Pour ce livre blanc, nous avons demandé à nos contributeurs de répondre à la question suivante : Comment décririez-vous le Social Learning et pourquoi est-il important pour l'entreprise aujourd'hui?
Entreprise Collaborative - Ecollab - Une Introduction Au Social Learning
1.
2. Cher lecteur,
De mon côté, le Social Learning est le développement des savoirs, des aptitudes et
attitudes, par la connexion aux autres.
Pour ce livre blanc, nous avons demandé à nos contributeurs de répondre à la
question suivante : Comment décririez-vous le Social Learning et pourquoi est-il
important pour l'entreprise aujourd'hui?
Un grand merci à eux d’avoir accepter de participer à cette aventure.
Bonne lecture et au plaisir de retrouver vos commentaires et réactions sur notre site.
Frédéric DOMON
fdomon (at) socialearning (point) com
@fdomon sur Twitter
3.
4. Traduction : merci à Lilian Mahoukou (voir P22) et à Liselotte Mas du Puy
« La langue de l’Europe, c’est la traduction » (Umberto Eco).
Eh bien voilà tout modestement ce que j’essaie de faire : voyager en Europe
et dans le monde, pour faire voyager les Européens et le monde.
Liselotte Mas du Puy - liselotte.masdupuy-isit (at) laposte (point) net
Traductrice-interprète en herbe, 2
ème
année en master européen de
traduction spécialisée à l’ISIT à Paris.
Conception graphique & réalisation : Frédéric DOMON / www.socialearning.fr
5. Harold Jarche
Consultant spécialisé dans l’intégration de l’apprentissage et du travail sur
le web.Co-fondateur duthink tank Ecollab
http://www.jarche.com/
Les réseaux, qu'ils soient humains ou technologiques, nous montrent que les
marchés sont vraiment des conversations.
La collaboration en entreprise devient un facteur essentiel de la réussite dans les
affaires.
Entreprise Collaborative a la volonté de devenir un laboratoire d'idées multiculturel
pour échanger des points de vue entre experts et praticiens. Nous y associerons les
concepts de Social Learning et d'Entreprises en Réseau afin de développer des
organisations plus performantes.
Ce Livre blanc est le premier d’une série qui abordera ces vastes sujets. Ecrit en
deux langues et issu de cultures de l’entreprise diverses, il fournit de multiples
perspectives sur le Social Learning.
Les personnes qui ont contribué à l’écriture de ce livre nous donnent leur point de
vue sur ce qu’elles pensent être un facteur important de la réussite future de toutes
organisations. Une des clés de lecture de cet ouvrage est donnée par Marshall et
Eric McLuhan* : Nous pouvons nous demander comment le Social Learning va
étendre, rendre désuet, s’approprier ou faire basculer ce que nous faisons
aujourd’hui sur notre lieu de travail. Ceci pourrait nous fournir quelques idées
concernant ce que nous devrions faire.
* Selon les lois des médias de McLuhan, tout nouveau moyen :
1. étend une propriété humaine : la voiture est une extension du pied.
2. fait du précédent moyen un moyen désuet, et en fait un sport ou une forme d’art : l’apparition de
l’automobile fait que les chevaux et les voitures à chevaux deviennent des sports.
3. s’approprie un moyen beaucoup plus ancien et qui était devenu obsolète : l’automobile remet au
goût du jour l’armure scintillante du chevalier.
4. lorsqu’il est poussé à bout, fait que ses propriétés sont basculées et que l’on obtient l’effet inverse
de celui désiré : lorsqu’il y a trop d’automobiles, elles provoquent des embouteillages, ce qui est
synonyme d’une paralysie totale alors que l’on attendait la mobilité.
6. Frédéric DOMON
Au siècle dernier, il fut diplômé en Gestion, Marketing et Communication.
Depuis, il apprend modestement tous les jours. D’ailleurs, il a fait sienne la
citation de Virgile : « On se lasse de tout, sauf d’apprendre ».
Fondateur du Think Tank multi-culturel « Entreprise Collaborative » dont
l’objectif est de fournir des pistes de réflexions autour de l’apprentissage
social et informel, du travail collaboratif et de l’entreprise en réseau.
Président du cabinet conseil Socialearning, pionniers du Social Learning en France. En
s’appuyant sur un réseau reconnu de chercheurs, de consultants et de praticiens, il a
développé une expertise unique en matière d’accompagnement d’organisations dans leur
migration d’un modèle traditionnel à un modèle connecté et collaboratif où les
apprentissages sont au cœur de leur stratégie.
Conférencier, auteur régulier pour le « Guide du Management des Compétences » aux
éditions de l’AFNOR, il publie régulièrement pour des revues et des medias online.
fdomon (at) socialearning (point) com
@fdomon sur Twitter
Les questions autour de l’apprentissage sont au centre de nombreux enjeux
auxquelles sont confrontées les entreprises. Une évidence ? Pas vraiment. Par
exemple le résultat d’une enquête auprès de plus de 3500 seniors managers d’un
grand groupe bancaire international démontrait que peu d’entre eux voyaient l’intérêt
de l’apprentissage. C’est dans ce cadre qu’est dernièrement intervenu Frédéric
Domon. Dans cette interview réalisée à cette occasion, il nous dresse un panorama
qui invite à la réflexion.
Que faut-il entendre exactement par apprentissage ?
Excusez-moi de vous infliger un glossaire en préambule mais les confusions entre
apprentissage, formation, enseignement, etc., sont fréquentes. Je reprendrai la
terminologie de la politique européenne d’enseignement et de formation qui fait
référence 1
.
Apprentissage. Processus dans lequel un individu assimile de l’information, des
idées et des valeurs et acquiert ainsi des savoirs, savoir-faire, aptitudes et/ou
compétences.
Apprentissage formel. Apprentissage dispensé dans un contexte organisé et
structuré (par exemple dans un établissement d’enseignement ou de formation, ou
sur le lieu de travail), et explicitement désigné comme apprentissage (en termes
d’objectifs, de temps ou de ressources). L’apprentissage formel est intentionnel de la
part de l’apprenant ; il débouche généralement sur la validation et la certification.
Apprentissage non formel. Apprentissage intégré dans des activités planifiées qui
ne sont pas explicitement désignées comme activités d’apprentissage (en termes
7. d’objectifs, de temps ou de ressources). L’apprentissage non formel est intentionnel
de la part de l’apprenant.
Apprentissage informel. Apprentissage découlant des activités de la vie
quotidienne liées au travail, à la famille ou aux loisirs. Il n’est ni organisé ni structuré
(en termes d’objectifs, de temps ou de ressources). L’apprentissage informel
possède la plupart du temps un caractère non intentionnel de la part de l’apprenant.
On voit à travers cette définition que l’apprentissage est bien plus que ce à quoi
nous pensons spontanément. L’apprentissage est bien plus que les formations en
présentiel déconnectées du travail quotidien.
En français « informel » a 2 sens. Ce terme peut vouloir dire « non officiel » comme
dans le cas d’une « réunion informelle ». Ainsi, la majorité de notre apprentissage se
fait « on the job », sans même que l’on s’en aperçoive. Mais informel veut aussi dire
«qui ne suit pas des règles préétablies » comme dans le cas de « l’économie
informelle ». C’est pour cela que certains appellent les apprentissages informels des
apprentissages « buissonniers ».
La réalité de cet apprentissage informel est-elle aujourd’hui bien établie ?
Oui, on peut citer les travaux des chercheurs de l’Ecole de Princeton, qui ont mis à
jour son importance dans le développement et l’acquisition des connaissances
(Précisons ici que nous nous situons dans le monde professionnel, ce qui implique
qu'un certain d'apprentissage de base a déjà été effectué dans des parcours de
scolarisation obligatoire).
Après des années d’enquêtes, d’étude et de validation, Morgan McCall, Robert W.
Eichinger et Michael M. Lombardo du Center for Creative Leadership de l’Université
de Princeton ont développé le modèle 70/20/10. C’est un modèle extrêmement juste
de l’apprentissage. Que dit-il ? Que le développement des compétences et
l’acquisition des connaissances s’effectuent à :
70 % par l’activité et l’expérience, donc “on the job”,
20 % par les contacts, les interactions avec les autres,
10 % par de la formation formelle au sens propre, que ce soit en classe, en atelier ou
encore via le elearning.
Le travail de cette équipe de Princeton a ainsi démontré que 90 % de nos savoirs
proviennent de l’apprentissage informel et non formel. Charles Jennings, qui a
beaucoup contribué à vulgariser ce modèle, invite souvent son audience à réfléchir
sur nos expériences d’apprentissage et sur les lieux où elles se sont produites. Il
prend l’exemple simple du vélo. Comment avez-vous appris à faire du vélo ? En
lisant un manuel, en suivant une formation elearning, en s’exerçant online dans un
serious game ? Non, comme moi, vous avez appris de l’expérience, d’essais
continus, d’échecs répétés.2
8. Comment un senior manager peut-il se convaincre de l’importance de cet
apprentissage ?
En prenant le temps de réfléchir à son propre parcours ! Comment ai-je développé
mon expertise ? Par tâtonnements, seul ou via des réseaux, avec l’aide d’un coach
ou d’un mentor, par l’entremise de salons, d’ouvrages, de formations, etc.
Deuxième question : comment ai-je pu accéder à tous ces apprentissages : grâce à
la confiance de mes managers ? Au droit à l’erreur et au temps que l’on m’a
accordé ? On verra d’ailleurs plus loin que cette prise de conscience est
essentielle…
On voit aussi aux travers de ces définitions que l’apprentissage a une
dimension sociale. Parlez-nous du social learning ?
C’est pourtant une évidence que l’on a parfois oublié ces dernières décennies.
L’apprentissage est social par nature. Le corpus théorique est assez large sur ce
sujet (vous pouvez par exemple consulter les travaux de Vygotsky ou de Bandura).
Pour expliquer l’apprentissage social, je cite souvent les travaux de Richard J.
Legers (Harvard Graduate School of Education) qui ont démontré que l’un des
facteurs les plus importants de réussite dans l’enseignement supérieur est la
capacité des étudiants à former et/ou à participer à des petits groupes d’études. Par
rapport à ceux qui ont travaillé seul de leur coté, ceux qui ont étudié en groupe, ne
serait-ce qu’une fois par semaine, sont plus impliqués, mieux préparés. Les élèves
de ces groupes peuvent poser des questions pour éclaircir des zones d’incertitude,
améliorer leur propre compréhension du sujet en entendant les réponses aux
questions des autres élèves. Les élèves passent ainsi du rôle d’apprenant à celui
d’enseignant.
D’ailleurs, des travaux comme ceux d’Edgar Dale (1969) ou ceux de Brady (1981)
nous montre que la meilleure façon d’apprendre est de jouer le rôle d’enseignant.
Ainsi, nous retenons 90% de l’information lorsque nous enseignons, alors que nous
ne retenons que 10% de ce que nous lisons.
La philosophie du social learning est en contraste avec la vision traditionnelle
cartésienne de la connaissance et la formation. La perspective cartésienne suppose
que la connaissance est une sorte de substance et que l’apprentissage est un moyen
de transférer cette substance des formateurs à leurs élèves. De son côté, au lieu de
partir du principe cartésien du «je pense, donc je suis», la vision sociale de
l'apprentissage dit: «Nous participons, donc nous sommes. "
Seul face à un ordinateur, les premières expériences d’elearning ont souvent déçu.
C’est parce que l’on a simplement oublié que c’est en société que nous apprenons.
L’observation, le partage d’expérience, l’entraide, les discussions, la coopération, la
collaboration sont autant d’occasion d’apprendre. Tout comme la résolution de
problèmes, la créativité, la recherche, l’expérimentation, l’innovation qui sont des
9. apprentissages à part entière. Une très large majorité de notre apprentissage est
donc imprévu, non programmé, informel. Et l’aspect social de l’apprentissage est
fondamental.
On voit aussi que l’apprentissage n’est pas un évènement déconnecté de la vie
quotidienne ou du travail ?
Exactement, on parle d’ailleurs de continuum de l’apprentissage. De façon
intentionnelle ou non, nous apprenons tout au long de notre parcours professionnel.
Et cela est aussi vrai pour une hôtesse d’accueil que pour la C-suite.
Un élément important est le contexte de l’apprentissage. Ebbinghaus avec la courbe
de l’oubli (1885) a démontré qu’hors contexte, et après seulement une heure, nous
oublions 50% de ce qui a été appris.
Pourtant, la formation formelle est trop souvent encore un temps en dehors du
contexte du travail. Dans un monde complexe tel que le notre, les collaborateurs sont
constamment confrontés à des situations nouvelles et doivent trouver des solutions
rapidement. L’apprentissage informel, l’apprentissage social permet de répondre à ce
type de problèmes.
L’apprentissage formel est riche en contenu mais pauvre en interaction. En gros,
nous apprenons à connaître mais pas vraiment à faire. Or dans un environnement
changeant, la question des interactions est cruciale, puisqu’elle nous prépare à faire
face aux problèmes complexes, émergents.
R. Kelly (Université de Carnegie-Mellon) a démontré que nous sommes dans un
monde où les connaissances propres des collaborateurs ne résolvent plus que
10% de leur problématique professionnel. Dans cette perspective, il est plus
efficace de développer des environnements d’apprentissage qui donne la priorité à
l’action et à la connexion plutôt qu’au contenu. Oui, le véritable apprentissage se
trouve dans toutes les nuances de notre façon de collaborer, de partager, de
travailler. L’apprentissage n’est pas ce moment en dehors du travail. Apprentissage
et travail ne forment qu’un même flux. C'est un processus continu, une compétence,
une capacité à agir.
Si les apprentissages informels existent déjà de manière naturelle dans
l’entreprise, cela vaut-il la peine d’investir sur ce sujet ?
Il y a un paradoxe évident puisque l’essentiel des budgets des entreprises est
aujourd’hui consacré à la formation formelle. Loin de moi l’idée que cette dernière
doit être abandonné, mais un rééquilibrage doit s’opérer.
Un DRH avec qui nous travaillons m’a d’ailleurs récemment dit : « je passe mon
budget formation sur les 10% de ce que les gens apprennent. Le reste est laissé au
hasard. Cela doit changer ! »
10. D’ailleurs, de très nombreuses études dans le monde montrent que les
apprentissages informels sont devenus un enjeu stratégique majeur. On peut par
exemple citer les études de Bersin Institute qui montrent que 30% des entreprises
américaines ont lancé des programmes de développement des apprentissages
informels en 2010.
Dans son rapport annuel « State of the Industry », l’ASTD (American Society for
Training & Development), association qui fait référence dans le monde, indique que
56% de ses membres vont augmenter leur investissement dans le management des
apprentissages informels au cours des 3 prochaines années.
Dans un rapport qui fait référence, « Tapping into the potential of Informal Learning
Study », cette même ASTD indique que pour 75% des participants les
apprentissages informels ont une influence modérée à très forte sur leur entreprise.
Le plus intéressant est que 46% pensent que les apprentissages informels
développent fortement les performances des employés (37% pensent qu’ils y
contribuent modérément). Cette étude fait aussi une corrélation positive entre
l’amélioration des performances des entreprises et l’usage intensif des
apprentissages informels.
11. C’est donc devenu un problème hautement stratégique pour beaucoup ?
Effectivement, car on retrouve de manière sous-jacente la question des
apprentissages informels derrière quasiment toutes les problématiques auxquelles
sont confrontées aujourd’hui les entreprises.
Dans le contexte de concurrence internationale actuel, l’enjeu majeur pour les
entreprises se situe dans le maintien et le développement de leur compétitivité qui
repose principalement sur leur performance. Ce contexte de plus en plus complexe
oblige les entreprises à se repenser, à être plus réactives. Elles se sont pour cela
toutes lancées dans une “guerre” des talents et elles accueillent chaque jour de
nouvelles générations plus nombreuses qui ont des attentes différentes de leurs
ainés. On demande sans cesse aux collaborateurs d’être autonomes, engagés,
performants, tout en restant à l’écoute de leur environnement. Les consommateurs
évoluent au rythme des médias sociaux, etc. L’innovation est plus que jamais une
question de survie.
Si l’on réfléchie bien à ces enjeux, on s’aperçoit que derrière eux, c’est la question
des apprentissages qui est soulevée. Et donc que, dans un monde sous contrainte
budgétaire, le développement des apprentissages informels est devenu un enjeu
vital.
Pour exemple, l’entreprise en réseau, le travail collaboratif, l’entreprise 2 .0 sont des
sujets hautement sensibles aujourd’hui. Les éditeurs de solutions collaboratives,
comme les consultants sur ces questions, vantent ces espaces comme des lieux
d’échange informels visant le partage de savoir. Mais il ne suffit pas de mettre en
place des réseaux sociaux d’entreprise pour qu’une entreprise devienne
apprenante. Cette entreprise collaborative repose avant tout sur une réelle prise de
12. conscience, une volonté qui impulse une nouvelle approche organisationnelle et
managériale qui lui permette de se développer.
Tout le monde se pose la question du ROI du communautaire, cherche des solutions
pour que chacun collabore et contribue plus. Mais derrière ces questions se trouve
encore celle des apprentissages informels et de leur reconnaissance.
Pourquoi ne tire-t-on pas facilement les conséquences de la prééminence des
apprentissages informels ?
Parce qu’il est difficile d’expliquer et de repérer l’acquisition de connaissances
informelles du fait de leur aspect non intentionnel. Si l’on apprend quelque chose
sans le vouloir, comment dire par quelle procédure on l’a acquis ? De même, on n’a
pas forcément conscience d’avoir acquis une nouvelle compétence.
Si l’on compare l’apprentissage à un iceberg, les apprentissages informels
constituent la partie immergée de celui-ci. Et pendant longtemps, ce type
d’apprentissage a complètement échappé au radar des managers.
C’est au service formation de s’emparer de ces questions ?
Oui et non.
Oui, parce que si on ne décrète pas les apprentissages informels, on peut par contre
les favoriser. Un des nouveaux rôles du service formation est de favoriser le
développement d’espace (physique ou virtuel) où ce type d’apprentissage va pouvoir
évoluer favorablement. Il peut aussi donner les clés à chacun pour qu’il puisse y
évoluer. Cela revient à travailler sur le développement de deux compétences
transverses devenues critiques : celle de l’apprenance ( comme l'ont souligné les
courants de « l’apprendre à apprendre ») et celle de la résilience – la compétence
d’accepter et d’accompagner le changement.
Il doit aussi développer des boucles itératives entre la formation formelle et
l’apprentissage informel.
Non, ce n’est pas parce que l’on parle d’apprentissage (certes informel), que c’est un
problème qui est la propriété du service formation.
C'est-à-dire ?
Pour prendre une image, on peut parler de l’effet diligence. L’universitaire Jacques
Perriault explique que c’est le temps qu’une invention prend pour devenir une
innovation, c’est-à-dire être socialement acceptée. Durant la période de transition,
des protocoles anciens sont appliqués aux idées nouvelles : ainsi, les premiers
wagons de chemin de fer avaient la forme des diligences !
Par exemple, à la naissance de l’elearning, on s’est contenté de découper les
anciens manuels pour les injecter dans ces nouveaux systèmes informatiques.
13. Dans le cadre du développement des apprentissages informels, l’effet diligence
serait de confier le pilotage de la démarche au seul service formation ou à un
nouveau service transverse, en glissant sous le tapis la question, certes complexe,
du management et du changement organisationnel.
Quelle est la première démarche sur le chemin du développement des
apprentissages informels ?
J’en reviens au début de notre entretien. Sans prise de conscience de la part de
l’ensemble de la chaîne hiérarchique, de la C-suite aux managers de proximité, de
l’existence et de l’importance du sujet, il est vain d’espérer de grands changements.
Et pour un senior manager…
L’essentiel est de comprendre qu’on ne décide pas des apprentissages informels.
Par contre, on peut facilement les étouffer. Sous réserve qu’il s’y engage lui-même,
le manager est plutôt un catalyseur, un facilitateur d’échanges.
Il est important que les managers valorisent ces pratiques qui répondent à des
motivations individuelles puissantes. Il est essentiel par exemple qu’ils les
reconnaissent en donnant ce que certains qualifient de « quittance émotionnelle».
Parlez-nous du concept de l’entreprise enseignante
L’entreprise collaborative ne peut faire l’économie de sa propre ouverture sur le
monde. Sur tous les continents, dans tous les secteurs d’activités, des entreprises de
toutes tailles font le choix d’être des entreprises enseignantes.
Ces entreprises ne se contentent plus d’apprendre en permanence. Elles appliquent
le principe le plus important du social learning : La meilleure façon
d’apprendre est d’enseigner. En enseignant, les collaborateurs sont conduit à
formaliser, synthétiser, restituer leurs propres apprentissages, à les confronter à
leurs pairs, à recueillir l’avis de ces derniers.
Une entreprise enseignante est une entreprise qui partage et restitue ses idées
avec ses concurrents, ses clients, ses partenaires, ses prospects.
Pour Bill Taylor1
, il ne s’agit en rien d’une démarche philanthropique, mais bien d’une
démarche pragmatique et réfléchie qui offre 4 bénéfices :
1. Mettre la pression sur la concurrence,
2. Apparaître comme le leader d’opinion de son marché,
3. Développer une communauté forte,
1
Bill Taylor: The rise of teaching organization, Harvard Business Review
14. 4. Forcer son organisation à apprendre sans cesse, car les apprentissages
d’hier ne restent plus un avantage compétitif, dès lors qu’ils sont
partagés.
Formations à la demande, Communautés de pratiques, Médias sociaux, Classes
virtuelles, E-académie, Massive Open Online Courses, Open Education, Open
Innovation, Certifications gratuites, … L’entreprise enseignante utilise une multitude
d’outils pour accompagner la montée en compétences de son écosystème, de tout
son marché. Surtout, c’est toute sa structure qui est tournée vers cette mission, RH,
R&D, Marketing, Commerciaux, SAV…
Pour l’entreprise qui choisit d’adopter cette vision, les effets sur ses processus et sur
sa culture sont profonds. Un cercle vertueux se met en place qui développe les
capacités d’apprentissage, favorise le partage et la mise en réseau des
compétences et des connaissances.
De la science fiction pour vous ? Ce n’est pas vraiment l’avis de la responsable du
programme Cisco Learning Program:
« Notre programme, après 5 ans d’existence, est devenu un portail mondial pour
l’ensemble de l’industrie IT avec plus de 2 millions d’utilisateurs, en comptant nos
propres collaborateurs. Ils partagent des informations sur toute la filière, de la
certification Cisco à la recherche d’emploi. Il nous a permis de différencier notre
marque, de créer un écosystème fidèle, une mine pour le marketing et
d’influencer le marché. C’est aussi un formidable moyen pour comprendre nos
clients.
Les dirigeants de Cisco ont voulu notre programme comme un moyen de toucher
chaque individu de notre industrie, qu’il s’agisse de nos propres employés ou de
n’importe qui du secteur. Avec notre programme, nous avons une armée de
millions de personnes centrée sur notre stratégie, nos objectifs, sur notre
technologie. C’est tellement plus puissant que la commercialisation classique
ou tout autre chose que vous pouvez faire dans votre entreprise. Par exemple,
10% de nos membres sont encore des étudiants. Avant même qu’ils achètent ou
utilisent nos produits, nous leur tendons la main.
Nous avons constaté que 25 à 30% de nos membres deviennent des clients plus
fidèles. Or nous sommes en mesures de lier directement cette fidélité aux revenues.
Et dans leur cas, ils sont significativement supérieurs.
Une marque n’est pas seulement ce que vous dites, mais c’est ce que vous faites sur
le marché tous les jours. C’est ce que vos clients disent et font de vous tous les jours
de leurs propres expériences.
Notre vision est que nous devons créer un environnement toujours plus collaboratif
pour changer notre approche du marché, pour développer nos produits et services,
15. pour interagir avec nos clients. Et si le programme fonctionne, c’est parce que nous
avons cette grande vision. Il est le chemin vers le but final. Il n’est pas le but. »
Lors du lancement du programme, au plus fort de la crise financière, John
Chambers, le CEO de Cisco, avait déclaré: « Nous voulons une culture où il est
inacceptable de ne pas partager ce que vous savez ». Depuis cette date, le
chiffre d’affaires de Cisco a bondit de 35%, son bénéfice de 77%.
L’entreprise enseignante permet d’organiser de manière proactive son
écosystème (prospects, clients, partenaires, concurrents) en l’alignant sur ses
propres lignes de force, renforçant ainsi son avantage et son leadership.
En clair, vous êtes ce que vous partagez.
Ce pourrait être le slogan du social learning.
J’ai récemment échangé avec un manager RH de la plus grande banque de la
péninsule arabique. Cette banque a une culture d'entreprise qui encourage la
créativité, l’innovation. Il recherche donc des candidats en ligne avec cette approche
entrepreneuriale, des candidats en mesure de développer de bonnes relations avec
les clients internes et externes de la banque. Il m’a expliqué que leur premier critère
de sélection de recrutement, après le parcours académique/professionnel, est la
capacité des candidats a continuellement apprendre dans des situations informels.
J’ai été surpris de le voir reprendre une formule d’Hélène Trocmé-Fabre, une grande
pédagogue française. Formule qui sera ma conclusion :
« Le seul métier durable du 21ème
siècle : apprendre »
1. Cedefop Terminologie de la politique européenne d’enseignement et de formation (2008)
2. Apprentissage formel ou informel ? Les deux mon capitaine ! par Frédéric Domon -
supplément Smarter Planet du Monde (2011)
- See more at: http://socialearning.fr/nos-actualites/178-apprentissage-a-visage-social-par-
frederic-domon#sthash.h7vNn02V.dpuf
16. George Siemens
Séduit par le potentiel de la technologie pour transformer l'apprentissage et
la société, il est convaincu que les perspectives actuelles d'enseignement
doivent être révisées pour satisfaire les besoins des "étudiants
d'aujourd'hui". Consultant auprés de sociétés, des bureaux
gouvernementaux, d’associations de formation, d’ONG.
http://www.elearnspace.org
Interview réalisée par Harold Jarche le 1er
octobre 2009, quelques heures avant que celui-ci
n’annonce son départ de l’université de Manitoba pour prendre un nouveau poste au
Technology Enhanced Knowledge Research Institute, à l’université d’Athabasca.
L’une des raisons pour lesquelles George est impatient de commencer à faire de la
recherche appliquée, est qu’il a l’impression que nous disposons d’outils déficients.
Si nous avons actuellement des théories, comme sa théorie du Connectivisme, nous
manquons de moyens de les mettre en applications.
Harold : Un nombre croissant d’employés est déjà engagé dans différents réseaux
sociaux digitaux. Est-ce une chose que la hiérarchie doit prendre en compte ?
George : Oui, les dirigeants devraient prendre en considération qu’il existe,
concernant l’échange de connaissances, une structure différente de celle
mentionnée dans l’organigramme officiel de l’organisation.
Auparavant, le travail était organisé dans la perspective d’activités physiques. Les
hiérarchies et les emplois ont été développés à une époque où le travail était plus
structuré. De nos jours, on emploie plus quelqu’un pour son réseau que pour ses
connaissances; et les dirigeants doivent admettre que les gens ont bel et bien un
réseau social.
Pour les employés du savoir, il existe un partage continu d’informations avec les
collègues en interne, mais aussi avec l’extérieur de l’entreprise. Les dirigeants
doivent désormais reconnaître la validité du social learning et encourager l’utilisation
d’outils de partage.
Harold : Comment définiriez-vous le social learning dans les entreprises actuelles ?
George : Le social learning a sa propre sociologie. Pour certains, il n’existe pas
quelque chose comme un espace social préexistant, et cet espace social change en
permanence. Pour d’autres, les structures sociétales existantes ont une influence
majeure sur l’apprentissage dans un contexte social.
Sur le web, le social learning est un acte d’apprentissage guidé par le contact
régulier et l’association avec nos pairs. Ces relations sont nouées et renouées
continuellement, au fur et à mesure. Par exemple, le travail dans une équipe où les
tâches sont réparties entre les différents membres, n’est pas social en soi, mais nous
construisons notre identité sociale en faisant ce travail. Enfin, le social learning
nécessite un effort et un travail constants.
Harold : Le social learning est-il d’une quelconque importance sur le lieu de travail ?
George : La demande de moyens de connexion avec les autres est croissante.
17. C’est ensemble que nous pouvons trouver du sens, et ceci est un acte social. Pour
pouvoir fonctionner, les organisations ont besoin d’encourager les échanges sociaux
et le social learning, puisque le rythme des affaires s’accentue et que les
changements technologiques se font plus rapidement.
L’expérience sociale suppose, par nature, une forte faculté d’adaptation. Dans un
environnement changeant, l’état d’esprit que l’on développe avec le social learning
permet d’avoir des réactions plus appropriées quant aux changements à opérer au
sein de l’organisation.
Harold : Le Manifeste des évidences stipulait que « les liens hypertextes
bouleversent les hiérarchies ». Si les employés se connectent à n’importe qui au sein
de leur réseau social, cela bouleversera-t-il alors l’ordre hiérarchique ? Les dirigeants
devraient-ils être concernés ?
George : C’est une bonne question. Pour moi, il y a deux fonctions que les dirigeants
devraient avoir dans l’entreprise actuelle :
1. Faciliter : créer un espace pour les individus et l’organisation, afin qu’ils
réussissent ensemble.
2. Administrer : s’assurer que l’organisation fonctionne comme un tout.
De plus, les employés qui se connectent les uns aux autres en dehors de
l’organisation ne bouleversent aucunement l’organisation, mais ils poussent les
dirigeants à se concentrer sur le lien et l’interconnexion. Manager les connaissances
et la créativité n’a rien à voir avec le système traditionnel de commandement et de
contrôle.
Harold : Est-ce que les services de RH, de formation devront modifier la moindre de
leurs pratiques pour encourager le social learning ?
George : De bons exemples de pratiques sociales des RH sont les Blue Pages
d’IBM, l’utilisation, en interne, de Twitter et une plus grande transparence de la
fonction RH.
De nos jours, les gens s’attendent à être informés avant même que les choses
n’aient eu lieu. Nous voulons être consultés et nous exigeons un rôle plus important
dans les domaines qui pourraient changer notre vie. Nous nous attendons à un
certain degré de participation.
Le service Formation a besoin d’être plus transparent. Ses équipes doivent avoir
l’opportunité de comprendre les situations et d’y réagir. En fonction des feedback
reçus, elles doivent pouvoir s’adapter et opérer des changements constamment.
Cela signifie que les organisations ont besoin d’améliorer leurs capacités d’écoute et
de développer leur communication interne. Il relève de la responsabilité de
l’organisation de créer une écologie qui laisse les gens se connecter entre eux et à
des idées nouvelles.
Une entreprise, développant avec succès une stratégie de Social Learning, devrait:
- Etre transparente dans toutes ses activités,
- Rester pro-active,
- Tenir tout le monde informé,
18. - Et fournir de multiples circuits de feedback.
Bertrand Duperrin
Consultant pour Blue Kiwi spécialisé dans le fonctionnement de l’entreprise
dans sa dimension organisationnelle et humaine, et la manière dont elle
devra faire face à ces enjeux nouveaux.
http://www.duperrin.com/
L’apprentissage a toujours été essentiel pour les organisations. Être capable de
livrer les savoirs nécessaires pour aider les employés à s’améliorer a toujours été un
atout majeur. C’est pourquoi les entreprises ont mis en œuvre ce qu’il fallait pour
enseigner et former les gens, supposant alors que l’organisation connaissait tout ce
qui était nécessaire et n’avait plus qu’à organiser le transfert des savoirs en direction
des employés. Mais à mesure que notre économie bascule chaque jour de plus en
plus vers une économie du savoir, la connaissance prend désormais différentes
formes et les suppositions précédentes ne couvrent plus la totalité des compétences.
À présent, le savoir n’est plus la seule propriété des organisations ; les employés en
détiennent une grande partie. De plus, les gens n’ont pas besoin d’apprendre une
bonne fois pour toutes quelque chose pour ensuite répéter indéfiniment les mêmes
tâches ; ils ont au contraire besoin de plus de savoirs, de connaître des choses dans
un certain contexte, et sont à l’affût de connaissances afin de faire face à la nature
peu répétitive de leur métier. Ils n’ont donc pas seulement besoin d’exploiter le savoir
de leur entreprise, mais aussi celui de leurs collègues, afin de bénéficier d’un savoir
et d’une expérience spécifiques au moment où ils en ont besoin. Par conséquent,
l’action d’apprendre n’a pas lieu seulement une fois pour toutes – avec des temps de
révisions très espacés – mais également sur le tas, lors de discussions avec leurs
collègues.
Cette nouvelle approche de l’apprentissage - qui a de nombreux points communs, de
par sa logique sociale, avec le web social aka 2.0 – porte logiquement le nom de «
social learning ».
De nos jours, la plus grande partie du travail des gens consiste à résoudre des
problèmes tout au long de la journée, chaque problème constituant une situation
nouvelle et encore jamais résolue. C’est pourquoi rien ne peut être appris une fois
pour être ensuite répété sans cesse. Mais en général, si l’entreprise elle-même ne
connaît pas la solution, alors cette solution peut être trouvée au sein de l’entreprise :
bien souvent, les employés actuels ou les anciens employés détiennent la solution.
Puisqu’il s’agit de problèmes très précis et d’un contexte bien particulier, la seule
manière de trouver la solution appropriée est de chercher une solution
contextualisée, sans aucun intermédiaire, directement auprès de la personne qui
connaît la réponse. En d’autres termes, il s’agit d’un apprentissage de personne à
personne qui est efficace parce qu’il survient au moment même où on en a besoin, et
uniquement à ce moment-là, et parce qu’il fait intervenir une personne qui a déjà dû
trouver une solution à ce problème et s’en est servie.
De nombreuses organisations ont déjà essayé - et certaines y sont même parvenues
- d’intégrer de telles pratiques dans « la vraie vie », en essayant de rassembler les
19. gens pour faciliter le partage des connaissances et des expériences, ainsi que la
résolution des problèmes, ce qui représente également une manière sociale
d’apprendre des choses. L’objectif était très simple : créer un marché vivant où les «
preneurs », les personnes à la recherche d’une solution et désireuses d’apprendre
des autres, pouvaient rencontrer des « donneurs », ceux qui « un jour, l’ont fait ».
Mais même lorsque cette expérience se traduisait par une réussite, cette approche-ci
ne permettait pas d’obtenir des résultats à la hauteur de son potentiel, et ce pour
deux raisons. Premièrement, dans une grande organisation, quelqu’un peut avoir
besoin d’apprendre de tous, et réunir tout le monde au même endroit est impossible.
Deuxièmement, parce que cette approche nécessite des interactions synchronisées
entre des personnes qui ne se connaissaient pas auparavant, ce qui est plutôt
susceptible d’arriver de manière non synchronisée, laissant ainsi le temps à chaque
personne de trouver les autres.
Voilà pourquoi le mot « social » dans l’expression « social learning » ne signifie pas
seulement qu’il y a une interaction de personne à personne, mais aussi que les
logiciels sociaux peuvent apporter une certaine aide. Une « certaine aide »
seulement, car il s’agit simplement d’une plate-forme qui n’enseignera donc rien à qui
que ce soit. Mais cette plate-forme permet de surmonter les deux obstacles
mentionnés ci-dessus : créer un espace aux dimensions de l’entreprise où les
preneurs et les donneurs peuvent se retrouver et engager des conversations qui
seront utiles à l’ensemble de l’organisation, aujourd’hui et demain. De ce fait,
puisque les problèmes, leurs solutions, et les différentes conversations resteront
accessibles, on comprend qu’il sera même possible d’apprendre quelque chose des
anciens employés. Même si l’apprentissage social ne reste avant tout qu'une
interaction de personne à personne, ceci nous permet de comprendre pourquoi les
médias sociaux se sont invités dans la discussion. En vérité, même si l’apprentissage
social est différent de l’apprentissage organisationnel, il nécessite parfois un
paramètre fictif organisationnel pour assurer l’effectivité du marché de
l’apprentissage P2P et la durabilité des actions passées d’apprentissage social.
L’apprentissage a été utilisé pour construire des systèmes organisationnels formels
pendant des siècles, sans tenir compte des personnes qui faisaient partie de ces
systèmes. A présent, la prochaine étape importante dans la performance des
organisations nécessite d’exploiter les savoirs qui se trouvent au cœur de ces
systèmes, en d’autres termes le savoir des personnes, afin d’utiliser toute
l’expérience collective et tous les savoirs dans la production ainsi que dans les
tâches quotidiennes. Ainsi, les employés seront à la fois enseignants et élèves, dans
un processus ininterrompu d’apprentissage informel. Voilà tout ce dont traite le social
learning.
20. Frédéric Cavazza
Consultant indépendant spécialisé dans la gestion de projet, le marketing
ou encore l’utilisabité sur internet. Il s’occupe de nombreux blogs sur de
nombreux sujets comme les médias sociaux ou l’entreprise 2.0.
http://www.fredcavazza.net/
Le Social Learning pourrait se définir comme suit : "Les pratiques et outils de
capitalisation, de partage et d’enrichissement des connaissances au travers de la
collaboration".
Cela devrait être une composante essentielle de la politique RH d’une entreprise, car
générateur de valeur ajoutée dans le sens savoir-faire (très complexe à copier ou à
sous-traiter) et non-capacité de production (un facteur de compétitivité du siècle
dernier).
L’objectif du Social Learning est d’extraire les connaissances des individus et fichiers
pour les répertorier, les indexer et les rendre disponibles à l’ensemble des
collaborateurs afin qu’ils puissent en bénéficier et les enrichir.
Les prérequis du Social Learning sont :
- Une volonté forte de la direction générale relayée auprès du middle
management ;
- Une incitation et de la reconnaissance validée par les RH ;
- Des outils permettant de faciliter / stimuler les échanges.
Les outils liés aux pratiques de Social Learning sont nombreux et correspondent à
des objectifs différents :
- Les blogs, wiki et FAQ collaboratives pour stocker et structurer les
connaissances ;
- Les social bookmarks pour mutualiser les sources externes et faire du filtrage
collaboratif ;
- Les espaces de discussions pour historiser / pérenniser les échanges ;
- Le réseau social interne pour assurer la traçabilité des contributions.
C’est avant tout un dispositif global qui va directement jouer sur la performance
collective des collaborateurs et indirectement améliorer la performance individuelle à
plus long terme (à mesure que les mentalités et habitudes de travail évoluent et
s’adaptent à une dynamique de collaboration).
21. Clark Quinn
Clark Quinn a obtenu un doctorat en science cognitive appliquée à l'UCSD.
Il apporte une compréhension profonde de l’apprentissage et son
expérience en conception de solutions technologiques pour s’assurer que
l'apprenant, l'apprentissage et l'expérience des utilisateurs soient intégrés
avec succès dans des solutions performantes.
http://blog.learnlets.com/
L’infrastructure de l’inspiration
A mesure que le rythme du changement s’accélère, les différents contextes dans
lesquels nous agissons deviennent moins prévisibles, et nous devons être plus
agiles. Le seul prix à payer pour faire la différence sera de mettre tout en œuvre pour
bénéficier d’une expérience riche, en innovant continuellement. Pour ce faire, il est
nécessaire de créer une infrastructure qui va soutenir la créativité. En effet, nous
devons sans cesse nous adapter: lire notre environnement avec les lunettes de la
flexibilité et faire des changements de cap. Or on ne s’aperçoit nettement d’une
victoire que lorsque le dialogue est facilité, ce qui va permettre de tirer profit du
savoir des gens pour atteindre les objectifs de son organisation. Pour cela, il faut
donc toujours apporter de nouvelles idées. Mais, est-ce vraiment cela,
l’apprentissage ?
Tout d’abord, le terme d’ « apprentissage » pose problème. En effet, cette étiquette
relègue trop souvent la discussion à l’apprentissage formel, en d’autres termes la
formation et l’enseignement, et place l’apprentissage dans la catégorie du « bon à
avoir mais pas essentiel » dès lors que l’on y introduit des domaines tels que la
résolution des problèmes, le design, la créativité, la recherche, l’expérience ou
l’innovation. Pourtant, ces derniers sont réellement des apprentissages à part
entière; si le sujet est encore méconnu, il sera prochainement étudié. Ces domaines
sous-entendent la découverte de quelque chose de nouveau, et c’est bien cela
Apprendre. L’autre cas d’apprentissage a lieu lorsque quelqu’un partage un savoir
avec une autre personne en pleine action ; cela n’est pas non plus considéré comme
un apprentissage formel, et pourtant il s’agit bien d’un apprentissage. De ce fait, il
pourrait être approprié de parler d’ « inspiration » plutôt que d’apprentissage : nous
avons continuellement besoin d’inspiration, que ce soit pour ce que nous
entreprenons de faire, ou pour la manière de faire ce que nous avons besoin de
faire.
Lorsque l’on apprend quelque chose des autres, on crée ensemble un axe de
compréhension, et ceci a des conséquences à la fois sur l’apprentissage formel et
l’apprentissage informel, ainsi que sur l’efficacité organisationnelle et sociétale. La
conséquence d’internet, cette terre plate, c’est que l’on peut apprendre socialement
grâce à des méthodes nouvelles et avec de nouvelles personnes, en créant de
nouveaux axes de compréhension, de nouvelles « inspirations ». Le défi à présent
est d’exploiter ces outils, qu’ils soient anciens ou modernes, de manière utile et
raisonnée. Nous devons travailler de manière inspirée, en trouvant de nouvelles
idées qui vont nous mener vers de nouvelles opportunités.
Nous savons que le social learning détient un réel pouvoir. Les théories de certains
psychologues - qui remontent aussi loin qu’à Vygotsky et Bandura - comportent aussi
22. bien les approches constructivistes que connectivistes, ainsi que des travaux
empiriques en psychologie de l’éducation. L’apprentissage organisationnel et
désormais la neuroscience sont là pour nous montrer que l’apprentissage social
peut être plus riche que l’apprentissage seul, lorsque cet apprentissage est bien
conçu ou lorsque l’on est un social learner efficace. Ceci est la clé pour plus
d’inspiration.
Cependant, considérer que la connaissance va de paire avec « l’apprendre
ensemble » serait une erreur. De la même manière que l’on définit clairement quelles
sont ses valeurs culturelles afin d’aligner plus facilement son comportement sur ses
valeurs, s’exprimer de façon claire sur ses connaissances facilite l’évaluation et le
développement de ces dernières. Très sincèrement, il faut bien avouer que ces
connaissances ne sont pas forcément très bien développées, même chez lesdits
digital natives.
Comme nous l’avons déjà dit, dans l’apprentissage informel il y a deux aspects
fondamentaux : s’ouvrir à la communication et faciliter la collaboration. Lorsqu’une
personne a la réponse dont une autre personne a besoin - que ce soit un dirigeant
sagace ou un expert qui a une compréhension détaillée d’un sujet - ce savoir peut
(et devrait même) être partagé avec ceux qui ont besoin d’agir ensuite ou de parfaire
leur connaissance. De même, lorsque de nouveaux problèmes doivent être résolus,
que ce soit avec des produits ou des services existants, ou bien encore en créant de
nouvelles offres, c’est bien d’innovation ou de créativité dont on a besoin. Dans ces
deux cas, on peut démontrer que l’apprentissage se fait de manière sociale. Par
conséquent, le social learning constitue une grande opportunité organisationnelle.
Néanmoins, il y a une autre opportunité à ne pas négliger. Lorsque l’on examine le
parcours de formation d’une personne, du stade de débutant jusqu’à celui d’expert,
en passant par celui de personne expérimentée, on constate que le rôle de
l’apprentissage formel est plus important chez le novice, puis de moins en moins
important au fur et à mesure qu’il apprend. Si le social learning est évidemment
l’élément crucial qui soutient l’apprentissage informel, il est aussi la clé de meilleurs
résultats dans l’apprentissage formel. Quand le social learning englobe aussi
l’apprentissage formel et permet l’émergence d’une communauté de pratiques, nous
créons alors un environnement continu performant d’apprentissage. C’est ce que je
qualifierais d’ « écosystème de performance », ou encore d’ « infrastructure de
l’inspiration ».
Pour cela nous avons besoin d’outils, de méthodes, de développement
organisationnel, et bien plus encore. Certes, ce n’est pas une chose aisée, mais c’est
la clé de la réussite. Considérez ceci comme un appel aux armes : vous devez
favoriser les inspirations au sein de votre organisation, et n’oubliez pas que le social
learning en est la clé.
23. Anthony Poncier
Consultant en management et en stratégie des organisations, plus
particulièrement spécialisé dans le management de l’information
(entreprise 2.0, travail collaboratif, web 2.0, e-reputation, intelligence
économique,…).
http://poncier.org/blog/
La définition donnée par l’Union européenne de l’e-learning englobe le social
learning : « l’e-learning est l’utilisation des nouvelles technologies multimédias de
l’Internet pour améliorer la qualité de l’apprentissage en facilitant d’une part l’accès à
des ressources et à des services, d’autre part les échanges et la collaboration à
distance ».
Dans les faits, l’e-learning a dérivé vers une formation à distance asynchrone
souvent dans une pédagogie frontale, avec quelques exercices pratiques. Au regard
de la définition originelle, si l’accès à des ressources et services s’est concrétisé, les
échanges sont souvent à sens unique et la collaboration est quasi inexistante.
Pour essayer de compenser ce besoin, les entreprises ont recours à un mode
d'apprentissage mixte, le blended learning. Cela désigne le recours au e-learning
suivi d’un accompagnement plus classique en « présentiel ». On alterne ainsi entre
des sessions en ligne et des sessions en face-à-face, avec un formateur, mettant en
application, de façon plus participative (exercices, jeux de rôle…), les concepts
expliqués lors du e-learning. Cela répond à une demande des collaborateurs de
l’entreprise qui souhaitent, à juste titre, échanger avec leurs collègues. Dans le e-
learning, tel qu’il est pratiqué actuellement, ils se retrouvent seuls devant un
ordinateur (chez eux ou au travail).
On retrouve finalement le système d’enseignement « classique » de la culture
européenne, à l’exception de certains courants pédagogiques comme l’école Freinet
ou celle de Francisco Ferrer, du professeur (virtuel ou non) détenteur d’un savoir qu’il
dispense, suivi d’exercices d’application et d’évaluation.
Si les américains sont plus perméables à la notion de social learning, cela vient peut-
être du fait que l’enseignant (du moins à l’université) propose une série d’ouvrages à
étudier, autour desquels il va organiser une discussion, où chacun va participer pour
enrichir son apprentissage et celui des autres. Aujourd’hui les médias sociaux vont
permettre de compléter/remplacer l’e-learning remettant de la collaboration, du
«social » dans les modes d’apprentissage :
- auto apprentissage (vcast, podcast, bookmarking, ranking, tutoriaux…),
- collectifs à travers des discussions et des échanges (réseaux sociaux,
microblogging, forums, wikis, blogs, chat, échanges de fichiers, VOIP…).
Tous ces savoirs informels vont pouvoir être capitalisés pour/par la communauté des
apprenants et surtout enrichis par tous. En effet, généralement chacun organise son
apprentissage. Il faut donc donner les moyens et l’envie de partager ou « socialiser »
ce travail personnel, à l’ensemble des apprenants (c’est le rôle de l’animateur/). Le
24. but étant de pouvoir s’auto organiser pour une construire un apprentissage collectif
et collaboratif, premier pas vers une intelligence collective.
Le social learning répond aussi au besoin des entreprises pour renforcer le lien social
dans leurs équipes. Surtout si ce lien perdure au-delà des sessions de formation. Le
social learning développe donc un apprentissage plus proactif, mais surtout une
autre façon de s’organiser et de travailler ensuite : renforcer le travail d’équipe en
mode projet, et mettre en place des communautés et du travail collaboratif dans
l’entreprise.
Un des axes développés dans les textes officiels de l’Education nationale en France
est de mettre l’élève au centre du système. Grâce aux médias sociaux et au social
learning, les collaborateurs sont au centre de leur apprentissage, qu’ils co-
construisent ensemble. Le social learning permet un vrai changement de paradigme,
avec une formation renforcée, dans le même temps de manière collective et
individuelle, où chacun :
- devient un véritable acteur de sa formation (sélection des informations,
organisation des besoins, échanges et travail en réseau…),
- apprend à fonctionner de manière collaborative (développement de cette
culture au sein de l’entreprise, pour rendre cette dernière plus agile).
25. Cédric Deniaud
Consultant Internet en webmarketing, conseil en communication de
marque sur Internet et projets Internet (ergonomie, mise en place de
projets, gestion de communauté, e-commerce).
http://cdeniaud.canalblog.com/
L'un des principaux enjeux pour toute entreprise, quelle que soit son activité, est de
faire travailler efficacement les gens en équipe. Sauf, que cette notion d'équipe est
bien différente aujourd'hui à l'heure du mode de travail en projet, des projets
transversaux et pluridisciplinaires, qu’il y encore quelques années. Mais savoir
travailler en équipe, ce n'est pas que savoir travailler ensemble sur des projets c'est
aussi savoir valoriser, partager, et diffuser ses informations et connaissances au sein
de l'entreprise.
Le social learning englobe ces deux notions : celle de la collaboration entre
employés, de laquelle collaboration née un enrichissement des bonnes pratiques et
processus liés à l'entreprise ou au projet.
La difficulté est à la fois la compréhension par tous de ces enjeux (changement de la
culture de la collaboration au sein d'une entreprise) mais aussi l'adoption des outils
mis en place. Une collaboration, à l'heure du travail en réseau, implique des outils
efficaces. En effet, un outil pour être adopté et utilisé doit représenter pour chaque
personne qui l'utilise un bénéfice, que cela soit la valorisation de ses connaissances,
la facilité de partage, la facilité de recherche d'informations, la facilité d'interactions
avec les autres collaborateurs.
La réflexion, comme pour toute démarche, doit d'abord être guidée par l'aspect
bénéfice et usage avant l'aspect fonctionnel et technique. Que l'on parle de
plateforme de partage de contenus, de wikis, de réseau social... l'outil doit être
adapté à la cible qui va l'utiliser et au besoin auquel il doit répondre.
Savoir collaborer, partager ses connaissances et les valoriser font aujourd'hui partie
de véritables compétences requises. L'employé est un être humain apprenant
continuellement et devant à chaque moment remettre en cause son mode de
fonctionnement pour s'adapter aux évolutions de son environnement de travail. Les
outils de collaboration doivent l'aider dans cette démarche : les outils doivent alors
ressentis comme une aide, un support, une opportunité plutôt que comme une
menace ou un frein. L'adoption d'un outil de collaboration implique donc sa
nécessaire compréhension qui doit passer par l'accompagnement au changement.
En somme, le Social Learning doit regrouper :
- la mise en place d'outils répondant à des besoins nécessaires de
l'entreprise dans l'amélioration de ces processus d'apprentissage et de
collaboration,
- l'accompagnement à l'adoption de cesdits outils pour en favoriser le bon
usage.
26. Jay Cross
Jay Cross, titulaire d'un MBA de Harvard et fort de décennies d'expérience,
est notamment l’auteur de livres posant la question de la mise en œuvre
du changement organisationnel et de l'apprentissage informel.
http://jaycross.com/
Aussi inattendu que cela puisse paraître, le terme « social » n’est apparu dans notre
langue qu’il y a 500 ans à peine. S’il a toujours signifié ce qu’il signifie aujourd’hui, à
savoir « ce qui est relatif au groupe humain », il a aussi désigné, dès l’origine, « ce
qui est caractérisé par la cordialité et la sympathie ». Nous autres humains, nous
aimons en effet être en compagnie de nos semblables.
Depuis la nuit des temps, c’est en société que nous avons appris à travailler : on
discute entre nous, on imite les gestes de ceux qui réussissent, on s’interroge, on
dialogue, on échange, et on collabore. Et comme tout cela se fait dans la joie et la
bonne humeur, on continue.
Le tapage qui est fait de nos jours autour des médias sociaux, des réseaux sociaux,
et des logiciels sociaux ne doit pas nous induire en erreur : l’apprentissage social
n’est pas un phénomène du web 2.0. Il ne faut pas mettre la charrue avant les
bœufs !
La plupart des choses que nous apprenons, nous les apprenons les uns des autres.
Et c’est en rassemblant les gens, que ce soit sur un canapé ou sur Facebook, que
cela est possible. L’aspect social de l’apprentissage est fondamental.
On dit souvent, quand on parle de l’apprentissage en entreprise, que ce n’est pas
qu’une affaire de technologie. C’est juste. Car c’est une affaire de personnes.
27. Florence Meichel
Consultante - conférencière et coach dans le domaine de l'éducation 2.0 et
la formation 2.0.
http://florencemeichel.blogspot.com/
J’associe le social learning a un design organisationnel que j’appelle les réseaux
apprenants.
Cette forme d’organisation sociale se structure sur des sites sociaux (par exemple
ning, elgg ou budypress ou autres), autour d’un réseau d’acteurs relies les uns aux
autres grâce à internet …
Les acteurs viennent y partager un certain nombre d’idées, d'expériences et de
ressources, ils viennent aussi collaborer, coopérer autour de projets, d’initiatives et
ce faisant ils génèrent de puissantes dynamiques d’apprentissage sur le plan
individuel et collectif mêlant à la fois le formel et l’informel, le présentiel et le
distanciel, le synchrone et l'asynchrone...etc.
Pour être efficients, les processus d’apprentissages en jeu doivent intégrer deux
dimensions complémentaires : on apprend de ce que l'on fait en en parlant aux
autres…et en même temps, on apprend comment on apprend : cela rejoint la notion
d’apprendre à apprendre…De ces deux approches découlent des processus
d’apprentissage en double boucle, a la fois sur le plan individuel et collectif, qui
permettent aux organisations de développer des compétences adaptatives
permanentes et pertinentes…
Généralement, un animateur de communauté accompagne ces processus formatifs,
l’idéal étant que progressivement les acteurs deviennent à la fois co-apprenants et
co-formateurs les uns des autres …
Dans un monde qui se complexifie et change en continu, ces compétences
d’apprenance deviennent indispensables aux organisations pour survivre et se
développer de façon soutenable…une bonne raison pour que les entreprises
s’engagent sur cette nouvelle voie d'apprenance…
La mise en œuvre de ces nouveaux processus nécessite cependant de profonds
changements de paradigme car elle remet en question de nombreux repères,
habitudes et représentations liés en particulier aux structures bureaucratiques : la
démarche collective de changement qui lui est associée devra se construire dans le
temps afin de laisser une place à tous les ajustements nécessaires ; elle constitue
d’une certaine manière les premiers pas vers une organisation apprenante.
28. Charles Jennings
Consultant indépendant. Ancien Chief Learning Officer de Reuters ayant
une grande expérience de la planification et de la mise en œuvre de
solutions d’apprentissage pour les organisations
http://charles-jennings.blogspot.com/
Le Social Learning et l’apprentissage expérientiel : le nouvel Age d’Or
Nos savoirs viennent, pour la plupart, non pas d’une acquisition passive de
connaissances, mais plutôt d’une myriade d’expériences personnelles à laquelle
viennent s’ajouter notre pratique, nos interactions avec d’autres personnes et les
opportunités que nous avons de réfléchir à tout cela.
L’apprentissage est une initiative à la fois active et sociale.
Mais ceci n’a rien de nouveau. Il en est ainsi chez l’homme depuis qu’il existe. En
effet, les êtres humains apprennent d’abord en explorant et en partageant. Il en est
de même pour chaque individu que nous sommes : nous avons d’abord essayé de
marcher, parler, faire du vélo, et n’y sommes pas arrivés ; puis nous avons essayé
encore et encore jusqu’à y parvenir.
Cependant depuis l’époque de l’Académie de Platon, il y a plus de deux mille ans, le
modèle dominant pour enseigner et apprendre au sein d’un groupe a été le transfert
et l’acquisition de savoirs. On dominait les autres en enseignant plutôt qu’en
apprenant quelque chose d’eux. Ce que suppose ce modèle, c’est qu’un plus grand
nombre d’informations et des connaissances plus larges mènent forcément à une
augmentation des savoir-faire et un accroissement des performances.
Pourtant, nous nous rendons compte aujourd’hui que ce n’est pas nécessairement le
cas. Les liens entre savoir et savoir-faire, et entre savoir-faire et performance restent
encore à prouver, et s’expliquent mieux si l’on tient compte de l’expérience et des
interactions avec les autres. Ils ne sont pas le fruit d’un coup de baguette magique,
ou d’une simple acquisition d’informations ou de savoirs.
Nous savons bien sûr que l’information est importante ; mais nous savons également
qu’elle se conserve mieux dans des bibliothèques - et de plus en plus dans des
bibliothèques virtuelles - que dans nos têtes. La plupart des informations et des
savoirs que nous engrangeons et dont nous avons besoin pour travailler sont voués
à une vie courte et susceptibles d’être soit d’aucune utilité, soit faussés d’ici le jour où
nous nous en servirons. De nos jours, à une époque où le monde change
rapidement, il vaut mieux aller chercher les informations au moment où nous en
avons besoin, en temps et en heure, plutôt que d’essayer de tout stocker dans notre
tête.
Nous vivons dans un monde où l’accès surpasse toujours la connaissance. Ceux qui
savent comment chercher, trouver, et lier les choses entre elles réussiront. Par
contre, ceux qui s’appuient sur le savoir statique et les seuls savoir-faire échoueront.
29. Dans un monde riche en informations et en nouvelles technologies, le modèle
d’enseignement et d’apprentissage de Platon n’est plus valable. Nous entrons
désormais dans un monde où le pouvoir de l’expérience et de la conversation est
bien plus efficace que le savoir ou le savoir-faire, en tant que relais de la
performance.
Nous pénétrons dans le monde des fils de Socrate, où le dialogue et le conseil sont
des compétences clés. C’est un monde où la capacité à trouver les informations et à
les restituer au moment où on en a besoin est la clé de la compétitivité ; un monde
où connaître la bonne personne à qui poser la question adéquate est plus
susceptible de nous mener au succès que toute quantité de savoir et de savoir-faire
amoncelée dans son esprit et gardée pour soi.
Notre monde est « un monde fait d’autres ». C’est avec l’apprentissage expérientiel
et les médias sociaux que nous devons bâtir l’avenir. Et si nous sous-estimons la
force de ces deux aspects, c’est à nos risques et périls.
30. Christophe Deschamps
Consultant en intelligence économique, organisation personnelle et web
2.0. Son dernier ouvrage "Le nouveau management de l'information. La
gestion des connaissances au cœur de l'entreprise 2.0" chez FYP Editions.
http://www.outilsfroids.net/
"Les organisations apprennent d'individus qui apprennent"
Peter Senge
Des multiples recherches qu’il a mené sur les travailleurs du savoir Peter Drucker a
déduit qu’ils étaient, certes, attachés à l’organisation qui les employait, mais que leur
appartenance principale allait d’abord à la branche de connaissance dans laquelle ils
s’étaient spécialisés. En toute logique, un emploi qui ne leur permet pas de rester en
pointe, de progresser, est donc perçu par eux comme limitant et peu attractif. C’est
que, insécurité oblige, il se joue ici bien plus que le traditionnel contrat « travail contre
salaire », c’est dorénavant en échange de gages sur l’avenir qu’un knowledge worker
acceptera d’user de sa force de travail. Conscient qu’il ne fera pas toute sa carrière
dans une seule et même entreprise, il attend de celles qui l’emploient qu’elles
mettent tout en œuvre pour que son passage lui soit profitable et accroisse ses
compétences et son employabilité.
La formation tout au long de la vie trouve ici tout son sens et les entreprises, déjà
confrontées aux pertes de compétences engendrées par le « papy-boom », doivent
plus que jamais en tenir compte si elles veulent retenir leurs talents. La bonne
nouvelle pour elles c’est que les outils permettant de mettre en oeuvre cet
apprentissage au long cours sont désormais disponibles. Blogs, wikis et réseaux
sociaux d’entreprise, sans oublier le micro-blogging, peuvent devenir les vecteurs
d’un apprentissage social dont les travaux d’un Richard J. Light ont montré qu’il était
beaucoup plus efficace qu’un apprentissage individuel classique. Moins formalistes
que les bases de connaissances, ces outils, supports de la conversation dans les
organisations, nous permettent de saisir des connaissances formelles, mais aussi le
contexte informel qui les sous-tend et leur donne sens. Lorsqu’on sait que les
employés américains estiment que 25% seulement des connaissances utilisées dans
leur travail proviennent de leur formation initiale et que le reste est appris « sur le tas
», on saisit mieux l’importance que ces nouveaux outils pourront avoir (enquête
CapitalWorks – 2000). Ils génèrent de fait des espaces dans lesquels « s’installent »
naturellement les situations de « legitimate peripheral participation » dont Etienne
Wenger a montré l’importance dans l’acquisition de compétences nouvelles.
Reste à ce que les organisations ne se mettent pas à les déployer comme des
pompiers leur lance à incendie, mais dans une démarche à la fois réfléchie et
volontariste, seule gage de leur pertinence et de leur efficacité.
31. Julien Pouget
Consultant en management, spécialiste de la génération Y et des rapports
générationnels en entreprise.
http://lagenerationy.com/
Le social learning peut-être considéré comme un mode d'apprentissage qui s'appuie
sur les pratiques collaboratives et les technologies Internet qui leurs sont associées
(wiki, bookmarking, blog, etc.)
Arrimé aux constantes évolutions technologiques, ce mode d’apprentissage est
"agile" par nature. Il permet aux individus comme aux organisations d'apprendre plus
efficacement dans des contextes en rapide évolution.
Au-delà, l’émergence du social learning fait écho aux aspirations actuelles de
nombreux salariés. Parmi ces aspirations, on peut citer la quête de sens et la volonté
d’être plus acteur dans le cadre professionnel. On retrouve ici la notion
d’«empowerment» dans laquelle le collaborateur pilote son employabilité et son
devenir professionnel. Il est intéressant de noter que cette vision est partagée par les
pouvoirs publics lorsqu’ils positionnent le salarié au cœur dispositif de formation
continue.
Toutefois, pour s'imposer comme mode d’apprentissage crédible dans l’entreprise, le
social learning devra triompher de plusieurs obstacles:
- La conception traditionnelle de l'information, qui valorise le sachant comme celui
détenant un savoir à l’exclusion des autres. Cette conception, en contradiction totale
avec la posture collaborative, se retrouve encore fréquemment dans les entreprises.
L’exemple typique concerne l’accès des managers à l’information et le partage qu’ils
en font. Dans une majorité d’entreprise, le manager reste celui qui « sait avant » ou «
est seul à connaître » une information.
Mais il ne s’agit pas ici que d’un changement de mentalité. Cette conception
traditionnelle de l’information connaît de nombreuses traductions RH (modes de
rémunération notamment) qui seront potentiellement remises en cause par le
développement du social learning.
- Les réticences à l’égard des technologies et l’Internet. Ce frein est généralement
sous-estimé par les praticiens du web 2.0 qui ont du mal à imaginer que de
nombreux décideurs économiques ont une image négative d’Internet. Et pourtant, de
nombreux leaders penchent plutôt pour une limitation de sa présence dans
l’entreprise au nom de la productivité.
- La gestion de la confidentialité. Sur ce point, la richesse de l’apprentissage «
social » et les passerelles qu’il ouvre se heurtent aux préoccupations légitimes des
entreprises qui souhaitent préserver leur avantage concurrentiel.
32. Le social learning bénéficie cependant d’un atout majeur pour s’imposer en
entreprise : l’arrivée massive des « digital natives » dans l’entreprise. Ce phénomène
est de nature à modifier la donne pour les raisons suivantes :
- Les « digital natives » valorisent plus facilement la notion de partage et de
diffusion du savoir. Au credo traditionnel « Je sais donc je suis », les jeunes
opposent un « Je partage donc je suis » qui met l’accent sur la capacité à
transmettre et la réputation qui en résulte.
- Confrontés depuis leur naissance aux évolutions constantes des technologies et
des standards, ils montrent, au global, moins de réticences à l’égard des évolutions
technologiques.
- Enfin, et c’est probablement l’élément le plus décisif, les nouvelles générations
pensent, travaillent, et interagissent spontanément sur un mode plus collaboratif. Le
social learning constitue donc leur mode d’apprentissage naturel avec pour
conséquence le fait qu’ils en seront les apôtres.
Dans la mesure où cette génération représentera près de la moitié de la population
active dans 6 ans, la question du social learning se pose avec plus d’intensité. Il ne
s’agit plus d’être pour ou contre, mais de savoir si une entreprise qui souhaite être
compétitive peut en faire l’économie.
33. Lilian Mahoukou
Passionné les médias sociaux et de leurs impacts sur les organisations, il
collabore sur différents projets orientés "web social" (marketing, community
management, veille).
http://www.lilianmahoukou.net
En m'impliquant dans les twitter chats
J'ai tout de suite réalisé que les médias sociaux pouvaient apporter plus de valeur
aux "apprenants actifs"; ceux qui ont tendance à partager, à collaborer et à exprimer
leur opinion sur des sujets spécifiques. Internet nous permet d'apprendre mieux et
plus rapidement, quel que soit l'endroit du monde où l'on se trouve.
A propos du #lrnchat
Le #lrnchat (toujours actif) a été lancé par Marcia Conner (@MarciaMarcia
<http://www.twitter.com/marciamarcia>). Des spécialistes et des passionnés de
l'apprentissage se rassemblent autour de quelques questions pour discuter des
nouvelles tendances chaque Jeudi. Tout ceci, en passant par Twitter avec un
hashtag connu de chacun (#lrnchat), que tous utilisent dans leurs tweets.
C'est le parfait portrait de ce qu'est le "social learning" :
- un sujet clair et une série de conversations
- pas d'enseignant, ni de tuteur, mais un leader (reconnu) de la communauté
- des apprenants motivés qui décident librement de leur participation
- de la diversité dans les profils, de manière à élargir le champ des
perceptions
- quelques "champions" pour booster le mouvement de la communauté
- un usage diversifié des médias sociaux (communication, partage,
collaboration)
- une circulation fluide des connaissances au sein de la communauté
Oubliez le mot "social"
Si vous suivez toutes les conversations dans la blogosphère, on parle de plus en
plus de "social" et de moins en moins de "2.0".
Nous devons, certes, mettre un nom sur le changement de paradigme qui s'opère
dans l'apprentissage. Au bout du compte, "Social" signifie plus de contenus générés
par les personnes (des apprenants dans notre cas), moins de contrôle et moins de
rapports hiérarchiques.
C'est un grand challenge pour les tuteurs/formateurs qui, dans un premier temps, ont
besoin de comprendre les différents enjeux et d'écouter ce qui se dit au sujet du
"social learning".
34. Il est tentant de grimper dans ce wagon. Le risque serait une trop grande focalisation
sur les outils, au détriment des objectifs de fond.
Quelle que soit l'appellation choisie, le "social learning" est loin d'être une mode.
C'est une tendance émergente qui transformera la manière dont nous apprenons et
qui rendra les organisations apprenantes.