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Plan pour la paix
Pour un renouveau des relations
internationales
Par Florian BRUNNER
« C'est dire que la France, tout en se dotant des moyens voulus pour rester
elle-même et survivre quoi qu'il arrive, continuera à travailler partout, et
d'abord sur notre continent, d'une part pour l'indépendance des peuples et la
liberté des hommes, d'autre part pour la détente, l'entente et la coopération,
autrement dit pour la paix. »
Charles De Gaulle, Conférence de presse tenue au Palais de l'Elysée, le 9
septembre 1968
Introduction : Une nouvelle ambition pour la paix
Dans son Appel du 18 Juin 1940, le Général De Gaulle avait lancé cette affirmation restée légendaire : « Quoi
qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas. ». Nous devons
aujourd’hui continuer à porter cette flamme, à défendre la paix et la liberté, dans un monde ébranlé et
mouvant. Après 1945, nous avons créé en Europe, les conditions d’une stabilité durable. Le Prix Nobel de la
Paix 2012 avait récompensé l’Union européenne, qui avait su favoriser la construction d’un espace uni et
apaisé. Mais si nous avons su associer les peuples européens, nous manquons désormais de résolution pour
enrayer le cycle terrible des guerres. Nous devons être portés, par une nouvelle ambition pour la paix. Notre
vocation n’est pas de nous aligner, mais d’agir en toute indépendance, au service d’une vision partagée.
Objectifs : Alors que nous sommes dans une période décisive et historique, pour le monde. Alors
que la France va voter pour son nouveau Président de la République, en 2017. Il est aujourd’hui
essentiel d’être force de propositions en matière de relations internationales.
Contexte : Dans le débat citoyen et politique de 2017, nous devons porter des idées nouvelles et
originales.
Destinataires : Tous les citoyens sont concernés par les enjeux internationaux.
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Alors que le monde semble se perdre, dans une logique de conflits incessants, dont les ficelles sont tirées par
des acteurs influents et empressés. Alors que de grands empires activent tous leurs leviers d’influence et
d’action, dans une course machinale à la puissance. Alors que l’aventurisme généralisé, paralyse l’expression
des intelligences et la recherche d’un véritable sens. Il est temps que la France assume son rôle et son
message. Il est temps que l’Union européenne se dote des moyens nécessaires à la conduite d’une véritable
action universelle. Il faut une Europe politique, qui s’affirme sur la scène internationale. Il n’y a que l’Europe
pour devenir le point d’équilibre d’un nouvel ordre mondial. La France a un rôle déterminant à jouer, dans la
construction d’une nouvelle architecture européenne. Elle a aussi une place qui compte dans les relations
internationales. C’est à la France et à l’Europe de se remettre en mouvement, pour faire bouger les lignes.
Reprendre l’initiative, ouvrir le dialogue, être une force motrice pour l’instauration de la paix. Voilà ce doivent
être nos résolutions. Nous ne pouvons plus rester figés dans des schémas dépassés, nous devons recouvrer
notre capacité à inventer et à innover. Retrouvons le sens de l’Histoire et portons une véritable vision, au
service de la paix et de la réconciliation.
I. Rénover la diplomatie occidentale
« Le moment est venu de s’atteler au travail de la paix, d’ouvrir les yeux sur les blessures du monde
et de nous doter des outils pour construire un nouvel ordre, stable et juste. Des solutions existent,
mais elles nécessitent de la patience, de l’imagination, de la volonté. Pour contrer les épopées
mensongères de la guerre, nous avons besoin d’un récit de la paix, qui constitue le grand défi, le
seul héroïsme possible de notre temps, adapté à un monde fragile aux identités blessées, en mal de
réconciliation. J’ai la conviction que la France a un rôle à jouer dans ce nouveau monde, à condition
de retrouver sa vocation d’initiative, de médiation et de dialogue, fidèle à son message et à son
histoire. »
Dominique De Villepin, « Mémoire de paix pour temps de guerre »
A.Un monde instable
Le monde actuel est plongé dans une forte instabilité, qui s’illustre le plus clairement au Moyen-Orient, alors
que les Etats-Unis et la Russie sont engagés dans des processus incertains.
Barack Obama, la symbolique de l’impuissance
« Avec son élégance patricienne, sa rigueur intellectuelle de professeur de droit de la côte Est et son
penchant idéaliste, Barack Obama paraît quelque peu décalé dans les États-Unis du début du XXIe siècle.
Accordant du temps à la réflexion et à la raison, il contrôle à l’extrême chacun de ses gestes et chacune de ses
paroles. Tout semble chez lui un exercice brillamment maîtrisé au long d’un parcours d’obstacles, de la
séance du Conseil de sécurité nationale aux traits d’humour des émissions du samedi soir. Cela, à l’heure où
l’Amérique médiatique est hantée par l’irrationnel, l’immédiateté et l’exagération. On dirait l’image d’une
Amérique qui se rêve au passé, plus grande, plus sûre d’elle-même et plus ouverte sur le monde qu’elle ne
l’est vraiment. Du coup, Barack Obama apparaît comme un président de série télévisée, irréel, sans prise
effective, ni symbolique, ni institutionnelle sur l’Amérique de son temps. Reagan était un acteur devenu
président. Obama est un politique condamné à jouer le rôle de président. »
Dominique De Villepin, « Mémoire de paix pour temps de guerre »
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Le second mandat de Barack Obama aura concordé avec une montée des tensions, l’affirmation de Daesh ou
le scandale de la NSA, provoqué par les révélations d’Edward Snowden. Barack Obama au-delà de ses élans
oratoires, n’aura engagé aucun changement fondamental à la hauteur de son verbe. Virtuose de la
communication, il aura été désemparé face aux défis majeurs qui ont marqué l’actualité internationale de ces
quatre dernières années. Les réussites de la politique étrangères de Barack Obama sont bien maigres. Le
Quarante-quatrième président des Etats-Unis d’Amérique a obtenu des avancées, comme l’accord sur
le nucléaire iranien, la reprise des relations diplomatiques et commerciales avec Cuba et la ratification de
l’accord de Paris sur le climat, avec les Chinois. Barack Obama avait tiré les leçons des politiques menées tant
en Afghanistan qu’en Irak, en opérant un retrait des troupes américaines et en privilégiant une approche qu’il a
théorisée sous le concept « leading from behind » (diriger depuis l’arrière). L’ancien président américain avait
ainsi engagé une métamorphose de la puissance américaine. Mais Barack Obama n’a pas su trouver les
fondements d’une action nouvelle, au service de la paix. Il ne s’est pas engagé sur le chemin d’une
gouvernance partagée, avec les autres nations. Les yeux tournés vers l’Asie, les Etats-Unis se sont perdus au
Moyen-Orient, à force d’improvisation. Sans vision et sans réelle stratégie, Barack Obama s’est montré
impuissant face au nouveau conflit majeur qui secoue le Moyen-Orient. Son désastreux recul sur la « ligne
rouge » en Syrie, a inauguré une longue période d’inertie. L’inaction du président américain a ainsi laissé un
boulevard à la Russie de Vladimir Poutine. Quant au conflit israélo-palestinien, l’échec est total. Barack Obama
aura surtout marqué ce dossier, à la fin de ses deux mandats, en ne s’opposant pas à la résolution 2334 des
Nations-Unies condamnant les implantations israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem, adoptée le 23
décembre 2016. Une résolution qui visait à rappeler l’enjeu de la paix, dans un conflit qui semblait oublié. Le
président américain, Prix Nobel de la Paix, aura eu recours à un usage massif des drones de combat, avec leur
lot de bavures. Il ne parviendra pas non plus à fermer Guantanamo. Barack Obama a personnifié le désarroi
stratégique américain, sur la scène internationale. Il a rompu avec la logique interventionniste américaine,
sans arriver à concevoir et à appliquer une stratégie de paix, fondée sur un renouveau des relations
internationales. Barack Obama n’était pas le visionnaire qu’il prétendait être. L’ancien président des Etats-
Unis a incarné en mots, en discours, en gestes. Mais que ce soit sur le plan intérieur ou extérieur, il est resté
désemparé, face à de nombreuses situations. Barack Obama a ainsi construit la symbolique de sa propre
impuissance, jusqu’au terme de ses deux mandats. Face à la montée de Donald Trump et à sa victoire, encore
une fois, Barack Obama aura été incapable de porter une action décisive. L’action du Président sortant étant
limitée par la Constitution américaine, qui empêchait une nouvelle candidature de sa part. Comme si au-delà
de ses aspirations les plus enracinées, Barack Obama aura toujours été contraint de se plier à la réalité d’un
pouvoir, qu’il a tenté d’exercer avec pragmatisme, mais qu’il n’est pas arrivé à mettre pleinement au service
des espoirs, qu’il avait su si bien incarner.
Donald Trump, l’inconscience frénétique
« Les mots pourront sembler excessifs. Ils peuvent choquer mais comment décrire ce qui se passe à
Washington autrement qu’en disant que le nouveau président des Etats-Unis est un incapable, débordé par
des dossiers qu’il ne maîtrise pas et de plus en plus indigne de ses fonctions ? Comme dans la fable, le roi est
nu, seul à se croire paré des plus beaux atours. »
Bernard Guetta, journaliste, chronique sur France Inter, du 16 février 2017
Le nouveau Président américain, l’homme d’affaires Donald Trump, affectionne les saillies inattendues et avait
tenu un discours anti-européen, tout en ayant exprimé clairement son rejet de l’OTAN. Avant de revenir sur ses
déclarations et de considérer « l’importance fondamentale de l’OTAN », avec Angela Merkel, lors d’un
entretien téléphonique, en janvier 2017.
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Imprévisible et opportuniste, Donald Trump s’était lancé dans un départ frénétique, les sept premiers jours
de son mandat : fin de l’Obamacare, la couverture médicale pour tous ; annonce du retrait américain de
l’accord de libre-échange trans-pacifique et de la renégociation de l’accord de libre-échange entre les Etats-
Unis, le Mexique et le Canada ; suppression des subventions aux ONG soutenant les interruptions de grossesse;
gèle de l’embauche de nouveaux fonctionnaires ; relance de deux projets d’oléoducs dont les défenseurs de
l’environnement avaient obtenu l’abandon ; lancement de la construction d’un mur à la frontière mexicaine ;
déclaration de guerre à la presse américaine ; déclenchement d’une crise diplomatique avec le Mexique. Mais
la signature le 27 janvier 2017, par le Président américain d’un décret anti-immigration, était ce qui avait le
plus marqué ce tout début de mandat. Le décret interdisait pendant quatre-vingt-dix jours, toute entrée sur le
territoire américain aux ressortissants de sept « pays à risques », à majorité musulmane : le Yémen, l’Iran,
la Libye, la Somalie, le Soudan, la Syrie et l’Irak. Il bloquait également pendant quatre-vingt-dix jours, les
entrées de réfugiés venant de ces pays. La liste des « pays à risques » avait été établie par une loi de 2016,
auquel le texte faisait référence. Le texte stoppait également le processus d’admission des réfugiés
du monde entier, pendant cent-vingt jours. Ainsi ce décret, qui épargnait les ressortissants d’Égypte, des
Émirats arabes unis, de l’Arabie Saoudite ou de la Turquie, fermait la porte aux familles fuyant des pays en
guerre, aux victimes du terrorisme et faisait de tout musulman, un adversaire. Or les partenaires au sol des
américains contre Daesh, sont des ressortissants irakiens ou syriens, des musulmans alliés des Etats-Unis. Ce
décret qui en faisait des suspects, était de nature à compromettre des alliances essentielles. Nous avons
assisté ainsi à la mise en scène trompeuse et catastrophique, d’une fracture entre l’Occident et le monde
musulman, ce qui n’a fait qu’alimenter la propagande des djihadistes qui présentent l’Occident en ennemi
perpétuel de l’Islam. L’Iran avait riposté à ce décret, en appliquant le principe de réciprocité. L’application du
décret présidentiel avait finalement été suspendue par
l’action d’une Justice indépendante. Le lundi 6 mars 2017,
le président américain a signé un nouveau décret
migratoire, pour une entrée en vigueur le 16 mars 2017.
L’Irak n’est plus visé et le gouvernement irakien s’en est
félicité. Washington s’est ainsi montré plus attentif à un
allié essentiel dans la lutte contre Daesh et le terrorisme.
Mais ce nouveau décret reprend les principales
dispositions de l’ancien, avec la même capacité à diviser, à
susciter l’incompréhension et l’indignation, à créer un
climat d’opposition favorisant l’endoctrinement des
djihadistes. En outre, la rupture avec l’Iran est désormais
clairement engagée. L’accord sur le nucléaire iranien est
l’obsession du nouveau président américain, résolu à
contrer l’influence grandissante de l’Iran. Alors qu’un
rapprochement semblait se dessiner entre Donald Trump
et Vladimir Poutine, notamment dans le contexte de la
lutte contre Daesh, ce positionnement américain entre en
collision avec la stratégie russe. En effet, Vladimir Poutine
tente de composer avec l’Iran chiite. En prenant
clairement parti pour une alliance directe avec les
sunnites, les Etats-Unis perdent toute possibilité de
remplir un rôle de modérateur au Moyen-Orient.
« Sur Donald Trump, on a entendu en Europe
beaucoup de gémissements et de cris
d’orfraie. Il faut dépasser cette sidération. Les
Européens, du moins les trois ou quatre
dirigeants qui pèsent, devraient dire: «Vous
voulez sortir de l’accord sur le climat? C’est
une erreur. Nous continuons à l’appliquer y
compris avec la société civile et des
entreprises de votre pays.» C’est ce que les
Chinois ont annoncé, Donald Trump veut
casser l’accord sur le nucléaire iranien? Les
Européens n’ont qu’à répondre: «c’est un
accord international que nous continuerons à
appliquer. Si vous voulez nous empêcher de le
faire par des sanctions extraterritoriales et
judiciaires, nous créerons un système
d’échange avec les émergents, la Russie et la
Chine pour travailler malgré tout avec l’Iran.»
Si nous sommes capables de prendre ce genre
de position, le grand business américain fera
pression sur Donald Trump. »
Entretien sur l’état du monde avec Hubert
Védrine, recueilli par Christophe Ayad et
Marc Semo, paru dans le Monde des 15 et 16
janvier 2017
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Donald Trump est un abonné des incohérences : d’abord fermement hostile à la Chine, il se montre
aujourd’hui très coopératif avec le président chinois. Condescendant dans un premier temps avec le Japon, il a
resserré ses liens avec le premier ministre japonais. Vladimir Poutine avait misé sur le candidat Trump lors des
élections présidentielles américaines et espérait un rapprochement inédit. Et Donald Trump donnait
l’impression de vouloir aller dans ce sens, avant un dernier retournement : lors de la recrudescence de
tension en Ukraine orientale, en février 2017, la représentante américaine aux Nations Unies avait affirmé qu’il
n’y aurait pas de levée des sanctions contre Moscou tant que durera l’annexion de la Crimée, autant dire
longtemps, et Donald Trump en personne avait félicité la Lituanie pour son soutien aux Ukrainiens. Ajoutons à
cela qu’un tweet de Donald Trump du 15 février 2017 affirmait : « Crimea was TAKEN by Russia during the
Obama Administration. Was Obama too soft on Russia? », c’est-à-dire : « La Crimée a été PRISE par la Russie
sous Obama. Obama a-t-il été trop mou avec la Russie ? ». Le même Trump qui, encore une fois en un tweet,
saluait le 30 décembre 2016, «l’intelligence» de Vladimir Poutine moins de 24 heures après une longue série de
sanctions prises contre Moscou, par le président sortant Barack Obama. Ce ton de rupture avec la Russie,
intervenait alors que les révélations se multipliaient sur les contacts entre l’équipe de Trump et l’ambassade
russe. Une situation qui avait interpellé le Congrès, y compris sa majorité républicaine, sur la nature réelle des
liens entre Donald Trump et le Kremlin. Benjamin Netanyahu, Premier ministre israélien, voulait lui aussi croire
que Donald Trump renverserait les rapports entre les Etats-Unis et Israël, notamment après l’abstention
américaine, lors de l’adoption de la résolution 2334 par le Conseil de sécurité des Nations Unies, le 23
décembre 2016, qui avait réaffirmé la solution à deux Etats. En février 2017, Donald Trump se montrait plus
prudent sur le conflit israélo-palestinien, en prenant position contre la colonisation. Lors de la visite de
Benyamin Nétanyahou aux Etats-Unis, le président américain suscita de vives réactions en dissociant pour la
première fois l’objectif d’une paix entre Israël et les Palestiniens de la solution à deux Etats. Donald Trump
souhaite maintenir de bonnes relations avec Israël, notamment pour contrer l’influence iranienne, tout en
tenant compte du contexte international. Loin d’un revirement dans les rapports avec Israël, Donald Trump
semble plutôt tâtonner dans sa recherche d’une nouvelle coopération avec l’Etat hébreu. Le dirigeant
américain exprime des volontés, des souhaits, des orientations, mais n’ayant conçu aucune stratégie adéquate
pour les mener à bien, il s’arrête en chemin, se contredit, cherche laborieusement à avancer au milieu de
nombreux facteurs qu’il n’avait pas anticipé. Le mardi 28 février 2017, le président américain avait prononcé
son premier discours devant le Congrès, avec un ton plus mesuré et dans une démarche plus consensuelle. Il
avait déroulé les principaux axes de sa politique et annonçait notamment une hausse considérable de l’effort
militaire. L’administration Trump semble s’orienter vers une politique classiquement conservatrice, où
l’appareil militaire est clairement privilégié au détriment du dispositif diplomatique. Le samedi 4 mars 2017,
rattrapé par le dossier russe, Donald Trump quittait sa posture présidentielle et attaquait fortement Barack
Obama, l’accusant de l’avoir placé sur écoute peu avant sa victoire à la présidentielle américaine. L’instabilité
chronique de Donald Trump se manifestait à nouveau. Dans ce contexte d’inconstance du positionnement
américain et de redéfinition des relations internationales, l’Union européenne doit engager un processus
déterminant de structuration diplomatique et militaire. Nous avons vocation à prendre nos responsabilités
sur la scène internationale. Après tant de tergiversations, il est temps de retrouver le sens de l’action.
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La grave erreur de la réintégration de la France dans le commandement
intégré de l’OTAN
« Et enfin la volonté de la France de disposer d'elle-même, ce qui est indispensable pour qu'elle croit à son
propre rôle et pour qu'elle puisse être utile aux autres ; cette volonté de la France est incompatible avec une
organisation de défense, dans laquelle elle est subordonnée. »
Charles De Gaulle, Conférence de presse du 21 février 1966
La France a commis une grave erreur en réintégrant en 2009, le commandement intégré de l’OTAN. Ce retour
est allé à contre-courant de l’Histoire. La décision du Général De Gaulle en 1966, de sortir la France de ce
commandement intégré, avait été un choix visionnaire. Le retour de la France dans le commandement intégré
de l’OTAN a grandement porté atteinte à l’indépendance nationale. La France s’est éloignée de ce qui était sa
mission première : la défense de ses idéaux de paix et de justice. Elle s’est enfermée dans une logique de la
guerre. Nous nous sommes perdus dans des opérations militaires répétées, sans aucune vue d’ensemble,
aucune stratégie. Nous ne pensons plus le monde, nous improvisons en fonction des aléas, sans aucune
anticipation et souvent pour s’inscrire dans une posture, plus que dans une réelle efficacité. Dominique De
Villepin l’a récemment rappelé, notre diplomatie a perdu de sa force, elle est passée au second plan, derrière
les exigences de l’outil militaire. L’Hôtel de Brienne a pris le pas sur le Quai d’Orsay. Nicolas Sarkozy puis
François Hollande ont aimé camper la posture du chef de guerre, du chef des armées face à ses responsabilités
qui agit fermement. L’un en Libye, l’autre au Mali. L’intervention militaire est devenue pour les Présidents
français, un moyen de démontrer leur capacité d’action, alors qu’ils se montrent bien impuissants sur de
nombreux dossiers, notamment sur le plan intérieur. Nous devons sortir de cette spirale, de cette
théâtralisation malsaine de la guerre. Nous devons sortir de la militarisation des esprits, pour nous rappeler
qu’une intervention doit s’inscrire dans une vision globale, avec une stratégie définie. Une intervention
militaire ne se suffit pas à elle-même. En outre, la solution armée est le dernier recours quand toutes les autres
voies ont échoué. Cessons de faire de la guerre, un instrument de communication et de popularité. L’action
armée doit être un acte murement réfléchi, préparé, au service d’une architecture stratégique cohérente,
inscrite dans le long terme.
La Russie joue au-dessus de ses capacités
La Russie de Vladimir Poutine veut s’affirmer dans le monde, être décisive sur la scène internationale,
s’imposer comme une puissance qui compte. Les russes demeurent traumatisés par la chute de l’URSS et
Vladimir Poutine conduit une politique offensive, visant à redonner sa fierté au peuple russe. George W.
Bush et Barack Obama ont commis l’erreur de vouloir étendre l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie, ce qui
finalement n’a pas été accompli. Vladimir Poutine a riposté, en démantelant la Géorgie, annexant la Crimée,
déstabilisant l’Ukraine orientale et reprenant pied au Proche-Orient sous prétexte d’aller combattre le
terrorisme en Syrie. Le dirigeant russe n’a été que dans une politique de réaction, par rapport aux initiatives ou
à l’immobilisme du camp occidental. Vladimir Poutine veut montrer la force de son pays et sortir consolidé
d’une logique de rapport de forces permanent. Au Moyen-Orient, Vladimir Poutine, avec un cynisme assumé
et redoublé, a joué rapidement, en employant de manière décisive l’usage des armes. Il a opté pour un choix
politique, en soutenant Bachar El-Assad, en Syrie. La Russie, de façon constante depuis la Tchétchénie, a
conduit une politique d’intervention aveugle, aux conséquences terribles et tragiques. Une stratégie
implacable qui coûte chère à la Russie. Les sanctions adoptées par l’Europe et les Etats-Unis épuisent
l’économie russe. En outre, ni l’état des finances et des armées russes ne permettent à Vladimir Poutine de
transformer l’essai en Syrie et de remettre la main sur l’Ukraine.
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La Russie, c'est le PIB de l'Italie avec le budget militaire de la France et plus de 140 millions d'habitants à servir.
La Russie qui joue clairement au-dessus de ses capacités, arrive à bout de ses possibilités militaires.
Vladimir Poutine, l’empressement cynique
Vladimir Poutine, voulant imposer l’image d’une Russie forte, opère toujours de la même manière : des
attaques rapides et ciblées. Opportuniste, il attend la bonne occasion tel un prédateur à l’affut, pour bondir sur
sa proie. Avec un régime autoritaire, tel un Tsar incontestable, Vladimir Poutine est le seul à décider, il est le
maître des opérations et dès ses premiers pas à la tête de la Russie, il s’est imposé comme un dirigeant
intransigeant, n’acceptant aucune contestation, mettant au pas les médias et l’oligarchie. Rapide et
impitoyable, Poutine mène une stratégie offensive, qui lui donne des avantages, dans le cadre d’une
communication frénétique, d’une propagande forcenée, tout en faisant mener des opérations de
désinformation dans les pays occidentaux, soutenant les partis extrémistes, infiltrant le système politique
occidental et déstabilisant les régimes occidentaux avec des cyberattaques. Vladimir Poutine veut mener le
combat sur tous les fronts, s’affirmer dans tous les domaines, paraître comme fort et absolu. Au-delà de cette
guerre de l’image dans laquelle il accumule les atouts, le maître du Kremlin n’est pas dans les faits, cette
force impérieuse qu’il souhaite incarner. Il en est conscient et c’est pour cette raison, qu’il joue vite. Sa
faiblesse réelle s’accroit dans la durée. Et le voilà, de nouveau poussé à la précipitation dans le dossier syrien.
Le voilà pressé d’en finir. Profitant de la période de transition politique américaine, Vladimir Poutine avait
accéléré, en organisant avec l’Iran, la Russie et la Turquie, un sommet sur l’avenir de la Syrie, le 20 décembre
2016, à Moscou. La voie de la précipitation, n’est pas celle que nous devons prendre. Nous avons mesuré, dans
le camp occidental, toutes les erreurs qui ont été commises, dans des actions trop hâtives et irréfléchies. C’est
à l’Europe d’opérer un véritable travail de médiation, tout en verrouillant ses brèches, afin de se renforcer face
aux opérations de déstabilisation russes.
B. Vers un monde responsable
Nous devons engager un réel processus de paix au Moyen-Orient et nous devons engager les réformes
nécessaires, afin de mener des actions opérantes au service de la stabilité du monde.
Demeurer unis
Nous avons assisté le mercredi 6 juillet 2016, à la publication du
rapport de la commission d'enquête sur l'engagement du Royaume-
Uni dans la guerre en Irak en 2003. Un rapport accablant pour l'ex-
Premier ministre Tony Blair. George W. Bush et Tony Blair se sont
fondés sur le mensonge et la manipulation, pour entrainer leurs pays
dans une invasion prématurée, alors que l’action militaire n’était pas
inévitable. Le 14 février 2003, Dominique De Villepin, Ministre des
Affaires étrangères de la France, avait prononcé un discours historique devant le Conseil de sécurité de
l’ONU, contre la guerre en Irak. La vérité de ce discours résonne encore aujourd’hui. La France avait fait le
choix de la vérité et l’Allemagne s’était retrouvée sur la même voie. C’est ce devoir de vérité et cette volonté
d’instaurer la paix qui doivent guider notre diplomatie. Dès que nous oublions notre mission de paix, nous
tombons dans tous les pièges, nous commettons toutes les erreurs. La guerre en Irak avait enclenché la
création de Daesh. Aujourd’hui, en 2017, nous devons en tirer définitivement les enseignements. Nos
ennemis sont la précipitation et la désunion. A l’inverse, nos forces résident dans notre capacité à nous inscrire
dans la durée et à rester cohérents.
 Tenir un discours de vérité,
défendre nos valeurs
 Servir un réel projet de
paix
 Face à l’instabilité du
monde, l’Europe doit
demeurer unie
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Alors que Daesh cherche à propager le virus de la violence et de la division, nous devons nous rappeler que
nous ne gagnerons qu’en demeurant unis et qu’en encourageant l’unité partout où elle est menacée. La
diplomatie occidentale est appelée à se rénover. Et l’Europe a vocation à participer à cette rénovation.
Les européens doivent devenir des médiateurs
« Non seulement les frontières du Liban, de l’Irak et de la Syrie sont
d’ores et déjà effacées mais le Proche-Orient ne trouvera de paix
durable que le jour où ses communautés ethniques et religieuses
auront les moyens de se gouverner par elles-mêmes dans la définition
d’un équilibre régional entre Riyad et Téhéran. »
Bernard Guetta, Editorial dans Challenges, du 31 mars 2016
Alors que Daesh recule sur tous les fronts, la Russie s’active et
cherche à obtenir un accord, pour s’extraire du bourbier syrien qui lui
coûte tellement. Le mardi 20 décembre 2016, l'Iran, la Russie et la
Turquie avaient organisé à Moscou, un sommet sur l'avenir de la Syrie,
écartant les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite. La Russie, la Turquie et
l'Iran avaient posé les modalités d’un cessez-le-feu établi le 30
décembre 2016, ainsi que de négociations politiques à venir sur le
futur du pays. Le 24 janvier 2017, à l’issue de la réunion d’Astana,
la Russie, la Turquie et l’Iran avaient trouvé un accord pour consolider le cessez-le-feu, mais aucune avancée
décisive n’avait été obtenue vers une résolution définitive du conflit. Le 23 février 2017, l’opposition et le
régime syrien se sont retrouvés à Genève en Suisse, sous l’égide des Nations unies (ONU), pour ouvrir un cycle
de pourparlers, le processus de « Genève 4 ». Les discussions à Genève qui se sont déroulées jusqu’au 3 mars
2017 n’ont provoqué le départ d’aucun des belligérants, tout en avançant à tous petits pas, encore une fois
sans évolution majeure. Le cessez-le-feu instauré le 30 décembre 2016, après la chute d’Alep, reste trop
fragile. Bachar El-Assad a repris l’avantage sur le terrain grâce au soutien de l’aviation russe et des troupes
mobilisées par l’Iran. Le dictateur syrien estime être en position de force et n’est disposé à aucune concession
politique. La Russie voudrait sceller un compromis entre le pouvoir et l’opposition et s’affirmer comme une
force de paix, tout en maintenant de bonnes relations avec les Iraniens, les Saoudiens et les Turcs. Elle est
encore loin d’avoir atteint ses objectifs. L’ambition de Vladimir Poutine se confronte à la réalité complexe du
Moyen-Orient. Si elle fait parler de lui, il n’a abouti à aucun progrès tangible, et le positionnement américain
désormais clairement pro-Arabie Saoudite va encore compliquer l’équation. L’Iran chiite veut ancrer la Syrie
dans sa sphère d’influence régionale. A cette fin, elle souhaite la victoire de Bachar El-Assad, issu de la branche
alaouite du chiisme, et la défaite des insurgés sunnites. Les Iraniens ne veulent pas de vrais compromis avec
l’insurrection. Quant à la Turquie sunnite, elle ne souhaite pas laisser l’Iran chiite prendre le contrôle de la
Syrie. Les Turcs ne se sont alliés aux russes et ont renoncé à un départ immédiat de Bachar El-Assad, que
pour freiner les Kurdes syriens.
 L’Europe doit se mettre
en relation avec tous les
acteurs, pour effectuer
un réel travail de
médiation
 Nous ne devons pas
conforter la croyance
d’une guerre entre
l’Occident et l’Islam
 Il faut engager au
Moyen-Orient, un
processus de stabilisation
 L’Europe a le devoir de
retrouver l’initiative sur
le plan diplomatique
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La Turquie sunnite avait longtemps entretenu une relation de
connivence tacite avec Daesh, avant de prendre peur. Menacée
par le renforcement de l’Etat islamique comme l’ensemble des
régimes sunnites, la Turquie avait cessé tout soutien à ces
djihadistes. Armés et financés par les Américains, les Kurdes
reprenaient les villes et villages abandonnés par Daesh, ce qui
les rapprochait d’un contrôle de tout le nord de la Syrie, et donc
de toute la frontière avec la Turquie. Or c’est cette zone qui
longe les régions kurdes de Turquie. Décidée à contrer l’action
des Kurdes et à empêcher une dislocation de son Etat, la
Turquie avait ainsi lancé une offensive en territoire syrien, le
24 août 2016. Les calculs à court terme sont les seuls moteurs
d’acteurs à l’interventionnisme exacerbé, toujours dans le cadre
d’une situation d’antagonisme entre l’Iran et l’Arabie Saoudite.
Les tensions n’ont cessé de croître entre l’Iran et l’Arabie
Saoudite, champions du chiisme et du sunnisme, des deux
religions de l’islam, qui s’affrontent afin d’obtenir la
prédominance régionale par alliés chiites et sunnites
interposés. Le Moyen-Orient peut aller encore plus loin dans
l’enchaînement autodestructeur qui se déroule sous nos yeux.
Nous sommes dans un contexte de guerre totale, entre les deux
Islams. Il est primordial de mettre tous les acteurs autour de la
table, sans établir des clubs fermés, excluant les uns ou les
autres. Nous devons, nous européens, porter un projet
politique, une vision du monde. La Russie n’a pas de vision, elle
se contente de servir ses intérêts propres et se trouve des alliés
de circonstance, pour soutenir sa position. Depuis l’arrivée de
Donald Trump, les Etats-Unis sont en conflit direct avec l’Iran, et
se perdent dans des positionnements caricaturaux, voire
dangereux. L’Europe doit définir un projet et se donner les
moyens de le faire réussir, en se mettant en relation avec tout le monde. Le Général De Gaulle avait conduit
de 1958 à 1969, une action visionnaire en matière de politique internationale. Nous devons en revenir à ses
fondements, retrouver notre indépendance, retrouver ce sens du dialogue et cette volonté de construire la
paix. Nous devons mener un réel travail diplomatique, en nous servant de notre imagination, de notre
capacité d’initiatives. Il est important de créer les conditions d’une espérance, au Moyen-Orient. L’Europe et
les Etats-Unis se sont trop avancés dans ce conflit. Nous devons éviter le piège dans lequel veut nous entrainer
Daesh, nous ne devons pas conforter la croyance d’une guerre entre l’Occident et l’Islam. Nous ne devons pas
nous prêter à des jeux de guerre, nous devons devenir une force de diplomatique, au service de la paix. Dans la
lutte contre le terrorisme, l’enjeu politique est fondamental. Il y a un malaise propre au Moyen-Orient qu’il
appartient aux pays de la région de résoudre. C’est un processus de stabilisation, mis en œuvre par les Etats du
Moyen-Orient et soutenu par le camp occidental, qui doit être engagé et valorisé. L’Europe a le devoir de
retrouver l’initiative sur le plan diplomatique, afin d’aboutir à de véritables résultats, qui iront dans le sens
d’un équilibre et donc d’une défaite politique de Daesh. Mettons-nous en capacité de devenir des médiateurs,
en relation avec les tous les acteurs.
« Il faut réintervenir dans le jeu. Et nous,
nous aurions intérêt, nous français
d’ailleurs, à avoir une capacité à parler
aux Iraniens, comme on le fait aux
Saoudiens et aux autres. Parler, discuter,
aller au-delà, avoir des projets, ça c’est
sur la gestion sunnites- chiites. Dans
l’affaire de Syrie, il faudrait - c’est
compliqué, on repart de loin - convaincre
Poutine, qui va être préoccupé par
l’influence des Iraniens, et qui va lui-
même s’embourber, même si ça nous
remet pas dans le jeu automatiquement,
le convaincre qu’il aura intérêt à parler
avec nous de comment pourrait
fonctionner la Syrie de demain. Qu’on
redevienne la France, laboratoire
diplomatique, source d’ingénierie
politique, c’est une chose qu’on sait faire
aussi, sur l’avenir de ces pays. Là on peut
peut-être rentrer, mais il faut qu’on ne
soit pas trop en désaccord avec les
autres européens, que Trump ne soit pas
l’éléphant dans le jeu de quilles dans
l’affaire, bon. Il y a des conditions à
remplir. »
Hubert Védrine, Internationales,
émission du 12 mars 2017
10
Trouver un accord avec la Russie
« Il ne faut pas parler avec tout le monde, par manie ou par
faiblesse, on parle avec tout le monde si c’est nécessaire. […] Il
s’agit pas de le faire parce qu’on parle à n’importe qui. C’est
d’ailleurs à peu près inutile de parler avec Assad à mon avis, même
en termes très réalistes. On a besoin de parler avec les russes, on
aurait dû le faire d’ailleurs dès l’origine de la guerre civile en Syrie.
Et il faut parler aux Iraniens. »
Hubert Védrine, Internationales, émission du 12 mars 2017
Nous devons faire cesser le conflit syrien et engager un dialogue
avec la Russie, les représentants du Gouvernement syrien et de
l’opposition. Tant que la dynastie Assad et la minorité chiite dont
elle est issue garderont le pouvoir, la majorité sunnite de la
population syrienne continuera à se regrouper dans un combat identitaire, ce qui ouvrira toujours des
perspectives aux djihadistes. La Syrie a besoin d’unité politique et cette unité ne sera possible qu’avec le
départ de Bachar El-Assad. Selon la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations Unies (18 décembre
2015), la Syrie doit entamer un processus de transition politique, pour aboutir à une gouvernance crédible,
inclusive et non sectaire, afin d’établir une Constitution permettant l’organisation d’élections libres et
régulières, sous la supervision de l’ONU. La véritable solution pour la Syrie serait de former un gouvernement
de transition avec des hommes du régime et de l’opposition, de lui confier tous les pouvoirs, y compris
militaires, qui sont jusqu’à présent dévolus à Bachar El-Assad et de faire de la Syrie un Etat fédéral dans
lequel chacune des communautés disposerait de la plus large autonomie au sein de ses propres cantons.
Le 17 juillet 2014, Le vol 17 Malaysia Airlines (MH17), un vol international régulier reliant Amsterdam (Pays-
Bas) à Kuala Lumpur (Malaisie), avait été abattu dans la région de Donetsk, en Ukraine, alors que s’affrontaient
forces loyalistes et séparatistes prorusses. Aucun survivant n'avait été retrouvé parmi les 283 passagers et 15
membres de l'équipage. A la suite de l’accident du vol MH17 en Ukraine, dans lequel ont péri 193 Néerlandais
(deuxième catastrophe aérienne la plus grave de l’histoire du pays), les Pays-Bas conduisent l’enquête
internationale sur le crash. En juillet 2015, lors du vote au Conseil de sécurité de l’ONU, la Russie avait opposé
son veto à la création d’un tribunal spécial chargé de juger les responsables du crash, demandée par les Pays-
Bas, la Malaisie, l’Australie, la Belgique et l’Ukraine. Le rapport du Bureau de Sécurité néerlandais sur la
destruction du vol MH17 avait été rendu public, le 13 octobre 2015. De nouvelles conclusions, présentées par
les enquêteurs de la Joint Investigation Team (JIT : Belgique, Malaisie, Australie, Pays-Bas et Ukraine) le 28
septembre 2016, avaient confirmé le rapport du 13 octobre 2015. Le parquet néerlandais avait ainsi assuré que
le missile qui avait abattu l’avion de la Malaysia Airlines en 2014, avait été fourni par la Russie et avait été tiré
depuis une zone tenue par les rebelles prorusses. Dans l’attente des conclusions finales de l’enquête pénale sur
les 100 individus identifiés comme impliqués dans le tir du missile, les Pays-Bas réfléchissent avec leurs
partenaires de la JIT au mécanisme juridique à établir. C’est cette tragédie du crash du vol MH17 qui avait
ouvert la voie aux sanctions face à la Russie. Une réaction ferme s’imposait, afin de signifier à la Russie que
ses agissements étaient inacceptables. Le 29 juillet 2014, l’Union européenne adoptait une importante série
de sanctions économiques. Depuis les sanctions ont été prolongées et Barack Obama avait également annoncé
à la fin de son second mandat en décembre 2016, de nouvelles sanctions appliquées par les Etats-Unis, suite à
l’ingérence russe dans le scrutin présidentiel américain.
 Engager un dialogue avec
la Russie
 L’unité politique de la Syrie
ne sera possible qu’avec un
départ de Bachar El-Assad
 Il faut respecter la
résolution 2254 du Conseil
de sécurité des Nations-
Unies
 La Syrie doit entamer un
processus de transition
politique et devenir un Etat
fédéral
11
Ainsi si les sanctions économiques contre la Russie en 2014, ont eu un
sens, il est désormais temps de repenser notre politique en la matière et
de l’intégrer dans les nouveaux enjeux qui sont apparus. Il est inutile de se
précipiter dans une escalade aux sanctions. Il est temps désormais de
définir une issue constructive, entraînant de réels résultats diplomatiques.
Un dispositif d’achèvement des sanctions pourrait être établi, en suivant
l’évolution de nos aboutissements diplomatiques. En effet, en échange de
certaines avancées en Ukraine, en Géorgie et en Syrie, les sanctions
pourraient être graduellement levées. D’un côté la Russie pourrait
s’engager résolument dans la voie d’un réel processus, en n’interférant plus
dans la vie intérieure de l’Ukraine et de la Géorgie, ainsi qu’en acceptant de
travailler à un vrai compromis politique en Syrie. Un compromis politique
syrien qui pourrait amorcer la négociation d’accords régionaux de stabilité
et de coopération, entre les camps sunnite et chiite et leurs Etats respectifs. De l’autre côté, à chaque avancée
constatée, les européens et les américains pourraient réduire par paliers, les sanctions qui ont été adoptées.
Agir avec anticipation
« Il ne faut pas attendre une guerre, pour essayer de trouver les moyens
de faire la paix, entre Israéliens et Palestiniens. Il faut anticiper et
remettre au cœur de l’agenda international, la nécessité d’une paix
israélo-palestinienne. »
Romain Nadal, porte-parole du ministère des affaires étrangères, sur les
conclusions de la Conférence pour la Paix au Proche-Orient
Après deux années de silence, la question israélo-palestinienne avait été
remise à l’ordre du jour international, le 23 décembre 2016, avec
l’adoption de la résolution 2334 par le Conseil de sécurité des Nations
Unies. La solution des deux États et la nécessité de la préserver, avaient été alors réaffirmées avec force. Le 15
janvier 2017, était organisée à Paris, une Conférence pour la paix au Proche-Orient, abordant l’enjeu de
nouvelles négociations entre Israéliens et Palestiniens. Cette réunion ouverte, avait été présidée par le
ministre des affaires étrangères Jean-Marc Ayrault, avec une intervention du Président de la République
française. Elle avait rassemblé de nombreux pays ou organisations internationales (70 environ), dont les
principaux acteurs internationaux concernés : le Quartet (États-Unis, Union européenne, Russie, Nations-
Unies), les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations-Unies, des partenaires arabes,
européens, les pays du G20 et autres acteurs intéressés par la paix. Lors de cette Conférence, les Participants
avaient réaffirmé leur soutien au règlement juste, durable et global du conflit israélo-palestinien. La nécessité
d’aboutir à la coexistence de deux Etats avait été rappelée. En effet, la solution à deux Etats est le cœur des
textes internationaux qui ont été adoptés depuis des décennies, pour favoriser une paix durable entre
Israéliens et Palestiniens. L’exigence de poursuivre ces travaux avait été réaffirmée, afin de formuler des
propositions pour aboutir à une reprise des négociations directes entre Israéliens et Palestiniens, dans l’objectif
de conclure un accord de paix. La communauté internationale avait ainsi repris l’initiative, sur la question du
conflit israélo-palestinien. Elle avait démontré une capacité d’anticipation et d’action diplomatique. C’est
cette diplomatie en mouvement, qui doit continuellement s’activer. Anticiper, rassembler les partenaires, créer
les conditions d’une construction continue de la paix. Nous devons avoir la même démarche et obtenir les
mêmes engagements, sur tous les dossiers diplomatiques d’envergure.
 Il est inutile de se
précipiter dans une
escalade de sanctions
 En échange de
certaines avancées
en Ukraine, en
Géorgie et en Syrie,
les sanctions envers
la Russie pourraient
être graduellement
levées
 Anticiper, rassembler
les partenaires, créer
les conditions d’une
construction
continue de la paix
 Assurer une
coordination
opérante, entre tous
les acteurs
responsables
12
Il est nécessaire dans certaines situations d’agir dans l’urgence, mais nous devons nous mettre de plus en
plus, dans une réelle démarche d’anticipation. Ne nous laissons pas surprendre, comme nous avons pu l’être
avec l’émergence de l’Etat Islamique. Captons les signaux, dressons les analyses et engageons les actions
nécessaires.
Réformer l’ONU
« En cette première journée à la tête des Nations unies, une question
me pèse sur le cœur : comment venir en aide aux millions d’êtres
humains pris au piège de conflits ? En ce jour de l’an,
je vous demande à tous de prendre avec moi cette résolution :
engageons-nous à faire de la paix notre priorité absolue. »
Antonio Guterres, Secrétaire général de l’Organisation des Nations
unies (ONU), Vœux du 1er janvier 2017
Face à un monde instable, ni les Etats, ni les organisations comme
l’Union européenne ou les Nations unies n’ont aujourd’hui les
moyens d’agir. Il est nécessaire de se mettre en capacité de conduire
une action internationale, au service de la construction de la paix et d’un développement « écologiste ». L’ONU
doit opérer une réforme structurelle, afin de répondre aux défis de notre temps. Nous devons d’abord
améliorer la représentativité du Conseil de sécurité de l’ONU. Il faut ainsi l’élargir, pour instaurer une
correspondance avec la réalité de notre monde. Actuellement parmi les membres permanents, nous n’avons
aucun État africain, ni sud-américain, ou de grands pays comme l’Inde n’y figurent pas. La redéfinition de
l’usage du veto est également une orientation importante à engager. En situation de crimes contre l’humanité
avérés, le veto ne pourrait pas être exercé par une grande puissance, de façon à ce que la communauté
internationale puisse prendre ses responsabilités. En 2006, Kofi Annan, Secrétaire général de l’ONU, avait mis
en avant la proposition d’un droit de veto limité. En 2013, le Président de la République française avait
proposé les modalités d’un encadrement. Il consisterait pour les cinq membres permanents du Conseil de
sécurité (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni et Russie) à s’engager volontairement et collectivement à ne
pas recourir au veto, lorsqu’une situation d’atrocité de masse est constatée. Il s’agirait d’une démarche
volontaire qui n’impliquerait donc pas une révision de la Charte des Nations unies. Selon la proposition
française, cet encadrement s’appliquerait en cas de génocide, de crime contre l’humanité ou de crime de
guerre à grande échelle. L’ONU a également besoin d’une force militaire mieux formée, mieux équipée et
plus professionnelle. Une vraie armée des Nations unies est aujourd’hui nécessaire. A disposition des grandes
régions du monde, cette armée pourrait intervenir, afin de rétablir et de consolider la paix. Il faut donner la
priorité à la protection des populations avec des corridors humanitaires, des zones d’interdiction aérienne, des
accords de paix locaux, qui seraient très utiles en Syrie.
 Elargir le Conseil de
sécurité de l’ONU
 Redéfinir l’usage du veto
 L’ONU a également
besoin d’une force
militaire mieux formée,
mieux équipée et plus
professionnelle
 Donner la priorité à la
protection des
populations
13
II. Le monde a besoin d’une Europe forte
« Nous souffrons d’une absence de l’Europe et les insuffisances de la diplomatie française nous
éloignent du rôle que nous pourrions jouer. […] À l’intérieur même de l’Union européenne, certains
États, certains peuples ont le sentiment d’être marginalisés ou rejetés. Le sentiment européen est
fragile et menacé. Si on veut que l’Europe entière vote pour les émules de Beppe Grillo, continuons
à ne pas comprendre que la première raison du sentiment populiste, c’est l’image d’impuissance
que projettent les dirigeants de l’Europe, incapables de trouver des solutions dans chacun de nos
États aux problèmes économiques et sociaux, mais aussi à l’échelle de l’Europe. Y remédier signifie
concrètement doter l’Europe de nouveaux instruments. Nous souffrons d’un manque de diplomatie,
d’un manque de politique, d’États trop faibles, y compris dans notre espace européen. »
Dominique De Villepin, L’Humanité, 9 décembre 2016
A.Une refondation européenne
Dans la complexité du monde actuel, il est nécessaire d’engager une refondation européenne et de doter
l’Union européenne de fondements solides.
L’Union européenne doit s’affirmer
« Ce contexte nous oblige. Il nous oblige à aller de l’avant. Il nous oblige à une refondation de l’Europe. Pour
une Europe plus unie, plus forte, plus politique, qui saura se faire respecter dans le monde. Une Europe en
capacité de produire de la croissance durable et du progrès social. Une Europe en capacité d’assumer sa
propre défense. Une Europe en capacité d’apporter les bonnes réponses aux défis du monde : migration,
développement, climat, terrorisme,...C’est à ces rendez-vous là, à ce rendez-vous là, de la refondation de
l’Europe, que nous sommes désormais attendus pas nos concitoyens. »
Marielle De Sarnez, Députée européenne, Intervention en Session Plénière du Parlement Européen à
Strasbourg, le 18 janvier 2017
L’élection de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, peut être un accélérateur de l’émergence d’une Europe
forte et indépendante. Le nouveau Président américain donne un rôle insolite à son pays, et l’engage sur des
voies hasardeuses. Donald Trump est aussi fluctuant dans son opinion sur l’Union européenne qu’il ne l’est
avec celle qu’il délivre sur l’OTAN : un jour hostile, le lendemain favorable. Cette incohérence démontre que
Donald Trump est en perdition dans le monde diplomatique, constamment au bord d’un naufrage redoutable.
Nous sommes à un tournant des relations internationales et nous pouvons saisir cette occasion, pour
engager une véritable refondation européenne. Nous pouvons édifier une nouvelle Europe qui s’affirme dans
le monde. Nous devrons dans les prochaines années, gérer le conflit syrien, l’instabilité chronique du Moyen-
Orient, les volontés impérialistes de la Russie, ainsi que l’improvisation américaine. L’Europe a vocation à
devenir un pôle de stabilité fort. Engageons-nous sur la voie de l’indépendance, afin de créer une véritable
dynamique diplomatique européenne, au service de la paix. Nous sommes et nous serons dans un contexte
difficile et exigeant. Reconsidérons le rôle de l’OTAN et construisons une Europe de la Défense, par étapes.
Nous avons trop tardés. Nous nous sommes trop contentés de ce que nous avions accompli, qui est
considérable mais qui ne suffit plus. Si nous voulons un monde plus stable, alors nous devons nous doter des
outils nécessaires. Nous devons construire notre propre capacité d’action, et nous devons agir. Mobilisons
toutes nos forces, tous nos potentiels, au service d’un projet européen.
14
Le référendum de 2005 a déstabilisé la construction européenne. Nous devons savoir tourner la page et
engager un nouveau chantier, en lien avec les citoyens. Il n’y a pas d’avenir pour la France, en dehors de
l’Union européenne. Le Brexit comme l’élection de Donald Trump, nous donnent l’occasion de clarifier notre
destin et de définir nos résolutions. Désormais principale puissance militaire de l'Union européenne, seule
détentrice de la dissuasion nucléaire, seul membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, la
France a un rôle déterminant à jouer.
Accueillir Edward Snowden en Europe
« Quand Edward Snowden a communiqué à des journalistes, en juin 2013, des documents des
services secrets américains, il a révélé l’ampleur de la surveillance de masse exercée au niveau
mondial. Il a montré que les gouvernements récupèrent secrètement une large part de nos
communications personnelles, notamment des courriels privés, des données de localisation de
téléphones, des historiques de navigation sur Internet, et bien d’autres choses encore. Tout cela,
sans notre consentement. Grâce à son courage, le monde a changé. Il a lancé un débat au niveau
mondial, qui a permis de modifier des lois et a contribué à améliorer la protection de la vie privée.
Edward Snowden est un héros des droits humains. »
Campagne d’Amnesty International, lancée le 14 septembre 2016
Le Parlement européen avait voté, le 29 octobre 2015, une résolution de 50 articles, condamnant à nouveau
la surveillance des citoyens européens par les services secrets européens et américains. Le Parlement avait
également adopté, par 285 voix contre 281, un amendement recommandant aux Etats membres
de protéger Edward Snowden, l’ancien espion américain qui avait dévoilé en 2013 les programmes de
surveillance de la NSA, et qui vit désormais en Russie pour échapper à la justice de son pays. Le texte invitait les
Etats membres à « cesser toute action judiciaire contre Edward Snowden et à lui accorder leur protection, et
donc d’empêcher qu’il soit extradé ou livré à des pays tiers, en reconnaissance de son statut de lanceur
d’alerte et de défenseur des droits humains internationaux ».
Exilé en Russie depuis 2013, dans une situation précaire et incertaine, Edward Snowden risque une peine de
prison lourde, voire la perpétuité. Il est toujours poursuivi au titre d’une loi de 1917 sur l’espionnage, loi qui ne
lui permet pas de défendre les raisons qui l’ont amené à partager ces documents de la NSA. La Russie a accordé
à l’ancien consultant de la NSA un droit de résidence pour trois ans sur le sol russe, à compter du 1er août 2014.
Ce droit de résidence arrivera donc à expiration au cours de l’année 2017. En outre, le successeur d’Obama à la
Maison Blanche, Donald Trump, considère Snowden comme un espion que la Russie doit remettre aux États-
Unis. L’Union européenne doit s’imposer dans ce dossier et accueillir Edward Snowden, dans l’un de ses pays
membres. La France pourrait prendre l’initiative et se placer à l’avant-garde de ce combat, pour la défense des
droits humains. Nous devons affirmer nos valeurs et notre message. L’Europe peut incarner une autre voie sur
la scène internationale. Accueillir Edward Snowden en Europe, serait une initiative forte et légitime. Nous avons
vocation à défendre dans toutes les affaires de ce monde, les mêmes principes et les mêmes avancées. Le
monde a besoin de notre indépendance et de notre lucidité.
15
Faire de l’Europe, un foyer d’innovation
stratégique
« Rien n’est plus frappant que la faiblesse du débat stratégique en
France. On imagine sans peine que je ne suis pas un défenseur du
régime politique en Chine. Tous mes choix personnels et
démocratiques vont à l’encontre du régime du parti unique
communiste hérité de Mao conjugué avec le libéralisme le plus
exacerbé. Mais il est une chose que j’envie à la Chine, c’est de
penser le monde et le gouvernement à trente ans. De penser à
trente ans, les investissements d’Etat, la recherche des ressources.
Ils pensent à trente ans. Nous, dans les dernières décennies, ne
pensons parfois même pas à trente jours ! »
François Bayrou, « Résolution française »
Nos sociétés sont trop tournées vers la stimulation de réactions
immédiates, non réfléchies. Nous sommes surchargés en
commentateurs de l’instantané, professionnels ou non. Ceux qui
savent quoi dire, quoi penser, qui nous abreuvent de visions
schématiques, rapides et finalement superficielles. Nous avons au
contraire besoin de penser le long terme, l’avenir, de remettre en
cause ce qui doit l’être, de trouver des solutions, de formuler des propositions. Cessons de nous projeter
toujours sur le lendemain, projetons-nous dans 30 ans, 50 ans. Cessons de nous réconforter dans des systèmes
dépassés, ayons le courage et l’imagination de les repenser. Il est temps de mettre fin à une forme de paresse
intellectuelle, à la justification improductive de l’inefficacité pour se maintenir dans un immobilisme commode
et mortifère. L’Europe doit se mettre en mouvement. Nous devons faire le pari de l’intelligence stratégique.
La stratégie, c’est comprendre notre monde et préparer celui qui viendra. C’est cerner l’ensemble des enjeux,
trouver des solutions et des plans d’action. La stratégie, c’est ce qui nous permettra d’agir efficacement et de
sortir de notre désarroi, de notre inaptitude à penser. Mettons-nous en capacité de structurer une stratégie
solide, au service de notre vision et de nos valeurs. Instaurons en Europe, des formations permettant aux
jeunes mobilisés par les enjeux géopolitiques, de s’investir dans ces domaines, pour en faire leur activité
professionnelle. Nous avons besoin d’un vrai Centre de recherche et de formation, à dimension européenne.
L’Europe est un cadre évident, pour organiser des structures de formation et de recherche, portant sur des
projets de dimension géopolitique. Nous n’avons pas su porter un véritable modèle éducatif européen, un
véritable modèle de recherche, alors que nous avons des atouts indéniables. La Diplomatie, les relations
internationales, la stratégie, sont des secteurs que nous devons impérativement développer. Sortons des
schémas pédagogiques dépassés, incarnés par les structures éducatives nationales. Aménageons des
dispositifs innovants, permettant de partir des points forts des individus, afin de les inscrire dans une
dynamique positive et d’améliorer leur niveau dans d’autres domaines. Arrêtons de vouloir mettre tout le
monde à un niveau standard et arbitraire, nous ne faisons que freiner nos potentiels, nous ne faisons que
ralentir notre dynamique. Nous avons trop longtemps négligé l’intelligence stratégique. A nous de créer les
dispositifs permettant de la valoriser, de la travailler et de l’exploiter, pour en faire une force au service de la
construction de la paix.
 Nous devons créer en
Europe, des formations
permettant aux jeunes
mobilisés par les enjeux
géopolitiques, de s’investir
dans ces domaines, pour
en faire leur activité
professionnelle
 La Diplomatie, les relations
internationales, la
stratégie, sont des secteurs
que nous devons
impérativement
développer
 Valoriser, travailler et
exploiter l’intelligence
stratégique, pour en faire
une force au service de la
construction de la paix
16
Une Europe qui écoute, une Europe qui
agit
« L’essentiel de la crise européenne s’explique par
l’absence de démocratie réelle. L’Europe s’est
construite avec des spécialistes, non avec le peuple:
cela vient de la méthode de Jean Monnet, faire
l’Europe avec des responsables éclairés, sans trop
s’attacher aux désirs des peuples. On comprend bien
qu’au lendemain de la guerre, les peuples n’avaient
évidemment pas envie de fraterniser avec le voisin
responsable de millions de morts. Il a fallu des gens
incroyablement généreux pour surmonter ce
ressentiment. Seulement la méthode de Monnet ne
peut plus marcher: au fur et à mesure que le temps a
passé, l’exigence démocratique a grandi. »
François Bayrou, la Revue des Deux Mondes (décembre
2016 - janvier 2017)
L’Europe doit pouvoir se concentrer sur des projets clés, comme la mise en place d’un parquet antiterroriste
et d’un FBI européens, l’application d’une politique énergétique permettant de baisser les coûts de
l’électricité et du gaz pour les citoyens européens, l’instauration d’une Europe de la défense. Elle doit, dans
le même temps, montrer sa capacité à écouter et à consulter. Que ce soit Hubert Védrine, Dominique De
Villepin ou Emmanuel Macron, tous ont souligné la nécessité d’une phase de consultation des citoyens
européens, par différents dispositifs. Il apparaît ainsi essentiel d’engager dans les vingt-sept pays de l’Union
européenne (en dehors de la Grande-Bretagne, qui a pris la voie du Brexit), des débats citoyens structurés et
ouverts, afin de dégager les opinions des européens dans toute leur diversité. Ainsi durant une période
déterminée (par exemple une année), une large consultation pourrait s’opérer par la tenue de conventions
démocratiques, de conférences, de Congrès, avec en complément un usage des outils numériques. L’objectif
serait d’aboutir à la construction d’un réel projet citoyen pour l’Europe, afin d’ouvrir une période de
refondation, par l’application de réformes décisives. Cette période de réflexion citoyenne pourra nous
permettre d’évoquer de nombreuses idées et propositions. Valéry Giscard d’Estaing, avait publié en 2014, un
ouvrage : « Europa : la dernière chance de l’Europe », qui proposait un nouveau schéma institutionnel.
L’ancien Président de la République française (1974 -
1981) avait formulé dans ce livre, des idées
intéressantes, comme la constitution d’un noyau
d’Etats prêts à fonder une Europe politique,
l’harmonisation fiscale et sociale ou la fondation d’un
Congrès des peuples. Valéry Giscard d’Estaing avait
engagé un débat sur l’Europe, avec l’affirmation d’un
projet clair. Poursuivons cette démarche, enclenchons
un véritable mouvement d’idées à l’échelle de
l’Europe, sur tous les enjeux qui concernent la
construction européenne. Nous devons susciter une
véritable dynamique citoyenne, porteuse d’idées et de
projets, en lien avec le Parlement européen.
 Engager dans les vingt-sept pays de
l’Union européenne (en dehors de la
Grande-Bretagne, qui a pris la voie du
Brexit), des débats citoyens structurés
et ouverts, afin de dégager les
opinions des européens dans toute
leur diversité
 Nous devons susciter une véritable
dynamique citoyenne, porteuse
d’idées et de projets, en lien avec le
Parlement européen
 Avec « Europa : la dernière chance de
l’Europe » (2014), Valéry Giscard
d’Estaing avait engagé un débat
européen, avec l’affirmation d’un
projet clair. Poursuivons cette
démarche
« On a bâti l’Europe à l’envers. Si l’on parvient à
un projet cohérent de refondation, on pourra à
ce moment-là le soumettre à des référendums et
surtout pas avant, ils ne seraient que
destructeurs. Cette refondation vise, au fond, à
sauver le mode de vie européen. C’est un peu
comme les dévaluations de la monnaie qu’on
faisait jadis, une manière de repartir sur de
nouvelles bases. L’Europe a besoin d’une
relégitimisation politique, impossible sans les
peuples. »
Hubert Védrine, L’Opinion, 6 novembre 2016
17
B. Une nouvelle Europe, dans le monde
L’Union européenne doit s’affirmer dans le monde et porter son message. A cette fin, elle doit assumer sa
Défense et sa diplomatie. L’Europe doit se doter des moyens de sa puissance.
Une Europe qui assume sa
Défense
« Nous le voyons bien, plus que jamais, le
monde a besoin d’une Europe forte. Mais
pour cela nous devons nous en donner les
moyens. Jean-Claude Juncker a eu raison de
parler d’Europe de la défense. De toute
façon, nous y serons contraints parce que les
États-Unis vont donner moins et protéger
moins demain qu’ils ne le faisaient hier. Oui,
il nous revient d’avoir notre propre capacité
et d’assurer notre propre sécurité. »
Marielle De Sarnez, Députée européenne,
Intervention en Session Plénière
du Parlement Européen à Strasbourg, le 13
décembre 2016
Nous assistons aujourd’hui, dans le débat
public, à une prise de conscience tardive
concernant la nécessité de fonder une Europe
de la Défense. Les violents défis auxquels nous
avons été confrontés, ainsi que les limites que
nous avons constatées, nous conduisent
désormais à aborder directement l’enjeu
d’une Défense européenne. Trop longtemps,
ce sujet a été négligé. Trop longtemps le débat européen s’est verrouillé autour de questions bien ciblées, sans
aucune projection sur des domaines stratégiques. Il est temps de porter nos analyses sur les véritables enjeux.
Redéfinissions notre place dans l’OTAN et entamons un réel processus de coopérations industrielles et de
mise en place de forces d’interventions communes. Née à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, l’OTAN avait
pour mission première de contenir toute expansion du bloc soviétique notamment en Europe. Fortement
marquée par la prédominance des Etats-Unis, l’alliance a rempli son rôle en évitant tout dérapage majeur au
cours du demi-siècle passé. En élargissant son champ d’action et la zone géographique de ses interventions, en
reconnaissant le statut particulier de l’ONU, elle est devenue la source d’interrogations nombreuses allant
jusqu’à remettre en cause son existence. Le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN a
été un reniement de l’action gaullienne et n’a apporté aucun avantage décisif, tout en rendant la position
française confuse, alors que la France pouvait être leader dans le domaine de la défense en Europe.
 La France et l’Europe doivent désormais se
montrer résolues, à concevoir de nouvelles
coopérations de sécurité, tout en engageant
une réelle politique de défense
 Nous pourrions apporter un modèle original
avec des armées nationales à l’intérieur de
l’Europe, spécialisées dans la défense du
territoire (comme en Suisse, par exemple), et
une armée européenne qui soit spécialisée dans
la projection à l’extérieur
 L’Union européenne doit organiser une
capacité d’action propre, ce qui lui donnerait la
possibilité de lancer des actions et de les garder
sous son contrôle
 Les Européens devront choisir une orientation
claire, afin d’assumer un rôle autonome dans
l’équilibre mondial et de conserver leur
identité, en se dotant des moyens
indispensables
 L’armement nucléaire et la liberté de choix
dans sa mise en œuvre mériteront une étude
approfondie tant les situations et les intérêts
sont divers
18
En outre, l’OTAN est devenue un facteur
d’instabilité. La possibilité d’une intégration
de l’Ukraine et de la Géorgie à l’Alliance
atlantique, a réveillé les craintes de la Russie
qui ne veut pas que l’OTAN s’étende jusqu'à
ses frontières. La France et l’Europe doivent
désormais se montrer résolues, à concevoir
de nouvelles coopérations de sécurité, tout
en enclenchant une réelle politique de
défense. Associons les citoyens européens à
cette réflexion et ayons le courage de
prendre notre sort en main. Nous pourrions
apporter un modèle original avec des
armées nationales à l’intérieur de l’Europe,
spécialisées dans la défense du territoire
(comme en Suisse, par exemple), et une
armée européenne qui soit spécialisée dans
la projection à l’extérieur. Cela se rapproche
du fonctionnement actuel, mais qui est encore une fois, sous l’égide des États-Unis, via l’OTAN. Les Etats-Unis,
depuis la seconde guerre mondiale, revendiquaient la direction des opérations d’intervention dans le reste du
monde. Ce monopole déjà contestable et contesté à d’autres époques, est aujourd’hui totalement inadapté.
Désormais de Barack Obama à Donald Trump, les Etats-Unis affirment une volonté de ne pas demeurer, à
perpétuité, les gendarmes du monde. Les Etats-Unis ne s’estiment plus investis d’une mission de
démocratisation universelle. L’Union européenne doit pouvoir assurer sa sécurité, en toute indépendance, en
défendant une vision différente, établie sur l’héritage de son Histoire. Les opérations militaires et la
diplomatie américaines ont montré depuis une quinzaine d’années, leur totale inadaptation au monde du
XXIème siècle. L’Union européenne doit organiser une capacité d’action propre, ce qui lui donnerait la
possibilité de lancer des actions et de les garder sous son contrôle. L’Europe a les moyens de sa Défense et
elle doit être en capacité d’agir, en restant fidèle à ses valeurs et en posant sa propre approche des conflits.
Cette nécessité d’une Défense européenne affirmée, avait été établie par le Général De Gaulle, au cours de sa
présidence, de 1958 à 1969. Charles De Gaulle en affirmant une Défense française indépendante, initiait alors
une Défense européenne propre, au service de desseins uniquement européens. La France du Général De
Gaulle était celle qui ouvrait la voie. L’Europe a besoin de cette France à l’initiative, qui innove et qui prend des
directions nouvelles. Le 21 décembre 2016, dans une tribune pour Les Echos, le chef d’état-major des armées
françaises, le Général Pierre de Villiers, poussait un cri d’alarme et appelait à une revalorisation rapide du
budget de la Défense française. La France aujourd’hui, connait des difficultés à la fois financières et de
recrutement pour son Armée. Les Armées ont besoin d’hommes, de technologies et d’équipements. La Défense
peut créer des emplois et des richesses, mais pour cela elle doit pouvoir bénéficier de moyens réels. Une
Défense européenne avec des moyens solides, serait bien plus attractive que des Défenses nationales
dispersées et en difficulté. Notre Défense a elle aussi, besoin d’innovations et de jeunes, elle doit pouvoir être
en mesure de répondre à ses besoins. Seule l’Europe le permettra. Ainsi l’Union européenne doit se saisir de la
question de la Défense. Des avancées ont été effectuées durant ces dernières années mais trop d’intérêts
nationaux subsistent et surtout, il n’existe aucune autorité politique supranationale effectivement compétente.
Les Européens devront choisir une orientation claire, afin d’assumer un rôle autonome dans l’équilibre
mondial et de conserver leur identité, en se dotant des moyens indispensables. L’armement nucléaire et la
liberté de choix dans sa mise en œuvre mériteront une étude approfondie tant les situations et les intérêts sont
divers.
« Nous sommes désormais la seule puissance nucléaire de
l’Union européenne. Nous intervenons, à nous tout seuls,
davantage que ne le font tous les autres pays européens.
Cette réalité doit être débattue avec nos partenaires
européens. Dès que l’Union sera devenue politique, ce que
je crois nécessaire et possible, la question de la défense
européenne se trouvera nécessairement posée. A cette
défense européenne, qui ne signifie pas armée
européenne, mais coordination de nos moyens d’action et
partage de l’effort, la France contribuera puissamment. Il
est juste que vienne le temps de partager le fardeau. Mais
cela suppose que la France soit puissante et respectée en
politique étrangère, que ses buts diplomatiques soient
clairs et discutés avec nos partenaires européens. Cela
exige que la France soit pleinement indépendante. »
François Bayrou, « Résolution française »
19
Une Europe qui existe sur la scène
internationale
« Ce n’est qu’ensemble que nous sommes, et que nous
resterons, une force incontournable. Pourtant, même
si l’Europe est fière d’être une puissance douce qui
revêt une importance mondiale, nous ne devons pas
être naïfs. La puissance douce ne suffit pas dans un
voisinage de plus en plus dangereux. »
Jean-Claude Juncker, le 14 septembre 2016, deuxième
discours sur l’état de l’Union
Jean-Claude Juncker, le président de la Commission
européenne, occupe des responsabilités difficiles, dans
un contexte redoutable. Ereinté par cette expérience, il
avait annoncé le 12 février 2017 qu’il ne briguerait pas
un second mandat en 2019, à l’heure où l’Europe
célèbre les 60 ans du traité de Rome. Ce dirigeant
épuisé dans les circonstances actuelles, c’est aussi celui
qui avait su poser les bases d’un renouveau européen. En effet, le 14 septembre 2016, Jean-Claude Juncker,
avait prononcé son deuxième discours sur l’état de l’Union, devant les parlementaires européens réunis à
Strasbourg. Constatant l’urgence de la question syrienne et l’absence de l’Europe dans les négociations en
cours, Jean-Claude Juncker avait plaidé pour un renforcement de la diplomatie européenne. Le président de la
Commission européenne avait alors affirmé sa volonté d’accroître le rôle de l’actuelle Haute Représentante
de l’Union Européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini. Selon
Jean-Claude Juncker, Federica Mogherini devait devenir une véritable ministre européenne des affaires
étrangères, fédérant tous les corps diplomatiques, de tous les pays membres de l’Union, afin de pouvoir
représenter une diplomatie européenne résolue. Dans ce cadre, Jean-Claude Juncker avait très justement
appelé à développer une stratégie européenne pour la Syrie. Il avait ainsi légitimement considéré qu’en
disposant d'un siège à la table des discussions sur l'avenir de la Syrie, Federica Mogherini serait en mesure
d’incarner cette présence européenne tant nécessaire pour reconstruire la Syrie et l’engager sur la voie d’une
réelle transition politique, conformément à la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Dans
son discours du 14 septembre 2016, Jean-Claude Juncker avait également présenté un plan pour la Défense
de l’Union européenne, en annonçant l’instauration d’un quartier général unique de planification et de suivi
des missions militaires et civiles de l’UE, ainsi que la création d’un Fonds européen de la Défense. Jean-
Claude Juncker souhaitait établir une coopération structurée et efficace entre les armées nationales
européennes, tant sur le plan des dépenses que sur le plan opérationnel. Il avait alors été précisé que le
manque de coopération en matière de défense coûterait à l’Europe entre 25 et 100 milliards d’euros par an, en
fonction des domaines concernés. Suite à ce discours, le sommet de Bratislava du 16 septembre 2016 ne
s’était pas montré à la hauteur et n’avait débouché sur aucune décision déterminante. Le discours de Jean-
Claude Juncker était animé par un réel volontarisme politique. Le président de la Commission européenne avait
avancé des propositions concrètes, au service d’un projet européen humaniste, ambitieux et crédible. Dans un
contexte de Brexit, Jean-Claude Juncker avait posé les fondements d’un véritable tournant. Le lundi 6 mars
2017, à Bruxelles, les ministres européens des Affaires étrangères décidèrent l’instauration à court terme d’un
quartier général militaire pour l'Union européenne, censé centraliser le commandement de certaines missions
extérieures. Il s’agissait d’un premier pas.
 Structurons une diplomatie solide,
sachant faire le lien entre le couple
franco-allemand et la place de plus en
plus essentielle de la Commission
européenne
 Les diplomaties nationales doivent être
respectées et organisées, de façon à ce
qu’elles puissent apporter des appuis,
dans une approche plus globale
 Le rôle de la Commission européenne
et plus précisément de la Haute
Représentante de l’Union Européenne
pour les affaires étrangères et la
politique de sécurité, devrait être de
coordonner des actions communes sur
des dossiers stratégiques, comme en
Syrie, en Ukraine ou en Géorgie
20
Nous devons poursuivre dans cette direction. En complément de la mise en chantier des idées de Jean-Claude
Juncker, créons un Conseil de sécurité européen rassemblant les principaux responsables militaires,
diplomatiques et du renseignement des Etats membres. Instaurons une coopération spécifique entre les
Etats membres qui souhaitent avancer ensemble sur les questions de défense, sans attendre la participation
de tous les pays de l’UE.
L’Union européenne, Prix Nobel de la Paix en 2012,
doit se mettre en capacité de construire la paix, à
travers le monde. Elle doit se mettre en situation
d’avoir un réel leadership, afin de conduire des
actions effectives, au service de ses valeurs
humanistes. La COP21, la 21e Conférence des
parties, s’était conclue à Paris, le 12 décembre 2015,
sur l’adoption du premier accord international sur le
climat (conclu par 195 pays et applicable à tous). La
COP21 est un exemple d’une négociation opérante
conduite par une gouvernance supranationale
cohérente, dans laquelle l’Europe a su se montrer
déterminante. Nous devons favoriser les
coopérations internationales, entre Etats capables
de s’engager et de tenir leurs engagements. L’Union
européenne peut avoir un rôle essentiel dans
l’affirmation de la communauté internationale sur
les enjeux de la guerre et de la paix, de la lutte
contre la pauvreté ou de l’écologie. Nous sommes
porteurs d’un message universel et nous devons
créer une dynamique d’entrainement, qui nous fera
atteindre nos objectifs d’amélioration des
conditions de vie et de développement. Structurons
une diplomatie solide, sachant faire le lien entre le couple franco-allemand et la place de plus en plus
essentielle de la Commission européenne. La France et l’Allemagne ont un rôle à jouer, mais une meilleure
coordination doit s’opérer, de manière à donner toute sa place à la Haute Représentation de l’Union
Européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Les diplomaties nationales doivent être
respectées et organisées, de façon à ce qu’elles puissent apporter des appuis, dans une approche plus globale.
Le rôle de la Commission européenne et plus précisément de la Haute Représentante de l’Union Européenne
pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, devrait être de coordonner des actions communes sur
des dossiers stratégiques, comme en Syrie, en Ukraine ou en Géorgie. Une coordination, dans laquelle chaque
pays de l’Union aurait un rôle ciblé. Nous devons mieux nous organiser, mieux planifier nos stratégies et
conduire des actions collectivement, afin de les rendre déterminantes. Nous donnons actuellement l’image
d’une politique européenne dispersée, traversée par de nombreux débats, sans que n’en émerge la direction
finale, l’incarnation propre qui porte le message. Les forces diplomatiques européennes ont besoin de se
regrouper, sans perdre leurs spécificités, sous une synchronisation commune pour tous les enjeux majeurs.
La construction d’une Europe de la Défense, en sera la complémentarité évidente.
« Je crois qu’il s’est passé beaucoup de choses
depuis 15 - 20 ans, et qu’il faut absolument que les
prochains responsables, présidents, ministres, etc,
fassent le bilan des interventions occidentales,
depuis la fin de l’Union soviétique, depuis que les
occidentaux ont cru être les maîtres du monde, dans
ce qu’ils appellent la communauté internationale,
qui est un objectif mais pas une réalité aujourd’hui.
Il y a eu beaucoup d’interventions, quelles sont
celles qui ont été justifiées, pas justifiées, qui ont
marchées, pas marchées, qui étaient légales,
Conseil de sécurité ou pas. Je développe pas mais
c’est pas possible de continuer comme ça, sans qu’il
y ait un bilan. D’autant que là aussi, comme sur
l’Europe, les peuples décrochent. Donc il faut savoir
ce que l’on fait ou pas, à l’avenir. »
Hubert Védrine, le 8 mars 2017, lors d’un débat
entre Alain Juppé, Dominique de Villepin et Hubert
Védrine, organisé par l’École des affaires
internationales, Sciences Po, avec Courrier
international
21
Une Europe, puissance d’influence
mondiale
« Cette Europe intégrée - appelons-la Europa pour la
distinguer de l'autre - a vocation à devenir une des trois
puissances économiques du monde, ce qui l'arrachera à son
pessimisme. Ce sera une puissance fidèle à ses alliances
mais pacifique, c'est-à-dire qu'elle portera un message de
paix après avoir été le lieu de naissance des deux derniers
conflits mondiaux. C'est à la France de porter ce message,
en liaison intime avec son grand partenaire allemand, car
elle seule possède l'imagination et le savoir-faire qui sont
indispensables aux grandes évolutions. Cela devrait être un
enjeu central de la prochaine élection présidentielle
française. Quel sera le candidat le plus qualifié pour rendre
à la France son rôle d'inspiratrice du grand projet
d'intégration économique de l'Europe ? »
Valéry Giscard d’Estaing, Editorial dans « Le Point », le 17
février 2017
L’Union européenne pour devenir plus forte sur la scène
internationale doit engager un réel processus de
construction politique. Le lundi 6 mars 2017 à Versailles, se
tenait un mini-sommet quadripartite réunissant, le
président français, François Hollande, la chancelière
allemande, Angela Merkel, et les chefs des gouvernements italien et espagnol, Paolo Gentiloni et Mariano
Rajoy, pour préparer les réformes de l’Union européenne en vue du 60e anniversaire du traité de Rome. A
cette occasion, les dirigeants français, allemand, espagnol et italien s’étaient prononcés pour une « Europe
différenciée », nouveau nom de ce que l’on nommait « l’Europe à plusieurs vitesses », c’est-à-dire une Europe
qui permette aux Etats membres qui le souhaitent d’avancer ensemble dans des domaines spécifiques. Jean-
Claude Juncker avait présenté le mercredi 1er
mars 2017, un livre blanc proposant cinq scénarios sur la
manière dont l'Union pourrait évoluer d'ici à 2025, en fonction des choix qu'elle fera pour répondre à ses
principaux défis et saisir ses principales opportunités. Le scénario 3 se consacre à cette Europe à plusieurs
vitesses et formule plusieurs propositions : structurer un groupe d’États membres qui décide de coopérer
« beaucoup plus étroitement » sur la défense, par la création d’une base industrielle et de recherche
commune, par des achats conjoints, par une plus grande intégration des capacités militaires et une
disponibilité opérationnelle des forces communes pour des missions à l’étranger ; établir une coopération
renforcée entre certains États dans les domaines de la sécurité et de la justice ; consolider la coopération entre
les forces de police et les services de renseignement, instaurer un parquet conjoint et aller plus loin dans la
création d’un espace commun de justice en matière civile ; constituer un groupe de pays, incluant ceux de la
 Aller vers le scénario 5 du livre
blanc de la Commission
européenne : « Faire beaucoup
plus ensemble », c’est-à-dire
instaurer une coopération inédite
entre l’ensemble des États
membres, poussée à des niveaux
sans précédent dans tous les
domaines
 L’Europe a besoin d’un véritable
régime politique, qui soit capable
d’apporter des réponses aux
citoyens
 Nous devons nous engager avec
détermination, dans la
construction d’une Europe,
puissance d’influence mondiale,
c’est-à-dire une Europe qui soit une
puissance commerciale, une
puissance économique, une
puissance politique et une
puissance humaniste
22
zone euro et quelques autres, qui choisit de renforcer
nettement leur collaboration dans le domaine fiscal et
social essentiellement. La présentation du livre blanc
a marqué le coup d'envoi d'un processus dans lequel
les 27 États de l'UE décideront de l'avenir de leur
Union. Pour encourager ce débat, la Commission
européenne, en collaboration avec le Parlement
européen et les États membres intéressés, accueillera
une série de «Débats sur l'avenir de l'Europe» dans les
villes et les régions partout en Europe. La Commission
européenne contribuera à cette discussion en publiant
une série de documents de réflexions concernant
notamment les enjeux économiques, sociaux ou de
défense. Les européens sont à l’initiative et ont enfin
compris, la nécessité de construire un nouveau projet
européen. Ces dernières années, nous aurions dû être
plus rapides, plus stratèges, plus en mouvement sur
des dossiers essentiels. Nous sommes restés figés,
dans un attentisme sidérant. Il a fallu attendre
l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, pour
amorcer un réveil salutaire. Cessons de nous perdre
dans les chimères, regardons les réalités en face,
établissons les bons pronostics, structurons une action
efficace. Nous nous sommes placés dans une situation
d’urgence, par nos erreurs et nos défaillances. Nous
devons enfin nous montrer à la hauteur des enjeux qui
se présentent à nous. L’Union européenne est entrée dans une période de transition. 2017 sera une année
d’élections nationales en France comme en Allemagne. Des élections dont les issues restent incertaines.
Angela Merkel, la doyenne des dirigeants de la communauté internationale, a su jouer avec les symboles.
Barack Obama s’en était fait l’allié, lui qui avait toujours maîtrisé l’art de l’allégorie. Mais les symboles ne
peuvent suffire. Angela Merkel est devenue chancelière en 2005, soit la même année que l’échec du
référendum sur la Constitution européenne. A l’issue du troisième mandat de la chancelière, nous ne pouvons
que constater que l’Europe n’a avancé sur aucun enjeu fondamental. L’Allemagne de Merkel n’a pas su,
durant un peu plus de onze ans, créer les conditions d’un véritable élan européen. Angela Merkel, désignée à
dix reprises comme la femme la plus puissante du monde par le magazine Forbes et personnalité de l’année
2015 par le magazine Time, n’a à aucun moment été décisive dans la poursuite d’un projet européen. L’œuvre
européenne d’Angela Merkel est à ce jour bien anecdotique. Nous devons sortir de ces montages médiatiques,
de ces illusions construites, pour assumer les réalités. Cessons de nous raconter des histoires. Cessons ces
comparaisons pour savoir quel est le premier de la classe. L’Europe est une construction collective, où nous
devons savoir associer tous nos points forts. Aujourd’hui en 2017, si le projet européen retrouve finalement
une dynamique, c’est notamment grâce à une action constante de Jean-Claude Juncker, Federica Mogherini,
François Hollande et Angela Merkel. La France de Nicolas Sarkozy s’était perdue dans un atlantisme affligeant.
A partir de 2012, François Hollande a su engager la France dans des voies intéressantes. Il y a eu des erreurs,
des analyses discutables, mais l’Histoire saura se rappeler de ce mandat, pour deux raisons fondamentales :
la lutte qu’a mené la France contre le terrorisme ainsi que la tenue de la COP21 à Paris.
« Je souhaite des responsables qui
réaffirmeraient qu’une politique étrangère est
quelque chose qui s’inscrit dans la durée, surtout
dans un vieux pays qui vient de loin, qui se
projette dans l’avenir. C’est indispensable de
résister à la pression quotidienne qui devient
infernale, qui devient débilitante, de
l’information continue, de la réaction continue,
du courtermisme, de l’émotionnalité, d’une sorte
de dictature émotionnelle, feu de cheminée etc,
c’est insupportable. Il faut réaffirmer qu’une
politique étrangère s’inscrit dans un processus
qui doit être différent. Alors ça paraît facile de
dire ça comme ça, mais il y a des gens qui
pensent ça, qui sont capables de l’incarner, de
l’assumer, mais le système quotidien de ce qu’est
la vie politico-médiatique, c’est le contraire. Donc
pour moi, c’est un préalable fondamental. Sinon
on aura beaucoup de mal, à mettre en avant de
grands objectifs. »
Hubert Védrine, le 8 mars 2017, lors d’un débat
entre Alain Juppé, Dominique de Villepin et
Hubert Védrine, organisé par l’École des affaires
internationales, Sciences Po, avec Courrier
international
23
Il reste encore beaucoup à faire. La France doit retrouver confiance en la force de sa diplomatie et doit porter
les évolutions primordiales dont l’Europe a tant besoin. C’est sur cette voie que François Hollande s’est engagé,
avec l’organisation du mini-sommet quadripartite à Versailles, le 6 mars 2017.
En 2017, l’Europe entre dans une nouvelle phase de son
Histoire, une phase déterminante. La France et
l’Allemagne auront l’opportunité de choisir leurs
dirigeants. Cela pourra être l’occasion de relancer le
couple franco-allemand sur des bases nouvelles et
solides, et ainsi de poser les fondements d’une Europe
affirmée, sur la scène internationale. Le projet
européen a besoin de figures fortes pour l’incarner et
l’entraîner. Une « Europe différenciée » doit être une
étape nous permettant de conduire l’Union vers une
affirmation de sa puissance. Le scénario 3 du livre blanc
de la Commission européenne sur l’avenir de l’Europe
ne peut pas représenter une finalité, mais une
passerelle, nous permettant d’aboutir au scénario 5,
celui d’une Europe puissante, d’une Europe, puissance
d’influence mondiale. Des groupes de pays européens
peuvent s’engager dans des domaines d’initiative, pour
expérimenter, structurer des coopérations efficaces et
se montrer forces d’entrainement. Mais toutes ces
actions doivent s’effectuer dans le seul et unique objectif de servir une ambition européenne. Le scénario 5 du
livre blanc propose de « Faire beaucoup plus ensemble », c’est-à-dire d’instaurer une coopération inédite
entre l’ensemble des États membres, poussée à des niveaux sans précédent dans tous les domaines. Cette
avancée forte se caractériserait par plusieurs dispositifs : Une Europe qui parle et agit comme un seul bloc en
matière commerciale et qui est représentée par un siège unique dans la plupart des enceintes internationales ;
un Parlement européen qui a le dernier mot sur les accords commerciaux internationaux ; une Union
européenne de défense qui se créée, en totale complémentarité avec l’OTAN ; une Union européenne à 27 qui
continue de jouer un rôle moteur dans la lutte mondiale contre le changement climatique et renforce son rôle
en tant que premier pourvoyeur d’aide humanitaire et d’aide au développement dans le monde ; une politique
étrangère de grande ampleur de l’Union européenne qui l’amène à renforcer son approche commune en
matière de migration ; des partenariats plus étroits et des investissements accrus dans le voisinage de l’Europe
et au-delà qui facilitent la création de débouchés économiques, la gestion de la migration régulière et la lutte
contre les filières clandestines ; un achèvement du marché unique, au sein de l’Union européenne des 27, dans
les domaines de l’énergie, du numérique et des services qui suscite un fort intérêt associé à un niveau
d’ambition élevé ; plusieurs «Silicon Valleys» européennes qui sont créées pour accueillir des pôles regroupant
des sociétés de capital-risque, des jeunes pousses, des grandes entreprises et des centres de recherche ; des
marchés de capitaux pleinement intégrés qui contribuent à mobiliser des fonds en faveur des PME et des
grands projets d’infrastructure partout dans l’Union européenne ; au sein de la zone euro, mais aussi pour les
États membres désireux d’en faire partie, une coordination qui est poussée beaucoup plus loin en matière
budgétaire, sociale et fiscale, de même que la surveillance des services financiers à l’échelle européenne ; un
soutien financier complémentaire qui est mis à disposition par l’Union européenne pour stimuler le
développement économique et réagir aux chocs aux niveaux régional, sectoriel et national.
« Une Europe qui protège, c’est une Europe
puissante. Parce que si on n’est pas puissants,
on ne protège pas efficacement ses citoyens. Et
là, j’afficherais très clairement mon slogan :
faire de l’Europe, une puissance d’influence
mondiale. Ce mot « puissance » fait peur. On dit
qu’il n’y a plus que les français qui croient à ça.
Il n’y a plus que certains français qui croient que
l’Europe peut devenir une puissance. On n’a pas
le choix. Si nous ne devenons pas une puissance
d’influence mondiale, l’Europe se disloquera,
parce qu’elle ne sera pas à même de rassurer
ses concitoyens. »
Alain Juppé, le 8 mars 2017, lors d’un débat
entre Alain Juppé, Dominique de Villepin et
Hubert Védrine, organisé par l’École des affaires
internationales, Sciences Po, avec Courrier
international
24
Cependant tous ces dispositifs proposés par le scénario 5
du livre blanc ne pourront devenir effectifs, une fois la
phase de transition achevée, qu’en complément d’une
rénovation démocratique européenne. L’Europe a besoin
d’un véritable régime politique, qui soit capable d’apporter
des réponses aux citoyens. Cet enjeu démocratique doit
faire l’objet de débats, avec les citoyens européens. Nous
avons en outre la possibilité d’enclencher une
expérimentation très rapidement : mettre en place des
listes paneuropéennes pour élire les 73 eurodéputés
correspondant aux sièges britanniques au Parlement
européen, comme l’a proposé Daniel Cohn-Bendit. Si le
calendrier des négociations du Brexit le permet, ce
changement pourrait avoir lieu dès les élections
européennes de juin 2019. Ainsi nous devons nous
engager avec détermination, dans la construction d’une
Europe, puissance d’influence mondiale, c’est-à-dire une
Europe qui soit une puissance commerciale, une puissance
économique, une puissance politique et une puissance
humaniste. Nous devons porter de nouveaux projets,
concrets, avancer dans un débat large s’adressant à tous les
citoyens, édifier une Europe forte, présente sur la scène
internationale. Une Europe forte de son originalité, de sa
diversité, de ses valeurs et de ses atouts. Achevons le dessein européen, allons au bout de notre affirmation,
avec courage et volonté.
Conclusion : Une Europe indépendante, au service de ses
valeurs
Le monde est en mouvement. Alors que nous voyons émerger de toutes parts, des facteurs d’instabilité, il est
nécessaire de créer les conditions d’un véritable développement universel, au service de la paix et des droits
de l’Homme. Pour cela, nous devrons retrouver les conditions d’un dialogue avec de nombreux interlocuteurs,
nous permettant de conduire des négociations solides, de manière à aboutir à des accords qui auront un
impact direct sur l’évolution du monde. Nous devrons favoriser la constitution de coalitions internationales,
dans le cadre de négociations, ou par thématiques comme pour la COP21. Notre univers est en perpétuelle
construction. Il est temps de gagner un rôle de leadership sur de nombreux dossiers essentiels, pour mener
des actions déterminantes, dans la recherche d’un environnement international plus juste et stabilisé. Le
monde a besoin d’une Europe forte, au service de ses valeurs. Une Europe qui s’attaque enfin aux grands
chantiers stratégiques. Une Europe indépendante, engagée sur la voie d’une Défense renforcée et d’une
diplomatie affirmée. Un nouvel ordre mondial est en train d’émerger. Un ordre dans lequel l’Union européenne
pourra se poser en force d’équilibre, en force d’opposition aux impérialismes, toujours concernée par les
aspirations des peuples. Reprenons l’initiative, sortons de cette torpeur hallucinante qui a saisi les pays
européens et retrouvons une démarche d’action, en affirmant une vision claire.
« Il faut absolument une Europe puissance si
on veut maintenir la maîtrise de notre
destin. Avoir peut-être une influence sur le
monde, si on veut continuer à rayonner avec
de très belles valeurs, mais tout bêtement
aussi pour défendre le mode de vie
européen. Ce sont quand même les sociétés,
les meilleures qu’on ait jamais vu dans
l’Histoire ou aujourd’hui, ou les moins pires,
comme on veut mais c’est perfectible. Donc
ça, c’est notre patrimoine commun et c’est
un des seuls sujets sur lequel, il n’y a pas
d’opposition frontale entre les élites
européennes, européistes, intégrationnistes
pour beaucoup d’entre elles, et les peuples.
Donc ça me paraît fondamental. »
Hubert Védrine, le 8 mars 2017, lors d’un
débat entre Alain Juppé, Dominique de
Villepin et Hubert Védrine, organisé par
l’École des affaires internationales, Sciences
Po, avec Courrier international
25
Nous avons le devoir de répondre aux défis de notre temps, d’apporter des solutions innovantes et de servir un
projet novateur, pour édifier un monde meilleur. Mobilisons les imaginations, les talents, toutes nos forces, au
service de cet objectif. L’Histoire est en marche et notre vocation est de porter notre spécificité humaniste,
par des actes résolus, afin d’enclencher une réelle dynamique de paix et de stabilité. Nous n’avons pas le
choix. Nous devons définitivement engager le cap de l’audace et de l’intelligence, au service d’une Europe plus
forte et d’un monde plus durable.
« Jamais le monde n’a eu autant besoin d’une puissance d’équilibre,
pacifique, mais ferme. Jamais le monde n’a eu autant besoin d’une pensée
non alignée (je le dis spécialement aussi pour la France), non fascinée, d’une
puissance calme, décidée à explorer toutes les ressources d’une diplomatie
libre, animée de valeurs. C’est pourquoi il nous faut une Europe politique,
capable d’intervenir dans le jeu des puissances, et qui dise où elle va, en notre
nom, et au nom de tous ceux qui cherchent à échapper à la fatalité qui semble
se dessiner. »
François Bayrou, « Résolution française »

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  • 1. 1 Plan pour la paix Pour un renouveau des relations internationales Par Florian BRUNNER « C'est dire que la France, tout en se dotant des moyens voulus pour rester elle-même et survivre quoi qu'il arrive, continuera à travailler partout, et d'abord sur notre continent, d'une part pour l'indépendance des peuples et la liberté des hommes, d'autre part pour la détente, l'entente et la coopération, autrement dit pour la paix. » Charles De Gaulle, Conférence de presse tenue au Palais de l'Elysée, le 9 septembre 1968 Introduction : Une nouvelle ambition pour la paix Dans son Appel du 18 Juin 1940, le Général De Gaulle avait lancé cette affirmation restée légendaire : « Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas. ». Nous devons aujourd’hui continuer à porter cette flamme, à défendre la paix et la liberté, dans un monde ébranlé et mouvant. Après 1945, nous avons créé en Europe, les conditions d’une stabilité durable. Le Prix Nobel de la Paix 2012 avait récompensé l’Union européenne, qui avait su favoriser la construction d’un espace uni et apaisé. Mais si nous avons su associer les peuples européens, nous manquons désormais de résolution pour enrayer le cycle terrible des guerres. Nous devons être portés, par une nouvelle ambition pour la paix. Notre vocation n’est pas de nous aligner, mais d’agir en toute indépendance, au service d’une vision partagée. Objectifs : Alors que nous sommes dans une période décisive et historique, pour le monde. Alors que la France va voter pour son nouveau Président de la République, en 2017. Il est aujourd’hui essentiel d’être force de propositions en matière de relations internationales. Contexte : Dans le débat citoyen et politique de 2017, nous devons porter des idées nouvelles et originales. Destinataires : Tous les citoyens sont concernés par les enjeux internationaux.
  • 2. 2 Alors que le monde semble se perdre, dans une logique de conflits incessants, dont les ficelles sont tirées par des acteurs influents et empressés. Alors que de grands empires activent tous leurs leviers d’influence et d’action, dans une course machinale à la puissance. Alors que l’aventurisme généralisé, paralyse l’expression des intelligences et la recherche d’un véritable sens. Il est temps que la France assume son rôle et son message. Il est temps que l’Union européenne se dote des moyens nécessaires à la conduite d’une véritable action universelle. Il faut une Europe politique, qui s’affirme sur la scène internationale. Il n’y a que l’Europe pour devenir le point d’équilibre d’un nouvel ordre mondial. La France a un rôle déterminant à jouer, dans la construction d’une nouvelle architecture européenne. Elle a aussi une place qui compte dans les relations internationales. C’est à la France et à l’Europe de se remettre en mouvement, pour faire bouger les lignes. Reprendre l’initiative, ouvrir le dialogue, être une force motrice pour l’instauration de la paix. Voilà ce doivent être nos résolutions. Nous ne pouvons plus rester figés dans des schémas dépassés, nous devons recouvrer notre capacité à inventer et à innover. Retrouvons le sens de l’Histoire et portons une véritable vision, au service de la paix et de la réconciliation. I. Rénover la diplomatie occidentale « Le moment est venu de s’atteler au travail de la paix, d’ouvrir les yeux sur les blessures du monde et de nous doter des outils pour construire un nouvel ordre, stable et juste. Des solutions existent, mais elles nécessitent de la patience, de l’imagination, de la volonté. Pour contrer les épopées mensongères de la guerre, nous avons besoin d’un récit de la paix, qui constitue le grand défi, le seul héroïsme possible de notre temps, adapté à un monde fragile aux identités blessées, en mal de réconciliation. J’ai la conviction que la France a un rôle à jouer dans ce nouveau monde, à condition de retrouver sa vocation d’initiative, de médiation et de dialogue, fidèle à son message et à son histoire. » Dominique De Villepin, « Mémoire de paix pour temps de guerre » A.Un monde instable Le monde actuel est plongé dans une forte instabilité, qui s’illustre le plus clairement au Moyen-Orient, alors que les Etats-Unis et la Russie sont engagés dans des processus incertains. Barack Obama, la symbolique de l’impuissance « Avec son élégance patricienne, sa rigueur intellectuelle de professeur de droit de la côte Est et son penchant idéaliste, Barack Obama paraît quelque peu décalé dans les États-Unis du début du XXIe siècle. Accordant du temps à la réflexion et à la raison, il contrôle à l’extrême chacun de ses gestes et chacune de ses paroles. Tout semble chez lui un exercice brillamment maîtrisé au long d’un parcours d’obstacles, de la séance du Conseil de sécurité nationale aux traits d’humour des émissions du samedi soir. Cela, à l’heure où l’Amérique médiatique est hantée par l’irrationnel, l’immédiateté et l’exagération. On dirait l’image d’une Amérique qui se rêve au passé, plus grande, plus sûre d’elle-même et plus ouverte sur le monde qu’elle ne l’est vraiment. Du coup, Barack Obama apparaît comme un président de série télévisée, irréel, sans prise effective, ni symbolique, ni institutionnelle sur l’Amérique de son temps. Reagan était un acteur devenu président. Obama est un politique condamné à jouer le rôle de président. » Dominique De Villepin, « Mémoire de paix pour temps de guerre »
  • 3. 3 Le second mandat de Barack Obama aura concordé avec une montée des tensions, l’affirmation de Daesh ou le scandale de la NSA, provoqué par les révélations d’Edward Snowden. Barack Obama au-delà de ses élans oratoires, n’aura engagé aucun changement fondamental à la hauteur de son verbe. Virtuose de la communication, il aura été désemparé face aux défis majeurs qui ont marqué l’actualité internationale de ces quatre dernières années. Les réussites de la politique étrangères de Barack Obama sont bien maigres. Le Quarante-quatrième président des Etats-Unis d’Amérique a obtenu des avancées, comme l’accord sur le nucléaire iranien, la reprise des relations diplomatiques et commerciales avec Cuba et la ratification de l’accord de Paris sur le climat, avec les Chinois. Barack Obama avait tiré les leçons des politiques menées tant en Afghanistan qu’en Irak, en opérant un retrait des troupes américaines et en privilégiant une approche qu’il a théorisée sous le concept « leading from behind » (diriger depuis l’arrière). L’ancien président américain avait ainsi engagé une métamorphose de la puissance américaine. Mais Barack Obama n’a pas su trouver les fondements d’une action nouvelle, au service de la paix. Il ne s’est pas engagé sur le chemin d’une gouvernance partagée, avec les autres nations. Les yeux tournés vers l’Asie, les Etats-Unis se sont perdus au Moyen-Orient, à force d’improvisation. Sans vision et sans réelle stratégie, Barack Obama s’est montré impuissant face au nouveau conflit majeur qui secoue le Moyen-Orient. Son désastreux recul sur la « ligne rouge » en Syrie, a inauguré une longue période d’inertie. L’inaction du président américain a ainsi laissé un boulevard à la Russie de Vladimir Poutine. Quant au conflit israélo-palestinien, l’échec est total. Barack Obama aura surtout marqué ce dossier, à la fin de ses deux mandats, en ne s’opposant pas à la résolution 2334 des Nations-Unies condamnant les implantations israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem, adoptée le 23 décembre 2016. Une résolution qui visait à rappeler l’enjeu de la paix, dans un conflit qui semblait oublié. Le président américain, Prix Nobel de la Paix, aura eu recours à un usage massif des drones de combat, avec leur lot de bavures. Il ne parviendra pas non plus à fermer Guantanamo. Barack Obama a personnifié le désarroi stratégique américain, sur la scène internationale. Il a rompu avec la logique interventionniste américaine, sans arriver à concevoir et à appliquer une stratégie de paix, fondée sur un renouveau des relations internationales. Barack Obama n’était pas le visionnaire qu’il prétendait être. L’ancien président des Etats- Unis a incarné en mots, en discours, en gestes. Mais que ce soit sur le plan intérieur ou extérieur, il est resté désemparé, face à de nombreuses situations. Barack Obama a ainsi construit la symbolique de sa propre impuissance, jusqu’au terme de ses deux mandats. Face à la montée de Donald Trump et à sa victoire, encore une fois, Barack Obama aura été incapable de porter une action décisive. L’action du Président sortant étant limitée par la Constitution américaine, qui empêchait une nouvelle candidature de sa part. Comme si au-delà de ses aspirations les plus enracinées, Barack Obama aura toujours été contraint de se plier à la réalité d’un pouvoir, qu’il a tenté d’exercer avec pragmatisme, mais qu’il n’est pas arrivé à mettre pleinement au service des espoirs, qu’il avait su si bien incarner. Donald Trump, l’inconscience frénétique « Les mots pourront sembler excessifs. Ils peuvent choquer mais comment décrire ce qui se passe à Washington autrement qu’en disant que le nouveau président des Etats-Unis est un incapable, débordé par des dossiers qu’il ne maîtrise pas et de plus en plus indigne de ses fonctions ? Comme dans la fable, le roi est nu, seul à se croire paré des plus beaux atours. » Bernard Guetta, journaliste, chronique sur France Inter, du 16 février 2017 Le nouveau Président américain, l’homme d’affaires Donald Trump, affectionne les saillies inattendues et avait tenu un discours anti-européen, tout en ayant exprimé clairement son rejet de l’OTAN. Avant de revenir sur ses déclarations et de considérer « l’importance fondamentale de l’OTAN », avec Angela Merkel, lors d’un entretien téléphonique, en janvier 2017.
  • 4. 4 Imprévisible et opportuniste, Donald Trump s’était lancé dans un départ frénétique, les sept premiers jours de son mandat : fin de l’Obamacare, la couverture médicale pour tous ; annonce du retrait américain de l’accord de libre-échange trans-pacifique et de la renégociation de l’accord de libre-échange entre les Etats- Unis, le Mexique et le Canada ; suppression des subventions aux ONG soutenant les interruptions de grossesse; gèle de l’embauche de nouveaux fonctionnaires ; relance de deux projets d’oléoducs dont les défenseurs de l’environnement avaient obtenu l’abandon ; lancement de la construction d’un mur à la frontière mexicaine ; déclaration de guerre à la presse américaine ; déclenchement d’une crise diplomatique avec le Mexique. Mais la signature le 27 janvier 2017, par le Président américain d’un décret anti-immigration, était ce qui avait le plus marqué ce tout début de mandat. Le décret interdisait pendant quatre-vingt-dix jours, toute entrée sur le territoire américain aux ressortissants de sept « pays à risques », à majorité musulmane : le Yémen, l’Iran, la Libye, la Somalie, le Soudan, la Syrie et l’Irak. Il bloquait également pendant quatre-vingt-dix jours, les entrées de réfugiés venant de ces pays. La liste des « pays à risques » avait été établie par une loi de 2016, auquel le texte faisait référence. Le texte stoppait également le processus d’admission des réfugiés du monde entier, pendant cent-vingt jours. Ainsi ce décret, qui épargnait les ressortissants d’Égypte, des Émirats arabes unis, de l’Arabie Saoudite ou de la Turquie, fermait la porte aux familles fuyant des pays en guerre, aux victimes du terrorisme et faisait de tout musulman, un adversaire. Or les partenaires au sol des américains contre Daesh, sont des ressortissants irakiens ou syriens, des musulmans alliés des Etats-Unis. Ce décret qui en faisait des suspects, était de nature à compromettre des alliances essentielles. Nous avons assisté ainsi à la mise en scène trompeuse et catastrophique, d’une fracture entre l’Occident et le monde musulman, ce qui n’a fait qu’alimenter la propagande des djihadistes qui présentent l’Occident en ennemi perpétuel de l’Islam. L’Iran avait riposté à ce décret, en appliquant le principe de réciprocité. L’application du décret présidentiel avait finalement été suspendue par l’action d’une Justice indépendante. Le lundi 6 mars 2017, le président américain a signé un nouveau décret migratoire, pour une entrée en vigueur le 16 mars 2017. L’Irak n’est plus visé et le gouvernement irakien s’en est félicité. Washington s’est ainsi montré plus attentif à un allié essentiel dans la lutte contre Daesh et le terrorisme. Mais ce nouveau décret reprend les principales dispositions de l’ancien, avec la même capacité à diviser, à susciter l’incompréhension et l’indignation, à créer un climat d’opposition favorisant l’endoctrinement des djihadistes. En outre, la rupture avec l’Iran est désormais clairement engagée. L’accord sur le nucléaire iranien est l’obsession du nouveau président américain, résolu à contrer l’influence grandissante de l’Iran. Alors qu’un rapprochement semblait se dessiner entre Donald Trump et Vladimir Poutine, notamment dans le contexte de la lutte contre Daesh, ce positionnement américain entre en collision avec la stratégie russe. En effet, Vladimir Poutine tente de composer avec l’Iran chiite. En prenant clairement parti pour une alliance directe avec les sunnites, les Etats-Unis perdent toute possibilité de remplir un rôle de modérateur au Moyen-Orient. « Sur Donald Trump, on a entendu en Europe beaucoup de gémissements et de cris d’orfraie. Il faut dépasser cette sidération. Les Européens, du moins les trois ou quatre dirigeants qui pèsent, devraient dire: «Vous voulez sortir de l’accord sur le climat? C’est une erreur. Nous continuons à l’appliquer y compris avec la société civile et des entreprises de votre pays.» C’est ce que les Chinois ont annoncé, Donald Trump veut casser l’accord sur le nucléaire iranien? Les Européens n’ont qu’à répondre: «c’est un accord international que nous continuerons à appliquer. Si vous voulez nous empêcher de le faire par des sanctions extraterritoriales et judiciaires, nous créerons un système d’échange avec les émergents, la Russie et la Chine pour travailler malgré tout avec l’Iran.» Si nous sommes capables de prendre ce genre de position, le grand business américain fera pression sur Donald Trump. » Entretien sur l’état du monde avec Hubert Védrine, recueilli par Christophe Ayad et Marc Semo, paru dans le Monde des 15 et 16 janvier 2017
  • 5. 5 Donald Trump est un abonné des incohérences : d’abord fermement hostile à la Chine, il se montre aujourd’hui très coopératif avec le président chinois. Condescendant dans un premier temps avec le Japon, il a resserré ses liens avec le premier ministre japonais. Vladimir Poutine avait misé sur le candidat Trump lors des élections présidentielles américaines et espérait un rapprochement inédit. Et Donald Trump donnait l’impression de vouloir aller dans ce sens, avant un dernier retournement : lors de la recrudescence de tension en Ukraine orientale, en février 2017, la représentante américaine aux Nations Unies avait affirmé qu’il n’y aurait pas de levée des sanctions contre Moscou tant que durera l’annexion de la Crimée, autant dire longtemps, et Donald Trump en personne avait félicité la Lituanie pour son soutien aux Ukrainiens. Ajoutons à cela qu’un tweet de Donald Trump du 15 février 2017 affirmait : « Crimea was TAKEN by Russia during the Obama Administration. Was Obama too soft on Russia? », c’est-à-dire : « La Crimée a été PRISE par la Russie sous Obama. Obama a-t-il été trop mou avec la Russie ? ». Le même Trump qui, encore une fois en un tweet, saluait le 30 décembre 2016, «l’intelligence» de Vladimir Poutine moins de 24 heures après une longue série de sanctions prises contre Moscou, par le président sortant Barack Obama. Ce ton de rupture avec la Russie, intervenait alors que les révélations se multipliaient sur les contacts entre l’équipe de Trump et l’ambassade russe. Une situation qui avait interpellé le Congrès, y compris sa majorité républicaine, sur la nature réelle des liens entre Donald Trump et le Kremlin. Benjamin Netanyahu, Premier ministre israélien, voulait lui aussi croire que Donald Trump renverserait les rapports entre les Etats-Unis et Israël, notamment après l’abstention américaine, lors de l’adoption de la résolution 2334 par le Conseil de sécurité des Nations Unies, le 23 décembre 2016, qui avait réaffirmé la solution à deux Etats. En février 2017, Donald Trump se montrait plus prudent sur le conflit israélo-palestinien, en prenant position contre la colonisation. Lors de la visite de Benyamin Nétanyahou aux Etats-Unis, le président américain suscita de vives réactions en dissociant pour la première fois l’objectif d’une paix entre Israël et les Palestiniens de la solution à deux Etats. Donald Trump souhaite maintenir de bonnes relations avec Israël, notamment pour contrer l’influence iranienne, tout en tenant compte du contexte international. Loin d’un revirement dans les rapports avec Israël, Donald Trump semble plutôt tâtonner dans sa recherche d’une nouvelle coopération avec l’Etat hébreu. Le dirigeant américain exprime des volontés, des souhaits, des orientations, mais n’ayant conçu aucune stratégie adéquate pour les mener à bien, il s’arrête en chemin, se contredit, cherche laborieusement à avancer au milieu de nombreux facteurs qu’il n’avait pas anticipé. Le mardi 28 février 2017, le président américain avait prononcé son premier discours devant le Congrès, avec un ton plus mesuré et dans une démarche plus consensuelle. Il avait déroulé les principaux axes de sa politique et annonçait notamment une hausse considérable de l’effort militaire. L’administration Trump semble s’orienter vers une politique classiquement conservatrice, où l’appareil militaire est clairement privilégié au détriment du dispositif diplomatique. Le samedi 4 mars 2017, rattrapé par le dossier russe, Donald Trump quittait sa posture présidentielle et attaquait fortement Barack Obama, l’accusant de l’avoir placé sur écoute peu avant sa victoire à la présidentielle américaine. L’instabilité chronique de Donald Trump se manifestait à nouveau. Dans ce contexte d’inconstance du positionnement américain et de redéfinition des relations internationales, l’Union européenne doit engager un processus déterminant de structuration diplomatique et militaire. Nous avons vocation à prendre nos responsabilités sur la scène internationale. Après tant de tergiversations, il est temps de retrouver le sens de l’action.
  • 6. 6 La grave erreur de la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN « Et enfin la volonté de la France de disposer d'elle-même, ce qui est indispensable pour qu'elle croit à son propre rôle et pour qu'elle puisse être utile aux autres ; cette volonté de la France est incompatible avec une organisation de défense, dans laquelle elle est subordonnée. » Charles De Gaulle, Conférence de presse du 21 février 1966 La France a commis une grave erreur en réintégrant en 2009, le commandement intégré de l’OTAN. Ce retour est allé à contre-courant de l’Histoire. La décision du Général De Gaulle en 1966, de sortir la France de ce commandement intégré, avait été un choix visionnaire. Le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN a grandement porté atteinte à l’indépendance nationale. La France s’est éloignée de ce qui était sa mission première : la défense de ses idéaux de paix et de justice. Elle s’est enfermée dans une logique de la guerre. Nous nous sommes perdus dans des opérations militaires répétées, sans aucune vue d’ensemble, aucune stratégie. Nous ne pensons plus le monde, nous improvisons en fonction des aléas, sans aucune anticipation et souvent pour s’inscrire dans une posture, plus que dans une réelle efficacité. Dominique De Villepin l’a récemment rappelé, notre diplomatie a perdu de sa force, elle est passée au second plan, derrière les exigences de l’outil militaire. L’Hôtel de Brienne a pris le pas sur le Quai d’Orsay. Nicolas Sarkozy puis François Hollande ont aimé camper la posture du chef de guerre, du chef des armées face à ses responsabilités qui agit fermement. L’un en Libye, l’autre au Mali. L’intervention militaire est devenue pour les Présidents français, un moyen de démontrer leur capacité d’action, alors qu’ils se montrent bien impuissants sur de nombreux dossiers, notamment sur le plan intérieur. Nous devons sortir de cette spirale, de cette théâtralisation malsaine de la guerre. Nous devons sortir de la militarisation des esprits, pour nous rappeler qu’une intervention doit s’inscrire dans une vision globale, avec une stratégie définie. Une intervention militaire ne se suffit pas à elle-même. En outre, la solution armée est le dernier recours quand toutes les autres voies ont échoué. Cessons de faire de la guerre, un instrument de communication et de popularité. L’action armée doit être un acte murement réfléchi, préparé, au service d’une architecture stratégique cohérente, inscrite dans le long terme. La Russie joue au-dessus de ses capacités La Russie de Vladimir Poutine veut s’affirmer dans le monde, être décisive sur la scène internationale, s’imposer comme une puissance qui compte. Les russes demeurent traumatisés par la chute de l’URSS et Vladimir Poutine conduit une politique offensive, visant à redonner sa fierté au peuple russe. George W. Bush et Barack Obama ont commis l’erreur de vouloir étendre l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie, ce qui finalement n’a pas été accompli. Vladimir Poutine a riposté, en démantelant la Géorgie, annexant la Crimée, déstabilisant l’Ukraine orientale et reprenant pied au Proche-Orient sous prétexte d’aller combattre le terrorisme en Syrie. Le dirigeant russe n’a été que dans une politique de réaction, par rapport aux initiatives ou à l’immobilisme du camp occidental. Vladimir Poutine veut montrer la force de son pays et sortir consolidé d’une logique de rapport de forces permanent. Au Moyen-Orient, Vladimir Poutine, avec un cynisme assumé et redoublé, a joué rapidement, en employant de manière décisive l’usage des armes. Il a opté pour un choix politique, en soutenant Bachar El-Assad, en Syrie. La Russie, de façon constante depuis la Tchétchénie, a conduit une politique d’intervention aveugle, aux conséquences terribles et tragiques. Une stratégie implacable qui coûte chère à la Russie. Les sanctions adoptées par l’Europe et les Etats-Unis épuisent l’économie russe. En outre, ni l’état des finances et des armées russes ne permettent à Vladimir Poutine de transformer l’essai en Syrie et de remettre la main sur l’Ukraine.
  • 7. 7 La Russie, c'est le PIB de l'Italie avec le budget militaire de la France et plus de 140 millions d'habitants à servir. La Russie qui joue clairement au-dessus de ses capacités, arrive à bout de ses possibilités militaires. Vladimir Poutine, l’empressement cynique Vladimir Poutine, voulant imposer l’image d’une Russie forte, opère toujours de la même manière : des attaques rapides et ciblées. Opportuniste, il attend la bonne occasion tel un prédateur à l’affut, pour bondir sur sa proie. Avec un régime autoritaire, tel un Tsar incontestable, Vladimir Poutine est le seul à décider, il est le maître des opérations et dès ses premiers pas à la tête de la Russie, il s’est imposé comme un dirigeant intransigeant, n’acceptant aucune contestation, mettant au pas les médias et l’oligarchie. Rapide et impitoyable, Poutine mène une stratégie offensive, qui lui donne des avantages, dans le cadre d’une communication frénétique, d’une propagande forcenée, tout en faisant mener des opérations de désinformation dans les pays occidentaux, soutenant les partis extrémistes, infiltrant le système politique occidental et déstabilisant les régimes occidentaux avec des cyberattaques. Vladimir Poutine veut mener le combat sur tous les fronts, s’affirmer dans tous les domaines, paraître comme fort et absolu. Au-delà de cette guerre de l’image dans laquelle il accumule les atouts, le maître du Kremlin n’est pas dans les faits, cette force impérieuse qu’il souhaite incarner. Il en est conscient et c’est pour cette raison, qu’il joue vite. Sa faiblesse réelle s’accroit dans la durée. Et le voilà, de nouveau poussé à la précipitation dans le dossier syrien. Le voilà pressé d’en finir. Profitant de la période de transition politique américaine, Vladimir Poutine avait accéléré, en organisant avec l’Iran, la Russie et la Turquie, un sommet sur l’avenir de la Syrie, le 20 décembre 2016, à Moscou. La voie de la précipitation, n’est pas celle que nous devons prendre. Nous avons mesuré, dans le camp occidental, toutes les erreurs qui ont été commises, dans des actions trop hâtives et irréfléchies. C’est à l’Europe d’opérer un véritable travail de médiation, tout en verrouillant ses brèches, afin de se renforcer face aux opérations de déstabilisation russes. B. Vers un monde responsable Nous devons engager un réel processus de paix au Moyen-Orient et nous devons engager les réformes nécessaires, afin de mener des actions opérantes au service de la stabilité du monde. Demeurer unis Nous avons assisté le mercredi 6 juillet 2016, à la publication du rapport de la commission d'enquête sur l'engagement du Royaume- Uni dans la guerre en Irak en 2003. Un rapport accablant pour l'ex- Premier ministre Tony Blair. George W. Bush et Tony Blair se sont fondés sur le mensonge et la manipulation, pour entrainer leurs pays dans une invasion prématurée, alors que l’action militaire n’était pas inévitable. Le 14 février 2003, Dominique De Villepin, Ministre des Affaires étrangères de la France, avait prononcé un discours historique devant le Conseil de sécurité de l’ONU, contre la guerre en Irak. La vérité de ce discours résonne encore aujourd’hui. La France avait fait le choix de la vérité et l’Allemagne s’était retrouvée sur la même voie. C’est ce devoir de vérité et cette volonté d’instaurer la paix qui doivent guider notre diplomatie. Dès que nous oublions notre mission de paix, nous tombons dans tous les pièges, nous commettons toutes les erreurs. La guerre en Irak avait enclenché la création de Daesh. Aujourd’hui, en 2017, nous devons en tirer définitivement les enseignements. Nos ennemis sont la précipitation et la désunion. A l’inverse, nos forces résident dans notre capacité à nous inscrire dans la durée et à rester cohérents.  Tenir un discours de vérité, défendre nos valeurs  Servir un réel projet de paix  Face à l’instabilité du monde, l’Europe doit demeurer unie
  • 8. 8 Alors que Daesh cherche à propager le virus de la violence et de la division, nous devons nous rappeler que nous ne gagnerons qu’en demeurant unis et qu’en encourageant l’unité partout où elle est menacée. La diplomatie occidentale est appelée à se rénover. Et l’Europe a vocation à participer à cette rénovation. Les européens doivent devenir des médiateurs « Non seulement les frontières du Liban, de l’Irak et de la Syrie sont d’ores et déjà effacées mais le Proche-Orient ne trouvera de paix durable que le jour où ses communautés ethniques et religieuses auront les moyens de se gouverner par elles-mêmes dans la définition d’un équilibre régional entre Riyad et Téhéran. » Bernard Guetta, Editorial dans Challenges, du 31 mars 2016 Alors que Daesh recule sur tous les fronts, la Russie s’active et cherche à obtenir un accord, pour s’extraire du bourbier syrien qui lui coûte tellement. Le mardi 20 décembre 2016, l'Iran, la Russie et la Turquie avaient organisé à Moscou, un sommet sur l'avenir de la Syrie, écartant les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite. La Russie, la Turquie et l'Iran avaient posé les modalités d’un cessez-le-feu établi le 30 décembre 2016, ainsi que de négociations politiques à venir sur le futur du pays. Le 24 janvier 2017, à l’issue de la réunion d’Astana, la Russie, la Turquie et l’Iran avaient trouvé un accord pour consolider le cessez-le-feu, mais aucune avancée décisive n’avait été obtenue vers une résolution définitive du conflit. Le 23 février 2017, l’opposition et le régime syrien se sont retrouvés à Genève en Suisse, sous l’égide des Nations unies (ONU), pour ouvrir un cycle de pourparlers, le processus de « Genève 4 ». Les discussions à Genève qui se sont déroulées jusqu’au 3 mars 2017 n’ont provoqué le départ d’aucun des belligérants, tout en avançant à tous petits pas, encore une fois sans évolution majeure. Le cessez-le-feu instauré le 30 décembre 2016, après la chute d’Alep, reste trop fragile. Bachar El-Assad a repris l’avantage sur le terrain grâce au soutien de l’aviation russe et des troupes mobilisées par l’Iran. Le dictateur syrien estime être en position de force et n’est disposé à aucune concession politique. La Russie voudrait sceller un compromis entre le pouvoir et l’opposition et s’affirmer comme une force de paix, tout en maintenant de bonnes relations avec les Iraniens, les Saoudiens et les Turcs. Elle est encore loin d’avoir atteint ses objectifs. L’ambition de Vladimir Poutine se confronte à la réalité complexe du Moyen-Orient. Si elle fait parler de lui, il n’a abouti à aucun progrès tangible, et le positionnement américain désormais clairement pro-Arabie Saoudite va encore compliquer l’équation. L’Iran chiite veut ancrer la Syrie dans sa sphère d’influence régionale. A cette fin, elle souhaite la victoire de Bachar El-Assad, issu de la branche alaouite du chiisme, et la défaite des insurgés sunnites. Les Iraniens ne veulent pas de vrais compromis avec l’insurrection. Quant à la Turquie sunnite, elle ne souhaite pas laisser l’Iran chiite prendre le contrôle de la Syrie. Les Turcs ne se sont alliés aux russes et ont renoncé à un départ immédiat de Bachar El-Assad, que pour freiner les Kurdes syriens.  L’Europe doit se mettre en relation avec tous les acteurs, pour effectuer un réel travail de médiation  Nous ne devons pas conforter la croyance d’une guerre entre l’Occident et l’Islam  Il faut engager au Moyen-Orient, un processus de stabilisation  L’Europe a le devoir de retrouver l’initiative sur le plan diplomatique
  • 9. 9 La Turquie sunnite avait longtemps entretenu une relation de connivence tacite avec Daesh, avant de prendre peur. Menacée par le renforcement de l’Etat islamique comme l’ensemble des régimes sunnites, la Turquie avait cessé tout soutien à ces djihadistes. Armés et financés par les Américains, les Kurdes reprenaient les villes et villages abandonnés par Daesh, ce qui les rapprochait d’un contrôle de tout le nord de la Syrie, et donc de toute la frontière avec la Turquie. Or c’est cette zone qui longe les régions kurdes de Turquie. Décidée à contrer l’action des Kurdes et à empêcher une dislocation de son Etat, la Turquie avait ainsi lancé une offensive en territoire syrien, le 24 août 2016. Les calculs à court terme sont les seuls moteurs d’acteurs à l’interventionnisme exacerbé, toujours dans le cadre d’une situation d’antagonisme entre l’Iran et l’Arabie Saoudite. Les tensions n’ont cessé de croître entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, champions du chiisme et du sunnisme, des deux religions de l’islam, qui s’affrontent afin d’obtenir la prédominance régionale par alliés chiites et sunnites interposés. Le Moyen-Orient peut aller encore plus loin dans l’enchaînement autodestructeur qui se déroule sous nos yeux. Nous sommes dans un contexte de guerre totale, entre les deux Islams. Il est primordial de mettre tous les acteurs autour de la table, sans établir des clubs fermés, excluant les uns ou les autres. Nous devons, nous européens, porter un projet politique, une vision du monde. La Russie n’a pas de vision, elle se contente de servir ses intérêts propres et se trouve des alliés de circonstance, pour soutenir sa position. Depuis l’arrivée de Donald Trump, les Etats-Unis sont en conflit direct avec l’Iran, et se perdent dans des positionnements caricaturaux, voire dangereux. L’Europe doit définir un projet et se donner les moyens de le faire réussir, en se mettant en relation avec tout le monde. Le Général De Gaulle avait conduit de 1958 à 1969, une action visionnaire en matière de politique internationale. Nous devons en revenir à ses fondements, retrouver notre indépendance, retrouver ce sens du dialogue et cette volonté de construire la paix. Nous devons mener un réel travail diplomatique, en nous servant de notre imagination, de notre capacité d’initiatives. Il est important de créer les conditions d’une espérance, au Moyen-Orient. L’Europe et les Etats-Unis se sont trop avancés dans ce conflit. Nous devons éviter le piège dans lequel veut nous entrainer Daesh, nous ne devons pas conforter la croyance d’une guerre entre l’Occident et l’Islam. Nous ne devons pas nous prêter à des jeux de guerre, nous devons devenir une force de diplomatique, au service de la paix. Dans la lutte contre le terrorisme, l’enjeu politique est fondamental. Il y a un malaise propre au Moyen-Orient qu’il appartient aux pays de la région de résoudre. C’est un processus de stabilisation, mis en œuvre par les Etats du Moyen-Orient et soutenu par le camp occidental, qui doit être engagé et valorisé. L’Europe a le devoir de retrouver l’initiative sur le plan diplomatique, afin d’aboutir à de véritables résultats, qui iront dans le sens d’un équilibre et donc d’une défaite politique de Daesh. Mettons-nous en capacité de devenir des médiateurs, en relation avec les tous les acteurs. « Il faut réintervenir dans le jeu. Et nous, nous aurions intérêt, nous français d’ailleurs, à avoir une capacité à parler aux Iraniens, comme on le fait aux Saoudiens et aux autres. Parler, discuter, aller au-delà, avoir des projets, ça c’est sur la gestion sunnites- chiites. Dans l’affaire de Syrie, il faudrait - c’est compliqué, on repart de loin - convaincre Poutine, qui va être préoccupé par l’influence des Iraniens, et qui va lui- même s’embourber, même si ça nous remet pas dans le jeu automatiquement, le convaincre qu’il aura intérêt à parler avec nous de comment pourrait fonctionner la Syrie de demain. Qu’on redevienne la France, laboratoire diplomatique, source d’ingénierie politique, c’est une chose qu’on sait faire aussi, sur l’avenir de ces pays. Là on peut peut-être rentrer, mais il faut qu’on ne soit pas trop en désaccord avec les autres européens, que Trump ne soit pas l’éléphant dans le jeu de quilles dans l’affaire, bon. Il y a des conditions à remplir. » Hubert Védrine, Internationales, émission du 12 mars 2017
  • 10. 10 Trouver un accord avec la Russie « Il ne faut pas parler avec tout le monde, par manie ou par faiblesse, on parle avec tout le monde si c’est nécessaire. […] Il s’agit pas de le faire parce qu’on parle à n’importe qui. C’est d’ailleurs à peu près inutile de parler avec Assad à mon avis, même en termes très réalistes. On a besoin de parler avec les russes, on aurait dû le faire d’ailleurs dès l’origine de la guerre civile en Syrie. Et il faut parler aux Iraniens. » Hubert Védrine, Internationales, émission du 12 mars 2017 Nous devons faire cesser le conflit syrien et engager un dialogue avec la Russie, les représentants du Gouvernement syrien et de l’opposition. Tant que la dynastie Assad et la minorité chiite dont elle est issue garderont le pouvoir, la majorité sunnite de la population syrienne continuera à se regrouper dans un combat identitaire, ce qui ouvrira toujours des perspectives aux djihadistes. La Syrie a besoin d’unité politique et cette unité ne sera possible qu’avec le départ de Bachar El-Assad. Selon la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations Unies (18 décembre 2015), la Syrie doit entamer un processus de transition politique, pour aboutir à une gouvernance crédible, inclusive et non sectaire, afin d’établir une Constitution permettant l’organisation d’élections libres et régulières, sous la supervision de l’ONU. La véritable solution pour la Syrie serait de former un gouvernement de transition avec des hommes du régime et de l’opposition, de lui confier tous les pouvoirs, y compris militaires, qui sont jusqu’à présent dévolus à Bachar El-Assad et de faire de la Syrie un Etat fédéral dans lequel chacune des communautés disposerait de la plus large autonomie au sein de ses propres cantons. Le 17 juillet 2014, Le vol 17 Malaysia Airlines (MH17), un vol international régulier reliant Amsterdam (Pays- Bas) à Kuala Lumpur (Malaisie), avait été abattu dans la région de Donetsk, en Ukraine, alors que s’affrontaient forces loyalistes et séparatistes prorusses. Aucun survivant n'avait été retrouvé parmi les 283 passagers et 15 membres de l'équipage. A la suite de l’accident du vol MH17 en Ukraine, dans lequel ont péri 193 Néerlandais (deuxième catastrophe aérienne la plus grave de l’histoire du pays), les Pays-Bas conduisent l’enquête internationale sur le crash. En juillet 2015, lors du vote au Conseil de sécurité de l’ONU, la Russie avait opposé son veto à la création d’un tribunal spécial chargé de juger les responsables du crash, demandée par les Pays- Bas, la Malaisie, l’Australie, la Belgique et l’Ukraine. Le rapport du Bureau de Sécurité néerlandais sur la destruction du vol MH17 avait été rendu public, le 13 octobre 2015. De nouvelles conclusions, présentées par les enquêteurs de la Joint Investigation Team (JIT : Belgique, Malaisie, Australie, Pays-Bas et Ukraine) le 28 septembre 2016, avaient confirmé le rapport du 13 octobre 2015. Le parquet néerlandais avait ainsi assuré que le missile qui avait abattu l’avion de la Malaysia Airlines en 2014, avait été fourni par la Russie et avait été tiré depuis une zone tenue par les rebelles prorusses. Dans l’attente des conclusions finales de l’enquête pénale sur les 100 individus identifiés comme impliqués dans le tir du missile, les Pays-Bas réfléchissent avec leurs partenaires de la JIT au mécanisme juridique à établir. C’est cette tragédie du crash du vol MH17 qui avait ouvert la voie aux sanctions face à la Russie. Une réaction ferme s’imposait, afin de signifier à la Russie que ses agissements étaient inacceptables. Le 29 juillet 2014, l’Union européenne adoptait une importante série de sanctions économiques. Depuis les sanctions ont été prolongées et Barack Obama avait également annoncé à la fin de son second mandat en décembre 2016, de nouvelles sanctions appliquées par les Etats-Unis, suite à l’ingérence russe dans le scrutin présidentiel américain.  Engager un dialogue avec la Russie  L’unité politique de la Syrie ne sera possible qu’avec un départ de Bachar El-Assad  Il faut respecter la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations- Unies  La Syrie doit entamer un processus de transition politique et devenir un Etat fédéral
  • 11. 11 Ainsi si les sanctions économiques contre la Russie en 2014, ont eu un sens, il est désormais temps de repenser notre politique en la matière et de l’intégrer dans les nouveaux enjeux qui sont apparus. Il est inutile de se précipiter dans une escalade aux sanctions. Il est temps désormais de définir une issue constructive, entraînant de réels résultats diplomatiques. Un dispositif d’achèvement des sanctions pourrait être établi, en suivant l’évolution de nos aboutissements diplomatiques. En effet, en échange de certaines avancées en Ukraine, en Géorgie et en Syrie, les sanctions pourraient être graduellement levées. D’un côté la Russie pourrait s’engager résolument dans la voie d’un réel processus, en n’interférant plus dans la vie intérieure de l’Ukraine et de la Géorgie, ainsi qu’en acceptant de travailler à un vrai compromis politique en Syrie. Un compromis politique syrien qui pourrait amorcer la négociation d’accords régionaux de stabilité et de coopération, entre les camps sunnite et chiite et leurs Etats respectifs. De l’autre côté, à chaque avancée constatée, les européens et les américains pourraient réduire par paliers, les sanctions qui ont été adoptées. Agir avec anticipation « Il ne faut pas attendre une guerre, pour essayer de trouver les moyens de faire la paix, entre Israéliens et Palestiniens. Il faut anticiper et remettre au cœur de l’agenda international, la nécessité d’une paix israélo-palestinienne. » Romain Nadal, porte-parole du ministère des affaires étrangères, sur les conclusions de la Conférence pour la Paix au Proche-Orient Après deux années de silence, la question israélo-palestinienne avait été remise à l’ordre du jour international, le 23 décembre 2016, avec l’adoption de la résolution 2334 par le Conseil de sécurité des Nations Unies. La solution des deux États et la nécessité de la préserver, avaient été alors réaffirmées avec force. Le 15 janvier 2017, était organisée à Paris, une Conférence pour la paix au Proche-Orient, abordant l’enjeu de nouvelles négociations entre Israéliens et Palestiniens. Cette réunion ouverte, avait été présidée par le ministre des affaires étrangères Jean-Marc Ayrault, avec une intervention du Président de la République française. Elle avait rassemblé de nombreux pays ou organisations internationales (70 environ), dont les principaux acteurs internationaux concernés : le Quartet (États-Unis, Union européenne, Russie, Nations- Unies), les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations-Unies, des partenaires arabes, européens, les pays du G20 et autres acteurs intéressés par la paix. Lors de cette Conférence, les Participants avaient réaffirmé leur soutien au règlement juste, durable et global du conflit israélo-palestinien. La nécessité d’aboutir à la coexistence de deux Etats avait été rappelée. En effet, la solution à deux Etats est le cœur des textes internationaux qui ont été adoptés depuis des décennies, pour favoriser une paix durable entre Israéliens et Palestiniens. L’exigence de poursuivre ces travaux avait été réaffirmée, afin de formuler des propositions pour aboutir à une reprise des négociations directes entre Israéliens et Palestiniens, dans l’objectif de conclure un accord de paix. La communauté internationale avait ainsi repris l’initiative, sur la question du conflit israélo-palestinien. Elle avait démontré une capacité d’anticipation et d’action diplomatique. C’est cette diplomatie en mouvement, qui doit continuellement s’activer. Anticiper, rassembler les partenaires, créer les conditions d’une construction continue de la paix. Nous devons avoir la même démarche et obtenir les mêmes engagements, sur tous les dossiers diplomatiques d’envergure.  Il est inutile de se précipiter dans une escalade de sanctions  En échange de certaines avancées en Ukraine, en Géorgie et en Syrie, les sanctions envers la Russie pourraient être graduellement levées  Anticiper, rassembler les partenaires, créer les conditions d’une construction continue de la paix  Assurer une coordination opérante, entre tous les acteurs responsables
  • 12. 12 Il est nécessaire dans certaines situations d’agir dans l’urgence, mais nous devons nous mettre de plus en plus, dans une réelle démarche d’anticipation. Ne nous laissons pas surprendre, comme nous avons pu l’être avec l’émergence de l’Etat Islamique. Captons les signaux, dressons les analyses et engageons les actions nécessaires. Réformer l’ONU « En cette première journée à la tête des Nations unies, une question me pèse sur le cœur : comment venir en aide aux millions d’êtres humains pris au piège de conflits ? En ce jour de l’an, je vous demande à tous de prendre avec moi cette résolution : engageons-nous à faire de la paix notre priorité absolue. » Antonio Guterres, Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Vœux du 1er janvier 2017 Face à un monde instable, ni les Etats, ni les organisations comme l’Union européenne ou les Nations unies n’ont aujourd’hui les moyens d’agir. Il est nécessaire de se mettre en capacité de conduire une action internationale, au service de la construction de la paix et d’un développement « écologiste ». L’ONU doit opérer une réforme structurelle, afin de répondre aux défis de notre temps. Nous devons d’abord améliorer la représentativité du Conseil de sécurité de l’ONU. Il faut ainsi l’élargir, pour instaurer une correspondance avec la réalité de notre monde. Actuellement parmi les membres permanents, nous n’avons aucun État africain, ni sud-américain, ou de grands pays comme l’Inde n’y figurent pas. La redéfinition de l’usage du veto est également une orientation importante à engager. En situation de crimes contre l’humanité avérés, le veto ne pourrait pas être exercé par une grande puissance, de façon à ce que la communauté internationale puisse prendre ses responsabilités. En 2006, Kofi Annan, Secrétaire général de l’ONU, avait mis en avant la proposition d’un droit de veto limité. En 2013, le Président de la République française avait proposé les modalités d’un encadrement. Il consisterait pour les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni et Russie) à s’engager volontairement et collectivement à ne pas recourir au veto, lorsqu’une situation d’atrocité de masse est constatée. Il s’agirait d’une démarche volontaire qui n’impliquerait donc pas une révision de la Charte des Nations unies. Selon la proposition française, cet encadrement s’appliquerait en cas de génocide, de crime contre l’humanité ou de crime de guerre à grande échelle. L’ONU a également besoin d’une force militaire mieux formée, mieux équipée et plus professionnelle. Une vraie armée des Nations unies est aujourd’hui nécessaire. A disposition des grandes régions du monde, cette armée pourrait intervenir, afin de rétablir et de consolider la paix. Il faut donner la priorité à la protection des populations avec des corridors humanitaires, des zones d’interdiction aérienne, des accords de paix locaux, qui seraient très utiles en Syrie.  Elargir le Conseil de sécurité de l’ONU  Redéfinir l’usage du veto  L’ONU a également besoin d’une force militaire mieux formée, mieux équipée et plus professionnelle  Donner la priorité à la protection des populations
  • 13. 13 II. Le monde a besoin d’une Europe forte « Nous souffrons d’une absence de l’Europe et les insuffisances de la diplomatie française nous éloignent du rôle que nous pourrions jouer. […] À l’intérieur même de l’Union européenne, certains États, certains peuples ont le sentiment d’être marginalisés ou rejetés. Le sentiment européen est fragile et menacé. Si on veut que l’Europe entière vote pour les émules de Beppe Grillo, continuons à ne pas comprendre que la première raison du sentiment populiste, c’est l’image d’impuissance que projettent les dirigeants de l’Europe, incapables de trouver des solutions dans chacun de nos États aux problèmes économiques et sociaux, mais aussi à l’échelle de l’Europe. Y remédier signifie concrètement doter l’Europe de nouveaux instruments. Nous souffrons d’un manque de diplomatie, d’un manque de politique, d’États trop faibles, y compris dans notre espace européen. » Dominique De Villepin, L’Humanité, 9 décembre 2016 A.Une refondation européenne Dans la complexité du monde actuel, il est nécessaire d’engager une refondation européenne et de doter l’Union européenne de fondements solides. L’Union européenne doit s’affirmer « Ce contexte nous oblige. Il nous oblige à aller de l’avant. Il nous oblige à une refondation de l’Europe. Pour une Europe plus unie, plus forte, plus politique, qui saura se faire respecter dans le monde. Une Europe en capacité de produire de la croissance durable et du progrès social. Une Europe en capacité d’assumer sa propre défense. Une Europe en capacité d’apporter les bonnes réponses aux défis du monde : migration, développement, climat, terrorisme,...C’est à ces rendez-vous là, à ce rendez-vous là, de la refondation de l’Europe, que nous sommes désormais attendus pas nos concitoyens. » Marielle De Sarnez, Députée européenne, Intervention en Session Plénière du Parlement Européen à Strasbourg, le 18 janvier 2017 L’élection de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, peut être un accélérateur de l’émergence d’une Europe forte et indépendante. Le nouveau Président américain donne un rôle insolite à son pays, et l’engage sur des voies hasardeuses. Donald Trump est aussi fluctuant dans son opinion sur l’Union européenne qu’il ne l’est avec celle qu’il délivre sur l’OTAN : un jour hostile, le lendemain favorable. Cette incohérence démontre que Donald Trump est en perdition dans le monde diplomatique, constamment au bord d’un naufrage redoutable. Nous sommes à un tournant des relations internationales et nous pouvons saisir cette occasion, pour engager une véritable refondation européenne. Nous pouvons édifier une nouvelle Europe qui s’affirme dans le monde. Nous devrons dans les prochaines années, gérer le conflit syrien, l’instabilité chronique du Moyen- Orient, les volontés impérialistes de la Russie, ainsi que l’improvisation américaine. L’Europe a vocation à devenir un pôle de stabilité fort. Engageons-nous sur la voie de l’indépendance, afin de créer une véritable dynamique diplomatique européenne, au service de la paix. Nous sommes et nous serons dans un contexte difficile et exigeant. Reconsidérons le rôle de l’OTAN et construisons une Europe de la Défense, par étapes. Nous avons trop tardés. Nous nous sommes trop contentés de ce que nous avions accompli, qui est considérable mais qui ne suffit plus. Si nous voulons un monde plus stable, alors nous devons nous doter des outils nécessaires. Nous devons construire notre propre capacité d’action, et nous devons agir. Mobilisons toutes nos forces, tous nos potentiels, au service d’un projet européen.
  • 14. 14 Le référendum de 2005 a déstabilisé la construction européenne. Nous devons savoir tourner la page et engager un nouveau chantier, en lien avec les citoyens. Il n’y a pas d’avenir pour la France, en dehors de l’Union européenne. Le Brexit comme l’élection de Donald Trump, nous donnent l’occasion de clarifier notre destin et de définir nos résolutions. Désormais principale puissance militaire de l'Union européenne, seule détentrice de la dissuasion nucléaire, seul membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, la France a un rôle déterminant à jouer. Accueillir Edward Snowden en Europe « Quand Edward Snowden a communiqué à des journalistes, en juin 2013, des documents des services secrets américains, il a révélé l’ampleur de la surveillance de masse exercée au niveau mondial. Il a montré que les gouvernements récupèrent secrètement une large part de nos communications personnelles, notamment des courriels privés, des données de localisation de téléphones, des historiques de navigation sur Internet, et bien d’autres choses encore. Tout cela, sans notre consentement. Grâce à son courage, le monde a changé. Il a lancé un débat au niveau mondial, qui a permis de modifier des lois et a contribué à améliorer la protection de la vie privée. Edward Snowden est un héros des droits humains. » Campagne d’Amnesty International, lancée le 14 septembre 2016 Le Parlement européen avait voté, le 29 octobre 2015, une résolution de 50 articles, condamnant à nouveau la surveillance des citoyens européens par les services secrets européens et américains. Le Parlement avait également adopté, par 285 voix contre 281, un amendement recommandant aux Etats membres de protéger Edward Snowden, l’ancien espion américain qui avait dévoilé en 2013 les programmes de surveillance de la NSA, et qui vit désormais en Russie pour échapper à la justice de son pays. Le texte invitait les Etats membres à « cesser toute action judiciaire contre Edward Snowden et à lui accorder leur protection, et donc d’empêcher qu’il soit extradé ou livré à des pays tiers, en reconnaissance de son statut de lanceur d’alerte et de défenseur des droits humains internationaux ». Exilé en Russie depuis 2013, dans une situation précaire et incertaine, Edward Snowden risque une peine de prison lourde, voire la perpétuité. Il est toujours poursuivi au titre d’une loi de 1917 sur l’espionnage, loi qui ne lui permet pas de défendre les raisons qui l’ont amené à partager ces documents de la NSA. La Russie a accordé à l’ancien consultant de la NSA un droit de résidence pour trois ans sur le sol russe, à compter du 1er août 2014. Ce droit de résidence arrivera donc à expiration au cours de l’année 2017. En outre, le successeur d’Obama à la Maison Blanche, Donald Trump, considère Snowden comme un espion que la Russie doit remettre aux États- Unis. L’Union européenne doit s’imposer dans ce dossier et accueillir Edward Snowden, dans l’un de ses pays membres. La France pourrait prendre l’initiative et se placer à l’avant-garde de ce combat, pour la défense des droits humains. Nous devons affirmer nos valeurs et notre message. L’Europe peut incarner une autre voie sur la scène internationale. Accueillir Edward Snowden en Europe, serait une initiative forte et légitime. Nous avons vocation à défendre dans toutes les affaires de ce monde, les mêmes principes et les mêmes avancées. Le monde a besoin de notre indépendance et de notre lucidité.
  • 15. 15 Faire de l’Europe, un foyer d’innovation stratégique « Rien n’est plus frappant que la faiblesse du débat stratégique en France. On imagine sans peine que je ne suis pas un défenseur du régime politique en Chine. Tous mes choix personnels et démocratiques vont à l’encontre du régime du parti unique communiste hérité de Mao conjugué avec le libéralisme le plus exacerbé. Mais il est une chose que j’envie à la Chine, c’est de penser le monde et le gouvernement à trente ans. De penser à trente ans, les investissements d’Etat, la recherche des ressources. Ils pensent à trente ans. Nous, dans les dernières décennies, ne pensons parfois même pas à trente jours ! » François Bayrou, « Résolution française » Nos sociétés sont trop tournées vers la stimulation de réactions immédiates, non réfléchies. Nous sommes surchargés en commentateurs de l’instantané, professionnels ou non. Ceux qui savent quoi dire, quoi penser, qui nous abreuvent de visions schématiques, rapides et finalement superficielles. Nous avons au contraire besoin de penser le long terme, l’avenir, de remettre en cause ce qui doit l’être, de trouver des solutions, de formuler des propositions. Cessons de nous projeter toujours sur le lendemain, projetons-nous dans 30 ans, 50 ans. Cessons de nous réconforter dans des systèmes dépassés, ayons le courage et l’imagination de les repenser. Il est temps de mettre fin à une forme de paresse intellectuelle, à la justification improductive de l’inefficacité pour se maintenir dans un immobilisme commode et mortifère. L’Europe doit se mettre en mouvement. Nous devons faire le pari de l’intelligence stratégique. La stratégie, c’est comprendre notre monde et préparer celui qui viendra. C’est cerner l’ensemble des enjeux, trouver des solutions et des plans d’action. La stratégie, c’est ce qui nous permettra d’agir efficacement et de sortir de notre désarroi, de notre inaptitude à penser. Mettons-nous en capacité de structurer une stratégie solide, au service de notre vision et de nos valeurs. Instaurons en Europe, des formations permettant aux jeunes mobilisés par les enjeux géopolitiques, de s’investir dans ces domaines, pour en faire leur activité professionnelle. Nous avons besoin d’un vrai Centre de recherche et de formation, à dimension européenne. L’Europe est un cadre évident, pour organiser des structures de formation et de recherche, portant sur des projets de dimension géopolitique. Nous n’avons pas su porter un véritable modèle éducatif européen, un véritable modèle de recherche, alors que nous avons des atouts indéniables. La Diplomatie, les relations internationales, la stratégie, sont des secteurs que nous devons impérativement développer. Sortons des schémas pédagogiques dépassés, incarnés par les structures éducatives nationales. Aménageons des dispositifs innovants, permettant de partir des points forts des individus, afin de les inscrire dans une dynamique positive et d’améliorer leur niveau dans d’autres domaines. Arrêtons de vouloir mettre tout le monde à un niveau standard et arbitraire, nous ne faisons que freiner nos potentiels, nous ne faisons que ralentir notre dynamique. Nous avons trop longtemps négligé l’intelligence stratégique. A nous de créer les dispositifs permettant de la valoriser, de la travailler et de l’exploiter, pour en faire une force au service de la construction de la paix.  Nous devons créer en Europe, des formations permettant aux jeunes mobilisés par les enjeux géopolitiques, de s’investir dans ces domaines, pour en faire leur activité professionnelle  La Diplomatie, les relations internationales, la stratégie, sont des secteurs que nous devons impérativement développer  Valoriser, travailler et exploiter l’intelligence stratégique, pour en faire une force au service de la construction de la paix
  • 16. 16 Une Europe qui écoute, une Europe qui agit « L’essentiel de la crise européenne s’explique par l’absence de démocratie réelle. L’Europe s’est construite avec des spécialistes, non avec le peuple: cela vient de la méthode de Jean Monnet, faire l’Europe avec des responsables éclairés, sans trop s’attacher aux désirs des peuples. On comprend bien qu’au lendemain de la guerre, les peuples n’avaient évidemment pas envie de fraterniser avec le voisin responsable de millions de morts. Il a fallu des gens incroyablement généreux pour surmonter ce ressentiment. Seulement la méthode de Monnet ne peut plus marcher: au fur et à mesure que le temps a passé, l’exigence démocratique a grandi. » François Bayrou, la Revue des Deux Mondes (décembre 2016 - janvier 2017) L’Europe doit pouvoir se concentrer sur des projets clés, comme la mise en place d’un parquet antiterroriste et d’un FBI européens, l’application d’une politique énergétique permettant de baisser les coûts de l’électricité et du gaz pour les citoyens européens, l’instauration d’une Europe de la défense. Elle doit, dans le même temps, montrer sa capacité à écouter et à consulter. Que ce soit Hubert Védrine, Dominique De Villepin ou Emmanuel Macron, tous ont souligné la nécessité d’une phase de consultation des citoyens européens, par différents dispositifs. Il apparaît ainsi essentiel d’engager dans les vingt-sept pays de l’Union européenne (en dehors de la Grande-Bretagne, qui a pris la voie du Brexit), des débats citoyens structurés et ouverts, afin de dégager les opinions des européens dans toute leur diversité. Ainsi durant une période déterminée (par exemple une année), une large consultation pourrait s’opérer par la tenue de conventions démocratiques, de conférences, de Congrès, avec en complément un usage des outils numériques. L’objectif serait d’aboutir à la construction d’un réel projet citoyen pour l’Europe, afin d’ouvrir une période de refondation, par l’application de réformes décisives. Cette période de réflexion citoyenne pourra nous permettre d’évoquer de nombreuses idées et propositions. Valéry Giscard d’Estaing, avait publié en 2014, un ouvrage : « Europa : la dernière chance de l’Europe », qui proposait un nouveau schéma institutionnel. L’ancien Président de la République française (1974 - 1981) avait formulé dans ce livre, des idées intéressantes, comme la constitution d’un noyau d’Etats prêts à fonder une Europe politique, l’harmonisation fiscale et sociale ou la fondation d’un Congrès des peuples. Valéry Giscard d’Estaing avait engagé un débat sur l’Europe, avec l’affirmation d’un projet clair. Poursuivons cette démarche, enclenchons un véritable mouvement d’idées à l’échelle de l’Europe, sur tous les enjeux qui concernent la construction européenne. Nous devons susciter une véritable dynamique citoyenne, porteuse d’idées et de projets, en lien avec le Parlement européen.  Engager dans les vingt-sept pays de l’Union européenne (en dehors de la Grande-Bretagne, qui a pris la voie du Brexit), des débats citoyens structurés et ouverts, afin de dégager les opinions des européens dans toute leur diversité  Nous devons susciter une véritable dynamique citoyenne, porteuse d’idées et de projets, en lien avec le Parlement européen  Avec « Europa : la dernière chance de l’Europe » (2014), Valéry Giscard d’Estaing avait engagé un débat européen, avec l’affirmation d’un projet clair. Poursuivons cette démarche « On a bâti l’Europe à l’envers. Si l’on parvient à un projet cohérent de refondation, on pourra à ce moment-là le soumettre à des référendums et surtout pas avant, ils ne seraient que destructeurs. Cette refondation vise, au fond, à sauver le mode de vie européen. C’est un peu comme les dévaluations de la monnaie qu’on faisait jadis, une manière de repartir sur de nouvelles bases. L’Europe a besoin d’une relégitimisation politique, impossible sans les peuples. » Hubert Védrine, L’Opinion, 6 novembre 2016
  • 17. 17 B. Une nouvelle Europe, dans le monde L’Union européenne doit s’affirmer dans le monde et porter son message. A cette fin, elle doit assumer sa Défense et sa diplomatie. L’Europe doit se doter des moyens de sa puissance. Une Europe qui assume sa Défense « Nous le voyons bien, plus que jamais, le monde a besoin d’une Europe forte. Mais pour cela nous devons nous en donner les moyens. Jean-Claude Juncker a eu raison de parler d’Europe de la défense. De toute façon, nous y serons contraints parce que les États-Unis vont donner moins et protéger moins demain qu’ils ne le faisaient hier. Oui, il nous revient d’avoir notre propre capacité et d’assurer notre propre sécurité. » Marielle De Sarnez, Députée européenne, Intervention en Session Plénière du Parlement Européen à Strasbourg, le 13 décembre 2016 Nous assistons aujourd’hui, dans le débat public, à une prise de conscience tardive concernant la nécessité de fonder une Europe de la Défense. Les violents défis auxquels nous avons été confrontés, ainsi que les limites que nous avons constatées, nous conduisent désormais à aborder directement l’enjeu d’une Défense européenne. Trop longtemps, ce sujet a été négligé. Trop longtemps le débat européen s’est verrouillé autour de questions bien ciblées, sans aucune projection sur des domaines stratégiques. Il est temps de porter nos analyses sur les véritables enjeux. Redéfinissions notre place dans l’OTAN et entamons un réel processus de coopérations industrielles et de mise en place de forces d’interventions communes. Née à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, l’OTAN avait pour mission première de contenir toute expansion du bloc soviétique notamment en Europe. Fortement marquée par la prédominance des Etats-Unis, l’alliance a rempli son rôle en évitant tout dérapage majeur au cours du demi-siècle passé. En élargissant son champ d’action et la zone géographique de ses interventions, en reconnaissant le statut particulier de l’ONU, elle est devenue la source d’interrogations nombreuses allant jusqu’à remettre en cause son existence. Le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN a été un reniement de l’action gaullienne et n’a apporté aucun avantage décisif, tout en rendant la position française confuse, alors que la France pouvait être leader dans le domaine de la défense en Europe.  La France et l’Europe doivent désormais se montrer résolues, à concevoir de nouvelles coopérations de sécurité, tout en engageant une réelle politique de défense  Nous pourrions apporter un modèle original avec des armées nationales à l’intérieur de l’Europe, spécialisées dans la défense du territoire (comme en Suisse, par exemple), et une armée européenne qui soit spécialisée dans la projection à l’extérieur  L’Union européenne doit organiser une capacité d’action propre, ce qui lui donnerait la possibilité de lancer des actions et de les garder sous son contrôle  Les Européens devront choisir une orientation claire, afin d’assumer un rôle autonome dans l’équilibre mondial et de conserver leur identité, en se dotant des moyens indispensables  L’armement nucléaire et la liberté de choix dans sa mise en œuvre mériteront une étude approfondie tant les situations et les intérêts sont divers
  • 18. 18 En outre, l’OTAN est devenue un facteur d’instabilité. La possibilité d’une intégration de l’Ukraine et de la Géorgie à l’Alliance atlantique, a réveillé les craintes de la Russie qui ne veut pas que l’OTAN s’étende jusqu'à ses frontières. La France et l’Europe doivent désormais se montrer résolues, à concevoir de nouvelles coopérations de sécurité, tout en enclenchant une réelle politique de défense. Associons les citoyens européens à cette réflexion et ayons le courage de prendre notre sort en main. Nous pourrions apporter un modèle original avec des armées nationales à l’intérieur de l’Europe, spécialisées dans la défense du territoire (comme en Suisse, par exemple), et une armée européenne qui soit spécialisée dans la projection à l’extérieur. Cela se rapproche du fonctionnement actuel, mais qui est encore une fois, sous l’égide des États-Unis, via l’OTAN. Les Etats-Unis, depuis la seconde guerre mondiale, revendiquaient la direction des opérations d’intervention dans le reste du monde. Ce monopole déjà contestable et contesté à d’autres époques, est aujourd’hui totalement inadapté. Désormais de Barack Obama à Donald Trump, les Etats-Unis affirment une volonté de ne pas demeurer, à perpétuité, les gendarmes du monde. Les Etats-Unis ne s’estiment plus investis d’une mission de démocratisation universelle. L’Union européenne doit pouvoir assurer sa sécurité, en toute indépendance, en défendant une vision différente, établie sur l’héritage de son Histoire. Les opérations militaires et la diplomatie américaines ont montré depuis une quinzaine d’années, leur totale inadaptation au monde du XXIème siècle. L’Union européenne doit organiser une capacité d’action propre, ce qui lui donnerait la possibilité de lancer des actions et de les garder sous son contrôle. L’Europe a les moyens de sa Défense et elle doit être en capacité d’agir, en restant fidèle à ses valeurs et en posant sa propre approche des conflits. Cette nécessité d’une Défense européenne affirmée, avait été établie par le Général De Gaulle, au cours de sa présidence, de 1958 à 1969. Charles De Gaulle en affirmant une Défense française indépendante, initiait alors une Défense européenne propre, au service de desseins uniquement européens. La France du Général De Gaulle était celle qui ouvrait la voie. L’Europe a besoin de cette France à l’initiative, qui innove et qui prend des directions nouvelles. Le 21 décembre 2016, dans une tribune pour Les Echos, le chef d’état-major des armées françaises, le Général Pierre de Villiers, poussait un cri d’alarme et appelait à une revalorisation rapide du budget de la Défense française. La France aujourd’hui, connait des difficultés à la fois financières et de recrutement pour son Armée. Les Armées ont besoin d’hommes, de technologies et d’équipements. La Défense peut créer des emplois et des richesses, mais pour cela elle doit pouvoir bénéficier de moyens réels. Une Défense européenne avec des moyens solides, serait bien plus attractive que des Défenses nationales dispersées et en difficulté. Notre Défense a elle aussi, besoin d’innovations et de jeunes, elle doit pouvoir être en mesure de répondre à ses besoins. Seule l’Europe le permettra. Ainsi l’Union européenne doit se saisir de la question de la Défense. Des avancées ont été effectuées durant ces dernières années mais trop d’intérêts nationaux subsistent et surtout, il n’existe aucune autorité politique supranationale effectivement compétente. Les Européens devront choisir une orientation claire, afin d’assumer un rôle autonome dans l’équilibre mondial et de conserver leur identité, en se dotant des moyens indispensables. L’armement nucléaire et la liberté de choix dans sa mise en œuvre mériteront une étude approfondie tant les situations et les intérêts sont divers. « Nous sommes désormais la seule puissance nucléaire de l’Union européenne. Nous intervenons, à nous tout seuls, davantage que ne le font tous les autres pays européens. Cette réalité doit être débattue avec nos partenaires européens. Dès que l’Union sera devenue politique, ce que je crois nécessaire et possible, la question de la défense européenne se trouvera nécessairement posée. A cette défense européenne, qui ne signifie pas armée européenne, mais coordination de nos moyens d’action et partage de l’effort, la France contribuera puissamment. Il est juste que vienne le temps de partager le fardeau. Mais cela suppose que la France soit puissante et respectée en politique étrangère, que ses buts diplomatiques soient clairs et discutés avec nos partenaires européens. Cela exige que la France soit pleinement indépendante. » François Bayrou, « Résolution française »
  • 19. 19 Une Europe qui existe sur la scène internationale « Ce n’est qu’ensemble que nous sommes, et que nous resterons, une force incontournable. Pourtant, même si l’Europe est fière d’être une puissance douce qui revêt une importance mondiale, nous ne devons pas être naïfs. La puissance douce ne suffit pas dans un voisinage de plus en plus dangereux. » Jean-Claude Juncker, le 14 septembre 2016, deuxième discours sur l’état de l’Union Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, occupe des responsabilités difficiles, dans un contexte redoutable. Ereinté par cette expérience, il avait annoncé le 12 février 2017 qu’il ne briguerait pas un second mandat en 2019, à l’heure où l’Europe célèbre les 60 ans du traité de Rome. Ce dirigeant épuisé dans les circonstances actuelles, c’est aussi celui qui avait su poser les bases d’un renouveau européen. En effet, le 14 septembre 2016, Jean-Claude Juncker, avait prononcé son deuxième discours sur l’état de l’Union, devant les parlementaires européens réunis à Strasbourg. Constatant l’urgence de la question syrienne et l’absence de l’Europe dans les négociations en cours, Jean-Claude Juncker avait plaidé pour un renforcement de la diplomatie européenne. Le président de la Commission européenne avait alors affirmé sa volonté d’accroître le rôle de l’actuelle Haute Représentante de l’Union Européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini. Selon Jean-Claude Juncker, Federica Mogherini devait devenir une véritable ministre européenne des affaires étrangères, fédérant tous les corps diplomatiques, de tous les pays membres de l’Union, afin de pouvoir représenter une diplomatie européenne résolue. Dans ce cadre, Jean-Claude Juncker avait très justement appelé à développer une stratégie européenne pour la Syrie. Il avait ainsi légitimement considéré qu’en disposant d'un siège à la table des discussions sur l'avenir de la Syrie, Federica Mogherini serait en mesure d’incarner cette présence européenne tant nécessaire pour reconstruire la Syrie et l’engager sur la voie d’une réelle transition politique, conformément à la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Dans son discours du 14 septembre 2016, Jean-Claude Juncker avait également présenté un plan pour la Défense de l’Union européenne, en annonçant l’instauration d’un quartier général unique de planification et de suivi des missions militaires et civiles de l’UE, ainsi que la création d’un Fonds européen de la Défense. Jean- Claude Juncker souhaitait établir une coopération structurée et efficace entre les armées nationales européennes, tant sur le plan des dépenses que sur le plan opérationnel. Il avait alors été précisé que le manque de coopération en matière de défense coûterait à l’Europe entre 25 et 100 milliards d’euros par an, en fonction des domaines concernés. Suite à ce discours, le sommet de Bratislava du 16 septembre 2016 ne s’était pas montré à la hauteur et n’avait débouché sur aucune décision déterminante. Le discours de Jean- Claude Juncker était animé par un réel volontarisme politique. Le président de la Commission européenne avait avancé des propositions concrètes, au service d’un projet européen humaniste, ambitieux et crédible. Dans un contexte de Brexit, Jean-Claude Juncker avait posé les fondements d’un véritable tournant. Le lundi 6 mars 2017, à Bruxelles, les ministres européens des Affaires étrangères décidèrent l’instauration à court terme d’un quartier général militaire pour l'Union européenne, censé centraliser le commandement de certaines missions extérieures. Il s’agissait d’un premier pas.  Structurons une diplomatie solide, sachant faire le lien entre le couple franco-allemand et la place de plus en plus essentielle de la Commission européenne  Les diplomaties nationales doivent être respectées et organisées, de façon à ce qu’elles puissent apporter des appuis, dans une approche plus globale  Le rôle de la Commission européenne et plus précisément de la Haute Représentante de l’Union Européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, devrait être de coordonner des actions communes sur des dossiers stratégiques, comme en Syrie, en Ukraine ou en Géorgie
  • 20. 20 Nous devons poursuivre dans cette direction. En complément de la mise en chantier des idées de Jean-Claude Juncker, créons un Conseil de sécurité européen rassemblant les principaux responsables militaires, diplomatiques et du renseignement des Etats membres. Instaurons une coopération spécifique entre les Etats membres qui souhaitent avancer ensemble sur les questions de défense, sans attendre la participation de tous les pays de l’UE. L’Union européenne, Prix Nobel de la Paix en 2012, doit se mettre en capacité de construire la paix, à travers le monde. Elle doit se mettre en situation d’avoir un réel leadership, afin de conduire des actions effectives, au service de ses valeurs humanistes. La COP21, la 21e Conférence des parties, s’était conclue à Paris, le 12 décembre 2015, sur l’adoption du premier accord international sur le climat (conclu par 195 pays et applicable à tous). La COP21 est un exemple d’une négociation opérante conduite par une gouvernance supranationale cohérente, dans laquelle l’Europe a su se montrer déterminante. Nous devons favoriser les coopérations internationales, entre Etats capables de s’engager et de tenir leurs engagements. L’Union européenne peut avoir un rôle essentiel dans l’affirmation de la communauté internationale sur les enjeux de la guerre et de la paix, de la lutte contre la pauvreté ou de l’écologie. Nous sommes porteurs d’un message universel et nous devons créer une dynamique d’entrainement, qui nous fera atteindre nos objectifs d’amélioration des conditions de vie et de développement. Structurons une diplomatie solide, sachant faire le lien entre le couple franco-allemand et la place de plus en plus essentielle de la Commission européenne. La France et l’Allemagne ont un rôle à jouer, mais une meilleure coordination doit s’opérer, de manière à donner toute sa place à la Haute Représentation de l’Union Européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Les diplomaties nationales doivent être respectées et organisées, de façon à ce qu’elles puissent apporter des appuis, dans une approche plus globale. Le rôle de la Commission européenne et plus précisément de la Haute Représentante de l’Union Européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, devrait être de coordonner des actions communes sur des dossiers stratégiques, comme en Syrie, en Ukraine ou en Géorgie. Une coordination, dans laquelle chaque pays de l’Union aurait un rôle ciblé. Nous devons mieux nous organiser, mieux planifier nos stratégies et conduire des actions collectivement, afin de les rendre déterminantes. Nous donnons actuellement l’image d’une politique européenne dispersée, traversée par de nombreux débats, sans que n’en émerge la direction finale, l’incarnation propre qui porte le message. Les forces diplomatiques européennes ont besoin de se regrouper, sans perdre leurs spécificités, sous une synchronisation commune pour tous les enjeux majeurs. La construction d’une Europe de la Défense, en sera la complémentarité évidente. « Je crois qu’il s’est passé beaucoup de choses depuis 15 - 20 ans, et qu’il faut absolument que les prochains responsables, présidents, ministres, etc, fassent le bilan des interventions occidentales, depuis la fin de l’Union soviétique, depuis que les occidentaux ont cru être les maîtres du monde, dans ce qu’ils appellent la communauté internationale, qui est un objectif mais pas une réalité aujourd’hui. Il y a eu beaucoup d’interventions, quelles sont celles qui ont été justifiées, pas justifiées, qui ont marchées, pas marchées, qui étaient légales, Conseil de sécurité ou pas. Je développe pas mais c’est pas possible de continuer comme ça, sans qu’il y ait un bilan. D’autant que là aussi, comme sur l’Europe, les peuples décrochent. Donc il faut savoir ce que l’on fait ou pas, à l’avenir. » Hubert Védrine, le 8 mars 2017, lors d’un débat entre Alain Juppé, Dominique de Villepin et Hubert Védrine, organisé par l’École des affaires internationales, Sciences Po, avec Courrier international
  • 21. 21 Une Europe, puissance d’influence mondiale « Cette Europe intégrée - appelons-la Europa pour la distinguer de l'autre - a vocation à devenir une des trois puissances économiques du monde, ce qui l'arrachera à son pessimisme. Ce sera une puissance fidèle à ses alliances mais pacifique, c'est-à-dire qu'elle portera un message de paix après avoir été le lieu de naissance des deux derniers conflits mondiaux. C'est à la France de porter ce message, en liaison intime avec son grand partenaire allemand, car elle seule possède l'imagination et le savoir-faire qui sont indispensables aux grandes évolutions. Cela devrait être un enjeu central de la prochaine élection présidentielle française. Quel sera le candidat le plus qualifié pour rendre à la France son rôle d'inspiratrice du grand projet d'intégration économique de l'Europe ? » Valéry Giscard d’Estaing, Editorial dans « Le Point », le 17 février 2017 L’Union européenne pour devenir plus forte sur la scène internationale doit engager un réel processus de construction politique. Le lundi 6 mars 2017 à Versailles, se tenait un mini-sommet quadripartite réunissant, le président français, François Hollande, la chancelière allemande, Angela Merkel, et les chefs des gouvernements italien et espagnol, Paolo Gentiloni et Mariano Rajoy, pour préparer les réformes de l’Union européenne en vue du 60e anniversaire du traité de Rome. A cette occasion, les dirigeants français, allemand, espagnol et italien s’étaient prononcés pour une « Europe différenciée », nouveau nom de ce que l’on nommait « l’Europe à plusieurs vitesses », c’est-à-dire une Europe qui permette aux Etats membres qui le souhaitent d’avancer ensemble dans des domaines spécifiques. Jean- Claude Juncker avait présenté le mercredi 1er mars 2017, un livre blanc proposant cinq scénarios sur la manière dont l'Union pourrait évoluer d'ici à 2025, en fonction des choix qu'elle fera pour répondre à ses principaux défis et saisir ses principales opportunités. Le scénario 3 se consacre à cette Europe à plusieurs vitesses et formule plusieurs propositions : structurer un groupe d’États membres qui décide de coopérer « beaucoup plus étroitement » sur la défense, par la création d’une base industrielle et de recherche commune, par des achats conjoints, par une plus grande intégration des capacités militaires et une disponibilité opérationnelle des forces communes pour des missions à l’étranger ; établir une coopération renforcée entre certains États dans les domaines de la sécurité et de la justice ; consolider la coopération entre les forces de police et les services de renseignement, instaurer un parquet conjoint et aller plus loin dans la création d’un espace commun de justice en matière civile ; constituer un groupe de pays, incluant ceux de la  Aller vers le scénario 5 du livre blanc de la Commission européenne : « Faire beaucoup plus ensemble », c’est-à-dire instaurer une coopération inédite entre l’ensemble des États membres, poussée à des niveaux sans précédent dans tous les domaines  L’Europe a besoin d’un véritable régime politique, qui soit capable d’apporter des réponses aux citoyens  Nous devons nous engager avec détermination, dans la construction d’une Europe, puissance d’influence mondiale, c’est-à-dire une Europe qui soit une puissance commerciale, une puissance économique, une puissance politique et une puissance humaniste
  • 22. 22 zone euro et quelques autres, qui choisit de renforcer nettement leur collaboration dans le domaine fiscal et social essentiellement. La présentation du livre blanc a marqué le coup d'envoi d'un processus dans lequel les 27 États de l'UE décideront de l'avenir de leur Union. Pour encourager ce débat, la Commission européenne, en collaboration avec le Parlement européen et les États membres intéressés, accueillera une série de «Débats sur l'avenir de l'Europe» dans les villes et les régions partout en Europe. La Commission européenne contribuera à cette discussion en publiant une série de documents de réflexions concernant notamment les enjeux économiques, sociaux ou de défense. Les européens sont à l’initiative et ont enfin compris, la nécessité de construire un nouveau projet européen. Ces dernières années, nous aurions dû être plus rapides, plus stratèges, plus en mouvement sur des dossiers essentiels. Nous sommes restés figés, dans un attentisme sidérant. Il a fallu attendre l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, pour amorcer un réveil salutaire. Cessons de nous perdre dans les chimères, regardons les réalités en face, établissons les bons pronostics, structurons une action efficace. Nous nous sommes placés dans une situation d’urgence, par nos erreurs et nos défaillances. Nous devons enfin nous montrer à la hauteur des enjeux qui se présentent à nous. L’Union européenne est entrée dans une période de transition. 2017 sera une année d’élections nationales en France comme en Allemagne. Des élections dont les issues restent incertaines. Angela Merkel, la doyenne des dirigeants de la communauté internationale, a su jouer avec les symboles. Barack Obama s’en était fait l’allié, lui qui avait toujours maîtrisé l’art de l’allégorie. Mais les symboles ne peuvent suffire. Angela Merkel est devenue chancelière en 2005, soit la même année que l’échec du référendum sur la Constitution européenne. A l’issue du troisième mandat de la chancelière, nous ne pouvons que constater que l’Europe n’a avancé sur aucun enjeu fondamental. L’Allemagne de Merkel n’a pas su, durant un peu plus de onze ans, créer les conditions d’un véritable élan européen. Angela Merkel, désignée à dix reprises comme la femme la plus puissante du monde par le magazine Forbes et personnalité de l’année 2015 par le magazine Time, n’a à aucun moment été décisive dans la poursuite d’un projet européen. L’œuvre européenne d’Angela Merkel est à ce jour bien anecdotique. Nous devons sortir de ces montages médiatiques, de ces illusions construites, pour assumer les réalités. Cessons de nous raconter des histoires. Cessons ces comparaisons pour savoir quel est le premier de la classe. L’Europe est une construction collective, où nous devons savoir associer tous nos points forts. Aujourd’hui en 2017, si le projet européen retrouve finalement une dynamique, c’est notamment grâce à une action constante de Jean-Claude Juncker, Federica Mogherini, François Hollande et Angela Merkel. La France de Nicolas Sarkozy s’était perdue dans un atlantisme affligeant. A partir de 2012, François Hollande a su engager la France dans des voies intéressantes. Il y a eu des erreurs, des analyses discutables, mais l’Histoire saura se rappeler de ce mandat, pour deux raisons fondamentales : la lutte qu’a mené la France contre le terrorisme ainsi que la tenue de la COP21 à Paris. « Je souhaite des responsables qui réaffirmeraient qu’une politique étrangère est quelque chose qui s’inscrit dans la durée, surtout dans un vieux pays qui vient de loin, qui se projette dans l’avenir. C’est indispensable de résister à la pression quotidienne qui devient infernale, qui devient débilitante, de l’information continue, de la réaction continue, du courtermisme, de l’émotionnalité, d’une sorte de dictature émotionnelle, feu de cheminée etc, c’est insupportable. Il faut réaffirmer qu’une politique étrangère s’inscrit dans un processus qui doit être différent. Alors ça paraît facile de dire ça comme ça, mais il y a des gens qui pensent ça, qui sont capables de l’incarner, de l’assumer, mais le système quotidien de ce qu’est la vie politico-médiatique, c’est le contraire. Donc pour moi, c’est un préalable fondamental. Sinon on aura beaucoup de mal, à mettre en avant de grands objectifs. » Hubert Védrine, le 8 mars 2017, lors d’un débat entre Alain Juppé, Dominique de Villepin et Hubert Védrine, organisé par l’École des affaires internationales, Sciences Po, avec Courrier international
  • 23. 23 Il reste encore beaucoup à faire. La France doit retrouver confiance en la force de sa diplomatie et doit porter les évolutions primordiales dont l’Europe a tant besoin. C’est sur cette voie que François Hollande s’est engagé, avec l’organisation du mini-sommet quadripartite à Versailles, le 6 mars 2017. En 2017, l’Europe entre dans une nouvelle phase de son Histoire, une phase déterminante. La France et l’Allemagne auront l’opportunité de choisir leurs dirigeants. Cela pourra être l’occasion de relancer le couple franco-allemand sur des bases nouvelles et solides, et ainsi de poser les fondements d’une Europe affirmée, sur la scène internationale. Le projet européen a besoin de figures fortes pour l’incarner et l’entraîner. Une « Europe différenciée » doit être une étape nous permettant de conduire l’Union vers une affirmation de sa puissance. Le scénario 3 du livre blanc de la Commission européenne sur l’avenir de l’Europe ne peut pas représenter une finalité, mais une passerelle, nous permettant d’aboutir au scénario 5, celui d’une Europe puissante, d’une Europe, puissance d’influence mondiale. Des groupes de pays européens peuvent s’engager dans des domaines d’initiative, pour expérimenter, structurer des coopérations efficaces et se montrer forces d’entrainement. Mais toutes ces actions doivent s’effectuer dans le seul et unique objectif de servir une ambition européenne. Le scénario 5 du livre blanc propose de « Faire beaucoup plus ensemble », c’est-à-dire d’instaurer une coopération inédite entre l’ensemble des États membres, poussée à des niveaux sans précédent dans tous les domaines. Cette avancée forte se caractériserait par plusieurs dispositifs : Une Europe qui parle et agit comme un seul bloc en matière commerciale et qui est représentée par un siège unique dans la plupart des enceintes internationales ; un Parlement européen qui a le dernier mot sur les accords commerciaux internationaux ; une Union européenne de défense qui se créée, en totale complémentarité avec l’OTAN ; une Union européenne à 27 qui continue de jouer un rôle moteur dans la lutte mondiale contre le changement climatique et renforce son rôle en tant que premier pourvoyeur d’aide humanitaire et d’aide au développement dans le monde ; une politique étrangère de grande ampleur de l’Union européenne qui l’amène à renforcer son approche commune en matière de migration ; des partenariats plus étroits et des investissements accrus dans le voisinage de l’Europe et au-delà qui facilitent la création de débouchés économiques, la gestion de la migration régulière et la lutte contre les filières clandestines ; un achèvement du marché unique, au sein de l’Union européenne des 27, dans les domaines de l’énergie, du numérique et des services qui suscite un fort intérêt associé à un niveau d’ambition élevé ; plusieurs «Silicon Valleys» européennes qui sont créées pour accueillir des pôles regroupant des sociétés de capital-risque, des jeunes pousses, des grandes entreprises et des centres de recherche ; des marchés de capitaux pleinement intégrés qui contribuent à mobiliser des fonds en faveur des PME et des grands projets d’infrastructure partout dans l’Union européenne ; au sein de la zone euro, mais aussi pour les États membres désireux d’en faire partie, une coordination qui est poussée beaucoup plus loin en matière budgétaire, sociale et fiscale, de même que la surveillance des services financiers à l’échelle européenne ; un soutien financier complémentaire qui est mis à disposition par l’Union européenne pour stimuler le développement économique et réagir aux chocs aux niveaux régional, sectoriel et national. « Une Europe qui protège, c’est une Europe puissante. Parce que si on n’est pas puissants, on ne protège pas efficacement ses citoyens. Et là, j’afficherais très clairement mon slogan : faire de l’Europe, une puissance d’influence mondiale. Ce mot « puissance » fait peur. On dit qu’il n’y a plus que les français qui croient à ça. Il n’y a plus que certains français qui croient que l’Europe peut devenir une puissance. On n’a pas le choix. Si nous ne devenons pas une puissance d’influence mondiale, l’Europe se disloquera, parce qu’elle ne sera pas à même de rassurer ses concitoyens. » Alain Juppé, le 8 mars 2017, lors d’un débat entre Alain Juppé, Dominique de Villepin et Hubert Védrine, organisé par l’École des affaires internationales, Sciences Po, avec Courrier international
  • 24. 24 Cependant tous ces dispositifs proposés par le scénario 5 du livre blanc ne pourront devenir effectifs, une fois la phase de transition achevée, qu’en complément d’une rénovation démocratique européenne. L’Europe a besoin d’un véritable régime politique, qui soit capable d’apporter des réponses aux citoyens. Cet enjeu démocratique doit faire l’objet de débats, avec les citoyens européens. Nous avons en outre la possibilité d’enclencher une expérimentation très rapidement : mettre en place des listes paneuropéennes pour élire les 73 eurodéputés correspondant aux sièges britanniques au Parlement européen, comme l’a proposé Daniel Cohn-Bendit. Si le calendrier des négociations du Brexit le permet, ce changement pourrait avoir lieu dès les élections européennes de juin 2019. Ainsi nous devons nous engager avec détermination, dans la construction d’une Europe, puissance d’influence mondiale, c’est-à-dire une Europe qui soit une puissance commerciale, une puissance économique, une puissance politique et une puissance humaniste. Nous devons porter de nouveaux projets, concrets, avancer dans un débat large s’adressant à tous les citoyens, édifier une Europe forte, présente sur la scène internationale. Une Europe forte de son originalité, de sa diversité, de ses valeurs et de ses atouts. Achevons le dessein européen, allons au bout de notre affirmation, avec courage et volonté. Conclusion : Une Europe indépendante, au service de ses valeurs Le monde est en mouvement. Alors que nous voyons émerger de toutes parts, des facteurs d’instabilité, il est nécessaire de créer les conditions d’un véritable développement universel, au service de la paix et des droits de l’Homme. Pour cela, nous devrons retrouver les conditions d’un dialogue avec de nombreux interlocuteurs, nous permettant de conduire des négociations solides, de manière à aboutir à des accords qui auront un impact direct sur l’évolution du monde. Nous devrons favoriser la constitution de coalitions internationales, dans le cadre de négociations, ou par thématiques comme pour la COP21. Notre univers est en perpétuelle construction. Il est temps de gagner un rôle de leadership sur de nombreux dossiers essentiels, pour mener des actions déterminantes, dans la recherche d’un environnement international plus juste et stabilisé. Le monde a besoin d’une Europe forte, au service de ses valeurs. Une Europe qui s’attaque enfin aux grands chantiers stratégiques. Une Europe indépendante, engagée sur la voie d’une Défense renforcée et d’une diplomatie affirmée. Un nouvel ordre mondial est en train d’émerger. Un ordre dans lequel l’Union européenne pourra se poser en force d’équilibre, en force d’opposition aux impérialismes, toujours concernée par les aspirations des peuples. Reprenons l’initiative, sortons de cette torpeur hallucinante qui a saisi les pays européens et retrouvons une démarche d’action, en affirmant une vision claire. « Il faut absolument une Europe puissance si on veut maintenir la maîtrise de notre destin. Avoir peut-être une influence sur le monde, si on veut continuer à rayonner avec de très belles valeurs, mais tout bêtement aussi pour défendre le mode de vie européen. Ce sont quand même les sociétés, les meilleures qu’on ait jamais vu dans l’Histoire ou aujourd’hui, ou les moins pires, comme on veut mais c’est perfectible. Donc ça, c’est notre patrimoine commun et c’est un des seuls sujets sur lequel, il n’y a pas d’opposition frontale entre les élites européennes, européistes, intégrationnistes pour beaucoup d’entre elles, et les peuples. Donc ça me paraît fondamental. » Hubert Védrine, le 8 mars 2017, lors d’un débat entre Alain Juppé, Dominique de Villepin et Hubert Védrine, organisé par l’École des affaires internationales, Sciences Po, avec Courrier international
  • 25. 25 Nous avons le devoir de répondre aux défis de notre temps, d’apporter des solutions innovantes et de servir un projet novateur, pour édifier un monde meilleur. Mobilisons les imaginations, les talents, toutes nos forces, au service de cet objectif. L’Histoire est en marche et notre vocation est de porter notre spécificité humaniste, par des actes résolus, afin d’enclencher une réelle dynamique de paix et de stabilité. Nous n’avons pas le choix. Nous devons définitivement engager le cap de l’audace et de l’intelligence, au service d’une Europe plus forte et d’un monde plus durable. « Jamais le monde n’a eu autant besoin d’une puissance d’équilibre, pacifique, mais ferme. Jamais le monde n’a eu autant besoin d’une pensée non alignée (je le dis spécialement aussi pour la France), non fascinée, d’une puissance calme, décidée à explorer toutes les ressources d’une diplomatie libre, animée de valeurs. C’est pourquoi il nous faut une Europe politique, capable d’intervenir dans le jeu des puissances, et qui dise où elle va, en notre nom, et au nom de tous ceux qui cherchent à échapper à la fatalité qui semble se dessiner. » François Bayrou, « Résolution française »