actions de même secteur en étant à la fois long d'un coté et court de l'autre. • Les stratégies d’Event driven Le principe général est d’exploiter d’éventuelles variations de prix, grâce à des anticipations sur des évènements pouvant affecter une entreprise. Les évènements pouvant affecter l’entreprise et permettant d’appliquer cette stratégie sont variés ; on peut notamment citer un changement de notation, une restructuration, une recapitalisation ou un rachat d’action.
  • 50. 50 - Merger Arbitrage : Stratégie qui consiste à acheter et vendre simultanément les actions de deux sociétés fusionnant et de générer un profit sans risque. On a une position longue sur la société cible et une position courte sur la société qui effectue l'acquisition. - Distressed Securities : Stratégie qui consiste à investir dans des titres de sociétés dont on prévoit que le cours sera affecté par une situation difficile, issue des sociétés concernées. • Les stratégies directionnelles - Global Macro : Dans ce genre de stratégie, la pratique est de prendre, sur la plupart des marchés de capitaux et dérivés, des positions (longues et courtes) en fonction d'anticipations qui sont influencées par des mouvements macroéconomiques. - Les CTAs (Commodity Trading Advisors) ou Managed Futures : Il s'agit ici de prendre des positions directionnelles sur des produits financiers « futures » et ainsi de profiter des tendances haussières et baissières. L'actif sous-jacent peut être aussi bien un taux, une matière première, une action ou du change. Nous avons donc présenté de manière synthétique, les quatre grandes classes de stratégies connues des « Hedge Funds » dans le but de générer un rendement supérieur au marché tout en essayant d’obtenir un couple rendement/risque le plus intéressant possible. Cela nous permettra de mieux comprendre la stratégie utilisée par la société « BMIS » géré par Bernard Madoff et en quoi elle ne pouvait pas donner de tels rendements avec une aussi faible volatilité pendant tant d’années. La stratégie adoptée par Bernard Madoff se nomme « split- strike conversion ».
  • 51. 51 II.3.2 Description de la stratégie « Split-strike conversion » employé indirectement par les fonds nourriciers pilotés par la société « BMIS » 23 Afin d’identifier comment « BMIS » générait des revenus, nous avons cherché à comprendre la stratégie des fonds nourriciers qu’il pilotait indirectement. Cette stratégie était décrite dans les prospectus des fonds nourriciers comme Luxalpha, qui était un fonds piloté par le réseau de Bernard Madoff, sans que son nom n’apparaisse nulle part. La description faisait état de la stratégie en trois opérations, pour un profil classique, et selon les termes ci-dessous: 1. Nous achetons des titres de sociétés pour créer un portefeuille qui représente un des principaux indices (S&P). Mais seulement une dizaine de ces titres de l’indice seront achetés ; ces derniers doivent refléter la performance et l’évolution de l’indice global et paient des dividendes élevés. 2. Vous vendez des options d’achat (“call”) avec un « strike » supérieur au cours de l’indice. Cela permettra de limiter les gains, et générera des liquidités. 3. Vous achetez des options de vente (“put”) avec un « strike » au cours actuel de l’indice (“dans la monnaie”) grâce aux liquidités provenant de la vente des calls de l’étape précédente. Ces calls permettront d’amortir une chute éventuelle de l’indice sous-jacent et limiteront voire empêcheront les pertes. Cette stratégie permet de créer un couloir neutre autour de la valeur de l’action et limite les pertes en cas de retournement de marché. Le rendement et la faible volatilité des fonds gérés par Bernard Madoff ne sont pas les seuls vecteurs de recrutement. Il avait mis en place une stratégie parfaitement rodée que nous vous présenterons dans la prochaine partie. 23 Mr. Madoff’s Amazing Returns: An Analysisof the Split-Strike Conversion Strategy - Carole Bernard & Phelim Boyle - University of Waterloo Wilfrid Laurier University - May 18, 2009
  • 52. 52 II.4 Mode de recrutement de ses clients. II.4.1 Une stratégie de vente via des rabatteurs-prescripteurs. Le génie de Bernard Madoff consistait à déléguer la vente, c’est-à-dire l’étape ou un vendeur est censé expliquer la nature de son produit ou de son service aux prospects. Bernard Madoff refusait également, dans la grande majorité des cas, de rencontrer les prospects, ce qui renforça l’image de « club exclusif d’investisseurs », fermé et de très haut de gamme. Décrocher un rendez-vous avec Bernard Madoff était tellement long, difficile et rare que lorsqu’un gros investisseur potentiel y parvenait, il ne posait que très peu de questions sur le produit en lui-même ou la stratégie, et faisait tout son possible pour être accepté comme client. Bernard Madoff parlait peu de l’économie, et définissait sa stratégie mais en terme très général, cependant il insistait sur les rendements qu’il avait réussis à maintenir à ses clients depuis des années. Plus les années passaient et plus sa crédibilité augmentait car ses rendements étaient réguliers et avec une volatilité réduite. Il prétendait que sa stratégie et ses techniques d’investissements étaient confidentiels. Sa mise en scène était millimétrée et son aura lui attirait la confiance des plus grands qui l’ont légitimé aux yeux de la planète finance. Il existait trois grandes catégories de « feeder funds » ou structures rabatteuses : 1. Un réseau de sociétés de taille moyenne (fonds nourriciers) mais dotées de capitaux importants : Ces sociétés proposaient peu de produits mais détenaient un réseau de relations important et fermé. Les fondateurs de tous ces « feeder funds » sont en général des personnes influentes, reconnues et aux relations étoffées, à la fois présentes dans les salons mondains et dans les allées du pouvoir financier comme Thierry Magon de La Villehuchet à New York, Sandra
  • 53. 53 Manzke à Genève ou Sonja Kohn (Bank Medici) à Vienne. Ils savent approcher et convaincre les riches et les célébrités européennes de leur confier leurs avoirs. De plus, ces intermédiaires sont toujours enregistrés dans des zones « Off shore » où il est difficile de suivre le circuit des investissements de leurs clients. Les quelques exemples présentés ci-dessous retracent parfaitement l’organisation de ce type d’institutions : • Fairfield Greenwich, dont le fondateur est Walter Noel, spécialisé à l’international, et qui utilise ses relations familiales dont celles de son beau-fils, Andres Piedrahita, qui couvrait l'Espagne et l'Amérique latine, ainsi que Philip Touba, son autre beau-fils, qui a rabattu chez « BMIS » le fonds souverain Abu Dhabi Investment Authority et la National Bank of Koweït. Les principaux investisseurs, dans ce fonds, étaient l'Union Bancaire privée de Genève, Lion Capital, l'assureur Great Eastern Holding, Abu Dhabi Investment Authority et la National Bank of Koweït. Le fondateur est spécialisé à l'international depuis la ville de Londres. • Tremont est détenu par le fonds Oppenheimer, dont la tête pensante était Robert Schulman (ancien de Smith Barney) avec un carnet d’adresses très fourni. C’est une société d'assurance vie du Massachusetts qui couvrait les milieux financiers New-Yorkais ainsi que ceux de la côte Est américaine. • Le fond Kingate • La société Access International Advisors 2. Le second groupe est constitué de banques agissant en parfaite collaboration avec des gestionnaires comme : • La banque espagnole Santander dénommé « Optima », dont le fonds rabatteur était centrée sur le Brésil, la Colombie et le Mexique.
  • 54. 54 • L'Union bancaire privée, un gestionnaire d'actifs basé en Suisse, développait des relations privilégiées avec Fairfield. • La banque italienne Unicredit était impliquée indirectement dans des « feeder funds » pilotés par Bernard Madoff par le biais de successives participations dans la Bank of Austria et la Bank Medici*. 3. Les entrepreneurs attirés par l’appât du gain qui ont su profiter de ce filon Ce troisième groupe est très différent des deux précédents car il représentait des individus et non des institutions. Cependant, son rôle était quasiment identique car ces personnes ont joué un rôle de « rabatteurs » de capitaux. La méthode changeait mais l’objectif restait le même. En revanche, contrairement aux deux précédentes catégories de « rabatteurs », ceux-là avaient pour mission d’assurer la gestion de portefeuilles privés de Bernard Madoff. Cet investissement avait une connotation plus élitiste pour les « élus ». Ces rabatteurs étaient, semble-t-il, de l’ordre d’une centaine aux Etats-Unis, et étaient très bien infiltrés dans les communautés fortunées. Certains d’entre eux étaient bien connus comme le "philanthrope" Robert Jaffe. C’est le beau-fils de Carl Shapiro, qui est lui-même le fondateur de l'entreprise textile Kay Windsor. Basé à New York, le broker Jeffrey Tucker, un ancien avocat de la SEC (Securities and Exchange Commission, le gendarme de la Bourse), a lui aussi été apporteur d’affaires, ce qui est plutôt incongru quand on connaît le dénouement de l’escroquerie « Madoff », et que l’on a pu constater que les nombreuses enquêtes de la SEC n’ont pas abouti. Le cas le plus symptomatique est un New-Yorkais nommé Ezra Merkin. Une longue amitié était née entre lui et Bernard Madoff, lors de sa présence au sein de la filiale financière de General Motors. C'est par son biais que Bernard Madoff a pu rencontrer Elie Wiesel et les différents magnats de la finance ou de l’industrie comme Ira Rennert, Ronald Perelman, Mort Zuckerman et bien d'autres. Ezra Merkin était aussi très investi dans la vie associative et
  • 55. 55 académique juive et c’est par la confiance qu’il inspirait qu’il a pu amener de nombreux investisseurs chez Bernard Madoff. Cette « toile d’araignée » s’est tissée à travers le monde avec des "rabatteurs" également très bien introduits comme Philippe Junot en Europe, qui était le premier mari de Caroline de Monaco. II.4.2 Une stratégie de commissionnement très attractive Les vendeurs ont deux objectifs dans le monde de la finance qui sont de trouver des fonds de qualité pour leurs clients (intermédiaires) et de se rémunérer grâce à des commissions versées, en touchant une partie des frais de gestion. Un fonds d’investissements perçoit en moyenne 2% du capital investi en frais de gestion ainsi que 20% de la performance (la formule 2 + 20 dans le milieu des fonds d’investissements). Il rétrocède en moyenne 20 à 25% de ses commissions aux vendeurs. Or Bernard Madoff se présentait comme un conseiller en fonds alternatifs et disait se contenter des frais de courtage, en tant que broker-dealer. Il n’avait donc pas l’obligation de s’inscrire comme gérant de fonds et laissait les « 2 + 20 » aux vendeurs. Les vendeurs touchaient donc 4 à 5 fois plus de commissions. Pour cela, ils créaient un « feeder funds » (fonds nourricier) pour collecter les fonds qu’ils confiaient ensuite à Bernard Madoff. Les intermédiaires étaient très hétérogènes ; ils venaient de milieux et de continents différents, ce qui a permit d’étendre la fraude au quatre coins du monde. Les clients finaux de ces fonds n’étaient souvent pas au courant de la destination finale des fonds car Bernard Madoff interdisait de mentionner son nom dans les brochures et campagnes marketing de ventes, sous peine de leur retirer « leur accréditation ».
  • 56. 56 Les commissions étaient tellement importantes et les résultats financiers satisfaisants, que tout le monde pensait y trouver son compte… au dépend des règles de base des investissements : la diversification, la « due diligence » et connaissance produit. A titre d’exemple, Bernard Madoff a fait gagner 50 millions d'euros à Santander en 2007. Les banques bénéficiaient de grosses rétrocessions offertes par le gestionnaire bien que cette pratique soit interdite aux Etats-Unis et au Royaume-Uni car ces rétrocessions sont préjudiciables pour les investisseurs. II.4.3 Multi Level Marketing (marketing réseau) ou escroquerie par affinité. Le système de recrutement des nouveaux investisseurs de la société « BMIS » était basé sur un système lui aussi éprouvé dit « Multi Level Marketing » (marketing de réseau) ou escroquerie par affinité. Il s’agit d’une fraude ciblant les clubs sociaux, les communautés religieuses ou ethniques (les groupes à affinité). « L’instigateur de la fraude, en l’occurrence Bernard Madoff dans ce cas, réussit à convaincre les leaders et les personnes les plus respectées de promouvoir auprès des autres membres son investissement. Il profite ainsi de la confiance qui règne à l’intérieur d’un groupe en exploitant l’instinct qui fait que nous faisons confiance à nos semblables »24 . Il devient alors à son tour un membre influant dans le groupe et le recrutement n’est que plus aisé. Afin d’illustrer l’efficacité de son mode de recrutement, il suffit de s’attarder sur le nombre et l’hétérogénéité des victimes qui ont été recensées dans cette fraude. 24 http://www.rcmp-grc.gc.ca/sk/news-nouvelle/2010-03-29-fraud-fraude-fra.htm
  • 57. 57 II.5 Les victimes Les victimes de la fraude se comptent par millions à travers le monde. Toutefois, nous distinguons plusieurs catégories différentes : - Les victimes indirectes, celles qui ont placé leurs économies dans une banque ou dans un OPCVM dont le gérant a investi une partie des fonds chez Bernard Madoff, ou bien les plus nécessiteux qui n’ont pas pu profiter des fonds placés dans les associations ruinées. - Les victimes directes qui avaient un compte ouvert directement chez Madoff ou qui investissaient dans un fonds nourricier en parfaite connaissance. - Les victimes actives, celles qui ne connaissaient pas l’existence de la fraude mais qui ont recruté pour lui ou participé d’une manière ou d’une autre à la construction de cette pyramide. - Son entourage. - Les fondations philanthropiques. - Les banques et autres institutions financières. Nous avons choisi de vous présenter quelques victimes emblématiques. II.5.1 Des proches et amis de Bernard Madoff Carl Shapiro est à la fois une victime directe et un investisseur historique de Bernard Madoff avec qui il entretenait des relations depuis 1960. Il a lancé la carrière de Bernard Madoff et le considérait comme son fils spirituel. Shapiro est un homme d’affaires qui a fondé une société de vêtements pour femmes nommée Kay Windsor. Il l’a revendue en 1971 au groupe Vanity Fair pour plusieurs millions de dollars. C’est son entourage qui l’a convaincu d’investir chez Bernard Madoff. Il débute avec 100 000 dollars, puis les résultats, la durée et la réputation de Bernard Madoff aidant, ils deviennent amis et il finit par y investir la majeure partie de son épargne. Il le considérait comme son fils et avait une confiance aveugle envers lui, au point de
  • 58. 58 lui confier également la gestion des fonds de sa fondation. C’est l’un des plus grands philanthropes au monde, c’est un homme riche mais accessible et généreux. Il a crée sa fondation en 1961 et s’est investi avec sa femme pendant des dizaines d’années. Au moment de la mise en lumière de la fraude, il a 95 ans et est l’incarnation même de la victime aux yeux du monde. C’est d’ailleurs Carl Shapiro qui lui a présenté beaucoup de clients richissimes ainsi qu’un certain Robert Jaffe, l’un de ses plus grands rabatteurs. Franck Avellino et Michael Bienes furent des victimes actives. Comptables, ils travaillaient pour Saul Alpern, le beau père de Bernard Madoff. Ils rencontrent Bernard Madoff et tissent rapidement des liens d’amitié et professionnels. Ils ont été des apporteurs d’affaires très importants à compter des années 60. Ils lèvent des fonds auprès de leurs clients, leurs amis et de leurs familles. Ils avaient créé un « feeder funds », un « fonds nourricier » dont le rôle était de canaliser les avoirs de leurs clients vers un gestionnaire de leur choix, dans ce cas bien précis de l’affaire « Madoff ». Cette activité a été stoppée par la SEC en 1992, car il s’agissait d’une activité de ventes illégales, car non déclarées et donc non régulées. Les 440 millions de dollars ont bien été remboursés aux clients qui ont tous fini par investir en direct chez « BMIS ». Bernard Madoff avait prétendu à l’époque qu’il ne savait pas de quelle structure juridique lui venait les fonds qui lui étaient confiés et donc qu’il ignorait l’illégalité de ce montage. Eux aussi ont été trahis ; ils ne connaissaient pas l’existence de la fraude et ont entraîné familles et amis personnels dans ce qui est devenu la plus grande fraude de l’histoire de la finance.